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NFFN - Comité permanent

Finances nationales

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Finances nationales

Fascicule 25 - Témoignages du 28 janvier 2015


OTTAWA, le mercredi 28 janvier 2015

Le Comité sénatorial permanent des finances nationales se réunit aujourd'hui, à 18 h 45, pour étudier la teneur du projet de loi C-520, Loi visant à soutenir l'impartialité politique des bureaux des agents du Parlement.

Le sénateur Joseph A. Day (président) occupe le fauteuil.

[Français]

Le président : Honorables sénatrices et sénateurs, ce soir nous allons poursuivre notre étude du projet de loi C-520, Loi visant à soutenir l'impartialité politique des bureaux des agents du Parlement.

[Traduction]

Nous avons entrepris hier notre étude du projet de loi C-520 en recevant son parrain, M. Mark Adler, député de York Centre en Ontario. Nous avons le plaisir d'accueillir ce soir un groupe d'éminents témoins : Anne-Marie Robinson, présidente de la Commission de la fonction publique du Canada; Michael Ferguson, vérificateur général du Canada; Daniel Therrien, commissaire à la protection de la vie privée du Canada; et Graham Fraser, commissaire aux langues officielles. Notre dernière invitée, et certainement pas la moindre — nous sommes tous égaux ici — est Suzanne Legault, la commissaire à l'information du Canada.

Je crois que vous avez tous une brève déclaration préliminaire à nous faire, après quoi nous passerons, comme vous le savez, aux questions des membres du comité. Je propose que nous débutions par Mme Robinson avant de continuer en suivant l'ordre dans lequel vous êtes assis.

[Français]

Anne-Marie Robinson, présidente, Commission de la fonction publique du Canada : Permettez-moi de vous remercier, monsieur le président, ainsi que les membres du comité, de l'invitation à venir discuter avec vous du projet de loi C-520.

[Traduction]

Notre analyse du projet de loi C-520 repose sur la perspective et l'expérience uniques acquises par notre organisation quant à l'administration de l'impartialité politique. Le mérite et l'impartialité politique sont les pierres angulaires d'une fonction publique professionnelle et du régime parlementaire inspiré du modèle de Westminster.

[Français]

De fait, le mérite et l'impartialité sont en cœur du mandat de la Commission de la fonction publique. Nous reconnaissons l'objectif du projet de loi d'accroître la transparence et la responsabilisation tout comme nous sommes déterminés à veiller à ce que les fonctionnaires remplissent leurs fonctions en toute impartialité.

[Traduction]

La commission craint toutefois que le projet de loi proposé ait des répercussions importantes sur notre système de nomination fondé sur le mérite. Le Canada bénéficie depuis 1908 d'un système de dotation fondé sur le mérite pour les nominations à la fonction publique fédérale. Ce système de dotation repose sur un certain nombre d'exigences énoncées dans la Loi sur l'emploi dans la fonction publique. Une de ces exigences prévoit que l'évaluation des candidats aux fins de nomination à un poste doit porter uniquement sur les qualifications requises pour exercer les fonctions du poste. Cela signifie que l'évaluation des candidats doit reposer exclusivement sur les compétences nécessaires à l'exercice des fonctions. Autrement dit, seulement les renseignements requis pour le processus d'évaluation et de nomination sont recueillis auprès des candidats.

Le projet de loi C-520 propose de changer substantiellement le système actuel. Ce projet de loi exigerait que tous les candidats aux postes à combler dans les bureaux des agents du Parlement, et non seulement les candidats retenus, fournissent de l'information sur leurs allégeances politiques antérieures, le plus tôt possible dans le cadre du processus de sélection. La raison d'être de cette exigence additionnelle n'est pas claire.

Même si ce n'est peut-être pas l'intention du projet de loi, le fait de demander de l'information sur les allégeances politiques antérieures va à l'encontre de la loi en vigueur et risque de donner l'impression que cette information sera prise en compte dans le cadre du processus de sélection. Le fait que la commission n'exige aucune information sur les allégeances politiques est un facteur essentiel pour assurer la confiance du public et des candidats à l'égard de l'impartialité et de la justice du système de nomination fondé sur le mérite.

[Français]

De plus, cette exigence du projet de loi s'applique indistinctement à tous les fonctionnaires, peu importe leur niveau de classification ou la nature de leurs fonctions, sans tenir compte des risques particuliers associés à leurs fonctions. Les agents du Parlement pourraient aussi avoir de la difficulté à recruter des employés.

[Traduction]

Dès leur nomination, les fonctionnaires peuvent exercer leurs fonctions dans le cadre du système actuel en toute impartialité.

Premièrement, le Code de valeurs et d'éthique du secteur public exige déjà que les fonctionnaires exercent leurs fonctions de façon non partisane et impartiale. Tous les administrateurs généraux, y compris sept des neuf agents du Parlement, doivent s'assurer de la mise en œuvre efficace du code au sein de leur organisation. Ils disposent aussi de tous les outils nécessaires pour prendre les mesures correctives qui s'imposent. De plus, le commissaire à l'intégrité du secteur public peut mener une enquête sur toute contravention grave au code.

Deuxièmement, un système est déjà en place pour régir les activités politiques des fonctionnaires. Le Parlement a modifié la Loi sur l'emploi dans la fonction publique en 2005 afin de reconnaître aux fonctionnaires le droit de se livrer à des activités politiques tout en respectant le principe d'impartialité politique au sein de la fonction publique. Ces modifications reflètent les principes énoncés par la Cour suprême du Canada dans la décision Osborne. Selon la Loi sur l'emploi dans la fonction publique, les activités politiques englobent toute activité exercée pour soutenir un parti politique ou un candidat ou s'y opposer, ou le fait d'être candidat à une élection ou de tenter de le devenir.

Le système actuel permet de maintenir un juste équilibre entre les droits des fonctionnaires et leurs obligations en tant qu'employés. Selon les résultats de notre sondage sur la dotation, de 4 à 7 p. 100 seulement des fonctionnaires se livrent à des activités politiques non liées à une candidature électorale, comme le fait de poser une affiche sur leur terrain ou de faire du bénévolat pour un candidat.

La Loi sur l'emploi dans la fonction publique exige aussi que les fonctionnaires demandent une permission s'ils veulent présenter leur candidature à une élection fédérale, provinciale, territoriale ou municipale, en plus de conférer à la commission le pouvoir d'accorder cette permission ainsi que d'obliger l'employé à prendre un congé sans solde dans certaines circonstances. Si un fonctionnaire est élu aux termes d'une élection fédérale, provinciale ou territoriale, il perd sa qualité de fonctionnaire.

En vertu de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique, il est interdit aux administrateurs généraux, y compris sept des neuf agents du Parlement, de se livrer à toute activité politique, sauf de voter. La loi habilitante des deux autres agents du Parlement restreint toute activité incompatible avec leur poste.

[Français]

La commission aussi peut mener une enquête sur les allégations soulevées par toute personne concernant la participation d'un fonctionnaire fédéral à des activités politiques irrégulières. Si les allégations sont fondées, la commission peut prendre les mesures correctives qu'elle estime appropriées, y compris la destitution du fonctionnaire.

D'après notre expérience, les cas d'activités politiques irrégulières sont peu nombreux et une intervention appropriée a été mise de l'avant chaque fois qu'une telle situation s'est présentée. La CFP dispose aussi d'un solide programme qui permet d'offrir des conseils et des outils aux fonctionnaires pour les informer de leurs droits et les aider à prendre des décisions éclairées.

De plus, la commission ne peut déléguer aucun de ses pouvoirs liés aux activités politiques, contrairement à certains autres pouvoirs.

[Traduction]

Nous craignons aussi, monsieur le président, que le projet de loi C-520 mette en place un système de surveillance et de conformité qui fera double emploi avec le système actuel et risquera d'avoir des répercussions importantes sur les fonctionnaires et sur leurs droits. La Loi sur l'emploi dans la fonction publique reconnaît que les fonctionnaires ont le droit de se livrer à des activités politiques, à condition que cela ne porte pas atteinte, ou ne semble pas porter atteinte, à leur capacité d'exercer leurs fonctions de façon politiquement impartiale. Les facteurs à prendre en considération incluent la nature de l'activité politique, les fonctions de l'employé ainsi que le niveau de classification et le degré de visibilité du poste.

La fonction publique fédérale bénéficie d'un effectif embauché selon le mérite et composé de citoyens engagés dont les antécédents et l'expérience varient, mais qui doivent tous exercer leurs fonctions de façon impartiale sur le plan politique dès leur nomination à la fonction publique.

C'est avec plaisir que je répondrai aux questions, monsieur le président, après les déclarations de mes collègues.

Le président : Merci beaucoup. Nous passons maintenant à M. Ferguson.

[Français]

Michael Ferguson, vérificateur général du Canada, Bureau du vérificateur général du Canada : Monsieur le président, je vous remercie de me donner l'occasion de discuter du projet de loi C-520.

[Traduction]

En premier lieu, j'aimerais dire qu'au Bureau du vérificateur général, nous sommes résolus à exercer nos fonctions d'une manière juste, indépendante et impartiale. Nous avons d'ailleurs des processus qui nous permettent de vérifier régulièrement notre indépendance. Pour ces raisons, je tiens à dire clairement qu'à mon avis, il n'y a rien dans le projet de loi qui pourrait nous amener à faire davantage pour maintenir notre indépendance, et que, par conséquent, ce projet de loi ne m'apparaît pas nécessaire.

J'ai récemment cosigné une lettre avec d'autres agents du Parlement. Dans cette lettre, nous affirmons que, malgré les changements apportés au projet de loi pour donner suite à certaines des préoccupations que nous avons soulevées par le passé, il reste des points épineux qui, selon moi, rendent le projet de loi difficile à comprendre.

[Français]

D'abord, le projet de loi mentionne les termes « activités politiques » et « activités partisanes » sans toutefois les définir. Cette absence de définition peut rendre l'interprétation du projet de loi difficile. Par exemple, l'objet de la loi, énoncé à l'article 3, laisse croire que les activités partisanes sont permises dans la mesure où les conflits sont évités. Cependant, au paragraphe 2(3), il est mentionné que la loi n'a pas pour effet d'autoriser un employé à se livrer à des activités politiques.

[Traduction]

Le paragraphe 6(1) du projet de loi est également difficile à comprendre. Il impose à toute personne qui présente sa candidature à un poste dans le bureau d'un agent du Parlement de produire, dès que possible après le début du processus de sélection, une déclaration indiquant si elle a occupé ou non un poste partisan au cours des 10 années précédant sa demande d'emploi. Le projet de loi ne précise toutefois pas comment l'agent du Parlement doit traiter cette information. Est-il censé l'utiliser de quelque façon au cours du processus de sélection ou ne pas en tenir compte? Si l'agent du Parlement doit ignorer cette information, alors pourquoi la demander en cours de processus, et non après que le candidat a été choisi? Si nous sommes censés utiliser l'information de quelque manière au cours du processus de sélection, nous nous plaçons dans une situation de violation de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique, laquelle précise que le choix d'un candidat doit être fondé sur le mérite.

[Français]

En vertu de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique, si un candidat déclare avoir occupé dans le passé un poste partisan et que, en raison du principe du mérite, il n'obtient pas un poste, il pourrait contester la décision de ne pas l'embaucher en alléguant que sa déclaration a influencé le processus de sélection.

Je suis également préoccupé par le paragraphe 6(2), qui précise que toute personne qui travaille dans le bureau d'un agent du Parlement et qui entend occuper simultanément un poste partisan est tenue de produire une déclaration écrite faisant état de son intention. Cette disposition semble être en conflit direct avec le paragraphe 2(3) qui statue que la loi n'a pas pour effet d'autoriser un employé à se livrer à des activités politiques.

[Traduction]

D'autres points me préoccupent aussi. Le projet de loi exige que tous les employés produisent des déclarations écrites faisant état des postes partisans qu'ils ont occupés au cours des 10 années précédant leur entrée au bureau. Il serait ainsi possible qu'un employé ait à divulguer un poste occupé 35 ans plus tôt. De plus, il se peut qu'un employé ne soutienne plus le parti pour lequel il a travaillé dans le passé.

[Français]

Enfin, le projet de loi ne précise pas la période pendant laquelle l'information doit être conservée et publiée sur le Web, ni dans quelles circonstances, telle une cessation d'emploi, cette information peut être retirée. Monsieur le président, j'espère que mes commentaires seront utiles aux membres du comité qui amorcent l'étude du projet de loi C-520. Je répondrai avec plaisir à toutes vos questions.

Le président : Merci beaucoup, monsieur Ferguson, pour vos commentaires. Nous allons continuer avec M. Therrien.

Daniel Therrien, commissaire à la protection de la vie privée du Canada, Commissariat à la protection de la vie privée du Canada : Honorables sénateurs, je vous remercie de m'avoir invité à prendre la parole ce soir pour parler des enjeux liés à la protection de la vie privée que soulève le projet de loi C-520.

À titre d'agent du Parlement, j'adhère pleinement aux principes d'impartialité, d'indépendance et de neutralité politique. Je me permets de référer à la lettre adressée à ce comité par les agents du Parlement, qui souligne nos préoccupations concernant certains aspects du projet de loi et notre appui aux principes d'impartialité et de transparence, avec lesquels je suis d'accord.

Plutôt que de répéter le contenu de cette lettre, mes commentaires ce soir porteront expressément sur les enjeux liés à la protection de la vie privée que soulève ce projet de loi. Il y a trois préoccupations liées à la vie privée, selon moi. La première concerne la publication en ligne de l'information au sujet de l'association passée d'une personne avec un parti politique, alors que cette information constitue, selon les tribunaux, un renseignement personnel sensible.

Deuxièmement, il y a l'application systématique des exigences de communication obligatoire de toute activité politique passée de tous les employés, sans égard à l'influence associée à leur poste.

Troisièmement, il y a la longue période visée par l'obligation de déclaration sous le régime du projet de loi pour les nouveaux candidats, et plus particulièrement, pour les employés en poste.

Monsieur le président, au moment d'examiner les répercussions qu'aurait une activité gouvernementale proposée, telle que le projet de loi devant vous aujourd'hui, sur la protection de la vie privée, le Commissariat à la protection de la vie privée prend en compte quatre critères : la nécessité, l'efficacité et la proportionnalité de toute mesure envisagée. On se demande aussi s'il existe d'autres solutions qui porteraient moins atteinte à la vie privée.

Je parlerai des quatre critères en faisant référence à certaines difficultés que mes collègues ont déjà mentionnées. Pour ce qui est de la nécessité, les nouvelles règles semblent généralement faire double emploi. Comme le disait Mme Robinson, de nombreuses mesures sont déjà en place pour assurer la neutralité politique. Je ne les répéterai pas ici, mais il y en a plusieurs, y compris le Code de valeurs et d'éthique de la fonction publique et la Loi sur l'emploi dans la fonction publique.

[Traduction]

Quant à la question de l'efficacité globale, je m'interroge ici à savoir quel but précis le nouveau régime cherche à atteindre. En vertu de ce projet de loi, les candidats à des postes dans les bureaux des agents du Parlement doivent déclarer leurs activités politiques antérieures, mais que doivent faire les agents du Parlement avec cette information? Ce n'est pas clair. Ou, pour poser la question autrement, quel est le problème particulier que tente de régler ce projet de loi? Il est difficile d'évaluer l'efficacité sans avoir de réponse claire à ces questions.

De plus, toujours concernant l'efficacité, la proposition comporte certaines lacunes techniques que le vérificateur général vient d'ailleurs de relever. Ces lacunes font en sorte qu'il deviendra difficile de savoir comment interpréter et appliquer ce projet de loi, s'il est adopté. Du point de vue de la protection de la vie privée, ce manque de clarté nous incite à nous interroger quant à l'efficacité de ce projet de loi.

Cette question nous amène à un autre aspect du projet de loi, à savoir sa proportionnalité. L'obligation de communication publique imposée au personnel semble trop large, car elle s'applique de façon universelle à tous les employés, peu importe leur niveau relatif, leur poste ou leur influence particulière sur le processus décisionnel en tant qu'individus. Par exemple, devrait-elle s'appliquer au personnel de la salle de courrier de la même manière qu'aux membres de la haute direction?

En outre, sans définition claire d'expressions comme « activités partisanes », les candidats à des postes au sein des bureaux des agents du Parlement pourraient se sentir obligés de déclarer des activités qui ne sont pas censées l'être et qui pourraient être protégées en vertu de la Charte. Pourrait-on considérer, par exemple, que l'expression « activités partisanes » s'applique non seulement aux employés rémunérés des partis politiques, mais également à d'autres personnes, comme des bénévoles? Les candidats se sentiraient-ils obligés de déclarer le simple fait d'avoir été, par le passé, membres d'un parti politique? Cette ambiguïté dans la loi pourrait avoir comme conséquence involontaire de décourager la participation politique, un droit protégé par la Constitution.

Enfin, j'aimerais signaler que l'étendue de la période de déclaration s'applique de façon inégale aux employés en poste en raison des dispositions transitoires énoncées à l'article 8 du projet de loi. J'entends par là que certains employés déjà en poste peuvent être tenus de communiquer une activité partisane remontant à 20 ou 30 ans, au moment où ils sont entrés dans la fonction publique fédérale. En revanche, un nouveau candidat serait tenu de produire une déclaration se rapportant seulement aux 10 années précédant la présentation de sa candidature.

Je vous remercie, mesdames et messieurs les sénateurs et monsieur le président. Je répondrai avec plaisir à vos questions après les déclarations de mes collègues.

Le président : Merci beaucoup, monsieur Therrien. Vous avez soulevé des questions très intéressantes pour lesquelles nous n'avons toujours pas de réponses. Je vous en remercie.

Graham Fraser, commissaire aux langues officielles, Commissariat aux langues officielles : Monsieur le président, honorables membres du comité, bonsoir. Merci de m'offrir cette occasion de vous rencontrer concernant le projet de loi C-520.

Tout d'abord, je tiens à mentionner que j'appuie sans réserve les points de vue exprimés dans la lettre que nous avons conjointement signée à titre d'agents du Parlement. Je suis particulièrement préoccupé par l'apparence de conflit entre ce projet de loi, d'une part, et la Loi sur l'emploi dans la fonction publique et le Code de valeurs et d'éthique du secteur public, d'autre part, de même que par l'incidence du projet de loi sur le processus d'embauche et les enjeux touchant la protection de la vie privée.

[Français]

Sur le plan personnel, j'ai appris, à titre d'ancien journaliste, l'importance non seulement de l'impartialité, mais de l'apparence même d'impartialité. Au cours de ma carrière de journaliste, j'ai couvert les activités des gouvernements de toute allégeance politique, et je suis fier d'avoir maintenu une réputation d'impartialité. En même temps, j'ai toujours eu le plus grand respect pour l'activité partisane comme forme d'engagement public. Très souvent, en effet, les gens qui ont un rôle à jouer dans le cadre d'activités partisanes le font dans le but d'améliorer la société.

[Traduction]

Très souvent, si ce n'est dans tous les cas, les gens qui ont un rôle à jouer dans le cadre d'activités partisanes le font dans le but d'améliorer la société. De nombreuses personnes, qui ont collaboré sur le plan politique avec un ministre ou un député, ont par la suite commencé à travailler à la fonction publique. J'ai toujours considéré que c'était une excellente chose; certains des sous-ministres les plus éminents du Canada ont fait leurs premiers pas à Ottawa comme collaborateurs politiques. Je m'inquiète de la possibilité que ce projet de loi fasse de l'engagement partisan une activité illégitime, un boulet que l'on traîne, plutôt qu'un atout.

[Français]

Dans sa présentation à un comité de la Chambre des communes, le député de York-Centre a dit ce qui suit des agents du Parlement : « Ces gens sont là pour juger les députés. » Je dirais plutôt le contraire de M. Adler. Ce sont les parlementaires qui me jugent. Ils m'ont posé des questions sur mes qualifications avant de me nommer au poste que j'occupe aujourd'hui. Ils peuvent m'obliger à témoigner devant eux, me contre-interroger, me critiquer et me congédier. Je vous fais rapport de la capacité des institutions fédérales d'assumer leurs responsabilités en vertu de la loi.

[Traduction]

À titre de commissaire aux langues officielles, je dois m'assurer que les employés du commissariat interprètent correctement la Loi sur les langues officielles, c'est-à-dire de façon ni trop générale ni trop restrictive, mais plutôt, comme l'a dit la Cour suprême, de manière généreuse et libérale. En tant qu'agent du Parlement, je peux être appelé à tout moment à justifier les positions que j'ai prises.

J'assume ces responsabilités depuis huit ans et la partisanerie n'a jamais teinté le travail du commissariat. Nous avons eu à l'interne de vigoureuses discussions sur de nombreux sujets, par exemple sur la recevabilité d'une plainte, les recommandations les plus judicieuses dans une situation donnée ou la pertinence que j'intervienne dans une affaire judiciaire. Je suis fier de la détermination des employés du commissariat à bien remplir notre mandat.

[Français]

Tous ceux qui travaillent au commissariat cautionnent les principes de la loi, et je suis témoin, chaque jour, de leur engagement en ce sens. Je n'ai jamais senti que ces débats internes étaient soumis à des considérations partisanes. Au contraire, ces échanges étaient d'une entière honnêteté, les opinions sur l'interprétation et l'application de la loi, sur mes responsabilités à titre de commissaire et sur les moyens d'obtenir des résultats positifs ont toujours été d'une grande franchise. Cependant, la décision ultime sur ces questions demeure la mienne et la mienne seule.

[Traduction]

Le commissariat est une petite organisation et ceux qui y travaillent doivent avoir une expérience variée qui touche les enjeux régionaux, les techniques d'enquête, les politiques, les services ministériels, les services juridiques, les communications et les affaires parlementaires. Et pour moi, l'expérience de la politique constitue un atout, plutôt qu'un handicap.

J'aimerais terminer en vous expliquant pourquoi les activités partisanes précédentes n'affectent en rien nos mandats. Chacun de nos bureaux a été créé parce que les parlementaires ont décidé qu'il s'agissait de valeurs canadiennes qui transcendaient les différences partisanes et le gouvernement de l'époque. Bien que les gouvernements et les politiques changent, nos mandats, ainsi que les valeurs fondamentales que nous protégeons et dont nous faisons la promotion, ne changent pas.

[Français]

Il n'y a pas de vérifications partisanes; il y a des vérifications régies par des normes de vérification professionnelles. Il n'y a pas d'élections partisanes; il y a des élections intègres régies selon nos principes démocratiques. De même, il n'existe pas d'interprétation partisane de la Loi sur les langues officielles; la loi parle d'elle-même. Je rends des comptes au Parlement à savoir si les institutions sujettes à la loi s'acquittent de leurs obligations, et non, dans aucun cas, selon des considérations partisanes.

[Traduction]

Si un parlementaire estime que mes décisions ont été ou ont semblé être teintées de considérations partisanes, je serai heureux de témoigner devant le comité approprié pour expliquer ce qui a motivé ces décisions.

Merci de m'avoir écouté. Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions et, avec votre permission, monsieur le président, j'aimerais déposer le Code de conduite de notre organisation, un document dans les deux langues officielles qui traite notamment des questions de partisanerie.

Le président : Je vous remercie. Nous vous sommes reconnaissants de nous transmettre ce document.

Avant de laisser la parole à Mme Legault, je veux apporter une précision concernant la lettre à laquelle vous avez fait référence. J'en ai moi-même parlé hier lorsque nous accueillions le parrain du projet de loi. Cette lettre a été versée aux dossiers du comité, et nous vous remercions de l'avoir envoyée.

Suzanne Legault, commissaire à l'information du Canda, Commissariat à l'information du Canada : Honorables sénateurs, merci beaucoup de me donner ce soir l'occasion de parler du projet de loi C-520.

[Français]

Je vous remercie de me donner l'occasion de parler du projet de loi C-520. Afin de bien évaluer les répercussions de ce projet de loi et d'en comprendre la proportionnalité comme le mentionnait mon collègue, il est important de comprendre le mandat et la réalité opérationnelle de chaque agent du Parlement.

La Loi sur l'accès à l'information requiert que la commissaire à l'information prenne part exclusivement aux fonctions qui lui sont conférées. La loi m'interdit d'exercer toute autre charge ou d'occuper tout autre emploi. Les mêmes restrictions s'appliquent à la commissaire adjointe à l'information. Tous les autres employés de mon bureau sont des fonctionnaires. Par conséquent, ils sont régis par la Loi sur l'emploi dans la fonction publique. Ce régime a été décrit par Mme Robinson, qui est la présidente de la Commission de la fonction publique. Mes employés doivent donc adhérer au Code de valeurs et d'éthique du secteur public, ainsi qu'au Code de valeurs et d'éthique de mon bureau. L'exercice non partisan de leurs fonctions est une condition d'emploi.

De plus, toute personne qui travaille dans mon bureau et qui procède à des enquêtes doit repérer, selon nos règles internes, tout conflit d'intérêt réel ou potentiel dès que l'on attribue un dossier d'enquête. Si un conflit est souligné, le dossier est immédiatement réassigné.

À titre de commissaire à l'information du Canada, j'enquête sur des plaintes qui portent sur la demande ou l'obtention de documents en vertu de la loi. Je délègue mes pouvoirs en vertu de la loi aux enquêteurs du commissariat. En vertu de cette délégation explicite de mes pouvoirs, il y a très peu de personnes au Commissariat à l'information du Canada qui ont un pouvoir décisionnel final dans le cas des enquêtes.

Depuis 2009, mon équipe et moi avons complété plus de 10 000 enquêtes. Toutes les conclusions de nos enquêtes sont fondées sur des faits et sur l'application de la loi. En plus de 30 ans d'existence, le Commissariat à l'information n'a jamais vu aucune de ces enquêtes déclarées comme étant biaisées par la Cour fédérale.

Il convient de noter, par ailleurs, pour suppléer aux points de mon collègue, que la Loi sur l'accès à l'information ne s'applique pas aux parlementaires, ni au cabinet ministériel. Elle ne s'applique ni au Sénat, ni à la Chambre des communes.

Lorsque j'ai examiné ce projet de loi, j'ai consulté mes employés pour comprendre leur point de vue sur la façon dont il pouvait les toucher. La plupart d'entre eux étaient très préoccupés par ce projet de loi. Selon eux, le projet de loi pouvait entraver leur capacité d'exécuter leurs tâches, de préserver l'intégrité de leurs enquêtes et de protéger leur réputation. Certains ont affirmé que le projet de loi aurait pu influencer leur décision de postuler pour un emploi au commissariat.

D'autres ont par ailleurs indiqué que l'adoption du projet de loi pourrait influencer leur décision de rester à l'emploi du commissariat. Comme vous pouvez l'imaginer, je suis extrêmement préoccupée par les répercussions d'un tel projet de loi sur la capacité de recruter les meilleurs candidats et de conserver mes employés actuels.

[Traduction]

On fait valoir que ce projet de loi constitue un moyen d'accroître la transparence et la responsabilisation. Évidemment, je suis une championne de la transparence. Cependant, cela ne signifie pas que je recommande la divulgation de toute l'information dans tous les cas. Dans une décision récente, la Cour suprême du Canada a statué comme suit :

Les lois sur l'accès à l'information servent un intérêt public important, à savoir, faire en sorte que l'État rende des comptes aux citoyens. Une société ouverte et démocratique commande l'accès des citoyens aux documents de l'État afin de permettre le débat public sur la conduite des institutions gouvernementales.

Toutefois, comme tous les droits reconnus, le droit d'accès à l'information n'est pas illimité. Toutes les lois canadiennes sur l'accès à l'information établissent un équilibre entre l'accès aux documents de l'État et la protection d'autres droits auxquels la communication inconditionnelle de ces documents risquerait de porter atteinte.

Le projet de loi C-520 risquerait de porter atteinte à la protection des renseignements personnels des employés et agents du Parlement. La protection des renseignements personnels fait l'objet d'une exception de divulgation en vertu de la Loi sur l'accès à l'information. Mon examen préliminaire du projet de loi me donne à penser que la plupart des renseignements personnels devant être divulgués aux termes du projet de loi C-520 seraient probablement protégés en vertu de la Loi sur l'accès à l'information.

L'objectif déclaré du projet de loi est de prévenir les conflits qui pourraient survenir ou sembler survenir entre les activités partisanes passées ou futures des employés et les fonctions et les responsabilités officielles de ces mêmes employés travaillant pour le bureau d'un agent du Parlement. La seule conclusion qui me vient après de nombreuses lectures de ce projet de loi, monsieur le président, est qu'une activité politique ou partisane passée pourrait être utilisée pour soulever l'existence d'un parti pris possible dans la conduite d'une enquête ou d'une vérification. Si le but de la collecte et de la publication de ces renseignements personnels est de faire valoir la partialité de nos enquêtes ou de nos vérifications, alors cela soulève de très sérieux problèmes. Cela pourrait avoir une incidence sur l'intégrité de nos enquêtes, les politiser et nuire à notre efficacité en tant qu'agents du Parlement.

Enfin, certains d'entre vous ont posé hier des questions sur la constitutionnalité de ce projet de loi, au vu des répercussions possibles sur le droit à la vie privée, à la liberté d'expression et à la liberté d'association. À mon avis, ce sont là d'excellentes questions. Je ne suis pas certaine de savoir comment on peut obtenir, à ce stade, une quelconque assurance que les répercussions sur ces droits ont été adéquatement évaluées à la lumière des divers mandats de chacun des agents, des diverses fonctions exercées par nos employés, de la nécessité d'adopter ce projet de loi pour répondre aux préoccupations puisqu'aucune n'a été soulevée, et l'assurance aussi, que le projet de loi constitue une limitation raisonnable des droits de nos employés.

Monsieur le président, je me ferai un plaisir de répondre à vos questions. Vous pouvez bien sûr être assuré de mon engagement à aider le comité dans ses délibérations sur ce projet de loi.

Le président : Merci. Avant de laisser la parole aux sénateurs qui souhaitent vous poser leurs questions, j'estime important d'apporter une précision concernant un commentaire cité par M. Fraser.

Monsieur Fraser, vous avez indiqué que le parrain de ce projet de loi avait déclaré que les agents du Parlement sont là pour juger les députés. Notre comité a effectué deux études portant sur les agents du Parlement. Les rapports découlant de ces deux études sont d'ailleurs accessibles à tous sur notre site web. Il est important que vous sachiez que les membres de notre comité comme l'ensemble des sénateurs apprécient grandement le travail accompli par les agents du Parlement. Vous nous aidez à remplir notre mandat, et nous en sommes conscients. Nous avons mené ces études dont je vous parlais afin de voir ce que nous pourrions faire pour veiller à ce que vous puissiez continuer à travailler efficacement et en toute indépendance. Comme vous avez cité ce commentaire, je tenais à apporter cette clarification. Je ne voudrais pas que les gens puissent penser que nous sommes du même avis, car c'est plutôt le contraire.

M. Fraser : Merci, monsieur le président.

Le président : Nous allons débuter avec la sénatrice Eaton de Toronto.

La sénatrice Eaton : Madame Robinson, vous avez parlé d'autoréglementation et d'impartialité politique. Pourriez-vous me donner des exemples de mesures que vous prenez à cette fin?

Mme Robinson : Oui, merci pour la question. La commission réglemente deux types d'activités politiques auxquelles peuvent se livrer les fonctionnaires. Il y a d'abord ceux qui se portent candidats à une élection. Ils doivent alors demander à la commission l'autorisation de le faire. Dans certaines circonstances, nous pouvons leur imposer des conditions — par exemple, l'obligation de prendre un congé sans solde. Comme je l'indiquais, un fonctionnaire élu au terme d'une élection fédérale, provinciale ou territoriale est tenu de démissionner.

L'autre type d'activités politiques est ce que nous appelons le type non lié à une candidature électorale, dans le cadre duquel un fonctionnaire pourrait vouloir se livrer à une activité à l'appui d'un parti politique ou contre ce dernier, par exemple, en posant une affiche sur sa pelouse ou peut-être en soutenant quelqu'un lors d'une campagne. Les fonctionnaires dans cette situation décident de leur propre chef s'ils participeront à des activités politiques, mais il existe un vaste réseau de soutien au sein du gouvernement. Nous proposons de nombreux outils et des vidéos sur notre site web, notamment un outil de prise de décision pour les aider à savoir si une activité est appropriée, en déterminant si elle nuirait à leur capacité, par exemple.

La sénatrice Eaton : Cela dépend-il des fonctions qu'ils assument dans le cadre de leur travail?

Mme Robinson : Il y a un test comprenant trois parties : la nature de l'activité, le degré de visibilité du poste et la nature des tâches. Nous examinons des facteurs comme le genre de pouvoirs décisionnels que le fonctionnaire aurait et la visibilité qu'il a dans l'œil du public. Chaque situation doit être étudiée au cas par cas.

Chaque ministère dispose d'un représentant qui aide les employés à en arriver à la bonne décision. L'objectif consiste à trouver un sain équilibre entre le droit d'expression des fonctionnaires et la protection de la nature impartiale de la fonction publique.

À l'occasion, nous recevrons une plainte. Nous avons le pouvoir de mener une enquête et de prendre des mesures correctives au besoin. En ce qui concerne les activités non liées à une candidature politique, il n'y a eu que cinq cas depuis 2005.

La sénatrice Eaton : Cinq plaintes?

Mme Robinson : Non, il y a eu plus de plaintes, mais nous n'avons décelé que cinq cas dans le cadre desquels des fonctionnaires s'étaient livrés à des activités politiques inappropriées. Nous prenons ensuite les mesures correctives qui s'imposent. Sur une population de 230 000 fonctionnaires, il y a eu très peu de cas en 9 ou 10 ans.

La sénatrice Eaton : Je suppose que je trouve cela difficile. J'aurais cru, probablement en raison de mon ignorance, qu'à titre de commissaires ou de chefs de vos organismes, il serait plus important que vous soyez impartiaux que vos employés ne le soient. Suis-je folle de le penser? Je suis certaine que vous êtes tous impartiaux, mais...

M. Fraser : C'est exact, et il nous est interdit de nous livrer à toute activité politique, à part voter. C'est indiqué très clairement.

La sénatrice Eaton : Merci.

Le président : Je pense que la question qui nous brûle les lèvres, c'est pourquoi ce projet de loi a été amendé pour vous exclure de l'application de la loi. Nous comprenons que vous l'avez demandé, mais pouvez-vous nous indiquer pourquoi le projet de loi a été modifié?

Mme Legault : Je peux répondre. Selon ce dont je me souviens, c'est parce que nous ne sommes pas autorisés à le faire. Il y avait un conflit, car dans les versions précédentes du projet de loi, on laissait presque entendre que nous y étions autorisés, mais que nous devions faire une déclaration à ce sujet, alors qu'en fait, il nous est interdit de le faire. C'était vraiment insensé parce qu'on m'interdit de le faire dans ma propre loi; mais je crois — et Mme Robinson peut faire un commentaire à ce sujet — qu'à titre de chefs d'un organisme public ou de hauts fonctionnaires, on nous interdit de le faire. Cela découle, ici encore, de la décision Osborne prise en 1991.

Le président : Je comprends, mais cette mesure ne vous autorise pas à participer; elle n'exige qu'une déclaration de votre part sur vos activités politiques antérieures. Pourquoi cela ne devrait-il pas s'appliquer à vous de la même manière que cela s'applique à tous vos employés?

Mme Legault : J'ignore pourquoi le projet de loi a été amendé ainsi. Je sais qu'il a été amendé pour que nous ne puissions pas faire de déclaration sur notre intention; ce serait en effet insensé, puisque nous ne pouvons pas le faire de toute façon. Mais j'ignore pourquoi il est question des activités politiques antérieures.

La sénatrice Eaton : Quand on vous a embauché, vous a-t-on demandé si vous aviez déjà été membre du NPD, fait de la sollicitation pour le Parti libéral, été membre du Parti conservateur ou versé de l'argent à un parti? Vous a-t-on posé ces questions?

Mme Legault : On ne me les a certainement pas posées. J'ai présenté un curriculum vitae où j'indiquais clairement que je ne m'étais jamais livrée à des activités politiques partisanes. Mais l'ancien commissaire à l'information, John Reid, a longtemps été député pour le Parti libéral avant d'être nommé à ce poste.

Pour faire suite au point soulevé par mon collègue, j'ignore si cela signifie nécessairement que la personne agira de manière partisane après sa nomination.

Il convient de se demander si c'est ce que le projet de loi veut dire. Cela signifie-t-il que si on a participé à des activités politiques partisanes par le passé, on ne peut pas, à titre de fonctionnaire, agir de manière impartiale? C'est vraiment la question du projet de loi.

Personnellement, je n'ai pas la réponse à cette question. Je ne comprends pas, car les gens, une fois en poste, ont l'obligation d'agir de manière impartiale. Mes décisions peuvent non seulement être critiquées et revues par les parlementaires, mais elles peuvent être examinées en Cour fédérale. Je prends des décisions que la Cour fédérale peut examiner s'il y a partialité ou crainte de partialité. Il s'agit du recours normal pour nos décisions.

En ce qui concerne les fonctionnaires, ils peuvent être congédiés ou certainement sanctionnés s'ils agissent de façon partiale. C'est une condition d'emploi.

Le président : Monsieur Ferguson, vous vouliez formuler une observation à ce sujet?

M. Ferguson : Monsieur le président, j'allais faire référence à votre question sur les changements qui ont été apportés. Tout d'abord, les dispositions transitoires stipulent actuellement ce qui suit :

Toute personne qui occupe un poste dans un bureau d'agent du Parlement à la date d'entrée en vigueur de la présente loi est tenue de se conformer aux exigences prévues à l'article 6 dans les trente jours suivant cette date.

Je me considérerais comme une personne occupant un poste dans un bureau; je pense donc que la mesure continue de s'appliquer à moi.

Selon moi, ce qui a changé, c'est qu'un passage de l'ancien paragraphe 6(1) a été éliminé. Comme on l'a indiqué plus tôt, il y était question de « L'agent du Parlement qui entend occuper un poste partisan », mais étant donné que, M. Fraser l'a fait remarquer, nous ne sommes pas autorisés à occuper de poste partisan, il n'était guère logique de prévoir dans la loi une disposition faisant référence à notre intention d'en occuper un. On a donc éliminé toute référence à l'agent du Parlement qui entend occuper un poste partisan.

Maintenant, quand je lis les dispositions transitoires, il n'y est pas question de « La personne qui travaille dans le bureau d'un agent du Parlement excepté l'agent ». Elles font simplement référence à « La personne qui travaille dans le bureau d'un agent du Parlement ». Je présume donc qu'elle s'applique à moi également.

Le président : Partagez-vous tous le même avis?

M. Fraser : Juste pour revenir à la question de la sénatrice Eaton, les gens étaient certainement libres de m'interroger sur mes allégeances quand j'ai comparu devant un comité parlementaire et devant le comité plénier du Sénat. Comme j'ai travaillé 35 à 40 ans comme journaliste, personne n'a pris la peine de me poser la question. D'autres commissaires — pas dans mon organisation, mais ailleurs — se sont vu poser la question, et comme ils avaient déjà adhéré à un parti politique, ils l'ont divulgué et ont été confirmés dans leurs fonctions.

Le président : Sénatrice Eaton, avez-vous terminé de poser vos questions?

La sénatrice Eaton : Oui, merci beaucoup.

[Français]

La sénatrice Hervieux-Payette : Je dois dire que je suis impressionnée, parce que ce n'est pas tous les jours qu'on vous voit tous ensemble. Je dirais que vous occupez des fonctions vitales pour notre démocratie, et je vous remercie de vous y être penchés et, surtout, de vous être consultés. Dans le fond, vous êtes comme nous, vous cherchez à connaître le but de cette loi, but que je n'ai pas encore trouvé. C'est comme si on posait la question suivante à quelqu'un : « Pratiquez-vous une religion? Si oui, laquelle? » et qu'on la publiait sur le site web. Je me dis que ça n'a rien à voir. Je suis venue au monde de parents catholiques. Je suis catholique, point.

Par contre, je me demandais si vous aviez consulté des conseillers juridiques de l'extérieur sur la légalité de ces mesures. Pour moi, il s'agit d'une grande question constitutionnelle sur la liberté de pouvoir exercer ses prérogatives dans un système démocratique. Parmi les juges, il devrait y en avoir beaucoup qui confesseraient avoir participé à des activités politiques. Si on examine les tribunaux à travers le Canada, il y en a beaucoup. Cependant, il y a un processus de nomination, ils sont interrogés, les collègues et tous ceux qui font partie du processus de sélection examinent les compétences des candidats et jugent de celles-ci.

Jusqu'à maintenant, je ne peux pas dire qu'il y ait eu des failles épouvantables dans notre système juridique, parce que ces gens sont chargés de l'application des lois. Je n'ai pas envie de vous dire qu'ils sont au-dessus de vous, mais vous-mêmes êtes soumis à leur autorité.

En ce qui vous concerne, j'aimerais savoir si les syndicats appuient la question de la possibilité de contestation de la loi par des candidats. Pour moi, il s'agit de quelque chose de très violent dans notre système de dire aux gens que nous allons afficher leur déclaration sur le site web, avec le stigmate qui y est associé, comme si on était coupable d'avoir exercé des activités politiques. J'ai travaillé 30 ans dans le domaine de la politique et je n'ai aucun remords.

Je vous explique tout cela, parce que je pense qu'il est important de savoir si cela vous préoccupe. Vous avez beaucoup d'employés, vos organismes seraient tous concernés, et je trouve qu'on partirait du mauvais pied. À titre de parlementaires, nous n'aurions pas l'air très intelligents non plus si la loi était contestée et invalidée à la Cour suprême.

Quant à vos opérations respectives, est-ce que cette question vous préoccupe?

M. Fraser : Oui, cela me préoccupe doublement. Il y a des mécanismes qui ont été prévus pour des candidats à qui on a refusé un poste et qui leur permettent de faire appel, et de demander le compte rendu des notes qui ont été prises au moment où ils ont postulé.

Si, dans le processus d'application, quelqu'un annonce qu'il a déjà travaillé pour un ministre, un député ou un chef du parti, cela ouvrirait la porte à un appel, même si le choix du candidat qui a réussi n'avait rien à voir avec cette situation.

Également, si on finit par n'avoir qu'un seul employé qui vient d'un parti politique en particulier, il y aurait un certain intérêt, sinon une pression de dire : « On va équilibrer, on va chercher quelqu'un qui vient d'un autre parti politique pour s'assurer que sur le site web on a des représentants de tous les partis politiques ». Ce serait une entrave sérieuse au principe du mérite.

En ce qui concerne notre consultation juridique, j'ai demandé l'avis de nos avocats, qui se sont consultés par rapport à l'analyse réalisée collectivement. À ce que je sache, nous n'avons pas fait de demande pour obtenir une opinion au privé. Nous n'avons pas engagé un avocat privé pour en faire une analyse.

La sénatrice Hervieux-Payette : J'ai une deuxième question à vous poser. D'abord, précisons que, lorsqu'un projet de loi devient un projet de loi privé, comme le texte de loi C-520, il n'est pas soumis à la procédure des projets de loi de l'exécutif, notamment la validité constitutionnelle. Il y a donc une étape de moins, ce qui me préoccupe.

J'aimerais faire un petit témoignage. Madame de la fonction publique, j'étais organisatrice en chef au Québec lors de l'élection à laquelle M. Stéphane Dion s'est présenté comme candidat. Il y avait également un autre candidat qui provenait d'un ministère. Je dois vous dire que cela a été la croix et la bannière. À l'intérieur de son ministère, on lui a mis des bâtons dans les roues pendant tout le processus. Au cours du processus de sélection des candidats, il a obtenu son bulletin de mise en candidature à la dernière minute. Il n'a donc pas eu le temps de se préparer, mais il était prêt à accepter toutes les conditions qu'on lui imposait.

Alors, quel mécanisme est mis en place, en ce moment, en vertu de la loi actuelle, afin de venir en aide aux citoyens intéressés à servir la population à la Chambre des communes? Êtes-vous consciente des obstacles qui existent au sein des organismes que vous supervisez, qu'il s'agisse de ministères ou de certaines corporations? Il n'est pas facile pour des employés de la fonction publique, car ils ont moins de droits qu'un citoyen ordinaire.

Mme Robinson : Merci beaucoup pour la question.

[Traduction]

Dans le système que la commission gère, cette mesure s'applique aux employés assujettis à la Loi sur l'emploi dans la fonction publique. Quand ces employés veulent se porter candidats lors d'une élection, ils doivent demander la permission à la commission. Nous avons récemment instauré une norme de service de 30 jours et nous nous efforçons d'améliorer ce délai.

[Français]

Il faut s'assurer que la décision est prise au bon moment pour ces citoyens.

[Traduction]

Nous travaillons toujours avec les gens pour informer les fonctionnaires au sujet des exigences à respecter pour être autorisé par la commission à participer à une élection. Nous travaillons aussi individuellement auprès des fonctionnaires pour qu'ils aient tous de ces renseignements. Comme je l'ai indiqué précédemment, nous leur donnons des outils pour les aider à prendre des décisions sur d'autres types d'activités politiques auxquelles ils se livrent.

La loi et notre régime sont conçus de manière à assurer l'équilibre et à respecter les droits énoncés par la Cour suprême dans la décision Osborne, tout en faisant en sorte que la fonction publique fonctionne de manière impartiale.

[Français]

C'est la raison pour laquelle tout le processus de nomination est très important.

[Traduction]

Pour la commission, il est correct que les gens entrent à la fonction publique en ayant une expérience politique antérieure parce que nous nous fions au mécanisme de nomination lui-même pour nous assurer que quand nous prenons des décisions au sujet des candidats à retenir, nous examinions et nous évaluions seulement les qualifications. Nous ne tenons pas compte de l'allégeance politique. Si quelqu'un s'est par exemple occupé des communications pour un parti, nous étudierons ses compétences en communications, car ce sont les compétences que nous cherchons à faire entrer à la fonction publique.

Comme je l'ai indiqué dans mon exposé, il est essentiel que ce que nous ne demandons pas soit aussi important que ce que nous demandons, et nous ne demandons de l'information que sur les qualifications nécessaires pour faire le travail. Une fois embauchés, tous ceux qui entrent à la fonction publique sont soumis au même régime. Ils doivent respecter les valeurs d'un code d'éthique et se conduire de manière impartiale. La commission a ensuite la capacité de réglementer les activités politiques des fonctionnaires de manière à tenter d'établir un équilibre entre leurs droits et leurs obligations.

Mme Legault : Le projet de loi a pour effet de créer une double norme pour les fonctionnaires qui travaillent dans nos bureaux et ceux qui travaillent dans d'autres organismes du gouvernement fédéral. Il crée clairement une double norme.

Pour répondre à votre question sur la possibilité que le projet de loi soit contesté, que se passe-t-il si quelqu'un ne veut pas que ses renseignements personnels soient publiés? Ce sont ses renseignements personnels. Et s'il refuse qu'ils soient publiés parce que cela viole ses droits? Je pense que c'est une objection très juste et tout à fait valable de sa part, puisqu'il a obtenu le poste en fonction du mérite. Je crois qu'il est absolument possible de contester la légalité de la publication de ses renseignements personnels.

[Français]

La sénatrice Hervieux-Payette : J'ai une autre petite question à vous poser. Est-ce que vous avez tous fait des présentations similaires à la Chambre des communes sur ce projet de loi? Vous êtes cinq. Est-ce que les cinq ont fait une présentation en faisant valoir les arguments que vous avez formulés ici ce soir?

M. Therrien : La plupart des agents ont fait une présentation. Je n'étais pas commissaire, mais mon prédécesseur ne faisait pas partie du groupe. Cependant, la plupart de mes collègues étaient présents et ont présenté de telles soumissions.

M. Fraser : Je n'ai pas pu y assister, parce que les auditions se sont terminées avant que je puisse comparaître. Toutefois, j'ai soumis une lettre qui ressemble étrangement à la déclaration que j'ai faite devant ce comité.

Mme Legault : Nous avons eu la même expérience. Nous n'avons pas eu l'occasion de présenter nos positions devant le comité, sauf par l'intermédiaire d'une lettre.

[Traduction]

Mme Robinson : On ne m'a pas invitée à comparaître devant ce comité, mais je lui ai écrit afin d'exprimer les mêmes préoccupations que celles que je vous ai exposées aujourd'hui.

M. Ferguson : J'ai témoigné devant le comité de la Chambre des communes.

La sénatrice Hervieux-Payette : Avec les mêmes arguments?

M. Ferguson : Eh bien, à l'époque, d'autres aspects du projet de loi nous préoccupaient, comme celui des agents du Parlement qui entendent occuper un poste partisan, qui était incongru. D'autres passages du projet de loi évoquaient aussi la possibilité de faire enquête en cas de plaintes.

Je pense donc que la plupart des aspects du projet de loi qui nous avaient préoccupés à l'époque ont depuis été corrigés. Je crois que le projet de loi compte 10 articles, et quand je le passe en revue, je décèle ce que je considérerais comme des problèmes assez graves dans 6 ou 7 d'entre eux.

Le sénateur Tannas : Merci beaucoup de témoigner ici aujourd'hui. J'aimerais, dans le temps qui m'est accordé, demander à M. Ferguson de mettre les choses au clair, s'il est nécessaire de le faire.

Ce n'est pas un secret que vous et votre ministère vous intéressez beaucoup aux affaires du Sénat actuellement dans le cadre de votre vérification, et vous êtes ici ce soir pour demander aux sénateurs de prendre en quelque sorte une décision concernant un projet de loi. Je me demande si vous pourriez nous expliquer le processus, si vous vous êtes effectivement astreint à un processus de réflexion. J'admets que vous ne comparaissez pas seul, mais accompagné de vos collègues. Mais pourriez-vous nous expliquer le processus de réflexion qui vous a amené à considérer que vous et nous serions à l'aise concernant votre présence ici?

Le président : Monsieur Ferguson, avant que vous ne répondiez, nous vous avons demandé de témoigner au sujet de ce projet de loi. Cette question s'éloigne un peu de l'objet de notre étude, et je vous laisse décider si vous souhaitez y répondre ou non.

M. Ferguson : Merci, monsieur le président. C'est certainement ce dont j'allais parler dans le premier volet de ma réponse. Quand il m'a été proposé de participer à la présente audience, j'ai répondu que je serais disposé à y assister, mais je suis évidemment ici à la discrétion du comité.

Il n'est toutefois pas rare que dans le travail que nous accomplissons — probablement le travail que nous faisons tous —, nous examinions des choses qui concernent des ministères dirigés par des ministres et que nous comparaissions ensuite devant des comités.

Je m'attends à ce que le comité prenne mes observations en considération et les soupèse avec les commentaires des autres agents du Parlement pour déterminer si mes propos cadrent avec ceux de ces agents et décider s'il les rejette ou les utilise comme il lui convient.

[Français]

La sénatrice Bellemare : J'ai une idée de la réponse que vous allez me donner, mais je vais tout de même poser la question. Croyez-vous que ce projet de loi peut être amendé? Le cas échéant, de quelle façon?

Mme Legault : Moi, je crois qu'il n'est pas possible de l'amender. Je recommanderais qu'il ne soit pas adopté, pour la simple et bonne raison que je ne sais toujours pas à quoi il sert, premièrement. Il crée un régime qui entraîne un dédoublement complet, et de plus, il est conflictuel.

Un autre problème est qu'il soulève des questions potentiellement constitutionnelles qui ne sont pas traitées, qui n'ont pas été étudiées, et dont on ignore quelles en seront les conséquences.

De mon point de vue, et mes collègues auront peut-être une opinion différente, il est clair depuis le début que ce projet de loi n'est pas amendable.

M. Fraser : Dans sa forme actuelle, je vois difficilement comment on pourrait amender tel ou tel article. Cependant, si nous sommes convaincus qu'il y a un problème d'engagement partisan de la part de nos employés, il nous serait possible de nous assurer, par exemple, que notre code de conduite est affiché sur notre site web et que nous exigeons que nos employés signent le code de conduite, qu'ils suivent déjà, et qui est déjà une politique opérationnelle.

Cependant, comme je l'ai dit, cette préoccupation est étrangère à mes fonctions, dans le cadre desquelles les débats concernent davantage les objets de la loi.

La présente loi a pour objet :

a) d'assurer le respect du français et de l'anglais à titre de langues officielles du Canada, leur égalité de statut et l'égalité de droits et privilèges quant à leur usage dans les institutions fédérales, notamment en ce qui touche les débats et travaux du Parlement, les actes législatifs et autres, l'administration de la justice, les communications avec le public et la prestation des services, ainsi que la mise en œuvre des objectifs de ces institutions;

b) d'appuyer le développement des minorités francophones et anglophones et, d'une façon générale, de favoriser, au sein de la société canadienne, la progression vers l'égalité de statut et d'usage du français et de l'anglais;

et, finalement,

c) de préciser les pouvoirs et les obligations des institutions fédérales en matière de langues officielles.

On peut avoir toutes sortes de discussions à l'interne afin de mieux arriver à atteindre l'objectif de la loi. Cependant, je vois mal comment une distinction partisane peut en affecter l'interprétation. Il y a des gens qui ont une approche plus rigide, alors que d'autres ont une approche plus flexible, mais c'est à moi d'établir ce qu'on doit faire.

À titre d'agents du Parlement, nous sommes vos agents. Vous pouvez décider, dans votre sagesse, qu'il y a un problème sur lequel on doit se pencher dans le cadre de ce projet de loi, mais je ne pense pas qu'il présente un problème réel, tel qu'il est rédigé actuellement.

M. Therrien : Pour aller un peu dans le même sens, mais avec peut-être certaines nuances, j'ai dit que, en matière de vie privée, l'un des critères à examiner, lorsqu'il s'agit d'examiner la conformité d'une mesure administrative ou législative par rapport à la vie privée, c'est, entre autres, s'il y a des moyens qui pourraient réduire les atteintes à la vie privée tout en atteignant les objectifs.

Je partagerais l'opinion de Mme Legault en disant que le point de départ est qu'il est envisageable d'atténuer les atteintes à la vie privée, par exemple en limitant la portée du projet de loi aux employés qui ont un réel pouvoir décisionnel par rapport aux fonctions qu'ils exercent. Cela pourrait être une atténuation des problèmes en matière de vie privée. Cependant, normalement, dans le cadre de nos analyses et de cet exercice d'essayer de minimiser les problèmes relatifs à la vie privée, la question que nous devons nous poser est de déterminer s'il est possible d'atteindre l'objectif d'une façon différente qui porterait moins atteinte à la vie privée.

Alors, oui, il est possible de moins porter atteinte à la vie privée, par exemple, de la façon que j'ai suggérée, mais c'est toujours dans le but d'atteindre l'objectif du projet de loi, et on est toujours à se demander quel est l'objectif de ce projet de loi.

En fin de compte, je rejoindrais ma collègue en disant que, même si certains amendements étaient possibles pour permettre d'atténuer les problèmes liés à la vie privée, il reste le problème fondamental à savoir quel est le but du projet de loi, au-delà du régime actuel de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique, du code de valeurs, et cetera.

[Traduction]

M. Ferguson : Certainement, je pense que je suis d'accord avec tout ce qui a été dit.

J'apporterais peut-être une nuance, toutefois : je pense en fait que l'objet du projet de loi est très clair. L'article 3 en précise la teneur. L'ennui, c'est que rien dans le reste du projet de loi n'a quoi que ce soit à voir avec cet objet.

Ainsi, si je devais recommencer à zéro, si mon objectif consistait à essayer de sauvegarder un projet de loi dans une forme quelconque, je reviendrais à cet objet, puis j'examinerais les exigences du régime actuellement prévu par la Loi sur l'emploi dans la fonction publique afin de voir quelles sont les mesures de sécurité supplémentaires souhaitées pour les gens qui travaillent dans le bureau d'un agent du Parlement et de les mettre en place.

Le projet de loi a pour objet « d'éviter les conflits qui pourraient survenir ou sembler survenir entre les activités partisanes et les fonctions officielles de toute personne travaillant pour le bureau d'un agent du Parlement ». Je ne vois absolument pas comment le fait de divulguer que quelqu'un a travaillé dans un bureau politique il y a peut-être 20 ou 25 ans permettrait d'atteindre cet objectif. Si je repartais à zéro, je conserverais cet objet et éliminerais tout le reste.

Mme Robinson : J'abonderais dans le même sens que mes collègues, mais j'ajouterais que la Commission de la fonction publique n'est pas assujettie au projet de loi, mais administre la Loi sur l'emploi dans la fonction publique. Nous considérons que le fait d'avoir deux régimes parallèles risque de causer beaucoup de confusion et pourrait affaiblir le régime en place. Comme je l'ai fait remarquer, je m'inquiète beaucoup de l'effet que cette mesure pourrait avoir sur le mérite et la conviction que les Canadiens ont que les nominations sont exemptes d'influence politique.

J'irais plus loin en disant que le simple fait de publier l'information sur l'allégeance politique sur Internet pourrait mener les Canadiens à penser que cette allégeance a joué un rôle dans l'embauche de la personne concernée et dans la manière dont cette dernière exécute ses tâches, ce qui aurait pour effet de miner leur confiance à l'égard de l'impartialité de la fonction publique. Je ne vois pas comment on pourrait rectifier cela dans le projet de loi.

Le sénateur L. Smith : Merci, monsieur Ferguson, de votre observation.

J'ai jeté un coup d'œil à la Loi sur l'emploi dans la fonction publique, car il est évident que vous réagissez tous pareillement au projet de loi. J'ai une question au sujet de la partie 4 de l'article 54 de cette loi, qui indique ce qui suit :

Toute personne recrutée, par nomination ou mutation, hors de la partie de la fonction publique dans laquelle les nominations relèvent exclusivement de la Commission prête et souscrit le serment suivant ou l'affirmation solennelle suivante [...]

Les gens assujettis à la Loi sur l'emploi dans la fonction publique doivent-ils prêter un serment ou faire une affirmation quelconque au sujet de l'intégrité dont ils feront preuve dans le cadre de leurs fonctions? Je devrais peut-être demander si on peut faire quelque chose. Si on revient à ce que le vérificateur général a dit au sujet de l'examen de l'objet et de la manière dont on pourrait l'améliorer si on essaie d'élaborer un projet de loi, peut-on faire quelque chose dans la Loi sur l'emploi dans la fonction publique au sujet des employés qui renforcerait la loi ainsi que l'intégrité et l'engagement des gens au début et, espérons-le, tout au long de leur processus d'emploi?

Mme Robinson : Merci de la question. Comme je l'ai souligné, je pense que le régime actuel est suffisamment solide. Comme vous l'avez remarqué, la loi exige un serment. En outre, une fois que les gens sont engagés, leur lettre d'offre exige habituellement qu'ils adhèrent au code de valeurs et d'éthique, lequel stipule que tous les fonctionnaires doivent se conduire de manière impartiale, à défaut de quoi ils s'exposent à des mesures disciplinaires de la part de l'administrateur général ou, dans certains cas, à une enquête du commissaire à l'intégrité.

La Commission de la fonction publique dispose de pouvoirs supplémentaires si un fonctionnaire se livre à des activités politiques inappropriées. Nous supervisons cet aspect depuis 10 ans et nous n'avons décelé des problèmes que dans quelques cas. Nous considérons que nous avons les pouvoirs pour détecter et rectifier les problèmes au besoin.

Le sénateur L. Smith : Vous avez déjà comparu devant nous et nous vous en sommes très reconnaissants. Vous avez fait mention des types d'enquêtes ou de plaintes, et du nombre de plaintes par rapport au nombre d'employés au sein de la fonction publique.

J'ai une question simple : considérez-vous qu'on pourrait apporter des améliorations à votre processus d'enquête, non pas pour faire de vous un gardien ou un gendarme meilleur, mais pour améliorer le système afin que l'intégrité n'en soit que renforcée et supérieure?

Mme Robinson : Je pense que nous avons suffisamment de pouvoirs d'enquête. Notre pouvoir de prendre des mesures correctives est assez vaste et nous permet notamment de congédier un fonctionnaire.

Nos pouvoirs d'enquête sont quant à eux très vastes. Nous pouvons émettre des assignations à comparaître et jouissons des pouvoirs normaux que la Loi sur les enquêtes confère aux enquêteurs. Nous jugeons que nous disposons des pouvoirs nécessaires pour mener nos enquêtes.

Pour l'instant, je ne vois aucune faille dans cette facette de nos pouvoirs, que ce soit dans le domaine des activités politiques ou celui où nous réalisons le plus d'enquêtes, c'est-à-dire celui des transactions de dotation, qui est préoccupant. Je crois avoir déjà indiqué à votre comité que nous découvrons parfois des irrégularités, comme des fraudes ou du traficotage dans les processus de demande, ce genre de choses. Nous avons les pouvoirs de corriger ces problèmes également.

Le sénateur L. Smith : J'ai une dernière petite question. Entretenez-vous des relations suivies avec les autres agents du Parlement; échangez-vous de l'information sur le genre de situations dont vous parlez, ou que vous étudiez? Il n'y en a peut-être pas dans d'autres secteurs ou ministères, mais avez-vous actuellement ce genre de relations interpersonnelles avec les dirigeants de votre niveau au sein de l'appareil gouvernemental, de façon à être mieux informée?

Mme Robinson : C'est une excellente question, et je vous en remercie. Une des pratiques de la commission constitue une fonction de sensibilisation et d'appui politique, permettant aux agents et à leur personnel d'obtenir de l'information sur la façon dont la Loi sur l'emploi dans la fonction publique devrait s'appliquer.

De plus, chaque fois qu'un nouvel administrateur général se fait déléguer un pouvoir par la commission, je le rencontre pour discuter de ses obligations en vertu de la loi. Je précise clairement que tandis que nous réglementons les pouvoirs de dotation et les éléments non partisans qui s'y rattachent, nous sommes là pour soutenir les administrateurs et veiller à ce qu'ils aient l'information dont ils ont besoin pour respecter correctement la loi.

J'entretiens des relations avec tous ceux à qui nous avons délégué un pouvoir, ce qui représente plus de 80 administrateurs généraux au sein de la fonction publique fédérale. C'est essentiel à ma capacité de fonctionner efficacement.

Le sénateur L. Smith : Je n'essayais pas de nous éloigner du sujet, mais j'ai cru qu'il pourrait être utile d'en parler. Merci.

[Français]

La sénatrice Chaput : Lorsque le parrain du projet de loi s'est présenté devant ce comité, je lui ai posé la question à savoir s'il pouvait me donner des exemples de problèmes spécifiques ou de situations qui se sont produits et qui seraient visés par le projet de loi qu'il nous présente. Or, il n'a pas été en mesure de me donner d'exemples de situations qui sont déjà arrivées. Il m'a dit que c'était pour prévenir des situations quelconques. Lorsque j'ai demandé des exemples de ce qui pourrait être le cas, il n'a pas non plus pu me répondre de façon concrète. Il a donné une réponse générale. J'ai donc cru comprendre qu'il n'avait pas à l'esprit de cas précis, et que c'était uniquement pour prévenir au cas où Dieu sait quoi.

J'avais deux questions. La première a déjà été posée par une de mes collègues et vous y avez répondu. Il s'agissait de savoir s'il est possible d'apporter des amendements qui feraient en sorte que ce projet de loi soit acceptable, utile et peut-être nécessaire. Je crois que vous avez répondu à cette première question.

Ma deuxième question est assez simple. Si l'obligation existait de faire part des activités politiques ou partisanes vécues au cours des 10 dernières années et que, ensuite, ces renseignements devaient être affichés en ligne, croyez-vous que cela dissuaderait d'excellents candidats de postuler?

Mme Legault : Comme je l'ai dit dans mes commentaires liminaires, j'ai posé la question à mes employés à ce sujet, lorsque le projet de loi a été déposé. C'était effectivement l'une de leurs inquiétudes. Certains ont indiqué que cela ferait partie de leur réflexion quand viendrait le temps de postuler ou de décider de demeurer au Commissariat à l'information. Ils étaient inquiets que ce soit un peu une chasse aux sorcières si jamais, lors d'une enquête sur un dossier, on alléguait qu'ils étaient biaisés parce qu'ils avaient été actifs politiquement d'une manière ou d'une autre dans le passé. C'était leur inquiétude.

M. Fraser : Je n'ai pas fait de sondage comme Mme Legault, mais cela m'inquiète. Dans tous les partis, je vois des gens de grand talent. Certains ont travaillé dans le bureau d'un député ou d'un ministre et ont quitté leurs fonctions. Je pense à une personne en particulier qui est maintenant fonctionnaire et que j'aurais bien aimé engager. S'il avait l'impression que son engagement partisan le suivrait pendant le reste de sa carrière, il irait ailleurs.

M. Therrien : Il ne fait aucun doute que cela ferait en sorte que des gens ne se présentent pas comme candidats à un emploi. Je répéterais que le renseignement en question qui serait mis en ligne, qui serait donc disponible et pourrait être consulté par n'importe qui, porte sur les opinions politiques d'un individu. Cette information est personnelle et particulièrement sensible. On vote de façon secrète. C'est un renseignement qu'on n'a pas à divulguer. Cela ferait certainement en sorte que certaines personnes ne se présentent pas comme candidat. On perdrait donc de bons candidats pour cette raison, il ne fait aucun doute, à mon avis.

[Traduction]

M. Ferguson : Pour notre part, nous sommes principalement un groupe de comptables, et je pense que bien des membres de cette profession ne se mêlent pas aux activités politiques. La disposition aurait une certaine incidence sur nous, mais je doute qu'elle soit énorme.

Deux ou trois choses m'inquiètent. En fait, la disposition pourrait inciter les gens à ne pas divulguer l'information. Les gens voulaient l'emploi, mais ils apprennent maintenant que l'information se retrouvera sur un site web. Au sens figuré, je dirais que c'est presque un tatouage, car aucune disposition de la loi ne dit que l'information puisse un jour être retirée. Alors que les employés devraient divulguer l'information lorsque nous réalisons une vérification ou autre chose, et dire qu'ils ont travaillé dans un domaine donné, la disposition pourrait désormais les inciter à ne pas le faire puisque l'information deviendra publique. Voilà ce qui m'inquiète. La disposition aurait une certaine incidence sur notre embauche, mais peut-être pas autant que pour d'autres agents.

[Français]

Mme Robinson : Je suis d'accord que cela peut être un problème.

[Traduction]

Nous réalisons des études sur la mobilité des gens au sein de la fonction publique. Dans bien des domaines, nous constatons une grande mobilité entre les ministères. Les petites entités comme les agents du Parlement se plaignent souvent d'avoir parfois du mal, en raison de leur petite taille, à attirer certains types d'employés, surtout dans le cas des fonctions administratives.

[Français]

Il y a peut-être plus d'occasions de promotion dans les plus grands ministères. Pour cette raison, je crois que cela pourrait avoir un impact négatif.

La sénatrice Eaton : Je vous invite tous à faire des commentaires sur ma question.

[Traduction]

Je me demandais si la disposition n'allait pas vous placer dans une position insoutenable lors de l'embauche, compte tenu de la nature humaine. Si vous êtes partisan du NPD ou du Parti vert, et qu'une personne vient divulguer son allégeance politique, vous pourriez être tenté de négliger le système fondé sur le mérite que vous avez mis en place à juste titre. Vous pourriez vous dire que la personne est intéressante puisqu'elle vote pour le même parti que vous. Ou encore, puisqu'un gouvernement conservateur est au pouvoir, vous pourriez être tenté de faire une bonne action en trouvant d'autres partisans. La disposition ne vous place-t-elle pas dans une position très difficile, puisque vous ne devez pas tenir compte des opinions ou activités politiques des candidats? C'est bien plus facile de ne pas être au courant et de ne fonder la décision que sur les capacités intellectuelles et l'expérience professionnelle du candidat, plutôt que d'être influencé par le fait que vous avez fait campagne dans la même circonscription aux dernières élections.

Mme Legault : Permettez-moi de vous donner un exemple très concret. Je ne crois pas surprendre quiconque à la table en disant qu'il n'est pas rare, dans le milieu de l'accès à l'information, de recevoir une plainte des partis de l'opposition. Ce qui se passe depuis quelques années avec la venue des médias sociaux, c'est qu'il arrive bien souvent que la lettre de plainte soit publiée sur les médias sociaux. Vous voyez, j'ai des obligations en matière de confidentialité. Si la plainte est adressée à notre bureau, rien n'est divulgué, et personne ne sait qui porte plainte contre certaines décisions.

Mais depuis quelque temps, les gens plaignants affichent leur lettre sur les médias sociaux. Qu'advient-il si je veux attribuer une enquête donnée? Je reçois une lettre de plainte du Parti libéral ou du NPD, qui est publiée, de sorte que tout le monde sait que la plainte émane de l'opposition. Disons que je souhaite attribuer le dossier en question à une personne qui a dû divulguer sur le site web qu'elle a déjà travaillé pour un député conservateur. Qu'est-ce que cela signifie? Le plaignant peut-il refuser que l'enquêteur travaille sur son dossier parce qu'elle a déjà travaillé pour le Parti conservateur? Et qu'advient-il si ces déclarations sont publiques? À ce moment-là, je ne peux rien divulguer à propos de l'enquête en question. Je dois respecter des obligations rigoureuses en matière de confidentialité en vertu de la loi.

Or, une apparence de partisanerie possible plane maintenant à propos de l'employé en question. Celui-ci n'a aucun recours et ne peut rien dire à propos de l'enquête.

Et qu'arriverait-il dans la situation inverse? Disons qu'une personne a déjà travaillé pour le NPD; le gouvernement pourrait refuser qu'elle mène l'enquête, compte tenu de son ancienne allégeance politique, de crainte qu'elle ne soit défavorable au gouvernement.

De façon pragmatique, compte tenu du contexte actuel, je pense que c'est l'incidence que le projet de loi pourrait avoir sur le travail de mon commissariat. S'il était adopté, j'ai la conviction très profonde qu'il pourrait avoir une incidence sur notre travail. Voilà ce qui inquiète mon personnel responsable des enquêtes. Comme vous le savez tous fort bien, dès qu'une information est divulguée sur les médias sociaux, peu importe ce qu'il advient en fin d'enquête. Dès qu'une chose se trouve sur les médias sociaux, elle devient presque réelle, peu importe ce qu'on en dit.

Quoi qu'il en soit, que l'employé soit un ancien partisan du gouvernement ou de l'opposition, il ne peut pas gagner, n'est-ce pas? Des allégations peuvent circuler sans toutefois pouvoir être réfutées. Je pense que le tout a une incidence sur l'enquête, sur les employés et sur le véritable travail de surveillance de mon commissariat. Je pense qu'il s'agit là du véritable problème pouvant découler du projet de loi, en tout cas pour mon bureau.

M. Fraser : Je suis d'accord avec tout ce que Mme Legault a dit. La nature instantanée des communications électroniques représente déjà un défi de taille puisque nos rapports préliminaires sont remis au plaignant et à l'établissement. Nous leur demandons des commentaires, à la lumière desquels nous révisons souvent le rapport.

Il arrive que le plaignant divulgue en un millième de seconde le rapport préliminaire aux médias, non seulement sur les médias sociaux, mais aux médias traditionnels aussi. Nous devons donc déjà composer avec le mécontentement des établissements lorsqu'une information se retrouve à CBC/Radio-Canada avant que la secrétaire du sous-ministre n'ait eu le temps de lui imprimer le rapport. L'information fait déjà les manchettes. Les établissements se plaignent, ayant l'impression que nous avons divulgué le rapport au plaignant en premier, alors que c'est faux. Nous avons pris soin de l'envoyer simultanément. Nous sommes donc déjà vulnérables à l'accélération des communications. Mais si nous étions encore plus vulnérables — les gens pourraient immédiatement vérifier la lettre préliminaire pour voir la partie disant de communiquer avec l'enquêteur pour toute question, et vérifier sur notre site web pour voir si cette personne possède des antécédents politiques —, cela pourrait entraîner toutes les complications que Mme Legault a mentionnées.

Mme Robinson : Monsieur le président, permettez-moi simplement d'ajouter que c'est la raison pour laquelle la commission est d'avis qu'il est essentiel de ne rien changer au processus de nomination actuel. Ce que nous ne demandons pas est tout aussi important que ce que nous demandons, à savoir de l'information sur les compétences.

[Français]

La sénatrice Bellemare : Ma question va dans le même sens que celle de la sénatrice Chaput. Je sais que c'est une question d'opinion, mais je vais la poser quand même. Pensez-vous que ce genre de projet de loi envoie des signaux positifs ou négatifs aux jeunes qui voudraient venir travailler dans le bureau d'un sénateur, d'un ministre ou qui voudraient faire de l'action politique?

M. Fraser : J'ai toujours pensé que cette expérience de travail auprès d'un sénateur, d'un député ou d'un ministre était extrêmement valable. J'ai constaté, avec regret, les barrières qui sont apparues quant au passage de ces gens à la fonction publique. Ces personnes ont maintenant tendance à venir travailler dans les bureaux de ministres avec l'idée non pas de travailler dans la fonction publique, mais de devenir lobbyiste et de monnayer, d'une certaine façon, ce qu'elles ont appris en travaillant dans un bureau de ministre ou de député.

Je crois que, effectivement, c'est une autre contrainte qui existerait pour les personnes qui obtiennent souvent une expérience de la vie publique, de la fonction publique et des politiques publiques qui est extrêmement valable pour la société et pour le travail qu'on fait.

[Traduction]

Le président : Madame Robinson, j'aimerais vous demander de regarder le paragraphe 6(2) du projet de loi :

(2) La personne qui travaille dans le bureau d'un agent du Parlement et qui entend occuper simultanément un poste partisan est tenue de transmettre à l'agent du Parlement concerné une déclaration écrite faisant état de son intention et précisant la nature du poste ainsi que la période au cours de laquelle elle entend l'occuper.

Selon mon interprétation, le mot « travaille » pourrait inclure toutes sortes de travail bénévole, y compris le travail pour un parti politique pendant une campagne électorale.

Vous gérez déjà un régime pour les fonctionnaires de niveau intermédiaire, qui est fondé sur une décision de la Cour suprême du Canada voulant que les fonctionnaires doivent pouvoir participer aux activités, sous certaines conditions, pour autant qu'ils soient en mesure d'assumer leurs fonctions correctement et qu'ils ne manquent aucunement de respect à la fonction publique. Or, la disposition va plus loin en exigeant à une personne souhaitant travailler pour un parti politique de remplir une déclaration.

Avez-vous reçu un avis juridique sur le fait que la disposition va plus loin? Je suis persuadé que cet équilibre a été mûrement réfléchi lors de l'adoption de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique il y a quelques années, qui reflète la décision de la Cour suprême du Canada. Le paragraphe a-t-il été examiné à la lumière de l'équilibre que vous administrez actuellement, ce qui vous aurait donné l'impression que le paragraphe va trop loin ou non?

Mme Robinson : Je vous remercie de votre question. Nous avons réalisé une analyse juridique du projet de loi par rapport au pouvoir actuel conféré en vertu de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique. Comme on l'a dit plus tôt, il y a plusieurs domaines de chevauchement et de confusion possible, et je pense que la disposition pourrait en faire partie.

Le projet de loi oblige un fonctionnaire qui veut se présenter aux élections à le déclarer. Mais en fait, le fonctionnaire doit d'abord demander la permission à la Commission de la fonction publique. Il y a donc une confusion possible. En fait, les dispositions du projet de loi affaiblissent même le régime dans une certaine mesure.

Pour ce qui est des activités politiques autres que la candidature, vous avez raison de dire que le projet de loi impose une exigence supplémentaire, alors que le système prévu à la Loi sur l'emploi dans la fonction publique que nous gérons tient compte de la nature des tâches, de la visibilité du poste et du type d'activité politique. Nous trouvons que le système actuel fonctionne bien puisqu'il tient compte de ces aspects.

Ce que cela signifie concrètement, c'est que si une personne occupe par exemple un poste où elle accomplit des tâches administratives ou cléricales, sans grand pouvoir décisionnel ni grande visibilité, elle est libre de s'adonner à toutes sortes d'activités politiques autres que la candidature, suivant la décision de la Cour suprême.

La Loi sur l'emploi dans la fonction publique s'applique aux employés jusqu'au niveau du sous-ministre adjoint, un poste de très haut fonctionnaire au gouvernement. Les personnes ayant une grande visibilité et un pouvoir décisionnel seraient très restreintes.

Il faut donc évaluer chaque dossier individuellement, alors que le projet de loi C-520 constitue plutôt une application générale, qui pourrait selon nous bafouer les droits des gens.

[Français]

Le président : Je vais maintenant donner la parole au sénateur Rivard, qui est le parrain du projet de loi.

Le sénateur Rivard : Merci, monsieur le président. Je vous avais envoyé un petit mot car, normalement, dans les comités, on ne peut pas s'interpeller entre collègues de différents partis; la tradition est qu'on s'adresse aux témoins. J'ai accepté de parrainer au Sénat ce projet de loi et, comme je l'ai dit dans mon discours, le but de cet exercice était d'éviter les conflits d'intérêts ou les apparences de conflit d'intérêts. Il est normal que certains de nos collègues nous aient questionnés, en disant qu'on devrait immédiatement rejeter le projet de loi. C'est la démocratie, on s'habitue à entendre ces commentaires et, si un jour on renverse les rôles, probablement qu'on entendra les mêmes commentaires.

Dans mon discours, je proposais que ce projet de loi soit renvoyé à nos comités parlementaires afin que nous puissions entendre les gens concernés. Je pense que ce soir, on se doit, monsieur le président, de se féliciter qu'il ait été accepté qu'on reçoive les témoins pour entendre ce qu'ils avaient à nous dire. Je les remercie. Cela nous éclaire beaucoup sur les dangers ou les améliorations possibles.

Nous savons qu'il y a trois issues possibles : adopter le projet tel quel, le modifier ou le rejeter. C'est le comité, en fin de compte, qui va décider. Cependant, je pense qu'il était très important d'entendre vos points de vue.

Je voudrais faire un commentaire. J'ai eu l'occasion de rencontrer M. Fraser, puisque, à l'occasion, je siège avec ma collègue ici présente au Comité des langues officielles, et je suis toujours émerveillé de voir comment il maîtrise les deux langues officielles.

J'ai envie, monsieur Fraser, de vous taquiner tout de même un peu. Je voudrais un éclaircissement. Je ne prétends pas être Bernard Pivot, pour ceux qui l'ont connu, ni le professeur Guillemin, mais je m'interroge sur votre discours.

À la fin, en anglais, vous dites : « Thank you for your attention. » Or, en français, vous dites : « Merci de m'avoir écouté. » J'aurais pensé que vous auriez dit : « Merci de m'avoir entendu », parce que, au sens du français, écouter veut dire qu'on donne suite à votre demande — (rires). Je répète que je ne suis ni Pivot ni Guillemin, et j'admire votre connaissance des deux langues officielles. Merci, monsieur le président, de m'avoir permis de faire ce commentaire.

M. Fraser : J'apprécie beaucoup, sénateur, le degré de précision que vous démontrez vous-même à l'égard des deux langues officielles.

[Traduction]

Le président : Voilà qui met fin à notre séance de ce soir. Nous aimerions remercier Mme Robinson, M. Ferguson, M. Therrien, M. Fraser et Mme Legault d'être venus nous aider à comprendre l'incidence possible du projet de loi et vos préoccupations. Au nom du Comité sénatorial permanent des finances nationales, je vous remercie infiniment du travail que vous accomplissez pour le Parlement et les parlementaires.

Chers collègues, plutôt que de lever la séance, je vous propose de passer à huis clos cinq minutes pour discuter des travaux à venir.

(La séance se poursuit à huis clos.)


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