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APPA - Comité permanent

Peuples autochtones

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Peuples autochtones

Fascicule no 2 - Témoignages du 16 février 2016


OTTAWA, le mardi 16 février 2016

Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones se réunit aujourd'hui, à 9 h 34, pour étudier les responsabilités constitutionnelles, conventionnelles, politiques et juridiques du gouvernement fédéral à l'égard des Premières Nations, des Inuits et des Métis (sujet: programme de l'argent des Indiens).

La sénatrice Lillian Eva Dyck (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente : Nous souhaitons la bienvenue à notre auditoire et aux gens qui regardent les délibérations du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones sur CPAC. Nous accueillons aujourd'hui des représentants d'Affaires autochtones et du Nord Canada et du ministère de la Justice Canada.

Comme les sénateurs le savent, notre mandat général consiste à étudier les responsabilités constitutionnelles, conventionnelles, politiques et juridiques du gouvernement fédéral à l'égard des Premières Nations, des Inuits et des Métis. C'est l'ordre de renvoi général. Il s'agit aujourd'hui de notre première séance portant sur des sujets spécifiques. Nous entendrons les témoignages de fonctionnaires sur des questions relatives à l'argent des Indiens et à l'accès à celui- ci.

Nous recevons aujourd'hui des représentants d'Affaires autochtones et du Nord Canada : la sous-ministre adjointe, Terres et développement économique, Mme Sheilagh Murphy; le directeur général de la Direction générale de la recherche économique et l'élaboration des politiques, Terres et développement économique, M. Allan Clarke; et la directrice générale de la Direction générale des affaires individuelles, Résolution et affaires individuelles, Mme Claudia Ferland. Nous accueillons également M. Douglas Fairbairn, qui est conseiller juridique au ministère de la Justice Canada.

Je crois comprendre que Mme Murphy et Mme Ferland nous présenteront un exposé, et que ces deux messieurs les aideront à répondre aux questions des sénateurs.

Je cède maintenant la parole à nos témoins.

[Français]

Sheilagh Murphy, sous-ministre adjointe, Terres et développement économique, Affaires autochtones et du Nord : J'aimerais remercier le comité de nous donner l'occasion de discuter de l'administration de l'argent des Indiens.

[Traduction]

Je suis la sous-ministre adjointe, Terres et développement économique aux Affaires autochtones et du Nord Canada. Comme on l'a déjà mentionné, je suis accompagnée de Mme Claudia Ferland, qui est la directrice générale des affaires individuelles, qui englobent le Programme de l'argent des Indiens; et de M. Allan Clarke, qui est le directeur général de la recherche économique et de l'élaboration des politiques, Terres et développement économique. Les questions liées à la Loi sur la gestion financière des premières nations et ces institutions relèvent de lui. Pour sa part, M. Fairbairn représente le ministère de la Justice Canada.

Notre ministère reconnaît que les Premières Nations doivent pouvoir exercer un contrôle et être responsables d'un grand nombre de domaines variés. Les dispositions actuelles de la Loi sur les Indiens qui portent sur l'argent des Indiens constituent un exemple où un niveau approprié de contrôle n'est pas exercé par les Premières Nations présentement. Bien que le ministère ait déployé des efforts pour remédier à la situation, que nous décrirons plus tard, nous voudrions bien entendre le point de vue et les idées de votre comité, car nous tentons de trouver des moyens d'améliorer l'accès des Premières Nations à leurs revenus.

Certaines options ont déjà été élaborées pour permettre aux Premières Nations d'exercer un contrôle sur l'argent des Indiens à l'intérieur du cadre de la Loi sur les Indiens, comme une nouvelle politique qui découle de l'alinéa 64(1)k) et qui permet aux Premières Nations de gérer leur argent versé à un compte en capital par un transfert à une fiducie indépendante. Claudia parlera de cette politique sous peu.

Outre la Loi sur les Indiens, il existe plusieurs régimes d'autonomie gouvernementale sectorielle qui permettent aux Premières Nations d'exercer un plus grand contrôle sur les revenus générés par leurs terres, ou qui les positionnent en ce sens, comme la Loi sur la gestion des terres des premières nations et la Loi sur la gestion financière des premières nations.

Voici ce qu'a indiqué le Conseil national de développement économique des Autochtones dans une lettre récente adressée à la ministre des Affaires autochtones et du Nord Canada qu'il a affichée sur son site web :

[...] une relation de nation à nation ne sera possible que lorsque les gouvernements autochtones seront en mesure de faire valoir leur compétence dans des dossiers qui touchent leurs terres, leurs ressources et d'autres leviers de développement économique.

Dans le même ordre d'idées, il est important que, pour leur développement économique et le bien-être de leurs collectivités, les Premières Nations aient accès à leurs sources de revenus et puissent les gérer.

Diverses sources de revenus sont sous le contrôle des bandes, comme les fonds issus de règlements, les revenus provenant d'activités commerciales sur les réserves et à l'extérieur de ces dernières, et d'autres revenus autonomes. L'argent des Indiens qui est sous le contrôle du ministère ne représente qu'une petite partie des revenus annuels des Premières Nations estimés à quelque 4,5 milliards de dollars. Environ 750 millions de dollars de l'argent des Indiens sont détenus dans le Fonds du revenu consolidé au nom des Premières Nations actuellement.

Bien que des options aient été conçues pour que les Premières Nations puissent exercer le contrôle sur l'argent des Indiens, nous continuons d'en chercher d'autres auprès, entre autres, des Premières Nations et du Conseil national de développement économique des Autochtones. Nous vous sommes d'ailleurs reconnaissants de l'intérêt que vous portez à la question de l'administration de l'argent des Indiens.

Mme Ferland décrira maintenant l'administration de l'argent des Indiens et les options actuelles que peuvent utiliser les Premières Nations pour avoir accès à l'argent des Indiens, qui est le leur.

[Français]

Nous nous ferons ensuite un plaisir de répondre aux questions des membres du comité.

[Traduction]

Claudia Ferland, directrice générale, Direction générale des affaires individuelles, Résolution et affaires individuelles, Affaires autochtones et du Nord : Je désire remercier le comité de nous donner l'occasion de parler de la complexité de l'argent des Indiens. Comme l'a mentionné Mme Murphy, je commencerai par brosser un tableau de l'argent des Indiens. Par la suite, je vous expliquerai les options qui sont actuellement offertes aux Premières Nations pour avoir accès à leur argent.

Affaires autochtones et du Nord Canada joue un rôle tant dans la perception que dans la distribution de l'argent des Indiens. Cet argent est perçu, détenu et distribué ensuite par le ministère au nom des Premières Nations. Tout d'abord, je vais décrire brièvement ce qu'est l'argent des Indiens.

La Loi sur les Indiens définit l'argent des Indiens comme « les sommes d'argent perçues, reçues ou détenues par Sa Majesté à l'usage et au profit des Indiens ou des bandes ». En vertu de l'article 62 de la loi, il y a deux catégories d'argent.

[Français]

Le compte en capital est l'argent qui provient de la vente des terres cédées ou des biens en capital d'une bande. Le capital comprend les redevances, les primes et les recettes produites de la vente de bois d'œuvre, de pétrole, de gaz, de gravier et d'autres ressources non renouvelables.

Le compte en revenus est composé d'autres sommes d'argent des Indiens. Les revenus peuvent provenir de diverses sources, notamment, mais sans s'y limiter, les intérêts sur le capital, les revenus de la bande, les amendes, les revenus tirés de la vente des ressources renouvelables, des activités de location, par exemple, les chalets et les terres souvent utilisées à des fins agricoles, et des droits de passage.

[Traduction]

L'argent des Indiens est administré conformément aux articles 61 et 69 de la Loi sur les Indiens, lesquels précisent les responsabilités du ministère quant à la perception, à la conservation, aux dépenses et à la comptabilité de l'argent dans le compte en capital et le compte de revenu. L'argent des Indiens, qu'il s'agisse des fonds de capital ou des fonds de revenu, est détenu par la Couronne dans le Fonds du revenu consolidé au nom des Premières Nations et il n'est pas financé par des crédits parlementaires.

Le Fonds du revenu consolidé est l'unique fonds qui est utilisé pour les sommes perçues par la Couronne. Les fonds de capital et de revenu sont détenus dans des comptes distincts portant intérêt au nom de la bande en question. Les intérêts sur les fonds de capital et de revenu des bandes sont alloués à un taux qui est fondé sur les obligations du gouvernement du Canada venant à échéance dans 10 ans ou plus.

[Français]

Comme on l'a dit plus tôt, en 2014-2015, les sommes amassées ou dépensées conformément à la Loi sur les Indiens ont atteint 205 millions et 204 millions de dollars respectivement. En date du 31 janvier 2016, le ministère tenait 757 millions de dollars en fonds de capital et de revenus des Indiens.

[Traduction]

J'aimerais maintenant vous présenter les diverses options dont peuvent se prévaloir les Premières Nations pour avoir accès à leur agent en vertu de la Loi sur les Indiens ainsi que d'autres lois ou d'ententes d'autonomie gouvernementale. Ces options reposent largement sur les besoins et les objectifs des Premières Nations et la catégorie d'argent en question, que ce soit le capital ou le revenu.

[Français]

Les articles 64 et 66 de la Loi sur les Indiens permettent à une bande d'accéder à son argent pour effectuer une dépense sous réserve du consentement du Conseil de bande.

[Traduction]

L'article 69 permet aux Premières Nations de gérer et de contrôler l'argent de leur compte de revenu. En vertu de cet article, une bande doit obtenir le consentement de ses membres, qui doit être attesté par une résolution du conseil de bande. Celle-ci est ensuite envoyée au ministère aux fins d'examen et d'approbation, conformément à la politique.

Récemment, le ministère a élaboré une politique optionnelle qui permet aux Premières Nations intéressées de transférer des sommes d'argent actuelles et futures de leur compte en capital dans un fonds en fiducie indépendant en vertu de l'alinéa 64(1)k) de la Loi sur les Indiens. La politique précise les critères qui seront pris en compte par le ministère en ce qui concerne le transfert de tout l'argent des Indiens du Trésor vers un fonds en fiducie créé par une Première Nation pour son usage et son profit.

La politique donne un pouvoir aux Premières Nations en leur offrant un autre moyen d'obtenir plus de responsabilités et de contrôle sur la gestion et la dépense des sommes d'argent actuelles et futures de leur compte en capital dans le cadre législatif actuel. Elle permet de plus aux Premières Nations de gérer leur compte en capital avec la souplesse requise pour répondre aux besoins de la collectivité et de saisir des possibilités de développement économique.

La politique a été élaborée en consultation avec des experts internes et externes ainsi qu'avec un certain nombre de Premières Nations intéressées. Jusqu'à maintenant, deux Premières Nations se sont prévalues de cette politique pour transférer toutes les sommes d'argent actuelles et futures de leur compte en capital vers des fiducies indépendantes. Nous reconnaissons que le transfert vers une fiducie indépendante n'est pas une option viable pour toutes les Premières Nations. Cependant, nous voyons cette option comme une amélioration en vertu du régime de la Loi sur les Indiens.

La Loi sur la gestion du pétrole et du gaz et des fonds des Premières Nations est entrée en vigueur le 1er avril 2006. En vertu de cette loi, les Premières Nations peuvent choisir de gérer leurs fonds en fiducie sans ingérence du ministre. Il n'est pas nécessaire qu'une Première Nation produise du pétrole pour se prévaloir des dispositions sur les fonds de la loi. Il suffit que le Canada détienne des fonds en fiducie en son nom dans le Fonds du revenu consolidé. Toute Première Nation peut choisir de se prévaloir de la loi si le Canada détient des fonds en fiducie pour elle.

Les Premières Nations qui souhaitent gérer leurs fonds en vertu de la Loi sur la gestion du pétrole et du gaz et des fonds des Premières Nations doivent répondre à certains critères, notamment élaborer un code financier qui en respecte les exigences. En outre, la collectivité doit ratifier à la fois la décision de se prévaloir de la loi et le code financier exigé.

Cette loi remet les pouvoirs décisionnels immédiats concernant la gestion du capital et du revenu détenus en fiducie entre les mains des Premières Nations. Étant donné que l'administration de ces capitaux et fonds de revenu en fiducie cesse de relever de la Loi sur les Indiens, les Premières Nations ne sont plus tenues d'obtenir la permission du ministre pour les consacrer aux projets et dépenses de la collectivité.

Cette nouvelle approche de la gestion des fonds en fiducie des Premières Nations contribue à créer davantage de possibilités pour les Premières Nations et à débloquer des occasions économiques.

La Loi sur la gestion du pétrole et du gaz et des fonds des Premières Nations donne la possibilité aux Premières Nations de rendre des comptes à leurs membres et leur confère aussi la souplesse nécessaire pour réagir plus rapidement aux besoins communautaires.

À l'heure actuelle, une Première Nation s'est prévalue de la Loi sur la gestion du pétrole et du gaz et des fonds des Premières Nations. En 2015, six autres Premières Nations ont manifesté l'intérêt de le faire.

Une autre option qui permet la gestion de l'argent des Indiens hors du régime de la Loi sur les Indiens est l'adhésion au régime de la Loi sur la gestion des terres des premières nations en vertu duquel une Première Nation peut percevoir et gérer ses fonds.

[Français]

Mme Murphy va maintenant faire quelques observations finales.

Mme Murphy : Merci, Claudia.

[Traduction]

C'est un sujet important qui mérite que le comité s'y attarde. Claudia a présenté un aperçu du processus actuel et certaines solutions de rechange qui permettent aux Premières Nations d'exercer un plus grand contrôle sur leur argent, mais nous savons que la gestion de l'argent des Indiens exige un examen continu.

Nous notons qu'il serait utile que le comité entende l'avis du Conseil national de développement économique des Autochtones, des Premières Nations et d'autres intervenants publics et privés pour cerner les options potentielles qui permettront aux Premières Nations d'avoir accès à l'argent des Indiens, de le gérer et de le contrôler, ainsi que pour connaître les répercussions de la modification des services présentement offerts par le ministère aux Premières Nations.

Permettre aux Premières Nations d'avoir le contrôle sur l'argent des Indiens est un élément de l'enjeu plus vaste de la mise en place de mécanismes permettant aux Premières Nations d'exercer leur compétence et de se soustraire à la Loi sur les Indiens, et ce, progressivement si elles le désirent. Les Premières Nations utilisent des mesures législatives sur l'autonomie gouvernementale sectorielle comme la Loi sur la gestion des terres des premières nations, la Loi sur la gestion financière des premières nations et la Loi sur le développement commercial et industriel des premières nations pour obtenir un contrôle plus grand sur les outils qui permettent le développement économique ainsi que l'autodétermination et le bien-être communautaires.

Pour faciliter l'accès à l'argent des Indiens, nous reconnaissons qu'il faut d'autres d'options que l'alinéa 64(1)k) et la Loi sur la gestion du pétrole et du gaz et des fonds des Premières Nations.

J'aimerais souligner que, dans le rapport intitulé Le logement et l'infrastructure dans les réserves : Recommandations de changements qu'il a publié l'an dernier, le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones recommandait que le ministère des Affaires autochtones et du Nord Canada prenne des mesures immédiates pour convoquer la tenue d'une table ronde nationale avec le Conseil national de développement économique des Autochtones et d'autres organismes autochtones afin de chercher des moyens de faciliter aux Premières Nations l'accès à l'argent des Indiens.

Le conseil avait déjà indiqué que les dispositions sur la gestion des fonds de la Loi sur les Indiens représentaient un obstacle important au développement économique des membres et des collectivités des Premières Nations et que des arrangements institutionnels plus souples devaient être conclus pour donner aux Premières Nations l'accès à leur argent.

Le Conseil national de développement économique des Autochtones prévoit tenir une table ronde en 2016 sur les options permettant de faciliter l'accès des Premières Nations à l'argent des Indiens. Le ministère travaille avec le conseil afin de déterminer les intervenants et de cerner les options et les enjeux pour cette table ronde.

[Français]

Nous attendons avec impatience de connaître les conclusions du conseil et nous avons bon espoir qu'elles apporteront des renseignements utiles sur cette question.

Nous serons heureux de répondre à vos questions. Merci.

[Traduction]

Le président : Je vous remercie de vos exposés.

Nous allons maintenant prendre les questions des sénateurs, et je vais commencer par notre vice-président, le sénateur Patterson.

Le sénateur Patterson : Merci d'être venus témoigner aujourd'hui.

Il semble évident que l'argent des Indiens — le capital et les revenus — n'est accessible qu'aux bandes pour lesquelles cet argent est recueilli et conservé, si j'ai bien compris l'exposé. D'après ce que je comprends, deux Premières Nations se sont prévalues de la politique optionnelle relevant de l'alinéa 64(1)k) pour transférer du capital actuel et futur dans des fiducies indépendantes, et une Première Nation s'est prévalue de la Loi sur la gestion du pétrole et du gaz et des fonds des Premières Nations, alors que six autres Premières Nations ont manifesté l'intérêt de le faire.

Pour combien de bandes le gouvernement fédéral détient-il de l'argent au Canada?

Mme Ferland : En ce moment, 576 Premières Nations ont des comptes comportant de l'argent des Indiens qui sont détenus en fiducie par le Canada, et le montant total s'élève à 757 millions de dollars. Parmi ces bandes, 68 ont plus d'un million de dollars en argent des Indiens.

Le sénateur Patterson : Merci. Avec 3 bandes sur 576, nous n'arrivons pas très bien à donner à ces bandes l'accès aux fonds. Est-ce juste de dire cela?

Mme Ferland : En ce moment, les bandes peuvent avoir accès à leur argent en fiducie en se prévalant de l'article 64 de la loi, ou de l'article 69 pour leur compte de revenu. Cependant, si on parle de transfert complet, vous avez raison; en ce moment, deux bandes seulement ont transféré leur argent en vertu des nouvelles dispositions de l'article 64, et une seule en vertu de la Loi sur la gestion du pétrole et du gaz et des fonds des Premières Nations.

Le sénateur Patterson : Donc, la politique optionnelle facilite cela, d'après ce que vous dites, mais nous n'avons quand même que deux Premières Nations qui ont pu profiter de cela. C'est juste?

Mme Ferland : C'est juste, mais je dois dire, à propos de la politique optionnelle, que nous venons de mettre la dernière main au cadre. Il n'a été approuvé qu'en décembre, après que nous y ayons travaillé pendant trois ans environ. Nous allons en faire le lancement le 1er avril, et plusieurs communiqués seront transmis aux bandes. C'est une nouvelle politique à laquelle nous travaillons depuis un certain temps.

Le sénateur Patterson : Le comité, comme vous l'avez indiqué — et je vous remercie de l'avoir reconnu —, a recommandé une table ronde à laquelle participeraient les intervenants pertinents et dont le but serait d'améliorer la situation. À la page 13, vous indiquez que le comité devrait entendre des intervenants, mais je vois aussi que le Conseil national de développement économique des Autochtones a signalé son intention de tenir une table ronde et que le ministère travaille avec le conseil à déterminer les intervenants et à cerner les options et les enjeux pour cette table ronde.

Qu'est-ce que vous voulez? Recommandez-vous que le comité convoque ce que vous appelez une table ronde, ou appuyez-vous l'initiative du Conseil national de développement économique des Autochtones?

Mme Murphy : Je pense que ce que nous essayons de dire, c'est que nous allons laisser le Conseil national de développement économique des Autochtones tenir les tables rondes et recueillir les commentaires des intervenants et des personnes qui connaissent et comprennent la question de l'argent des Indiens, puis faire des recommandations. En même temps, nous encourageons le comité à les faire comparaître ici aussi, avant ou après. Ce serait peut-être mieux après la table ronde. Ils ont déjà accompli du travail concernant l'argent des Indiens; il s'agirait de passer à l'étape suivante.

C'est une approche en deux volets. Ils vont tenir leur table ronde, et ils auront de l'information à transmettre au comité, si vous souhaitez les entendre après la table ronde. Vous pourriez aussi les convoquer au moment qui vous convient. Ils ont déjà fait du travail dans ce domaine et ont des points de vue qui pourraient être intéressants pour vous.

Le sénateur Patterson : Merci.

Le président : Si vous me le permettez, j'ai une question complémentaire. Vous parliez des Premières Nations qui ont réussi à accéder à l'argent des Indiens en vertu de la Loi sur les Indiens par rapport à ceux qui l'ont fait en se prévalant de la nouvelle politique. Si je comprends bien, en application de la politique, l'argent doit être transféré dans une fiducie. En vertu de la Loi sur les Indiens, l'argent est-il transféré dans une sorte d'instrument financier qui pourrait leur donner un plus grand contrôle que la fiducie? Est-ce qu'il y a une différence dans le mécanisme servant au transfert de l'argent du ministère à un type de compte particulier?

Mme Ferland : En vertu de la Loi sur la gestion du pétrole et du gaz et des fonds des Premières Nations, une bande peut transférer son revenu et son capital dans un compte bancaire ou un compte en fiducie; elle a le choix.

Cependant, en vertu de la politique améliorée relevant de l'alinéa 64(1)k) de la Loi sur les Indiens, parce que les Premières Nations prennent l'argent en fiducie, elles peuvent le transférer dans un compte en fiducie. Donc, en vertu de la loi, c'est d'une fiducie à une autre fiducie, alors qu'en vertu de la nouvelle politique relevant de la LGPGFPN, c'est l'un ou l'autre.

Le président : Merci.

Le sénateur Tannas : Merci d'être venus aujourd'hui. Je n'ai que quelques questions de nature exploratoire.

Combien d'argent ont les 10 Premières Nations en tête de votre liste de 500 et quelques?

Mme Murphy : Les 5 Premières Nations en tête de liste contrôlent 54 p. 100 de cet argent; les 10 Premières Nations en tête, 63 p. 100, et les 20 Premières Nations en tête, 70 p. 100.

Le sénateur Tannas : C'est intéressant. Il y aurait donc aussi un « 1 p. 100 » qui existe au sein des Premières Nations.

Nous voulions comprendre ce qu'il en était de ce montant important d'argent et la façon dont cela pourrait... initialement, je crois qu'on pensait que cela serait dans l'intérêt général. C'est vraiment entre les mains d'un très petit pourcentage de Premières Nations, ce qui contribue probablement à expliquer pourquoi tant de Premières Nations ne se sont pas soumises à toutes les formalités nécessaires pour les fiducies indépendantes; il n'y a tout simplement pas assez d'argent pour que cela en vaille la peine. Est-ce juste? Serait-ce la raison pour laquelle une poignée de Premières Nations seulement souhaiteraient trouver une façon différente de gérer cet argent?

Mme Murphy : Je pense que c'est assez juste. Si vous revenez sur notre déclaration liminaire, vous constaterez qu'il y a beaucoup d'argent auquel les Premières Nations accèdent même sans que les dispositions de la Loi sur les Indiens soient appliquées. Nous avons autour de 4,6 milliards de dollars en revenus et en possibilités. Environ 200 millions de dollars se retrouvent dans des comptes en fiducie chaque année, ce qui donne une réserve totale de 750 millions de dollars.

Vous avez raison. Une très faible proportion de Premières Nations ont en fait des montants d'argent importants dans le Trésor. La majorité des Premières Nations ont de petits montants que nous voulons quand même qu'elles viennent chercher, mais les dispositions actuelles sur la façon de le faire, à défaut de créer un compte en fiducie, représentent peut-être un obstacle et les empêchent de faire ce qu'il faut.

Le sénateur Tannas : Je remarque que, l'année dernière, un montant de 205 millions de dollars y est entré et qu'un montant de 204 millions de dollars en est sorti, alors c'est bon. Est-ce la situation depuis quelques années? Est-ce un montant que votre « gestion » a permis d'obtenir de façon consciente, ou est-ce simplement une coïncidence?

Mme Ferland : Ce n'est pas un montant que nous avons obtenu par notre « gestion ». Certaines années, les fonds qui sont sortis ont été plus élevés parce que nous avons transféré de l'argent dans des comptes en fiducie — les deux transferts. Ce serait alors différent.

En ce qui concerne les montants, il faut souligner que 22 bandes n'ont pas d'argent en ce moment, ni dans un compte en fiducie, ni dans un compte de revenu, et que 339 bandes ont moins de 100 000 $.

Le sénateur Tannas : Vous consultez une sorte de liste. Cette liste est-elle publique ou privée?

Mme Ferland : Je ne consulte pas la liste pour ce qui est de...

Le sénateur Tannas : Quand je vous ai interrogée au sujet des 5 ou 10 Premières Nations en tête de liste, vous faisiez des calculs ou regardiez quelque chose.

Mme Ferland : Nous pouvons vous fournir cette information.

Le sénateur Tannas : Ce serait formidable. Merci.

Le président : Cette information se trouve-t-elle sur le site web du ministère, de sorte que le public puisse aussi en prendre connaissance?

Mme Ferland : Il faudrait que je vérifie.

Le président : Pouvez-vous nous transmettre votre réponse là-dessus?

Mme Ferland : Certainement.

Le président : Merci.

La sénatrice Lovelace Nicholas : Merci d'être venus aujourd'hui.

Que se produirait-il si la Loi sur les Indiens était abrogée? Qu'adviendrait-il de l'argent des Indiens?

Douglas Fairbairn, conseiller juridique, ministère de la Justice Canada : La Loi sur les Indiens énonce une procédure visant le traitement de l'argent des Indiens, comme nous l'avons entendu.

L'un des aspects fondamentaux de l'argent des Indiens, c'est l'obligation fiduciaire de la Couronne d'agir dans l'intérêt supérieur des bandes. Une obligation fiduciaire — je le mentionne parce que c'est important dans l'explication — existe quand une partie exerce un pouvoir ou un pouvoir discrétionnaire unilatéral sur l'autre partie. Cela décrit de façon très concise la situation de la Couronne. Elle agit au nom des bandes indiennes afin de protéger leur argent, et cela remonte à avant la Confédération.

Il serait possible d'abroger la Loi sur les Indiens. Il faudrait cependant répondre à la question de savoir quelles seraient les obligations de la Couronne envers les bandes. En ce moment, les bandes perçoivent de l'argent grâce aux baux de pétrole et de gaz et aux permis dans les réserves. Tout cet argent va au Trésor, et la Couronne est une forme de fiducie; elle a l'obligation correspondante à une fiducie, une obligation fiduciaire. Donc, abolir ou abroger la Loi sur les Indiens ouvrirait le débat à savoir ce que la Couronne doit faire concernant les bandes indiennes; si elle doit simplement remettre le contrôle complet aux bandes. C'est une chose que les bandes aimeraient peut-être, mais il y a peut-être des bandes qui n'ont pas la capacité de gérer leur part de l'argent des Indiens.

Je crois que tout revient à une question politique et à une question que les bandes soulèvent elles-mêmes, mais cela laisserait un vide qu'il faudrait combler par des négociations entre la Couronne et les bandes.

La sénatrice Lovelace Nicholas : Merci. Cela m'amène à une autre question.

Pour que les peuples autochtones puissent prendre possession de leur part de l'argent des Indiens, c'est compliqué. S'ils s'adressaient à la Cour suprême du Canada et que celle-ci rendait une décision, ne pourrait-on pas alors verser l'agent aux peuples autochtones de sorte qu'ils n'auraient pas à vivre dans les conditions médiocres actuelles?

M. Fairbairn : Il y a eu une affaire semblable à ce que vous venez de décrire, l'affaire Bande et nation indiennes Ermineskin c. Canada. La cour, de concert avec la Couronne et les bandes intéressées, a établi un processus par lequel l'argent pourrait être transféré aux deux bandes en question — Samson et Ermineskin — en appliquant l'alinéa 64(1)k). Avant cela, personne n'avait interprété cette disposition comme pouvant servir à distribuer ou dépenser de l'argent et à le transférer dans une fiducie établie par la bande.

C'est certainement une méthode qui peut maintenant être utilisée. On l'a utilisée pour les bandes Samson et Ermineskin, et récemment pour la Nation Tsuu T'ina et la Première Nation d'Onion Lake.

La sénatrice Lovelace Nicholas : On a mentionné de l'argent relevant du contrôle de la bande, comme les sommes issues de règlements. Est-ce que les sommes issues de règlements sont les montants liés aux règlements de revendications territoriales?

M. Fairbairn : Oui, il pourrait s'agir de cela. Il incombe dans une grande mesure à la bande de déterminer comment l'argent est géré. Dans de nombreux cas de règlement, l'argent est versé directement dans un compte en fiducie créé par la bande, mais il y a toujours la possibilité d'envoyer l'argent au Trésor, auquel cas l'argent s'ajoute à l'argent des Indiens. Il faut alors appliquer la Loi sur les Indiens ou les autres dispositions législatives dont nous avons parlé. De plus en plus, les bandes semblent opter pour que les fonds soient envoyés directement dans leur compte en fiducie pour éviter les répercussions, si l'argent devient de l'argent des Indiens.

La sénatrice Lovelace Nicholas : Je crois qu'on devrait énoncer clairement qu'elles devraient y avoir accès plus facilement, car certaines revendications territoriales n'ont pas encore été réglées. Le gouvernement semble maintenir l'attitude « 'à prendre ou à laisser ». Je tenais seulement à faire ce commentaire.

Le sénateur Enverga : Je vous remercie de votre exposé. Ma question fait suite à celle du sénateur Tannas.

Les cinq Premières Nations les plus importantes contrôlent 54 p. 100 des fonds. Ont-elles une façon de partager cet argent avec les autres Premières Nations pauvres? Par exemple, peuvent-elles offrir certaines sommes aux autres groupes?

Mme Murphy : Je n'ai jamais vu cela se produire. Habituellement, cet argent est détenu en fiducie pour une bande particulière et dans l'intérêt de la collectivité. Il faudrait vérifier si une telle demande a déjà été formulée. À notre connaissance, ce n'est pas le cas.

Le sénateur Enverga : Pourriez-vous nous communiquer la réponse?

Mme Murphy : Oui.

Le sénateur Moore : J'aimerais remercier les témoins d'être ici aujourd'hui.

Madame Murphy, lorsque vous dites, à la page 3, que l'alinéa 64(1)k) permet aux Premières Nations de transférer des sommes à une fiducie indépendante, pouvez-vous préciser qui contrôle cette fiducie?

Mme Murphy : Je pense que Claudia peut vous expliquer le fonctionnement de la fiducie et les exigences auxquelles devraient répondre la Première Nation en vertu de l'alinéa 64(1)k).

Mme Ferland : En vertu de l'alinéa 64(1)k), conformément à la politique, la bande doit établir les principes d'une saine gestion fiduciaire et se doter d'un acte de fiducie et de règles pour la sélection des fiduciaires. Il s'ensuit que les deux bandes qui ont mis sur pied leur propre fiducie ont élaboré leur propre code pour la sélection des fiduciaires et elles ont dû satisfaire aux critères. Tous les éléments présentés doivent être divulgués à la bande, et les membres de la collectivité peuvent donner leur consentement et voter. L'acte de fiducie et le nom des fiduciaires sont donc communiqués à la bande.

Le sénateur Moore : Dans votre réponse, vous avez parlé d'une politique. Où s'arrête la participation du ministère? Cette fiducie doit-elle continuer d'envoyer des rapports? Établissez-vous les règles liées à la sélection? Où est la limite? On parle d'une « fiducie indépendante ». À mon avis, « indépendante » signifie que seule la bande prend ces décisions et que le ministère n'intervient plus. Où s'arrête le rôle du ministère?

M. Fairbairn : La bande constitue la fiducie indépendante avec l'aide de ses avocats et de ses conseillers financiers. Elle est ensuite envoyée au ministère, où elle est examinée. Mais une fois la fiducie constituée...

Le sénateur Moore : Une minute, s'il vous plaît. Pourquoi l'examinez-vous?

M. Fairbairn : Essentiellement, le ministère de la Justice examine la fiducie pour que le ministre puisse indiquer qu'il agit dans l'intérêt de la bande. En effet, avant que l'argent soit transféré, on exige que le ministre soit convaincu que c'est dans l'intérêt de la bande.

La responsabilité de la Couronne prend fin une fois l'argent transféré dans la fiducie. Les fiduciaires ont maintenant l'obligation de protéger cet argent et de l'utiliser pour les raisons énoncées dans l'acte de fiducie.

Le sénateur Moore : Une fois les fonds transférés dans la fiducie, le ministère n'intervient plus du tout?

M. Fairbairn : C'est exact, sénateur.

Le sénateur Moore : Cet argent s'accumule-t-il depuis le début de la Confédération?

M. Fairbairn : Oui, monsieur, et même avant la Confédération.

Le sénateur Moore : Vraiment?

M. Fairbairn : Oui.

Le sénateur Moore : Voici un commentaire tiré de votre document :

[La résolution du conseil de bande] est ensuite envoyée au Ministère aux fins d'examen et d'approbation, conformément à la politique.

Quelle est « la politique »?

Mme Ferland : Afin d'en faciliter l'accès, le ministère a publié le guide d'administration des fonds des bandes. Ainsi, une bande peut également vérifier ce qu'elle doit faire afin d'avoir accès à son argent et consulter tous les formulaires, le processus et les procédures connexes. Ce sont exactement les mêmes documents que ceux utilisés par nos agents.

Le sénateur Moore : Si une Première Nation passait par ce processus stratégique, combien de temps lui faudrait-il, en temps normal, pour avoir accès à l'argent?

Mme Ferland : C'est une question assez complexe. Il pourrait suffire de deux ou trois semaines pour avoir accès à l'argent, lorsque tous les documents sont prêts et que nous avons collaboré avec la bande. Toutefois, selon la complexité de la demande présentée, par exemple dans le cas de la création d'une nouvelle fiducie, il peut falloir plusieurs mois.

Le sénateur Moore : À la page 9, vous mentionnez que « Récemment, le Ministère a élaboré une politique optionnelle qui permet... ». Plus tôt, lorsque vous avez dit qu'une politique optionnelle avait été approuvée en décembre 2015 et qu'elle sera en vigueur en avril prochain, est-ce bien ce que vous entendiez par « récemment »?

Mme Ferland : C'est exact. C'est la politique dont je parlais.

Le sénateur Moore : Si cet enjeu date de l'époque de la Confédération, comment explique-t-on que le ministère ne fait que l'aborder maintenant? N'y a-t-on pas pensé avant? Pendant toutes ces années, personne n'a déclaré avoir besoin de cet argent et demandé comment l'obtenir? Vous me dites que personne n'a eu l'idée de soulever cette question auparavant? Pourquoi abordons-nous seulement cette question maintenant, en décembre 2015?

Mme Murphy : Vous avez raison, il a fallu beaucoup de temps. Au début, nous nous sommes concentrés sur les dispositions qui permettent de se soustraire à la loi. Nous nous sommes d'abord penchés sur la LGPGFPN et sur d'autres lois qui permettent de se soustraire aux dispositions visées, lorsque nous avons travaillé sur les dispositions sur les fonds.

En réalité, lorsqu'on examine les choses dans leur ensemble, une très grande partie des fonds gérés par les Premières Nations ne se trouve pas dans le Trésor public, mais ailleurs. Nous collaborons avec ces Premières Nations et nous leur offrons aide et conseils pour dépenser leur argent par l'entremise d'un large éventail de programmes et de services.

Nous n'avons pas très bien réussi. Nous voulons faire mieux, et comme nous l'avons dit dans notre exposé, nous tentons de trouver des façons créatives de leur donner accès à l'argent des Indiens.

Le sénateur Moore : À la page 11, lorsque vous parlez de la Loi sur la gestion du pétrole et du gaz et des fonds des Premières Nations, vous dites qu'afin de reprendre le contrôle, elles « doivent répondre à certains critères, notamment élaborer un code financier... » Qui élabore ce code?

Mme Murphy : Les Premières Nations.

Le sénateur Moore : Doivent-elles obtenir l'approbation de votre ministère?

Mme Murphy : Oui. Nous devons examiner l'initiative pour veiller à ce qu'elle réponde aux exigences de la loi. Nous faisons la même chose dans le cas des mesures législatives optionnelles, c'est-à-dire que nous vérifions si toutes les exigences de la loi ont été respectées. Une fois ce point réglé, le code est ratifié et les Premières Nations mènent leurs activités conformément à ce code.

Le sénateur Moore : Si tout l'argent des Indiens détenu aujourd'hui dans le Trésor était distribué aux Premières Nations et qu'il ne restait rien dans ce fonds, combien d'employés du ministère seraient superflus?

Mme Murphy : Nous devrons probablement vous revenir avec la réponse à cette question, car nous devons déterminer les conséquences de cette éventualité. Je ne veux pas improviser ces données.

La sénatrice Beyak : Je vous remercie de votre exposé.

Mon interprétation est différente de celle de mes collègues. Il me semble que les conseils de bande, en vertu des articles 64, 66 et 69, ont toujours eu l'option, par l'entremise d'une résolution du conseil de bande, d'obtenir l'argent à n'importe quel moment. Il s'agit d'un petit fonds comparativement au revenu général. Pourriez-vous nous en dire plus à ce sujet?

Mme Ferland : Vous avez raison lorsque vous dites qu'en vertu des articles 64, 66 et 69, les bandes sont en mesure d'avoir accès à leur argent. Grâce aux nouvelles dispositions optionnelles, nous leur offrons de transférer tout leur argent et de le gérer elles-mêmes, plutôt que d'envoyer une résolution du conseil de bande au ministère pour effectuer chaque dépense.

La sénatrice Beyak : Merci beaucoup.

La présidente : Dans les documents que nous avons, vous parlez de deux sources d'argent dans le Trésor pour chaque Première Nation. Vous appelez la première « compte de revenu », et il s'agit essentiellement d'éléments comme les ressources renouvelables, et vous appelez l'autre le « compte en capital », c'est-à-dire les ressources non renouvelables. Il semble que l'accès à chaque source est différent. En effet, les Premières Nations peuvent avoir accès plus facilement au compte de revenu qu'au compte en capital. Pourquoi cette distinction existe-t-elle? Ces sommes sont-elles conservées séparément?

Mme Ferland : Vous avez parfaitement bien décrit la distinction entre les deux sources d'argent, c'est-à-dire le compte en capital et le compte de revenu. Le compte de revenu concerne les ressources renouvelables et le compte en capital englobe les ressources non renouvelables.

Les articles 66 et 69 permettent l'accès aux fonds du compte de revenu. L'article 64, de la façon dont il a été rédigé, prévoit tous les accès à la fiducie. Toutefois, en raison de la composition de la fiducie, la loi prévoit la façon dont l'argent sera distribué et la façon par laquelle on y aura accès.

La présidente : Il s'agit donc d'un obstacle de nature législative, si je comprends bien?

M. Fairbairn : Les deux comptes, c'est-à-dire le compte de revenu et le compte en capital, permettent au ministre de répartir l'argent. En vertu de l'alinéa 64(1)k), qui vise le compte en capital, il est maintenant plus facile de transférer tout l'argent d'une bande dans une fiducie plutôt que de demander à la bande de présenter une demande d'argent chaque fois qu'elle en a besoin. C'est la nouvelle façon de faire les choses qui a été adoptée au cours des trois dernières années en vertu de l'article 64, c'est-à-dire qu'on transfère tout l'argent d'une bande dans sa fiducie.

La présidente : Prenons l'exemple d'une Première Nation qui reçoit des revenus; tous ces revenus doivent-ils passer par le ministère ou seulement un certain pourcentage?

M. Fairbairn : Habituellement, si l'argent a été perçu par l'entremise de permis ou de licences liés aux terres de réserve, tous les fonds seront versés dans le Trésor et ensuite, la bande peut présenter une demande pour obtenir un certain pourcentage de cet argent.

La présidente : À votre avis, la plus grande partie des fonds des Premières Nations sur votre liste proviennent-ils du compte en capital ou du compte en revenu?

Mme Ferland : Actuellement, il y a 581 millions de dollars dans le compte en capital et 175,6 millions de dollars dans le compte de revenu.

La présidente : Et l'accès à chaque compte est différent. Chaque année, combien de Premières Nations communiquent avec le ministère afin d'avoir accès à leur argent qui se trouve dans le Trésor?

Mme Ferland : Je peux chercher ce nombre. L'an dernier, 1 156 transactions ont été effectuées pour avoir accès à l'argent des Indiens.

La présidente : Pourriez-vous nous expliquer ce que signifie « transactions »?

Mme Ferland : Ce sont des dépenses.

La sénatrice Raine : C'est un sujet très intéressant. J'aimerais m'assurer de bien comprendre. Tout l'argent contenu dans ces fonds appartient aux Premières Nations. Nous avons tendance à penser qu'il y a 581 millions de dollars dans le compte en capital, mais il ne s'agit pas d'un seul compte. Il s'agit d'une série de comptes. Je crois que vous avez mentionné que 576 Premières Nations possédaient une partie de ce fonds, et que seule une Première Nation peut décider de l'utilisation de son argent. Aucune somme n'est perçue et ensuite dépensée au nom d'autres Premières Nations. Par exemple, si j'étais membre d'une Première Nation, ma bande ou ma Première Nation adopterait une résolution pour savoir combien d'argent se trouve dans le fonds et obtiendrait la réponse. Je suis certaine que cela fonctionne ainsi : un comptable dit à la bande qu'elle dispose, par exemple, de 2 695 $. Les membres de la bande proposent ensuite de constituer une bourse d'études pour l'un de leurs jeunes et de permettre à tous de faire une demande. La bande pourrait ensuite décider qu'il s'agit d'une bonne idée pour dépenser cette petite somme et adopter une résolution à cet égard. Est-ce bien cela?

Mme Ferland : Vous avez raison pour le fonctionnement.

Actuellement, il y a 1 189 comptes, répartis de la façon suivante : 584 comptes en capital et 603 comptes de revenu. Mais chacun d'entre eux existe pour le profit d'une bande en particulier et seule cette bande peut y avoir accès.

La présidente : La bande peut-elle se servir de son argent comme garantie?

M. Fairbairn : Si l'argent se trouve dans le Trésor, non, elle ne pourrait pas faire cela. Si l'argent a été transféré dans une fiducie ou dans son compte bancaire, elle pourra l'utiliser comme garantie.

Une fois l'argent dans le Trésor, il s'agit techniquement d'argent public, même s'il appartient à la bande; cette dernière ne pourrait donc pas s'en servir comme garantie.

Le sénateur Tannas : Pendant nos déplacements, nous avons eu l'impression qu'il y avait des actifs non utilisés ici et qu'il était difficile d'y avoir accès pour des raisons adéquates et valables. Vous ne me donnez pas cette impression. S'il y a un problème avec la gestion de cet argent, c'est-à-dire si on ne peut pas avoir accès à certains actifs pour une raison quelconque, nous aimerions beaucoup le savoir. C'est ma première question.

De plus, j'aimerais connaître le nombre de demandes — en pourcentage — qui vous sont présentées et qui ne répondent pas aux exigences de la Loi sur les Indiens et qui doivent donc être refusées.

Mme Murphy : Je pense que la réponse aura deux volets. J'aimerais d'abord demander à Allan de répondre à la première partie concernant les actifs inutilisés, car je crois que c'est bien ce que les gens ont dit. C'est probablement parce qu'il y a un retard. Je vais le laisser répondre à la question et ensuite, je crois que Claudia ou Doug répondront à la deuxième partie de la question.

Allan Clarke, directeur général, Direction générale de la recherche économique et élaboration des politiques, Terres et développement économique, Affaires autochtones et du Nord : Si vous parliez aux membres du Conseil national de développement économique des Autochtones ou à ceux de l'Administration financière des Premières Nations, je crois que vous auriez l'impression qu'il y a des actifs non utilisés.

Je crois que ces actifs sont non utilisés pour deux raisons. La première, c'est que même si l'argent semble passer par le Trésor pour revenir aux Premières Nations, ce processus nécessite du temps et de l'argent. Les coûts sont liés au financement. Les sommes contenues dans le Trésor gagnent 0,5 p. 100 au taux de rendement actuel. En même temps, les Premières Nations empruntent de l'argent chez les prêteurs commerciaux pour mener leurs activités. Selon nos calculs, il en coûte 50 millions de dollars par année aux Premières Nations qui ont de l'argent dans le Trésor, mais qui doivent quand même emprunter d'une banque. Cet écart représente des immobilisations perdues.

Deuxièmement — et c'est à ce moment-là qu'on parle de monétisation, de constitution d'une garantie ou de titrisation —, les Premières Nations ne peuvent pas se servir de cet argent pour garantir un emprunt. Dans les calculs que nous avons effectués en collaboration avec l'Administration financière des Premières Nations, même s'il s'agit de 200 à 300 millions de dollars par année et qu'on utilise les obligations de l'AFPN en garantie, cela pourrait générer environ 1,7 milliard de dollars en prêts pour les Premières Nations, ce qui est assez élevé lorsqu'on pense aux lacunes qui existent dans les réserves relativement à l'infrastructure, et cetera.

Je pense qu'on est d'avis que même si l'argent est renvoyé aux Premières Nations, le temps, les écarts et la capacité d'utiliser cet argent pour certaines choses représentent toujours un obstacle, et je crois que les gens font valoir que cela représente une lacune.

Le sénateur Tannas : Je n'avais pas pensé que cet argent, pendant qu'il complète le cycle, ne pouvait pas être offert en garantie et ne pouvait donc pas, comme vous le dites, constituer un nantissement. Si nous prenons les taux d'intérêt actuels, une personne pourrait emprunter beaucoup d'argent si elle pouvait affirmer que cet argent est la sienne, qu'il s'agit d'une source de revenus fiable et qu'elle peut utiliser les recettes pour faire des versements sur une obligation.

C'est une question très grave. La pièce est remplie de législateurs. Comment régler la question?

Mme Murphy : Allan peut vous dire ce que nous faisons actuellement, en particulier par l'entremise de la Loi sur la gestion financière des premières nations et de certains établissements que les Premières Nations et nous examinons pour renforcer leur acuité financière et leur donner la capacité d'utiliser leurs fonds d'une manière différente de ce que nous ferions normalement en vertu de la Loi sur les Indiens.

M. Clarke : Dans notre exposé, nous avons parlé des compétences et du contrôle sur les ressources, les personnes et l'argent. En ce qui a trait au point soulevé par le sénateur concernant l'abolition de la Loi sur les Indiens, je ne peux pas dire si cela se produira bientôt ou dans l'avenir, mais je crois que les gouvernements ont cherché au cours des 15 à 20 dernières années des moyens de permettre aux Premières Nations d'exercer leur compétence dans des domaines importants, à savoir dans notre cas le développement économique. Voilà pourquoi nous avons des lois comme la Loi sur la gestion des terres des premières nations et la Loi sur la gestion financière des premières nations qui fournissent un cadre législatif qui permet aux Premières Nations d'agir d'une manière qui aurait été impossible en vertu de la Loi sur les Indiens. La Loi sur les Indiens ne prévoit aucun des cadres législatifs nécessaires pour exercer des compétences, et c'est un anachronisme sur toute la ligne.

Pour ce qui est de l'argent des Indiens, une personne a mentionné plus tôt que nous recueillons cet argent depuis avant la Confédération. Cela me semble quelque peu anachronique.

L'objectif est de fournir un cadre législatif pour donner l'occasion aux Premières Nations d'exercer en fait un contrôle sur des domaines qui leur revient de droit, et nous pouvons créer des mécanismes ou des cadres législatifs. Je crois, par exemple, qu'il serait possible de modifier la Loi sur la gestion financière des premières nations pour trouver une manière de permettre aux Premières Nations d'exercer leur compétence dans une vaste gamme de domaines ayant trait aux gestions budgétaire et financière. Du moins en théorie, cela pourrait inclure l'argent des Indiens.

Le sénateur Tannas : Merci.

Je vais vous laisser répondre à la deuxième partie.

Mme Ferland : Pour confirmer, vous voulez savoir le nombre de demandes qui n'ont pas satisfait aux conditions prévues dans la loi.

Le sénateur Tannas : Celles que vous avez refusées.

Mme Ferland : À ma connaissance, nous ne cherchons pas à rejeter de demandes. À l'échelle régionale, nous collaborons avec les Premières Nations pour déterminer si elles veulent présenter une demande pour obtenir leur fonds par l'entremise de l'article 64, 66 ou 69. « Comment pouvons-nous vous aider à y arriver? Que pouvons-nous faire pour y arriver et quelles sont vos options? » Il s'agit plutôt de collaborer pour y arriver au lieu de tout simplement leur répondre que nous ne pouvons pas le faire.

La présidente : Avez-vous en fait la capacité de répondre à ces demandes? Y a-t-il seulement une ou deux personnes qui y travaillent ou cela n'entre-t-il pas du tout dans l'équation? La capacité administrative de traiter les demandes cause-t-elle un certain blocage?

Mme Ferland : Nous avons la capacité à l'échelle régionale d'aider les Premières Nations sur le terrain, étant donné qu'elles connaissent mieux leurs collectivités. Par ailleurs, nous avons la capacité à l'échelle nationale de soutenir les régions. Nos réseaux régionaux et national nous permettent de soutenir les collectivités quant à leurs demandes. Nous avons également accès, au besoin, aux avocats du ministère de la Justice.

Le sénateur Moore : Madame Ferland, dans votre réponse à la question du sénateur Tannas, vous avez dit qu'en 2014-2015 il y avait eu 1 156 transactions. J'imagine que cela concerne les 204 millions de dollars qui ont été distribués. S'agissait-il de toutes les demandes?

De plus, ces 1 156 transactions ont-elles toutes été approuvées et de l'argent a-t-il été versé? Je crois que c'est ce que le sénateur Tannas voulait savoir.

Quel était le total? S'agissait-il du nombre total de demandes ou du nombre total de transactions où de l'argent a été versé? Si c'est la réponse, combien y en a-t-il eu où ce n'était pas le cas?

Mme Ferland : Pour confirmer que je comprends bien votre question, vous me demandez si 1 156 est le nombre total de demandes que le ministère a reçues en 2014-2015.

Le sénateur Moore : Oui.

Mme Ferland : Je vous ferai parvenir plus tard l'information sur le nombre de demandes, mais je peux confirmer qu'il s'agit du nombre de transactions où nous avons transféré de l'argent.

Le sénateur Moore : Je comprends cela, mais je veux savoir combien il y en a eu.

Vous avez parlé des régions, et j'aimerais connaître le processus. Est-ce que la Première Nation se rend dans le bureau régional? Comment le tout se met-il en branle? Quel est le cheminement? Au final, comment la décision est-elle prise, comment la réponse est-elle donnée et comment l'argent est-il transféré, si c'est accepté?

Mme Ferland : Pour ce qui est du processus, cela débute normalement par une résolution du conseil de bande. Les bandes demandent de l'aide au bureau régional, et elles ont accès au guide des bandes sur les dépenses. Ce guide décrit les diverses étapes à suivre pour avoir accès aux fonds et les formulaires à remplir. C'est fait en partenariat avec le bureau régional ou le ministère à l'échelle nationale en vue de leur fournir leur fonds.

Le sénateur Moore : La bande prépare une résolution qui est envoyée au bureau régional qui lui remplit les formulaires. Ensuite, où la demande est-elle envoyée? À Ottawa? Où la demande est-elle envoyée par la suite?

Mme Ferland : Si la dépense est faite en vertu de l'article 64 de la Loi sur les Indiens, il faut tenir compte de certains alinéas. Ce sont les alinéas 64(1)a) à 64(1)k). Si cela concerne certains alinéas, le bureau régional traite la demande, approuve le tout et transfère l'argent. À l'administration centrale, nous traitons seulement les demandes qui visent les alinéas 64(1)k) et 64(1)d).

Le sénateur Moore : Merci.

La sénatrice Lovelace Nicholas : En vue de permettre aux Autochtones d'avoir accès à ces 750 millions de dollars, l'alinéa 64(1)k) a été modifié. Les Premières Nations pourraient-elles avoir plus facilement accès à ces fonds pour l'infrastructure, comme des routes ou de l'eau de meilleure qualité? Cela pourrait-il être possible?

M. Fairbairn : L'alinéa 64(1)k) était en gros un processus créé par le tribunal. La décision de la Cour suprême prévoit l'interprétation de l'alinéa 64(1)k) et les manières dont l'argent doit être transféré aux bandes. Elle exige que les bandes tiennent un scrutin communautaire et créent elles-mêmes une fiducie. Elle prévoit aussi que les bandes devraient demander des conseils juridiques et financiers.

Le ministère pourrait vouloir modifier l'alinéa 64(1)k) et préciser davantage dans les règlements le fonctionnement de cet alinéa en vue d'essayer de simplifier les procédures actuelles. Pour l'instant, nous suivons la procédure établie dans une décision de la cour qui vise à favoriser les intérêts des bandes tout en s'assurant que la Couronne remplit ses obligations fiduciaires.

La sénatrice Lovelace Nicholas : Je n'en ai tout simplement pas l'impression. Comment une bande pourrait-elle avoir plus facilement accès à l'argent si vous ne modifiez pas un article de la Loi sur les Indiens? Comment les Premières Nations pourraient-elles avoir plus facilement accès aux fonds pour qu'elles puissent arrêter de vivre dans des conditions déplorables?

Mme Murphy : Si les bandes choisissent de présenter une demande en vertu de l'alinéa 64(1)k), la réalité est qu'elles y adhéreront et qu'une fiducie sera créée. Les fonds actuels et futurs seront transférés dans cette fiducie, et ce ne sera pas assujetti à la Loi sur les Indiens. Les bandes pourront utiliser leurs fonds pour en faire profiter leur collectivité comme vous le décrivez.

Les bandes doivent franchir l'étape de la décision initiale en vue de créer la fiducie. Lorsque c'est fait, elles peuvent gérer l'argent comme bon leur semble, et le ministère ne s'en mêle pas.

La sénatrice Lovelace Nicholas : Merci beaucoup. Vous avez répondu à ma question.

Le sénateur Enverga : Il a été question plus tôt de la Loi sur la gestion du pétrole et du gaz et des fonds des Premières Nations. C'est une manière d'avoir l'argent, mais je me demande s'il existe d'autres options en vue de permettre aux Premières Nations d'y accéder plus facilement.

Mme Murphy : Si les Premières Nations adhèrent au régime en vertu de la Loi sur la gestion des terres des premières nations, elles se soustraient à 32 articles de la Loi sur les Indiens et peuvent gérer leurs terres et leurs ressources dans le cadre de ce régime, qui se veut une manière d'éviter que leurs fonds soient versés dans le Trésor. Il s'agit d'une autre loi à adhésion facultative.

Nous constatons également que les Premières Nations perçoivent des recettes par d'autres moyens. Elles ont recours à des manières novatrices pour éviter que les fonds ne se retrouvent pas dans le Trésor. Elles utilisent une vaste gamme de moyens. Une petite partie de l'argent se retrouve en fait dans le Trésor.

Le sénateur Enverga : Quelle est la manière la plus facile d'obtenir ces fonds sans passer par la bureaucratie qui rend les choses plus difficiles pour les Premières Nations? Quelle est la manière la plus facile de le faire?

Mme Murphy : Voulez-vous dire la façon la plus facile de le faire lorsque les fonds se trouvent dans le Trésor?

Le sénateur Enverga : Oui.

Mme Murphy : La façon la plus facile pour les Premières Nations est de décider d'y souscrire et de créer la fiducie, ce qui permet de retirer de façon permanente les fonds actuels et futurs qu'elles pourront maintenant gérer comme bon leur semble. Si les Premières Nations continuent de laisser les fonds être versés dans le Trésor, elles devront chaque fois remplir des formulaires et se plier aux processus d'approbation pour y accéder. Elles devront le faire, peu importe la raison pour laquelle elles choisissent de demander ces fonds.

Comme Claudia l'a mentionné au début, la vaste majorité des Premières Nations n'ont pas vraiment beaucoup d'argent dans le Trésor. La majorité des fonds appartient à un très petit nombre d'entre elles.

Le sénateur Enverga : Combien y a-t-il de Premières Nations qui ont choisi de souscrire à la manière la plus facile?

Mme Murphy : Voulez-vous dire en vertu de l'alinéa 64(1)k)?

Le sénateur Enverga : Oui. Exactement.

Mme Ferland : Actuellement, deux Premières Nations ont souscrit à la nouvelle politique améliorée en vertu de l'alinéa 64(1)k), mais il s'agit d'une politique très récente qui a été approuvée en décembre. À mesure que nous communiquerons l'information, nous espérons que d'autres collectivités s'en prévaudront.

J'aimerais ajouter que 95 Premières Nations ont adhéré au régime en vertu de la Loi sur la gestion des terres des premières nations, et il y en a 54 dont le régime est en vigueur. Les 41 autres sont à l'étape de l'élaboration et de la mise en œuvre. Lorsque ce sera fait, leur gestion sera aussi soustraite à l'application de la Loi sur les Indiens.

La présidente : Combien y a-t-il de Premières Nations qui ont choisi de souscrire à la Loi sur la gestion du pétrole et du gaz et des fonds des Premières Nations?

Mme Murphy : Il y en a une, et cinq autres Premières Nations se sont dites intéressées.

Nous avons de la difficulté à comprendre pourquoi les Premières Nations ne se prévalent pas de ce qu'offre cette loi. Son titre « du pétrole et du gaz et des fonds » en est peut-être en partie la cause. Il n'y a pas beaucoup de Premières Nations qui ont la possibilité d'exploiter du pétrole ou du gaz dans leur réserve.

Je crois que nous devons en faire plus pour comprendre ce qui cloche et les points sur lesquels nous pourrions collaborer avec les Premières Nations pour qu'elles y souscrivent. Cette loi donne beaucoup de latitude aux Premières Nations, ce qu'elles n'auraient pas nécessairement en vertu de l'alinéa 64(1)k), parce qu'elles reçoivent des capitaux et des recettes en vertu de cette loi.

La présidente : À la page 13 de votre exposé, vous reconnaissez qu'il faut davantage d'options. Dans les travaux réalisés par le ministère au fil des années, avez-vous examiné d'autres options dont vous pouvez nous faire part?

M. Clarke : Je crois qu'en nous penchant sur des mesures comme la Loi sur la gestion financière des premières nations, qui permet aux Premières Nations d'exercer leur compétence dans certains domaines, dont l'impôt foncier et la gestion financière, cela pourrait servir de fondement à un cadre législatif qui donnerait aux Premières Nations un plus grand contrôle sur leurs fonds, y compris l'argent des Indiens. C'est également une proposition faite par l'Administration financière des Premières nations, et le CNDEA l'examinera probablement à l'occasion de sa table ronde.

La présidente : Aimeriez-vous poser une question complémentaire, sénatrice Raine?

La sénatrice Raine : À titre de précision, madame Murphy, vous venez de dire la « Loi sur la gestion des fonds liés au pétrole et au gaz des Premières Nations ». Est-ce bien cela ou est-ce plutôt la « Loi sur la gestion du pétrole et du gaz et des fonds des Premières Nations »?

Mme Murphy : Je me suis mal exprimée.

La sénatrice Raine : Si les gens pensent généralement qu'il s'agit de la « Loi sur la gestion des fonds liés au pétrole et au gaz des Premières Nations », ils présument que cela ne concerne pas l'argent. Or, cela concerne la question des fonds des Premières Nations.

Mme Murphy : Vous avez raison. Par contre, je crois que ce n'est pas bien compris, parce que le titre mentionne en premier « du pétrole et du gaz ». Cette loi peut viser la gestion des fonds ou des recettes pétrolières et gazières.

La sénatrice Raine : Nous pourrions recommander d'en modifier le titre pour mettre le « et » en majuscule et le souligner.

Mme Murphy : Je m'excuse de ne pas l'avoir mentionné.

La sénatrice Raine : La majorité d'entre nous disent la « Loi sur la gestion des fonds liés au pétrole et au gaz des Premières Nations ». Nous devons mettre l'accent sur le « et les fonds ».

Le sénateur Moore : Madame Ferland, lorsque vous avez répondu à ma dernière question, vous m'avez fait penser à quelque chose d'autre. Vous avez dit qu'il y a eu 1 156 transactions lors du dernier exercice financier. En répondant à ma question sur le processus, vous avez dit que certaines demandes ont été approuvées par le bureau régional, tandis que d'autres l'ont été par l'administration centrale. Quelle est la répartition des approbations entre le bureau régional et l'administration centrale? Combien chacun a-t-il approuvé de demandes?

Mme Ferland : Nous vous ferons parvenir plus tard les données, si cela vous convient.

Le sénateur Moore : D'accord. J'aimerais le savoir.

Sénatrice Raine, j'avais de la difficulté à comprendre la différence entre les recettes pétrolières et gazières et les autres fonds, mais je crois que les témoins y ont répondu.

C'est tout, monsieur le président.

La présidente : Merci, chers collègues, de vos questions.

Un certain nombre de questions ont été soulevées dans nos discussions ce matin, et nous aimerions peut-être vous inviter de nouveau à témoigner pour que vous puissiez répondre à certaines questions soulevées par d'autres témoins. J'espère que vous serez d'accord. Les renseignements dont vous nous avez fait part ce matin sont très instructifs, mais j'ai l'impression que nous pourrions aller encore plus loin si nous avions une autre séance.

Concernant les renseignements dont vous avez fait part, j'aimerais que vous expliquiez plus en détail le processus qu'une Première Nation doit suivre et que vous nous envoyiez de la documentation en ce qui concerne le processus d'approbation en vue de nous permettre d'examiner le tout plus en détail.

Sénatrice Raine, avez-vous une question complémentaire?

La sénatrice Raine : Si un membre d'une Première Nation veut savoir combien d'argent appartenant à sa bande se trouve actuellement dans le Trésor, peut-il le faire facilement?

La présidente : Parlez-vous d'un particulier ou d'une Première Nation?

La sénatrice Raine : J'aurais pensé qu'une Première Nation aurait su quel est ce montant, mais il arrive parfois que les gens hésitent à lui demander combien d'argent elle a à sa disposition par rapport aux Premières Nations voisines. Cela dépend des activités économiques qu'une Première Nation a menées au fil des ans.

La présidente : C'est lié à la question portant sur la disponibilité de cette information sur le site web du ministère.

La sénatrice Raine : C'est exact.

La présidente : Je ne pense pas qu'on ait indiqué clairement si l'information est disponible.

Mme Murphy : Je ne veux pas donner de mauvaise réponse, et nous allons donc nous renseigner pour vous dire ce qui est rendu public et ce qui ne l'est pas, quelle est l'information qui peut être consultée. Nous pourrions vous revenir là-dessus.

La présidente : Y a-t-il des questions de dernière minute?

Le sénateur Moore : Nous avons visité de nombreuses réserves l'année dernière. Si je loue une terre située sur une réserve pour y exploiter un magasin d'alimentation, le loyer doit-il être versé dans le Fonds du revenu consolidé? Ou doit-il plutôt être payé à la Première Nation qui remet l'argent au fonds et qui doit ensuite présenter une demande pour le récupérer?

M. Fairbairn : L'argent est versé dans le Fonds du revenu consolidé lorsqu'il s'agit d'un loyer.

Le sénateur Moore : Dans le cas d'un bail signé par la Première Nation et moi, le paiement serait fait au Fonds du revenu consolidé.

M. Fairbairn : En effet, si le bail a été conclu avec la Couronne.

Le sénateur Moore : C'est ce que je pensais. Merci.

Mme Murphy : Nous pouvons expliquer comment fonctionnent les baux et le processus qui s'y rattache. Je crois que ce serait utile pour répondre à votre question.

La présidente : Je vous en prie.

M. Clarke : Je crois qu'il est important de comprendre pourquoi l'argent devient celui des Indiens. C'est attribuable à la négociation ou à la signature par la Couronne d'un bail, d'un permis ou d'une entente dans le cadre de laquelle des redevances sont versées. C'est pourquoi une grande partie de l'argent provient du pétrole et du gaz. Pétrole et gaz des Indiens du Canada signe les ententes entraînant le versement de redevances et les baux pour ce genre d'activité.

Il y a également la location de terres. C'est de là que proviennent les revenus. La plupart des Premières Nations en profitent déjà. Il s'agit donc d'une source importante d'argent.

L'argent des Indiens provient surtout des cas où la Couronne signe une entente au nom d'une Première Nation. C'est la raison pour laquelle il y a probablement entre 4 et 5 milliards de dollars dans l'économie des Premières Nations qui ne sont pas prélevés par le Canada. Elles mènent des activités qui ne relèvent pas des Affaires indiennes ou du gouvernement du Canada. L'argent des Indiens représente donc une partie relativement petite de ce que les Premières Nations gagnent et font fructifier, de leurs autres sources de revenus.

Je crois que ce que les gens font valoir au sujet de l'argent des Indiens, c'est qu'il faut rendre un peu justice aux Premières Nations lorsqu'elles s'adressent à la ministre pour récupérer leur propre argent. L'autre question consiste à savoir pourquoi nous gardons cet argent quelque part plutôt que de leur permettre d'en profiter pleinement et de s'en servir.

Le sénateur : Dans mon exemple, je loue la terre d'une Première Nation. Je rencontre le chef et les membres du conseil, je négocie une entente et je paye un loyer à la Première Nation. Qui signe le bail? Est-ce la Première Nation ou le Canada?

M. Clarke : Cela dépend. Il existe différents types de baux qui peuvent faire partie d'un sous-ensemble d'un bail principal. La Première Nation négocie donc ces baux. Il peut également s'agir d'une entente extrajudiciaire, comme un bail au noir, qui est signée avec un membre de la Première Nation.

La négociation de baux n'est pas normalisée, mais beaucoup sont signés par le Canada.

Le sénateur Moore : Quel pourcentage?

Mme Murphy : Quand le bail est signé par le Canada, l'argent est versé dans le Fonds du revenu consolidé.

Le sénateur Moore : Je comprends cela, mais le Canada prend-il part à la plupart des ententes?

Mme Murphy : Il ne prend pas part à la plupart des ententes dont nous parlons, c'est-à-dire les baux principaux et les baux au noir. Les Premières Nations ont élaboré ces manières de procéder pour gérer elles-mêmes les terres, les baux et les permis. Ces façons de faire sont codifiées dans la Loi sur la gestion des terres des premières nations, et les Premières Nations mènent leurs activités en fonction de ce cadre législatif.

Le sénateur Moore : Merci.

La présidente : Je remercie les témoins des Affaires autochtones et du Nord ainsi que le témoin du ministère de la Justice d'avoir comparu devant nous aujourd'hui. Nous allons probablement vous convoquer de nouveau. Je vous remercie de vos réponses à nos questions et de vos renseignements instructifs.

(La séance est levée.)


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