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LCJC - Comité permanent

Affaires juridiques et constitutionnelles

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Affaires juridiques et constitutionnelles

Fascicule no 13 - Témoignages du 5 octobre 2016


OTTAWA, le mercredi 5 octobre 2016

Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles se réunit aujourd'hui, à 16 h 16, afin de poursuivre son étude sur les questions relatives aux délais dans le système de justice pénale au Canada.

Le sénateur Bob Runciman (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Avant de commencer, j'aimerais dire quelque chose au sujet de notre rapport préliminaire. Je tiens à féliciter les sénateurs Baker, Batters et Carignan pour le travail remarquable qu'ils ont accompli et le suivi qu'ils ont effectué auprès des divers médias. J'aimerais aussi féliciter notre greffière, Jessica Richardson, pour le rôle qu'elle a joué; nos analystes, pour leur excellent travail; ainsi que l'équipe des communications, notamment pour les graphiques contenus dans notre rapport. Je crois que tout le monde s'entend pour dire qu'ils étaient exceptionnels. Ce fut une semaine bien remplie. Beaucoup de bon travail a été fait en notre nom, et nous vous en remercions.

Nous avons entendu de nombreux commentaires positifs au sujet de notre rapport pendant notre séjour dans l'Ouest, de même que des réflexions, des idées et des suggestions relatives à des réformes et à des recommandations que nous pourrions faire dans ce sens.

Nous allons maintenant passer à nos travaux. Chers collègues, plus tôt cette année, le Sénat a autorisé le comité à examiner, en vue d'en faire rapport, les questions relatives aux délais dans le système de justice pénale au Canada ainsi que les rôles joués par le gouvernement du Canada et le Parlement afin de réduire ces délais. Il s'agit de notre 22e séance dans le cadre de cette étude.

Pour la première heure, nous sommes heureux d'accueillir M. Graham Fraser, commissaire aux langues officielles, ainsi que Pascale Giguère, avocate principale de la Direction des affaires juridiques, du Commissariat aux langues officielles. Merci à vous deux d'être ici aujourd'hui.

Monsieur Fraser, la parole est à vous.

Graham Fraser, commissaire, Commissariat aux langues officielles : Bonjour mesdames et messieurs, honorables sénateurs et membres du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles.

Je vous remercie de me donner l'occasion de vous faire part de mes observations dans le cadre de votre étude sur les délais dans le système de justice pénale au Canada. J'ai pris connaissance de votre rapport préliminaire avec grand intérêt. Votre deuxième recommandation au sujet du processus de nomination à la magistrature dans les cours supérieures provinciales, a particulièrement attiré mon attention.

Tout d'abord, je partage votre point de vue sur l'urgence de réduire les longs délais dans le système judiciaire au Canada. En effet, le public mérite un système beaucoup plus accessible et efficace.

[Français]

Si l'accès à la justice constitue un enjeu pour l'ensemble des justiciables, il constitue un défi supplémentaire pour environ 2 millions de Canadiens faisant partie d'une communauté de langue officielle en situation minoritaire. Ainsi, malgré les dispositions du Code criminel consacrant le droit de tous les Canadiens d'être entendus dans la langue officielle de leur choix, l'exercice de ce droit fondamental se heurte à des obstacles. Les avocats se sentent souvent tenus d'avertir leurs clients que, s'ils choisissent de faire valoir leur droit d'être entendus dans leur langue officielle de préférence, les procédures judiciaires seront plus longues et plus coûteuses.

[Traduction]

C'est l'un des constats de l'étude sur l'accès à la justice que j'ai publiée en 2013 conjointement avec mes homologues de l'Ontario et du Nouveau-Brunswick. Nous y avons examiné le processus de nomination des juges des cours supérieures, de même que la formation linguistique qui leur est offerte. Nous sommes arrivés à la conclusion que le processus ne permet pas d'assurer la nomination d'un nombre suffisant de juges ayant les compétences linguistiques requises pour entendre les citoyens dans la langue officielle de la minorité, et ce, sans délais ni coûts supplémentaires.

[Français]

Notre conclusion se fonde sur deux constats principaux. Premièrement, il n'existe aucune action concertée pour déterminer les besoins des cours supérieures en ce qui a trait à leur capacité bilingue ou pour veiller à ce qu'un nombre suffisant de juges bilingues soit nommé à ces cours.

Deuxièmement, il n'existe pas d'évaluation objective des compétences linguistiques des candidats à la magistrature des cours supérieures. Le seul critère à cet égard est une question dans le formulaire de candidature à la magistrature des cours supérieures portant sur les langues dans lesquelles les candidats se disent en mesure de mener un procès. Cette auto-évaluation n'est jamais vérifiée de façon objective.

[Traduction]

Afin de corriger cette situation, nous avons formulé 10 recommandations concrètes. Nous avons insisté sur l'importance d'instaurer une démarche concertée de la part du ministre de la Justice du Canada, de ses homologues provinciaux et territoriaux ainsi que des juges en chef.

Le gouvernement fédéral précédent n'a pas donné suite aux recommandations de mon étude. Il n'a pas non plus entamé de discussions avec les gouvernements provinciaux, malgré l'intérêt manifesté par certains d'entre eux, notamment celui de l'Ontario et celui du Nouveau-Brunswick. C'est pourquoi la première recommandation de mon dernier rapport annuel vise la mise en œuvre des recommandations de cette étude par le gouvernement actuel, d'ici le 31 octobre 2016.

[Français]

L'honorable Jody Wilson-Raybould, ministre de la Justice et procureure générale du Canada, n'a pas encore pris un tel engagement. Le gouvernement s'est cependant engagé à accroître la transparence, la responsabilisation et la diversité dans le processus de nomination des juges aux cours supérieures.

De plus, la ministre de la Justice s'est engagée à examiner le processus de nomination, et son ministère a entrepris cet été un exercice de consultation auprès de divers acteurs. Des membres de mon équipe ont été consultés et ont fait part des approches qui pourraient être examinées pour respecter les droits des communautés de langue officielle en situation minoritaire et répondre plus directement à leurs besoins.

[Traduction]

J'ai remis à la greffière du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles la lettre que j'ai transmise au ministère de la Justice du Canada à cette occasion.

J'ai mentionné l'intérêt de certaines provinces pour améliorer l'accès à la justice dans les deux langues officielles. Des gestes concrets ont en effet été posés. Au printemps 2015, en Ontario, la procureure générale et ministre déléguée aux Affaires francophones, l'honorable Madeleine Meilleur, a lancé un projet pilote fondé sur une stratégie d'offre active de services, visant à offrir un service de qualité en français tant aux justiciables qu'aux avocats francophones au palais de justice d'Ottawa.

[Français]

Au Nouveau-Brunswick, depuis 2011, la juge de la Cour provinciale, Yvette Finn, mène un projet de formation linguistique à l'intention des juges de nomination provinciale de partout au pays. De plus, au début de l'année, elle a mis sur pied un service d'évaluation des compétences linguistiques en salle d'audience, s'adressant aux juges canadiens de nomination provinciale.

Dans le cadre des célébrations Canada 150, le Commissariat aux langues officielles est partie prenante à l'organisation d'une conférence nationale qui portera sur le 150e anniversaire du bilinguisme judiciaire et législatif.

[Traduction]

Sous la présidence de l'honorable Michel Bastarache, cette conférence, qui réunira des étudiants en droit de toutes les universités canadiennes, des avocats, des universitaires ainsi que des membres de la magistrature et du Parlement, permettra de prendre la mesure du chemin parcouru depuis 1867 et d'évaluer les progrès réalisés. Il s'agit d'une excellente occasion de souligner l'engagement des gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux, ainsi que leur collaboration à la mise en place de mesures concrètes qui permettent d'améliorer la capacité bilingue de la magistrature et, par le fait même, l'accès à la justice dans les deux langues officielles.

Je vous remercie de votre attention. C'est avec plaisir que je répondrai à vos questions.

Le président : Merci, monsieur Fraser. Nous allons maintenant amorcer la période de questions avec le vice- président du comité, le sénateur Baker.

Le sénateur Baker : Merci à notre témoin pour son exposé.

Je vois que vous êtes accompagné de votre principale autorité judiciaire, monsieur Fraser.

M. Fraser : C'est exact.

Le sénateur Baker : Nous lisons la jurisprudence, et vos propos sont souvent cités, en fait, chaque année et à pratiquement toutes les instances, dont récemment dans des jugements distincts de la Cour suprême du Canada, de la Cour fédérale et de la Cour d'appel fédérale.

Ma question s'adresse à votre collègue, parce que nous n'avons pas souvent l'occasion d'avoir avec nous quelqu'un qui plaide devant la Cour fédérale, la Cour suprême du Canada ou une cour supérieure provinciale. Ma question concerne ce qu'on appelle les protonotaires aux termes des Règles des Cours fédérales. Contrairement à l'anglais, le terme « protonotaire » n'est pas trop difficile à prononcer.

Des décisions ont été prises, j'imagine, par les protonotaires Morneau et Aronovitch, ce qui a fait en sorte de libérer du temps aux juges. Ils prennent de nombreuses décisions préalables au procès, même des décisions interlocutoires, durant les procédures.

Nous avons parlé à un groupe de juges récemment. Le juge Barnes, de la Cour fédérale, a comparu devant le comité. Nous lui avons demandé si, selon lui, il était possible d'inclure dans le système de justice pénale un système équivalant à celui de la Cour fédérale afin d'alléger la charge des juges et leur faire gagner du temps. Avez-vous une opinion là- dessus?

Pascale Giguère, avocate principale, Direction des affaires juridiques, Commissariat aux langues officielles : Merci pour votre question. Je ne suis pas sûre de pouvoir répondre à la question elle-même, mais je peux volontiers vous donner mon opinion, d'après mon expérience de travail avec les protonotaires.

J'ai eu l'occasion de travailler avec des protonotaires de la Cour fédérale, ainsi que de la Cour de justice de l'Ontario, ici à Ottawa. Si je me fie à mon expérience, je peux vous dire que les protonotaires étaient très utiles dans les affaires civiles. Comme vous l'avez dit, ils prennent des décisions sur des questions de procédure et sur les dates des requêtes et des audiences, puis ils déterminent si on devrait aller de l'avant avec le dossier tel quel ou si d'autres étapes s'imposent. En général, ils aident les parties à s'entendre sur les étapes à suivre. Dans certains cas, lorsque c'est justifié, ils prennent des décisions qui nous permettent d'aller de l'avant et qui nous évitent de devoir présenter une requête à un juge, ce qui rallongerait possiblement le processus.

J'ai trouvé que les protonotaires jouaient un rôle utile dans les affaires civiles, devant la Cour de l'Ontario, et devant la Cour fédérale. Je ne suis pas sûre toutefois si cette façon de faire devrait être intégrée au système pénal. C'est probablement une question sur laquelle vous devrez vous pencher, mais pour ma part, je les ai trouvés très efficaces dans le système civil.

Le sénateur Baker : Et dans le système judiciaire fédéral?

Mme Giguère : Aussi.

Le sénateur Baker : La disposition des Règles des Cours fédérales, si je me souviens bien, s'applique uniquement à leur nomination. Ce ne sont pas des juges. En vertu de la Loi sur les juges, je crois qu'ils sont payés 74 p. 100 du salaire d'un juge d'une cour supérieure, ce qui n'est pas mal du tout. N'empêche que ce sont des personnes qui sont bien connues du milieu juridique en raison de leur expertise dans le domaine.

Merci beaucoup.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Monsieur Fraser, madame Giguère, bienvenue au comité.

Monsieur Fraser, je pense que vous prenez votre retraite bientôt et j'aimerais profiter de l'occasion pour vous remercier, au nom de tous les Canadiens, pour les services immenses que vous avez rendus et surtout pour la grande sagesse avec laquelle vous avez émis vos recommandations et vos commentaires depuis maintenant presque 10 ans.

Je vous entraîne dans un espace un peu différent en matière de bilinguisme, qui sort du domaine de la justice, mais que je crois tout de même important. Ce sera peut-être votre témoignage de futur retraité.

Comme vous le savez, je représente le Québec, province pour laquelle la langue représente un enjeu majeur et historique. Il s'agit également d'un dossier très chaud. Vous avez écrit plusieurs livres sur le sujet, dont l'ouvrage intitulé Sorry, I Don't Speak French, dans lequel vous affirmez que, depuis 1969, le Canada a été géré par de nombreux avocats.

Quels sont les véritables obstacles qui font en sorte qu'on a l'impression de stagner par rapport à l'usage des langues officielles? Je dirais même que, dans certaines provinces, on a l'impression de reculer par rapport à ce droit fondamental que le Québec a enchâssé dans la Constitution. J'aimerais vous entendre à ce sujet. Cette question touche également l'accès à la justice.

M. Fraser : Oui, tout à fait. Nous avons un système fédéral où, pour le meilleur ou pour le pire, la responsabilité en matière d'éducation appartient aux provinces. À l'ouest de l'Ontario, à ce que je sache, on ne retrouve pas une seule province où le français est une matière obligatoire, que ce soit au niveau primaire ou secondaire.

Toutefois, dans les écoles publiques d'Edmonton, on retrouve le meilleur système d'immersion au pays. C'est un système tout à fait volontaire où on attire des étudiants engagés à apprendre le français. Il est maintenant possible de faire son éducation en français jusqu'au baccalauréat dans presque toutes les provinces, sauf celles de l'Île-du-Prince- Édouard et de Terre-Neuve. Voilà une avancée remarquable depuis 1982.

Également, la Charte a fait en sorte que les minorités francophones hors Québec aient droit non seulement aux écoles, mais aussi à la gestion scolaire. On voit donc un progrès énorme en matière de droits linguistiques pour les minorités. Cependant, on n'a pas enchâssé dans la Constitution le droit à la formation linguistique pour les majorités. C'est un droit limité très spécifiquement.

L'article 23 de la Charte a presque été calqué sur la Charte de la langue française, à la suite de la révision exigée par la Cour suprême. On a donc une clause Canada, mais qui contraste avec le point de vue du Québec, tel que l'a présenté le Dr Laurin en 1977.

Je ne crois pas que la question puisse être réglée par le gouvernement fédéral, étant donné la compétence provinciale. Par contre, une façon de gérer la situation est d'informer les universités partout au pays que le gouvernement fédéral est le plus grand employeur au Canada et qu'il a besoin d'employés bilingues. Il s'agirait d'envoyer le message aux sous-ministres, un ministère à la fois, aux universités et aux facultés, qu'il est pertinent de fournir des diplômés qui soient intéressés à travailler dans leur domaine spécifique au sein du gouvernement fédéral. Les universités devraient aussi transmettre le message aux écoles secondaires selon lequel elles pourraient offrir une prime aux étudiants qui ont suivi un cours plus exigeant dans la langue seconde.

Un étudiant de niveau secondaire m'a confié que son professeur d'immersion avait recommandé à ses élèves de suivre le cours de français de base, car il était plus facile, et aussi compte tenu du fait que les universités ne retiennent que les notes. C'est, à mon avis, une incitation à la médiocrité. Il y a moyen d'encourager l'apprentissage des deux langues officielles, mais il faut des mesures incitatives claires et précises.

[Traduction]

Le président : Pour la gouverne des nouveaux membres et des témoins, je tiens à préciser que nous devons respecter la règle des cinq minutes au sein du comité, ce qui comprend la question et la réponse. Nous avons des membres très actifs qui participent pleinement aux délibérations. J'espère que vous garderez tous cela à l'esprit. Par conséquent, si je dois vous interrompre, cela n'a rien de personnel; soyez-en assurés.

M. Fraser : Je comprends.

Le sénateur Joyal : Je me sens visé, mais je ne suis pas vexé.

[Français]

Bienvenue, monsieur Fraser, madame Giguère. La ministre de la Justice a annoncé, dans la révision du processus de nomination des juges de la Cour suprême, que, dorénavant, les candidats devront avoir une capacité bilingue. Si je comprends le texte de la lettre que vous avez envoyée en août dernier, il n'y avait pas de grille pour déterminer cette capacité, et vous avez constaté la controverse dans les journaux.

[Traduction]

Qu'entendez-vous par « capacité bilingue »?

[Français]

Avez-vous eu l'occasion de déterminer ce qu'on entend par la capacité linguistique des candidats de mener une audience dans l'une ou l'autre des langues officielles?

M. Fraser : À la Cour suprême, on doit comprendre qu'il n'y a pas la même nécessité de maîtriser les deux langues que pour un juge qui devrait présider une cause à la Cour fédérale, par exemple. Toutefois, il est très important que le juge ou la juge soit capable d'entendre les interventions des avocats dans la langue de leur choix. Il faut aussi une capacité de lecture.

Environ 30 p. 100 des causes qu'on entend à la Cour suprême et qui proviennent des provinces sont du Québec. Dans presque tous les cas, la documentation est en français, et la cause a été présentée en français aux étapes précédentes avant d'arriver à la Cour suprême. Il suffit qu'un seul juge soit unilingue pour que l'avocat, qui a fait son argument en français devant la Cour fédérale ou la Cour fédérale d'appel, se trouve devant un choix stratégique si un juge est obligé de suivre son argument au moyen de l'interprétation.

Il ne s'agit pas, à mon avis, de la même obligation de compétence orale qu'on exige d'un cadre supérieur dans la fonction publique. Bien souvent, certains juges ne seraient pas à l'aise dans une conversation diplomatique, à un cocktail ou au cinéma. Cependant, après avoir lu tous les documents, ces juges, maîtrisant le vocabulaire de la cause, sont capables de comprendre les arguments des avocats et de leur poser des questions. Voilà la question clé. Est-ce que tous les juges sont capables de comprendre les arguments présentés devant la cour sans avoir recours à l'interprétation simultanée?

Le sénateur Joyal : Avez-vous élaboré une grille de critères pour définir ce qu'est la compétence linguistique ou quel niveau de compétence linguistique peut se mesurer pour qu'un candidat soit apte à occuper un poste dans une cour?

M. Fraser : On n'est pas allé plus loin que l'argument que je viens de vous exposer. C'était un peu l'argument qui a été présenté dans le projet de loi d'intérêt privé dont est saisie la Chambre des communes. Je puis toutefois vous dire que l'honorable Yvette Finn, juge à la Cour provinciale du Nouveau-Brunswick, a créé une grille assez élaborée pour déterminer les capacités linguistiques des juges à s'acquitter de leurs responsabilités. Cette grille est très utile pour établir le niveau de compétence qu'un juge doit atteindre pour présider une cause.

Le sénateur Joyal : Avez-vous reçu des plaintes, par le passé, de Canadiens qui disaient ne pas avoir eu accès à un procès dans l'une ou l'autre des langues officielles, comme le prévoit le Code pénal?

M. Fraser : Les plaintes que nous avons reçues provenaient plutôt d'avocats ou de juges qui traitaient des difficultés liées aux délais et du fait que, bien souvent, l'appareil judiciaire n'a pas les capacités d'entendre, en temps opportun, une cause dans la langue de l'accusé.

Nous notons dans notre rapport, qui a été formulé en fonction de la question de l'accès à la justice dans les deux langues officielles, que souvent les avocats se sentent obligés, par devoir, de dire à leurs clients que le procès sera plus rapide et moins coûteux s'ils acceptent de se faire juger en anglais : « Oui, vous avez le droit de vous prévaloir de ce droit d'être jugé dans la langue de votre choix, mais vous devez comprendre que cela coûte plus cher et que ce sera plus long. »

Le sénateur Dagenais : Monsieur Fraser, à titre d'information, j'ai siégé pendant trois ans au comité de nomination des juges à la Cour supérieure, et plus précisément au comité responsable de l'Est du Québec. Lorsque nous examinions le CV de l'avocat candidat, l'aspect qui orientait parfois notre décision... Entre autres, dans le cas des juges qui devaient être nommés au Témiscamingue, aux frontières de l'Ontario, nous devions vérifier s'il avait une connaissance suffisante de la langue anglaise, parce que la nomination d'un juge unilingue français dans cette région aurait pu poser problème.

Vous avez mentionné que des mesures avaient été mises en place pour tenter de favoriser une immersion en français. À la suite de ces mesures, avez-vous constaté une amélioration ou y aurait-il des changements plus ponctuels qu'il faudrait apporter lorsque les juges doivent présider un procès au Québec, surtout à la frontière de l'Ontario? Cet aspect orientait souvent notre décision.

M. Fraser : À la frontière de l'Ontario, à Montréal et dans des parties des Cantons de l'Est, il y a souvent des demandes pour tenir les procès en anglais. À l'est du Québec, cela devient plus problématique. J'ai eu des conversations avec l'ancien juge en chef Robert, au Québec, qui était préoccupé par la situation. Cependant, après avoir publié ce rapport, nous n'avons pas fait de suivi des progrès et je ne peux pas vous répondre en détail. Je peux néanmoins vous mentionner qu'il y a des avocats qui nous ont affirmé que le problème est de moindre envergure à Montréal, mais qu'en région, cela pose problème.

[Traduction]

Le sénateur Sinclair : Bonjour, monsieur le commissaire. Je suis ravi de vous revoir.

Je sais que votre travail consiste notamment à évaluer les services en français qui sont financés par le gouvernement fédéral, et que le gouvernement fédéral transfère des fonds aux provinces afin qu'elles puissent offrir des services en français. Cela dit, selon vous, dans quelle mesure le gouvernement fédéral finance-t-il des services en français et des programmes de formation linguistique ou d'immersion en français au sein des collectivités des Premières Nations et des Inuits?

M. Fraser : Je sais qu'il y a un système scolaire francophone au Nunavut, mais je ne peux pas vous répondre quant au nombre d'écoles d'immersion dans les réserves des Premières Nations ou dans les collectivités des Premières Nations hors réserve.

Je n'ai pas de données là-dessus, mais j'imagine que s'il y avait des écoles d'immersion, j'en aurais entendu parler.

Le sénateur Sinclair : Je pense que vous avez parfaitement raison. Force est d'admettre que les écoles des Premières Nations sont généralement sous-financées par le gouvernement fédéral, en raison d'une formule qui ne s'applique pas aux écoles fédérales, mais qui s'applique aux écoles provinciales.

J'ai vérifié, et tout comme vous, je n'ai entendu parler d'aucun programme d'immersion en français ni de fonds précis consacrés à l'enseignement en français dans les écoles des Premières Nations. Si vous apprenez quelque chose à ce sujet, n'hésitez pas à nous en faire part.

Croyez-vous que l'absence de services en français offerts aux enfants des Premières Nations et aux enfants inuits pourrait les empêcher d'être bilingues et éventuellement d'être nommés à la magistrature?

M. Fraser : Il est évident que plus tôt un enfant apprend une deuxième langue, mieux il la maîtrisera au cours de sa vie. Par conséquent, s'ils n'ont pas accès à des cours de langue seconde, ils vont se heurter à un obstacle important.

C'est d'ailleurs l'une des raisons pour lesquelles j'ai toujours dit que tant que tous les enfants canadiens ne bénéficieront pas d'un accès égal à des cours de langue seconde de qualité, le gouvernement fédéral ou, dans-ci, le système judiciaire, devra continuer d'offrir une formation linguistique à ses employés, parce qu'il y a des jeunes qui terminent leurs études en parlant couramment le français, alors que d'autres ne l'ont jamais même appris.

À moins que le système scolaire ne change considérablement, le gouvernement fédéral, qui se doit d'être représentatif de la population, devra continuer d'offrir une formation linguistique à ses employés.

Le président : Monsieur le commissaire, si on revient au mandat du comité concernant le système de justice pénale et les délais dans le système, je sais que vous avez cité un exemple dans votre rapport de 2013. Avez-vous d'autres données sur l'incidence que cette situation pourrait avoir sur les délais à l'échelle du pays?

M. Fraser : Dans le cadre de cette étude, nous avons interrogé des avocats, des juges et d'autres employés du système judiciaire, et nous avons réalisé un sondage en ligne auprès de 220 personnes qui travaillent dans le système judiciaire. Les données recueillies se trouvent dans notre rapport.

Nous avons fait une distinction entre les villes où il est relativement plus facile d'obtenir un procès bilingue et celles où il est plus problématique de procéder dans la langue de la minorité. Dans les régions où c'est plus difficile, 85 p. 100 des personnes interrogées estimaient que cela entraînait des retards importants. Il était difficile de trouver un juge et du personnel judiciaire ayant les compétences linguistiques nécessaires pour que le français ait sa juste part devant les tribunaux. Même dans les villes où c'était relativement facile, comme Montréal et Ottawa, 40 p. 100 des répondants ont indiqué que des difficultés subsistaient et que cela occasionnait des délais supplémentaires.

Je demanderais à Mme Giguère de me dire s'il y a des éléments dont j'ai oublié de parler.

Mme Giguère : Je crois que vous avez donné toute l'information pertinente.

J'ajouterais que certaines de ces données figurent à la page 18 de notre étude, plus précisément en ce qui concerne les délais. Comme le commissaire l'a mentionné, nous avons posé une question aux avocats, et leurs réponses se trouvent dans notre rapport. De plus, aux pages 19 et 22 du rapport, vous constaterez également l'incidence des délais sur la minorité linguistique.

J'aimerais vous parler de deux cas, dont un que vous connaissez sans doute, c'est-à-dire l'arrêt Beaulac. Comme vous le savez, il a fallu 15 ans à M. Beaulac pour obtenir un procès dans sa langue.

L'autre est une décision rendue par la Cour d'appel de l'Ontario l'an dernier, R. c. Munkonda, dans laquelle les droits linguistiques de l'accusé en vertu du Code criminel ont été bafoués et ont entraîné des délais supplémentaires, ce qui a fait en sorte que la cour a annulé le renvoi à procès.

De toute évidence, le manque de juges bilingues et le non-respect des droits prévus au Code criminel ont des répercussions sur le système de justice pénale.

Le président : Est-il difficile d'avoir accès à des services d'interprétation? On parle de gens qui veulent simplement subir leur procès dans leur langue maternelle, mais pour ce qui est de l'accès à un interprète, est-ce un problème à l'échelle du pays?

M. Fraser : Au sens du Code criminel, les Canadiens ont le droit d'être entendus dans la langue de leur choix. Les services d'interprétation sont uniquement offerts pour les langues autres que les langues officielles. Cette question dépassait donc la portée de notre étude, mais chose certaine, le système judiciaire a la capacité de fournir des services d'interprétation à l'accusé en tagalog, en pendjabi ou en d'autres langues non officielles. Toutefois, ce n'est pas la question sur laquelle nous nous sommes penchés.

Selon la définition donnée par la Cour suprême dans l'arrêt Beaulac, l'accusé a le droit d'être entendu dans n'importe quel procès criminel, peu importe où il se trouve au pays, dans la langue officielle de son choix.

La sénatrice Batters : J'aurais une brève question à ce sujet. Ai-je raison de penser que, dans les grandes régions des provinces maritimes, autres que le Nouveau-Brunswick, et de l'Ouest canadien et dans l'ensemble des territoires, il pourrait être plus difficile de trouver un juge qui peut présider un procès en français?

M. Fraser : Pas nécessairement. Je tiens à souligner que l'affaire Caron, qui a récemment été entendue devant la Cour suprême et qui concernait la question des droits et des obligations liées à la langue en Alberta et en Saskatchewan, a franchi, entièrement en français, trois échelons du système judiciaire de l'Alberta.

Les décisions ont été rédigées en français. C'était un argument historique intrigant et érudit des deux côtés. Caron a remporté l'instance initiale et la décision a ensuite été infirmée dans la deuxième instance.

Il est certainement plus difficile de trouver...

La sénatrice Batters : J'imagine qu'il n'y a pas beaucoup de juges bilingues dans les régions que j'ai mentionnées.

M. Fraser : Un programme de formation linguistique très élaboré est offert aux juges provinciaux. Au Nouveau- Brunswick, j'ai assisté au programme de formation offert aux juges provinciaux du pays. J'ai été très impressionné par la qualité de l'enseignement. J'ai également été impressionné par la volonté manifestée par ces juges de partout au pays d'améliorer leurs compétences linguistiques, afin d'être en mesure de juger des affaires dans les deux langues officielles.

La sénatrice Batters : C'est très positif, mais ai-je raison de dire que ces juges ne sont pas très nombreux?

M. Fraser : L'une des conclusions frustrantes auxquelles nous sommes parvenus dans notre rapport, c'est que nous ne le savons tout simplement pas. On n'évalue pas les compétences linguistiques des juges. La seule évaluation utilisée au moment de la candidature est l'auto-évaluation. Aucune évaluation sérieuse n'est menée pour déterminer les besoins en matière de juges bilingues.

La sénatrice Batters : Le nouveau processus de nomination à la Cour suprême exige que les juges soient effectivement bilingues. Je crois qu'ils doivent avoir atteint le niveau C. Est-ce exact?

M. Fraser : Je ne crois pas que les critères soient aussi clairement définis. Je crois que le sénateur Joyal souhaitait connaître le mien.

La sénatrice Batters : Mais il n'y a aucune façon d'évaluer cela.

M. Fraser : D'après ce que je comprends, les critères utilisés concernent la capacité d'entendre des arguments dans la langue choisie par l'avocat.

La sénatrice Batters : Les entendre et les lire. Je pense qu'on parle d'un niveau de compétences linguistiques avancé. Cette toute nouvelle exigence a été mise en œuvre, mais vous dites qu'il n'y a aucune façon d'évaluer de façon appropriée les juges qui sont actuellement dans le système. Cela viserait surtout les personnes qui posent leur candidature, n'est-ce pas?

M. Fraser : C'est ce que je présume, mais j'ai toujours fait confiance à l'ambition des avocats. Une fois que ce critère sera reconnu comme condition d'accès au plus haut tribunal du pays, l'ambition pure se manifestera. Certains juges originaires de l'Ouest canadien et du Canada atlantique étaient effectivement bilingues ou maîtrisaient très bien leur langue seconde. C'était le cas du juge Cromwell. C'est aussi le cas de la juge en chef, même si elle a passé toute sa carrière en Alberta et en Colombie-Britannique.

La sénatrice Batters : Toutefois, elle n'est pas devenue effectivement bilingue avant de déménager à Ottawa et d'être nommée à la Cour suprême, n'est-ce pas?

M. Fraser : Cela dépend de la définition d'« effectivement bilingue ». Elle a suivi de nombreuses séances de formation linguistique. Elle est modeste à cet égard et soutient qu'elle n'a pas atteint un niveau qui la satisfait. Elle n'est pas seulement modeste, elle est un peu perfectionniste. Je soupçonne qu'étant donné le grand nombre de séances de formation linguistique qu'elle a exigé de suivre lorsqu'elle était juge en Colombie-Britannique, elle a atteint un niveau plus élevé qu'elle le reconnaît elle-même.

Le président : Il reste un peu de temps pour la deuxième série de questions. D'autres membres du comité aimeraient- ils intervenir?

[Français]

Le sénateur Joyal : Je voudrais revenir à votre étude de 2013. Vous avez mentionné qu'elle contient 10 recommandations. Donc, je comprends de votre témoignage qu'aucune d'entre elles n'a été appliquée?

M. Fraser : Non, le ministre précédent a accepté le rapport avec intérêt, mais nous a écrit une lettre en disant qu'il était satisfait du système actuel de nomination des juges. Nous avons rencontré la ministre de la Justice et un comité de consultation a été créé. Je crois qu'il y a eu une réponse sur un élément.

Mme Giguère : Oui, nous avons reçu une réponse de la ministre de la Justice avant le processus de consultation qui a été mis en œuvre. Elle a affirmé que le processus actuel comprend une évaluation linguistique, une auto-évaluation faite par les candidats. La ministre en est satisfaite.

Ensuite, le processus de consultation s'est enclenché et a été passé en revue par le gouvernement.

Le sénateur Joyal : Dois-je comprendre que, lorsqu'une province demande la dotation d'un certain nombre de postes de juges, elle n'indique pas combien de ces postes devraient être fonctionnellement bilingues? Dans le cas des juges de la Cour supérieure, comme le dit M. Fraser, ils devraient pouvoir communiquer avec les avocats et les témoins, et non seulement maîtriser la langue pour pouvoir lire des procédures. Donc, je comprends que les provinces ne déterminent pas leurs besoins en ce qui concerne la nomination de juges bilingue, comme en Ontario.

M. Fraser : Il y a eu une conversation informelle entre le ministère et les juges en chef des provinces, selon laquelle on se fie à l'auto-évaluation des juges. Il m'a été rapporté qu'il y a eu des gens qui se croyaient suffisamment bilingues pour présider une cause et qui ont découvert que, finalement, ce n'était pas le cas.

Après avoir indiqué dans leur demande d'emploi qu'ils étaient suffisamment bilingues pour présider, chat échaudé craint l'eau froide, et ils ont décidé de ne plus le faire. Aussi, j'ai eu vent de plaintes de la part de juges bilingues qui devaient remplacer des juges incapables de présider une cause en français. À mon avis, il est possible de se tromper dans une auto-évaluation.

Le sénateur Joyal : Ne devrait-on pas suivre le programme de la fonction publique canadienne? En effet, lorsque la fonction publique détermine un niveau de bilinguisme pour un poste, ce n'est pas la personne uniquement qui se déclare compétente. Habituellement, elle doit passer un test qui confirme son niveau de maîtrise de l'autre langue.

Ne devrait-on pas, dans un premier temps, déterminer le nombre de postes de juges bilingues requis dans chaque province et s'assurer que les candidats qui postulent, comme dans la fonction publique, ont l'obligation de répondre à une vérification compétente de leurs capacités? À ce moment-là, la nomination qu'on fait est en mesure de répondre aux besoins qu'on veut satisfaire.

M. Fraser : C'est exactement ce que nous avons recommandé dans notre rapport. C'est une évaluation objective des besoins et des compétences.

Le sénateur Joyal : Mais, jusqu'à présent, vous n'avez pas obtenu de réponse affirmative à aucune de ces deux recommandations de la part du ministère, si je comprends votre réponse.

M. Fraser : Pas encore.

Le sénateur Joyal : Avez-vous l'intention de revenir à la charge publiquement? Je comprends que l'étude remonte à 2013, soit trois ans déjà. Assurez-vous un suivi de vos recommandations lorsqu'elles restent lettre morte? En tant que mandataire du Parlement, n'avez-vous pas l'obligation de signaler l'inaction et de faire savoir aux personnes responsables que la décision revient au Parlement?

M. Fraser : Je suis en train de vous faire part de la situation en ce moment. En ce qui concerne nos rapports, nous effectuons généralement des suivis. Nous avons repris la recommandation dans le dernier rapport annuel. Comme je l'ai dit dans ma déclaration, nous nous donnons jusqu'au 31 octobre, soit à la fin de ce mois-ci pour obtenir une réponse. Je demeure optimiste.

Étant donné que le processus de consultation est en cours, je présume qu'on obtiendra une réponse une fois que celui-ci sera terminé.

[Traduction]

La sénatrice Raine : Je présume que je trouve cela assez surprenant. Il semble qu'on n'ait aucune façon d'évaluer les besoins et les personnes nommées dans le système.

M. Fraser : C'est exact.

La sénatrice Raine : Cela ne semble pas très compliqué et pourtant, cela entraîne des répercussions sur les retards. À votre avis, peut-on facilement prendre des mesures pour corriger ce système?

M. Fraser : Je crois que nous avons besoin d'un processus de planification systématique. À mon avis, c'est une bonne chose que le gouvernement lance une évaluation sur le processus de nomination des juges. J'espère que cet examen visera aussi d'autres éléments.

Je crois qu'à plusieurs reprises, la façon dont on a choisi des juges ne répondait pas aux critères d'ouverture, de transparence et de diversité et à d'autres valeurs qu'on aimerait voir à l'œuvre dans le système judiciaire.

La sénatrice Raine : Oui. J'espère que je ne vous ai pas entendu dire que nous devions mener plus d'études et établir d'autres plans, car il semble qu'on a déjà examiné la question.

M. Fraser : Non, je fais nettement la distinction entre les études et la planification. L'une des choses que j'ai découvertes après 10 ans au poste de commissaire, c'est que la réussite n'est pas accidentelle. Lorsqu'un objectif a été établi, qu'il s'agisse d'accroître la diversité dans un organisme ou son niveau de bilinguisme, les dirigeants de cet organisme doivent demander la mise en œuvre d'un plan d'action et exiger des résultats. Il faut également qu'ils précisent une échéance et qu'ils décrivent la façon dont ces objectifs seront atteints. Il ne s'agit pas d'une autre étude.

La sénatrice Raine : Ce plan est-il en œuvre?

M. Fraser : Non. Eh bien, il l'est dans la mesure où nous avons formulé des recommandations sur la façon de procéder.

La sénatrice Raine : Il me semble que de nombreux avocats doués et bien formés tentent de gravir les échelons du système judiciaire. S'ils souhaitent aller aussi loin que possible, ils devraient être en mesure de faire une demande d'évaluation et d'obtenir l'accréditation de leurs compétences linguistiques. On pourrait confier cette tâche à un sous- traitant; ce ne serait pas très difficile.

M. Fraser : Il est également vrai qu'un large éventail de programmes de formation linguistique sont offerts aux juges une fois qu'ils entrent dans le système judiciaire. Je ne sais pas si les avocats sont admissibles à ces programmes, mais on pourrait élargir leur portée pour les offrir aux avocats qui souhaitent mieux représenter leurs clients.

Mme Giguère : Si vous me permettez d'ajouter un commentaire à votre question, le programme dont parlait le commissaire — celui qui a été élaboré par la juge Finn au Nouveau-Brunswick — sera possiblement offert à d'autres échelons du système judiciaire. En effet, d'ici deux ans, on a l'intention de l'offrir à tous les intervenants du système judiciaire canadien, y compris ceux de la Cour suprême et des Cours supérieures, ce qui permettrait d'évaluer les candidats à la magistrature.

L'autre élément dont parle le commissaire dans son étude, c'est qu'après l'évaluation des candidats par l'entremise de ce processus, il faudrait également préciser les résultats sur la liste courte qui servira à la nomination. En ce moment, la liste courte n'indique pas si les candidats sont bilingues ou non. Il s'ensuit que la personne responsable de la nomination ne sait pas si les candidats sont bilingues ou non au moment de prendre sa décision.

La sénatrice Raine : Dans ce cas, un avocat qui participe au processus devrait être en mesure d'affirmer qu'il a été certifié bilingue et d'obtenir cette certification à l'avance. Cela serait utile.

M. Fraser : Cela représenterait un énorme avantage.

Le sénateur Joyal : Je tiens à ajouter au compte rendu que ce ne sont pas seulement les Canadiens francophones qui ont besoin de juges bilingues, mais également les Canadiens anglophones. Vous avez peut-être entendu parler d'une affaire célèbre qui s'est déroulée au Québec le mois dernier — l'affaire Henderson — et dans laquelle on conteste la constitutionnalité de la loi qui accorde des droits d'autodétermination à la province. Cette contestation a été entreprise par des Québécois anglophones qui veulent être entendus en première instance par un juge bilingue ou par un juge effectivement bilingue. L'affaire a dû être reportée au printemps prochain, car aucun juge répondant à ces critères n'était libre.

Ce besoin existe donc des deux côtés de la clôture, si vous me permettez d'utiliser cette expression. Il faudrait régler ce problème pour les Canadiens.

En terminant, monsieur Fraser, j'aimerais souligner qu'à titre de commissaire aux langues officielles, lorsque vous vous rendez compte qu'après de nombreuses années, rien n'a changé — mais je crois que c'est une bonne chose que vous ayez présenté votre rapport au Parlement —, vous devriez écrire une lettre au Comité des langues officielles de chaque Chambre du Parlement et inviter leurs membres à se pencher sur cet enjeu. Nous souhaitons peut-être que des mesures soient prises maintenant, mais vos recommandations risquent de passer inaperçues si elles sont ensevelies sous de nombreuses autres recommandations. Toutefois, si vous écriviez une lettre officielle aux membres de ces deux comités pour leur dire que le Parlement doit prendre des mesures à cet égard, car cette situation se prolonge depuis trop longtemps, je crois que vous pourriez aider à faire progresser cet enjeu dans le système. Personne ne vous empêcherait d'écrire une telle lettre.

M. Fraser : J'en suis certain. Je vous remercie beaucoup de votre suggestion. J'y porterai une attention particulière, mais j'ai presque terminé mon mandat de commissaire.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Existe-t-il un tableau comparatif entre les provinces en ce qui concerne les demandes pour la tenue d'un procès dans une langue ou dans l'autre? Je pense, entre autres, au Québec. Y a-t-il un tableau comparatif en ce qui a trait aux demandes et aux délais que cela implique?

M. Fraser : Nous avons plutôt mené des sondages d'opinion auprès d'avocats.

Le sénateur Boisvenu : Vous ne disposez pas de statistiques comme telles?

M. Fraser : Non, pas à ce que je sache, il n'y a pas de registre. Lorsqu'un avocat dit à son client que le procès sera plus rapide et qu'il coûtera moins cher s'il se déroule en anglais, aucun registre ne contient de telles données. Il s'agit de renseignements anecdotiques. Je crois qu'il existe une expression en anglais qui résume cette idée : —

[Traduction]

Au pluriel, anecdote ne s'écrit pas « données ».

[Français]

Nous continuons de mener des sondages et des entrevues.

[Traduction]

Le président : Monsieur le commissaire et madame Giguère, je vous remercie d'avoir comparu devant le comité aujourd'hui et d'avoir participé aux délibérations. Nous vous en sommes très reconnaissants.

Pendant la deuxième heure, nous entendrons des avocats qui ont participé à des affaires dans lesquelles des arrêts des procédures ont été contestés en invoquant qu'ils allaient à l'encontre de l'alinéa 11b). Nous accueillons donc Christine Mainville, David Genis, Mary Murphy et John Hale.

D'après ce que je comprends, vous livrerez tous un exposé. Nous entendrons d'abord M. Hale et nous ferons ensuite le tour de la table. Vous avez la parole.

John H. Hale, avocat, Hale Criminal Law Office : Merci, monsieur le président.

Tout d'abord, j'ai vu la liste des gens qui ont comparu devant votre comité depuis février dernier, et je suis donc très heureux de pouvoir participer à ces discussions. Cette étude sur la question des retards est une excellente initiative.

Ce matin, je lisais les délibérations de la réunion du 3 février. À l'époque, le sénateur Baker a dit, lors d'une discussion avec l'ancien juge LeSage, que rien n'avait changé depuis l'affaire Askov ou depuis l'affaire Stinchcombe. Le sénateur a maintenant à moitié raison, car depuis juillet dernier, tout a changé en ce qui concerne l'alinéa 11b). Il y a un an cette semaine, j'étais à l'autre bout de la rue Wellington pour plaider dans les affaires Jordan et Williamson. Une décision à leur égard a été rendue le 8 juillet dernier. La situation concernant les retards a complètement changé. Toutefois, les affaires Jordan et Williamson soulèvent autant de questions qu'elles fournissent de réponses.

D'un côté, les avocats de la défense en matière criminelle aiment avoir une certaine certitude en ce qui concerne les limites acceptables d'un retard, mais de l'autre côté, je ne crois pas que nous puissions affirmer que les limites de 18 et 30 mois établies par la Cour suprême représentent des retards acceptables. Ce sont des limites extrêmes. Il s'agit donc de savoir comment nous pouvons réduire les retards.

Tout comme mes collègues ici présents, je suis avocat plaidant. Nous participons aux appels, mais nous sommes tous des avocats plaidants et nous travaillons aux premières lignes de la défense en matière criminelle. Nous observons les répercussions directes qu'engendrent les retards judiciaires sur nos clients, et nous voyons les effets indirects sur leur famille.

La semaine dernière, par exemple, j'étais dans un tribunal non loin d'ici, à l'Orignal — à une heure de route vers l'est, le point le plus éloigné de l'Ontario — et nous choisissions des dates pour des procès simples d'une demi-journée. À la fin septembre 2016, la première date disponible était en août 2017. Les autres dates disponibles étaient en septembre 2017, donc dans un an — pour des affaires relativement simples et non complexes.

De nombreuses raisons expliquent ces retards importants. C'est une équation assez simple. Les membres de votre comité doivent déterminer les recommandations à formuler. Le retard dépend du nombre d'affaires dans le système, du temps requis pour chaque procès et des ressources disponibles pour le déroulement des procès. Pour répondre à ces questions, nous tenons compte, par exemple, des peines minimales obligatoires — qui, selon moi, ont fait augmenter le nombre de procès, car les accusés pensent qu'ils n'ont rien à perdre s'ils subissent un procès et tout à gagner s'ils ont gain de cause.

Notre système d'aide juridique pose certains problèmes, car il augmente le nombre d'accusés non représentés, ce qui prend beaucoup plus de temps qu'un accusé représenté par un avocat. Ce sont quelques exemples concrets dont les membres du comité peuvent se servir pour formuler des recommandations.

L'affaire Jordan, comme je l'ai mentionné dans mon introduction, a établi des limites, et je suis préoccupé à l'idée qu'on considère que ces limites représentent une approche universelle. On n'a pas encore demandé — mais je m'attends à ce qu'on le fasse dans des affaires à venir — comment ces lignes directrices s'appliqueront dans le cas de jeunes accusés. La Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents et d'autres affaires liées à la Loi sur les jeunes contrevenants ont indiqué que les jeunes avaient une différente perception du temps et qu'on devrait leur accorder des droits spéciaux pour accélérer leurs procès. Les personnes détenues sont-elles visées par les mêmes limites?

D'une façon ou d'une autre, il n'y a pas de solution facile au problème des retards, et je suis honoré de participer à la recherche d'une solution. J'espère également être en mesure de répondre à quelques questions.

[Français]

Christine Mainville, avocate, Henein Hutchison LLP : Ce comité, dans son rapport intermédiaire sur les délais des procès en matière criminelle, a recommandé que le gouvernement fédéral collabore avec les provinces et les territoires afin d'examiner et d'appliquer les pratiques exemplaires en gestion des instances et des dossiers.

[Traduction]

J'aimerais surtout aborder certaines des meilleures pratiques exemplaires et pratiques en matière de gestion des instances, en me concentrant particulièrement sur les procès criminels complexes, non seulement ceux qu'on appelle maintenant les mégaprocès, mais également les procès qui paraissent simples au premier coup d'œil, mais qui contiennent un niveau de complexité inattendu.

À cette fin, je fais référence à mon Report on the Complex Criminal Trials Roundtable détenu par l'Institut canadien d'administration de la justice, l'ICAJ, en mai 2014. Cette discussion entre différents intervenants du système de justice pénale visait à faire le bilan de la situation six ans après la publication du rapport Code-LeSage — auquel vous faites également référence dans votre rapport provisoire —, afin d'assurer le suivi de certaines de ces recommandations et de trouver de nouvelles idées pour mieux gérer les procès complexes.

Pour être honnêtes, nous ne savions pas pourquoi nous avions été choisis. À mon avis, il était approprié d'attirer votre attention sur ce rapport, car je crois qu'il pourrait vous être très utile. Je soulignerai brièvement quelques pratiques exemplaires mentionnées dans mon rapport de l'ICAJ et dans le résumé préparé pour la réunion d'aujourd'hui, mais j'encourage les membres du comité à examiner toutes les recommandations et les discussions contenues dans ce rapport.

La première recommande d'obtenir la participation de la Couronne aux grandes enquêtes policières dès le début. Dans le cas de grands projets policiers, la Couronne doit participer à l'enquête pendant l'élaboration de la théorie et la préparation du dossier, et sa participation ne doit pas se limiter aux conseils juridiques sur les techniques d'enquête. Cela permet de faciliter la gestion des poursuites, car on a l'occasion de discuter de la portée de l'enquête, de ses objectifs et de la théorie dès le début du processus, c'est-à-dire avant qu'on porte des accusations. Cela permet également de produire de meilleurs dossiers de divulgation.

La deuxième pratique exemplaire est de limiter le nombre d'accusés et d'accusations. Les procureurs de la Couronne doivent être plus ablatifs lorsqu'ils rédigent les actes d'accusation et lorsqu'ils décident quelles accusations porter. Il faudrait également limiter le nombre d'accusés par enquête préliminaire et par procès.

La troisième est de faire en sorte qu'un seul service de poursuite soit chargé de l'affaire. Comme le choix entre la responsabilité provinciale ou fédérale, un seul service de poursuite devrait, normalement, être chargé d'une affaire dès son début. Cela aiderait à faire en sorte que l'affaire soit bien gérée et que la poursuite ne se complique pas inutilement.

La quatrième est de nommer un juge responsable de la gestion de l'instance dès le début. Dans le cas d'une affaire complexe, le coordonnateur de procès devrait être informé au début du processus, et un juge responsable de la gestion de l'instance devrait être nommé pour veiller au bon déroulement de l'affaire. Un seul juge devrait suivre l'affaire du début à la fin; le même juge devrait recevoir les plaidoyers et présider l'enquête préliminaire.

Les cinq recommandations suivantes, à mon avis, s'appliquent tant aux petites qu'aux grandes affaires, et non seulement aux affaires complexes. La première est de rendre obligatoires les rencontres judiciaires préalables au procès dans toute affaire qui demeure irrésolue à la suite des discussions entre les avocats de la Couronne et de la défense, et avant qu'une enquête préliminaire soit tenue ou que les dates du procès soient fixées. Les rencontres judiciaires préalables au procès, durant lesquelles les avocats de la Couronne et de la défense se réunissent à huis clos devant un juge siégeant en chambre avant de fixer la date de l'enquête préliminaire ou du procès, ont tendance à mener à des résolutions; et dans les affaires qui vont de l'avant, elles permettent aux parties de préciser les enjeux et de régler certaines questions préliminaires.

La prochaine est de tenir une autre rencontre judiciaire préalable au procès peu de temps avant l'enquête préliminaire ou le procès, au moment où les parties fixent leur regard sur l'audience. Une deuxième rencontre judiciaire préalable au procès tenue quelques semaines avant l'enquête préliminaire ou le procès peut être très utile. À l'approche de la date de l'audience, les parties sont généralement plus motivées à obtenir une résolution. De plus, ils sont mieux placés pour régler, ou du moins examiner, des motions préliminaires ou d'autres questions juridiques.

La septième est de tenir une rencontre préalable au procès immédiatement après l'enquête préliminaire. Cette pratique devrait être la norme. Les rencontres ayant lieu à la fin de l'enquête préliminaire, avec le juge qui l'a présidée, fournissent des renseignements précieux aux parties. Ces rencontres préalables au procès mènent plus souvent à des résolutions que les rencontres judiciaires préalables au procès ordinaires.

La huitième est de remplacer plus souvent les enquêtes préliminaires par des interrogatoires préalables ou hors cour, dans certains cas. Dans son rapport intérimaire, le comité a souligné que de nombreuses affaires courantes dont les juges s'occupent actuellement n'ont peut-être pas besoin d'une intervention judiciaire ni de l'utilisation de salles d'audience et de personnel. Il suggère ensuite que des fonctionnaires, comme des juges de paix ou des protonotaires, s'occupent de certaines affaires. Je recommanderais plutôt d'employer la méthode des interrogatoires préalables : les témoins sont interrogés hors cour par un auditeur au lieu de témoigner pendant une enquête préliminaire. Ces interrogatoires peuvent être faits en audience publique en l'absence d'un juge ou dans le cabinet d'un auditeur.

Or, je tiens absolument à souligner que les interrogatoires préalables ne doivent pas remplacer complètement les enquêtes préliminaires. Les enquêtes préliminaires remplissent de nombreuses fonctions importantes et elles offrent de nombreux avantages sur le plan de la gestion des cas.

La recommandation finale est de fixer la date des motions préalables au procès en premier et avant les dates du procès. Il est essentiel de trancher les motions préliminaires tôt dans le processus. De nombreuses affaires peuvent être réglées à la suite des motions préliminaires, sans qu'on ait à fixer de dates de procès pour de nombreux accusés.

Mary Murphy, avocate, Murphy Toronto Lawyers : Je remercie le Comité de me donner l'occasion de discuter de cette question très importante pour les tribunaux. Bien que nous comprenions qu'un élément commun a réuni les quatre avocats ici aujourd'hui, je pense que nous avons tous découvert et que vous découvrirez aussi que nos pratiques sont très différentes.

Pour ma part, je suis criminaliste de la défense et je me rends quotidiennement dans les tribunaux. Je représente un nombre important de personnes marginalisées ou ayant des problèmes de santé mentale. Beaucoup de mes clients comptent sur les tribunaux thérapeutiques ou parallèles. J'ai rapporté par écrit certaines de mes réflexions. En les lisant, je pense que vous verrez que c'est la tactique que j'emploie pour répondre au rapport du comité et à son invitation de mener une action concernant ce que je considère comme les causes sous-jacentes des retards dans l'acheminement des affaires devant les tribunaux.

D'après moi, l'arrêt Jordan a forcé tous les avocats de la Couronne et de la défense à repenser leur façon d'aborder les procès. Une des réflexions importantes que nous devons tous faire, à mon avis, c'est de comparer l'utilisation des ressources des tribunaux pour les procès, au recours à des tribunaux parallèles et à des moyens parallèles de s'occuper des personnes qui se trouvent devant les tribunaux.

D'après mon expérience, de très nombreuses personnes se trouvent devant les tribunaux parce qu'elles ont des problèmes liés à la santé mentale, à la toxicomanie et à la pauvreté. Elles ont des démêlés avec la justice et elles comparaissent devant les tribunaux, mais la justice et l'application stricte du système de justice pénale ne réussissent pas à remédier aux raisons pour lesquelles elles se trouvent dans ces situations. Selon mon expérience et selon ce que je crois au sujet des personnes avec lesquelles j'ai toujours travaillé, la réadaptation et la mise en place d'un système qui offre des outils et des stratégies efficaces de réadaptation favorisent la sécurité dans les collectivités, tout en réduisant les ressources que les tribunaux doivent affecter aux procès.

Je pense que le juge Moldaver l'a souligné dans l'arrêt Jordan. Au paragraphe 43, je crois, il établit une distinction concernant l'utilisation du temps du tribunal par les plaideurs ayant le plus besoin de ce temps. La distinction, bien entendu, porte sur le besoin de prioriser les affaires dont les tribunaux sont saisis, car certaines personnes ont des démêlés avec la justice parce qu'elles sont toxicomanes. Évidemment, les personnes doivent comparaître devant les tribunaux pour des infractions diverses. Ce ne sont pas toutes les infractions qui peuvent être déjudiciarisées et qui nécessitent des solutions de rechange. Or, afin de séparer les infractions pour lesquelles on peut avoir recours à des solutions de rechange, il faudra, à mon avis, un engagement profond de la part du comité, du Parlement et des personnes qui participent actuellement au système de justice pénale.

L'arrêt Jordan recommande, entre autres, l'adoption de délais fixes, mais on conseille clairement aux intervenants du système de justice pénale de réfléchir à la façon dont on s'occupe des personnes qui comparaissent devant les tribunaux. D'après moi, il faut soutenir le recours aux tribunaux parallèles et aux solutions de rechange, et il faut repenser les peines imposées. Comme M. Hale l'a dit, une des difficultés posées par les mesures comme les peines minimales obligatoires, c'est qu'elles rendent très difficile la résolution d'affaires préalablement aux procès.

De nombreuses personnes qui se trouvent devant les tribunaux ne font pas face à des accusations graves nécessitant un long procès, mais certaines ne veulent tout simplement pas se retrouver avec un casier judiciaire. Je vous renvoie, par exemple, à la Loi sur le casier judiciaire. Un casier judiciaire a des conséquences importantes sur les possibilités d'emploi d'un jeune de 18 à 19 ans. Même les conséquences à long terme compliquent la résolution rapide des affaires, à moins qu'elles soient déjudiciarisées. Nous devons songer à des mesures de déjudiciarisation qui favoriseront la sécurité de la population, tout en permettant une utilisation efficace du temps des tribunaux.

David Genis, avocat, The Law Firm of David Genis : Je suis avant tout un avocat plaidant. J'ai défendu de nombreux cas d'alcool au volant. Je travaille souvent avec l'alinéa 11b). J'approuve ce que mes collègues ont dit au sujet des peines minimales obligatoires. Le Parlement a imposé les peines minimales obligatoires pour les affaires liées à l'alcool au volant.

Je vous donne un exemple de la façon dont les peines minimales obligatoires fonctionnent : si un étudiant étranger qui vient étudier au Canada avec un visa d'étudiant est déclaré coupable de conduite avec facultés affaiblies, il peut être expulsé.

Par ailleurs, un Canadien déclaré coupable de conduite avec facultés affaiblies peut entrer aux États-Unis; là-bas, ce crime n'est pas considéré comme une turpitude morale. En revanche, un Américain reconnu coupable de conduite avec facultés affaiblies, au Canada ou aux États-Unis, est interdit de territoire au Canada.

Ce n'est donc pas symétrique. Les conséquences de l'alcool au volant sont lourdes. J'ai donc été surpris de lire, dans les documents du Sénat, l'information sur les initiatives de la Colombie-Britannique, où on a réussi à déjudiciariser les cas d'alcool au volant.

Fait intéressant, les positions par rapport à ce dossier se trouvent aux deux extrêmes. D'un côté, nous voulons que les conducteurs aux facultés affaiblies soient punis très sévèrement, et nous les punissons certainement. De l'autre, nous ne voulons pas que ces affaires engorgent le système judiciaire.

Accorder un plus grand pouvoir discrétionnaire à la Couronne aiderait beaucoup. Elle avait plus de latitude dans le passé. D'après moi, cet exemple montre bien que la tâche du comité n'est pas enviable. Ce n'est pas facile de s'attaquer aux retards. Les questions sont beaucoup plus nombreuses que les réponses.

Je vais vous donner deux exemples d'affaires que j'ai défendues et qui ont été jugées. J'en ai plus, mais je ne peux pas en parler parce qu'elles sont encore en instance. Dans le cas d'un de mes clients, il lui est arrivé à trois reprises qu'on ne se rende pas à son procès. La Cour de justice de l'Ontario prévoit couramment un nombre excessif de procès en prévision de plaidoyers de culpabilité, ainsi que de témoins, d'avocats et de clients malades. Peu importe la raison, on prévoit beaucoup plus d'affaires qu'il n'y a de juges pour les instruire. Les tribunaux acceptent cette pratique, qui est considérée comme normale et appropriée en raison des statistiques. Or, un de mes clients a dû se rendre au tribunal trois fois pour une affaire très simple; il a dû payer son avocat chaque fois, pour chaque date de procès, parce qu'on ne s'est tout simplement pas rendu à son affaire aux trois occasions.

À la lumière de l'arrêt Jordan, c'est intéressant de constater que les trois comparutions ont eu lieu à l'intérieur d'un an et demi. Heureusement, nous avons obtenu gain de cause sur le fond de l'affaire. Toutefois, relativement à l'alinéa 11b), même si mon client a dû me payer pour comparaître trois fois, nous aurions eu beaucoup de difficulté à obtenir la suspension en fonction du délai, puisque le délai était d'un peu moins d'un an et demi.

Je vais vous donner un autre exemple qui dépasse l'entendement. J'ai eu un client étranger qui était accusé de conduite avec facultés affaiblies au Canada. Il voyageait occasionnellement au Canada pour affaires. Il a dû venir d'Europe plusieurs fois précisément pour son procès, qui n'a pas eu lieu pour des raisons diverses. Une fois, il n'y avait pas d'interprète, comme on l'avait demandé. Il y avait un problème. C'est de l'administration; des erreurs sont commises. Il a dû se déplacer nombre de fois. L'affaire a été jugée juste avant l'arrêt Jordan. Si elle avait été jugée après l'arrêt Jordan, ce client aurait eu beaucoup de difficulté à demander au tribunal de suspendre les accusations.

Les questions sont beaucoup plus nombreuses que les réponses. J'accepterai toute bonne solution à toute partie du problème, mais je sais de première main que ce sont des questions très complexes.

Le président : Merci.

Je sais que les gens autour de la table sont très intéressés. Je donne d'abord la parole au vice-président, le sénateur Baker.

Le sénateur Baker : Merci aux témoins. Vous formez peut-être le groupe le plus important à comparaître devant le comité. Vos propos sont consignés au compte rendu et nous les étudierons attentivement; nous examinerons aussi sérieusement tout ce que vous nous fournirez par écrit. Vous avez été sélectionnés parce que vous vous êtes démarqués, durant la dernière année, parmi les avocats de cette province, car vous avez remporté des procès; plus précisément, vous avez défendu avec succès l'alinéa 11b) de la Charte canadienne des droits et libertés.

Vous êtes quatre spécialistes de ce domaine de la Constitution du Canada et de l'alinéa 11b). Pardonnez-moi, mais je crois que vous interprétez mal l'arrêt Jordan. Vous pouvez toujours présenter un recours à l'intérieur des 18 mois et des 30 mois.

Je vous vois hocher la tête. Vous vous dites que oui, mais que la Cour suprême du Canada a déclaré que ces recours réussiraient rarement; or, vous pouvez toujours les déposer. Dans les tribunaux parallèles, bien sûr, les gens doivent plaider coupables avant que leur cas puisse être pris en considération.

Si vous lisiez tous les rapports possibles, vous constateriez que personne ne nous a suggéré — et je crois que c'est une bonne suggestion — d'imposer à la Couronne un délai pour la divulgation préalable au procès, que le délai soit fixé et que tous les éléments de preuve qui seront utilisés durant le procès soient divulgués avant le début du procès. Bien sûr, la Couronne pourrait déposer une demande au tribunal pour pouvoir présenter de nouveaux éléments de preuve pour les mêmes motifs que ceux applicables en cour d'appel, ou pour réexaminer le voir-dire en cas de contestation constitutionnelle; c'est-à-dire qu'elle ne disposait pas de l'élément de preuve à ce moment-là et qu'elle a fait preuve de diligence raisonnable pour obtenir l'information. Autrement dit, on établirait une procédure.

Que pensez-vous d'inclure dans les règles des tribunaux de toutes les compétences d'obliger la Couronne à divulguer toute la preuve avant le procès?

Mme Murphy : Ma première réaction, je suppose, c'est que c'est une très bonne idée. Or, je pense que les procureurs de la Couronne lanceraient de nombreuses procédures judiciaires parce que les horaires des témoins ne concorderaient pas nécessairement avec les directives de la Couronne. Je présume que les procureurs de la Couronne réagiraient à cela en déposant continuellement des motions pour repousser le délai de divulgation.

En principe, c'est une très bonne idée, mais je ne sais pas à quel point ce serait efficace.

Le sénateur Baker : Ne devez-vous pas présenter tous vos arguments relatifs à la Charte avant le procès? Tous vos arguments préalables au procès doivent être soumis dans un certain délai. Comment y arrivez-vous sans la divulgation complète? Je sais que vous devez le faire, et le tribunal, peu importe la compétence, ne recevra pas vos arguments relatifs à la Charte si le procès est en cours. Dans ce cas, pourquoi dites-vous que la Couronne ne devrait pas avoir à tout divulguer alors que vous devez présenter tous vos arguments?

Mme Murphy : Je ne dis pas que la Couronne ne devrait pas avoir à tout divulguer. Or, quand je songe à comment cela pourrait se passer, je peux imaginer que la Couronne présenterait des contestations.

Je ne suis pas ici pour défendre la Couronne, évidemment, mais dans notre système judiciaire, c'est important que les deux côtés aient de la flexibilité.

Le sénateur Baker : Cela donne de longs procès.

Mme Murphy : En effet. Je pense que trouver des façons d'établir un équilibre entre la flexibilité et l'acheminement certain des affaires devant les tribunaux, ainsi que l'utilisation efficace des ressources des tribunaux, est une tâche très ardue.

Mme Mainville : À propos, je pense que c'est une idée intéressante, une bonne idée. J'ai peut-être une seule préoccupation — et elle revient aux critiques formulées dans l'affaire Jordan. Je conviens que des limites strictes visant à assurer la rapidité des procédures ne sont pas une mauvaise chose en soi, mais, ce qui me préoccupe, c'est qu'aucune distinction n'est faite en fonction de la complexité des dossiers. Il se pourrait donc que, à propos des plafonds désignés dans l'affaire Jordan et de ce que vous avez dit, une simple affaire nécessitant peu de divulgation de la part de la Couronne doive avoir un délai beaucoup plus court par rapport à un grand projet, surtout un projet où la police pourrait avoir été forcée de procéder à des arrestations avant d'être prête. Des facteurs externes pourraient l'avoir forcée à...

Le président : Nous devons nous arrêter ici.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Ma première question s'adresse à M. Hale. De nos jours, pour la communication de la preuve, on procède parfois par vidéoconférence ou de façon électronique. Je m'interroge, dans ce cas, sur la pertinence de tenir des enquêtes préliminaires. J'aimerais entendre votre opinion à ce sujet.

[Traduction]

M. Hale : Je ne suis pas certain d'avoir parfaitement bien compris la question.

[Français]

Mme Mainville : Est-ce que vous me permettez de répondre?

Le sénateur Dagenais : Certainement.

Mme Mainville : Au-delà de la fonction des enquêtes préliminaires — et je ne vais pas réitérer ici les fonctions de découverte et de test de la preuve —, je vais me concentrer sur les avantages d'un point de vue de gestion de l'instance. Il est important de ne pas faire fi de ce processus pour les raisons suivantes.

Si vous me le permettez, je vais procéder en anglais, parce que j'avais fait une liste.

Le sénateur Dagenais : D'accord.

[Traduction]

Mme Mainville : Le premier avantage des enquêtes préliminaires, dans une optique de gestion des instances, est de permettre aux parties de se concentrer sur la préparation au procès et de circonscrire les questions avant les audiences à la Cour supérieure. Elles permettent notamment aux procureurs d'évaluer la solidité de leur défense en voyant leurs témoins comparaître, ce qui pourrait également favoriser un règlement ou le rejet de certaines accusations. Elles permettent à la partie défenderesse de sonder la preuve d'une façon qui pourrait mener à l'abandon de certaines motions ou d'exposer à son client la solidité des arguments avancés contre lui.

La perte des enquêtes préliminaires, à mon avis et selon des participants à la table ronde de l'ICAJ, pourrait tout simplement se traduire par la présentation de requêtes à la Cour supérieure. Dans les grandes poursuites pénales, les enquêtes préliminaires pourraient représenter le moment opportun de congédier certaines personnes accusées de crimes moins graves, les acteurs moins importants, afin de réduire le nombre d'accusés au procès, plutôt que d'opter pour une mise en accusation, par exemple, et d'arriver avec une pléthore d'accusés et d'avoir des poursuites et un procès inimaginables.

Enfin, les enquêtes préliminaires permettent aux parties d'obtenir le point de vue et les conseils du juge lors d'une conférence préalable à l'instruction, ce qui, comme je l'ai dit, favorise grandement les règlements. Je n'y mettrais donc pas fin tout simplement dans une optique de gestion des instances.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Nous avons visité d'autres provinces la semaine dernière. Comme on nous l'a mentionné, dans une portion de 80 p. 100 du travail accompli au palais de justice, on compte beaucoup de fonctions administratives avant d'arriver à un procès. Vous êtes tous des avocats de la défense. Ne pensez-vous pas que, dans la préparation d'un procès, pour accélérer le processus et réduire les retards, certaines tâches pourraient être remplies par des fonctionnaires?

Mme Mainville : Tout à fait. Si vous parlez de comparution, par exemple, certaines tâches pourraient être faites par ordinateur ou en ligne, du moins en ce qui concerne les accusés représentés par des avocats. Les conférences préparatoires pourraient se faire par téléconférence.

[Traduction]

M. Hale : J'ai entendu la traduction « investigations préliminaires », et je comprends maintenant qu'il s'agit d'« enquêtes préliminaires ».

En 1984, dans l'affaire Skogman, la Cour suprême a reconnu l'importance des enquêtes préliminaires parce qu'elles protègent, comme on le fait valoir depuis longtemps, un accusé contre des poursuites frivoles et un procès public qui lui ferait subir de nombreux préjudices.

Or, les enquêtes préliminaires sont également devenues un outil de recherche. En fait, c'est un outil de recherche tant pour la partie défenderesse que pour la Couronne. Dans bien des cas, surtout, comme vous l'a dit ma collègue, Mme Mainville, lors des conférences préalables à l'instruction, de nombreuses affaires sont réglées après l'enquête. Une fois que tout le monde a pris connaissance de la solidité du plaidoyer du procureur et des observations du juge qui a entendu l'enquête préliminaire, je pense que de nombreuses affaires sont réglées avant de devoir tenir un procès devant jury. Je crois que c'est un outil efficace pour éviter de devoir consacrer du temps à ces dossiers à la Cour supérieure.

Le sénateur Joyal : Je vous souhaite tous la bienvenue.

Je suis particulièrement intéressé par votre quatrième recommandation, madame Mainville, qui consiste à désigner d'entrée de jeu un juge responsable de la gestion de l'instance. Nous nous sommes attaqués à la question, à savoir que les juges responsables de la gestion d'une instance font preuve d'un certain laxisme au moment d'accorder une autorisation pour reporter des audiences ou d'accepter, très facilement, qu'un sursis soit accordé.

D'après votre expérience, diriez-vous qu'il est nécessaire de mieux former les juges pour ce qui est de la gestion des instances et d'établir des échéanciers beaucoup plus stricts que ceux que nous avons maintenant? Je suis d'avis que le juge est le patron de son tribunal, et je l'ai moi-même constaté. Il est très facile d'obtenir un sursis, que ce soit lorsque l'avocat est saisi d'une autre affaire qui demande plus de temps ou pour une autre raison. Personne n'examine vraiment ce genre d'arguments. Le sursis est accordé tout simplement parce qu'on l'a demandé.

Comme vous le savez, c'est la même chose pour ce qui est de la durée des instances. J'ai moi-même été saisi d'affaires dans lesquelles le juge m'a demandé : « D'après vous, combien d'heures avez-vous besoin? » De toute évidence, on fait toujours preuve de prudence en demandant plus de temps que ce qu'on croit nécessaire.

Il me semble qu'il faut renforcer la capacité des juges à mieux gérer les instances et leur donner des directives plus strictes. Je peux accepter le principe voulant que le juge ou la juge soit roi ou reine dans son propre tribunal, mais il me semble que quelqu'un, quelque part, doit vraiment renforcer la façon dont fonctionne le système.

La lecture de votre mémoire a enclenché ma réflexion, car, de toute évidence, vous êtes tous les jours devant les tribunaux, contrairement à nous qui sommes législateurs. En fonction de votre expérience, comment évaluez-vous la façon dont le système fonctionne relativement aux délais?

Mme Mainville : Tout d'abord, je dirais que les juges possèdent déjà de nombreux pouvoirs pour améliorer la gestion des instances ou les procédures. Certains juges sont excellents à cet égard. Je pense que la magistrature a les outils nécessaires, mais ils ne sont pas toujours connus et ce ne sont pas tous les juges qui se sentent à l'aise de recourir à ces pouvoirs. Il serait donc excellent d'offrir à la magistrature une meilleure formation en matière de gestion des instances. Je pense qu'ils savent déjà qu'il y a place à l'amélioration, et ils devraient mettre l'accent sur la formation des nouveaux juges.

Je vais tout simplement ajouter que je me suis rendu compte que les procureurs profiteraient grandement d'une formation en matière de gestion des instances en raison de leur grand pouvoir discrétionnaire. Ils prennent beaucoup de décisions qui ont une incidence sur les délais, comme le choix et le nombre de personnes contre qui porter des accusations, le nombre de chefs d'accusation, l'abus d'accusations et ainsi de suite. Je pense que certains bureaux de procureur sont meilleurs que d'autres. On observe souvent une percolation et une certaine culture, selon le bureau. Je pense donc que les procureurs profiteraient eux aussi grandement de cette formation, qui leur permettrait de comprendre qu'ils peuvent en faire beaucoup pour améliorer les délais dans le système.

Mme Murphy : Si je peux me permettre d'ajouter une chose, je dirais qu'il est juste de dire que le juge est responsable de sa salle d'audience, mais pour ce qui est de la gestion des instances, il ne peut pas toujours forcer un procureur à exercer son pouvoir discrétionnaire d'une façon ou d'une autre. Dans bien des cas, cela contribue à ce qu'il y ait un procès alors qu'on aurait pu exprimer d'entrée de jeu un avis juridique en disant qu'il est raisonnable de croire que la possibilité d'une déclaration de culpabilité est limitée ou qu'il existe des raisons de régler les choses en prononçant une peine plus légère que ce que le procureur propose. Le juge, même s'il gère le dossier avant le procès, n'a pas le pouvoir nécessaire pour rendre une décision de la sorte. Il pourrait être avantageux d'encourager les procureurs et les juges à agir d'une certaine façon à ces étapes des procédures.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Madame Mainville, parmi vos recommandations, il y en a une qui me fait titiller, c'est celle de réduire le nombre d'accusations. Sur le plan des données relatives à la criminalité, cette recommandation est assez perverse. Je pense entre autres à cet homme de Sherbrooke qui a été accusé de 90 agressions sexuelles sur des élèves. Au Québec, on a l'habitude de faire en sorte que les gens plaident coupables dans la mesure du possible pour éviter de surcharger les palais de justice. L'homme en question a plaidé coupable à 20 agressions sexuelles. Dans les statistiques sur la criminalité, on vient donc d'éliminer 70 agressions sexuelles.

Afin de comptabiliser des statistiques à l'aide de Juristat, il doit y avoir une accusation et une reconnaissance de la criminalité pour que l'accusé soit reconnu coupable. La réduction du nombre d'accusations a aussi l'effet pervers de réduire le taux de criminalité.

Pensons aux 21 membres des Hells Angels du Québec qui ont été libérés de leur procès pour une trentaine d'homicides, homicides qui, en l'occurrence, ne font pas partie des statistiques sur la criminalité. Pensons également au cas de Robert Pickton qui a assassiné 49 femmes en Colombie-Britannique et qui a été reconnu coupable de six meurtres parce qu'on ne voulait pas surcharger le tribunal. Dans cette affaire, les 43 autres femmes sont considérées comme des cas de disparition et non des meurtres. Il y a donc un effet pervers à réduire le nombre d'accusations, parce que cela a un impact sur les statistiques sur la criminalité.

Je reviens à ma question. Vous recommandez également de déplacer les procès vers d'autres lieux géographiques et d'offrir une souplesse à ce chapitre. Selon vous, cette situation risque-t-elle de défavoriser les victimes et leurs proches qui doivent suivre le procès à leurs frais? On sait que, dans le cas de l'accusé, que son procès ait lieu à Montréal, à Sherbrooke ou à Gatineau, c'est l'État qui prendra en charge les frais de déplacement.

Mme Mainville : En ce qui concerne votre premier point, je répondrais que l'effet pervers, en fait, c'est que, lorsqu'il y a trop de chefs d'accusation, les procès deviennent ingérables. Vous en avez cité au moins un exemple. Le résultat, c'est qu'il n'y a aucune condamnation et qu'il n'y a aucune responsabilité criminelle.

Dans le procès des Hells Angels qui a été tenu à la suite de l'opération SharQc, ultimement, il n'y a pas eu de condamnation. Il y a eu un arrêt des procédures, parce que le procès était totalement ingérable. Il y a eu aussi l'affaire Norbourg — Vincent Lacroix, et cetera.

Donnez à un jury une liste de 50 chefs d'accusation — je pense qu'il y en avait plus d'une cinquantaine dans l'affaire Norbourg — et la situation devient complètement ingérable. Dans un tel cas, même un juge aurait de la difficulté et il y aurait un risque d'erreur, menant à un appel qui aurait de fortes chances d'obtenir du succès. À mon avis, l'effet pervers le plus important, c'est le fait que des gens ne seront pas du tout tenus responsables de leur crime, parce que la poursuite est trop complexe.

Le sénateur Boisvenu : Ne croyez-vous pas qu'il y a un effet pervers à laisser supposer que le taux de criminalité baisse? C'est ce qu'on voit dans les statistiques sur la criminalité depuis 20 ans, alors qu'en principe, ce sont les accusations qui sont moins nombreuses, et ce, pour éviter les retards au sein du système de justice.

Mme Mainville : Je ne suis pas d'accord, car je pense qu'il y a différentes façons d'accumuler des statistiques relatives à la criminalité. Il y a aussi plusieurs façons d'évaluer la criminalité. On parle du chiffre noir de la criminalité et de tout ce qui n'est pas rapporté. Des évaluations sont faites pour essayer de déterminer combien d'infractions sont commises et combien se retrouvent devant les tribunaux.

Si vous voulez revoir la façon dont on accumule ces statistiques, je vous prie de le faire, parce qu'il serait utile à tout le monde d'avoir des statistiques plus fiables. Toutefois, je ne pense pas que la solution passe par la production d'actes d'accusation qui contiennent le plus de chefs d'accusation possible.

En ce qui concerne le déplacement de procès dans d'autres palais de justice, dans mon document, je suggère de le faire dans la même région, pas trop loin. Je sais que cela se fait à certains endroits, où des autobus transportent les témoins et le jury. Peut-être qu'il y aurait des mesures à prendre pour les victimes également.

[Traduction]

La sénatrice Batters : Merci beaucoup. Vos témoignages se sont révélés très utiles.

Tout d'abord, je tiens à dire à Mme Mainville qu'elle a formulé dans son mémoire et dans ses explications des propositions très utiles. Je pense que la désignation d'entrée de jeu d'un juge responsable de la gestion de l'instance est vraiment une excellente idée et une chose à laquelle nous pourrions recourir.

Monsieur Genis, le point de vue que vous exprimez est celui de quelqu'un se trouvant sur le terrain, j'en conviens. Qu'avez-vous à nous proposer au sujet des cas de conduite avec facultés affaiblies, qui engorgent le système comme je l'ai constamment fait remarquer dans le cadre de cette étude? C'est un chef d'accusation grave, mais en même temps, ces dossiers paralysent le système. De votre point de vue sur le terrain, que seraient selon vous les deux ou trois principaux moyens pratiques de raccourcir les délais judiciaires?

M. Genis : J'aimerais avoir quelque chose à proposer. Comme je l'ai dit, nous sommes dans une impasse. Il est manifestement dans l'intérêt de la société de mettre fin à cette impasse, de désengorger les tribunaux et de ne pas permettre aux criminels de rester impunis.

Je pense qu'il serait utile de donner un plus grand pouvoir discrétionnaire aux procureurs, car ils semblent maintenant être privés de ce pouvoir en Ontario. Presque tous les dossiers font l'objet d'un procès, et les gens se défendent bec et ongles à cause des peines minimales.

J'aimerais avoir quelque chose à proposer. Je sais que les cas de conduite en état d'ébriété représentent souvent des violations de l'alinéa 11b). Les tribunaux entendent beaucoup de ces affaires, et c'est surtout à cause des peines minimales, comme celles prononcées pour d'autres infractions. Comme vient tout juste de le dire mon collègue, ces affaires font souvent l'objet d'un procès même si ce n'était pas le cas avant. Quand quelqu'un a le dos au mur, il se défend. J'aimerais avoir quelque chose à vous proposer. C'est un sujet difficile.

Il serait utile que les procureurs aient un pouvoir discrétionnaire. Je ne vois autrement pas comment régler ce problème.

La sénatrice Batters : Pratiquez-vous le droit à Ottawa?

M. Genis : Dans la région du Grand Toronto.

La sénatrice Batters : Merci.

M. Hale : J'aimerais proposer quelque chose, si vous le permettez.

La sénatrice Batters : Je vous en prie, monsieur Hale.

M. Hale : Je pratique le droit à Ottawa et dans les environs. Un de mes collègues, qui est décédé plus tôt cette année, était bien connu dans la région. On parlait de lui dans les journaux locaux. C'était un avocat qui s'appelait Gerry White. Il a surmonté un problème d'alcoolisme, a fait son droit et a ensuite dévoué sa pratique aux alcooliques. Ce qu'il reprochait au Tribunal de traitement de la toxicomanie — et nous convenons tous que le tribunal est essentiel et fait un travail formidable —, c'est qu'il est réservé aux personnes ayant une dépendance aux drogues. Les alcooliques n'ont pas accès à ce tribunal ou à un tribunal équivalent. Le Tribunal de traitement de la toxicomanie permet aux gens qui recevraient autrement une peine minimale obligatoire d'éviter cette peine s'ils participent à un programme qui dure un an. C'est tout un engagement, mais s'ils en viennent à bout, et qu'ils sont résolument déterminés à le faire, ils se portent alors mieux et la société est mieux protégée à long terme parce qu'ils ne consomment plus de drogues. Ils évitent ainsi la peine minimale.

On pourrait peut-être songer à élargir la portée du Tribunal de traitement de la toxicomanie ou à créer un tribunal similaire qui inclurait les alcooliques, de sorte qu'ils puissent également éviter une peine minimale en participant à un programme thérapeutique. Personne ne peut guérir de l'alcoolisme, mais ce programme pourrait aider les alcooliques à venir à bout de leur problème et à reprendre les rênes.

La sénatrice Batters : Merci de le proposer.

Le sénateur Sinclair : Merci de votre exposé, monsieur. J'ai envie de vous poser une multitude de questions, mais, compte tenu du temps, je n'en poserai qu'une seule. La réponse sera soit très longue, soit très courte.

Voici la question : beaucoup de personnes vous imputent, c'est-à-dire aux avocats de la défense, la responsabilité des délais. Qu'en pensez-vous?

Mme Mainville : Nous nous en offusquons.

M. Hale : Je pense que nous nous opposons tous les quatre à cette affirmation.

Le problème est beaucoup trop complexe pour jeter le blâme sur les seuls avocats de la défense. Nous sommes ici pour résoudre le problème après-coup. Nous voyons énormément de personnes être accusées. Nous voyons des politiques de tolérance zéro qui lient les mains des procureurs de sorte qu'ils n'ont aucun pouvoir discrétionnaire pour ce qui est d'intenter ou non des poursuites dans certains types de dossiers. Les poursuites deviennent de plus en plus complexes. Des procès pour meurtre qui duraient auparavant quelques semaines durent maintenant des mois étant donné que nous avons les données des tours de téléphonie cellulaire, l'ADN, des mandats de perquisition, des mandats ADN et ainsi de suite, et que ces choses font toutes l'objet de contestations.

La grande majorité des accusés plaident coupables dans leur cour provinciale ou territoriale. Je suppose que moins de 10 p. 100 d'entre eux subissent un procès.

Je sais que, au cours des dernières années, un juriste a jeté une large part du blâme sur les avocats de la défense, mais j'estime que c'est beaucoup plus complexe. Les délais s'expliquent de bien des façons, et ils se sont allongés du côté des services de police, qui portent peut-être trop d'accusations; les procureurs intentent peut-être trop de poursuites, et les dossiers sont complexes.

Bien entendu, il y a effectivement quelques avocats de la défense qui ont recours à la Charte de manière abusive, mais c'est une petite minorité. Dans les cas que je connais, c'est toujours de bonne foi. Nous défendons le droit à un procès dans un délai raisonnable que la Charte garantit à nos clients, et nous pensons vraiment bien faire. Nous ne jouons pas à un jeu.

M. Genis : Si vous parlez des avocats de la défense à qui l'on reproche de fabriquer des délais pour plaider avec succès des causes en vertu de l'alinéa 11b), je dirais que nos juges sont beaucoup trop intelligents. Il faut reconnaître le mérite des juges. Cela ne passerait tout simplement pas.

Le président : Il n'y a peut-être personne pour vous contredire à ce sujet.

Le sénateur Sinclair : En tout cas, pas de ce côté-ci de la table.

Le sénateur White : Merci à chacun de vous d'être ici. À propos de l'abus d'accusations, j'ai travaillé à l'autre extrémité du spectre et je pense qu'on se préoccupe toujours de la négociation d'ententes; vous devez en avoir assez. Je pense que cela fait partie du problème auquel nous faisons face.

Cela dit, ma question concerne la conduite avec facultés affaiblies. Nous savons que cela paralyse notre système. Si nous faisons comme le Colorado et légalisons la marijuana, nous verrons davantage de cas de conduite avec facultés affaiblies à cause de la consommation de cette substance, et j'estime donc que la situation va empirer plutôt que s'améliorer.

Avez-vous une opinion par rapport à la pratique administrative actuellement employée en Colombie-Britannique qui consiste à remplacer les accusations criminelles contre les conducteurs aux facultés affaiblies en les faisant plutôt suivre un processus administratif et en leur retirant leur permis pendant un certain temps, ce qui, de toute façon, se fait automatiquement en Ontario, plutôt que de recourir au processus pénal?

M. Hale : À mon avis, cette pratique présente beaucoup d'avantages. Ici, en Ontario, on perd automatiquement son permis pendant 90 jours, ce qui incite les gens à plaider coupables pendant cette période pour que leur interdiction de conduire en vertu du Code criminel ait lieu au même moment. Il ne convient peut-être pas de parler de décriminalisation, mais lorsque nous parlons des conducteurs dont le taux d'alcoolémie est inférieur à 100 ou autour de 100, ce n'est pas dépourvu de sens.

Mes clients contestent les accusations de conduite avec facultés affaiblies, non seulement en raison de la condamnation, des conséquences sur leurs assurances et des dérangements que ces accusations occasionnent, notamment dans les régions rurales où il n'y a pas de transport public, mais aussi parce qu'on a mis fin aux pardons et que la suspension des casiers prend maintenant cinq ans plutôt que trois. Les conséquences indirectes d'une condamnation pèsent encore plus longtemps. Raison de plus pour contester les accusations.

Mme Mainville : Je suis d'accord avec mon collègue. Si j'ai bien compris, cette pratique a probablement un effet plus dissuasif. La peine est presque assurée et elle est difficile à porter en appel ou à soumettre à un réexamen. Je partage cet avis.

Je ne défends pas de cas de conduite avec facultés affaiblies, mais je crois que cette pratique est avantageuse lorsque les accusations de conduite avec facultés affaiblies sont moins sérieuses.

Mme Murphy : La possibilité d'imposer des sanctions sans condamnation constitue un pas dans la bonne direction. En raison des conséquences de la Loi sur les casiers judiciaires et des données conservées dans les bases de données des services de police, les conséquences d'une condamnation sont beaucoup plus sérieuses pour les contrevenants. Il est beaucoup plus difficile pour eux de passer à autre chose.

M. Genis : J'ai déjà souligné qu'il s'agit d'une proposition difficile. D'abord, de bien de façons, nous appliquons déjà cette pratique; nous avons la suspension du permis pour 90 jours. Nous avons aussi une peine pour ceux qui ont un taux d'alcoolémie entre 50 et 80, un peu comme en Colombie-Britannique. C'est très similaire. Mais, propose-t-on de dégager de toute responsabilité criminelle ceux qui ont un taux d'alcoolémie supérieur à 80? Dans quel but?

Le sénateur White : C'est bien cela. Ceux qui, habituellement, feraient l'objet d'accusation pour avoir eu un taux d'alcoolémie de 110 ou 120 se verraient plutôt imposer une peine administrative et leur permis de conduire serait suspendu pour une période de six mois, si je ne m'abuse. Je ne crois pas que ce soit 90 jours. Peu importe, cette décision revient à la province.

M. Genis : Ce serait intéressant comme pratique. C'est ce qui se faisait auparavant et, à mon avis, nous pouvons presque imposer une telle peine aujourd'hui. C'est le Bureau du procureur qui fixe ces orientations. Elles ne sont pas tout à fait officielles, semble-t-il, mais ce sont des politiques. C'est le taux d'alcoolémie qui varie — 100, 110. Auparavant, un contrevenant était automatiquement accusé de conduite dangereuse pour avoir eu un taux d'alcoolémie de 120 ou plus, même en l'absence d'accusations pour conduite avec facultés affaiblies, sans aucune autre conséquence importante.

Certains demandent à ce que le système soit uniformisé à l'échelle du pays. Certaines régions sont plus libérales que d'autres. Mais, c'est intéressant comme politique.

Par contre, des organismes de défense des droits des victimes, comme MADD, diront que, selon les toxicologues, une personne ayant un taux d'alcoolémie de 50 est en état d'ébriété. C'est la raison pour laquelle, en Ontario, une peine administrative est imposée à ceux qui ont un taux d'alcoolémie situé entre 50 et 80.

Ce n'est pas une question facile à traiter.

Le sénateur Baker : J'aurais tellement de questions à poser à nos témoins-experts. Ce sont tous des spécialistes dans leur domaine. Je vais en choisir une.

Dans un cas typique de conduite avec facultés affaiblies, il y a deux accusations possibles, selon les alinéas 253(1)a) et b). Le premier concerne une accusation et le taux d'alcoolémie et le second concerne la conduite avec facultés affaiblies. Habituellement, selon la province, ces accusations sont rejetées en vertu de l'affaire Kienapple. Dans ce cas, il a lieu de se demander pourquoi l'on devrait porter ces accusations en premier lieu. Pourquoi ne pas en choisir une?

Tenez-vous compte du temps perdu une fois que l'accusation relative au taux d'alcoolémie supérieur à 0,08 ou celle relative à l'article 254 concernant le refus de subir un alcotest lors d'un contrôle routier est rejetée, peu importe la raison? Habituellement, lorsque ces accusations sont rejetées, la Couronne tente de prouver l'indice d'ébriété, ce qui mène à une divulgation supplémentaire et à d'autres plaidoiries, notamment.

Selon vous, la Couronne devrait-elle se concentrer sur une seule accusation plutôt que deux et risquer que ces accusations soient rejetées en vertu de l'affaire Kienapple?

M. Genis : Ce sont vraiment les cas où le taux d'alcoolémie est supérieur à 80 qui entraînent une divulgation supplémentaire et c'est une situation complexe. Habituellement, les cas de conduite avec facultés affaiblies sont simples et directs. Parfois, un procureur avisé reconnaît la situation et laisse tomber l'accusation relative au taux d'alcoolémie supérieur à 80. C'est la pratique.

Le sénateur Baker : D'accord.

M. Genis : Ces accusations existent pour une bonne raison. La loi ratisse large. Disons qu'un jeune conducteur inexpérimenté a un accident et qu'il présente un taux d'alcoolémie de 70. C'est un cas simple de conduite avec facultés affaiblies. Par contre, disons qu'une personne qui semble en état de conduire — un alcoolique fonctionnel — se fait arrêter et présente un taux d'alcoolémie de 180. Il paraît en bon état, mais aurait pu tuer quelqu'un 30 minutes plus tard. Je crois qu'il faut porter les deux accusations. Ça me paraît logique.

C'est dans les cas où le taux d'alcoolémie est supérieur à 80 qu'il est difficile d'engager des accusations. Les cas de conduite avec facultés affaiblies sont simples.

Le sénateur Joyal : Ma question porte sur votre proposition relative à l'enquête préliminaire obligatoire et les deux autres propositions que vous faites dans votre document, madame Mainville. J'aimerais avoir plus de détails sur les raisons selon lesquelles cette proposition permettrait de réduire les retards.

Mme Mainville : Voilà. Avant de pratiquer le droit à Toronto, j'ai pratiqué le droit à Montréal. J'ai été très surprise de la façon dont on utilise la conférence préalable en Ontario. Il y a des conférences de facilitation avec le juge au Québec, mais elles ne sont pas aussi systématiques qu'en Ontario. Je crois que, règle générale, la conférence préalable obligatoire est utilisée pour fixer les dates d'une instance ou d'un procès qui devrait durer deux jours, alors qu'en Ontario, c'est lorsque l'on envisage que ces procédures devraient durer plus de quatre heures.

J'ai constaté beaucoup d'avantages en Ontario à organiser des conférences préalables. Elles permettent de résoudre bien des cas ou de mieux cerner les questions. Il est utile, tant pour la Couronne que pour la défense, d'avoir l'opinion du juge. Cela facilite la résolution.

Concernant l'uniformisation des normes pour l'ensemble du pays — j'ignore qu'elle est la situation ailleurs qu'au Québec et en Ontario, mais je crois qu'il serait utile que ces conférences soient obligatoires.

Si je ne m'abuse, la Cour de justice de l'Ontario dispose d'un document qui établit les pratiques exemplaires en matière de conférences préalables. Toutefois, il est important de préciser qu'il faut encourager les juges à jouer un rôle très actif lors de ces conférences préalables, sinon, elles ne sont pas vraiment utiles.

Le sénateur Joyal : C'est la raison pour laquelle j'ai associé cette recommandation à la vôtre sur la responsabilité du juge à adopter une approche plus rigoureuse qu'avant dans la gestion des dossiers.

Mme Mainville : Tout à fait. Si l'utilisation des conférences préalable devient obligatoire au pays ou si elle est encouragée, il faudra aussi offrir une formation aux juges afin qu'ils comprennent leur rôle dans ce processus.

Le président : Je tiens à remercier les témoins d'avoir accepté notre invitation. Vos témoignages nous ont été très utiles.

Mesdames et messieurs les membres du Comité, nous nous réunirons de nouveau demain. Nous accueillerons d'abord le Conseil national de Métis avant de poursuivre à huis clos pour aborder les travaux du comité.

Le sénateur Joyal : Monsieur le président, pendant nos déplacements ailleurs au pays, deux annonces ont été faites récemment. Le ministre de la Justice du Québec a présenté, la semaine dernière, un ensemble de recommandations visant à réduire les délais. J'ai apporté quelques documents que j'aimerais remettre à mes collègues. Ils nous seront utiles lors de notre visite, car le juge en chef de la Cour supérieure était présent lors de cette annonce.

L'Institut Macdonald-Laurier a également publié un rapport. Il serait peut-être utile de partager aux membres du comité la recommandation et l'analyse de l'institut concernant les délais. Cela pourrait servir le Comité.

Si vous me le permettez, je vais remettre ces documents à la greffière afin qu'elle puisse les remettre aux membres.

Le président : Je vous en serais reconnaissant.

(La séance est levée.)

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