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LCJC - Comité permanent

Affaires juridiques et constitutionnelles

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Affaires juridiques et constitutionnelles

Fascicule no 53 - Témoignages du 22 novembre 2018


OTTAWA, le jeudi 22 novembre 2018

Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles se réunit aujourd’hui, à 10 h 32, pour étudier la teneur des éléments de la section 20 de la partie 4 du projet de loi C-86, Loi no 2 portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 27 février 2018 et mettant en œuvre d’autres mesures, et afin de poursuivre son examen du projet de loi C-76, Loi modifiant la Loi électorale du Canada et d’autres lois et apportant des modifications corrélatives à d’autres textes législatifs.

Le sénateur Serge Joyal (président) occupe le fauteuil.

[Français]

Le président : Honorables sénateurs, c’est avec plaisir que je vous souhaite la bienvenue ce matin pour la première partie de cette rencontre au cours de laquelle nous procéderons à l’étude et à la discussion de la section 20 de la partie 4 du projet de loi C-86, Loi n°2 portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 27 février 2018 et mettant en œuvre d’autres mesures.

Les sénateurs auront reçu, dans l’avis de convocation, l’information au sujet des témoignages que nous entendrons ce matin.

[Traduction]

Monsieur Scrivens, bonjour et bienvenue. Je crois comprendre, monsieur Richstone, que vous serez disponible pour répondre aux questions des honorables sénateurs une fois que M. Scrivens aura fait son exposé. Bienvenue, monsieur Scrivens. C’est un plaisir de vous avoir parmi nous ce matin.

Mark Scrivens, avocat-conseil, Secteur des politiques, Direction de la mise en œuvre des politiques, ministère de la Justice Canada : Merci, monsieur le président et honorables sénateurs. Je m’appelle Mark Scrivens et je suis avocat-conseil au Secteur des politiques du ministère de la Justice Canada. Je suis ici pour vous parler de la section 20 de la LEB no 2.

La section 20 de la LEB no 2 concerne les modifications apportées au régime d’accords de réparation dans le Code criminel. Comme vous le savez, un accord de réparation est un accord volontaire, conclu entre le poursuivant et l’organisation accusée d’une infraction visée par les dispositions applicables, qui a pour effet de suspendre les poursuites relatives à cette infraction si l’organisation se conforme aux conditions de l’accord.

À la demande du poursuivant, le tribunal peut, par ordonnance, approuver, modifier ou résilier l’accord de réparation, ou encore en déclarer l’exécution achevée. Si le tribunal ordonne la résiliation de l’entente, les poursuites peuvent être reprises contre l’organisation relativement aux accusations qui avaient été déposées contre elle.

Si le tribunal déclare que l’accord a été bien exécuté, il y a arrêt des poursuites relativement aux accusations portées au criminel.

Ce régime, institué par la LEB no 1, est entré en vigueur le 19 septembre dernier.

Le régime est actuellement conçu de manière à ce que la publication de l’accord de réparation et de toute ordonnance s’y rattachant, y compris une ordonnance modificative, se fasse dans les meilleurs délais, sauf dans les cas où le juge rend une ordonnance de non-publication.

Une ordonnance de non-publication peut être rendue seulement si la non-publication s’avère nécessaire à la bonne administration de la justice. Dans ce régime, le juge bénéficie d’un large pouvoir discrétionnaire pour fixer des conditions ou des limites à la révision d’une décision de non-publication d’un accord de réparation ou d’une ordonnance connexe.

Cependant, au cours de son étude préalable de ces dispositions de la LEB no 1, le comité a fait observer que la non-publication pourrait avoir pour effet d’empêcher que les victimes et autres parties soient informées des résultats et il a recommandé que les accords de réparation et les ordonnances s’y rattachant soient publiés dans les meilleurs délais.

La LEB no 2 contient des modifications donnant suite à cette observation. Ces modifications prévoient, en premier lieu, que l’ordonnance de non-publication d’un accord de réparation ou d’une ordonnance s’y rattachant peut être sujette à un délai d’expiration. Cela permettrait la publication des accords de réparation dès lors que leur confidentialité ne répondrait plus aux intérêts de la justice.

Deuxièmement, les modifications permettraient à toute personne, y compris les victimes, de présenter à un tribunal une demande de révision de la décision de non-publication.

Troisièmement, les modifications prévoient que la décision de non-publication d’un accord de réparation doit être publiée, même si l’accord lui-même demeure confidentiel. Autrement dit, la décision de non-publication devra toujours être publiée.

Je serai heureux de répondre à vos questions.

Le président : Merci beaucoup, monsieur Scrivens. M. Richstone, porte-parole du Service des poursuites pénales du Canada, est disponible pour répondre à nos questions ce matin, mais ne fera pas de déclaration.

Jeff Richstone, avocat général principal et directeur général, Poursuites réglementaires et économiques, Service des poursuites pénales du Canada : En effet, je ne ferai pas de déclaration.

[Français]

Le président : Merci, monsieur Richstone.

Le sénateur Boisvenu : Bienvenue à nos invités. J’ai deux questions, et la première concerne l’étude du projet de loi C-74 qui a été menée en février dernier. J’avais demandé s’il y avait des groupes de victimes ou des victimes qui avaient été consultés et on m’avait répondu par l’affirmative. On nous avait fait parvenir de l’information à ce sujet, mais elle était presque incompréhensible.

J’aimerais revenir à la charge afin de savoir si, dans le cadre de ce projet de loi, des groupes de victimes ont été consultés. Ce projet de loi remet en cause certains éléments essentiels de la Charte canadienne des droits des victimes, comme le droit à l’information. On remet en cause un pan complet de la Charte.

Je reviens encore au ministère de la Justice. Avez-vous consulté des groupes de victimes? Pouvons-nous recevoir l’information afin de savoir qui a été consulté?

[Traduction]

M. Scrivens : Merci, monsieur le sénateur. Malheureusement, je n’ai pas participé à la communication au comité de l’information incompréhensible dont vous avez parlé dans votre question, et je suis donc mal placé pour dire quoi que ce soit à ce sujet. Je m’en excuse. Le mieux que je puisse faire, c’est d’examiner l’information qui a été fournie au comité et de voir s’il est possible de l’améliorer.

En ce qui concerne les consultations sur ce type particulier d’accords de réparation, je peux dire qu’il y a eu généralement des consultations publiques et des sollicitations en ligne de mémoires à l’échelle nationale. Le ministère de la Justice et le SPPC ont reçu des mémoires de divers groupes à travers le pays, y compris d’ONG qui s’intéressent au problème de la corruption et à la lutte contre la corruption des grandes entreprises. Je sais que ces ONG, également dans le cadre de leur mandat, se préoccupent des répercussions de ces crimes sur les victimes. Ce n’est peut-être pas à moi de dire si on peut les décrire ou non comme un groupe de victimes.

Nous parlons ici d’un ensemble particulier d’infractions, d’infractions de corruption, de pots-de-vin, qui peuvent impliquer…

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Monsieur Scrivens, en toute politesse, ce que j’ai reçu comme réponse du ministère de la Justice ressemble à ce que vous me dites. Je répète ma question qui, pourtant, est très claire. J’aimerais avoir la liste des groupes de victimes au Canada qui ont été consultés à propos de ce projet de loi, qui attaque fondamentalement le droit à l’information.

C’est tout ce que je veux savoir. Qu’il y ait eu une consultation publique, par exemple, je le comprends. Ce que je veux savoir, c’est si le ministère de la Justice peut nous fournir la liste des groupes de victimes qui ont été consultés.

Il y a environ une trentaine de groupes de victimes partout au Canada, et il serait très facile de nous dire quels groupes ont été consultés. C’est une nomenclature que je veux. Ce n’est pas un discours sur la façon dont la consultation a été faite. Selon les informations que j’ai obtenues à ce jour, ces groupes n’ont pas été consultés, ce qui est fort regrettable quand une loi s’attaque à un principe fondamental comme le droit à l’information, qui est remis en cause dans ce projet de loi.

Je vous demanderais de présenter encore une fois cette demande à la ministre.

Mon autre question concerne la société SNC-Lavalin, qui souhaite se servir des accords de réparation pour régler les problèmes qu’elle éprouve actuellement. SNC-Lavalin a-t-elle fait des démarches auprès du ministère de la Justice pour donner son opinion sur le projet de loi, ou est-ce que le ministère de la Justice a consulté SNC-Lavalin à propos de celui-ci?

[Traduction]

M. Richstone : La question s’adressait au ministère de la Justice, et non au SPPC. Pour des raisons évidentes, puisqu’il y a une procédure judiciaire contestant la décision du DPP, que c’est donc une affaire qui est devant les tribunaux, je ne veux pas faire de commentaires à ce sujet. Je crois comprendre que la question s’adressait davantage au ministère de la Justice.

Le président : Mais vous êtes directement concernés, voilà pourquoi. Pas vous personnellement, bien sûr, mais votre service était directement concerné, et c’est pourquoi je vous ai demandé de commenter. Votre réponse est juste, mais j’ai pensé qu’il serait approprié qu’elle figure dans le compte rendu, et c’est pour cela que c’est à vous que j’ai posé la question en premier.

M. Richstone : Merci beaucoup.

Le président : M. Scrivens est également invité à formuler des commentaires à ce sujet.

M. Scrivens : Avec la permission du comité, je préfère étudier la situation avant de répondre à cette question. Je ne suis pas au courant d’activités de lobbying précises, mais cela ne veut pas dire qu’il n’y en a pas eu ou qu’il y en a eu.

[Français]

La sénatrice Dupuis : Bonjour à vous deux. Merci d’être venus.

Est-ce que je dois comprendre, maître Scrivens, que vous allez faire des vérifications sur la question posée par le sénateur Boisvenu, et peut-être nous faire suivre la réponse?

[Traduction]

M. Scrivens : Oui, c’est exact.

[Français]

La sénatrice Dupuis : Je veux m’assurer que j’ai bien compris le nouveau régime de ces ententes, qui est entré en vigueur en septembre dernier. Y a-t-il des ententes qui sont survenues entre septembre et aujourd’hui qui ne tomberaient pas sous le coup du projet de loi C-86, s’il est adopté?

M. Richstone : Non, il n’y a pas eu d’ententes de la part du Service des poursuites pénales du Canada. Comme vous le savez sans doute, sénatrice, le régime vient d’entrer en vigueur et il comprend plusieurs étapes qui prennent du temps. Selon l’expérience de nos collègues dans les autres juridictions aux États-Unis et au Royaume-Uni, cela prend du temps pour lancer les enquêtes, arriver à la conclusion qu’une entente de réparation est appropriée et entamer les pourparlers qui mèneront à une entente.

Donc, pour l’instant, la réponse est non.

La sénatrice Dupuis : Je voulais seulement m’assurer qu’il n’y a pas d’arriéré pour ce genre d’ententes, qui est derrière la porte, et qu’on n’allait pas se dépêcher, tout à coup, de les faire signer pour éviter leur éventuelle publication.

M. Richstone : Il n’y a aucun danger à cet égard.

[Traduction]

Le sénateur McIntyre : Si je comprends bien, monsieur Scrivens, le régime d’APS est entré en vigueur il y a quelques mois, et aucun accord n’a été négocié depuis.

M. Richstone : Comme je l’ai dit, monsieur le sénateur, c’est bien le cas. Le régime vient d’entrer en vigueur. Nous envisageons de faire appel à un groupe d’avocats spécialisés pour s’occuper des nouvelles tâches et nous avons entrepris de publier des précisions dans notre cahier de travail, pour les avocats et pour les parties externes, sur la façon dont nous prévoyons mettre en œuvre le régime. Nous en sommes vraiment aux toutes premières étapes.

Le sénateur McIntyre : Pouvez-vous nous donner un exemple concret d’accord qui ne devrait pas être publié?

M. Richstone : C’est une bonne question. L’exemple a été donné dans l’autre Chambre par mon collègue : ce ne serait que dans les cas où la publication nuirait à une enquête en cours. C’est l’exemple que nous avons donné dans l’autre Chambre, monsieur le sénateur, mais je répète que ce critère est très rigoureux. Les tribunaux, se fondant sur la jurisprudence établie par la Cour suprême et d’autres tribunaux d’appel, interprètent avec beaucoup de rigueur l’interdiction de publication. Il ne suffirait pas simplement de faire valoir qu’une enquête est en cours. Il nous faudrait démontrer au tribunal que la publication nuirait gravement à l’enquête en cours et que l’interdiction ne serait que provisoire.

Le sénateur McIntyre : J’ai une dernière question. À votre avis, les accords de poursuite suspendue encourageront-ils la divulgation volontaire d’actes répréhensibles?

M. Richstone : Je pourrais dire que c’est davantage une question de politiques, mais l’un des principes du régime est d’encourager la détection d’infractions qui ne seraient pas visées par une enquête ou qui ne seraient pas mises au jour par les enquêteurs. Ce régime a été mis en place dans d’autres pays précisément pour le genre de raison que vous venez de citer.

M. Scrivens : Monsieur le sénateur, j’ai parlé à des collègues d’autres pays, au Royaume-Uni par exemple, et c’est ce qu’ils ont constaté après l’introduction de régimes d’APS là-bas.

La sénatrice Lankin : Bonjour. Je vous remercie de vous être déplacés aujourd’hui. Ma question porte précisément sur la modification des conditions, notamment les délais applicables à la non-publication et à la demande. Je vous remercie d’avoir donné suite à la recommandation du comité. J’aimerais savoir comment vous pensez que cela va se concrétiser.

Je crois comprendre que le tribunal, s’il opte pour la non-publication et s’il peut imposer une limite de temps, créerait un processus automatique de publication ultérieure, avec, je suppose, avis aux parties et tout le reste. D’accord.

Par la suite, si une demande, exception faite de celle d’une tierce partie, victime ou non, était présentée au tribunal, lui serait-il possible, compte tenu de l’évolution des circonstances, de décider de rendre alors une ordonnance de non-publication, bien qu’il n’ait pas jugé nécessaire d’imposer ce genre de limite au début? Si oui, comment pourrait se faire l’examen d’une telle demande? Comment une telle révision pourrait-elle être amorcée?

M. Scrivens : Madame la sénatrice, j’apprécie la question. Elle ne manque pas d’intérêt.

Il s’agit ici de cours supérieures, qui ont la maîtrise de leurs propres processus et une solide juridiction intrinsèque pour les contrôler. Je ne vois rien dans ce projet de loi qui empêcherait un juge de faire une telle chose.

Il ne faut pas oublier que, depuis le début des années 2000, il y a eu environ cinq poursuites d’entreprises pour corruption qui auraient été admissibles à ce type de régime. Ces affaires tendent à acquérir beaucoup de notoriété et à être fortement médiatisées.

Dans ce contexte, je pense qu’il serait possible pour un juge de réviser une ordonnance de non-publication si les circonstances changeaient. La publication ou la délivrance d’une ordonnance serait très bien connue de tous.

La sénatrice Lankin : J’ai une brève question complémentaire. J’invite l’un ou l’autre à y répondre. Si le déroulement d’une enquête est la principale circonstance dans laquelle vous pensez que cela puisse se produire, lorsque l’enquête prend fin, à la suite d’une directive stratégique ou pour une autre raison, est-ce que l’organisme chargé de l’enquête devrait faire rapport au tribunal pour que l’ordonnance de non-publication soit levée?

M. Scrivens : Il n’y a rien dans la loi qui oblige les parties concernées à faire un tel rapport, mais il n’est pas rare, quand il s’agit d’ordonnances rendues en vertu du Code criminel ou de celles d’une cour supérieure, que les circonstances changent. Les avocats responsables feront généralement connaître les changements importants.

Encore une fois, nonobstant ce qui se trouve dans le code, les juges de la cour supérieure ont beaucoup d’expérience, sont maîtres de leurs propres processus et peuvent formuler l’ordonnance de la façon qu’ils jugent appropriée pour tenir compte des changements de circonstances ou de faits.

La sénatrice Lankin : Merci.

M. Richstone : J’aimerais mettre les choses en contexte. Dans la plupart des cas, si vous avez une demande d’ordonnance de non-publication venant de la Couronne ou de l’organisme d’enquête, il y a un grand intérêt, de la part de l’entreprise ou de l’organisation qui a réussi à négocier l’accord de réparation, de la rendre publique, ne serait-ce que pour la faire connaître à ses actionnaires, à ses employés et aux acteurs sur le marché. Il y a, à l’extérieur du groupe qui a négocié l’accord et obtenu l’ordonnance du tribunal, des parties plus nombreuses qui veulent rendre cette information publique.

Ce n’est pas comme si tout le monde était heureux de l’ordonnance de non-publication. Sur le plan pratique, la Couronne ou les organismes d’application de la loi subissent beaucoup de pression pour que l’ordonnance de non-publication soit levée; ce n’est donc pas comme si ce genre de chose pouvait durer indéfiniment. Comme mon collègue l’a dit, la cour maîtrise son propre processus.

Dans les cas que je connais où il y a ordonnance de mise sous scellés, le tribunal insiste beaucoup pour savoir quand elle pourra être levée. Les tribunaux sont très prudents à cet égard, précisément parce que le principe de la publicité de la justice, dont nous avons discuté dans l’autre Chambre, est très solidement ancré dans le droit constitutionnel canadien. La Cour suprême a été très claire quant à la rigueur du critère servant à déterminer, d’abord, si une telle ordonnance peut être obtenue et, ensuite, si elle peut être maintenue.

La sénatrice Lankin : Merci beaucoup.

Le président : Je reviendrai sur ce point après le sénateur Gold.

Le sénateur Gold : J’aimerais revenir sur ce point. Je comprends ce que vous dites au sujet de la juridiction intrinsèque des tribunaux, mais étant fils d’un juge de la cour supérieure, je sais à quel point les tribunaux peuvent être surchargés.

Je m’inquiète un peu du libellé de la modification qui prévoit une « demande de toute personne ». Je suppose qu’il peut s’agir de quelqu’un au sein du ministère, d’une personne nommée dans l’ordonnance du tribunal ou, bien sûr, de l’entreprise concernée. Il y a ces termes impératifs, que j’approuve, obligeant le tribunal à lever l’ordonnance sur présentation de la demande.

Cependant, il peut y avoir un intérêt public à divulguer ce genre d’accords. Après tout, il s’agit bien d’une dérogation à la procédure criminelle normale. La non-publication est donc une exception, comme vous l’avez souligné à juste titre.

Je suis encouragé par votre réponse, monsieur Richstone, qui nous apprend qu’il y a une pression sur les entreprises, bien que ce soit un peu contre-intuitif dans certains cas. Pourriez-vous nous expliquer ce qui s’est passé aux États-Unis et au Royaume-Uni à ce sujet? Comment notre régime se compare-t-il au leur pour ce qui est de limiter l’ordonnance de non-publication et quelle a été leur expérience, le cas échéant, de la publication de ces ordonnances par les tribunaux après une certaine période?

M. Scrivens : Je ne prétends pas être un spécialiste des régimes qui existent dans d’autres pays, mais je peux vous dire qu’aux États-Unis, on a adopté une approche complètement différente. Leurs accords de poursuite suspendue sont convenus entre le procureur et l’entreprise, sans la moindre intervention des tribunaux. On me dit que, de temps à autre, des accords confidentiels ont été conclus. C’est à peu près tout ce que nous savons à ce sujet, parce qu’il n’y a pas le même genre de structure que nous avons maintenant dans notre régime et que leurs tribunaux n’ont pas la même capacité de contrôler l’application des accords de poursuite suspendue.

Par contre, les Britanniques ont un système qui, comme le nôtre, exige l’approbation des tribunaux. Personnellement, je ne suis pas au courant qu’une ordonnance de confidentialité ait été rendue et je ne sais pas quelles limites ont pu être imposées aux ordonnances en Grande-Bretagne. Même dans les régimes où les APS sont bien établis, ils demeurent assez rares.

Le sénateur Gold : Ce que j’en déduis, c’est que vous ne craignez pas que quelque chose passe à travers des mailles du filet? En d’autres termes, pourrait-il arriver que l’accord ne soit pas rendu public pour quelque raison légitime, à cause d’une enquête en cours ou de l’application d’un autre critère, et que ces conditions de non-publication cessent de jouer, mais que l’entreprise ou la partie concernée n’ait aucun intérêt particulier à rappeler son mauvais comportement antérieur? Elle est passée à autre chose, elle s’active sur les marchés financiers, elle cherche à vendre ses produits ou ses services. Rien ne l’incite à faire publier l’accord. De leur côté, les tribunaux sont surchargés, si bien que l’accord pourrait demeurer privé longtemps après la disparition des conditions ayant justifié sa non-publication. Pensez-vous que c’est le tribunal qui va prendre l’initiative?

M. Scrivens : Vos préoccupations, ainsi que toute limite imposée par un tribunal à une telle ordonnance, doivent être prises dans le contexte de l’obligation de ne rendre ces ordonnances que dans les cas où cela est nécessaire pour l’administration de la justice.

Il me semble qu’un juge qui, hypothétiquement, rendrait une ordonnance de très longue durée, disons de 10 ans, ne respecterait pas ce critère. Il m’est difficile d’imaginer un contexte où le critère de nécessité serait respecté dans un tel cas.

J’ajouterais que, lorsqu’il est question d’une « demande de toute personne », cela comprend, entre autres, les membres des médias, qui peuvent présenter une demande de révision d’une ordonnance de non-publication.

M. Richstone : Je ne changerais pas un mot à ce que mon collègue vient de dire. C’est exactement le cas; je suis tout à fait d’accord.

Dans le monde réel, il y a beaucoup de pression sur les procureurs de la Couronne, sur l’organisme d’application de la loi, pour qu’ils agissent rapidement. Comme vous l’avez dit, monsieur le sénateur, il s’agit d’un cas d’exception, si bien qu’ils s’en occupent très sérieusement et s’emploient à faire avancer l’enquête ou à surmonter tout obstacle à la publication très rapidement.

Comme mon collègue l’a dit, il y a toutes sortes de pressions qui s’exercent sur la Couronne et l’organisme enquêteur. Il y a les médias qui s’intéressent beaucoup à ces affaires, et le tribunal lui-même, ayant fixé la durée de la non-publication dans son ordonnance, la réexaminera très souvent. La durée est habituellement très limitée.

Le sénateur Gold : Merci beaucoup.

Le sénateur Pratte : J’allais vous demander si « toute personne » incluait les médias, ce qui est évidemment le cas. Je me demandais si ce n’était pas précisément le but de cette modification, soit exiger que l’interdiction de publier soit rendue publique. L’existence de l’ordonnance de non-publication est elle-même publique.

M. Scrivens : C’est tout à fait exact.

Le sénateur Pratte : Cela permettrait alors aux médias ou à toute autre personne intéressée de savoir que l’ordonnance existe et de présenter éventuellement une demande pour qu’elle soit levée.

M. Scrivens : C’est exact.

Le président : J’aimerais revenir sur les points soulevés dans notre rapport, notamment les observations que nous avons annexées au rapport que nous avons présenté au Sénat le 30 mai 2018.

Je pense que M. Scrivens a bien expliqué que la proposition que nous étudions aujourd’hui découle de l’observation 3 de notre rapport et je ne puis que féliciter le ministère d’y avoir donné suite.

Je me permettrai de faire un petit éloge du comité, puisque la preuve vient d’être faite que les observations que nous formulons sont importantes, parfois aussi importantes que le projet de loi que nous sommes invités à étudier.

Cependant, il y avait d’autres observations dans le rapport, et je veux faire le lien avec la question posée par le sénateur Boisvenu, notamment l’observation 4, qui porte sur la Charte canadienne des droits des victimes. Le paragraphe 715.37(6) du Code criminel, celui que nous avons adopté au printemps dernier, est très clair :

Le tribunal approuve par ordonnance l’accord s’il est convaincu que les conditions suivantes sont réunies :

a) l’organisation fait l’objet d’accusations relativement aux infractions visées par l’accord;

b) l’accord est dans l’intérêt public;

c) les conditions de l’accord sont équitables, raisonnables et proportionnelles à la gravité de l’infraction.

Le tribunal n’est invité nulle part à prendre en considération les victimes de la fraude, et il me semble que, à l’alinéa b), seul l’intérêt public entre en ligne de compte. On aurait dû y ajouter une mention de l’attention particulière à accorder aux victimes.

Lorsqu’il est question d’envisager d’accorder un traitement spécial à une entreprise ou à une société à qui reviendrait ce genre de responsabilité criminelle, il me semble que le tribunal, avant d’accorder ce traitement spécial pour maintenir certains avantages pour la société, pourrait aussi tenir compte de ceux qui pourraient être victimes de cette fraude.

L’intérêt public est très général, mais celui des victimes est beaucoup plus spécifique. Je pense que les recommandations que ce comité a ajoutées et qui font partie de l’observation 4 sont un élément important qui devrait être pris en considération. Même si je suis heureux, en tant que président de ce comité que le ministère se soit penché sur l’observation 3, je pense que l’observation 4 est très importante parce qu’elle porte sur la situation des victimes d’actes criminels qui font l’objet du régime spécial.

Pourquoi le ministère n’a-t-il pas donné suite à l’observation 4?

M. Scrivens : Merci, monsieur le président. Le ministère est d’avis que l’ensemble de la disposition doit être interprétée dans le contexte de la Charte canadienne des droits des victimes, comme c’est le cas pour l’ensemble du Code criminel, et il a beaucoup été tenu compte des victimes et de la Charte canadienne des droits des victimes dans la conception du régime.

Vous constaterez, au paragraphe 715.36, qu’il y a un devoir d’informer les victimes qui exige du poursuivant qu’il prenne les mesures raisonnables pour informer les victimes ou une tierce partie qui agit pour leur compte qu’un accord de réparation pourrait être conclu, et que ce devoir doit être interprété de manière raisonnable dans les circonstances et d’une manière qui n’est pas susceptible de nuire à la bonne administration de la justice.

Le ministère de la Justice Canada est d’avis que cette réserve vise à reconnaître la nécessité de faire preuve d’une certaine souplesse quant au moment et à la façon d’informer les victimes, ainsi qu’à l’identification des victimes à informer, et envisage la possibilité que, dans certains cas, il ne soit pas approprié ou possible d’informer toutes les victimes. Par exemple, dans les affaires de corruption d’entreprises à l’échelle internationale, les victimes peuvent se trouver dans un autre pays, provenir d’horizons extrêmement différents et représenter des millions de personnes. Il n’est peut-être pas toujours possible de communiquer avec elles individuellement, mais il peut être possible de le faire avec d’autres parties agissant pour leur compte, par exemple.

Le régime tient donc largement compte de l’obligation d’informer les victimes dans la mesure du possible, selon le contexte donné. Le ministère de la Justice est d’avis que cela répond au besoin pressant de veiller à ce que les victimes jouent un rôle dans ce processus.

Le président : Je comprends que le projet de loi le mentionne, mais c’est l’article que j’ai lu que le tribunal doit considérer. À mon avis, le tribunal fera un effort honnête pour communiquer avec les victimes, et s’il ne parvient pas à le faire, qu’il en soit ainsi, mais au moins, il doit tenir compte des victimes qui ont subi les conséquences des activités criminelles faisant l’objet de l’accord de réparation. Il me semble qu’il y a un élément important qui se situe davantage à l’étape de la préparation du procès ou de l’audience qu’au niveau de l’obligation même du tribunal d’y porter attention.

Il y a une nuance entre les deux, à mon avis, qui mérite réflexion.

M. Scrivens : Je suis d’accord, sénateur. Il y a d’autres dispositions qui, pour être clair, prévoient que le tribunal tienne compte des répercussions sur les victimes. Au paragraphe 715.37(3), plusieurs dispositions obligent le tribunal à prendre en considération toute mesure de réparation ou autre mesure relative aux victimes. Il est fait référence à l’alinéa 715.34(1)g), dont vous devez aussi prendre connaissance.

Il s’agit aussi de tous les motifs donnés par le poursuivant en vertu du paragraphe 717.36(3), qui concerne les victimes, de toute déclaration de la victime ou au nom d’une collectivité déposée auprès du tribunal et de toute sur amende compensatoire visée au sous-alinéa 715.34(1)b).

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Merci de faire ce lien avec les droits des victimes. Monsieur Scrivens, je m’excuse d’avoir sauté à pieds joints un peu plus tôt à propos de la consultation des victimes.

En 2018, l’équilibre entre l’intérêt public, l’intérêt du présumé criminel et l’intérêt de la victime est quelque chose qui est reconnu. Lorsqu’on écrit dans un projet de loi : « prend les mesures raisonnables pour informer les victimes », c’est aléatoire. Le projet de loi devrait plutôt dire ceci : « doit informer les victimes ». C’est un droit qui est reconnu dans la Charte. Prendre les mesures raisonnables, c’est une façon aléatoire d’informer les victimes. C’est là que le texte ne respecte pas du tout l’esprit de la Charte, même si l’on trouve dans la loi toute une gymnastique légale qui peut permettre à un juge ou un avocat de la Couronne de faire des tentatives de réparation.

Ne croyez-vous pas que ce projet de loi s’adresse à des victimes de fraude, qui sont souvent oubliées par le système judiciaire? Pensons aux victimes de Vincent Lacroix, entre autres. Il s’agit de gens vulnérables qui sont victimes de fraude et qui n’ont pas les moyens de faire reconnaître leurs droits, alors que, souvent, le présumé criminel, qui est une entreprise, a tous les moyens de le faire. On vient insérer dans la loi des termes qui atténuent les droits des victimes. Ne croyez-vous pas que ce projet de loi devrait être plus ferme pour ce qui est de la reconnaissance des droits des victimes, tout comme on est ferme par rapport à la présomption d’innocence? La victime a le fardeau de faire reconnaître ses droits, mais c’est l’État qui a le fardeau de faire reconnaître la culpabilité du présumé criminel. On est constamment dans un système d’inversion pour faire la preuve. Croyez-vous que ce projet de loi a des faiblesses évidentes par rapport aux droits des victimes?

[Traduction]

M. Scrivens : Sénateur, je signale qu’il y a des dispositions qui prévoient, comme dans le cas des poursuites plus traditionnelles, que les victimes déposent une déclaration de la victime dont le tribunal doit tenir compte.

J’ai déjà mentionné l’obligation du poursuivant de faire des efforts pour informer les victimes de la possibilité qu’un accord de réparation soit conclu. Il y a d’autres dispositions — je ne les énumérerai pas toutes — qui portent sur l’obligation de tenir compte de choses comme les efforts déployés pour offrir réparation aux victimes et la question de savoir s’ils sont satisfaisants ou non pour le tribunal. Il y a donc plusieurs dispositions qui traitent de la prise en compte des victimes.

J’aimerais que le comité tienne compte d’une chose, c’est-à-dire que le contexte dans ce cas-ci est quelque peu unique, en ce sens qu’il s’agit d’un accord qui doit être conclu par suite de négociations entre un poursuivant et une société, souvent dans un contexte où ces négociations pourraient se révéler délicates pour cette dernière.

L’un des objectifs du régime est d’encourager les sociétés à conclure de tels accords, à entamer de telles négociations avec les poursuivants, et nous voulions donc nous assurer que la poursuite et les autorités disposent d’une certaine souplesse relativement à la consultation des victimes, de façon à ce qu’elles aient le pouvoir discrétionnaire de déterminer comment et quand il serait approprié de le faire, compte tenu des négociations parfois délicates nécessaires pour conclure un accord de réparation.

Il s’agissait d’un effort visant à établir un équilibre dans un nouveau type de régime, qui est différent du mécanisme d’enquête normal qui est plus répandu dans le contexte pénal.

Dans ce milieu, dans ce contexte, lorsqu’il y a négociations entre les poursuivants et une société, la participation des victimes doit parfois être gérée avec soin, afin de ne pas perturber les négociations ou d’empêcher inutilement que l’on aboutisse à la meilleure issue possible pour toutes les parties.

Le président : Je pourrais nuancer votre explication, mais je préférerais qu’on en reste là.

[Français]

La sénatrice Dupuis : J’aimerais poursuivre à partir des explications que vous avez données. Le ministère de la Justice Canada s’est assuré que les droits des victimes sont inclus dans le projet de loi dans différents articles, comme dans l’article 715. Ce devoir d’informer les victimes ferait-il partie des considérations ou des facteurs dont la cour devrait tenir compte quand on dit, au paragraphe 715.42(2) : « Le tribunal peut décider de ne pas publier [...] s’il est convaincu que la bonne administration de la justice l’exige »?

En d’autres mots, on n’est pas obligé de le préciser, y compris en ce qui a trait aux droits des victimes, parce que cela devient un facteur dont la cour devra tenir compte lorsqu’elle évaluera si la bonne administration de la justice l’exige. Par exemple, s’il y a lieu de croire qu’on a essayé de joindre les victimes, sans succès, est-ce que la cour doit tenir compte de ce facteur dans sa décision de publier ou non, si elle est convaincue de la bonne administration de la justice?

J’ai une question complémentaire au sujet de l’intérêt public. Dans le projet de loi, il y a suffisamment de garanties pour assurer le respect des droits des victimes et faire en sorte que, si la cour doit considérer soit la bonne administration de la justice, soit l’intérêt public, que cela fasse partie de l’intégrité même du projet de loi. Donc, la cour doit en tenir compte?

[Traduction]

M. Scrivens : Merci, sénatrice. Je répondrai de cette façon. Tout d’abord, la charte des victimes s’applique à tous les égards et à toutes les dispositions du Code criminel en tout temps; c’est donc un contexte important.

Plus précisément, lorsque le tribunal doit prendre en considération l’intérêt public, dans toutes les affaires pénales, il est nécessaire qu’il tienne toujours compte des victimes. D’après mon expérience des tribunaux, en tant qu’ancien procureur, même lorsque l’intérêt public n’est pas explicitement exprimé dans une disposition ou une loi, il constitue toujours une priorité pour nos tribunaux et pour nos juges.

Pour ce qui est de cette disposition particulière, il serait évidemment difficile pour nous d’inclure des considérations précises à chaque étape de chaque projet de loi.

Cependant, je crois que ce que vous demandez, c’est si, en examinant la possibilité d’appliquer les dispositions relatives aux ordonnances de non-publication à un accord de réparation, un tribunal tiendrait compte des répercussions sur les victimes. Je peux dire sans l’ombre d’un doute qu’il le ferait, mais la question de savoir si oui ou non cela aurait une incidence très directe sur l’examen de la nécessité pour l’administration de la justice d’émettre une ordonnance de non-publication dépend dans une large mesure du contexte.

Je veux répéter ce que mon collègue a dit. Les tribunaux ont un préjugé très favorable envers le principe de la transparence. Dans ces cas, la position par défaut sera de publier les accords de réparation dans l’intérêt public et dans celui des victimes, au bénéfice de tous.

Le sénateur Pratte : J’aimerais mieux comprendre l’interaction avec le paragraphe 715.37(3), que vous avez déjà mentionné, selon lequel le tribunal qui entend une demande d’approbation d’un accord devra tenir compte, par exemple, de la déclaration de la victime ou de la déclaration au nom d’une collectivité, et ainsi de suite. Les tribunaux doivent tenir compte de ces facteurs. C’est ce que dit ce paragraphe.

Puis, par la suite, lorsque le tribunal doit trancher, il est fait mention de l’intérêt public, à savoir si l’infraction fait partie de celles visées par cette partie du Code criminel, mais pas des victimes.

J’essaie de comprendre pourquoi il est exigé du tribunal, dans le premier paragraphe, qu’il tienne compte des déclarations des victimes, et cetera, mais pourquoi les victimes ne sont pas mentionnées lorsqu’une décision est rendue.

Devrions-nous fusionner les deux et conclure qu’il faut tenir compte des droits, des besoins et ainsi de suite des victimes?

Le président : Monsieur Scrivens, c’est exactement la même question que celle que je vous ai posée, formulée dans un contexte différent. Il est important que nous comprenions très bien votre raisonnement à cet égard, car cela fait partie de l’observation que nous avons ajoutée lorsque nous avons étudié le projet de loi C-74 au printemps dernier.

M. Scrivens : D’un point de vue très technique, d’après mon interprétation des dispositions relatives aux victimes, le tribunal doit tenir compte des aspects énumérés — que je ne mentionnerai pas tous. Vous avez fait mention des articles appropriés, qui comprennent les observations ou les renseignements disponibles pour les déclarations des victimes, les déclarations au nom d’une collectivité, et ainsi de suite, qui ont trait aux victimes et aux accords de réparation. La disposition prévoit que les tribunaux en tiennent compte. C’est ce que dit la disposition.

L’approbation exige que le tribunal soit convaincu que les éléments que vous avez mentionnés sont en place.

Voilà la nuance. Il faut tenir compte des répercussions sur les victimes et il faut que le tribunal soit convaincu, entre autres choses, qu’il est dans l’intérêt public, en général, d’approuver l’accord de réparation.

À mon avis, dans le contexte du Code criminel, l’intérêt public englobe toujours les répercussions sur les victimes.

Le sénateur Pratte : Je suis désolé de ne pas être au courant de cela, mais je suis sûr qu’il existe une jurisprudence qui établit clairement que l’intérêt public comprend les intérêts des victimes.

M. Scrivens : Sénateur, je suis désolé, mais je ne peux pas penser à un cas en particulier. Étant donné le nombre d’affaires pénales qui portent sur ces questions, je serais surpris qu’il n’y en ait pas, mais je ne peux pas vous le confirmer.

Le président : Il existe une jurisprudence à cet égard. Cela ne fait aucun doute. Je peux comprendre que vous ne l’ayez pas sous la main, mais il est certain qu’il existe une jurisprudence en ce qui a trait à l’intérêt public. Je me souviens d’avoir lu des décisions où le juge faisait des commentaires sur la façon dont était mesuré l’impact de la décision sur l’intérêt public et la bonne administration de la justice, qui sont complémentaires.

Le sénateur Dalphond : La question concerne les victimes...

Le président : Absolument. C’est la même chose...

Le sénateur Dalphond : C’est un détail très intéressant, mais je ne pense pas qu’il y ait des cas à ce sujet.

Le président : Pas au sujet des deux, mais sur la définition...

Le sénateur Dalphond : De l’intérêt public, oui.

M. Richstone : J’aimerais ajouter quelque chose à ce que mon collègue a dit. Si vous regardez le paragraphe 715.37(3), dans lequel il est question de la « prise en compte des victimes », il contient tous ces alinéas, sénateur — qui font état de tous les facteurs liés à cette prise en compte. Remarquez le libellé de l’article. En anglais, on dit « must consider » et en français, « est tenu de prendre en considération ».

[Français]

Ce n’est pas quelque chose qu’on peut oublier ou reléguer aux oubliettes; c’est une obligation. S’il y a une déclaration de la victime, tout cela est pris en considération; s’il n’y en a pas, c’est parce que le poursuivant est allé devant le tribunal et a expliqué les motifs figurant au paragraphe 3 de l’article précédent. Donc, les deux doivent être pris en considération par le tribunal. Finalement, lorsque le tribunal fait son ordonnance, c’est après avoir réfléchi et pondéré les facteurs mentionnés dans le paragraphe 3. Les deux paragraphes de cet article doivent être lus ensemble.

[Traduction]

Le sénateur Pratte : Si vous trouvez dans la jurisprudence une indication que l’expression « intérêt public » inclut ou est considérée par les tribunaux comme incluant les intérêts de la victime, cela pourrait être utile. Vous en ferez part à notre greffier. Merci.

Le sénateur Gold : Une réflexion m’est venue à l’esprit en lisant la loi actuelle. Nous avons parlé des critères d’approbation d’un accord et de la question de savoir si l’administration de la justice comprend une référence aux victimes, mais je crois qu’il vaut la peine de noter — et j’aimerais que vous nous disiez si cela nous aide dans notre analyse — que lorsqu’il s’agit de décider d’émettre ou non une ordonnance de non-publication — et je fais référence au paragraphe (3) — le tribunal doit tenir compte de l’intérêt de la société à encourager le signalement des infractions et la participation des victimes. Cela semble boucler la boucle — je cherche la métaphore appropriée — à savoir que les victimes apparaissent à diverses étapes du processus, y compris en ce qui a trait à la non-publication.

Il est difficile de ne pas conclure qu’elles font partie intégrante de l’ADN de ce régime. Êtes-vous d’accord?

M. Scrivens : Je suis d’accord, et je remercie le sénateur d’avoir souligné cet aspect de la disposition.

Il est certain que le projet de loi a été conçu pour une large part en fonction des victimes. L’un des objectifs de la disposition sur l’objet concerne la nécessité d’encourager la réparation des torts causés aux victimes de ces types d’infractions. Dès le départ, on voulait que le projet de loi soit à l’avantage des victimes.

Le sénateur McIntyre : J’ai une brève question. Le projet de loi C-86 porte sur la Loi no 2 d’exécution du budget de 2018 dans laquelle il est question du régime d’accords de réparation. Ce régime s’applique-t-il aux infractions commises avant l’entrée en vigueur de la Loi no 1 d’exécution du budget, comme la corruption d’agents publics étrangers de 2001 à 2014?

M. Scrivens : Oui, il s’applique.

Le sénateur McIntyre : Merci.

Le président : Puis-je vous demander, monsieur Scrivens, pourquoi le ministère n’a pas tenu compte de l’observation 2 de notre rapport de mai dernier? Vous l’avez sous la main, j’en suis sûr.

Je rappelle aux honorables sénateurs que le comité a considéré que les paragraphes 715.33 et 715.34 proposés n’étaient « [...] pas assez clairs pour garantir que les renseignements pertinents figurant dans l’accord, ou découlant de celui-ci, puissent être admis en preuve au besoin dans le cadre de procédures civiles, pénales, administratives ou d’autres actions en justice. »

Pourquoi le ministère n’a-t-il pas pris en considération l’observation 3 en même temps que vous?

M. Scrivens : Merci, monsieur le président. Le ministère a examiné attentivement toutes les observations du comité et, après examen, il a estimé que les paragraphes 715.33 et 715.34 sont clairs quant à ce qui peut être admis en preuve dans le cadre d’une procédure civile ou pénale.

Par suite de la négociation ou de l’accord, les aveux ou les déclarations par lesquels l’organisation se reconnaît responsable d’un acte ou d’une omission déterminés ne sont pas, lorsqu’elle les fait dans le cadre des négociations d’un accord de réparation, ou à la suite d’un tel accord, admissibles en preuve dans les actions civiles ou les poursuites pénales dirigées contre elle, sauf lorsqu’ils sont contenus dans une déclaration des faits ou une déclaration de l’organisation portant qu’elle se reconnaît responsable qui fait partie de l’accord de réparation, à condition que ce dernier ait été approuvé par le tribunal.

Autrement dit, à moins que la société et le poursuivant conviennent qu’un élément est admissible, cet élément n’est pas admissible dans le cas d’un accord de réparation approuvé par le tribunal.

Le régime proposé reconnaît l’importance de permettre la divulgation franche dans le cadre du processus de négociation et de se protéger contre l’auto-incrimination. En même temps, il reconnaît l’importance que l’accord de réparation comprenne une déclaration des faits et une admission de responsabilité. Par exemple, il se peut que le poursuivant et l’organisation entament des négociations en vue d’un accord de réparation, mais qu’un tel accord ne puisse pas être conclu et entrer en vigueur.

Il convient de souligner que rien dans le régime proposé n’empêcherait une victime de recourir à une procédure civile, si elle choisissait de le faire, même si le tribunal compétent pourrait tenir compte des mesures prises pour réparer le tort causé à la victime aux termes de l’accord de réparation.

Le président : Je vous remercie d’en faire mention. C’est important. Comme vous le savez, il s’agit d’un nouveau régime en évolution, et le ministère et, certainement, le Service des poursuites pénales seront en mesure de surveiller la façon dont cela est interprété par les divers tribunaux qui pourraient intervenir dans un accord de réparation, de même que l’incidence de cet accord sur les poursuites civiles. Je pense que c’est un élément important dont il faut tenir compte. Merci de cette réponse.

Honorables sénateurs, je vois que notre temps est écoulé. Je pense que nous avons tous eu l’occasion de poser des questions aux témoins. Merci beaucoup.

Vous savez bien sûr que nous n’avons pas à voter sur ces articles parce qu’on nous a demandé de les examiner et de faire rapport de notre étude à la Chambre. C’est ce que je propose de faire, avec une motion à l’étude qui donnerait au président le mandat de faire rapport du fait que nous avons examiné la section 20, partie 4 du projet de loi C-86.

Toutefois, honorables sénateurs, je propose que nous ajoutions l’observation 4, que nous avons annexée au rapport que nous avons présenté en mai. Je vais la relire pour que vous puissiez en prendre connaissance.

Le comité est conscient que la Charte canadienne des droits des victimes garantit les droits des victimes, notamment le droit à l’information en ce qui concerne les enquêtes et les procédures, et exprime ses préoccupations concernant [...]

Selon le témoignage du commissaire à la magistrature fédérale Canada.

[...] l’article 715.36 proposé au Code criminel devrait être interprété de manière à respecter ces droits.

Cela ne vient pas en contradiction avec ce que vous avez dit, ni avec l’interprétation des divers articles dans leur ensemble, mais je pense que la préoccupation que nous avons exprimée à l’égard de cette façon de procéder rend bien compte de notre état d’esprit.

C’est la suggestion que je fais. Nous ne proposons pas de changement, mais nous exprimons notre souhait que l’interprétation des divers articles de la loi reflète le droit de la victime d’être informée et de participer aux procédures. Je pense que cela permet de rendre compte à juste titre des préoccupations qui ont été exprimées ici.

Si les honorables sénateurs sont d’accord avec cela...

[Français]

La sénatrice Dupuis : Je suis d’accord que l’on reprenne le contenu de l’observation du 4 mai et des discussions que nous avons eues aujourd’hui, et que l’on maintienne notre préoccupation par rapport au fait que l’interprétation générale des articles tienne compte des...

Le président : Merci de l’exprimer encore plus simplement que je n’aurais pu le faire.

[Traduction]

Les honorables sénateurs sont-ils d’accord avec cette proposition?

Des voix : D’accord.

Le président : Merci. Comme d’habitude, je communiquerai le texte du rapport au comité directeur et aux deux vice-présidents pour m’assurer que tout le monde est d’accord sur le libellé, mais ce dernier reflétera certainement notre entente de ce matin.

Merci beaucoup, monsieur Scrivens et monsieur Richstone. Nous vous verrons peut-être plus tard, une fois que ce régime aura subi l’épreuve des tribunaux. Cela se produira certainement, comme on l’a soulevé ce matin, et il s’agit d’un sujet très important de préoccupation pour tous les sénateurs ici présents. Merci beaucoup.

[Français]

Nous avons le plaisir de recevoir ce matin, du Bureau du Conseil privé, M. Jean-François Morin, conseiller principal en politiques, Secrétariat des institutions démocratiques, ainsi que Mme Manon Paquet, conseillère principale en politiques, Secrétariat des institutions démocratiques. Ils accompagnaient hier la ministre Gould.

Nous poursuivons donc ce matin notre étude, avec la participation de ces deux experts de la Loi électorale

Monsieur Morin, madame Paquet, avez-vous une déclaration d’ouverture?

[Traduction]

C’est avec plaisir que je donne la parole à la sénatrice Frum, qui ouvrira la période des questions avec nos témoins de ce matin.

La sénatrice Frum : Merci à vous deux d’être ici. Pour commencer, en ce qui concerne le projet de loi lui-même, pouvez-vous nous dire qui le ministère a consulté au moment de sa rédaction? Avez-vous consulté les autres partis politiques?

Jean-François Morin, conseiller principal en politiques, Secrétariat des institutions démocratiques, Bureau du Conseil privé : Les consultations ont été menées par le bureau de la ministre et par la ministre elle-même.

La sénatrice Frum : Pouvez-vous confirmer qu’elle a consulté les autres partis politiques sur le contenu du projet de loi?

M. Morin : Je ne peux pas parler au nom de la ministre de ce qui s’est passé dans son bureau.

La sénatrice Frum : Vous ne pouvez donc pas nous dire si le directeur général des élections a été consulté?

M. Morin : Bien sûr, comme vous le savez, sénatrice Frum, une grande partie de ce projet de loi repose sur les recommandations du directeur général des élections et du commissaire aux élections fédérales. Comme vous le savez aussi, le Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre a étudié les rapports de recommandations pendant près d’un an et a produit trois rapports provisoires à ce sujet. Le point de vue du directeur général des élections a été pris en considération dans une large mesure dans le cadre de l’étude de ce projet de loi.

De plus, comme M. Perrault lui-même l’a dit à l’autre comité, nous avons consulté les responsables d’Élections Canada au sujet des aspects techniques du projet de loi pour nous assurer qu’ils pourraient être mis en œuvre, mais, bien sûr, nous ne les avons pas consultés au sujet des questions de politique. C’est pourquoi le directeur général des élections et le commissaire aux élections fédérales ont formulé des recommandations supplémentaires lorsqu’ils ont témoigné devant l’autre comité et le comité plénier.

La sénatrice Frum : Il ne semble pas y avoir eu de vastes consultations sur l’aspect des politiques.

Lorsque la ministre a pris la décision de modifier les règles régissant le vote des Canadiens expatriés qui sont à l’étranger depuis plus de cinq ans, avez-vous fait une analyse, en premier lieu, du nombre de personnes qui seraient touchées? Savez-vous combien de Canadiens expatriés auront maintenant le droit de voter?

M. Morin : Comme vous le savez, dans les documents d’information qui accompagnaient le projet de loi lorsqu’il a été présenté, le gouvernement a estimé que ces dispositions permettraient à environ un million de Canadiens de voter en vertu de la section 3 de la partie 11 de la Loi électorale du Canada.

Par contre, Statistique Canada a produit une étude il y a quelques années sur les Canadiens vivant à l’étranger en général. Excusez-moi, mais je n’ai que la version française de cette étude devant moi. Essentiellement, Statistique Canada a dit qu’il était très difficile d’évaluer le nombre de Canadiens résidant à l’étranger parce que le Canada, contrairement à d’autres pays, n’a pas de registre des gens qui quittent le pays. En outre, d’autres pays ont peut-être des statistiques sur les ressortissants étrangers qui entrent chez eux, mais les méthodes qu’ils utilisent peuvent varier. À l’époque, Statistique Canada estimait que jusqu’à 2,7 millions de Canadiens pouvaient vivre à l’étranger, mais, bien sûr, cela ne tient pas compte de ceux qui ont résidé au Canada par le passé.

La sénatrice Frum : Votre ministère a-t-il analysé les circonscriptions qui pourraient être les plus touchées par ces changements à la loi?

M. Morin : Je n’ai pas cette information.

La sénatrice Frum : Avez-vous fait une analyse de l’impact potentiel sur les résultats des élections?

M. Morin : Je n’ai pas cette information.

La sénatrice Frum : D’accord.

M. Morin : Je suis désolé, monsieur le président, mais je veux simplement expliquer à tous les sénateurs que nous sommes prêts à répondre à toutes les questions concernant les aspects techniques du projet de loi et la façon dont il serait mis en œuvre, mais les questions qui concernent les décisions stratégiques qui appuient les décisions du gouvernement devraient être adressées à la ministre.

La sénatrice Frum : D’un point de vue technique, pouvez-vous nous dire comment on vérifiera qu’un expatrié a effectivement vécu au Canada par le passé?

M. Morin : Encore une fois, comme le directeur général des élections l’a clairement dit devant le comité plénier, il s’agit d’une déclaration. Lorsqu’un Canadien vivant à l’étranger veut s’inscrire au Registre international des électeurs, il doit envoyer une demande d’inscription à Élections Canada avec une preuve d’identité suffisante. Le directeur général des élections a mentionné qu’une preuve de citoyenneté est demandée dans tous les cas, et qu’il peut s’agir d’un passeport ou d’un certificat de naissance indiquant que la personne est née au Canada.

En ce qui concerne l’adresse, la Loi électorale du Canada, et surtout le projet de loi C-76 dans l’amendement — je suis à la page 7 du projet de loi, à la ligne 8 environ — disent que :

Le lieu de résidence habituelle de la personne qui réside à l’étranger est son dernier lieu de résidence habituelle au Canada.

Une fois qu’une personne s’inscrit au Registre international des électeurs, elle doit indiquer son dernier lieu de résidence au Canada, et une fois qu’elle est inscrite, elle ne peut plus modifier cette adresse, sauf si elle recommence à résider au Canada, puis repart. Il s’agit donc d’une déclaration.

La sénatrice Frum : Autrement dit, aucune preuve n’est exigée concernant le dernier lieu de résidence. Je comprends que ces personnes doivent prouver leur citoyenneté. Pour ce qui est de la déclaration concernant l’endroit où elles vivaient auparavant au Canada, il s’agit d’une déclaration volontaire de la part de l’électeur qui n’est pas mise en doute?

M. Morin : Absolument. Cela dit, il y a bien sûr des contre-vérifications, et le Registre national des électeurs est le registre à partir duquel la liste électorale est créée. Le Registre national des électeurs reçoit de l’information provenant de diverses bases de données fédérales et provinciales avec lesquelles le directeur général des élections a des ententes d’échange de renseignements. Bien sûr, si la personne est déjà inscrite au Registre national des électeurs et qu’elle fournit une adresse différente, cela tirera certainement une sonnette d’alarme.

La nouvelle partie 11.1 de la loi qui est promulguée par le projet de loi C-76 prévoit plusieurs interdictions, par exemple, concernant l’inscription dans une circonscription électorale qui n’est pas celle de la dernière résidence ou de la résidence habituelle de la personne.

La sénatrice Frum : Il est interdit de faire une fausse déclaration, mais comment saura-t-on que cela s’est produit chez Élections Canada?

M. Morin : Comme je l’ai dit, il pourrait y avoir des signaux d’alarme.

La sénatrice Frum : Si une personne essaie de faire un changement, qu’elle fait partie des personnes qui ont obtenu récemment le droit de voter — nous parlons de millions de personnes qui auront maintenant ce droit et qui ne l’avaient pas aux dernières élections — et qu’elle déclare volontairement son ancien lieu de résidence au Canada, voilà. N’est-ce pas?

M. Morin : Absolument. Nous ne le cachons pas. Le directeur général des élections et le commissaire aux élections fédérales ont dit exactement la même chose devant le comité plénier du Sénat.

Oui, nous faisons confiance aux Canadiens pour qu’ils se conforment à la loi et aux interdictions prévues dans la loi et qu’ils soient honnêtes dans leurs déclarations. Si le commissaire reçoit une plainte et fait enquête, et si quelqu’un fait une fausse déclaration, oui, il peut intenter des poursuites.

La sénatrice Frum : Dernière question. Quelles sont les règles concernant la sollicitation des électeurs résidant à l’extérieur du Canada par des tiers?

M. Morin : Que voulez-vous dire exactement?

La sénatrice Frum : Eh bien, les tiers sont limités dans leurs dépenses lorsqu’ils sollicitent des Canadiens. Toutefois, lorsqu’une tierce partie sollicite des Canadiens expatriés, quelles sont les règles à cet égard?

M. Morin : Eh bien, il faudrait que ce soit un tiers canadien. Par exemple, deux dispositions du projet de loi interdisent à des tiers étrangers de faire des dépenses pendant la période préélectorale et la période électorale. C’est donc dire que le tiers en question ne devrait pas être considéré comme un tiers étranger et qu’il devrait ensuite déclarer ses dépenses et ses activités partisanes en vue d’influencer ces Canadiens, par exemple.

La sénatrice Frum : Oui, mais le montant dépensé par circonscription représente l’une des façons de mesurer leurs dépenses. Il y a un plafond à ce qu’ils peuvent dépenser par circonscription.

M. Morin : Oui, mais il y a aussi un plafond quant au montant total qu’ils peuvent dépenser.

La sénatrice Frum : D’accord. Donc, lorsqu’ils sollicitent deux millions de personnes à l’extérieur du pays, quel est le plafond?

M. Morin : J’aurais besoin d’un exemple très précis pour vous donner une bonne réponse. Cela dépend vraiment des faits. Cela dit, si la sollicitation est de nature générale et ne vise pas une circonscription électorale en particulier, elle serait probablement assujettie au plafond national.

La sénatrice Frum : Que se passerait-il si une circonscription électorale en particulier était ciblée, mais auprès des gens vivant à l’étranger?

M. Morin : Le plafond fixé pour cette circonscription s’appliquerait probablement.

La sénatrice Frum : Lorsque le commissaire viendra, je lui demanderai comment il va mesurer cela. J’imagine qu’il est très difficile pour Élections Canada, pour le commissaire, d’exercer une surveillance.

M. Morin : C’est votre opinion, et je vous recommande fortement de poser la question au commissaire.

La sénatrice Frum : D’accord.

[Français]

La sénatrice Dupuis : Je voudrais m’assurer que je comprends bien l’article 222 du projet de loi, qui définit notamment ce qu’est une publicité électorale, une activité partisane, un sondage électoral et les tiers.

L’article 222 propose de modifier l’article 349 de la loi pour inclure une définition de l’activité partisane, notamment le porte-à-porte, les appels téléphoniques et ainsi de suite.

Un peu plus loin, je peux lire ceci :

La présente définition exclut la publicité électorale, la publicité partisane et toute activité de financement.

Par la suite, on définit ce que sont les dépenses d’activité partisane.

Cette définition de l’activité partisane inclut-elle toute espèce d’activité, sauf la publicité et les sondages?

M. Morin : Merci, sénatrice Dupuis.

Si vous me le permettez, j’aimerais vous donner une explication un peu plus large des différents concepts d’activités réglementées pendant la période préélectorale et électorale, parce qu’il y a une logique plus grande derrière tout cela.

La sénatrice Dupuis : D’accord.

M. Morin : Si vous allez, par exemple, à la page 4 du projet de loi, à la ligne 22 en français, vous allez trouver une définition de la publicité électorale; tout en haut de la page 5, vous allez trouver une définition de la publicité partisane. La raison pour laquelle ces définitions se retrouvent à l’article 2 est parce qu’elles s’appliquent non seulement aux tiers pendant les deux périodes réglementées, mais également aux partis politiques pour certaines de leurs publicités, notamment la définition de publicité partisane qui s’applique pendant la période préélectorale aux partis politiques. Gardons en tête que ces deux définitions s’appliquent à l’ensemble de la loi.

Lorsqu’on arrive à la page 116 du projet de loi, à la ligne 25 en français, on définit ce qu’est une activité partisane et, un petit peu plus loin, on définit ce qu’est un sondage électoral. Ces deux définitions ne s’appliquent que dans le contexte des tiers, parce que, lorsqu’on pense aux partis politiques ou aux candidats, les activités qui sont incluses dans ces deux définitions à l’égard des tiers seraient, de toute façon, incluses dans la définition de dépenses électorales qui s’applique aux candidats et aux partis politiques.

Donc, pour en revenir à votre question plus précisément, je reviens à la définition. Il s’agit vraiment de toute activité, et je cite :

[...] qui est tenue par un tiers — [...] — et qui favorise ou contrecarre un parti enregistré ou un parti admissible ou l’élection d’un candidat potentiel, [...] autrement que par la prise d’une position sur une question à laquelle le parti ou la personne en cause est associé.

C’est donc une définition qui ratisse très large, mais, effectivement, les concepts de publicité partisane et de publicité électorale sont définis ailleurs dans la loi.

Est-ce que je réponds bien à votre question?

La sénatrice Dupuis : Tellement que j’aimerais vous poser une question complémentaire.

On vous fait confiance, mais pouvez-vous nous expliquer comment on pourra départager une activité partisane qui favorise vraiment ou contrecarre un parti dans sa prise de position sur une question à laquelle le parti ou la personne en cause est associé?

M. Morin : Parfait.

L’expression « autrement que par la prise d’une position sur une question à laquelle le parti ou la personne en cause est associée », ou incluant cela, se retrouve à deux endroits dans la loi, notamment dans la définition de publicité partisane et de publicité électorale.

Cette expression vise la publicité sur des enjeux de nature publique. En anglais, on appelle cela « issue advertising ». Pendant la période préélectorale, du 30 juin jusqu’à l’émission des brefs de l’élection générale, dans les cas où la publicité ou l’activité ne nomme pas un parti ou un candidat ou ne montre pas le logo du candidat ou du parti, toutes ces activités restent non réglementées. Ce sont seulement les activités et la publicité partisanes qui visent spécifiquement un parti ou un candidat ou qui visent spécifiquement à contrecarrer un parti ou un candidat qui deviennent réglementées pendant la période préélectorale.

À partir du moment où on est en période électorale elle-même, on adopte plutôt la définition de publicité électorale qui, elle, inclut le « issue advertising » lorsque ces enjeux sont, de fait, associés publiquement à un parti ou à un candidat.

La sénatrice Dupuis : Comme l’environnement et le Parti Vert du Canada, par exemple?

M. Morin : Par exemple; tous les sujets d’intérêt national sur lesquels les partis prennent position tomberaient sous la définition de publicité électorale pendant la période électorale elle-même.

Le président : Mais pas pendant la période préélectorale?

M. Morin : Non, pas pendant la période préélectorale, à condition que l’on ne nomme pas le parti ou le candidat. Il y a d’ailleurs une précision apportée à ce sujet à la page 6 du projet de loi, à la ligne 14 en français. On dit ce qui suit, et je cite :

(7) Pour l’application des définitions de publicité électorale et publicité partisane :

a) favoriser ou contrecarrer un parti enregistré ou un parti admissible vise notamment les actes suivants :

La sénatrice Dupuis : Merci. Je vais attendre le deuxième tour.

Le sénateur Boisvenu : Monsieur Morin, madame Paquet, bienvenue. J’ai trois petites questions. La première s’adresse à M. Morin. Vous étiez ici hier et j’ai interpellé la ministre sur l’affaire Frank & Duong. Avez-vous lu le mémoire que le gouvernement a déposé dans cette affaire devant la Cour suprême?

M. Morin : Pas récemment. J’occupais mon poste actuel lorsque cette cause a démarré en 2012, mais j’étais dans les Forces armées canadiennes lorsque la cause a été plaidée devant la Cour suprême, alors je n’ai pas pris connaissance du mémoire récemment.

Le sénateur Boisvenu : Si je vous disais que le mémoire déposé par le gouvernement fédéral s’oppose au principe de rendre le vote légal pour les Canadiens expatriés depuis cinq ans?

M. Morin : Oui. C’est bien important de…

Le sénateur Boisvenu : Ma question est la suivante : comment, d’un côté, devant la Cour suprême, le gouvernement peut-il s’opposer à un principe qu’il défend dans un projet de loi qu’il dépose aujourd’hui?

M. Morin : Je comprends tout à fait que cela semble contradictoire, mais je vous assure que ça ne l’est pas.

Le sénateur Boisvenu : Je comprends qu’un avocat va trouver un argument pour démontrer le contraire.

M. Morin : D’une part, le procureur général du Canada a la responsabilité constitutionnelle de défendre la constitutionnalité des lois au Canada. Dans son mémoire et dans le cadre de ses plaidoiries devant la Cour suprême et devant les tribunaux inférieurs dans l’arrêt Frank & Duong, le procureur général du Canada cherche à obtenir de la cour qu’elle se prononce sur le caractère raisonnable des limites qui sont imposées au vote des Canadiens qui vivent à l’étranger dans le cadre de la loi actuelle.

C’est une question juridique très intéressante. Je ne vais évidemment pas commenter la cause elle-même; je fais seulement des commentaires généraux sur la question juridique. C’est une question juridique intéressante qui pourra éventuellement aider ce gouvernement ou un prochain gouvernement qui souhaiterait modifier les critères qui ont trait aux électeurs vivant à l’étranger en donnant des balises au gouvernement sur la question de savoir si les limites imposées au droit de vote des Canadiens à l’étranger sont justifiables dans le cadre de l’article 1 ou justifiables dans le cadre d’une société libre et démocratique.

D’autre part, j’en viens à la deuxième partie de votre question. Vous demandez pourquoi le gouvernement défend, dans son projet de loi, une plus grande ouverture par rapport au vote des Canadiens vivant à l’étranger. Comme je l’expliquais hier lorsque vous avez posé votre question, le gouvernement est, évidemment, libre de proposer aux Canadiens des règles moins restrictives en matière de droit de vote que ce qui existe présentement dans la Loi électorale du Canada.

La question qui est devant la Cour suprême du Canada, c’est de savoir si les règles actuelles sont raisonnables ou pas et, d’autre part, la position du gouvernement dans son projet de loi, c’est de dire qu’il le croit.

Le sénateur Boisvenu : La Cour suprême devrait rendre sa décision dans plusieurs mois, mais si, par exemple, le projet de loi était adopté cette semaine et qu’il rendait cela légal, comment le procureur du Canada pourrait-il maintenir sa position et être contre, si on a adopté une loi qui suppose qu’on est en faveur de cela?

M. Morin : Il s’agit de deux choses différentes. D’une part, il y a vraiment une validation du caractère raisonnable des règles actuelles, et c’est le travail du procureur général du Canada. D’autre part, il y a vraiment une position de politique publique du gouvernement, qui croit que….

Le sénateur Boisvenu : Comme la justice est une question d’apparence, l’apparence paraît contradictoire.

M. Morin : Je ne crois pas.

Le sénateur Boisvenu : Serait-il possible de déposer le mémoire du gouvernement fédéral dans cette cause?

M. Morin : Nous pourrons vous faire suivre le document. Il est disponible sur le site web de la Cour suprême du Canada.

Le sénateur Boisvenu : Je vais y aller rapidement, pour que mes collègues puissent poser d’autres questions. Ce projet de loi, une fois adopté, aura des impacts pour le Québec. Le Québec devrait-il reconnaître les mêmes droits?

M. Morin : Pas nécessairement. La Cour suprême établira si les limites mises en place actuellement par la Loi électorale du Canada sont raisonnables ou non.

Le sénateur Boisvenu : Partons du principe que la loi est adoptée et que la Cour suprême reconnaît ce droit. La Cour suprême ne pourra pas, par la suite, annoncer qu’elle est contre ce principe alors que la loi est adoptée. Il y aura une question politique qui va passer comme une lettre à la poste.

Ce que je veux dire, c’est que, une fois la loi adoptée, la Cour suprême devrait dire oui. Cela aura un impact sur l’élection provinciale parce que ce droit devrait s’étendre aux provinces, n’est-ce pas?

M. Morin : Pas nécessairement. Les législatures provinciales sont libres d’adopter des lois dans leurs champs de compétence.

Le sénateur Boisvenu : Donc, il risque d’y avoir des contestations dans les provinces pour faire en sorte que ce droit soit étendu aux provinces?

M. Morin : Pas nécessairement. Je ne veux pas m’avancer en territoire...

Le sénateur Boisvenu : Vous êtes avocat. Comment peut-on reconnaître, au niveau fédéral, un principe où les expatriés ont le droit de vote au fédéral, mais ne pas reconnaître leur droit de vote dans une élection provinciale? Expliquez-moi la logique.

M. Morin : Je vais vous donner un exemple précis. Tout d’abord, la Loi électorale du Canada n’impose que deux critères à la qualité de l’électeur : être citoyen canadien et avoir plus de 18 ans. Toutefois, il y a des critères plus serrés en matière de vote à l’étranger. La plupart des législatures provinciales ont adopté des lois électorales qui prévoient, pour se qualifier à titre d’électeur, un temps de résidence minimal dans la province. Je pense que la plupart des provinces ont un temps minimal de résidence de trois ou six mois. Ce temps est plus long dans certains territoires afin de protéger la prépondérance du vote des Premières Nations. Donc, je veux seulement vous démontrer la dichotomie du fait que la qualité de l’électeur n’est pas nécessairement égale au provincial et au fédéral.

Le sénateur Boisvenu : Cette loi repose sur le respect de la Charte canadienne des droits et libertés, n’est-ce pas?

M. Morin : Tout à fait.

Le sénateur Boisvenu : Et elle s’applique aussi bien aux Québécois qu’aux Ontariens ou aux Canadiens?

M. Morin : Oui.

Le sénateur Boisvenu : Donc, le principe de reconnaissance pourrait être utilisé par des Québécois pour avoir le même droit?

M. Morin : Tout à fait, mais, comme je vous le dis...

Le sénateur Boisvenu : Donc, dans ce principe, avez-vous consulté le Québec pour en discuter et mentionner que cela pourrait avoir un impact sur leur processus judiciaire?

M. Morin : Sénateur Boisvenu, je pense qu’il faut laisser aux provinces la liberté de prendre les actions qu’elles croient nécessaires dans leurs champs de compétence.

Le sénateur Boisvenu : Dernière question. Le projet de loi permettra-t-il à un ministre de participer à des activités partisanes avec des expatriés lors de ses voyages à l’étranger?

M. Morin : Il n’y a pas de dispositions spécifiques dans ce projet de loi qui traite de cela, mais je vous référerais au projet de loi C-50, qui a été adopté le 21 juin dernier et qui entrera en vigueur le 20 décembre prochain.

Le sénateur Boisvenu : Donc, cela permettrait de participer à des activités partisanes auprès d’expatriés?

M. Morin : Non. Je vous dis simplement que le projet de loi C-50...

Le sénateur Boisvenu : Vous n’avez pas d’informations là-dessus?

M. Morin : Non, mais le projet de loi C-50, comme vous vous en souviendrez, prévoit des règles strictes en ce qui concerne la participation des ministres à des activités de financement en général, qui peuvent inclure des activités de financement à l’étranger.

Le sénateur Boisvenu : Cela inclut-il ou exclut-il les activités partisanes avec des expatriés?

M. Morin : Excusez-moi, je n’ai pas le projet de loi C-50 avec moi, mais je peux vous revenir là-dessus.

Le sénateur Gold : Merci de votre présence.

[Traduction]

L’un des aspects importants de ce projet de loi, c’est l’accent qui est mis sur l’accessibilité et l’élargissement de la capacité des Canadiens, ici et à l’étranger, d’exercer leur droit de vote.

Un certain nombre de dispositions ont été mentionnées, qu’il s’agisse du recours à un répondant dans certains cas ou de l’utilisation de la carte d’identité de l’électeur comme supplément à la pièce d’identité. Cependant, cela a donné lieu à un certain nombre de questions que nous avons entendues au comité plénier et autour de cette table.

Pourriez-vous nous dire dans quelle mesure la fraude électorale est un problème réel au Canada? Est-ce une question à laquelle vous pouvez répondre? D’après votre expérience ou les données dont vous disposez, quelle est l’étendue du problème?

C’est ma première question. Si le temps le permet, j’ai une deuxième question sur l’accessibilité. On dirait que c’est l’éléphant dans la pièce, si je puis dire, et je voulais savoir ce que vous pensez de l’ampleur du problème au Canada.

M. Morin : Merci beaucoup de votre question, sénateur Gold.

Tout d’abord, j’encourage tous ceux qui écoutent ces discussions ou tout Canadien qui a des preuves de fraude électorale à renvoyer ces cas au commissaire aux élections fédérales pour enquête. Le commissaire est responsable, en vertu de la Loi électorale du Canada, de veiller au respect et à l’application de la loi.

Pour répondre plus précisément à votre question, je ne suis au courant d’aucun cas de fraude électorale généralisée au Canada, bien au contraire. Comme on peut le voir sur son site web, le commissaire a une liste de toutes les accusations portées pour toutes les infractions à la Loi électorale du Canada. J’ai consulté son site web récemment et je n’ai pu trouver que de très rares cas de fraude électorale ou de tentatives de voter plus d’une fois.

Le commissaire a également sur son site web une liste de toutes les questions semblables — je crois qu’on les appelle transactions. Encore une fois, le nombre de cas pouvant être associés à la fraude électorale était extrêmement faible.

Vous pouvez également poser la même question au commissaire, qui témoignera tout de suite après nous.

[Français]

Le sénateur Gold : Il est impressionnant et important de reconnaître les efforts déployés pour faire en sorte que les individus issus des communautés autochtones exercent leur droit de vote.

Dans un autre contexte, ici au Sénat, en ce qui concerne notre étude du projet de loi C-71, un de nos collègues a discuté des règlements concernant les armes à feu qui donnent un coup de main et qui appuient les communautés autochtones dans leur langue pour mieux comprendre les règles du jeu.

Le gouvernement a-t-il l’intention de mobiliser les membres des communautés autochtones qui parlent des langues comme l’inuktitut, dans le Nord, et qui pourraient travailler comme officiers d’élection pour donner un coup de main aux individus qui auront des problèmes à comprendre le processus pour exercer leur droit de vote? Pouvez-vous commenter là-dessus?

M. Morin : Bien sûr. Je vous réfère, dans le document en français, à la page 9, ligne 24, à l’article 18 de la loi, sur le programme d’information et d’éducation populaire.

Le projet de loi redonne au directeur général des élections un pouvoir plus large en matière de programmes d’information et d’éducation populaire.

Le directeur général des élections a été entendu en comité plénier au Sénat et a mentionné que, durant la période électorale, la première responsabilité d’Élections Canada n’est pas d’inciter les électeurs à aller voter, car cela est plutôt une question qui relève des partis politiques et de la nature des enjeux soulevés durant la période électorale. Élections Canada doit plutôt s’assurer que les gens savent où aller voter, comment se porter candidat, et cetera. Ce pouvoir général pourrait être appliqué hors des périodes électorales pour faire du rayonnement auprès des peuples autochtones du Canada.

Élections Canada rend déjà de la documentation disponible dans différentes langues autochtones pour expliquer aux gens comment être bien accompagnés dans le processus électoral. C’est donc une chose qui va se poursuivre et qui pourra prendre plus d’ampleur dans le cadre de ce nouveau mandat. Est-ce que je réponds bien à votre question?

Le sénateur Gold : Oui, mais la journée même de l’élection, y aura-t-il, dans les espaces appropriés, des personnes qui parlent des langues autochtones pour aider les électeurs?

M. Morin : C’est une question qui devra être adressée au directeur général des élections, mais d’autres modifications contenues dans le projet de loi permettent au directeur général des élections de mieux adapter la gestion du personnel dans les bureaux de scrutin en faisant une meilleure délégation des tâches. Dans certaines communautés précises, des tâches pourraient être potentiellement attribuées à des fonctionnaires électoraux pour aider les électeurs, et il y a aussi des dispositions dans le projet de loi qui existent déjà dans la Loi électorale du Canada et qui permettent d’assermenter des interprètes au bureau de scrutin.

Effectivement, pour quelqu’un qui aurait de la difficulté à communiquer en anglais ou en français, il serait possible d’avoir un interprète au bureau de scrutin pour faciliter la communication et expliquer le processus.

Le sénateur Gold : Merci.

[Traduction]

La sénatrice Batters : Monsieur Morin, vous avez assisté à la réunion d’hier du comité en compagnie de la ministre des Institutions démocratiques, que j’ai questionnée en partie au sujet du manque d’indépendance dans le projet de loi C-76 entre le directeur général des élections et le commissaire aux élections fédérales. À un moment donné, vous avez fait référence à un petit article du projet de loi C-76 qui dit que le commissaire est indépendant. À cet égard, monsieur Morin, j’ai d’autres articles du projet de loi C-76 dans le même domaine que je veux porter à l’attention du comité et des Canadiens qui nous regardent aujourd’hui.

Tout d’abord, à titre de comparaison, il est dit dans la Loi électorale actuelle, au paragraphe 509(1) :

Le commissaire aux élections fédérales est nommé à titre inamovible pour un mandat de sept ans par le directeur des poursuites pénales, sous réserve de révocation motivée de sa part.

Le paragraphe 509(2) dit ceci :

Le directeur des poursuites pénales ne peut consulter le directeur général des élections relativement à la nomination du commissaire.

(3) Ne peut être nommé commissaire quiconque est ou a été...

Et on peut lire, entre autres :

d) le directeur général des élections, un membre de son personnel ou une personne dont les services ont été retenus au titre du paragraphe 20(1).

C’est ce que dit actuellement la loi, en incluant les modifications comprises dans la Loi sur l’intégrité des élections.

Le paragraphe 351(1) du projet de loi C-76 prévoit un nouveau paragraphe 509(1) qui dit :

509(1) Le commissaire aux élections fédérales est nommé à titre inamovible pour un mandat non renouvelable de dix ans par le directeur général des élections, après consultation du directeur des poursuites pénales, sous réserve de révocation motivée de la part du directeur général des élections.

(2) Il reçoit la rémunération que fixe le directeur général des élections, après consultation du directeur des poursuites pénales.

Le paragraphe 509.1(1) de la nouvelle loi prévoit ce qui suit :

Le commissaire occupe son poste au sein du bureau du directeur général des élections.

(2) Pour l’application des articles 11 à 13 de la Loi sur la gestion des finances publiques, le commissaire est l’administrateur général à l’égard des secteurs de l’administration publique fédérale faisant partie du bureau du directeur général des élections dans lesquels les employés visés à l’article 509.3 occupent un poste.

(3) Pour l’application de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique, le commissaire est l’administrateur général dans les secteurs de l’administration publique fédérale faisant partie du bureau du directeur général des élections dans lesquels les employés visés à l’article 509.3 occupent un poste.

Pour revenir à la partie que vous avez citée hier, sous « Indépendance », dans le projet de loi C-76, le nouveau paragraphe 509.21(1) dit ceci :

Toute activité exercée ou toute décision prise par le commissaire en vertu d’une disposition de la partie 19 est exercée ou prise de façon indépendante du directeur général des élections.

Il y a aussi une précision au paragraphe 2, qui se lit comme suit :

Le paragraphe (1) n’a pas pour effet d’empêcher le commissaire de consulter le directeur général des élections sur toute question qu’il estime indiquée.

De plus, le nouveau paragraphe 509.5 dit ceci :

Le commissaire peut autoriser toute personne employée au sein du bureau du directeur général des élections à l’aider à exercer aux conditions qu’il fixe les attributions découlant de l’application des paragraphes...

Je pense qu’il est important de souligner cela aujourd’hui. Franchement, monsieur Morin, je me demande comment vous réagissez à tout cela. On ne peut pas simplement dire dans une petite partie de la loi que le commissaire est indépendant du directeur général des élections, mais par ailleurs que l’embauche du commissaire, le caractère inamovible de la nomination du commissaire, le congédiement du commissaire et la détermination de la rémunération du commissaire, ainsi que de l’emplacement de son bureau, chacun de ces éléments clés, relève du directeur général des élections. Franchement, j’ai été stupéfaite de lire tout cela ce matin. Je pense que la définition d’indépendance utilisée par ce gouvernement doit ressembler un peu à la vraie définition de l’indépendance.

M. Morin : Je vous remercie de ces commentaires, sénatrice Batters.

Premièrement, le commissaire comparaîtra tout de suite après nous, et je pense que ce serait une bonne idée de lui demander ce qu’il pense du degré d’indépendance que lui donne le projet de loi C-76.

La sénatrice Batters : Je vais le faire, mais je veux avoir votre point de vue, parce que vous m’avez donné cette définition d’« indépendance » hier.

M. Morin : Absolument. Je pense que cette définition de l’indépendance pour toutes les décisions et les mesures prises par le commissaire en vertu de la partie 19 de la loi est essentielle pour assurer l’indépendance du processus décisionnel en ce qui concerne les questions d’application et de poursuites en vertu de la Loi électorale du Canada.

De plus, je dirais, en ce qui concerne les autres dispositions que vous avez mentionnées, qu’elles parlent de l’administration financière et des ressources humaines du commissaire aux élections fédérales, qui n’est pas un ministère visé à l’annexe 1.1 de la Loi sur la gestion des finances publiques. Le commissaire aux élections fédérales devait relever d’un ministère pour les questions de ressources financières et humaines. Je pense que c’est l’intention du gouvernement, que le commissaire relève d’un agent du Parlement, plutôt que d’un agent du pouvoir exécutif.

De plus, vous avez demandé hier si le commissaire pouvait enquêter sur un agent ou un employé du directeur général des élections. C’est le cas.

J’aimerais aussi souligner que l’article 509.4 de la Loi électorale du Canada, qui n’est pas modifié par le projet de loi C-76, prévoit que :

Le commissaire peut retenir temporairement les services d’enquêteurs, d’experts ou de spécialistes dont la compétence lui est utile dans l’exercice des attributions que lui confère la présente loi.

Avant de terminer, j’aimerais mentionner que oui, le projet de loi C-76 permet au commissaire de déposer des accusations directement sans l’approbation préalable du directeur des poursuites pénales. Cela dit, ce n’est pas le commissaire qui mène la poursuite. Cette responsabilité incombe toujours au directeur des poursuites pénales, qui devra mener la poursuite devant les tribunaux. Au bout du compte, ce sont les tribunaux eux-mêmes qui devront juger les infractions à Loi électorale du Canada. Ce n’est pas une question administrative; c’est une question pénale.

La sénatrice Batters : Monsieur Morin, vous avez répondu à toutes les questions aujourd’hui.

Madame Paquet, je vois que vous êtes tous les deux inscrits comme conseillers principaux en politiques au Secrétariat des institutions démocratiques du Bureau du Conseil privé. Êtes-vous responsable de différentes parties de la loi?

Manon Paquet, conseillère principale en politiques, Secrétariat des institutions démocratiques, Bureau du Conseil privé : Merci de votre question. Nous travaillons ensemble à ce dossier. Jean-François est mieux placé que moi pour répondre à la plupart des questions qui viennent d’un comité, et je travaille également à l’élaboration et j’appuie la ministre dans le processus.

[Français]

Le sénateur Carignan : Je me pose des questions sur la définition de « groupe », parce que le terme « tiers » est défini comme « personne ou groupe ». J’essaie de comprendre le mot « groupe ».

Je dis cela à cause des plafonds électoraux et des plafonds de dépenses de 350 000 $. Dans la Loi électorale du Canada, on dit ce qui suit, et je cite :

groupe Parti enregistré, association enregistrée, syndicat non constitué en personne morale, association commerciale ou autre groupe de personnes agissant ensemble d’un commun accord dans la poursuite d’un but commun.

Cela m’apparaît facile à contourner lorsque différents mouvements, organisations ou syndicats décident d’utiliser chacune de leurs unités pour dépenser la somme de 350 000 $ ou de 3 000 $.

En effet, la notion de « groupe » nécessite certains éléments de structure, au sens de la définition, et n’est donc pas très large.

Avez-vous examiné la possibilité qu’un ensemble d’individus ou de groupes établissent une stratégie en visant spécifiquement une personne, un candidat, une circonscription ou un parti, ce qui leur permettrait de cumuler leurs sommes ou leur limite de dépenses en se fédérant?

M. Morin : Oui. Merci beaucoup, sénateur Carignan, de votre question. D’une part, la notion de « personne » ou de « groupe » n’est pas ajoutée à la Loi électorale du Canada par le projet de loi C-76. Ce sont des concepts qui existent déjà dans la partie 17 de la Loi électorale du Canada, qui a trait aux tiers. L’idée est vraiment, d’une part, de viser les personnes — soit les personnes physiques ou les entreprises qui ont la personnalité morale — et, d’autre part, les associations de personnes, donc deux personnes ou plus qui s’associent dans un groupe qui, lui, n’a pas la personnalité morale.

Ces concepts ne sont pas nouveaux. Ils existent depuis l’introduction du régime des tiers dans la Loi électorale du Canada.

D’autre part, pour ce qui est des tentatives de collusion auxquelles vous faites référence, sans les nommer, il y a effectivement des dispositions dans le projet de loi, tant pour la période préélectorale que pour la période électorale, qui empêchent deux tiers, ou plus, de se concerter dans le but de dépasser leur plafond de dépenses réglementées. Ces dispositions existent tant pour la période préélectorale que pour la période électorale. Elles existent également dans la nouvelle section 0.1 de la partie 17, qui vise l’utilisation de fonds de l’étranger. Il y a des dispositions à l’article 349.03 qui empêchent les tiers de tenter d’esquiver les dispositions de la loi pour utiliser des fonds de l’étranger.

Le sénateur Carignan : C’est l’article 349?

M. Morin : Mon exemple visait l’article 349.2. Je peux vous trouver les autres dispositions auxquelles je faisais référence.

Si vous allez à la page 120 du projet de loi, à la ligne 15 en français, l’article 349.2 indique ce qui suit :

Il est interdit au tiers d’esquiver ou de tenter d’esquiver les plafonds prévus à l’article 349.1, notamment en se divisant lui-même en plusieurs tiers ou en agissant de concert avec un autre tiers de sorte que la valeur totale de leurs dépenses d’activité partisane, de leurs dépenses de publicité partisane et de leurs dépenses de sondage électoral dépasse ces plafonds.

Le sénateur Carignan : Comment allez-vous faire pour poursuivre dans une situation où il y a différentes unions? Prenons le cas des syndicats, qui sont souvent associés en fédération et en confédération. Parfois, le président donne le mot d’ordre que l’on appuie le NPD cette année, et que c’est le NPD qu’il faut faire élire, ou encore, qu’il faut agir pour battre les conservateurs et que l’on vote pour celui qui a le plus de chance. C’est le mot d’ordre qu’on entend parfois dans des discours tenus par des présidents de syndicat. Comment allez-vous démontrer qu’il y a une infraction, si l’ensemble des différents syndicats décide d’utiliser leur somme de 350 000 $ en fonction de cela?

Ce n’est pas nécessairement une collusion, ce n’est pas une infraction, c’est une organisation formée pour multiplier les montants.

M. Morin : J’ai deux ou trois commentaires à faire à ce sujet. D’une part, c’est très important de comprendre que l’objectif de la Loi électorale du Canada n’a jamais été de limiter la liberté d’expression dans son sens le plus pur.

Je vous invite à consulter, à la page 4 du projet de loi, à la ligne 22 en français, la définition de « publicité électorale ». Vous trouverez le même concept dans la définition de « publicité partisane », à la page suivante.

Dans ces deux définitions, on indique ce qui suit :

[...] il est entendu que ne sont pas considérés comme de la publicité électorale :

c) l’envoi d’un document par une personne ou un groupe directement à ses membres, actionnaires ou employés;

C’est une exception qui existe depuis de nombreuses années dans la Loi électorale.

Le sénateur Carignan : Cela renforce donc mon point que, en utilisant ce droit, il est difficile de dire qu’ils ont fait collusion dans le but de contourner la limite.

M. Morin : Cependant, comme je le disais, l’objectif n’est pas de limiter la liberté d’expression de ces personnes dans les cas, notamment, où ils s’adressent à leurs membres.

Lorsque la publicité vise plus directement les Canadiens, et pas seulement les membres du syndicat, cela tomberait à ce moment-là sous toutes les définitions dont nous avons parlé, notamment les publicités électorales et les publicités partisanes.

Encore une fois, je tiens à vous rappeler que ce régime existe depuis l’année 2000 au moins. Élections Canada reçoit les rapports financiers de ces tiers et, à plusieurs occasions, réfère des cas au bureau du commissaire aux élections fédérales pour mener des enquêtes lorsqu’il y a apparence de collusion en vue de dépasser les plafonds de dépenses.

Même pendant la période électorale, si le commissaire reçoit une plainte ou s’il est d’avis qu’un cas manifeste de collusion est en cours, il peut, évidemment, intervenir auprès des tiers en question.

Il y a vraiment toute une gamme d’outils disponibles pour les deux bureaux qui s’occupent d’administrer la Loi électorale du Canada, soit le bureau du directeur général des élections et le bureau du commissaire, pour réagir à ce type de situations, et ils l’ont fait par le passé.

Le sénateur Carignan : Je comprends donc que, s’il y a 10 ou 20 syndicats locaux qui sont membres d’une fédération, ces 10 ou 20 syndicats locaux pourraient, techniquement, dépenser chacun 350 000 $?

M. Morin : Cela dépend vraiment de la manière dont les dépenses sont engagées et de la manière dont les publicités sont faites. Je ne voudrais pas faire de commentaires un cas précis.

Le sénateur Carignan : Non, je ne parle pas d’un cas précis; c’est un cas théorique.

M. Morin : Justement, c’est extrêmement difficile pour nous de répondre à des questions sur un cas théorique sans avoir de faits précis. Par contre, je suis certain que le commissaire pourra vous donner des exemples de cas où il y a eu des accusations par le passé.

Le sénateur Carignan : Est-il possible de changer la définition de « groupe » pour que, dès que, par exemple, une unité syndicale ou ce genre d’entité est affiliée à une fédération ou à une confédération et qu’elle devient membre du groupe « confédération » ou « fédération », ce soit cette fédération qui dispose de la limite de 350 000 $ pour l’ensemble de ses membres, et non chacun de ses membres individuellement?

M. Morin : Comme je l’ai dit au début de notre comparution aujourd’hui, les questions de politique doivent être adressées au ministre. Évidemment, comme vous voyez, effectivement, cette...

Le sénateur Carignan : Ce n’est pas une question politique, c’est une question juridique, comme essayer d’éviter pour l’appliquer. Il y a un fonctionnaire qui a rédigé l’article de l’infraction...

M. Morin : Sénateur Carignan, ce que je vous dis, c’est que toutes les questions qui visent à savoir si on va dans la direction A ou la direction B sont des questions qui relèvent du Cabinet.

Nous ne sommes pas autorisés à vous donner ce type d’information. Effectivement, je vous confirme que, à l’heure actuelle, ce genre de précision n’apparaît pas textuellement dans la loi.

Le président : Monsieur Morin, madame Paquet, avant de vous remercier, j’aimerais vous poser une question. À la page 7, l’article 5 définit le statut de la personne résidant à l’étranger. La question avait été posée indirectement, plus tôt, par la sénatrice Frum.

[Traduction]

Permettez-moi de revenir à la définition des personnes résidant à l’étranger : « Le lieu de résidence habituelle de la personne qui réside à l’étranger est son dernier lieu de résidence habituelle au Canada ».

[Français]

Le cas que j’ai à l’esprit existe réellement; je ne l’ai pas inventé. Une personne naît à l’étranger de parents canadiens, elle est enregistrée au consulat canadien, elle détient un passeport canadien et elle a 18 ans. Elle a donc l’âge de voter. Peut-elle voter à une élection canadienne, même si, en pratique, elle n’a jamais résidé au Canada?

M. Morin : Non. C’est d’ailleurs une question qui a été posée au directeur général des élections en comité plénier au Sénat. Notre régime électoral est basé sur la résidence au Canada. Une des conditions sine qua non pour voter, en vertu de la section 3 de la partie 11, c’est d’avoir résidé, à un moment donné, au Canada pour détenir une adresse au Canada.

J’aimerais apporter une précision supplémentaire concernant l’article que vous venez de citer, soit l’article 5 du projet de loi, qui modifie l’article 8 de la loi. Présentement, en vertu de deux sections de la partie 11, la section sur les électeurs des Forces canadiennes et la section sur les électeurs résidant temporairement à l’étranger, lorsque ces personnes s’inscrivent pour voter, elles ont une exception qui leur permet, jusqu’à un certain point, de choisir leur lieu de résidence au Canada. Elles pourraient, par exemple, donner comme adresse celle de la personne avec qui elles résideraient si elles résidaient au Canada. Le projet de loi C-76 vient réduire cette opportunité et harmoniser les dispositions relatives à la détermination du lieu de résidence habituel, en prévoyant justement que le seul lieu de résidence habituel des personnes résidant à l’extérieur du Canada est leur dernier lieu de résidence habituel au Canada. La provision vise à éviter ce genre de magasinage de circonscriptions qui est possible actuellement.

Le président : Pour la personne en question et dont je mentionne le cas, le fait de venir visiter des parents au Canada pour une semaine, deux semaines ou un mois ne suffit pas pour se qualifier comme résidant?

M. Morin : Non, absolument pas. C’est d’ailleurs en partie ce qui a amené tout le débat public au Canada sur les électeurs résidant à l’étranger. Jusqu’à l’élection générale de 2006, le directeur général des élections du Canada considérait, à l’égard de la règle des cinq ans, qu’une visite au Canada permettait de remettre le compteur à zéro. Ainsi, des personnes qui avaient résidé à l’étranger très longtemps pouvaient venir passer une semaine au Canada, comme vous venez de le décrire, et se réinscrire au Registre international des électeurs. L’information que je vous donne est publique. Elle se trouve dans le rapport du directeur général des élections qui a suivi les élections de 2011. On y explique qu’ Élections Canada a révisé son interprétation de la loi et a adopté une interprétation des dispositions plus conforme à l’esprit de la loi. Il faut vraiment que la personne établisse une résidence habituelle au Canada, telle qu’elle est décrite au paragraphe 8(1) de la loi, qui n’est pas modifiée par le projet de loi, mais qui décrit le lieu de résidence habituel comme l’endroit où la personne habite et où elle a toujours l’intention de revenir lorsqu’elle s’en absente.

Cette longue réponse, c’est pour confirmer qu’une personne qui revient au Canada seulement pour une visite, sans avoir l’intention de s’établir au pays pour y résider, ne pourra pas voter en vertu des dispositions de la loi si elle n’a jamais résidé au Canada par le passé.

Le président : Le fait de naître au Canada en soi ne donne pas la qualité d’électeur si la personne n’a pas vraiment résidé au Canada.

M. Morin : L’exemple que vous avez donné était le cas d’une personne qui était née à l’étranger.

Le président : C’est un autre scénario. On parle de la personne qui naît au Canada. Le fait qu’elle soit née au Canada la rend citoyenne canadienne. Toutefois, elle séjourne au Canada le temps de quitter l’hôpital et repart à l’étranger.

M. Morin : C’est une question de fait qu’il faudra évaluer. Il faut que la personne ait résidé au Canada.

Le sénateur Carignan : J’avais posé la même question. La personne doit se rappeler son adresse ou l’adresse de ses parents quand elle est née, sinon elle ne pourra pas être inscrite sur la liste. C’est la réponse que j’avais obtenue.

M. Morin : Oui, exactement.

Le président : Je vois l’heure filer. Nous aurons certainement d’autres questions. Nous resterons en contact avec vous, monsieur Morin et madame Paquet, au bénéfice de l’information des honorables sénateurs.

J’aimerais maintenant, rapidement, inviter le commissaire général aux élections, M. Yves Côté, à prendre place à la table pour que nous puissions poursuivre notre étude du projet de loi C-76, Loi modifiant la Loi électorale du Canada et d’autres lois et apportant des modifications corrélatives à d’autres textes législatifs. M. Côté est accompagné de M. Marc Chénier, avocat général et directeur principal des services juridiques au Bureau du commissaire aux élections fédérales.

Nous vous souhaitons la bienvenue.

Monsieur Côté, vous connaissez bien la procédure. Avez-vous des remarques liminaires que vous voudriez partager avec les membres du Comité des affaires juridiques pour ouvrir notre discussion cet après-midi?

Yves Côté, c.r., commissaire aux élections fédérales, Bureau du commissaire aux élections fédérales : J’aurais quelques brèves remarques à partager avec vous et les honorables membres de ce comité.

Nous sommes heureux de comparaître devant vous aujourd’hui relativement au projet de loi C-76. Comme vous l’avez mentionné, la personne assise à ma gauche est Marc Chénier, avocat général et directeur de nos services juridiques.

Comme plusieurs d’entre vous le savent, j’ai eu l’honneur de comparaître devant le comité plénier pour discuter de la teneur du projet de loi C-76 il y a environ deux semaines. Lors de cette comparution, j’en ai profité pour communiquer mes vues sur plusieurs des nouveaux éléments contenus dans le projet de loi. Sachant que les honorables sénateurs qui sont ici aujourd’hui sont bien au fait de ces questions, je n’ai pas l’intention de revenir sur mes propos.

[Traduction]

Il y a toutefois deux choses que j’aimerais souligner dans le projet de loi C-76.

La première, c’est qu’il contient diverses mesures qui, si elles sont adoptées, transformeront du tout au tout — dans un sens très positif — tout le régime d’application de la Loi électorale du Canada.

Ces changements, qui découlent de recommandations que nous avons formulées au fil des ans sont, de notre perspective, extrêmement importants. Ils nous permettraient d’être plus efficaces et de mieux nous positionner pour faire face à certaines des nouvelles menaces qui nous guettent. Nous sommes donc extrêmement heureux de les retrouver dans le projet de loi dont vous êtes saisis aujourd’hui.

[Français]

Le second aspect que j’aimerais souligner est un point sur lequel le directeur général des élections et moi avons insisté. La mise en œuvre des modifications contenues dans le projet de loi C-76, y compris notamment le retour de notre bureau au sein de celui du directeur général des élections, et la mise sur pied, au sein de notre bureau, d’une nouvelle division chargée de gérer le nouveau régime de sanctions administratives pécuniaires constituent une tâche considérable.

[Traduction]

La mise en œuvre de ces changements au moment même où nous entrons dans une phase critique de la préparation des prochaines élections fédérales ajoute aux complexités et aux pressions pour notre organisation. C’est pourquoi il importe que le projet de loi C-76 entre en vigueur aussitôt que possible, pour que nous puissions, à la première occasion, intégrer ces changements dans notre préparation.

[Français]

Honorables sénateurs, je vous remercie de votre attention, et c’est avec plaisir que nous tenterons de répondre à vos questions au meilleur de nos capacités.

[Traduction]

La sénatrice Frum : Bonjour, monsieur Côté et monsieur Chénier. Heureuse de vous revoir.

M. Côté : Je dirais que le son est bien meilleur aujourd’hui que le 6 novembre. La communication sera plus facile.

La sénatrice Frum : Parfait.

J’ai ici un document qui nous a été remis par le gouvernement — des notes d’information du gouvernement. On peut y lire qu’avec le projet de loi C-76 les tiers étrangers ne pourront pas faire de dépenses pour exercer une influence sur les élections fédérales au Canada. Comme vous le savez, c’est un sujet de grand intérêt pour moi et pour vous.

Êtes-vous d’accord pour dire que le projet de loi C-76 fait en sorte que des tiers étrangers ne peuvent pas dépenser d’argent pour avoir une influence sur les élections canadiennes? Est-ce bien le cas?

M. Côté : Les dispositions du projet de loi précisent bien que, pendant la période préélectorale et la période électorale, les tiers doivent essentiellement s’interdire tout rôle d’engagement de dépenses des trois types qui sont décrits dans le projet de loi : les activités partisanes, la publicité électorale et les sondages à des fins électorales. C’est très limité et restrictif.

La sénatrice Frum : Mais ce n’est pas... Je remarque que vous n’avez pas dit que le financement étranger a été exclu. Vous n’avez pas dit cela. Vous avez dit que, dans certains domaines précis, il y a eu une réduction, mais il n’est pas nécessairement interdit aux tiers étrangers de dépenser de l’argent pour exercer une influence sur les élections canadiennes par l’entremise de tiers. Autrement dit, ils peuvent faire des dons pour l’administration ou le salaire de tiers enregistrés.

M. Côté : Vous et moi, madame, si je peux me permettre, avons déjà eu nos divergences de vues sur le rôle des tiers. Devant ce comité, il y a quelques mois, j’ai déploré l’extrême laxisme du régime antérieur ou du régime actuel pour la réglementation des tiers. La seule chose actuellement réglementée est essentiellement la publicité électorale pendant la campagne; tout le reste est permis en ce qui nous concerne.

Je pense que ce projet de loi contribue grandement à régler bon nombre des problèmes que nous avons déjà eus et qui sont à l’origine des plaintes que nous avons reçues.

Il est extrêmement important de noter aujourd’hui que ce projet de loi renferme une disposition qui interdit à un tiers d’utiliser des fonds provenant d’une entité étrangère pour ses activités. En soi, c’est...

La sénatrice Frum : Comme vous venez tout juste de le dire, c’est pour trois activités prescrites, pas pour toutes les activités. Le tiers peut utiliser des fonds étrangers pour certaines activités.

M. Côté : C’est juste — là où elles sont réglementées, c’est-à-dire dans les trois domaines que j’ai...

La sénatrice Frum : Mais seulement pour ces trois domaines. Le tiers a toujours la possibilité de les utiliser ailleurs.

Précisons qu’il n’y a pas d’interdiction générale du financement étranger; c’est seulement pour trois domaines précis, et je conviens avec vous que c’est une bonne chose. Cependant, il est faux de dire que le financement étranger a été complètement interdit aux tiers. Cette affirmation n’est pas vraie.

Permettez-moi de vous demander, pour que je comprenne bien, ce que signifie être un tiers canadien. Un tiers canadien doit-il être enregistré? Doit-il être au Canada?

M. Côté : Non, je ne crois pas.

La sénatrice Frum : Pour être un tiers canadien enregistré, faut-il être au Canada?

M. Côté : Il faut voir qui est responsable du tiers. Le citoyen canadien qui vivrait, par exemple, dans l’État de New York, comme vous l’avez dit l’autre jour, serait un citoyen canadien. Il pourrait gérer un tiers.

La sénatrice Frum : Donc, un tiers pourrait se trouver à Moscou, à Pékin ou à Téhéran, n’est-ce pas? C’est toujours un tiers canadien, dès lors qu’un Canadien y participe.

M. Côté : Si un Canadien en fait partie, ce n’est pas un tiers étranger.

La sénatrice Frum : Donc, il peut se trouver n’importe où dans le monde.

Disons que, s’il y a un Canadien parmi les membres ou parmi les personnes travaillant chez ce tiers à Pékin, cela en fait un tiers canadien. Pourtant, il pourrait y avoir cinq autres personnes travaillant là-bas qui ne sont pas des Canadiens. Ce tiers serait-il toujours un tiers canadien?

M. Côté : Si le chef de ce tiers était un citoyen canadien, je pense que ce serait suffisant pour satisfaire au critère et à la définition du projet de loi.

La sénatrice Frum : Mettons que ce tiers canadien est enregistré et que ses activités tombent sous le coup du projet de loi C-76, mais que nous venons tout juste de reconnaître qu’il pourrait être à Moscou ou à Pékin. Quels pouvoirs votre bureau a-t-il pour surveiller et contrôler ce tiers canadien?

M. Côté : Tout d’abord, on s’attendrait que le tiers canadien, peu importe où il se trouve, se conforme à la loi, produise ses rapports et fasse tout ce qu’il doit faire. S’il se posait une question d’application de la loi, nous, au bureau du commissaire, serions confrontés essentiellement aux mêmes défis que tout autre service de police ou tout autre organisme responsable de l’application de la loi au Canada qui essaie d’appliquer la loi canadienne à des actes et à des personnes qui se trouvent à l’étranger. Si ces personnes se trouvent dans un pays comme les deux que vous avez nommés, la Russie et la Chine, comme vous le savez très bien, il faudrait s’attendre à des complications pour obtenir la collaboration de ces pays pour lancer une enquête.

Cela dit, le Canadien responsable de ce tiers pourrait vraisemblablement entrer au Canada à un certain moment donné, et nous pourrions envoyer des avis à l’Agence des services frontaliers du Canada, si la preuve le justifiait, pour qu’elle s’en occupe.

La sénatrice Frum : Vous pourriez donc sanctionner quelqu’un des années plus tard s’il a enfreint la Loi électorale et revient au Canada. S’il résidait en Chine et n’avait jamais quitté la Chine, et qu’il violait la Loi électorale, vous n’y pourriez rien?

M. Côté : S’il ne vient jamais ici, et s’il se trouve dans un pays avec lequel nous n’avons pas d’accord de coopération, vous avez essentiellement raison, je pense bien.

La sénatrice Frum : J’ai une dernière question à ce sujet. Qu’arrive-t-il si un tiers, au Canada, à Moscou ou à Pékin, ne se donne pas la peine de s’enregistrer? Que faites-vous à ce sujet?

M. Côté : En supposant qu’il a atteint le seuil...

La sénatrice Frum : Qu’il a dépensé plus de 500 $.

M. Côté : ... au-delà duquel l’enregistrement devient obligatoire, nous pourrions certainement essayer de lui faire savoir qu’il doit s’enregistrer. Au-delà de cela, s’il refuse de se conformer aux règles, pour ainsi dire, nous revenons à la question dont nous venons de discuter pour essayer d’appliquer la loi.

La sénatrice Frum : Il n’y a pas grand-chose à faire, donc.

En comité plénier, vous avez dit à quelques reprises que vous étiez une organisation qui réagit aux plaintes. Autrement dit, vous ne surveillez pas vous-mêmes les activités des tiers. Vous attendez que d’autres dénoncent des infractions possibles avant de faire enquête. C’est bien cela?

M. Côté : Oui, mais je ne voudrais pas laisser croire que nous restons assis, les bras croisés, à attendre les plaintes. Nous avons des ententes et des discussions avec des organismes de sécurité, des organismes d’application de la loi et, naturellement, Élections Canada. Comme tout le monde, nous lisons les journaux et recueillons de l’information. Lorsque nous avons connaissance de choses qui nous permettent de croire qu’il y a peut-être quelque chose qui cloche quelque part, nous pouvons intervenir.

Marc me signale un point valide. Comme je l’ai mentionné dans ma déclaration préliminaire, ce projet de loi créerait un système de sanctions administratives pécuniaires. Ces sanctions peuvent être imposées par le commissaire dans des situations comme celles dont vous avez parlé où des tiers enfreindraient peut-être...

La sénatrice Frum : Et je comprends qu’il y a des sanctions, mais, avant d’en arriver là, vous devez faire enquête. Vous devez constater un acte répréhensible. Je me demande, tout d’abord, ce qu’il en est dans le cas des tiers qui sont à l’étranger, que vous n’avez pas le pouvoir de poursuivre.

M. Côté : Pas plus que la Gendarmerie royale du Canada.

La sénatrice Frum : Donc, vous ne pouvez pas agir en temps réel ni y faire quoi que ce soit.

Deuxièmement, vous attendez une plainte pour faire enquête. Vous dites que, si un tiers ne se donne pas la peine de s’enregistrer et que personne ne s’en plaint, vous ne pouvez pas intervenir, ou que vous allez prendre vous-mêmes des mesures si vous surveillez la situation, mais que ce sera de nombreux mois ou de nombreuses années après les élections. Ce sont tous les cas, n’est-ce pas?

M. Côté : Vous avez parfaitement raison. Nous vivons dans le monde de nombreux pays souverains sur toute la planète.

L’autre point que j’aimerais soulever...

La sénatrice Frum : L’idée que nous avons réglé le problème de l’influence étrangère est erronée. Ce projet de loi ne règle pas notre problème d’influence étrangère, d’après ce que vous venez de dire.

M. Côté : Je ne suis pas là pour défendre la politique du projet de loi, mais en tant que premier responsable de l’application de la loi, si le projet de loi est adopté, je répéterai ce que j’ai dit tantôt : ce sera un progrès extraordinaire par rapport au régime actuel applicable aux tiers.

[Français]

La sénatrice Dupuis : Bienvenue à notre comité. J’aimerais attirer votre attention sur la page 21 du projet de loi, plus particulièrement sur la définition de « tiers étranger » dans l’article 223 du projet de loi, qui vise à modifier l’article 349. Je crois comprendre que cela s’applique à la période préélectorale, à la section 1.

M. Côté : Parlez-vous de la disposition à la page 121 du projet de loi?

La sénatrice Dupuis : Oui. Dans la version française, dans la colonne de droite, en ce qui a trait à la définition de tiers étranger, à l’alinéa b), on indique ceci :

[...] d’une personne morale ou d’une entité constituée, formée ou autrement organisée ailleurs qu’au Canada, elle n’exerce pas d’activités commerciales au Canada ou ses seules activités au Canada, pendant une période préélectorale, consistent à exercer une influence sur un électeur [...]

J’essaie de comprendre et je suis certaine que vous pouvez m’aider.

Maintenant, dans une autre section, pour la définition de « tiers étranger », à l’alinéa b), on indique ce qui suit :

b) s’agissant d’une personne morale ou d’une entité constituée, formée ou autrement organisée ailleurs qu’au Canada, elle n’exerce pas d’activités commerciales au Canada ou son objectif principal au Canada vise, pendant la période électorale, à exercer une influence sur un électeur [...]

C’est différent. Pourriez-vous m’aider à comprendre la distinction entre les deux?

M. Côté : La distinction, je crois que vous l’avez notée vous-même, et c’est qu’il y a un test plus étroit ou plus large que l’autre. Selon moi, il s’agit d’une anomalie dans la rédaction du projet de loi. On se serait attendu à ce que la définition soit la même dans le cadre préélectoral et dans le cadre électoral. La raison pour laquelle il y a deux définitions ou descriptions différentes, je ne la connais pas. Mon collègue pourra sûrement vous donner de meilleures explications que moi.

Marc Chénier, avocat général et directeur principal, Services juridiques, Bureau du commissaire aux élections fédérales : Il y a eu des modifications au projet de loi au comité de la Chambre des communes et, malheureusement, ils n’ont pas compris les mêmes changements à tous les endroits. Ils n’ont pas appliqué les changements à tous les endroits où l’expression apparaissait.

La sénatrice Dupuis : Je vous remercie. C’était ma sous-question. Donc, la version de base était, si je comprends bien, celle de la page 121, où on indiquait : « [...] ses seules activités consistent à exercer une influence ».

M. Chénier : C’est bien cela.

La sénatrice Dupuis : On parle donc d’une entité qui n’est pas organisée juridiquement au Canada. Ses seules activités, pendant la période préélectorale, consistent à exercer une influence. Selon vous, est-ce un concept plus large quand on dit que son objectif principal vise à exercer une influence, comparativement à la première version qui était la version de base?

M. Côté : La première version, celle où on parle de l’exclusivité, devient plus difficile à appliquer, parce qu’il s’agirait qu’une société étrangère n’ait qu’à faire quelque chose d’autre, même si c’est mineur dans la gamme des activités qu’elle exerce, pour s’exclure de la définition, si vous voulez.

La sénatrice Dupuis : Je veux être sûre de bien comprendre. On dit toutes sortes de choses et on veut faire dire toutes sortes de choses au projet de loi, alors je vais essayer de travailler avec vous pour mieux comprendre ce que vous en comprenez, puisque vous aurez à l’appliquer.

Dans la première partie, à la page 121, on dit qu’elle n’exerce pas d’activité commerciale au Canada « ou ses seules activités au Canada consistent à exercer une influence ». Est-ce plus large que de dire que son objectif principal vise à exercer une influence?

M. Côté : Cela dépend de ce que vous entendez par « plus large ». Je ne voudrais pas jouer sur les mots.

La sénatrice Dupuis : Je vais formuler ma question autrement : est-ce plus susceptible de permettre à des gens de faire de l’interférence pendant la période électorale que cela le serait en période préélectorale? Parce qu’il y a un élément objectif dans la question des activités. Est-ce que vous menez des activités ou pas? Il y a un élément objectif qui pourrait être constaté, alors que, en ce qui concerne votre objectif principal, on est déjà dans quelque chose de plus large, c’est-à-dire que le concept est moins défini.

M. Côté : Si une tierce partie mal intentionnée voulait abuser du système, je pense qu’elle préférerait se retrouver dans le cadre de la page 121, car, à ce moment-là, il faudrait que ses seules activités soient de faire ce qui est prohibé par la loi. Tout ce qu’elle aurait à faire, c’est de s’assurer que ce ne sont pas ses seules activités. Tout ce qu’elle a à faire, c’est quelque chose d’autre, et dès qu’elle fait quelque chose d’autre, elle pourrait dire que ce ne sont pas ses seules activités. Alors que l’autre test est plus large en un sens, car il dit que si l’objectif premier, c’est de faire ces choses-là…

La sénatrice Dupuis : Cela répond à ma question.

M. Côté : C’est vraiment une anomalie, selon moi, et on devrait avoir la même chose dans les deux dispositions, tant pour la période préélectorale que pour la période électorale.

La sénatrice Dupuis : En tout cas, sur le plan de l’application de la loi, ce sera plus complexe pour une organisation comme la vôtre, selon ce que je comprends.

J’aimerais poursuivre avec vous la réflexion que nous avions amorcée lorsque vous avez comparu devant le comité plénier. Tout à l’heure, vous avez fait référence aux deux éléments qui vous apparaissent importants dans ce projet de loi, dont celui qui vous donne plus de pouvoir pour contrecarrer les cybermenaces.

Vous avez dit l’autre jour que vous avez déjà des contacts, notamment avec certaines plateformes. Si je comprends bien, il y a déjà des mesures en place entre vous et certaines de ces plateformes. On ne commence donc pas à zéro dans le développement de ces relations. Pouvez-vous nous en parler davantage?

M. Côté : Je peux vous dire, madame la sénatrice... Devons-nous dire sénatrice ou sénateur?

La sénatrice Dupuis : Je vous suggérerais de répondre directement à la question, parce que, compte tenu du comité auquel nous siégeons aujourd’hui, je crois que ça peut durer un certain temps. Nous avons des horaires à respecter.

M. Côté : D’accord. Pour l’élection de 2015, on a déjà commencé...

La sénatrice Dupuis : Puis-je vous interrompre? Si vous m’appelez madame la sénatrice, cela m’ira très bien. Merci.

M. Côté : Je vais tenter de m’en souvenir. Merci. Dès l’élection générale de 2015, quand on se préparait pour cette élection, on avait établi des communications et des liens avec Facebook en particulier, mais aussi avec d’autres plateformes de médias sociaux. Ces liens nous ont très bien servis pendant la campagne de 2015. À un certain moment, on avait vu des commentaires qui avaient été affichés sur certains sites de Facebook. Nous sommes intervenus auprès d’eux et, très rapidement, ils ont retiré ces choses problématiques, de notre point de vue.

En nous préparant à l’élection qui se produira au Canada dans 11 mois, nous avons recontacté Facebook en particulier, mais Twitter également. Demain, notre directrice des enquêtes s’assoira avec Google. Nous avons également eu des pourparlers avec Microsoft. Grâce à ces contacts, nous pourrons nous assurer, si jamais des problèmes surviennent, de pouvoir communiquer rapidement avec les personnes compétentes et leur demander d’agir.

Par ailleurs, nous avons des conversations, des entretiens, des forums avec différentes entités. À titre d’exemple, on s’assoit avec les gens du SCRS, avec la boîte qui est responsable de protéger les télécommunications du gouvernement, avec la GRC, avec le ministère de la Sécurité publique. Cela se fait à un très haut niveau et aussi au niveau de nos enquêteurs et de la directrice des enquêtes. Nous avons établi ces liens et des informations fort utiles nous sont transmises.

Encore une fois, tout cela se fait dans le but de nous préparer à être aussi efficaces que possible pour contrer la menace lorsqu’elle se manifestera. Nous sommes, évidemment, conscients du fait qu’on ne pourra pas tout contrôler ou tout empêcher, mais au moins nous serons bien positionnés en ce qui a trait à ces enjeux.

La sénatrice Dupuis : Vous faites déjà partie d’un réseau et vous entretenez des liens avec les acteurs principaux, tant du point de vue de la sécurité que de ceux qui propagent les messages, pour rassurer le public canadien sur le fait que vous n’allez pas découvrir des cybermenaces demain matin pour l’élection de 2019?

M. Côté : On entretient des relations poussées avec Élections Canada, qui a un rôle à jouer dans le maintien de la santé démocratique du pays. C’est un autre joueur avec lequel on engage des pourparlers extrêmement positifs et riches en résultats.

La sénatrice Dupuis : Merci.

Le sénateur Boisvenu : Merci, messieurs. Bienvenue au comité encore une fois. J’ai posé quelques questions ce matin auxquelles le représentant, M. Morin, n’avait pas de réponse.

Premièrement, la Loi électorale du Canada autorise-t-elle un ministre, lors de ses voyages d’affaires à l’étranger, à organiser des activités politiques avec des Canadiens résidant à l’extérieur du pays?

M. Côté : Je ne crois pas qu’il y a une interdiction ni dans la loi actuelle ni dans le projet de loi. À moins que M. Chénier ait un commentaire à ajouter à cet égard? Non.

Le sénateur Boisvenu : Avez-vous des experts au sein de votre bureau, des juricomptables, qui sont responsables du financement étranger?

M. Côté : Notre bureau ne dispose pas de cette compétence à ce niveau-là. Toutefois, le commissaire a le pouvoir d’engager des fonds publics pour retenir toutes les expertises nécessaires pour n’importe quel type d’enquête. Si on a besoin d’un expert dans un dossier particulier, le commissaire retiendrait les services de cet expert ou de ces experts et leur confierait un mandat X ou Y, selon le cas. C’est une décision qui est prise par le commissaire grâce à l’accès du commissaire au Fonds consolidé du revenu, le Trésor fédéral, et il n’y a pas de limite, ce qui est extrêmement important et utile.

Le sénateur Boisvenu : J’aimerais revenir sur les électeurs canadiens à l’étranger, puisqu’on va reconnaître leur droit de vote pour une période qui va au-delà de cinq ans. Y aura-t-il un registre où les électeurs canadiens devront s’inscrire, comme cela existe en France actuellement? Au 31 décembre de chaque année, les électeurs doivent s’inscrire au registre pour exercer leur droit de vote.

M. Côté : Je ne sais pas si l’obligation est renouvelée chaque année au Canada, mais il y a un registre pour les électeurs canadiens qui vivent à l’étranger. Je crois que tous les cinq ans...

M. Chénier : Il faudrait peut-être poser la question au directeur général des élections, qui comparaîtra bientôt. Il sera plus disposé à vous répondre.

Le sénateur Boisvenu : D’accord. La loi oblige-t-elle ces électeurs, s’ils reviennent au Canada, à retirer leur nom du registre?

M. Côté : Je ne sais pas.

Le sénateur Boisvenu : Donc, il faudrait poser la question au directeur général des élections. Merci beaucoup.

Le sénateur Gold : Bienvenue et bonjour, encore une fois.

[Traduction]

J’ai remarqué dans votre déclaration préliminaire que vous considériez ce projet de loi comme un grand pas en avant pour obtenir certains outils. Qu’est-ce qui vous inquiète le plus? Qu’est-ce qui vous empêche de dormir? Quels sont les principaux problèmes, à votre avis, auxquels nous serons confrontés aux prochaines élections, et comment ce projet de loi va-t-il les régler?

Dans le contexte de cette réponse, si vous n’avez pas d’objection à répondre à une question que j’ai posée au groupe de témoins qui vous a précédé, selon vous, le problème de la fraude électorale au Canada est-il un gros problème ou un problème négligeable? Qu’est-ce qui vous préoccupe? Est-ce l’ingérence étrangère, la fraude ou autre chose comme cela?

[Français]

M. Côté : Puis-je répondre en français?

Le sénateur Gold : Oui, j’ai posé la question en anglais pour assurer un équilibre.

Le président : C’est la langue officielle de sa province!

Le sénateur Carignan : Il a une marge de manœuvre.

Le sénateur Gold : Il y a la diversité linguistique.

M. Côté : Je vais tenter d’être bref. Vous me demandez ce qui m’empêche de dormir la nuit en raison de mon travail. Je pense que c’est la même chose qui vous tracasse autour de la table, tout comme bien des Canadiens qui s’intéressent aux élections et à l’évolution de la démocratie.

On est préoccupé par l’influence que pourraient avoir des joueurs à l’étranger qui seraient mal intentionnés, que ce soit ceux qui agissent à leur compte ou une puissance étrangère qui veut créer des problèmes au Canada. La sénatrice Frum a soulevé des enjeux par rapport à l’application de notre loi. Elle faisait référence à des citoyens canadiens en Chine ou en Russie. Il pourrait y avoir des gens qui ne sont vraiment pas des citoyens canadiens et qui décident de créer des problèmes. La fin de semaine dernière, le ministre de la Défense nationale a dit que la menace était là. La secrétaire adjointe de l’OTAN a tenu des propos semblables. C’est quelque chose qui nous tracasse énormément. Selon moi, c’est vraiment une préoccupation. Si une telle situation survient, quel genre de mesures permettront de contenir cela?

Dans le projet de loi, il y a une disposition en particulier qui m’intéresse : celle qui nous permettra de demander à un juge d’émettre une ordonnance forçant quelqu’un à répondre à mes questions sous serment. Cela s’appliquerait surtout dans le contexte où il y aurait collusion entre un agent étranger et des personnes qui sont ici, au Canada. Si on avait un dossier suffisamment étoffé, on pourrait demander l’émission d’une ordonnance pour forcer cette personne à nous parler. Au-delà de cela, faire respecter notre droit à l’égard de pays étrangers, comme la Corée du Nord, l’Iran, et cetera, est très limité.

Deuxièmement, je reviens à la question de la fraude électorale. Je suis en poste depuis presque sept ans. J’ai eu l’occasion de voir une élection générale et je me prépare pour une autre. Nous avons eu des élections complémentaires. D’après ce que j’ai vu et entendu, et d’après ce que nos enquêteurs ont trouvé, oui, il y a de la fraude électorale. Des gens vont voter alors qu’ils n’en ont pas le droit. Techniquement et légalement, ils sont en violation de la loi.

Cela dit, une autre chose me préoccupe tout autant, sinon plus, et c’est lorsque des mesures sont prises, comme à Guelph en 2011, pour empêcher les gens de voter en les informant à la dernière minute du fait que leur bureau de scrutin est fermé ou a déménagé. On a fait perdre leur droit de vote à bien des gens. Selon moi, c’est également une situation extrêmement sérieuse.

Donc, oui, cela se produit, mais j’aimerais aborder deux ou trois points qui, selon moi, sont extrêmement importants. Nous n’avons jamais vu — certainement pas pendant mon mandat ni, à ma connaissance, avant mon arrivée en poste — de circonstances où l’on parlerait d’un complot en vue de favoriser le vote illégal. Ce que j’ai vu, ce sont des individus qui ont parfois posé des gestes comme cela, mais je n’ai jamais vu ni entendu parler de complot, comme on en entend parler parfois à certains endroits. Dans un sens, cela me rassure un peu.

Dans les cas de vote illégal — c’est-à-dire des non-citoyens, des citoyens qui n’ont pas 18 ans, des gens qui ne votent pas dans la bonne circonscription —, on n’a jamais vu d’élections où l’on pourrait dire que le résultat de l’élection a été affecté. Les nombres sont vraiment peu considérables. Cela ne veut pas dire que le geste est justifié, loin de là. Toutefois, en termes de résultats finaux, il n’y a pas de problème.

Ce qu’on voit souvent, sénateur Gold, c’est de la confusion. Par exemple, dans certaines provinces comme l’Ontario, à des fins municipales, vous pouvez voter à deux endroits si vous avez deux logements dans deux municipalités. Par exemple, les gens peuvent avoir un chalet à Kingston et habiter à Toronto. Ils pensent que, aux élections fédérales, c’est la même chose. Ils votent et, lorsqu’on les rencontre, ils nous disent : « Ah! je ne le savais pas. » On a aussi un nombre assez important d’étudiants qui arrivent à l’université et qui pensent qu’ils ont le droit de voter à l’université et chez eux. Certains croient même qu’ils sont allés voter à l’université, de bonne foi, même si ce n’était pas un vrai vote. On voit donc de telles situations où les étudiants pensent qu’ils ont fait un exercice d’éducation civique. Cela dit, au cours des…

Le sénateur Gold : Des étudiants de premier cycle, j’imagine?

M. Côté : Oui.

Le sénateur Dawson : Pas en droit!

Le président : Pouvez-vous résumer, s’il vous plaît, monsieur Côté? La cloche est contre nous cet après-midi.

M. Côté : Oui. Je vais compléter en disant que, à l’heure actuelle, nous avons devant les tribunaux quatre personnes qui ont été accusées d’avoir voté illégalement. Il y a un procès la semaine prochaine à Toronto pour deux de ces personnes, et les deux autres passeront devant le tribunal en Colombie-Britannique. Ce sont des personnes relativement jeunes. On verra ce qui va ressortir de cela.

Le président : Merci.

Le sénateur Gold : Merci, cela répond à ma question.

[Traduction]

Le président : Très rapidement pour votre question supplémentaire, madame la sénatrice, parce que je dois lever la séance bientôt.

La sénatrice Frum : Je comprends. Je tiens à rectifier les faits, car vous avez dit que vous n’avez jamais vu de cas où le résultat d’une élection a été contesté à cause d’une fraude électorale, mais je veux attirer votre attention sur le cas de 2012, où le résultat de l’élection dans Etobicoke-Centre a été rejeté. Borys Wrzesnewskyj a lancé une contestation. Vous savez qu’il a pu contester le résultat lors de l’élection de Ted Opitz. Il y avait 26 votes d’écart, et il y a eu un recomptage.

M. Côté : Techniquement, sénatrice Frum, ce n’était pas un vote illégal comme tel. Pour moi, le vote illégal est ce que j’ai décrit dans ma réponse au sénateur Gold. Il s’agissait d’irrégularités dans la façon dont les fonctionnaires électoraux se sont acquittés de leurs fonctions, tenu leurs dossiers, obtenu les signatures requises ou ne les ont pas obtenues. Si je me rappelle bien — et je suis bien au courant de l’affaire —, je ne pense pas que le vote illégal, tel que je l’ai décrit, soit ce qui était en jeu dans ce cas-là.

La sénatrice Frum : Il y avait beaucoup de répondants. C’était un cas de répondants dont on ne pouvait pas prouver l’identité, n’est-ce pas?

M. Côté : C’est peut-être cela.

M. Chénier : La cour a conclu à la fin qu’il n’y avait pas de preuve de vote illégal. Il y a eu des irrégularités dans l’application des processus.

[Français]

Le sénateur McIntyre : Merci, monsieur Côté, pour votre présentation. Le projet de loi C-76 impose des plafonds de dépenses pour les tiers et les partis politiques durant la période préélectorale proposée. Par contre, le projet de loi ne limite pas la publicité gouvernementale durant cette même période. Doit-il y avoir une limite sur la publicité gouvernementale pendant la période préélectorale?

M. Côté : Marc m’a donné une note. Je sais que la Politique de communication du gouvernement du Canada, qui est un document formel qui régit l’ensemble de la bureaucratie et des ministères fédéraux, a récemment été modifiée pour prévoir que…?

M. Chénier : Pour limiter la publicité que les ministères fédéraux peuvent faire pendant la période préélectorale.

M. Côté : Une politique du gouvernement qui ne se retrouve pas dans la Loi électorale du Canada prévoit que, pendant la période préélectorale, les agences et ministères fédéraux ne doivent pas faire — et il y a des exceptions en cas de problèmes de santé publique ou autre, mais…

Le sénateur McIntyre : Deuxièmement, on dit souvent qu’il est primordial qu’Élections Canada fasse des vérifications, au hasard, des dépenses de publicité électorale des tiers et des contributions qu’ils ont pu utiliser en période électorale. Avez-vous déjà fait de telles vérifications? Avez-vous l’intention d’en faire?

M. Côté : Ce n’est pas techniquement notre rôle de faire ces vérifications. Il y a un groupe à Élections Canada, la Direction du financement politique, qui est responsable de faire les vérifications. Avec les obligations additionnelles qui sont maintenant imposées aux tiers en vertu de ce projet de loi quant au type de rapport qu’ils devront fournir à quelques reprises, les vérificateurs d’Élections Canada vont regarder cela, et lorsqu’ils trouveront des choses qu’ils croient problématiques ou douteuses, ils nous enverront les dossiers afin que nous décidions de faire enquête ou non, selon les circonstances.

Le président : Rapidement, sénateur Carignan.

Le sénateur Carignan : Cela fait une heure que j’attends.

Le président : Je le sais, mais c’est la cloche du Sénat.

Le sénateur Carignan : Je comprends.

Le président : Je ne veux pas que nous soyons en violation du Règlement du Sénat, qui prohibe les séances de comité pendant que le Sénat siège.

Le sénateur Carignan : Un parti politique au Québec — Québec solidaire, pour ne pas le nommer — a incité les étudiants à s’inscrire dans leur ville universitaire afin de concentrer le vote étudiant et d’avoir une influence sur les résultats. La stratégie semble avoir fonctionné dans certaines circonscriptions où Québec solidaire a été élu. Ces victoires ont été attribuées directement à la stratégie d’inscrire les étudiants à l’université, afin d’avoir un poids dans le résultat.

Est-ce que l’organisation d’une activité invitant les étudiants à s’inscrire dans une circonscription plutôt qu’une autre serait une publicité ou une activité partisane?

M. Côté : Peut-être que M. Chénier pourrait préciser les règles pour les étudiants.

M. Chénier : Fondamentalement, le lieu de résidence d’un électeur est un choix. C’est l’endroit que l’électeur considère être sa résidence. Dans bien des cas, les électeurs ont deux résidences, mais c’est l’endroit que l’électeur considère comme sa résidence principale. Quant à un groupe qui encouragerait des étudiants à s’inscrire dans un lieu en particulier afin d’influencer le vote, je crois que oui, ce serait une activité partisane. Ce serait plafonner, en vertu de la loi.

Le sénateur Carignan : Vous dites que vous êtes en discussion avec Facebook et Microsoft. Ils semblent se soumettre à vos directives sur une base volontaire. Avez-vous discuté de la possibilité d’une obligation de coopération en vertu de la loi, afin d’avoir le pouvoir de les soumettre à des pénalités s’ils ne respectent pas vos demandes? À l’heure actuelle, leur coopération est volontaire. S’ils décident de vous envoyer paître, ils peuvent le faire.

M. Côté : Techniquement, ils peuvent le faire, mais, si on garde à l’esprit la controverse entourant le rôle des médias sociaux aux États-Unis, je pense qu’ils sont conscients du rôle qu’ils jouent et du fait que, s’ils refusent de collaborer, cela poserait problème si nous les critiquions publiquement. En tant que commissaire, je n’ai pas le pouvoir d’émettre une directive de collaboration à Microsoft ou à toute autre plateforme.

Toutefois, comme je l’ai dit au sénateur Gold, dans des circonstances particulières, si le projet de loi C-76 est adopté dans sa forme actuelle, je pourrais demander à un juge d’émettre une ordonnance qui forcerait un représentant de Facebook ou de Microsoft de s’asseoir avec nous et de répondre à nos questions sous serment.

Au-delà de cela, les collaborations qu’on a créées avec ces gens et ces plateformes sont fort positives et nous ont été utiles en 2015. J’ai toutes les raisons de croire que, en 2019, cela pourra également nous être utile, mais nous n’avons pas le pouvoir de les astreindre à collaborer avec nous.

Le président : Nous aurons des témoins de Google la semaine prochaine.

[Traduction]

La sénatrice Batters : Dans votre déclaration préliminaire, vous avez dit qu’il serait très complexe de transférer le commissaire aux élections au bureau du directeur général des élections. Vous avez dit que le projet de loi C-76 doit être adopté et entrer en vigueur le plus tôt possible. Le Sénat ne l’a reçu qu’il y a quelques semaines.

De combien de temps ou de mois aurez-vous besoin pour mettre en œuvre votre passage au bureau du directeur général des élections? Ce processus complexe pourrait-il être terminé avant le déclenchement des élections le printemps prochain? Ou votre déménagement ne serait-il possible que si le premier ministre Trudeau déclenchait les élections à l’automne 2019?

M. Côté : Bien sûr, si les élections ont lieu à la date prévue, c’est-à-dire en octobre prochain, je pense que la réintégration au bureau du directeur général des élections serait possible. Vous avez dit que, s’il y avait des élections au printemps, tout dépendrait de la date.

La sénatrice Batters : Combien de mois vous faudra-t-il?

M. Côté : Pour nous, ce n’est pas tant le retour au bureau du DGE. C’est plutôt la mise sur pied du groupe qui sera responsable de la gestion des sanctions administratives pécuniaires.

La sénatrice Batters : Combien de mois? Est-ce que ce sera au printemps ou cela ira-t-il à l’automne?

M. Côté : Nous avons commencé le travail et nous faisons diligence.

La sénatrice Batters : Vous prévoyez être prêt pour le printemps, peut-être?

M. Côté : Nous prévoyons être prêts le plus tôt possible.

[Français]

Le président : Merci, maître Chénier et monsieur Côté, de vous être rendus disponibles. Je retiens une chose de vos réponses aux questions du sénateur Gold, et c’est que c’est très limité dans le cas des interventions qui viennent de puissances étrangères. Vos pouvoirs sont très limités. C’est ce que vous nous avez dit.

Nous allons certainement vouloir regarder de plus près quelles sont les capacités qui devraient être les vôtres et celles du directeur général des élections, de manière à ce qu’on garantisse le déroulement de scrutin sans interférence étrangère. Merci de vous être rendus disponibles. Nous vous tiendrons informé de nos délibérations, maître Côté.

(La séance est levée.)

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