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TRCM - Comité permanent

Transports et communications

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Transports et des communications

Fascicule nº 12 - Témoignages du 8 mars 2017


OTTAWA, le mercredi 8 mars 2017

Le Comité sénatorial permanent des transports et des communications se réunit aujourd'hui, à 18 h 45, pour poursuivre son étude sur les questions techniques et réglementaires liées à l'arrivée des véhicules intelligents.

Le sénateur Dennis Dawson (président) occupe le fauteuil.

[Français]

Le président : Honorables sénateurs, je déclare la séance du Comité des transports et des communications ouverte. Ce soir, le comité poursuit son étude sur les questions techniques et réglementaires liées à l'arrivée des véhicules branchés et automatisés.

[Traduction]

Nous accueillons aujourd'hui quatre représentants de Ressources naturelles Canada. Bienvenue à Paula Vieira, directrice, Division de transports et carburants de remplacement, Office de l'efficacité énergétique; Dean Haslip, directeur général, CanmetÉNERGIE; Marc Wickham, directeur, Programmes en science et technologie énergétiques, Bureau de recherche et développement énergétiques; et Aaron Hoskin, chef par intérim, écoÉNERGIE pour les biocarburants, conseiller principal technique, Office de l'efficacité énergétique.

Si nos témoins veulent bien patienter deux minutes, je crois que le sénateur Dagenais aimerait proposer le sénateur Boisvenu à titre de nouveau membre du comité directeur. Il nous faut un membre supplémentaire, et le sénateur Dagenais semble ressentir le besoin pressant de proposer quelqu'un.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Monsieur le président, effectivement, je vais proposer, comme membre du comité directeur, le sénateur Pierre-Hugues Boisvenu.

Le sénateur Maltais : J'appuie.

Le président : Est-ce qu'il y a des objections? Monsieur Boisvenu, bienvenue au comité directeur.

Chers témoins, je vous souhaite la bienvenue et vous invite à commencer vos présentations. Ensuite, les sénateurs vous poseront des questions.

[Traduction]

Dean Haslip, directeur général, CanmetÉNERGIE, Ressources naturelles Canada : Bonsoir à tous. J'aimerais tout d'abord remercier le comité de nous donner l'occasion de témoigner dans le cadre de son étude sur les questions techniques réglementaires liées à l'arrivée des véhicules branchés et automatisés.

Comme vous le savez, les règlements, les politiques, les normes et les lignes directrices qui régiront l'arrivée des véhicules branchés et automatisés au Canada relèvent des mandats de Transports Canada et d'Innovation, Sciences et Développement économique Canada. Le comité souhaite entendre les représentants de Ressources naturelles Canada parler du travail du ministère relativement aux véhicules électriques, car les véhicules branchés ou automatisés peuvent être électriques.

Le Canada profite de l'un des réseaux électriques produisant le moins de gaz à effet de serre au monde, avec plus de 80 p. 100 de notre électricité qui est générée à partir de sources à émissions nulles. Cela signifie que le fait de favoriser une plus grande électrification des moyens de transport, en misant sur le réseau électrique propre du Canada, peut jouer un rôle important pour nous aider à réduire les émissions de gaz à effet de serre du secteur des transports et contribuer ainsi à l'atteinte des objectifs récemment établis dans le Cadre pancanadien sur la croissance propre et les changements climatiques.

Au cours des dernières années, Ressources naturelles Canada a travaillé en étroite collaboration avec des intervenants du secteur privé, des universitaires et d'autres ministères afin d'élaborer la Feuille de route technologique sur les véhicules électriques qui a été publiée en 2010. En 2016, nous avons appuyé l'élaboration de la Feuille de route sur l'accélération du déploiement des véhicules électriques au Canada (2016-2020). L'analyse menée pour ces feuilles de route semble indiquer que nous devons nous attaquer à un certain nombre d'obstacles pour assurer un plus grand déploiement des véhicules électriques.

Ces obstacles incluent notamment le niveau de préparation du réseau électrique; le coût, la portée et la durabilité des nouvelles technologies de batterie; l'intégration d'une infrastructure de rechargement avec des technologies de réseau intelligent et l'interaction entre les véhicules et le réseau; les codes et les normes des véhicules et des infrastructures ainsi que leur harmonisation avec ceux des États-Unis; le coût différentiel initial entre les véhicules conventionnels et les véhicules électriques; l'accès aux infrastructures de rechargement et leur disponibilité, lorsque nécessaire; les préoccupations des consommateurs au sujet des nouvelles technologies, l'anxiété relative à la distance parcourue, la durée de vie des batteries et la sécurité; et la disponibilité des véhicules pour répondre aux besoins des consommateurs.

Mon ministère a élaboré et mis en œuvre un ensemble complet de programmes et de politiques visant à surmonter ces obstacles. Je parlerai de ceux qui sont liés à l'avancement des technologies. Je demanderai ensuite à ma collègue, Paula Vieira, de vous offrir un aperçu de nos mesures axées sur les consommateurs.

Ma section, CanmetÉNERGIE Ottawa, est un de nos quatre laboratoires nationaux de l'énergie. Notre mission consiste à diriger l'élaboration de solutions scientifiques et technologiques liées à l'énergie, au profit de l'environnement et de l'économie pour les Canadiens. Avec notre laboratoire homologue CanmetMATÉRIAUX de Hamilton, notre programme de recherche-développement sur les moyens de transport englobe les technologies de traitement des émissions, les véhicules légers permettant d'accroître le rendement du carburant et les études sur les véhicules électriques. De plus, nos collègues du Bureau de recherche et de développement énergétiques financent les projets de recherche, de développement...

Le président : Puis-je vous demander de ralentir pour faciliter le travail des interprètes?

M. Haslip : De plus, nos collègues du Bureau de recherche et de développement énergétiques financent les projets de recherche, de développement et d'expérimentation dans ce domaine, en se concentrant actuellement sur la mise à l'essai de l'infrastructure pour les véhicules électriques.

Dans le domaine des véhicules électriques, notre programme de recherche-développement comprend une analyse des répercussions sur les émissions de gaz à effet de serre; des essais sur le terrain des véhicules électriques permettant de déterminer s'ils sont adaptés au climat canadien; et une analyse des répercussions du nombre croissant de véhicules électriques sur notre réseau électrique.

Les constructeurs automobiles proposent de plus en plus d'options pour l'achat d'un véhicule électrique. Nous pouvons voir des offres de véhicules avec une plus grande portée et qui sont également plus abordables, ce qui s'explique en partie par la baisse plus rapide que prévu du prix des batteries. Par conséquent, bien que les prévisions de vente de véhicules électriques soient plutôt incertaines, on peut facilement s'imaginer que dans 10 ans d'ici, les coûts à assumer pour posséder et faire rouler un véhicule électrique seront semblables à ceux à engager pour un véhicule à essence. Si tel est effectivement le cas, les véhicules électriques pourraient représenter en 2027 10 p. 100 des ventes de véhicules neufs et 5 p. 100 des véhicules sur la route.

Mais quelles seraient les répercussions d'un scénario semblable sur notre réseau électrique? Pour répondre à cette question, il est important de souligner que nous sommes confrontés à des contraintes de trois ordres différents.

Il y a d'abord la question de la capacité. Avons-nous une capacité de génération suffisante pour permettre la recharge d'un si grand nombre de véhicules électriques s'ils sont tous branchés au même moment?

Deuxièmement, il y a l'énergie. Si la recharge des véhicules peut être planifiée de sorte que la capacité du réseau ne soit pas un problème, disposons-nous d'une puissance suffisante sur une longue période pour pouvoir recharger autant de véhicules électriques?

Troisièmement, il faut considérer l'infrastructure. Est-ce que l'infrastructure électrique locale, notamment pour ce qui est des transformateurs, a la capacité de fournir l'énergie requise pour ces véhicules?

Nous nous sommes penchés sur cette question lors de nos recherches. Nos tendances actuelles d'utilisation des véhicules électriques démontrent que de 80 p. 100 à 90 p. 100 de la recharge s'effectue la nuit. Nous savons également que la demande en électricité est moins élevée à ce moment-là de la journée. Elle est par exemple plus faible d'environ 20 p. 100 en Ontario et en Colombie-Britannique. Ces données témoignent des possibilités qui s'offrent à nous grâce à l'importante capacité excédentaire disponible la nuit, soit suffisamment d'énergie pour recharger 700 000 véhicules électriques simultanément en Ontario.

Cela signifie que nous pourrions prendre 10 p. 100 des véhicules circulant aujourd'hui en Ontario pour les remplacer par des véhicules électriques en étant certains d'avoir la capacité de génération nécessaire pour les recharger la nuit. De plus, si l'on peut miser sur la recharge intelligente qui établit un horaire adapté à la demande, jusqu'à 2,6 millions de véhicules électriques pourraient être chargés entre minuit et six heures du matin par exemple. Cela pourrait représenter 35 p. 100 des véhicules circulant sur les routes ontariennes.

Ainsi, nous savons que le réseau électrique ontarien possède déjà la capacité et l'énergie nécessaires pour alimenter un apport considérable en nouveaux véhicules électriques. Je rappelle que cette analyse a été effectuée en Ontario. Cela étant dit, la demande en électricité connaît une baisse pendant la nuit dans toutes les provinces, une situation propice à la recharge de véhicules électriques, bien que les chiffres puissent varier d'un endroit à l'autre.

Voilà qui permet certes de croire que nous pourrions absorber un nombre croissant de véhicules électriques. Nos études ont toutefois démontré que le principal obstacle tient à l'infrastructure nécessaire pour la recharge de ces véhicules. Il faudrait peut-être notamment remettre à niveau les transformateurs locaux afin qu'ils puissent alimenter simultanément plusieurs dizaines de véhicules à recharger dans un même quartier.

Par ailleurs, la pénétration du marché par les véhicules électriques et leur adoption par les consommateurs reposeront sur la mise en place d'une infrastructure de recharge fiable et plus efficace à l'extérieur du domicile. Nous nous employons à faire le nécessaire à ce chapitre, de concert avec nos partenaires fédéraux et provinciaux, au moyen de nouvelles initiatives d'investissement dans les infrastructures.

Ressources naturelles Canada continuera de mener et de financer des travaux de recherche afin de trouver des façons de composer avec les trois contraintes que je viens d'exposer. Le budget de 2016 a fourni au ministère un financement de 62,5 millions de dollars sur deux ans pour appuyer la mise à l'essai et le déploiement d'infrastructures de recharge pour les véhicules électriques.

De cette somme, nous avons reçu 46,1 millions de dollars sur deux ans pour financer des projets pilotes visant à faire progresser les technologies de recharge des véhicules électriques. Dans le cadre de ce programme, nous prévoyons notamment financer des projets d'installation de bornes de recharge intelligentes qui permettront aux services publics d'avoir accès aux données nécessaires en vue de déterminer si l'infrastructure locale possède la capacité voulue pour fournir l'électricité nécessaire à la recharge des véhicules et afin d'adapter la quantité d'électricité fournie aux bornes de recharge en fonction du temps d'utilisation.

À titre d'exemple, le gouvernement annonçait le 27 février dernier le versement d'une contribution pouvant atteindre 7 millions de dollars à AddÉnergie aux fins d'un projet pilote de 17 millions de dollars comportant plusieurs volets, y compris la collaboration avec les services publics pour régler les questions d'interopérabilité et de gestion de l'énergie dont nous venons de traiter.

Paula Vieira, directrice, Division de transports et carburants de remplacement, Office de l'efficacité énergétique, Ressources naturelles Canada : À l'Office de l'efficacité énergétique, nous complétons ces activités essentielles de recherche-développement en lançant différentes initiatives destinées à accroître l'achat et l'utilisation de véhicules électriques.

Comme Dean l'a déjà mentionné, Ressources naturelles Canada a reçu dans le cadre du budget de 2016 un financement de 62,5 millions de dollars sur deux ans pour appuyer la mise à l'essai et le déploiement d'infrastructures pour les véhicules électriques et les carburants de remplacement.

Dans le cadre du volet déploiement, nous disposons de 16,4 millions de dollars pour faciliter l'accès aux infrastructures de recharge et de ravitaillement le long des principaux corridors de transport pour les véhicules électriques et ceux qui fonctionnent au gaz naturel et à l'hydrogène. Nous utilisons des technologies disponibles sur le marché pour offrir aux consommateurs l'assurance qu'ils seront en mesure de recharger leur véhicule au moment et à l'endroit où cela deviendra nécessaire.

Un très grand nombre de projets nous ont été soumis en réponse à la demande de propositions que nous avons lancée en mai. Nous avons sélectionné 30 de ces projets dont le financement permettra l'installation dans 6 provinces de 80 bornes de recharge rapide de niveau 3 pour les véhicules électriques, de 9 postes de ravitaillement en gaz naturel et de 3 postes de ravitaillement en hydrogène. Nous surpasserons ainsi les objectifs de départ du programme pour toutes les sources d'énergie.

Les sept premiers projets ont été annoncés en décembre pour la construction de 25 bornes de recharge rapide en Ontario par AddÉnergie.

[Français]

En établissant de nouvelles infrastructures, nous permettons aux Canadiens de choisir plus facilement des options propres et nous plaçons les systèmes de transport du Canada sur le chemin menant à un avenir à plus faibles émissions de carbone. Ce point est important, parce que les carburants et les technologies que nous choisissons aujourd'hui détermineront la diversité des technologies qui seront présentes sur les routes du Canada en 2030.

[Traduction]

Comme c'est le cas pour toute nouvelle technologie, les consommateurs doivent avoir la conviction que les véhicules électriques sont en mesure de répondre à leurs besoins quotidiens. Ils doivent avoir accès à l'information pouvant les aider à comprendre les différentes technologies de propulsion électrique des véhicules et à faire un choix éclairé au moment de l'achat. Pour ceux qui décident que leur prochain véhicule sera électrique, l'expérience d'achat et de conduite devra être similaire à celle dont ils ont l'habitude avec les véhicules conventionnels. C'est un élément primordial pour qu'une technologie de pointe puisse être déployée à grande échelle.

Soucieux de répondre à ces préoccupations et aux autres questions pouvant se poser, le ministère s'emploie à élaborer et à mettre activement à la disposition des consommateurs canadiens une trousse de documents et d'outils de sensibilisation visant à les aider dans leurs décisions pour l'achat d'un véhicule. Outre l'apport déjà bien senti du fameux Guide de consommation de carburant, de l'étiquette ÉnerGuide pour les véhicules et des programmes de formation pour la conduite énergétique comme Le bon $ens au volant, le budget de 2016 prévoyait 2 millions de dollars par année en financement continu pour l'expansion des initiatives de sensibilisation des consommateurs, avec une attention particulière sur les véhicules à émissions nulles.

De concert avec le ministère de l'Énergie des États-Unis, nous travaillons actuellement à l'établissement d'une carte de localisation des bornes de recharge pour véhicules électriques et des postes de ravitaillement en carburants de remplacement. Nous concevons des applications personnalisées qui peuvent recommander à chaque conducteur des options pour l'achat d'un véhicule à faibles émissions de carbone en fonction de son comportement de conduite. Nous avons aussi entrepris une série d'initiatives d'innovation sociale qui permettent notamment d'analyser le processus d'achat d'un véhicule par un consommateur et de récompenser les comportements de conduite écoénergétiques.

Parmi les principaux piliers de la stratégie des transports dans le Cadre pancanadien sur la croissance propre et les changements climatiques, notons l'engagement pris par les gouvernements de collaborer avec l'industrie aux fins de l'élaboration d'une stratégie nationale sur les véhicules à émissions nulles. Cette initiative est gérée conjointement par Transports Canada et Innovation, Sciences et Développement économique Canada. Ressources naturelles Canada contribuera activement à l'élaboration de la stratégie et à la mise en œuvre des principales mesures.

Enfin, pour revenir au déploiement de véhicules branchés et automatisés, il se passera probablement plus d'une décennie avant que des véhicules réellement automatisés — ceux qui sont capables de voyager de manière indépendante pour la totalité des déplacements — soient offerts au Canadien moyen. Dans l'intervalle, les technologies propres pour les véhicules continueront de s'améliorer de façon marquée.

Il est difficile de prédire la façon dont les technologies électriques, branchées et automatisées convergeront à long terme, mais les bases jetées par Ressources naturelles Canada pour préparer le Canada aux véhicules électriques contribueront à faire en sorte qu'il deviendra possible pour les constructeurs d'offrir des véhicules branchés et automatisés alimentés de la façon la plus propre possible.

Merci de nous avoir invités à vous présenter nos observations. Nous répondrons avec plaisir à vos questions.

Le président : Merci beaucoup. Permettez-moi d'abord de vous présenter les sénateurs qui sont des nôtres aujourd'hui. Le sénateur Greene est de Halifax, en Nouvelle-Écosse; la sénatrice Griffin est de l'Île-du-Prince-Édouard; la sénatrice Bovey est du Manitoba; le sénateur Mercer est de la Nouvelle-Écosse.

[Français]

La sénatrice Galvez et les sénateurs Dagenais, Maltais et Boisvenu, du Québec, se joignent également à nous. Je cède la parole au vice-président, le sénateur MacDonald, qui sera suivi par les sénateurs Boisvenu et Mercer.

[Traduction]

Le sénateur MacDonald : Merci de votre présence aujourd'hui. Vous nous avez parlé d'un budget de 62,5 millions de dollars, mais pouvez-vous nous dire si vous avez évalué la demande pour des services semblables? Avez-vous des chiffres à nous donner quant à l'ampleur de la demande et au degré d'utilisation des bornes qui existent actuellement dans les différentes régions du pays?

Mme Vieira : Je peux vous parler du déploiement des technologies prêtes pour la commercialisation, après quoi Dean pourra vous dire un mot des projets pilotes.

Ce programme doté d'un budget d'environ 16 millions de dollars a été conçu à la lumière de ce que nous connaissons du déploiement actuel des véhicules électriques et des véhicules lourds qui fonctionnent au gaz naturel, ainsi que du déploiement à venir des véhicules à hydrogène.

Il faut absolument souligner qu'il s'agissait d'abord et avant tout d'abattre un obstacle important. En effet, les consommateurs soutenaient que l'absence d'une infrastructure suffisante les empêchait d'acheter des véhicules semblables. S'il y avait par exemple davantage de postes de ravitaillement en gaz naturel, les entreprises pourraient plus facilement convertir leur flotte pour utiliser ce carburant de remplacement.

C'est un peu la question de l'œuf ou la poule. Il demeure toutefois important de cartographier le tout pour savoir ce qui existe actuellement de manière à placer les nouvelles installations dans les corridors où ces véhicules circulent. Il faut toutefois s'assurer également de faire savoir aux consommateurs et aux propriétaires de flottes commerciales que les infrastructures nécessaires sont en place pour qu'ils puissent acheter ces véhicules et se convertir aux carburants de remplacement. Il faut faire ces deux choses à la fois.

Il faut effectivement placer ces installations là même où les véhicules se déplacent en plus grand nombre, comme dans le corridor Québec-Windsor. Nous savons combien de véhicules circulent sur nos routes. Nous devons aussi parallèlement à cela faire connaître les intentions du gouvernement quant au déploiement futur de ces infrastructures de telle sorte que les gens puissent savoir qu'ils pourront continuer à se déplacer comme ils le font actuellement avec leur véhicule conventionnel.

Le sénateur MacDonald : Savez-vous dans quelle mesure les installations actuellement accessibles au pays sont utilisées? Quel est leur degré d'utilisation? Quelle est la demande?

Mme Vieira : Je n'ai pas de chiffres à vous donner sur l'utilisation des différentes installations, mais nous pourrions certes vous les transmettre ultérieurement. Le programme que nous venons de lancer cette année prévoit notamment la présentation de rapports sur l'utilisation. Nous nous attendons bien évidemment à une augmentation. Il existe déjà de nombreuses stations privées auprès desquelles nous pouvons obtenir des données que nous pourrons volontiers vous transmettre.

Le sénateur MacDonald : Je pense que cela pourrait nous être utile.

Mme Vieira : Vous pouvez compter là-dessus.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Tout d'abord, j'aimerais vous féliciter. Nous avons reçu deux représentants importants du ministère des Transports, et j'ai comme l'impression que les rôles sont inversés. J'admire votre leadership, et je tiens à vous le souligner, car, lorsque nous avons entendu vos collègues du ministère des Transports, nous nous demandions où le Canada s'en allait dans ce dossier. Mais je vous ai écouté et je suis rassuré. Bravo! Votre présentation est très bonne et nous apprenons qu'il y a des initiatives, ce qui est important.

J'aimerais revenir à deux aspects de votre présentation. Premièrement, en ce qui concerne le temps, quelle est la période de temps qu'utiliseront les citoyens pour décider s'ils devraient s'acheter une voiture électrique dès maintenant ou plutôt une voiture conventionnelle qui fonctionne à l'essence et qui durera encore quelques années?

Ma deuxième question concerne les coûts liés au changement des infrastructures, qui seront énormes. Je pense à l'époque où nous sommes passés du cheval à la voiture à essence. En effet, il a fallu prévoir des routes, des feux de circulation, ainsi que des policiers responsables de la circulation. Peut-on imaginer quels seront les coûts pour la société en ce qui concerne la transition des véhicules pilotés vers les véhicules autonomes? Faites-vous des scénarios à ce chapitre? Qui paiera les détecteurs de mouvement des voitures sur les autoroutes? Est-ce que ce sera l'État? Lorsque nous aménagerons toutes les stations-service à essence en stations de recharge électrique, laisserons-nous ces initiatives au secteur privé?

Dans les deux cas, vous présentez des scénarios afin d'informer les citoyens sur les choix à faire en termes d'achats et afin de renseigner les municipalités sur ce qu'elles doivent prévoir en termes de coûts dans le cadre de cette transformation.

[Traduction]

Mme Vieira : Vous posez plusieurs questions à la fois, et il s'agit certes de considérations de la plus haute importance.

Pour ce qui est du temps, il y a un constat que nous devons obligatoirement faire. S'il a fallu 100 ans pour en arriver au système de transport dont nous pouvons bénéficier aujourd'hui, nous ne pourrons pas attendre un autre siècle pour passer à un nouveau système répondant à la nécessité de réduire nos émissions de carbone. Nous n'atteindrons jamais les objectifs que nous nous sommes fixés dans la lutte contre les changements climatiques si nous mettons encore 100 ans pour réinventer notre système de transport.

Il est vrai que tous les ordres de gouvernement s'emploient activement, de concert avec le secteur privé et les autres intervenants clés, à trouver les moyens d'adapter notre système de transport à cette nouvelle réalité écoénergétique. C'est un engagement que nous avons pris dans le contexte du cadre pancanadien. Une stratégie a été élaborée à cet effet, et tous les gouvernements s'activent pour y donner suite.

Pour ce qui est des investissements dans les infrastructures, il est important de noter que c'est d'abord et avant tout à leur domicile que les gens vont recharger leur véhicule électrique. C'est aussi l'infrastructure la moins coûteuse qui soit. Il vous en coûtera moins de 1 000 $ pour installer un chargeur de niveau 1 qui vous permettra de recharger votre véhicule pendant la nuit. Vous pourrez ainsi repartir le lendemain avec une batterie rechargée à pleine capacité. À votre retour à la maison, vous disposerez encore d'une certaine capacité, et vous pourrez procéder à une nouvelle recharge complète pendant la nuit.

Si l'on veut toutefois que l'expérience de conduite soit la même qu'avec les véhicules conventionnels, il faudra effectivement offrir l'accès à des bornes de recharge publiques. Le deuxième endroit le plus utilisé pour la recharge est le lieu de travail. Nous pouvons voir de nombreuses entreprises privées faire le nécessaire à ce niveau.

Il y a effectivement des programmes gouvernementaux qui offrent un soutien aux précurseurs. Il faut investir dans des installations de recharge électrique sur les lieux de travail et à proximité des entreprises, des centres commerciaux, des bibliothèques et des banques. Les restaurants figurent aussi parmi les endroits privilégiés. Nous commençons à voir ces infrastructures apparaître.

Est-ce qu'il y aura une borne de recharge à tous les coins de rue? Non, parce que cela n'est pas nécessaire. C'est un modèle différent. On n'a pas besoin d'une recharge à toutes les intersections. Nous devrons repenser notre façon de faire les choses en sachant que c'est principalement à la maison que les gens vont recharger leur véhicule.

Y a-t-il un coût pour la société? Faut-il consentir des investissements considérables? Tout à fait. Mais ce sont des investissements partagés. C'est d'ailleurs comme cela que les choses se sont faites par le passé alors que les gouvernements et le secteur privé ont investi conjointement pour nous donner les infrastructures que nous connaissons actuellement. Nous allons procéder de la même manière, mais il ne faut surtout pas croire que nous allons simplement reproduire ce qui existe aujourd'hui. Ce n'est pas le cas. C'est un modèle très différent.

[Français]

Marc Wickham, directeur, Programmes en science et technologie énergétiques, Bureau de recherche et développement énergétiques, Ressources naturelles Canada : Dans les projets de démonstration que nous finançons, les entrepreneurs développent de nouveaux modèles d'affaires. Dans l'annonce que nous avons faite la semaine dernière avec AddÉnergie, il est mentionné que le soutien permettra à la firme de :

[...] poursuivre le développement d'un nouveau modèle d'affaires innovant qui permettra aux Canadiens et aux entreprises d'accéder à des services de recharge sous forme d'abonnement mensuel [...]

Différents modèles d'affaires seront testés et les modèles gagnants vont rester. Des économies seront engendrées par le changement de carburant, car le fait de passer du diesel ou de l'essence à l'électricité, c'est beaucoup moins cher. Ce sont donc des facteurs qui entreront en ligne de compte dans le cadre des démonstrations et du déploiement de l'infrastructure.

Le sénateur Boisvenu : Nous serons bientôt confrontés à différents choix de transport individuel. Il y aura les voitures électriques, où le développement est relativement lent au niveau de l'autonomie, et il y aura une contrainte en termes de distance. Dans le cas où je partais d'ici pour aller en Abitibi ou dans l'Ouest canadien, j'aurais un problème quant à la distance à parcourir.

Il y a également la voiture à émission zéro qui aura un moteur plus performant et qui, potentiellement, consommera des éléments polluants. Dans les deux cas, dans quelle direction l'industrie et le Canada se dirigent-ils? Soit l'émission zéro ou la voiture électrique? Quelles seront les orientations prises par l'industrie et les consommateurs?

[Traduction]

Mme Vieira : Je vais tenir pour acquis que lorsque vous demandez où se dirige l'industrie, vous parlez de l'industrie automobile.

Il est important de noter que la réglementation sur les véhicules légers est l'un des principaux facteurs qui influencent les décisions de l'industrie automobile en matière d'investissements et de choix de types de véhicule. La réglementation de la phase 2 est plus rigoureuse d'une année à l'autre. D'ici 2025, ces véhicules seront 50 p. 100 plus efficients que ceux d'aujourd'hui.

Cela dit, afin de satisfaire ces exigences réglementaires, les fabricants automobiles doivent choisir une suite de technologies pour les véhicules qu'ils entendent offrir. Cela signifie qu'un pourcentage des véhicules offerts devront être des véhicules électriques ou des véhicules à essence ou à hydrogène beaucoup plus efficients. Les fabricants devront choisir une suite de technologies pour satisfaire à la réglementation toujours plus rigoureuse. C'est vraiment cette réglementation qui dicte les choix de l'industrie quant aux technologies utilisées.

Il revient à Ressources naturelles Canada de s'assurer que les consommateurs sont prêts et qu'ils comprennent le choix de véhicule et les technologies utilisées, non seulement les avantages économiques, mais aussi les avantages environnementaux de ces véhicules. Pour ce faire, nous devons faire des choix stratégiques et mettre sur pied des programmes pour faire en sorte que ces nouveaux véhicules ressemblent à ceux d'aujourd'hui.

N'oublions pas que la réglementation d'aujourd'hui évoluera d'ici 2025 et que c'est elle qui dictera les choix technologiques sur le marché. Il nous revient à nous et à l'industrie automobile de nous assurer que les consommateurs sont prêts à recevoir ces technologies et l'infrastructure qui les accompagnent, et que les codes et normes sont établis et que le marché est prêt à les accepter.

Le sénateur Mercer : Dans votre exposé, vous avez dit que 30 projets ont été sélectionnés et que, une fois pleinement complétés, ceux-ci se traduiront en l'installation de 80 bornes de recharge rapide pour les véhicules électriques, de neuf bornes de ravitaillement en gaz naturel et de trois bornes de ravitaillement en hydrogène. Ne me dites pas que toutes ces bornes seront installées le long des autoroutes 40 et 20 au Québec et le long de l'autoroute 401 en Ontario.

Mme Vieira : Non. C'est une très bonne question. Ils seront installés dans six provinces : quelques-unes dans le Canada atlantique et d'autres en Ontario, au Québec et en Colombie-Britannique.

Il est important de noter qu'il s'agit d'un programme de deux ans. Le secteur privé a réalisé une analyse de rentabilisation que nous ont présentée les gouvernements. Évidemment, les bornes allaient être installées là où il y a déjà des véhicules qui en ont besoin. Donc, il fallait s'attendre à ce que les meilleures analyses de rentabilisation proviennent des trois provinces les plus actives en matière de carburant de remplacement. C'est la raison pour laquelle le Québec, l'Ontario et la Colombie-Britannique ont été choisis. Mais, d'autres provinces souhaitaient avoir des bornes et ont présenté de bonnes analyses de rentabilisation. C'est pourquoi certaines bornes seront installées dans le Canada atlantique et en Alberta.

Le sénateur Mercer : Je vois ma collègue du Manitoba qui prend rapidement des notes. La première fois que j'ai conduit un véhicule utilisant un carburant de remplacement, c'était à Winnipeg. À l'époque, l'accessibilité était très problématique.

J'aimerais revenir au réseau électrique au Canada. Le réseau est-il suffisamment intégré et branché pour soutenir la consommation supplémentaire si 10 à 20 p. 100 des véhicules au pays sont électriques? Il doit y avoir un accès à l'électricité.

La deuxième partie de ma question est la suivante : la technologie évolue-t-elle assez rapidement pour que la recharge rapide soit possible? Faire le plein d'essence prend 10 ou 15 minutes; ma brosse à dents électrique met des heures à recharger.

Mme Vieira : Je vais répondre à la deuxième partie de votre question où vous faites référence à votre brosse à dents et je laisserai mon collègue vous répondre concernant le réseau électrique.

Avec les bornes de niveau 3, la recharge prend environ 20 minutes. En réalité, il faut en moyenne 5 minutes pour faire le plein d'essence, alors nous n'en sommes pas encore là. La recharge prend plus de temps, mais l'amélioration de ce temps de recharge est l'un des éléments auxquels le secteur privé et mes collègues travaillent. Nous cherchons à accroître la capacité des batteries pour réduire la fréquence de recharge.

Donc, même si vous êtes en route pour Toronto et que vous devez vous arrêter 20 minutes pour recharger votre batterie, prendre un café et vous soulager, c'est raisonnable; vous pouvez parcourir de plus longues distances en rechargeant votre batterie peut-être une seule fois. Cela est possible avec les bornes de niveau 3 et, dans le cadre de notre programme, nous n'installons que des bornes de niveau 3.

M. Haslip : Il est certainement important de réduire le temps de recharge, mais, à mon avis, il est plus important d'accroître l'autonomie des véhicules de façon à ce que vous ayez à vous arrêter seulement une fois, et non quatre fois, lors de longs voyages. Quatre arrêts de 20 minutes, c'est long, mais un arrêt de 20 minutes, ce n'est pas si mal.

Concernant votre première question sur la capacité du réseau électrique, selon notre analyse, le réseau électrique dans plusieurs provinces — nous n'avons pas terminé notre analyse de toutes les provinces, donc nous pouvons seulement vous parler de la situation dans les provinces que nous avons examinées — est prêt à accueillir une pénétration importante de véhicules électriques.

Je crois qu'il en a été question plus tôt, mais nous savons que le taux de pénétration des véhicules électriques est stable. Les ventes de véhicules électriques n'augmenteront pas soudainement de 50 p. 100. Donc, nous croyons que le réseau électrique est déjà prêt à accueillir une augmentation considérable du nombre de véhicules électriques. Selon les modèles de croissance prévus, les services publics de partout au pays devraient pouvoir s'ajuster facilement à l'augmentation progressive du nombre de véhicules électriques branchés sur le réseau.

Le sénateur Mercer : Nous sommes quatre sénateurs du Canada atlantique autour de cette table. Certaines régions du Canada atlantique n'ont pas un accès complet au réseau électrique. L'électricité n'est pas facilement accessible. Comment corriger la situation? Que recommande le ministère ou le gouvernement pour corriger la situation?

M. Haslip : Faites-vous référence à l'infrastructure de recharge?

Le sénateur Mercer : Oui. Le réseau doit pouvoir alimenter ces bornes de recharge. Le réseau n'est pas totalement intégré. Par exemple, en Nouvelle-Écosse, ma province ainsi que celle du sénateur MacDonald et du sénateur Greene, la production d'électricité est quelque peu douteuse en raison de notre recours aux combustibles fossiles. Nous n'avons pas de projets hydroélectriques ou de centrales nucléaires.

M. Wickham : RNCan travaille à quelques projets de démonstration et de R-D. Selon nous, le problème se trouve en périphérie et autour des édifices et des centres-villes. Nous travaillons à l'élaboration de réseaux intelligents et à régler les problèmes en périphérie, dans les communautés ou dans les centres-villes. Nous travaillons avec les services publics et les entreprises et offrons un soutien financier afin d'aider au développement de nouveaux équipements pour gérer la demande.

Nous effectuons également des études sur la consommation des véhicules électriques, où les gens habitent, quand ils rechargent leurs véhicules et où ils vont, afin d'aider les services publics à mieux prévoir la demande. C'est donc une combinaison de nouvelles choses : des systèmes de gestion du réseau et de la demande, et une aide aux services publics afin qu'ils puissent s'ajuster aux nouveaux modèles de distribution.

La sénatrice Bovey : Nous parlerons du Manitoba dans un instant.

Je me suis intéressée au rapport publié en 2008 par Industrie Canada intitulé Feuille de route technologique du Canada sur les véhicules électriques. Je crois qu'il s'agit d'un rapport plutôt détaillé. Dans ce rapport, on prévoit qu'il y aura 500 000 véhicules électriques en circulation au Canada d'ici 2018, soit l'an prochain. Ai-je raison de dire qu'il y en a actuellement environ 30 000 sur nos routes?

J'aimerais savoir pourquoi cette feuille de route détaillée et celle à laquelle vous travaillez sont si différentes. Pourquoi la situation d'aujourd'hui est-elle si différente? Quel est l'impact sur vos prévisions quant aux ventes de ces véhicules dans 10 ans? J'aimerais connaître le fondement factuel de ces prévisions et savoir ce qui a entraîné ce ralentissement.

Aaron Hoskin, chef par intérim, écoÉNERGIE pour les biocarburants, conseiller principal technique, Office de l'efficacité énergétique, Ressources naturelles Canada : J'aimerais préciser que c'est Ressources naturelles Canada qui a publié cette feuille de route en 2008.

La sénatrice Bovey : Ah, c'est bien.

M. Hoskin : J'ai participé à ce groupe de travail.

À l'époque, il n'y avait pas beaucoup de VE sur le marché. Il n'y avait aucun véhicule électrique fabriqué en usine par un FEO au Canada. Beaucoup d'hypothèses ont été formulées. Il s'agissait d'une feuille de route technologique et non d'une feuille de route pour le déploiement. Ce rapport se voulait utopique. De quoi avons-nous besoin sur le plan technologique pour atteindre l'objectif des 500 000 véhicules?

De toute évidence, la technologie n'est pas suffisamment avancée. En 2008, les prévisions de l'UE, des États-Unis ou même du Japon étaient sensiblement les mêmes que les nôtres et aucun pays n'a atteint cet objectif. C'est la raison pour laquelle il y a eu un rajustement en 2016 en fonction du marché actuel et des ventes de véhicules. Un nombre considérable de véhicules électriques a été introduit sur le marché entre 2008 et 2016. C'est la raison pour laquelle ils sont de plus en plus présents et que les consommateurs se tournent vers ce segment du marché.

La sénatrice Bovey : Si j'invite tous mes collègues à venir me voir au Manitoba, ils ne pourront pas se rendre avec leurs véhicules électriques. J'ai vécu quelques années en Colombie-Britannique et, à l'époque, nous voulions acheter un véhicule hybride. Puis, nous sommes déménagés de nouveau au Manitoba. Je dois dire que je suis heureuse de ne pas avoir acheté un véhicule hybride, car le nombre de bornes de recharges dans la capitale manitobaine n'a rien de comparable à ce que l'on retrouve dans la capitale de la Colombie-Britannique.

Il est question d'offrir un accès égal à l'échelle du pays. Je suis consciente que des essais ont lieu dans certaines régions, mais qu'arrivera-t-il dans les régions où les ventes de véhicules électriques sont languissantes et où les citoyens continuent d'utiliser des voitures à essence? Qu'arrivera-t-il si ces gens veulent visiter leurs amis dans des régions où l'électricité est plus utilisée pour les véhicules? Verra-t-on une grande chimère comme lors de la révolution industrielle avec l'avènement du charbon? J'aimerais avoir des prévisions basées sur des réalités historiques.

Mme Vieira : C'est une très bonne question, surtout si l'on pense à la demande. L'une de nos premières questions concernait la demande et nous nous sommes demandé si le fait de répartir notre infrastructure en fonction de la demande nous permettrait de satisfaire à la demande actuelle. Je crois que c'est un peu des deux. Nous voulons également envoyer un message aux consommateurs et leur dire que, même si l'infrastructure n'est pas très présente dans leur région, ils peuvent tout de même se procurer un véhicule électrique en ayant l'esprit tranquille.

Parlons de l'investissement annoncé dans le Budget 2016. Il est très important de noter qu'il s'agit d'un investissement sur deux ans, soit les deux premières années du Programme de l'infrastructure écologique, un programme de 10 ans. Nous le saurons dans quelques semaines, mais nous nous attendons à une deuxième phase d'investissements en infrastructure.

Ces investissements peuvent se faire par l'entremise d'ententes bilatérales avec les provinces qui ont reçu des fonds à des fins d'infrastructure et qui pourraient investir ces fonds si elles jugent qu'il s'agit d'un projet prioritaire. Mais, pour répondre à votre question, le gouvernement fédéral a encore un rôle important à jouer. Il doit s'assurer que personne n'est laissé pour compte, que toutes les provinces disposent de l'infrastructure nécessaire pour permettre aux propriétaires de véhicules électriques de se rendre d'un océan à l'autre en empruntant les principales autoroutes du pays et les routes tributaires de ces autoroutes.

Nous avons clairement dit aux décideurs qu'il faudrait transférer des fonds aux provinces pour leur permettre d'investir dans cette infrastructure si elles jugent qu'il s'agit d'une priorité sur leur territoire et nous espérons qu'elles seront nombreuses à investir dans cette infrastructure. Mais, le gouvernement fédéral doit s'assurer que cette infrastructure s'étend d'un océan à l'autre pour qu'aucune province et aucune région ne soit laissée pour compte.

Le président : Je n'ai que la version anglaise du document auquel la sénatrice Bovey fait référence, mais notre analyste a trouvé la version française. Nous enverrons le lien à tous les membres du comité. Vous pourrez donc l'imprimer dans la langue de votre choix. C'est un document volumineux et nous voulions nous assurer de l'avoir dans les deux langues officielles.

[Français]

La sénatrice Galvez : Je suis très contente de vous avoir entendus; c'est vraiment très rafraîchissant et très motivant. En 2005, lorsque j'ai acheté mon premier véhicule hybride, de modèle Prius, je crois bien que j'étais la première et la seule à me promener dans la ville de Québec avec un véhicule hybride.

[Traduction]

Je l'ai toujours. L'odomètre affiche 300 000 kilomètres, et je n'ai nullement l'intention de me débarrasser de cette voiture.

J'ai acheté ce véhicule, car je me suis dit que la transition des voitures à essence aux voitures électriques allait prendre beaucoup plus de temps. Depuis mon arrivée au Sénat — je ne suis ici que depuis un mois —, j'entends dire qu'il est difficile d'atteindre cette cible. Le gouvernement dit que c'est difficile, mais d'autres nous disent que c'est possible. Peut-être est-ce un problème générationnel, je l'ignore. Lorsqu'on est jeune ou que l'on a des enfants, on pense à l'avenir.

Vos propos me réjouissent. Nous avons visité vos installations de R-D, à Varennes, avec le Comité de l'environnement. Nous avons vu ces énormes batteries qui sont chargées puis déchargées en l'espace de 15 minutes. C'était incroyable. Tout cela me réjouit.

J'aurais deux questions à vous poser. Peut-on aider le transport en commun? Les gens sont très enthousiasmés à l'idée de se rendre rapidement d'un endroit à l'autre sans avoir à conduire, mais si nous souhaitons être synergiques et contribuer à la lutte contre les changements climatiques, nous devons penser au transport en commun. Que fait-on à cet égard?

M. Wickham : Je vous remercie de votre question.

Dans notre programme de démonstration pour le budget de 2016, nous avons demandé des propositions dans le domaine des transports en commun, pour les autobus électriques. Nous n'avons pas encore annoncé de projets, mais nos discussions avec les sociétés de transport en commun et les municipalités nous donnent l'espoir de le faire bientôt. Ces annonces nous serviraient de tremplin pour l'avenir si nous recevions du financement supplémentaire.

Jusqu'ici, nous avons surtout discuté de véhicules de promenade, mais nos démonstrations portent sur des camions, des véhicules commerciaux et des autobus électriques.

La sénatrice Galvez : Ce qui m'amène à la deuxième partie de ma question. En quoi pouvons-nous vous être utiles? Les municipalités détiennent la clé. Il s'agit de les convaincre pour le transport en commun et le génie civil ainsi que pour les codes du bâtiment. Vous avez parlé de la nécessité d'infrastructures. Nous savons que la capacité existe. Il faut les infrastructures. Que pouvons-nous faire, nous, les sénateurs, pour vous aider à réaliser plus vite vos projets?

Mme Vieira : Je ne m'attendais pas à cette question. Habituellement, on nous demande ce qu'on peut faire de plus. C'est une question fascinante. Quel peut être le rôle du Sénat? Il est sûr que votre étude qui réunit tous les témoignages est une réalisation importante d'analyses étayées et de réflexion approfondie. Nous avons hâte de lire le rapport. En soi, c'est important, parce que ça pose la question au grand public. De plus, grâce à votre appui et aux conclusions et recommandations de votre étude, le gouvernement devra à son tour examiner les autres politiques et programmes à envisager pour faciliter un plus grand déploiement.

Je vous suis vraiment reconnaissante de votre question sur le transport en commun, parce que le problème ne se limite pas au seul transport dans son véhicule personnel. La réduction des émissions de carbone oblige en partie à sortir le conducteur de sa voiture, à lui faire adopter les transports en commun, que nous devons rendre plus efficaces.

Les transports en commun peuvent être électrifiés. L'hydrogène peut être mis à contribution. Nous sommes les chefs de file de la technologie de l'hydrogène, ici même, au Canada et les chefs de file de la production d'hydrogène et de la technologie de l'hydrogène pour les transports en commun. Nous la vendons dans le monde entier. Nous devons l'adopter à une plus grande échelle ici même au Canada et adopter le gaz naturel pour les véhicules utilitaires lourds et les autobus.

Beaucoup d'options s'offrent au transport en commun, et nous devons toutes les examiner, non pas choisir de solutions gagnantes mais toutes les examiner, parce que les possibilités sont immenses. Nous devons aussi prendre l'initiative au Canada, parce que beaucoup de ces entreprises sont canadiennes.

[Français]

Le président : Je suis de la région de Québec, comme la sénatrice Galvez.

[Traduction]

Dans le Vieux-Québec, on a expérimenté un autobus pour touristes, en raison de l'étroitesse des rues et dans le souci de protéger l'environnement et de limiter les émanations. Il circulait dans le Vieux-Québec où, je le dis pour ceux qui n'ont jamais visité Québec, les côtes sont nombreuses. Pour les gravir et aider le chauffeur, les passagers devaient en descendre et pousser le véhicule. Le succès a été mitigé. L'expérience s'est révélée difficile.

Mme Vieira : Ça partait de bonnes intentions.

Le président : Ce n'était pas si pire. Ça fait du bon exercice, mais ça ne fait pas de bonne publicité pour les véhicules.

Mme Vieira : L'intention était louable, et la technologie continue d'évoluer.

La sénatrice Griffin : Je vous remercie d'être ici. Je suis bien heureuse de vous entendre parler des véhicules qui roulent déjà sur nos routes, qui étaient à la fine pointe de la technologie il y a quelques années, et de leurs améliorations.

Bien sûr, notre comité a les yeux tournés vers l'avenir, vers les véhicules connectés et automatisés. Je tiens à poser une question sur la réglementation. Quels principaux enjeux réglementaires des véhicules connectés et automatisés le gouvernement du Canada devra-t-il saisir?

Mme Vieira : D'abord, certainement, les plus fondamentaux, ceux qui retiennent l'attention de nos collègues de Transports Canada et du MISDE, le ministère de l'Innovation, des Sciences et du Développement économique, c'est-à- dire les problèmes de sécurité. Toute une gamme de règlements porte sur bien d'autres choses que ce dont doit être muni le véhicule traditionnel de promenade. Peu importe s'il roule à l'électricité ou à l'essence. Comme les véhicules pourront communiquer entre eux et avec le système et qu'ils seront automatisés au niveau 5, c'est-à-dire capables de se conduire eux-mêmes et exigeant un niveau inédit de sécurité, ce devra être la priorité sur le plan réglementaire.

Pour nos collègues du MISDE, le spectre, c'est-à-dire la stabilité du spectre réservé aux communications de ces véhicules et la disponibilité des canaux de communication vont revêtir une importance incroyable. Si, vraiment, ces véhicules dépendent des communications et sont automatisés, qu'arrivera-t-il en cas de problème de télécommunication? Peut-on seulement l'imaginer? Il faut s'y préparer aujourd'hui.

De plus, il faut tenir compte des codes et des normes ordinaires qui viseraient la recharge et le plein d'un véhicule. De même, les véhicules connectés et autonomes se rangeront dans la catégorie des véhicules actuellement assujettis aux règlements en vigueur sur les véhicules légers. Ils feront partie de l'offre de la série de véhicules proposée par les fabricants. Ils seront donc assujettis à ces règlements. D'après moi, ce sont certainement les enjeux prioritaires.

M. Haslip : J'aurais répondu la même chose. Mon premier souci est la sécurité. L'arrivée des véhicules autonomes sur la route change complètement la donne dans le transport et les questions qui se posent dans ce domaine. Sans aucun doute, ce sera le premier sujet de préoccupation.

La sénatrice Griffin : Voilà qui me permet de mieux apprécier votre rôle fédéral. À un autre niveau, il y aura les provinces, qui, bien sûr accordent les permis de véhicule. Elles aussi devront peut-être modifier certains règlements. J'ignore si vous avez pu, par hasard, en discuter avec elles.

M. Haslip : Comme nous l'avons fait remarquer au début de notre déclaration préliminaire, le mandat de Ressources naturelles Canada n'englobe pas les véhicules autonomes en soi. Malgré nos rapports assidus avec les provinces, dont Paula a parlé en partie, relativement aux carburants de rechange, électricité, gaz naturel ou autre, nous ne discutons pas avec elles de questions touchant les véhicules autonomes ou connectés.

Mme Vieira : Revenons aux mandats et au fait que, en ce moment même, le travail prioritaire est déterminé par Transports Canada et le MISDE. Dès que ces véhicules se répandront dans le public, il y aura, c'est visible maintenant, déploiement à grande échelle, des technologies prêtes pour la commercialisation et des répercussions sur l'utilisation de l'énergie. Nous adopterons alors un rôle beaucoup plus important. Tout comme pour le déploiement de tout autre véhicule, c'est là que nous possédons vraiment les compétences dans l'élaboration des politiques et des programmes convenables pour appuyer le déploiement à grande échelle d'une technologie prête pour la commercialisation. Je pense que, dans un proche avenir, Ressources naturelles Canada commencera à jouer un rôle beaucoup plus important. Mais, comme Dean le dit, nous n'amorcerions pas actuellement le dialogue avec les provinces sur cette question.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Dans un premier temps, les gouvernements font beaucoup la promotion de l'énergie verte et de l'utilisation de l'électricité, mais sur la Colline du Parlement, il n'y a aucune borne de recharge et il y a seulement quelques limousines hybrides. Il y a longtemps que je suis allé à l'Assemblée nationale du Québec, donc je ne sais pas s'il y a des bornes de recharge, mais ce serait un bon exemple d'en avoir au Parlement et à l'Assemblée nationale afin de promouvoir l'énergie verte.

Je veux vous parler des véhicules automatisés. Quand j'ai eu ma première voiture, il y avait une clé. On ouvrait la fenêtre, on allumait la radio, et tout fonctionnait. Aujourd'hui, il y a tellement de boutons dans les véhicules que j'en ai peur. Je n'utilise que les trois ou quatre premiers boutons de peur d'ouvrir le toit, le coffre ou je ne sais quoi. Je vous le dis, c'est épeurant!

Une chose que je trouve très encourageante, c'est que les gens vivent de plus en plus vieux, et les gens d'un certain âge auront besoin de véhicules automatisés. Je crois que c'est une bonne nouvelle. Vous arrivez à un âge vénérable où l'on vous retire votre permis de conduire pour une quelconque raison. Imaginez que vous programmez votre véhicule et qu'il vous mène où vous voulez. C'est la plus belle chose qui puisse vous arriver.

Votre industrie a-t-elle prévu de former les gens? Que votre véhicule soit électrique ou automatisé, le vendeur ne se donne qu'une heure avant que vous partiez avec votre véhicule. La technologie évolue rapidement. Il y a quelques années, personne n'avait d'iPad, mais, aujourd'hui, nous les utilisons pour travailler et nous comprenons comment ils fonctionnent. C'est une bonne chose, mais, si je pars avec un véhicule automatisé et qu'il m'arrive quelque chose, un événement imprévu, qu'est-ce que je vais faire?

Est-ce que l'industrie a prévu de mettre l'accent sur la formation des gens pour les aider à apprendre à utiliser ces véhicules? On l'espère, car nous vivons de plus en plus vieux et nous allons tous vouloir conduire sans permis et sans lunettes, parce notre véhicule pourra nous mener où nous voulons aller.

Le sénateur Maltais : Portez-vous un dentier?

Le sénateur Dagenais : Je ne porte pas de dentier, mais j'ai du mordant!

[Traduction]

Le sénateur Mercer : Rappelez-moi votre âge.

Le sénateur Dagenais : J'ai 67 ans, mon ami.

Le président : Voulez-vous répondre?

Mme Vieira : Sur l'avantage pour les personnes âgées, absolument. Les personnes n'ayant jamais conduit de véhicule, qui ne savent pas conduire, qui dépassent un certain âge pourront, pas maintenant mais dans l'avenir, se déplacer de façon beaucoup plus indépendante.

L'autre avantage et intérêt des véhicules automatisés et connectés est que, comme nos véhicules sont stationnés environ 96 p. 100 du temps dans une voie d'accès privée la nuit ou dans une place de stationnement au travail et ainsi de suite, on pourrait les utiliser tout le temps, 24 heures sur 24. Ils peuvent vous transporter quelque part et vous aussi ailleurs, puis ils peuvent vous ramener chez vous. Ils pourraient transporter des passagers toute la journée. Nous serons moins nombreux à avoir besoin de véhicules. Que nous soyons vieux ou que nous n'ayons jamais conduit ou que nous soyons jeunes et que nous n'ayons tout simplement pas besoin de posséder une voiture, nous pouvons, beaucoup d'entre nous, nous partager ces véhicules parce qu'ils peuvent être employés en tout temps, d'où un gain important d'efficacité, de grands avantages.

La formation, excellente remarque. Il s'en donne pour les véhicules électriques. Les vendeurs, effectivement, peuvent accorder une heure au client. Ce n'est pas assez. Dans l'élaboration des programmes, nous nous occupons en partie de collaborer avec eux pour nous assurer de leur bonne formation et de la transmission de l'acquis de cette formation.

L'autre domaine d'excellence de Ressources naturelles Canada est la formation de réputation mondiale qu'il donne sur le comportement des conducteurs. Depuis des années nous enseignons la conduite efficace. Cette formation s'étend aux nouveaux véhicules, à leur meilleure conduite, que ce soit un véhicule autonome, connecté, électrique ou à l'hydrogène. Tous ces types présentent des difficultés inédites et se prêtent à un nouvel apprentissage.

Voilà le domaine d'excellence de Ressources naturelles Canada. Pendant des années, nous avons produit des cours de formation pour les conducteurs et différentes applications pour leur faire adopter une conduite plus efficace, c'est-à- dire plus économe d'essence. C'est pour nous un prolongement de ce que nous ferons pour ces véhicules.

Il importe aussi que, au point de vente, on soit bien préparé et bien formé, parce que les vendeurs peuvent appuyer la décision d'achat. S'ils sont bien informés et bien formés, cela peut favoriser la vente. C'est donc un aspect très important à prendre en considération et, effectivement, un aspect auquel nous nous intéressons beaucoup.

Le sénateur Dagenais : Merci beaucoup.

[Français]

Le sénateur Maltais : L'énergie verte, c'est l'idéal pour l'avenir. Il y a une énergie qui m'intéresse plus particulièrement, et c'est celle des taxes. Vous savez que sur un litre d'essence, les gouvernements vont en chercher une très grosse partie en taxe. Si on élimine l'essence, bien sûr, on pourra taxer l'électricité. Les gouvernements ne vivent pas sans taxes, il ne faut pas se conter de chansons, et ça vaut pour tous les ordres de gouvernement.

À l'heure actuelle, le gouvernement fédéral remet une partie de la taxe sur l'essence aux municipalités pour financer les infrastructures, routières ou autres. Les municipalités vont continuer à en avoir besoin, elles vont avoir besoin des revenus tirés des taxes. Est-ce que, si on coupe l'essence, on devra taxer l'électricité? Si on taxe l'électricité, il va falloir en produire plus, et le sénateur Mercer a effleuré le sujet tantôt. La moitié des producteurs d'électricité au Canada sont au mazout ou au charbon. Le nucléaire est rendu à la fin de son temps et on devra le remplacer.

Ce qu'on va économiser en émissions de carbone avec les voitures électriques, va-t-on le perdre en produisant de l'électricité au mazout ou au charbon? Est-ce que votre étude a permis d'analyser cet aspect?

[Traduction]

M. Haslip : Voilà deux questions intéressantes.

Je ne crois pas que nous ayons étudié la question particulière des taxes sur l'essence. L'arrivée des véhicules électriques se fera graduellement. Tout comme les recettes des taxes sur l'essence fluctuent d'une année à l'autre, le versement de ces taxes aux autres gouvernements par le gouvernement fédéral fluctuera. Je pense que les gouvernements s'adapteront avec le temps, en fonction de la variation des ventes d'essence dans notre pays.

Sur ce que vous avez dit sur les réseaux d'électricité et les réseaux provinciaux ainsi que les différences qui existent entre eux, j'ai été tenté d'y réagir, mais Paula a si bien répondu au reste de la question que je m'en suis abstenu. Je voulais faire remarquer qu'il est franchement indéniable que des provinces comme la Colombie-Britannique, le Manitoba, le Québec et Terre-Neuve possèdent des réseaux extrêmement propres et que le remplacement, aujourd'hui, d'un véhicule sur la route par un véhicule électrique élimine la contribution du secteur aux gaz à effet de serre à très près de 100 p. 100. D'autres provinces comme l'Ontario produisent de l'électricité à partir de combustibles fossiles, et le réseau est encore propre. Mais je dirais que dans aucune province ou territoire du Canada le remplacement d'un véhicule classique à moteur à essence par un véhicule électrique n'empirerait la situation.

Même dans une province où on utilise beaucoup de charbon comme l'Alberta ou la Saskatchewan, le remplacement d'un véhicule à moteur à combustion interne par un véhicule électrique est, au pis aller, carboneutre et il pourrait entraîner des réductions des émissions de gaz à effet de serre, selon les hypothèses de votre modèle. Si on se fie aux signaux, par exemple, de l'Alberta sur la réduction progressive des émissions des centrales à charbon, aux mesures prises en Saskatchewan pour le captage du carbone des centrales à charbon et à l'insistance accrue du Nouveau- Brunswick et de la Nouvelle-Écosse pour augmenter la part des énergies renouvelables dans leur réseau, les tendances montrent très bien les avantages procurés par les véhicules électriques à tout le pays. C'est certain.

[Français]

Le sénateur Maltais : Vous ne parlez pas de l'Ontario. Vous avez parlé des autres provinces, mais pas de l'Ontario.

[Traduction]

M. Haslip : Je pense en avoir parlé.

Le sénateur Maltais : Non.

M. Haslip : En Ontario, le réseau électrique est assez propre. Je n'ai pas tous les chiffres à ma portée.

Mme Vieira : Il y aurait réduction de la moyenne canadienne. Le remplacement d'un véhicule classique par un véhicule électrique situerait, en moyenne, le secteur canadien de l'électricité à 80 et celui de l'Ontario à 45. Donc, d'après la source de l'électricité et le mode de production et leur combinaison en Ontario, on est encore à une réduction de 45. La moyenne nationale est de 80, parce que des provinces comme la Colombie-Britannique et le Québec se situent quelque part entre 80 à 98 p. 100 de réduction des émissions grâce au remplacement de ce véhicule par un véhicule électrique. En Ontario, on reste à 45. Pour confirmer ce que disait Dean, l'effet ne sera négatif dans aucune province.

M. Haslip : J'allais proposer de vérifier ce chiffre, parce que ce n'est pas celui que j'ai. Pour l'Ontario, j'ai 91.

Mme Vieira : Je suis désolée, nos chiffres sont de 58 à 70. Je suis désolée. Toutes mes excuses.

[Français]

Le sénateur Maltais : Je vous parlais du renouvellement des centrales au charbon, à l'énergie nucléaire ou au mazout, en Ontario, parce qu'il n'y a pas beaucoup de barrages. Si on a une augmentation du volume en électricité, il faut produire plus d'énergie.

Le sénateur Boisvenu : Ou bien, le Québec peut vendre de l'électricité à l'Ontario.

Le sénateur Maltais : Attendez un peu, les Américains y ont pensé avant vous. Je veux savoir comment cela va se passer en Ontario pour le renouvellement de l'énergie.

[Traduction]

M. Haslip : Je pense qu'une question détaillée sur la façon dont l'Ontario répondra à ses questions d'électricité déborde le mandat de notre ministère. Il faut poser la question à la province.

Mais, comme je l'ai fait remarquer, l'arrivée des véhicules électriques, même en grand nombre, ne perturbera pas le système énergétique. Les exemples précis que j'ai cités dans ma déclaration préliminaire concernaient l'Ontario. L'Ontario peut déjà s'adapter à l'arrivée d'un grand nombre de véhicules électriques, vu que de 80 à 90 p. 100 de leur recharge se fait la nuit. Comme je crois l'avoir dit dans ma déclaration préliminaire, même si la croissance du parc de véhicules électriques devient importante, les augmentations annuelles de la demande d'énergie seront telles que nous estimons que les producteurs d'électricité de la province pourront s'y adapter.

Le sénateur Greene : Revenons à la série entamée de questions. Vous avez dit « carboneutre ». Je soupçonne que la Nouvelle-Écosse est peut-être une province carboneutre à cet égard ou pis encore.

M. Haslip : Elle est près de l'être.

Le sénateur Greene : Dans ce cas, d'accord. Donc s'il est vrai qu'elle est carboneutre et vrai aussi que nous voulons tous réduire notre empreinte carbone, quelle est l'incitation pour cette province d'investir ou d'aider à rendre cette technologie disponible?

Mme Vieira : Je pense que l'une des leçons apprises grâce à notre dialogue par l'entremise du cadre pancanadien est que toutes les provinces et tous les territoires sont déterminés à appuyer le Canada à atteindre ses objectifs climatiques. Toutes les provinces constatent, dans certains cas, la nécessité de transformations majeures de leurs sources d'électricité et de leurs approvisionnements en électricité. Il faut des investissements majeurs dans les infrastructures. On mettra en place des régimes de tarification du carbone et toute une série d'instruments. Mais absolument aucune province n'estimait ne pas pouvoir en faire plus et ne pas pouvoir appuyer le Canada dans l'atteinte de ses objectifs climatiques.

Est-ce que les options et les mesures mises en place seront les mêmes partout? Non, il n'y a pas de formule magique. Il n'y a pas de solution passe-partout. Mais même dans les provinces atlantiques, nous avons observé une réelle volonté de proposer de multiples solutions. Le gouvernement favorise cela par d'immenses transferts en infrastructure aux provinces et des milliards de dollars dans le budget de 2016 pour faciliter la transition.

Le sénateur Greene : Je suis certain que la Nouvelle-Écosse, comme toute autre province, serait prête à faire sa part, mais je me demande quel serait pour elle l'incitatif économique à le faire si cela ne change en rien l'empreinte carbone de la province?

M. Hoskin : Nous avons parlé des véhicules électriques en particulier, mais l'autre élément de l'électrification du transport, c'est l'hydrogène. L'utilisation de l'hydrogène permettra aux ressources renouvelables de pénétrer le réseau. Je sais que la Nouvelle-Écosse investit un peu ou peut-être plus qu'un peu dans des ressources renouvelables comme l'éolien. Grâce à l'électrification, l'hydrogène peut être utilisé comme source maîtrisable, de sorte que quand le vent souffle si fort que l'offre excède la demande, on peut utiliser toute cette électricité supplémentaire pour générer de l'hydrogène, qui sera conservé dans le véhicule et pourra servir à l'alimenter plus tard. Bref, l'incitatif pour des provinces comme la Nouvelle-Écosse serait d'appuyer d'autres solutions, d'autres formes d'électrification, pour rendre son réseau encore plus vert grâce à une charge maîtrisable tout en aidant le Canada à se donner de nouvelles options en matière de transport.

M. Haslip : Je dirais une autre chose, et c'est qu'on constate selon les tendances d'achat de véhicules électriques qu'il faudra du temps pour y arriver. Donc même si cela ne procure pas vraiment d'avantages concrets aujourd'hui, ou très peu, l'important c'est que dans 10 ans, quand les taux de pénétration seront beaucoup plus élevés, on se sera rapproché du but.

Je ne voudrais surtout pas m'en prendre à la Nouvelle-Écosse, mais je crois qu'il y a beaucoup d'exemples de son appui à des projets maritimes dans la baie de Fundy. Notre centre de recherche travaille avec Nova Scotia Power à un projet de coalimentation à la biomasse dans certaines de ses usines. Il y a beaucoup de projets menés en Nouvelle- Écosse actuellement pour verdir son réseau, qui l'aideront plus tard.

Le sénateur Greene : Avez-vous fait la modélisation économique de l'incidence de tout cela sur les consommateurs, par exemple sur la famille typique de quatre personnes, avec deux voitures, afin qu'elle puisse alimenter deux voitures, la nuit comme sur la route, afin de comparer sa consommation selon un modèle d'électrification à ce qu'elle consomme et paie en combustibles fossiles? Avez-vous fait des comparaisons du genre?

M. Haslip : Parlez-vous d'une comparaison de coûts, en tant que telle?

Le sénateur Greene : Oui.

M. Haslip : Nous n'avons pas fait d'analyse très détaillée qui tiendrait compte des différences de prix. Le prix de l'électricité varie d'une province à l'autre aujourd'hui. Il faut également tenir compte des autres coûts qui pourraient survenir. Je pense qu'aujourd'hui, le véhicule électrique est une option plus économique pour certaines personnes. L'un des ingénieurs de mon centre de recherche possède un véhicule électrique. Il m'a montré ses tableaux. Pour lui, il en coûte moins cher de posséder un véhicule électrique en Ontario aujourd'hui, mais cela se fonde sur certaines prémisses qui ne correspondraient peut-être pas à la situation de l'automobiliste moyen.

C'est un autre élément important, les gens ne font pas tous la même utilisation de leur véhicule. Ils vivent à des distances différentes de leur travail, et une personne peut être du genre à louer un véhicule trois ans, puis à changer, tandis qu'une autre le gardera le plus longtemps possible. Il y a toutes sortes de situations différentes qui entrent en ligne de compte.

Nous pouvons dire à la lumière de la chute importante du prix des technologies des batteries, qu'il y a deux effets à cela. Les véhicules pourront parcourir une plus grande distance, et les coûts diminueront. À moyen terme, nous pouvons nous attendre à ce que les coûts des véhicules à essence soient similaires aux coûts des véhicules électriques pour une grande partie de la population.

Le sénateur Greene : C'est bien. Cela dit, je vous invite à faire un peu de modélisation économique, et si vous le faites, nous aimerions bien en voir les résultats.

[Français]

La sénatrice Galvez : J'aimerais terminer en parlant de deux choses, y compris la technologie.

[Traduction]

La technologie semble être la clé du succès. Quelle serait la plus grande difficulté à l'heure actuelle, d'après vous? Combien de temps nous faudra-t-il pour pouvoir passer à la prochaine étape?

Et une dernière petite question par ricochet : vous avez dit qu'il nous faudrait de nouveaux règlements et de nouvelles politiques. Pouvez-vous être plus précis et nous dire de quels genres de nouveaux règlements ou de nouvelles lois vous auriez besoin pour faire votre travail?

M. Haslip : Pour que ce soit bien clair, parlons-nous bien des véhicules électriques, ici?

La sénatrice Galvez : Oui, nous parlons des véhicules électriques.

M. Haslip : Très bien. Je vous dirais que le plus grand défi est la technologie des batteries. L'une des principales préoccupations des consommateurs qui souhaiteraient acquérir un véhicule et l'un des plus grands obstacles à l'offre commerciale de véhicules électriques, c'est la distance parcourue avec une charge. Celle-ci dépend de la technologie de la batterie. Beaucoup de gens estiment aujourd'hui que si leur voiture ne peut parcourir que 50 kilomètres, ce n'est pas un véhicule adapté à leurs besoins. Ce pourrait convenir aux courts déplacements urbains. Si une personne n'utilise sa voiture que pour se rendre au travail et en revenir, qu'elle fait 10 kilomètres aller et retour, c'est bon, mais ce n'est pas la situation de tout le monde.

Mais comme je viens de le mentionner, la technologie des batteries évolue. Quand on regarde ce qui se fait dans le monde, en 2017, on voit qu'il n'y a pas que le problème des batteries des véhicules électriques, qu'il y a toutes sortes d'autres problèmes. Les sources intermittentes d'énergie renouvelable nécessitent bien souvent de nouveaux modèles de gestion de la demande, et le stockage en est un aspect important. Les technologies des batteries dépendent de toutes sortes de facteurs, comme l'ordinateur, le véhicule électrique lui-même et le réseau de distribution. Les grands acteurs de l'industrie qui ont accès à de vastes budgets de recherche travaillent très fort à trouver des solutions à cela. Espérons que nous nous approchons du point de bascule.

Bien sûr, il y a d'autres obstacles, dont nous avons parlé en début de séance, mais si vous vous demandez quelle est la principale difficulté technologique, je dirais que c'est celle-là.

M. Wickham : Il y a aussi l'infrastructure de recharge elle-même, qui évolue. Il y a la rapidité de l'infrastructure de recharge, son intégration. Il y a beaucoup d'endroits où l'on souhaiterait avoir accès à un poste de recharge, donc le réseau doit être développé en fonction des différents besoins. Nous sommes actuellement en train de le développer.

Mme Viera : Pour ce qui est des politiques qu'il nous faudrait, je ne parlerais pas nécessairement de règlement, puisque nous ne sommes pas vraiment un organisme de réglementation. Cela dit, nous pourrions bénéficier de politiques et de programmes qui favoriseraient un plus grand déploiement, notamment en ce qui concerne les batteries. N'oubliez pas une chose que j'ai déjà dite, c'est-à-dire que la clé du succès de toute nouvelle technologie est de la rendre similaire, voire meilleure, qu'une autre technologie à laquelle les gens sont habitués. La batterie en est un bon exemple. Il n'y a pas que la distance parcourue, la capacité d'aller plus loin et la recharge qui comptent, il y a aussi la batterie elle-même.

Il ne faut pas oublier que pour ces véhicules, on ne peut pas se précipiter au Canadian Tire et payer 200 $ pour remplacer sa batterie. C'est un investissement de 8 000 $, et cela fait peur. Si la batterie de votre véhicule tombe à plat et qu'elle ne se recharge plus, vous n'allez qu'à aller au Canadian Tire et à dépenser 200 $ pour la remplacer. Ce n'est pas la même chose.

Pour aplanir cet obstacle, nous devons mettre des politiques en place, comme des garanties ou des programmes d'assurance qui absorberaient au moins une partie des coûts de remplacement de la batterie selon une entente avec le fabricant ou offrir des garanties plus étendues sur ces produits — puisque ce sera la pièce qu'il coûtera le plus cher de remplacer — pour que les consommateurs aient confiance de pouvoir acheter ce type de véhicule.

Il y a aussi la question de la revente. Cette technologie est encore toute nouvelle. Tout le monde sait qu'il peut taper autoHEBDO.net pour connaître la valeur de son véhicule. On est habitué à la Camry et à la Honda Civic. Tout le monde connaît la valeur de revente de ce genre de véhicules. Pour les véhicules électriques, ce n'est pas la même chose, c'est difficile. C'est encore nouveau, c'est de l'inconnu.

Cela vient changer le modèle de la propriété. J'ai l'habitude d'acheter un véhicule que je remplace tous les cinq ans et que je vends sur autoHEBDO. Je ne sais pas ce qui se passera quand j'achèterai un véhicule électrique. Je ne sais pas qui pourra me l'acheter et combien il vaudra quand tout le monde saura qu'il faudra probablement remplacer la batterie. Il y a quelques enjeux communs de protection du consommateur qu'il reste à régler.

Il y a aussi le problème de l'expérience. Il faut convaincre les gens que le véhicule électrique peut vraiment répondre à leurs besoins parce que la plupart d'entre nous ne parcourons pas 400 kilomètres par jour. Il faut veiller à ce que le test de conduite ne se limite pas à une heure, il faut que les gens comprennent vraiment leurs propres habitudes de conduite et le fait que ces véhicules constituent des options viables pour eux. Il faut des programmes afin d'aider les consommateurs à surmonter ces barrières à l'acquisition.

La sénatrice Galvez : Merci.

Le président : Merci beaucoup. Comme l'un des objectifs de ces séances et de leur télédiffusion, c'est d'éduquer les Canadiens et de les informer, je joins ma voix à celle du sénateur Boisvenu pour vous remercier de nous avoir confirmés que notre gouvernement semble bien à jour sur cette question. Les Canadiens apprécient le témoignage fantastique que vous nous avez présenté ce soir, et je vous en remercie.

Je souhaite mentionner à mes collègues qu'après la relâche, nous entendrons des représentants du Commissariat à la protection de la vie privée du Canada.

La séance est levée.

(La séance est levée.)

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