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APPA - Comité permanent

Peuples autochtones

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Peuples autochtones

Fascicule 4 - Témoignages du 25 février 2014


OTTAWA, le mardi 25 février 2014

Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones, saisi du projet de loi C-16, Loi portant mise en vigueur de l'accord sur la gouvernance de la Nation des Dakota de Sioux Valley et modifiant certaines lois en conséquence, se réunit aujourd'hui, à 9 h 34, pour étudier le projet de loi.

Le sénateur Dennis Glen Patterson (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bonjour. Je tiens à souhaiter la bienvenue à mes collègues et aux personnes qui suivent cette séance du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones, qu'elles soient ici, ou qu'elles nous écoutent sur CPAC ou Internet. Je suis Dennis Patterson, président du comité, et je suis du Nunavut. Le mandat du comité est d'examiner les lois et les questions relatives aux peuples autochtones du Canada. Nous commençons ce matin l'examen du projet de loi C-16, Loi portant mise en œuvre de l'accord sur la gouvernance de la Nation des Dakota de Sioux Valley et modifiant certaines lois en conséquence.

Nous recevons ce matin deux groupes de témoins, qui représentent la Nation des Dakota de Sioux Valley et le ministère des Affaires autochtones et du Développement du Nord.

Avant d'entendre les déclarations des témoins, je demanderais à mes collègues de se présenter à tour de rôle, en commençant par notre vice-présidente.

La sénatrice Dyck : Je suis Lillian Dyck, de la Saskatchewan.

Le sénateur Watt : Je suis Charlie Watt, du Nunavik.

La sénatrice Cordy : Je suis Jane Cordy, de la Nouvelle-Écosse.

La sénatrice Lovelace Nicholas : Je suis la sénatrice Lovelace Nicholas, du Nouveau-Brunswick.

Le sénateur Sibbeston : Je suis Nick Sibbeston, des Territoires du Nord-Ouest.

Le sénateur Meredith : Je suis le sénateur Don Meredith, de l'Ontario.

La sénatrice Raine : Je suis la sénatrice Nancy Greene Raine, de la Colombie-Britannique.

Le sénateur Wallace : Je suis le sénateur John Wallace, du Nouveau-Brunswick.

La sénatrice Beyak : Je suis la sénatrice Lynn Beyak, du nord-ouest de l'Ontario.

Le sénateur Ngo : Je suis le sénateur Ngo, de l'Ontario.

Le président : Merci. Chers collègues, accueillons tous ensemble nos témoins. Nous recevons le chef Vincent Tacan et Bruce Slusar, avocat tribal, de la Nation des Dakota de Sioux Valley. Nous accueillons des représentants du ministère des Affaires autochtones et du Développement du Nord. Stephen Peltz, négociateur principal pour les Négociations du centre. Bienvenue, monsieur Peltz. Nous avons aussi M. Blake McLaughlin, directeur principal, Négociations — Centre, et Lee Webber, conseiller juridique.

Nous avons hâte d'entendre vos exposés qui seront suivis par les questions des sénateurs. Nous vous écouterons les uns à la suite des autres en commençant par la Nation des Dakota de Sioux Valley. Vous avez la parole.

Vincent Tacan, chef, Nation des Dakota de Sioux Valley : Bonjour. Merci pour cette occasion de vous parler. La Nation des Dakota de Sioux Valley a commencé le processus vers l'autonomie gouvernementale en 1988. L'idée de l'autonomie gouvernementale nous a été présentée par feu notre ex-chef Robert Bone. Au départ, la communauté ne savait trop quoi penser de l'autonomie gouvernementale, mais au fil des années, nous avons adopté cette idée, vu que c'était quelque chose que voulait la communauté.

Ensuite, l'accord de négociation de l'autonomie gouvernementale pour la Nation des Dakota de Sioux Valley a été signé en 1991. En 1992, la province du Manitoba s'est jointe aux négociations, et un accord tripartite a été signé avec elle aussi.

Depuis, les chefs et conseils qui se sont succédé ont toujours appuyé l'initiative de négociation de l'autonomie gouvernementale.

Une entente de principe globale a été conclue en 2001. La négociation de l'accord provisoire pour Sioux Valley a commencé en janvier 2005. Avec notre négociateur, M. Bruce Slusar, nous avons consulté la communauté et nos aînés pour rédiger un accord final qui a été signé en juin 2011 et qui est l'issue des négociations de ces textes.

Nous avons présenté ces textes à la Nation des Dakota de Sioux Valley pour une période de consultation et d'information de quatre mois. Nous nous sommes tournés vers nos aînés pour qu'ils nous guident et assurent la communication avec les membres de la communauté. La participation des jeunes a été essentielle dans l'adoption de l'accord, ce qui montre qu'ils veulent des changements positifs pour la communauté. Après cette période de discussion, les membres de la Nation des Dakota de Sioux Valley ont voté en très grande majorité pour les accords.

Ces accords nous permettaient de ne plus être régis par la Loi sur les Indiens. Pour la Nation de Sioux Valley, c'était important, étant donné notre expérience, et c'était le moyen d'obtenir l'autonomie gouvernementale.

Historiquement, nous étions des producteurs agricoles indépendants et prospères. Dans mon enfance, on m'a raconté comment notre communauté était prospère et à l'aise. Mais à un moment donné, cela a changé. C'était à la fin du XIXe siècle. On nous appelait alors la Réserve Dakota de Oak River.

Nos aînés nous ont raconté ce qui a été confirmé depuis, soit qu'au fil des ans, les agents des Indiens ont imposé avec succès des politiques ministérielles et un système de permis avec lequel toutes nos activités étaient contrôlées. Je me souviens encore d'histoires selon lesquelles nous étions sous la férule de l'agent des Indiens et qu'il était très difficile de faire quoi que ce soit. De nos jours, il est difficile en écoutant ces histoires de comprendre comment les choses ont pu en venir là. Il fallait demander la permission pour quitter la communauté, pour vendre les céréales que nous produisions. En outre, on n'avait pas toujours le meilleur prix pour nos produits. À cette époque, tout ne se faisait pas en faveur de la communauté.

Les politiques ministérielles empêchaient les gens d'acheter du meilleur matériel, de gérer leurs propres affaires financières, notamment la vente et l'achat de matériel, d'obtenir du crédit pour l'achat de matériel, de bétail et de tout ce qu'il fallait pour améliorer leur situation.

Aujourd'hui, en tant qu'agriculteur et éleveur, je comprends l'effet dévastateur que cela pouvait avoir. Quand je me suis lancé en agriculture, il restait encore des vestiges de la Loi sur les Indiens. Il me fallait employer un bon pour acheter du matériel, par exemple. Ce n'est pas ainsi pour les autres, quand ils font des affaires. On n'avait pas de pouvoir de négociation. Je peux comprendre certaines difficultés qu'avaient nos agriculteurs alors qu'ils essayaient de se construire un avenir.

Ces politiques, assorties de l'expérience désastreuse des pensionnats ont contribué à la dysfonction et au manque d'harmonie de notre communauté, un problème que nous essayons encore de surmonter aujourd'hui.

En octobre 1898, trois de nos dirigeants sont allés à Ottawa pour rencontrer le ministre des Affaires indiennes, afin de discuter du système des permis et des difficultés découlant des restrictions de la Loi sur les Indiens. C'est dans ce même esprit d'engagement politique que nous voulons changer des choses, que nous déployons des efforts pour obtenir l'autonomie gouvernementale.

Notre communauté travaille beaucoup pour améliorer les choses en santé, en éducation, pour changer la situation sociale de nos familles, pour renforcer notre sensibilisation à notre langue et à notre culture et pour bâtir une économie robuste qui permettra l'autonomie et qui sera avantageuse pour notre communauté.

On peut bien comprendre la situation actuelle quand on connaît l'histoire des Dakota depuis l'époque des contacts avec les gens venus d'ailleurs jusqu'à la création des terres des réserves, la fondation de nos entreprises agricoles, et avant l'imposition du système de permis de la Loi sur les Indiens. On comprend alors pourquoi les accords d'autonomie gouvernementale sont si importants pour l'avenir de la Nation des Dakota de Sioux Valley.

Je suis chef depuis quatre ans. J'ai vu combien il est difficile de travailler dans le cadre de la Loi sur les Indiens. L'eau potable est toujours une préoccupation pour notre communauté. L'année dernière, j'ai présenté des demandes de financement pour l'achat de camions-citernes afin de transporter l'eau. Quand il faut attendre huit mois pour obtenir les ressources nécessaires à l'achat de biens essentiels, les choses sont bien pénibles pour les membres de notre communauté, qui ont du mal à saisir pourquoi il en est ainsi, à comprendre les difficultés que doivent surmonter nos leaders pour que les choses fonctionnent et que nous ayons de l'eau potable.

Ce n'est qu'un exemple des difficultés que nous éprouvons à améliorer la vie de notre communauté, dans la réserve.

Avec la reconnaissance et l'adoption des accords de gouvernance, nous aurons toutes sortes de possibilités. On reconnaîtra le gouvernement de la Nation des Dakota de Sioux Valley. On pourra améliorer et renforcer notre relation avec le Canada et le Manitoba, pour que nous avancions ensemble, d'égal à égal. On gérera la Nation des Dakota de Sioux Valley en légiférant dans 50 domaines de compétence importants, comme le font les gouvernements fédéral et provincial. On donnera à notre nation une constitution et le pouvoir d'adopter des lois faites par nous, pour notre territoire. On pourra organiser notre nation sans obtenir de permission du ministère et de ses ministres.

J'ai eu l'occasion, en voyage, de rencontrer, mais pas trop souvent, d'autres chefs. Ils se plaignent qu'il est trop difficile d'obtenir le consentement ou la permission pour des projets qui, aux yeux des chefs, semblent être valables pour leur communauté. C'est ce qu'ils me répètent souvent. En gagnant de l'expérience comme chef de ma communauté, je vois de plus en plus combien il faut échapper à la Loi sur les Indiens pour que nous puissions faire ce qui nous semble bon pour nous.

L'entrée en vigueur de l'accord nous permettra aussi de gérer nos finances et de rendre des comptes aux membres de la bande de notre nation. Pour nous, c'est l'une des choses les plus importantes, surtout dernièrement, comme communauté qui s'apprête à devenir autonome. Nous reconnaissons que nous devons gérer nos finances de manière responsable afin que les membres de notre communauté en tirent le plus d'avantages possible.

Ces accords tablent sur les relations historiques entre la Nation des Dakota de Sioux Valley et la Couronne britannique, maintenant représentée par Sa Majesté du chef du Canada. Ils jetteront les bases d'une relation renouvelée de nation à nation, qui reconnaîtra notre rôle de nation dakota autonome et qui nous permettra d'aller de l'avant dans un esprit de collaboration avec les gouvernements du Canada et du Manitoba.

Chose importante, les accords de gouvernance permettent aussi à notre nation de continuer ses revendications territoriales pour corriger les torts subis en raison des politiques ministérielles et des représentants ministériels du passé. Nous avons entamé une revendication relative à ces questions, et grâce à de vaillants efforts et à un bon dialogue, nous avons pu conclure un protocole d'entente avec le Canada aux fins de discussion d'un processus menant à une réconciliation durable avec la Couronne. Ces discussions commencent immédiatement.

Ces accords de gouvernance sont une étape importante vers l'élaboration, la création et le maintien d'une réconciliation durable.

Les accords donnent aussi la possibilité de poursuivre des négociations, d'élargir les pouvoirs de légiférer, de conclure d'autres accords qui renforceront notre relation avec le Canada et le Manitoba, de régler les litiges éventuels et de renforcer l'économie de notre nation afin de soutenir nos efforts dans le domaine de l'éducation, de la formation, de l'emploi et de la santé de nos membres, maintenant et pour l'avenir.

Tout récemment, nous avons eu des inondations, en 2011, et ce fut une période difficile. On dirait qu'à chaque fois que je suis choisi comme chef, il y a une inondation ou autre chose qui affecte notre communauté. Heureusement, j'avais un peu d'expérience, puisque j'avais été auparavant conseiller.

Ce que j'ai trouvé troublant, en cette occasion, c'est que je n'avais aucun pouvoir. Pour toutes les catastrophes nationales, le pouvoir relève de la province. Je suis allé récemment à une rencontre avec les personnes responsables des interventions en cas de catastrophe naturelle. On m'a dit que les chefs et les conseils des communautés ne sont pas reconnus. On reconnaît le ministère, puisque le ministère est responsable en cas de catastrophe naturelle.

Nous n'avions donc vraiment pas notre mot à dire. Avec ces accords, je pense que nous serons mieux en mesure d'intervenir de manière opportune en cas de problème. Nous espérons qu'il n'y aura pas de tels problèmes, mais s'il en survient, nous serons mieux en mesure d'agir. Nous avons eu donc des expériences différentes, non seulement dans nos relations avec le fédéral, mais aussi avec la province.

Par ailleurs, nous n'arrivons pas à attirer des investissements de l'extérieur. Avant nos séances d'information, lorsque nous rencontrions les membres de notre communauté, je suis tombé sur quelqu'un qui cherchait des travailleurs qualifiés pour un troisième quart de travail dans son usine, où l'on fait des réservoirs pour le secteur des hydrocarbures. Il voulait des travailleurs pour un quart de nuit.

Il n'y a pas suffisamment de logements autour de son usine, qui est aussi assez loin de notre communauté. J'ai offert l'utilisation d'un immeuble et des budgets de formation pour subventionner l'embauche de travailleurs qualifiés qui pourraient prendre ce troisième quart de travail. Je lui ai aussi dit que le logement n'était pas un problème. Nous avions les gens qu'il faut ici, des gens qualifiés. Je n'ai pas réussi à l'attirer dans ma communauté, pour créer ce troisième quart de travail au sein de son entreprise.

Ce n'est pas facile. Personne ne dit ouvertement : « Il n'y a pas de stabilité dans vos réserves à cause des lois, des politiques, des baux, et cetera », mais je savais que c'était là les raisons pour lesquelles il n'était pas attiré.

C'est une expérience. Mais jusqu'ici, je ne peux pas dire qu'on se bouscule à la porte de ma communauté pour mettre sur pied des entreprises dans ma Première Nation. Il est très difficile d'attirer des investisseurs.

Nous faisons bon accueil à ces accords de gouvernance qui nous ouvrent des possibilités. Nous espérons qu'ils nous permettront de créer et de renforcer la Nation des Dakota de Sioux Valley qui correspondra à la vision qu'en ont nos membres et citoyens, dans leur intérêt.

En terminant, je veux reconnaître le travail de feu notre ex-chef Robert Bone, qui a réussi à obtenir ces négociations au cours desquelles nous avons pu présenter nos idées et nos sentiments, dans ce processus vers l'autonomie gouvernementale. Ses expériences étaient sans doute semblables aux miennes. Il a été chef pendant des années, et je suis convaincu qu'il était lui aussi frustré comme la plupart des chefs le sont aujourd'hui.

Quand j'ai d'abord entendu parler d'autonomie gouvernementale, j'étais un peu sceptique mais, après avoir eu l'occasion d'examiner la Loi sur les Indiens, les politiques et les exigences d'information du ministère, les rapports à produire et tout ce qu'il faut pour faire fonctionner une communauté, je vois qu'il nous faut un nouvel accord, qui nous permettra de donner plus facilement à notre peuple ce dont il a besoin.

Tout le monde connaît les problèmes de notre communauté, et je crois que le chef Robert voulait les régler, ces problèmes qui existaient alors et qui existent toujours. Quand nous avons tenu les séances d'information communautaires, j'étais content de voir des jeunes s'y présenter. Ils sont mobilisés, ils veulent vraiment une nouvelle vision pour notre communauté. Ils veulent des possibilités d'emploi et de logement, comme tout autre Canadien. Ils veulent pouvoir mettre en valeur leur talent et participer à la vie économique.

C'était très encourageant de les voir appuyer l'accord. Ils ont encore de l'espoir aujourd'hui. Ils ont maintenant un certain optimisme. La situation n'est pas aussi sombre qu'à l'époque où nous pensions n'avoir aucun avenir dans notre communauté. C'est l'une des choses qui me motivent à poursuivre ce travail et à discuter des accords. Nous verrons sans doute plus tard les avantages qui découlent de cet accord.

Je tiens également à remercier les aînés de leur participation. Ils ont fait beaucoup de supervision, en plus de nous soutenir et de nous encourager. Ils ont participé au processus dès le début, certains pendant plus de 20 ans, siégeant aux réunions, écoutant les discussions et veillant à ce que les choses soient faites de façon à améliorer notre situation. À l'heure actuelle, ils sont en grande partie satisfaits de la façon dont les choses se déroulent. Ils sont également encouragés par les perspectives d'avenir et demeurent également optimistes.

Toutefois, il y a toujours parmi nous une poignée de gens qui s'opposent à ce qui est nouveau et à ce qu'ils connaissent peu, mais à mon avis, c'est un reliquat de l'expérience des pensionnats autochtones. Il faut vraiment travailler à guérir la communauté à cet égard. C'est en tout cas l'un des dossiers auquel nous allons prochainement travailler.

Merci de m'avoir écouté. Je suis maintenant prêt à répondre à vos questions.

Le président : Merci de cet excellent exposé, chef Tacan.

Monsieur Slusar, avez-vous quelque chose à ajouter?

Bruce Slusar, avocat tribal, Nation des Dakota de Sioux Valley : Je vais simplement faire un bref ajout à ce dont le chef a parlé.

Merci de nous avoir invités à témoigner devant vous ce matin. Pour ajouter aux commentaires et à l'information fournis par le chef Tacan, je dirais que, du point de vue juridique et du point de vue de la négociation, les accords d'autonomie gouvernementale de la Nation des Dakota de Sioux Valley contiennent des éléments importants. J'espère que cela pourra faciliter notre discussion de ce matin. Premièrement, ces accords ne sont pas des traités.

Il est très important de comprendre qu'ils ne sont pas comme les traités numérotés des Prairies, ni comme les traités des temps modernes que l'on commence à voir en Colombie-Britannique. La Nation des Dakota de Sioux Valley n'a pas renoncé à ses droits en ce qui a trait à ses titres autochtones, à ses droits ancestraux ou à ses droits issus de traités, et elle ne les a ni échangés ni modifiés. C'est un élément important, car le deuxième élément important de ces accords, c'est qu'ils laissent la porte ouverte à la poursuite de discussions et de négociations en vue de régler des enjeux qui posent problème depuis un certain temps.

Au moins, grâce à tout le travail accompli, il y a maintenant un processus en place. La semaine dernière encore, le chef et le conseil de la Nation des Dakota de Sioux Valley ont signé un protocole d'entente qui facilitera les discussions en vue d'obtenir un mandat de négocier pour régler certains de ces problèmes non résolus; et dans le cadre de ces négociations, on essaiera de trouver un moyen de réconcilier de façon permanente ces enjeux.

Ce que nous avons ici, c'est un accord d'autonomie gouvernementale; cet accord d'autonomie gouvernementale a donc été négocié dans l'optique d'une neutralité quant aux droits, si l'on peut dire. Par conséquent, les articles 5 et 6 de l'accord sont des avis importants de ce que le document n'est pas un traité et qu'il n'aura aucun effet sur les droits ancestraux ou issus de traités de la Nation des Dakota de Sioux Valley.

Bien sûr, comme le chef Tacan l'a indiqué, le pivot des accords d'autonomie gouvernementale, c'est la reconnaissance par le gouvernement du Canada et par la province du Manitoba, selon l'accord tripartite, de ce que le gouvernement de l'oyate Dakota de Sioux Valley est un gouvernement selon sa constitution. Les études révèlent que les Premières nations qui peuvent se doter de gouvernements adaptés à leurs valeurs culturelles et à leurs traditions sont mieux en mesure de prospérer que celles à qui ont imposent, au moyen d'une loi comme la Loi sur les Indiens, une autre forme de gouvernement ou de gouvernance. La Nation des Dakota de Sioux Valley peut profiter de cette occasion qui lui est offerte d'élaborer ses lois, ses règlements et ses politiques, ainsi que de concevoir son gouvernement aux fins de gouverner et de régir sa nation en fonction de sa vision, qui est axée sur ses traditions historiques.

La Nation des Dakota de Sioux Valley a la possibilité de légiférer dans un nombre important de domaines, une cinquantaine environ. C'est très important parce qu'elle peut ainsi non seulement légiférer dans les domaines de compétence fédérale aux termes de l'article 91 de la Loi de l'Amérique du Nord britannique, mais aussi dans des domaines de compétence provinciale aux termes de l'article 92 de la Loi de l'Amérique du Nord britannique. Grâce à l'accord tripartite, les lois dont elle se dotera seront reconnues tant par le gouvernement fédéral que le gouvernement provincial. Ainsi, la Nation des Dakota de Sioux Valley aura la possibilité globale de légiférer et de se doter de normes correspondantes aux normes provinciales ou supérieures à celles-ci, par exemple dans le domaine de l'éducation, de signer des accords avec des ministères provinciaux, par exemple les services à l'enfance et à la famille, et d'harmoniser ses lois en fonction des fournisseurs de services hors réserve assujettis à ces lois provinciales. En outre, ces accords rendent possible une collaboration avec les représentants de Santé Canada et leurs homologues du ministère de la Santé du Manitoba en vue de coordonner et d'intégrer les lois de notre nation dans le but d'améliorer les services de santé qui sont offerts sur notre territoire.

Cela signifie que les trois ordres de gouvernement doivent travailler de concert avec un degré très élevé de coordination. On espère que cette coordination et cette coopération produiront à long terme des relations plus fortes et plus saines à tous les niveaux, et cela devrait contribuer à aplanir les disparités, puisque les trois ordres de gouvernement travailleront ensemble à créer une société plus prospère et plus saine au Canada.

Voilà mes commentaires. Merci beaucoup.

Le président : Merci, chef Tacan, monsieur Slusar. Avec la permission du comité, nous pourrions entendre maintenant les représentants de AADNC, si mes collègues sont prêts à attendre avant de poser leurs questions. Je signalerai simplement que, sur les conseils du comité de direction, notre greffière avait invité les représentants du gouvernement du Manitoba à comparaître aujourd'hui. Dans la réponse, on a indiqué que le conseiller juridique du gouvernement du Manitoba a communiqué avec ses homologues d'Ottawa sur ce sujet. Il pourrait être utile que les témoins du ministère des Affaires autochtones et du Développement du Nord puissent nous dire quelques mots ce matin au sujet de ces communications.

Je crois savoir que M. McLaughlin sera le seul à témoigner pour le ministère ce matin.

Blake McLaughlin, directeur principal, Négociations — Centre, Affaires autochtones et Développement du Nord Canada : Merci, monsieur le président. Bonjour. C'est un plaisir de comparaître devant votre comité, et nous vous remercions de nous donner l'occasion de discuter avec vous du projet de loi C-16.

Comme le savent les honorables sénateurs, ce projet de loi aura pour effet l'entrée en vigueur de l'accord sur la gouvernance de la Nation des Dakota de Sioux Valley. Cet accord d'autonomie gouvernementale est le vingtième que le gouvernement du Canada a signé avec un total de 34 communautés autochtones. La plupart des mesures relatives à l'autonomie gouvernementale sont intégrées aux ententes de revendications territoriales. Dans certains cas, comme dans celui de Sioux Valley, il s'agit d'accords distincts. C'est le premier accord d'autonomie gouvernementale dans les provinces des Prairies. Ce projet de loi historique démontre que, grâce au partenariat et au dialogue, on peut obtenir des résultats positifs. Au niveau le plus fondamental, le projet de loi inscrira dans les lois du Canada une nouvelle relation de gouvernement à gouvernement entre le fédéral et la Nation des Dakota de Sioux Valley. Ainsi, le gouvernement du Canada reconnaitra le gouvernement de l'oyate Dakota de Sioux Valley. Cela permettra à la Nation des Dakota de Sioux Valley de se doter d'un gouvernement conçu par elle-même, sans les contraintes paternalistes imposées par la Loi sur les Indiens — un gouvernement qui rendra des comptes non pas au ministre des Affaires autochtones et du Développement du Nord, mais bien à sa propre population. Une fois cet accord mis en place, la Nation des Dakota de Sioux Valley pourra prendre des décisions pour sa population sans la supervision du gouvernement du Canada.

La communauté décidera de ses orientations en fonction de ses besoins et de ses priorités. Elle rédigera et appliquera ses propres lois, qui seront compatibles aux lois fédérales et provinciales, dans le cadre constitutionnel canadien. La communauté aura le pouvoir de gérer son économie. Elle pourra établir, autoriser et régir des entreprises sur ses terres de réserve. Elle pourra diriger la mise en valeur des ressources naturelles sur ses terres, y compris en ce qui a trait aux évaluations environnementales de projets éventuels. C'est la Nation des Dakota de Sioux Valley qui prendra les décisions dans des domaines qui vont du logement à l'eau potable en passant par l'éducation et les services de santé. Autrement dit, et comme l'a dit le chef Tacan de la Nation des Dakota de Sioux Valley lors de la cérémonie de signature de l'accord en août dernier, elle pourra faire ce que d'autres peuples et d'autres gouvernements tiennent pour acquis.

Voilà quels seront certains des effets de cet accord, monsieur le président. Cependant, il y a d'autres éléments importants qui ne changeront pas. L'accord d'autonomie gouvernementale n'est pas un traité ni une entente de revendication territoriale. Il ne modifie en rien le droit protégé par la constitution que la Nation des Dakota de Sioux Valley peut avoir sur des terres, des ressources naturelles et d'autres avantages, et l'accord ne crée ni n'octroie de tels droits à la Nation des Dakota de Sioux Valley. Les gens de la Nation des Dakota de Sioux Valley continueront d'être reconnus comme des Indiens inscrits aux termes de la Loi sur les Indiens. Cela garantira que cette population pourra continuer de se prévaloir d'un vaste éventail de programmes et de services offerts aux Indiens inscrits par des organismes fédéraux.

L'accord de gouvernance établit le pouvoir de la Nation des Dakota de Sioux Valley dans plus de 50 domaines, mais ces pouvoirs n'ont pas besoin d'être tous exercés immédiatement. Au fur et à mesure que la Nation des Dakota de Sioux Valley exercera ses pouvoirs, les dispositions correspondantes de la Loi sur les Indiens cesseront de s'appliquer sur leurs terres. De cette façon, il n'y aura pas de vide juridique. En tout temps, dans chaque domaine de compétence visé par la Loi sur les Indiens, une disposition de la Loi sur les Indiens ou une disposition d'une loi de la Nation des Dakota de Sioux Valley s'appliquera. La Charte canadienne des droits et libertés continuera de s'appliquer, de même que d'autres lois, dont le Code criminel. Ainsi, on protégera les intérêts de toutes les personnes qui vivent sur les terres de la Nation des Dakota de Sioux Valley.

Je souligne, monsieur le président, que ces dispositions de l'accord, entre autres, qui entreront en vigueur quand ce projet de loi sera adopté, sont le résultat de négociations et de consultations étendues. La Nation des Dakota de Sioux Valley et le gouvernement du Canada ont entrepris en 1991 les négociations qui ont mené à cet accord. Le gouvernement du Manitoba s'est joint aux négociations en 1993. En 2001, ces négociations ont abouti à un accord global de principe entre le Canada et la Nation des Dakota de Sioux Valley. Parallèlement, les parties ont signé un accord de principe tripartite correspondant pour tenir compte de l'intérêt et de la participation du Manitoba.

Ces accords de principe représentaient un grand pas en avant. Ils jetaient les bases de la négociation de l'accord final d'autonomie gouvernementale. À partir de ces bases, les négociateurs ont produit des projets d'accords qui ont été initialés par les trois parties en juin 2011.

Même si le Manitoba n'est pas partie à l'accord de gouvernance, la province a participé à la négociation de cet accord. En signant l'accord tripartite de gouvernance, le gouvernement du Manitoba indique que ce texte s'appliquera comme s'il y était partie. Le Manitoba adoptera une mesure législative pour faire entrer en vigueur l'accord de gouvernance, tout comme le gouvernement du Canada le fait. En ce qui a trait aux consultations, monsieur le président, je signale que les dirigeants de la Nation des Dakota de Sioux Valley ont invité les personnes qui seraient le plus touchées par l'accord d'autonomie gouvernementale — soit les plus de 2 400 membres de la communauté — à participer à tout le processus, surtout aux dernières étapes. En décembre 2010, lorsqu'il est apparu que les parties étaient sur le point de conclure une entente, la Nation des Dakota de Sioux Valley a entrepris une nouvelle vaste campagne de communication afin que les membres de la communauté disposent de toute l'information nécessaire pour faire des choix informés à l'étape de l'approbation.

Le personnel a élaboré divers produits de communication rédigés en langage clair, les a affichés sur le site web et en a distribué des copies papier. De plus, plusieurs journées portes ouvertes ont été organisées. Elles ont permis aux membres de la communauté de se réunir en petits groupes et de poser des questions directement aux participants aux négociations, et ce, dans un cadre décontracté. Les leaders de la nation doivent être félicités de leurs efforts pour garantir que le vote de 2012 serait un scrutin éclairé. Dans ce scrutin, l'accord d'autogouvernance a été approuvé par une majorité écrasante de deux 2 à 1.

En août 2013, l'honorable Bernard Valcourt, ministre des Affaires autochtones et du Développement du Nord, s'est joint au chef Tacan et au ministre Robinson de la Nation des Dakota Sioux Valley, au Manitoba, pour signer ces accords. Car en fait il y en a deux, monsieur le président.

Le premier accord est l'accord de gouvernance signé entre la nation dakota et le Canada. On y trouve l'essentiel des dispositions sur l'autogouvernance, et il s'agit de l'accord qui sera habilité par le projet de loi dont vous êtes saisis. Le deuxième accord est une brève entente tripartite de gouvernance signée par la nation dakota, le Canada et le Manitoba. En vertu de cet accord, la province reconnaît et confirme l'accord de gouvernance.

Nous en sommes maintenant aux dernières étapes du processus d'obtention des lois habilitantes pour que l'accord d'autogouvernance puisse entrer en vigueur. Cela fera en sorte que les gens de la Nation des Dakota de Sioux Valley auront un régime de gouvernance plus transparent et adapté à ses besoins et à son orientation que la Loi sur les Indiens. Cet accord permettra à la nation dakota d'établir ses propres objectifs et de les poursuivre à sa façon sans devoir constamment demander la permission à Ottawa. Bref, monsieur le président, des accords d'autogouvernance comme celui-ci sont la meilleure façon de faire preuve d'un engagement envers la réconciliation, de joindre le geste à la parole et de construire des relations plus respectueuses entre le Canada et les peuples autochtones.

Des études menées par le ministère des Affaires autochtones et du Développement du Nord ont démontré que, dans ces collectivités, les taux d'emploi ont augmenté de 13 p. 100 depuis le début de l'autogouvernance. Grâce à cet accord, la nation dakota sera désormais dotée des outils et de l'autorité nécessaires pour réaliser son plein potentiel et assurer un avenir autonome et prospère.

Merci, monsieur le président. Nous serons heureux de répondre aux questions des honorables sénateurs. Mais permettez-moi d'abord de demander à mon collègue du ministère de la Justice de vous parler de la question de nos communications avec le Manitoba au sujet de ce projet de loi.

Le président : Merci. Je vous en suis reconnaissant. Monsieur Webber.

Lee Webber, avocat, Affaires autochtones et Développement du Nord, Services juridiques, ministère de la Justice du Canada : Excusez-moi un instant, honorables sénateurs. Je souhaiterais consulter mes collègues d'Affaires autochtones.

Le président : Entre-temps, permettez-moi d'informer le comité que notre greffière avait bel et bien invité des représentants du gouvernement du Manitoba, puisqu'il s'agit d'une entente tripartite, et un représentant de ce gouvernement a répondu à la greffière par courriel que son gouvernement fournirait un mémoire pour signaler son adhésion au projet de loi et son intention d'adopter une mesure législative analogue à la session du printemps. Ce n'est pas une communication officielle, mais je voulais néanmoins en informer les membres du comité. Comme je l'ai dit, ils ont été en communication avec leurs homologues à Ottawa. C'était l'objet de ma question. Monsieur Webber, pouvez- vous compléter?

M. Webber : Oui, un petit peu, monsieur le président. Comme il a déjà été dit au cours d'un des exposés, le Manitoba et la nation de Sioux Valley ont été consultés tout au long du processus de rédaction de la loi fédérale. Il est maintenant temps de passer au pendant de ce processus. La loi fédérale touche aux termes du processus législatif, et le Manitoba a déjà produit la première version de la loi et l'a fournie à la nation de Sioux Valley et au fédéral, attendant leurs observations. Si la nation de Sioux Valley ou le fédéral ont des observations de fond à faire sur la mesure législative du Manitoba, les trois parties se pencheront sur celles-ci. Il se peut fort bien qu'ils faillent remettre la loi manitobaine sur le métier, lancer une autre série de consultations et de négociations. Tout cela devra se produire assez rapidement. Comme vous l'avez dit, à la lecture de la communication du Manitoba, la session législative de cette province commence au début du mois de mars, et je crois que la province vise à déposer le projet de loi sur la gouvernance de la nation de Sioux Valley dès le début de la session. Nous espérons avoir terminé assez tôt les communications entre le Manitoba, d'une part, et la nation de Sioux Valley, d'autre part, sur notre projet de loi.

Le président : C'est très utile. Merci beaucoup.

Nous allons maintenant entendre les questions des membres du comité. N'oublions pas que nos témoins, certains desquels sont venus de très loin, ne sont disponibles que pendant une heure. Alors, j'encourage fortement les membres du comité à poser des questions brèves. Nous pourrons intervenir plus longuement pendant l'étude article par article, et j'aimerais que tous aient le temps de poser une question. Commençons par le vice-président, la sénatrice Dyck.

La sénatrice Dyck : Merci de vos exposés. Je vais poser une question sur le Manitoba. La province n'a pas encore lancé son processus législatif, et on s'attend à ce qu'elle le fasse d'ici un mois. Est-ce que cela peut avoir des répercussions sur le projet de loi? Est-il essentiel que la loi provinciale soit adoptée avant que la loi fédérale puisse l'être?

M. Webber : Merci, sénatrice. L'accord sur la gouvernance stipule, et je crois que c'est le cas également pour l'accord tripartite, que l'entrée en vigueur nécessite des lois habilitantes au fédéral et au provincial. En fin de compte, ces deux lois — fédérale et provinciale — sont nécessaires.

Le fait que la loi fédérale soit plus avancée que la provinciale ne pose pas de problème en soi.

Vous constaterez que, aux termes de l'article 21 du projet de loi C-16 sur l'entrée en vigueur, la loi fédérale entrera en vigueur à la date choisie par le gouverneur en conseil.

L'idée étant qu'après l'adoption et la sanction de la loi fédérale, le processus législatif fédéral peut être mis en veilleuse en attendant le processus équivalent au provincial. En d'autres mots, on peut attendre l'adoption et la sanction de la loi provinciale. Une fois les deux lois entrées en vigueur, le gouvernement fédéral, de concert avec la province et la nation de Sioux Valley, choisira la date d'entrée en vigueur de ces deux lois. On s'attend à ce que ce soit la même date. Lorsqu'elles seront toutes les deux entrées en vigueur, probablement le même jour, l'accord de gouvernance et l'entente tripartie entreront en vigueur.

La sénatrice Dyck : Je vais passer maintenant à des questions très précises. L'esprit de l'accord et du projet de loi est d'affranchir les Premières nations de la Loi sur les Indiens et, d'après ce que j'ai compris dans l'annexe, les dispositions régissant les terres. Pourriez-vous me dire lesquelles de ces dispositions seront caduques et s'il restera encore un grand nombre de dispositions de la Loi sur les Indiens qui s'appliqueront?

Stephen Peltz, négociateur principal, Négociations-Centre, Affaires autochtones et Développement du Nord Canada : Merci, monsieur le président, et bonjour aux honorables sénateurs. À la date d'entrée en vigueur, 35 dispositions de la Loi sur les Indiens cesseront de s'appliquer à la Nation des Dakota de Sioux Valley et aux terres sous leur contrôle. Ces dispositions concernent essentiellement ce que l'on appelle la gouvernance de base. L'on s'attend à ce que la nation se soit déjà dotée de sa propre constitution, de sa propre loi sur les élections, de sa propre loi sur l'administration financière, bref, toutes ces lois de gouvernance de base. Autre loi particulièrement importante pour la nation, celle sur l'admissibilité à la bande ou la citoyenneté. Ces lois seront tout de suite touchées.

Le statut du gouvernement autochtone changera immédiatement. C'est en fait un aspect important de l'entrée en vigueur de cet accord. Par exemple, le chef Tacan disait qu'au moment d'une inondation, en pleine crise d'urgence, il s'est fait dire que son gouvernement n'était pas reconnu comme porte-parole et qu'il fallait passer par le ministère. À la date d'entrée en vigueur, le statut légal de la nation ne sera plus une bande en vertu de la Loi sur les Indiens. Elle sera une Première Nation autonome. L'on n'aurait pas pu traiter la nation de Sioux Valley de la sorte si cette loi avait été en vigueur. Le chef aurait été reconnu comme porte-parole de sa communauté. Ce n'est pas rien. Par ailleurs, la reddition des comptes, comme les représentants de la nation de Sioux Valley l'on fait valoir, n'incombera plus au ministère des Affaires autochtones. Elle relèvera du gouvernement de la Première Nation. Ces 35 dispositions, plus ou moins, traitent toutes de ces questions de gouvernance de base.

Plusieurs responsabilités liées aux terres et régissant la vie quotidienne de la Nation des Dakota de Sioux Valley relèveront désormais de celle-ci, et, lorsqu'elle se sentira prête, elle pourra adopter de nouvelles lois qui remplaceront les dispositions de la Loi sur les Indiens. Elle pourra établir ses propres priorités et aller de l'avant dès lors qu'elle se sentira capable de le faire. L'objectif ultime étant de s'affranchir complètement de la Loi sur les Indiens.

Notamment, les dispositions concernant le statut d'Indien continueront d'être appliquées par le ministère des Affaires autochtones et du Dévelopement du Nord, mais à part cela, la nation de Sioux Valley, en adoptant ces lois, pourra s'éloigner de la Loi sur les Indiens afin de la remplacer par un cadre réglementaire qui lui est propre.

La sénatrice Dyck : Merci de cette réponse très claire. Vous avez dit que la nation de Sioux Valley s'est déjà dotée de lois sur la gouvernance et les élections. Ai-je bien compris?

M. Slusar : Oui. La Nation des Dakota de Sioux Valley s'était déjà soustraite de la Loi sur les Indiens par rapport aux élections dès le début des années 1990. Comme vous le savez, on avait offert aux Premières nations de se doter de leurs lois électorales. C'est pourquoi la Nation des Dakota de Sioux Valley suit sa propre loi électorale depuis les années 1990. En fait, elle a eu plusieurs lois successives, la dernière datant de 2003. Cette loi continuera de s'appliquer jusqu'à cette année, lorsque se tiendra une autre élection. Dans l'intervalle, sénatrice Dyck, la Première Nation de Sioux Valley s'est engagée à se doter d'une nouvelle loi électorale. Bien entendu, ce serait une loi propre à cette nation. Elle a suivi un processus qui était prévu par sa constitution et qui est à peu près le même que celui envisagé aujourd'hui, à savoir que le conseil nomme un comité d'examen.

Le document sera présenté à la communauté. Il fera l'objet de trois lectures et d'un vote, comme ici. Mais la nation de Sioux Valley n'est plus sujette à la Loi sur les Indiens et à ses règlements d'application depuis belle lurette. Elle a toujours eu son propre code électoral.

La sénatrice Dyck : Une dernière question, et ensuite j'attendrai le deuxième tour. C'est au sujet de l'élection tenue dernièrement en vertu du code coutumier et la loi électorale qui est sur le métier. Ces deux dernières années, plusieurs projets de loi ont été adoptés, y compris le projet de loi C-9 sur les élections des Premières nations. Si nous adoptons ce projet de loi maintenant, les dispositions du projet de loi C-9 s'appliqueront-elles toujours? Vous n'avez pas actuellement votre propre loi électorale, mais vous avez votre code coutumier et, en vertu de celui-ci... Le projet de loi C-9, qui porte sur les élections — un droit fondamental des Premières nations — donnera au ministre le pouvoir d'intervenir.

M. Slusar : En fait, les lois qui sont déposées dernièrement, y compris la loi électorale des Premières nations, font preuve d'une grande prévoyance en soustrayant les Premières nations de leur application. Ainsi, je ne crois pas que le projet de loi C-9 ou la loi électorale des Premières nations s'appliquera à la Nation des Dakota de Sioux Valley.

Cela dit, cette loi est bien pensée, et on en a tenu compte dans la rédaction de la loi électorale de la Nation des Dakota de Sioux Valley. Il y a certains aspects de cette loi dont on voudra profiter, par exemple les mandats de quatre ans, mais elle ne serait pas applicable automatiquement.

La sénatrice Dyck : La notion d'autonomie gouvernementale est-elle définie dans le projet de loi C-9 ou existe-t-il une définition généralement acceptée dans tous les projets de loi? Il s'agit d'un projet de loi sur l'autonomie gouvernementale, mais l'on sait qu'il y a plusieurs sortes d'autonomie gouvernementale, certaines étant beaucoup plus évoluées. Un grand nombre d'accords sont déjà en place, alors que ce genre de loi en est à ses premiers balbutiements. Craint-on que la notion d'autonomie gouvernementale puisse être interprétée comme ne s'appliquant pas dans le cadre d'autres lois qui en parlent?

Le président : À qui posez-vous votre question?

La sénatrice Dyck : À M. Slusar ou aux fonctionnaires de Justice Canada.

M. Slusar : J'allais permettre à mon collègue, M. Webber, de répondre. Je suis sûr qu'il aurait des observations pertinentes.

En ce qui concerne l'autonomie gouvernementale, cet accord a bien entendu été élaboré après la reconnaissance du fédéral du droit inhérent des Premières nations à ce chapitre, c'est-à-dire à partir de 1995. Le Canada a toujours été très clair dans sa reconnaissance de la capacité des Premières nations à se gouverner. L'on reconnaît qu'il s'agit d'un droit inhérent des Autochtones, et ces accords ont été négociés dans ce contexte et cet esprit.

Cela dit, étant donné la nature très exhaustive de l'accord avec la nation de Sioux Valley et étant donné la participation de la province dans l'accord tripartite, je pense que ces textes pourraient établir une nouvelle norme d'autonomie gouvernementale, comme ce concept a été baptisé. Ainsi, je ne vois aucun inconvénient à cette loi, et je ne crois pas que les dispositions sur l'autonomie gouvernementale de la nation de Sioux Valley puissent être interprétées comme étant inférieures aux autres.

À ce que je sache, ces ententes sont les plus exhaustives qui aient été négociées jusqu'à maintenant. Surtout lorsqu'existent des accords comme ceux-ci qui portent tout simplement sur l'autonomie gouvernementale, sans régler de revendications territoriales, une entente tripartite avec la province, est, à mon avis, ce qui existe de plus exhaustif.

Pour le reste, je laisserai M. Webber vous répondre.

M. Webber : En premier lieu, j'appuie ce qu'a dit M. Slusar.

Permettez-moi de souligner, à ma décharge, que je ne connais pas à fond les diverses lois fédérales qui font référence à l'autonomie gouvernementale, aux Premières nations autonomes ou aux groupes autochtones des Premières nations qui ont conclu des accords d'autonomie gouvernementale. Cela étant dit, il n'existe, à ce que je sache, dans aucune de ces lois, de définition de ce qu'est « l'autonomie gouvernementale », un « accord d'autonomie gouvernementale » ou un « accord global sur l'autonomie gouvernementale ». Je répète que, dans une certaine mesure, je ne parle pas en connaissance de cause, parce que je ne connais pas à fond toutes ces lois fédérales.

S'il existe, dans une quelconque autre loi fédérale, une référence à une « Première Nation autonome », à une Première Nation qui a conclu une « entente d'autonomie gouvernementale » ou un « accord global sur l'autonomie gouvernementale », la Nation des Dakota de Sioux Valley serait certainement parmi les premières à être assujetties à ces définitions. Comme l'a dit M. Slusar, c'est une entente très exhaustive.

Sénatrice, la crainte que vous avez soulevée pourrait très certainement être valable relativement à certaines ententes d'autonomie gouvernementale, mais je ne crois pas que ce soit le cas pour celle-ci.

Le sénateur Watt : J'ai une question à vous poser, dans le même ordre d'idées que celle de la sénatrice Dyck. Les droits sont reconnus par l'article 35 de la Loi sur l'Amérique du Nord britannique de 1982; ils existent donc.

Si je vous comprends bien, les ramifications du projet de loi dont nous traitons aujourd'hui, en ce qui concerne l'article 35, semblent faire fi de quelque chose qu'a déjà reconnu le plus haut tribunal du pays. Je pense que le conseiller juridique de la nation dakota a déclaré que ce n'est qu'un début, et la porte semble être grande ouverte à d'autres discussions entre les nations, le gouvernement du Canada et ceux des provinces, en vue « d'entreprendre » — je crois que vous vouliez dire « de définir » — la teneur de l'article 35.

Si l'on regarde bien le projet de loi C-16, celui qui porte sur la nation dakota, il ne s'agit pas d'autonomie gouvernementale, mais de « gouvernement autonome en devenir » si je peux m'exprimer ainsi. C'est une espèce de cadre, si j'ai bien compris de quoi il s'agit.

La sénatrice Dyck fait remarquer que c'est acceptable. Si, par contre, la reconnaissance des peuples autochtones au sens de la loi constitutionnelle varie partout au pays, c'est là un danger. Une nation a une certaine perception, et le gouvernement accepte ce qu'elle est, ce qu'elle peut faire et ne peut pas faire. Cela pourrait mettre en péril la perspective autochtone. Alors, quoi qu'on fasse, on est perdant.

Je veux juste souligner qu'il y a un petit problème, dans tout cela, qui ne sera pas corrigé dans l'immédiat. Il se peut qu'il faille faire appel à un spécialiste du droit constitutionnel qui puisse expliquer exactement les tenants et les aboutissants de ce nouveau concept. Ce n'est pas que je sois contre ce nouveau concept. Je pense que c'est une bonne idée, mais il faut savoir exactement ce qu'il en est. Pour l'instant, je m'y perds un peu, même si j'ai bien compris vos propos. Il faudrait faire la lumière sur certaines zones grises avec des spécialistes juridiques.

Le président : Ce que vous dites là est important, sénateur Watt. Est-ce que les témoins ont une réponse à donner? Monsieur Peltz?

M. Peltz : Vous avez soulevé des éléments importants, sénateur Watt, et je suis heureux que la question ait été posée. La question des droits reconnus à l'article 35 est extrêmement importante. Pour ce qui est de la structure de l'accord, ce qui a été négocié ou non, rien de cela ne réduirait l'importance des droits reconnus à l'article 35 pour les Premières nations ni, d'ailleurs, pour le gouvernement du Canada.

Cette entente n'est pas entièrement nouvelle. Je devrais peut-être en parler. En fait, elle est structurée de la même manière que l'entente bilatérale qui a été conclue en 2003, entre la Première Nation Westbank de la Colombie- Britannique et le gouvernement du Canada. La différence, ici, c'est qu'il s'agit d'une entente tripartite. Mais comme dans ce cas-ci, il s'agissait d'un accord d'autonomie gouvernementale indépendant avec la nation Westbank.

Permettez-moi d'expliquer un accord distinct. Les ententes les plus connues sont celles qui ont été conclues ces dernières années en Colombie-Britannique et ailleurs au Canada et visant des revendications territoriales. Elles comportent des dispositions relatives à l'autonomie gouvernementale, mais traitent aussi des terres et des ressources — des éléments qui seraient visés dans les droits reconnus à l'article 35, ce qui signifie que les droits que détiennent les Premières nations en matière de propriété et d'utilisation des terres et de ressources seraient protégés par l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982.

Ces ententes ne traitent pas que d'autonomie gouvernementale, mais aussi de terres et de ressources. En conséquence, ces droits sur les terres et les ressources sont protégés dans la loi constitutionnelle. C'est là une conséquence des ententes modernes relatives aux revendications territoriales.

Comme il s'agit ici d'un accord distinct, comme celui qui a été conclu avec la Première Nation Westbank, il ne comporte aucune disposition relative aux terres et aux ressources. Cela n'est pas moins un véritable accord d'autonomie gouvernementale. Cet aspect de l'entente est tout aussi valide que dans le contexte d'une revendication territoriale.

La différence, ici, c'est qu'il y a des pouvoirs et compétences qui sont négociés, notamment le pouvoir d'adopter des lois. Cette cinquantaine de pouvoirs dont on a déjà parlé sont prévus dans l'entente. À la date d'entrée en vigueur de celle-ci, la Nation des Dakota de Sioux Valley jouira de ses pouvoirs d'autonomie gouvernementale. Il n'y a là pas la moindre ambiguïté. À mon avis, c'est tout à fait légalement valide.

L'entente de Sioux Valley est comme celle de Westbank, dans la mesure où c'est un accord distinct. Cependant, ni l'une ni l'autre n'est protégée par l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982. Celle de Westbank est exactement dans la même situation : elle comporte des dispositions d'autonomie gouvernementale; ce n'est pas un traité; elle ne change en rien les droits que concède ou non l'article 35 à la Première Nation Westbank. Il en sera de même pour la Première Nation de Sioux Valley en vertu de cette loi et de l'accord qui en découle.

Si vous me permettez de m'attarder un moment sur une perspective plus large, la question des droits reconnus par l'article 35 est très litigieuse. C'est justement parce que les droits que confère ou non l'article 35 aux Premières nations manquent de clarté qu'il faut ces négociations, en Colombie-Britannique. Il n'y a rien de très évident. Il faut définir ces droits dans les ententes et résoudre les points litigieux de façon satisfaisante pour le gouvernement du Canada, celui de la Colombie-Britannique et les Premières nations touchées.

Lorsque M. Slusar parle de processus futur pour la nation de Sioux Valley, il est question des droits garantis par l'article 35. Il existe un différend de longue date avec la nation de Sioux Valley, mais aussi avec d'autres nations dakotas et d'autres Premières nations lakotas au Canada, à savoir s'ils ont des titres ancestraux ou d'autres droits ancestraux et, s'ils en ont, quelle est la portée de ceux-ci. Nous n'avons pas tenté de résoudre ce différend particulier au moyen de cette négociation, une décision qui a été prise au cours des négociations. Toutefois, nous avons établi un processus qui, nous le souhaitons, entraînera des discussions fructueuses, comme M. Slusar l'a dit, afin d'en arriver à une réconciliation durable entre le gouvernement du Canada et la Nation des Dakota de Sioux Valley. En tout, neuf Premières nations prendraient part à ces discussions : huit Premières nations dakotas et une première nation lakota, dont la position est semblable. Elles se trouvent toutes dans les provinces du Manitoba et de la Saskatchewan. Il demeure certainement des questions en suspens, mais en ce qui concerne ce projet de loi et cette entente, il n'y a aucune ambiguïté. Cette Première Nation jouira d'une autonomie gouvernementale dès la date d'entrée en vigueur de l'entente.

Le président : Il y a huit honorables sénateurs qui souhaitent poser des questions. J'aimerais leur rappeler d'être brefs afin que tous aient la chance d'intervenir.

La sénatrice Cordy : Je remercie les témoins pour leurs exposés ce matin.

Chef Tacan, j'ai été surprise par la quantité de consultations que vous avez menées, en particulier auprès des aînés de la communauté, quand on pense que les discussions ont commencé en 1991. Leurs conseils se sont avérés très importants. Donc, félicitations à vous et aux leaders de votre collectivité.

Chef Tacan, vous avez dit qu'il est difficile d'attirer de nouvelles activités commerciales dans votre collectivité. J'ai entendu d'autres dire la même chose et j'ai beaucoup lu à propos des difficultés auxquelles certaines Premières nations sont confrontées quand elles veulent attirer des activités commerciales dans leurs communautés. Je viens de la Nouvelle-Écosse, où la Première Nation Membertou a bien réussi à cet égard, signant des ententes relatives au marché du travail avec des entreprises de l'extérieur de la collectivité. Je me demande si cet accord aura des retombées positives. Croyez-vous qu'il permettra à votre collectivité d'attirer des activités commerciales plus facilement?

M. Tacan : Merci de votre question. Nous devons montrer au milieu des affaires qu'il y aura un environnement stable à Sioux Valley pour ceux qui souhaitent y investir. Dans la ville voisine de Brandon, il y a une excellente main- d'œuvre, et certains font l'aller-retour. Nous avons tout ce qu'il faut pour que les projets réussissent, que ce soit la franchise d'un grand magasin ou une usine de fabrication. En ce qui concerne la stabilité, tout ce qui nous manque, c'est de pouvoir offrir aux entreprises des baux à long terme. Nous n'avons pas la capacité d'attirer du financement en ce moment parce que nous n'avons pas de pouvoir à ce chapitre.

L'accord permettra de répondre à certaines de ces questions pour le milieu des affaires. Nous avons déjà donné des renseignements à propos des travaux effectués dans la collectivité. Certaines entreprises ont déjà commencé à faire des recherches, et nous recevons des questions sur le fonctionnement. Nous avons acheté des terrains à l'intersection des routes 1 et 21. Certains partenaires ont pris des engagements, même si le terrain ne fait pas encore partie de la réserve. Ils sont optimistes et pensent que nous pourrons y arriver grâce à cet accord.

Nous avons de bonnes raisons de croire que les gens veulent faire affaire avec nous. Il s'agit maintenant de faire adopter les lois qui donneront confiance au milieu des affaires.

La sénatrice Cordy : Cet accord permettra à la nation de Sioux Valley de mettre en œuvre l'imposition directe. Avez- vous pensé à la façon dont cela fonctionnera? Les dirigeants de la collectivité imposeront directement les membres. Quelles en seront les retombées positives? Comment cela fonctionnera-t-il?

M. Tacan : Comme vous le savez, nous payons déjà des taxes, mais à ce moment-ci, nous n'en profitons pas pleinement. Tout ce qui entre dans la collectivité est acheté à l'extérieur de celle-ci. D'autres collectivités prélèvent des taxes auprès de leurs membres et commencent à réinvestir ces revenus dans leurs collectivités. Nous commençons à remarquer tous ces exemples. La Première Nation Whitecap Dakota a déjà amélioré son sort grâce au meilleur état de ses routes, de ses logements et de son infrastructure. Il semble qu'ils ont mis en place un système leur permettant de tirer largement profit de cette assiette fiscale. C'est ce que nous devons faire dès maintenant. La collectivité est impatiente de voir des améliorations. Nous comprenons qu'un système doit être en place afin que nous puissions profiter de ces avantages.

Le sénateur Meredith : Merci de votre exposé.

Chef, félicitations pour avoir défendu votre peuple bec et ongle et pour avoir servi à titre de conseiller afin de veiller à ce qu'on propose un projet de loi adéquat. Vous parlez de finance, d'éducation, de développement économique, d'emplois pour les jeunes, ce avec quoi je suis d'accord, et vous dites que la communauté a adhéré à cette nouvelle idée parce qu'elle leur donne de l'espoir et qu'elle voit une lumière au bout du tunnel. Vous parlez de l'appui des aînés et de ceux qui se sont opposés à cet accord. Voici ma question : Croyez-vous qu'on pourrait contester l'accord devant les tribunaux? S'agit-il d'une possibilité? Quels moyens prenez-vous pour essayer de dissiper certaines de leurs inquiétudes?

M. Tacan : Nous sommes constamment en communication avec les gens. Même si la période de consultation est terminée, nous croyons qu'il est important d'informer les membres sur le contenu de l'accord. Nous avons également des processus en place pour entendre les différents points de vue. Nous sommes toujours en communication avec tous les membres et nous faisons constamment le point. Il est presque impossible d'obtenir un consensus. Il y a toujours des gens qui s'opposeront, pour une raison ou pour une autre. Je n'entrevois pas de problème à l'avenir parce qu'en ce moment le groupe a adopté une approche attentiste. Si nous faisons la démonstration de plus en plus de retombées positives dans la collectivité, ils finiront par se rendre à l'évidence. Nous avons transmis beaucoup d'information. Nous avons investi beaucoup dans l'infrastructure de la collectivité. Nous travaillons encore dans les limites de la Loi sur les Indiens. Je ne peux qu'imaginer ce qui se produirait si nous avions la possibilité d'aller plus loin. Je pense que nous pourrons finir par convaincre les sceptiques, mais nous agissons de manière respectueuse et nous écoutons leurs points de vue. Évidemment, nous ne pourrons pas faire plaisir à tous, mais nous continuons d'aller de l'avant. Nous avons créé un site web que nous mettons à jour régulièrement. Nous tenons des réunions au cours desquelles les aspects financiers sont exposés à la collectivité. Nous produisons des rapports. Nous organisons des portes ouvertes. Tout ce que nous pouvons faire, c'est de leur fournir des renseignements et, s'ils ne sont pas d'accord, nous ne pouvons rien faire de plus. Je pense que nous avons fait notre part en essayant de transmettre le plus de renseignements possible.

La sénatrice Lovelace Nicholas : Ma question s'adresse au chef. Prenons l'accord de gouvernance. On dit que vous aurez le pouvoir de promulguer des lois dans divers secteurs, y compris la citoyenneté. Pourriez-vous nous en dire davantage à ce sujet?

M. Tacan : Dès les premières réunions, nous avons discuté de citoyenneté et nous avons réfléchi à la question. Plus récemment, nous nous sommes concentrés sur cinq ou six domaines de compétences. Nous avons un peu délaissé la question de la citoyenneté. Comme vous le savez, des événements surviennent dans la collectivité, et nous nous attardons à autre chose. Maintenant, nous commençons à réfléchir à l'étendue de tous les domaines de compétences et à la possibilité d'en obtenir la responsabilité, et la citoyenneté en fait partie.

Certains membres d'autres Premières nations souhaitent déposer une demande pour devenir membres de la nôtre. Donc, nous devons discuter de citoyenneté très bientôt pour avoir une idée concrète de ce que nous devons faire. J'imagine que c'est une bonne indication de la perception des autres concernant la voie adoptée à Sioux Valley. Je suis heureux que des membres d'autres Premières nations souhaitent se joindre à notre communauté. Toutefois, en ce moment, nous n'avons pas les ressources, les installations ou les logements pour les accueillir. Nous savons qu'il faudra y travailler.

Nous sommes un peu surpris — et je pense que d'autres le sont aussi — des progrès à Sioux Valley. Je ne pense pas qu'on s'attendait à nous voir réussir, mais nous sommes plutôt résilients. Nous essayons de travailler pour arriver à des résultats positifs. Nous sommes parfois défavorisés. Nous allons bientôt nous pencher sur la question de la citoyenneté. Nous sommes toujours en train de surmonter les difficultés relatives au service de garde et au service policier. Voilà deux des principaux points qui ont été portés à notre attention récemment, et certains membres nous ont demandé de mettre l'accent rapidement sur ces responsabilités parce qu'il semble que ce soit les points qui posent le plus problème en ce moment. Les membres souhaitent aussi qu'on se concentre sur l'éducation.

La sénatrice Lovelace Nicholas : Voici ma deuxième et dernière question. J'aurais dû commencer par elle : certaines femmes étaient admissibles à une bande en vertu de la Loi C-31, qui a modifié la Loi sur les Indiens. Ces femmes ont- elles toutes été réadmises dans la bande?

M. Tacan : Je crois savoir que, si elles avaient un lien avec la collectivité, nous acceptions qu'elles redeviennent membres. Récemment, des anciens membres, si je peux m'exprimer ainsi, s'étaient mariés à des membres d'autres communautés et ne faisaient plus partie de la nôtre. Je suis au courant d'un cas où il y a eu un décès, et la famille nous a demandé d'accueillir à nouveau la personne survivante dans la collectivité, ce que nous avons fait, même si elle n'était pas membre. Nous essayons de mettre les femmes au premier plan. Au sein de mon conseil, il y a deux femmes que je consulte pour obtenir une opinion sur ces questions. Nous avons travaillé très fort, je crois, pour faire avancer non seulement les questions d'appartenance mais aussi les questions relatives à l'enfance et aux familles. Nous avons également une politique sur le logement. Si une famille éclate, habituellement la femme et les enfants gardent la maison. Nous avons l'exemple d'une femme non-membre qui a conservé la maison parce que ses enfants appartiennent à la communauté. C'est elle qui a conservé la maison plutôt que le membre de notre bande. Nous savons que nous devons travailler de près avec les femmes pour nous assurer qu'elles sont bien prises en charge et nous réglons les problèmes au fur et à mesure.

Le président : Monsieur Peltz, vous avez quelque chose à ajouter?

M. Peltz : Oui. Merci, monsieur le président. Nous venons d'aborder un point important, et c'est un point important d'un point de vue de la politique fédérale aussi et qui ne touche pas seulement les personnes qui ont acquis le statut de membre en vertu du projet de loi C-31. En général, les gens veulent savoir qu'ils ne perdront pas leur statut de membre à la suite de cet accord sur la gouvernance. Nous intégrons des protections de base dans tous nos accords de gouvernance selon lesquels les personnes admissibles à l'appartenance avant l'entrée en vigueur de l'accord ne se verront pas refuser le statut de membre après l'entrée en vigueur de celui-ci. Ces mesures protégeront certainement les personnes ayant acquis le statut de membre en vertu du projet de loi C-31.

J'aimerais aussi revenir sur la question de la citoyenneté que nous avons abordée plus tôt. J'aimerais préciser que nous parlions de la citoyenneté de la Nation des Dakota de Sioux Valley. La citoyenneté canadienne, elle, continue d'être assujettie aux lois fédérales. Dans certains accords, nous utilisons le terme « membre » de Première Nation. Dans d'autres accords, nous avons utilisé le terme « citoyenneté ». Ce n'est pas la première fois que nous le faisons, mais nous parlons ici de la citoyenneté de la Nation des Dakota de Sioux Valley.

Le président : Merci. Je pense que nous avons de la chance d'avoir, à notre comité, le sénateur Watt et la sénatrice Lovelace Nicholas qui sont des spécialistes des droits autochtones et qui ont participé aux discussions sur les conséquences des droits garantis par l'article 35. Merci pour vos questions.

Le sénateur Sibbeston : Chef Tacan, je sais que vous comparaissez devant le comité en appui à cet accord rempli d'espoir pour votre peuple. J'aimerais que vous sachiez que le gouvernement fédéral n'a pas un très bon bilan quant à la mise en œuvre des accords de ce genre. Notre comité a entendu des cas où le gouvernement fédéral n'a pas mis en œuvre les accords qu'il a signés, particulièrement dans les domaines financiers ou concernant les nouvelles négociations. Le vérificateur général, il y a quelques années, a observé que, dans le cas d'un accord sur une revendication territoriale dans le Nord, le gouvernement avait tenté de rompre l'accord et n'en avait pas respecté l'esprit.

Je sais qu'il y a une coalition sur des revendications territoriales qui regroupe environ 24 parties provenant de partout au pays qui se réunissent régulièrement parce que le gouvernement fédéral ne met pas en œuvre les accords qu'il signe. Ces accords sont assujettis à l'article 35; ils sont protégés par la constitution. Malgré cela, le gouvernement fédéral ne respecte pas les accords qu'il a signés.

Sur le plan de la mise en œuvre, quel moyen envisagez-vous pour veiller à ce que le gouvernement respecte l'accord que vous avez conclu, ou pour le forcer à le respecter?

M. Tacan : Selon mon expérience, un dialogue honnête et une volonté de se réunir et de discuter peut produire de bons résultats. Nous avons aussi fait montre de notre volonté de participer à toute discussion qui permettra de résoudre des problèmes qui feraient surface, que ce soit avec le gouvernement provincial ou fédéral. Jusqu'à maintenant, il semble que nous ayons réussi à régler de nombreux problèmes. Nous avons de bonnes relations avec le gouvernement du Manitoba et avec le gouvernement fédéral. Nous sommes probablement la seule Première Nation en ce moment à avoir reçu une indemnisation des dommages causés par les inondations, et par conséquent, nous n'avons accumulé aucune dette ou facture impayée. Nous avons maintenu une bonne relation avec la province à cet égard.

Avec le gouvernement fédéral, nous avons toujours bien communiqué et réussi à dénouer nos difficultés, et je pense que notre attitude à l'égard du gouvernement fédéral a entraîné des retombées positives pour nous. Nous n'optons pas pour l'affrontement. Pour faire valoir nos arguments, nous nous appuyons sur des renseignements et des faits. Voilà ce que nous faisons. Il semble que ça fonctionne bien pour nous. Je ne voudrais pas jeter un sort, mais je pense que nous avons eu de la chance lors de nos rencontres avec les deux ordres de gouvernement.

Le sénateur Wallace : Chef Tacan, je me demande si quelques conséquences financières ou engagements viendraient bénéficier à votre nation à la suite de la conclusion de cet accord d'autonomie gouvernementale, au moment de la signature. Des conséquences financières s'ensuivraient-elles d'année en année au fil du temps?

M. Tacan : Nous sommes confiants quant au fait que, dans les déclarations du ministre, lorsque l'accord a été signé initialement en août, le chiffre pour la durée de l'entente serait de 130 millions de dollars à la suite de sa conclusion. Cela donnerait à la Première Nation la capacité de faire les choses différemment de ce qu'elle fait actuellement selon la méthode de financement. Je sais que nous finançons beaucoup de choses, comme des assurances, et les coûts sont beaucoup plus élevés si l'on fonctionne de façon mensuelle. Si nous pouvons payer quelque chose de façon forfaitaire et que cela permet à la bande de réaliser des économies. Il s'agit là de choses qui nous aideront au final, je pense.

Une fois encore, je n'ai pas examiné en détail les avantages qui en découleraient. Je sais que rien ne peut être pire que ce que nous connaissons maintenant. Nous sommes censés recevoir des fonds du ministère, mais c'est très difficile d'y avoir accès. La première chose qui nous avantage, c'est le fait que nous allons avoir accès au capital, à des prêts, notamment.

Le sénateur Wallace : L'accord d'autonomie gouvernementale donnerait à votre nation compétence sur un certain nombre de domaines importants, comme vous l'avez indiqué, à savoir la santé, l'éducation et le logement, et je me demandais si cela était assorti de conditions. Y a-t-il des normes que devra respecter votre nation en matière de logement, de santé et d'éducation? Cela serait-il de quelque façon que ce soit associé à la méthode de financement continu ou aux engagements pris par le gouvernement fédéral envers la nation?

M. Tacan : Nous accueillerions à bras ouverts la mise en place de normes dans certains domaines comme le logement. Nous avons revu nos politiques récemment, et il en est ressorti que, en raison de l'absence de normes, le logement dans notre communauté est de mauvaise qualité. Il y a toujours le problème des entrepreneurs et des entreprises qui viennent pour construire des logements de piètre qualité, ce qui entraîne des problèmes à court terme. De nouvelles maisons ont été construites et, cinq ans après, elles tombent en morceaux. C'est le résultat du fait de ne pas avoir de normes en place.

On tente maintenant de s'assurer que l'on répond à ces besoins. Dans le cadre de mes fonctions en tant que membre de la commission scolaire, par exemple, cela fait 10 ans que je travaille à Sioux Valley. Nous avons commencé notamment à examiner la nécessité d'attirer des enseignants qualifiés. Nous devons constamment nous assurer d'avoir les gens nécessaires pour assurer la réussite. Il y a des normes qui doivent être mises en place dans différents domaines. Dans l'accord, ce qui ressort à mes yeux, c'est l'expression : « comparable ou de meilleure qualité ». Il s'agit là de ce qui, je l'espère, verra le jour.

M. Peltz : Pour ce qui est de ces accords, il s'agit de trouver un équilibre délicat, car nous ne voulons pas imposer d'exigences aux Premières nations. Elles sont censées être autonomes, et par conséquent, nous souhaitons leur laisser la plus grande souplesse pour concevoir les programmes, réaffecter des fonds selon leurs priorités. D'un autre côté, comme vous pouvez-vous en douter, ces normes ont des conséquences importantes et elles sont assujetties à juste titre à une question politique fédérale. Pour ce qui est de la santé, par exemple, nous souhaiterions que les taux d'immunisation chez les Premières nations répondent aux mêmes normes que ceux qui sont en place à l'extérieur des réserves. Nous ne voulons pas que les Premières nations aient accès à des soins de santé de moindre qualité; cela serait une conséquence fâcheuse. En outre, en tenant compte du fait que certaines maladies sont transmissibles, nous ne voudrions pas voir apparaître des zones où se développent des maladies transmissibles. Dans des situations comme celles-ci, où il faut tenir compte de politiques fédérales importantes, il nous faut des normes.

En ce qui a trait à l'éducation, ce qui est dans l'accord est relativement semblable à ce que l'on propose dans le nouveau projet de loi sur le contrôle par les Premières nations de l'éducation des Premières nations. On reconnaît tout d'abord qu'il n'y a aucune réglementation fédérale en matière d'éducation. Donc, à l'heure actuelle, le fonctionnement des écoles de Sioux Valley s'effectue en l'absence de réglementation pour contrôler, par exemple, le nombre d'heures de cours que les élèves doivent suivre ou concernant le programme scolaire. Lorsque ce nouveau projet de loi entrera en vigueur, la Première Nation devra répondre aux normes provinciales, et c'est exactement la même disposition que nous avons dans l'accord de gouvernance conclu avec la Nation des Dakota de Sioux Valley. Pour ce qui est de l'éducation, elle doit atteindre ou dépasser les normes qui s'appliquent ailleurs dans la province, l'objectif étant de permettre à un élève de passer d'une école située dans la réserve à une école située à l'extérieur de celle-ci, ce qui lui permettrait d'être au même niveau à l'intérieur et à l'extérieur de la réserve.

En ce qui a trait au financement, d'après la façon dont les compétences sont exercées, il n'y a aucun financement supplémentaire, mais il est important d'indiquer que l'administration de Sioux Valley assumera des responsabilités supplémentaires qu'elle n'assumait pas auparavant à titre de bande aux termes de la Loi sur les Indiens. Par conséquent, des fonds supplémentaires sont mis à la disposition du gouvernement de l'oyate dakota de Sioux Valley, proportionnellement aux nouvelles responsabilités qu'il assume.

Pour être plus précis, on prévoit un financement ponctuel pour la mise en œuvre de 750 000 $ versés sur un an pour faciliter la transition vers l'autonomie gouvernementale. Il leur faut de l'aide financière pour se doter d'un certain nombre de composantes de gouvernance essentielles, de lois et de politiques. Ce financement de trois quarts de million est ponctuel.

On prévoit environ 2 millions de dollars de nouveaux fonds pour assumer les coûts de fonctionnement du gouvernement. C'est une catégorie très vaste. Une fois encore, nous ne tentons pas de dicter ce que la nation de Sioux Valley doit faire de cet argent, mais les frais d'administration d'un gouvernement comprennent de toute évidence des choses comme le chauffage des installations, les salaires versés au personnel, l'acquisition d'équipement de bureau, entre autres choses.

Avant d'adopter un projet de loi sur la Nation des Dakota de Sioux Valley, vous souhaiterez probablement consulter des juristes. C'est quelque chose qui serait prévu. Vous pourriez vouloir aussi entrer en contact avec d'autres Premières nations autonomes afin de vous inspirer de leur pratique exemplaire.

Toutes ces activités sont prévues dans les fonds supplémentaires consacrés à l'administration d'un gouvernement.

Dans le cadre de ces 2 millions de dollars supplémentaires, la formule prévoit que certaines fonctions doivent être celles d'une commission scolaire, en gros, pour ce qui est de mettre sur pied des programmes scolaires, notamment. C'est donc quelque chose dont il a été tenu compte dans la détermination de ce montant supplémentaire de 2 millions de dollars. Cela s'ajoutera aux quelque 900 000 $ que la nation reçoit pour assumer ses coûts associés à une administration fonctionnant en vertu de la Loi sur les Indiens. Donc, le financement total consacré à l'administration du gouvernement serait d'environ 2,9 millions de dollars.

La sénatrice Raine : C'est difficile de poser une question vers la fin, parce que j'ai écouté les questions précédentes qui étaient toutes très pertinentes.

J'ai une question que j'aimerais poser au chef Tacan : étant donné que vous assistez à ce processus depuis 25 ans, il est évident que vous êtes en contact étroit avec vos voisins. Pouvez-vous nous expliquer quel accueil vous avez reçu dans les communautés voisines, là où travaillent et là où vivent un certain nombre de vos membres? Tout le monde a-t- il fait preuve de compréhension? Avez-vous communiqué avec eux, et quelle est leur réaction?

M. Tacan : Nous avons d'assez bonnes relations avec nos voisins. Nous participons à différents événements dans la communauté et autour de celle-ci. Nous avons aussi récemment mis sur pied un grand festival d'hiver à Brandon. Nous avons collaboré étroitement avec le conseil municipal pour avoir accès au motel dont il dispose.

L'organisation de cet événement chaque année nous a aidés à tisser des liens d'amitié avec la ville et, par conséquent, on a de bonnes raisons de croire qu'elle désirera s'associer à nous dans le cadre de différentes choses. Nous sommes parvenus à faire l'acquisition d'une école secondaire à Brandon. Nous avons créé des partenariats avec le Collège communautaire Assiniboine de Brandon. Nous avons tissé des partenariats avec l'Université de Brandon; nous utilisons ses installations et elle a parfois recours aux nôtres. La ville fait donc preuve d'une certaine volonté à établir des partenariats dans le cadre de différentes choses.

Nous sommes aussi présents dans un certain nombre de petites villes. Nous avons des membres qui travaillent à l'extérieur de la communauté, et ce qu'ils ont eu à nous dire à ce sujet est assez positif. Notre conseil de développement économique s'est récemment associé à la municipalité rurale de Sifton. Le conseil a siégé et a décidé de les rencontrer sous peu. Il semble être d'accord avec le fait que l'on pourrait aller plus loin en établissant des partenariats afin de promouvoir notre région et développer, pour commencer, des activités de type touristique et d'autres possibilités.

Pour vous donner un exemple de nos bonnes relations avec nos voisins, au cours des cérémonies d'ouverture du festival d'hiver, nous avons reçu un certain nombre d'appels dont un du député récemment élu de Brandon—Souris, qui souhaitait y participer.

Nous avons donc des amis très spéciaux dans notre région et autour, qui aiment participer aux événements que nous organisons, et il nous fait plaisir de promouvoir notre communauté. Nous profitons de toutes les occasions qui s'offrent à nous de collaborer avec la municipalité, la ville de Brandon ou le député de notre circonscription. Par conséquent, nos voisins veulent maintenant collaborer avec nous et comprennent mieux nos enjeux dans la communauté. En retour, nous bénéficions du fait de connaître leurs enjeux. Il y a donc de bons échanges interculturels.

Nous avons récemment invité un certain nombre des écoles voisines à participer à nos commémorations de la guerre de 1812 qui aura lieu cette semaine. Cela a été bien accueilli : nous recevrons plus du double du nombre d'étudiants que nous attendions, et nous avons maintenant de la difficulté à répondre aux besoins de toutes les écoles intéressées à venir participer à cet événement.

Nos relations avec les communautés voisines sont positives.

La sénatrice Raine : C'est ce que je vois, et je sais que c'est très spécial.

Avez-vous hâte de faire connaître aux autres Premières nations des Prairies la façon dont vous vous êtes rendus là afin de les aider à avancer?

M. Tacan : Les dirigeants de certaines organisations sont venus participer à la cérémonie de signature. Étant donné que je ne mets pas trop l'accent sur les autres Premières nations et les autres organismes — je m'intéresse principalement à ma propre communauté —, je ne suis pas vraiment au courant de leur point de vue.

J'ai parlé au chef de la FSIN, qui m'a dit : « C'est excellent. Vous ouvrez la voie à d'autres Premières nations. » Et je pense que ce n'est que par la suite que j'ai vraiment compris ce qu'il m'avait dit. Cela fait tellement longtemps que je travaille à cela que je ne mesurais pas l'ampleur de ce qui a découlé du travail acharné de la communauté. C'est bien d'entendre quelqu'un d'une autre Première Nation reconnaître le travail que nous avons fait.

Les gens commencent à remarquer ce que nous faisons. J'ai reçu plusieurs appels de certains chefs au Manitoba qui souhaitaient m'interroger à ce sujet. J'ai tenté de répondre à un certain nombre de leurs questions, et il semble y avoir un intérêt à se soustraire au régime de la Loi sur les Indiens.

La sénatrice Raine : Merci et félicitations.

Le président : Une première dans les Prairies.

Chers collègues, il nous reste moins de 10 minutes. J'ai les sénateurs Watt et Meredith sur ma liste, mais je souhaite donner la parole à la sénatrice Dyck qui a une question importante et qu'elle souhaite voir figurer dans le procès- verbal.

La sénatrice Dyck : Toutes mes excuses aux autres sénateurs.

J'aimerais revenir à la question de savoir si ce projet de loi est effectivement un projet de loi sur l'autonomie gouvernementale. Nous avons examiné le projet de loi sur la Première Nation de Westbank qui a été adopté il y a quelques années. Dans ce projet de loi, on indique qu'il s'agit d'un projet de loi destiné à donner à la Première Nation de Westbank l'autonomie gouvernementale. Dans le projet de loi C-16, le terme « gouvernement autonome » n'apparaît nulle part. Dans l'accord entre le gouvernement fédéral et la Première Nation de Westbank, une disposition indique qu'elle met en œuvre : « ...le droit inhérent de la Première Nation de Westbank à l'autonomie gouvernementale... ».

Dans votre accord avec le fédéral, dont nous n'avons pas copie et que nous n'avons pas vu, énonce-t-on les principes fondamentaux qui indiquent que la Nation des Dakota de Sioux Valley met en œuvre son droit inhérent à l'autonomie gouvernementale avec l'accord du Canada? Y a-t-il quoi que ce soit dans le libellé de votre accord avec le fédéral qui mentionne le fait que l'autonomie gouvernementale et les droits inhérents sont reconnus?

M. Slusar : Madame la sénatrice Dyck, je pourrais peut-être répondre à cette question, car elle est effectivement très importante. Le préambule de l'accord d'autonomie gouvernementale de la Nation des Dakota de Sioux Valley indique que le gouvernement du Canada reconnaît et affirme le fait que le droit à l'autonomie gouvernementale est un droit ancestral existant. Cela figure dans le préambule. Vous avez indiqué que vous n'aviez pas de copie de l'accord. Cela pourrait donc répondre à un certain nombre de vos questions.

En outre, le projet de loi C-16 indique, dans son premier article, et cela revient à ce qui a été dit plus tôt par le sénateur Watt, je crois, concernant le fait que l'on fait fi de l'article 35... C'est quelque chose qui nous poserait problème parce que le projet de loi C-16 indique d'emblée qu'en vertu de l'accord de gouvernance, les parties ont l'intention d'entretenir des relations d'égal à égal dans le cadre de la Constitution canadienne, y compris, bien sûr, aux termes de l'article 35.

Ensuite, aux dispositions 5 et 6, l'accord indique qu'il ne s'agit pas d'un traité et il n'y a aucune définition des droits ancestraux et/ou issus d'un traité, ce qui, bien sûr, est très important. Si nous avions eu l'intention de les définir, et nous avons eu l'occasion de faire de cet accord un traité, on serait encore en train de négocier sur la définition. Nous ne les avons pas définis afin de permettre l'accord des parties, mais on permet, en fait, à la nation de Sioux Valley d'élaborer ses propres structures de gouvernance afin qu'au final cette définition soit claire pour ce qui est de la gouvernance qu'exerce cette nation sur ses terres, si vous me suivez.

Afin de tenter de dissiper les malentendus sur l'accord, comme mon ami et collègue M. Peltz l'a indiqué, l'accord ne se veut pas normatif. L'article 18 traite d'éducation, l'article 19 de santé et l'article 20 des services à la famille et à l'enfance. Je poursuis dans mes explications. L'approche est la suivante : tout d'abord, on donne un énoncé large du domaine de compétence. Dans le cas de l'éducation, c'est la nation de Sioux Valley qui a compétence, c'est-à-dire qu'elle a le pouvoir de légiférer en matière d'éducation. Puis, on fournit des exemples précis de ce que la loi pourrait inclure, dans ce cas, toutes sortes de choses relevant de l'éducation préscolaire, élémentaire, secondaire, postsecondaire et des questions ayant trait aux programmes scolaires en ce qui a trait à la culture et à la langue dakota, entre autres. Ensuite, il y a une occasion d'établir une norme en ce sens que l'article indique qu'une loi de la nation de Sioux Valley en ce qui a trait à l'éducation doit prévoir des normes comparables au moins égales aux normes provinciales. Enfin, dans le cas de l'éducation, s'il y a une incohérence législative, l'article indique lesquelles des lois fédérales et/ou provinciales prévalent? Dans le cas de l'éducation, ce serait la loi de la Nation des Dakota de Sioux Valley. C'est ainsi dans la plupart des domaines.

Toutefois, et c'est une exception, la loi fédérale ou provinciale s'appliquerait, conformément aux principes juridiques constitutionnels, lorsque cette loi et la non-concordance relèvent de la paix, l'ordre et la bonne gouvernance du Canada. En santé, par exemple, les mêmes critères de compétence s'appliquent en particulier à la promotion de la santé, à la santé publique et aux services médicaux. Cependant, l'accord précise la portée des lois, par exemple, en matière de réglementation des praticiens et de la médecine traditionnelle. Au final, en cas de non-concordance — les établissements de santé sur les terres de Sioux Valley reposent sur une structure hybride —, c'est la loi de Sioux Valley qui aurait préséance. S'il y a toutefois non-concordance avec d'autres lois fédérales ou provinciales applicables, ces lois auraient préséance, par exemple en matière de santé nationale.

En matière de services à l'enfance et à la famille, les critères sont les mêmes. La compétence dépend finalement de ce que prévoit la loi, et il peut y avoir non-concordance. Fait intéressant, dans le cas des services à l'enfance et à la famille, on compte des structures dans les réserves et hors réserve. La nation de Sioux Valley n'aurait la compétence que si elle concluait un accord avec les autorités provinciales ou fédérales comparables.

Dans les articles 18, 19 et 20, il est question de la structure générale de l'accord de gouvernance. Je reprends les propos du sénateur Watt : Cela veut-il dire que la nation de Sioux Valley est une Première Nation autonome ou est en voie d'en devenir une? La nation de Sioux Valley a l'occasion de se développer à son rythme et de légiférer pour augmenter son autonomie, de façon à supplanter progressivement la Loi sur les Indiens. À terme, l'objectif, c'est de ne conserver que deux dispositions de la Loi sur les Indiens. Comme nous l'avons dit, la première concerne l'enregistrement. Le Canada a déclaré vouloir garder l'enregistrement et distinguer les inscrits des non-inscrits. La deuxième est l'article 87, qui prévoit que les transactions à l'intérieur de la réserve sont exemptées de taxes.

À terme, on peut jouer sur l'importance relative de la Loi sur les Indiens. Il faudra du temps et beaucoup de travail. D'abord, il faut veiller à ce que l'article 35 soit maintenu et que la nation de Sioux Valley, bien que non autonome au départ, ait la possibilité de développer son autonomie. Il lui revient de le faire.

Le président : Cela nous est utile. Je crois savoir que l'accord entre la nation de Sioux Valley et le Canada est en ligne. Il est volumineux, mais on peut le consulter sur le site web du ministère.

Sauf erreur, la nation de Westbank avait présenté des revendications globales et négocié un accord d'autonomie. Comme l'a expliqué M. Slusar, le projet de loi à l'étude aujourd'hui n'est ni un traité ni une revendication, si cela peut vous être utile.

M. Webber : J'aurais besoin d'une simple précision. Vous avez dit que la nation de Westbank avait présenté des revendications globales et négocié un accord d'autonomie. Elle dispose d'un accord d'autonomie globale, mais cet accord ne traite pas la propriété des terres et des ressources. Donc, ce n'est pas un accord de revendications territoriales.

Le président : Très bien, un accord d'autonomie globale. Merci de votre précision.

Chers collègues, nous avons traité un grand nombre de questions. Le chef nous a demandé de participer à une séance photo pour le bulletin communautaire.

Je demanderais au sénateur Watt et au sénateur Meredith d'être concis. Il faut qu'on quitte les lieux pour des raisons indépendantes de notre volonté. Donc, je vous demanderais d'être le plus succinct possible.

Le sénateur Watt : Je suppose qu'on n'aura pas l'occasion de poser d'autres questions à ces témoins.

Le président : Il est prévu qu'on discute de cet important projet de loi demain, mais je ne crois pas que les témoins soient disponibles, en tout cas pas tous.

Le sénateur Watt : Dans ce cas, je voudrais brièvement soulever trois points. Le premier, c'est les lois d'application générale, qui sont provinciales. Comment allez-vous traiter cette question pendant la période de transition pour étayer l'autonomie gouvernementale? Si les lois d'application générale doivent s'appliquer, à quel moment seront-elles suspendues à des fins de négociations?

Le second point porte sur le calendrier des négociations. Quand est-ce que vous allez entamer de véritables négociations pour suivre le cadre établi?

Troisièmement, je crois que le représentant du ministère de la Justice a souligné l'existence d'une lettre d'engagement. Je voudrais que cette lettre soit déposée si ce n'est déjà fait.

Le président : En fait, je crois que c'est un protocole d'entente. Monsieur Webber, le comité pourrait-il consulter ce protocole d'entente sur les prochaines étapes?

M. Webber : Le protocole d'entente n'a pas encore été signé. La signature se fait en deux temps, c'est-à-dire que la Première Nation l'a signé au Manitoba et le protocole sera maintenant soumis au ministre des Affaires autochtones en vue de sa signature à Ottawa-Gatineau. Le protocole d'entente sera complet après la signature du ministre. À l'heure actuelle, il est trop tôt pour vous présenter ce protocole d'entente.

De plus, je ne suis pas certain — peut-être que mon collègue M. Slusar peut m'aider — des dispositions sur la confidentialité. Si les parties n'ont pas stipulé que le protocole d'entente est confidentiel, je pense bien qu'il sera affiché sur le site web d'Affaires autochtones.

Le président : Le sénateur Watt avait deux autres questions.

Le sénateur Watt : Ce sont les trois questions que je voulais soulever étant donné le peu de temps qu'il nous reste. Sauf erreur, je crois qu'il y aura plus de témoins ce soir ou demain.

Le président : Non. Nous allons examiner le projet de loi demain, mais je ne crois pas que tous les témoins soient disponibles.

Auriez-vous d'autres commentaires sur les questions du sénateur Watt?

M. Slusar : Nous pouvons essayer d'y répondre brièvement, monsieur le président. Étant donné l'importance de ce dossier pour la Nation des Dakota de Sioux Valley, nous pourrions nous rendre disponibles à nouveau si cela vous était utile. Je tenais à le dire.

Sénateur Watt, je crois que vous avez évoqué l'article 88 de la Loi sur les Indiens sur les lois dans une province. L'article 88 porte sur l'application des lois provinciales d'application générale. Rien ne change avant la date d'entrée en vigueur, fixée par une loi du Parlement et une loi provinciale, et comme nous l'avons vu, le tout doit recevoir la sanction royale et être promulguée.

L'article 88 concerne l'application des lois provinciales, sous réserve d'une loi du Parlement. Cette loi du Parlement fait référence aux lois provinciales. En vertu de l'article 88, ces lois provinciales auraient préséance en quelque sorte. Cet article peut devenir nul parce qu'il est supplanté par les dispositions sur la gouvernance, l'accord bilatéral et trilatéral, ce qui permet à la nation de Sioux Valley d'adopter ses lois. La question de l'application des lois fédérales ou provinciales sera traitée sous réserve de l'accord. Elles s'appliquent toujours, sauf que la nation de Sioux Valley peut les supplanter. Comme on l'a expliqué, soit les lois de la nation de Sioux Valley auront préséance en cas de non- concordance, soit la loi fédérale ou provinciale s'appliquera.

Pour répondre à votre question précisément, la situation change à la date d'entrée en vigueur.

Le président : Rapidement s'il vous plaît.

M. Slusar : Quelle était votre deuxième question? Vous avez parlé des négociations du cadre. C'est un processus à part qui n'a rien à voir. Ce n'est d'ailleurs pas le premier protocole d'entente. Le ministre a déjà signé un protocole, il y a plus d'un an, avec d'autres nations Dakota. Pour la nation de Sioux Valley, c'est une priorité. Maintenant, elle souhaite, c'est logique, enchaîner avec les questions hors réserve. Nous espérons entamer ces discussions d'ici une semaine à peu près. Je pense que c'était tout, n'est-ce pas, sénateur Watt?

Le président : Il faut s'arrêter là. Je suis désolé. Je suis un président impérieux.

Sénateur Meredith, pourriez-vous garder vos questions pour demain?

Pour ce qui est de la disponibilité des témoins, nous allons en discuter en comité de direction. Nous nous rencontrons cet après-midi, et nous prendrons vos commentaires en compte.

J'aimerais vous remercier, tout un chacun. Nous avons été productifs, et vos questions nous ont permis d'examiner un grand nombre d'enjeux. À la demande du chef de Sioux Valley, je voudrais demander aux sénateurs de rester quelques instants pour une séance photo.

Chef, merci à vous et vos collègues. Bonne journée.

(La séance est levée.)


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