Aller au contenu
RIDR - Comité permanent

Droits de la personne

 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Droits de la personne

Fascicule 14 - Témoignages du 4 décembre 2014


OTTAWA, le jeudi 4 décembre 2014

Le Comité sénatorial permanent des droits de la personne, auquel a été renvoyé le projet de loi S-7, Loi modifiant la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, la Loi sur le mariage civil, le Code criminel et d'autres lois en conséquence, se réunit aujourd'hui, à 8 h 1, pour étudier le projet de loi.

La sénatrice Mobina S. B. Jaffer (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente : Chers sénateurs, bienvenue à la vingt-troisième réunion de cette deuxième session de la quarante et unième législature du Comité sénatorial permanent des droits de la personne.

[Français]

Le Sénat a confié à notre comité la mission d'examiner les questions liées aux droits de la personne au Canada et à l'étranger.

Je m'appelle Mobina Jaffer, et je suis présidente de ce comité.

[Traduction]

Avant de poursuivre, j'invite mes collègues à se présenter, à commencer par la vice-présidente.

La sénatrice Ataullahjan : Sénatrice Salma Ataullahjan, représentant l'Ontario.

La sénatrice Eaton : Nicky Eaton, de l'Ontario.

La sénatrice Nancy Ruth : Nancy Ruth, de l'Ontario.

Le sénateur Tannas : Scott Tannas, de l'Alberta.

Le sénateur Ngo : Sénateur Ngo, de l'Ontario.

La présidente : Nous allons donc entamer nos audiences sur le projet de loi S-7, Loi modifiant la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, la Loi sur le mariage civil, le Code criminel et d'autres lois en conséquence. Ce projet de loi fait de la polygamie un nouveau motif de refus de l'admission ou du droit de demeurer au Canada, fixe à 16 ans l'âge minimum pour le mariage, limite l'utilisation de la provocation comme défense au pénal et crée de nouvelles infractions et de nouvelles obligations à ne pas troubler l'ordre public en ce qui concerne le mariage contraint et le mariage avant l'âge limite.

Nous avons aujourd'hui le grand privilège d'accueillir le ministre Alexander. Monsieur le ministre, je pense que c'est la première fois que vous allez témoigner devant notre comité et je vous souhaite la bienvenue à vous-même, ainsi qu'à vos collaborateurs et aux fonctionnaires du ministère de la Justice. Je crois savoir que vous voulez faire une brève déclaration liminaire. Allez-y.

[Français]

L'honorable Chris Alexander, C.P., député, ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration : Je vous remercie, madame la sénatrice. Je suis très heureux d'être ici avec autant de collègues distingués et d'amis. Je suis accompagné par l'un de mes collègues du ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration, ainsi que par des collègues du ministère de la Justice qui ont des connaissances approfondies du sujet en question.

[Traduction]

C'est avec plaisir que je m'adresse au comité pour parler du projet de loi S-7, la Loi sur la tolérance zéro face aux pratiques culturelles barbares, lequel contribuera à nous assurer qu'aucune jeune fille ou femme au Canada ne soit victime d'un mariage précoce ou forcé, de la polygamie, de la violence fondée sur l'honneur, ou de toute autre forme de pratique culturelle barbare.

Nous aurions aimé pouvoir déclarer que dans le Canada de 2014, il n'y a plus de problèmes familiaux. Malheureusement, et comme nous le savons, que ce soit à Bountiful, en Colombie-Britannique, ou dans le reste du pays, les problèmes demeurent comme nous le prouvent les actes quotidiens de violence perpétrés contre des femmes. Nous restons déterminés à combattre ce phénomène, comme l'a montré récemment notre premier ministre à Dakar dans son annonce d'un financement et de nouvelles initiatives visant à soutenir les efforts déployés à l'échelle internationale pour mettre un terme aux mariages précoces ou forcés et comme nous l'avons également démontré en participant aux 16 Journées d'action contre la violence liée au genre qui ont précédé le sombre, mais très important anniversaire du 6 décembre.

C'est ce que nous avons aussi prouvé hier soir, à la Chambre des communes, quand la députée Stella Ambler a lancé une nouvelle série de débats au sujet de sa motion privée visant à mettre un terme au mariage par procuration, par télécopieur ou par téléphone qui sont parfois des moyens de contraindre des femmes, et même des garçons, à se marier contre leur gré.

Comme vous le savez, les mesures du projet de loi S-7 visent à modifier la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, la Loi sur le mariage civil et le Code criminel de façon à offrir plus de protection et de soutien aux personnes vulnérables, principalement les femmes et les filles.

Notre gouvernement a adopté une position ferme à l'égard de ces pratiques, et il dirige les efforts internationaux visant à les enrayer en tant que violations des droits fondamentaux de la personne. Dans le dernier discours du Trône, nous avons reconnu que des millions de femmes et de jeunes filles dans le monde entier continuent d'être brutalisées par la violence, incluant par la pratique inhumaine du mariage précoce et forcé. Leur nombre a été annoncé à Dakar : dans les dernières décennies, des centaines de millions de femmes et de fillettes auraient été victimes de cette pratique.

Le gouvernement s'est engagé à faire en sorte d'empêcher les pratiques culturelles barbares de se produire en sol canadien. Le projet de loi S-7 fait suite à cet engagement. Il envoie un message clair à toutes les personnes qui viennent au Canada et à celles qui font déjà partie de la société canadienne — et permettez-moi d'insister sur le fait que certaines familles font partie de notre société depuis des générations —, selon lequel de telles pratiques sont incompatibles avec les valeurs canadiennes et ne seront pas tolérées ici.

Les modifications contenues dans ce projet de loi visent à renforcer les trois lois dont j'ai parlé, de façon à prévoir des protections additionnelles. Ces modifications permettraient d'améliorer la protection et le soutien aux personnes vulnérables — en particulier les femmes et les filles — de plusieurs façons différentes : Interdiction de territoire des résidents permanents et temporaires qui pratiquent la polygamie au Canada. Renforcement des lois canadiennes sur le mariage par l'établissement à l'échelle du Canada d'un nouvel âge minimum pour le mariage de 16 ans, et par la codification des dispositions juridiques existantes relatives au consentement libre et éclairé en ce qui a trait au mariage, et de la nécessité de mettre fin à un mariage existant avant d'en contracter un nouveau. Criminalisation de certains actes liés à des cérémonies de mariage de mineurs ou de mariages forcés, comme l'enlèvement d'un enfant du Canada aux fins de telles cérémonies de mariage. Protection des victimes potentielles de mariages de mineurs ou forcés, grâce à la création d'un engagement préventif de ne pas troubler l'ordre public spécifique imposé par un tribunal, dans les cas où il y a des motifs de craindre qu'une personne puisse commettre une infraction à cet égard. Invalidation de la défense de provocation dans les cas de meurtres dits d'honneur et de nombreux homicides de conjoints.

Permettez-moi de préciser certaines des mesures importantes proposées par le projet de loi S-7. Madame la présidente, la polygamie va à l'encontre des valeurs canadiennes; c'est pourquoi elle est illégale au Canada depuis 1890. Bien qu'il soit interdit par la loi canadienne de pratiquer la polygamie ou de contracter une union polygame, cela n'est pas le cas dans tous les pays. Pour accroître notre capacité à prévenir l'apparition de la polygamie en sol canadien, et pour veiller à ce que le système d'immigration ne facilite cette pratique d'aucune manière, le projet de loi S-7 créerait dans la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés un nouveau motif d'interdiction de territoire concernant la pratique de la polygamie. Ainsi, les agents d'immigration disposeront des outils nécessaires pour déclarer interdits de territoire les résidents temporaires et permanents qui pratiquent la polygamie. La nouvelle interdiction de territoire signifie que les personnes qui cherchent à entrer au pays sur une base temporaire et qui pratiquent la polygamie à l'étranger seraient uniquement autorisées à entrer seules. Elle signifie également que les résidents permanents qui pratiquent la polygamie au Canada pourront être renvoyés pour ce seul motif. Il ne sera plus nécessaire d'obtenir une déclaration de culpabilité ou d'établir l'existence de fausses déclarations pour pouvoir entamer les procédures d'expulsion.

À cet égard, ces mesures auront bien sûr un effet direct sur les flux d'immigration, mais elles se feront également sentir dans certaines collectivités, comme à Bountiful en Colombie-Britannique, où il est de pratique courante de recruter des jeunes filles, des jeunes épouses, aux États-Unis. Jusqu'à présent, nous n'avons disposé que d'un pouvoir d'intervention limité sur le plan des services de l'immigration afin d'empêcher cette forme de trafic de fillettes et de jeunes femmes destinées à des mariages polygames qui ne sont évidemment pas officiellement déclarés.

Madame la présidente, les mesures du projet de loi S-7 modifieraient également la Loi sur le mariage civil afin de s'attaquer au problème des mariages de mineurs et des mariages forcés. Au Canada, il n'existe pas d'âge minimum fixé à l'échelle nationale pour le mariage. J'ai été surpris de l'entendre.

Des dispositions législatives fédérales spécifiques, qui ne s'appliquent qu'au Québec, fixent l'âge minimum à 16 ans. Dans d'autres régions du Canada, c'est la common law qui s'applique. Il y a un certain flou juridique quant à l'âge minimal fixé par la common law; parfois interprétée comme établissant l'âge minimal du mariage à 12 ans pour les filles et à 14 ans pour les garçons, bien que dans certains cas, et par le passé, parfois à aussi jeune que 7 ans. Le fait d'établir, à l'échelle nationale, un âge minimum de 16 ans pour le mariage enverrait un message clair selon lequel le mariage de mineurs est inacceptable au Canada et ne sera pas toléré.

D'autres modifications à la Loi sur le mariage civil proposées dans le projet de loi S-7 permettraient de codifier l'obligation selon laquelle les personnes qui se marient doivent donner un consentement libre et éclairé à ce mariage, et de codifier l'obligation de dissoudre tout mariage précédent.

Ces mesures permettraient de criminaliser la célébration en toute connaissance de cause d'un mariage forcé ou de personnes mineures, la participation active et en toute connaissance de cause à une cérémonie de mariage dans laquelle l'une des parties se marie avec l'autre contre sa volonté ou est âgée de moins de 16 ans, l'enlèvement d'un mineur du Canada aux fins de célébration d'un mariage forcé ou d'un mariage de mineurs.

D'autres modifications proposées créeraient un nouvel engagement de non-participation à tout mariage forcé donnant au tribunal le pouvoir d'imposer des conditions à une personne, lorsqu'il existe des motifs raisonnables de craindre qu'un mariage forcé ou un mariage de personnes de moins de 16 ans pourrait autrement avoir lieu. Un tel engagement pourrait être utilisé pour empêcher le mariage de mineurs ou un mariage forcé, en exigeant par exemple à la personne visée de remettre son passeport aux autorités ou en empêchant qu'un enfant puisse être emporté à l'étranger.

Il s'agit d'une option importante pour une jeune fille qui, par exemple, veut interdire aux membres de sa famille de l'emmener à l'étranger afin d'y être mariée de force, mais qui ne souhaite pas porter d'accusations contre ces derniers.

Certaines mesures du projet de loi modifieraient également le Code criminel de façon à s'attaquer aux meurtres dits d'honneur. La violence dite d'honneur est généralement perpétrée à l'encontre de membres de sa famille — souvent des femmes et des filles — que l'on juge avoir apporté la honte ou le déshonneur sur la famille.

N'oublions pas qu'étant donné le nombre toujours aussi important de crimes commis au Canada par des personnes qui connaissent leurs victimes qui, dans bien des cas, sont même apparentées à ces victimes, toute cette dimension du sens de l'honneur, de la dynamique des relations personnelles entre l'agresseur et sa victime sont très importante. Les crimes d'honneur sont habituellement prémédités et commis avec une certaine approbation — et parfois, avec la participation — de membres de la famille ou de la communauté.

Cependant, dans certains cas, on peut prétendre que ces crimes constituent des meurtres spontanés en réaction à un comportement de la victime perçu comme étant irrespectueux, insultant ou néfaste pour la réputation de la famille. En vertu du Code criminel, toute personne accusée de meurtre et reconnue coupable de l'avoir effectivement commis peut invoquer la défense de provocation dans le but de faire réduire la gravité du crime à une infraction moindre d'homicide involontaire.

Autrement dit, l'accusé peut affirmer que le comportement de la victime l'a d'une certaine façon provoqué, ce qui l'a mis dans un accès de colère, et qu'il a commis le meurtre dans cet état. Effectivement, le manque de respect et le défi de l'autorité pourraient mener à une défense fondée sur la provocation dans un cas de meurtre, ce qui pourrait donner lieu à une peine moindre.

Une condamnation pour homicide involontaire plutôt que pour meurtre entraîne une stigmatisation grandement réduite et, de manière plus importante, offre un large pouvoir judiciaire discrétionnaire dans la détermination de la sentence. La peine maximale pour homicide involontaire est la prison à perpétuité et n'est assujettie d'aucune peine minimale, à moins qu'une arme à feu ait été utilisée, alors que, pour un meurtre, la sentence est obligatoirement une condamnation à perpétuité, sans possibilité de libération conditionnelle avant au moins 10 ans.

Cette défense a été invoquée dans plusieurs cas de crimes dits d'honneur au Canada. Des meurtriers accusés ont affirmé qu'une infidélité conjugale, un manque respect, une attitude de défi ou un comportement insultant à leur endroit de la part de l'époux ou du parent victime avait provoqué le meurtre, que cette perception ait été avérée ou non. En tant que société, nous devons envoyer un signal clair selon lequel ce genre de raisonnement et ce genre d'actes sont inacceptables et entraîneront une pénalité grave.

Des mesures du projet de loi S-7 modifieraient le Code criminel de sorte que le comportement de la victime ne puisse pas être juridiquement considéré comme de la provocation.

Le projet de loi S-7 renforcerait nos lois de façon à protéger les Canadiens et les nouveaux arrivants au Canada contre les pratiques culturelles barbares. Nous sommes un pays accueillant pour des centaines de milliers de nouveaux immigrants chaque année. La grande majorité de ces nouveaux arrivants enrichissent notre pays de leurs idées, leur énergie et leurs cultures. Ils apprennent très vite et sont ravis d'avoir la possibilité de vivre sous la protection de nos lois.

Pour les rares personnes qui tentent de promouvoir des pratiques culturelles barbares perpétuant la violence, nous devons offrir une réponse sans équivoque. L'entrée en vigueur du projet de loi S-7 enverrait un message fort aux personnes se trouvant au Canada ou souhaitant y venir, selon lequel le Canada ne tolérera pas les pratiques culturelles qui portent atteinte aux droits de la personne sur son territoire. Nous ne tolérerons pas les personnes qui invoqueront leurs pratiques culturelles en tant qu'excuse pour commettre des actes barbares à l'endroit de femmes et de jeunes filles, perpétuant ainsi la violence faite aux femmes. Ces pratiques ne seront pas tolérées en sol canadien.

Je me réjouis d'avoir pu vous donner un aperçu du projet de loi S-7 et des mesures qu'il renferme. Je suis maintenant prêt à répondre à vos questions.

La présidente : Je vous remercie pour vos observations. Je sais que la plupart des sénateurs souhaitent vous poser des questions. Je rappelle aux membres du comité que le ministre sera parmi nous durant la première heure, toutes vos questions devront donc s'adresser à lui. Ses collaborateurs se joindront à nous durant la deuxième heure. Vous pourrez donc tous poser des questions au ministre et, par la suite, nous aurons l'occasion d'en poser à ses collaborateurs de la Justice et de l'Immigration.

Monsieur le ministre, j'aimerais clarifier une chose. D'après ce que j'ai compris, ce projet de loi porte sur quatre points : l'inadmissibilité au Canada pour des motifs fondés sur la polygamie, l'âge, le mariage forcé et la provocation. Au quotidien, votre ministère traite seulement de la question de la polygamie, mais vous êtes le principal ministre responsable de ce projet de loi; est-ce exact? Ai-je bien compris?

M. Alexander : De manière générale, c'est un travail d'équipe. Les mesures qui modifient le Code criminel sont exhaustives, c'est donc mon collègue le ministre de la Justice qui joue un rôle central. Il est responsable d'un grand nombre de mesures, et ces mesures s'inscrivent dans ce programme général. La ministre du Travail et ministre de la Condition féminine a surtout participé aux consultations qui ont mené à ce résultat, comme l'ont été la ministre de la Santé et le ministre des Affaires étrangères dans le cadre des efforts déployés par le Canada sur la scène internationale pour mener la charge contre le mariage précoce et le mariage forcé.

La présidente : Vous en avez glissé un mot dans votre exposé, mais pourquoi avoir choisi un titre comme « Loi sur la tolérance zéro face aux pratiques culturelles barbares »?

M. Alexander : Parce que nous considérons la violence contre les femmes comme étant barbare.

La présidente : Nous entendrons maintenant la vice-présidente du comité, la sénatrice Ataullahjan.

La sénatrice Ataullahjan : Monsieur Alexander, merci d'être venu ici. Au sujet de ce projet de loi, certains ont allégué qu'il ciblait une certaine communauté ou ethnicité. Est-ce vrai? Avez-vous tenu des consultations sur ce projet de loi et que vous ont dit les parties consultées?

M. Alexander : Il cible un groupe très précis — les personnes qui commettent des actes de violence envers les femmes, forcent des filles à se marier contre leur gré, pratiquent la polygamie, se font passer pour d'autres dans nos programmes d'immigration et, à l'étranger, pour des membres de la famille aux fins de réunification familiale — ceux qui disent « J'emmène ma sœur ou ma cousine ». Il cible les personnes qui, sous le prétexte de vouloir sauver l'honneur de la famille, commettent toutes sortes de violences, pas seulement des meurtres, au sein de leur propre foyer.

Ce sont là des pratiques que la vaste majorité des Canadiens, je pense, jugent inacceptables, voire répréhensibles. Voilà pourquoi ce projet de loi cible les personnes qui se livrent à ces pratiques et, oui, certaines d'entre elles sont de nouveaux arrivants au Canada. Bon nombre sont peut-être des Canadiens établis ici depuis plusieurs générations. Nous savons tous que la communauté polygame la plus connue au Canada est établie à Bountiful, en Colombie-Britannique. Malheureusement, on recense des cas dans tous les milieux, autant chez des personnes nées ici que chez des immigrants. Cette pratique n'est pas très répandue, mais suffisamment pour nous inquiéter.

Nous avons tenu des consultations auprès d'un très grand nombre d'intéressés. À Vancouver, Winnipeg, Toronto et Montréal, j'ai eu l'occasion d'entendre surtout des femmes et des organisations féminines. Il y avait des groupes d'immigrantes, des groupes canadiens de défense des droits des femmes ou des groupes spécialisés dans des questions juridiques et pénales et leur réponse a été très favorable.

On nous a posé des questions au sujet des titres et de la terminologie, mais à cet égard, j'ai eu l'impression, autant chez les intervenants que dans la population en général, que cette question suscite peu d'ambiguïté. Nous devons envoyer un message très clair concernant ces pratiques. Ce que Marc Lépine a fait le 6 décembre, c'était barbare. Ce qui se passe trop souvent derrière les portes closes des maisons contre des femmes et des filles, cette violence qui échappe au système de justice pénale, c'est de la barbarie. Les mesures que nous proposons dans ce projet de loi s'attaquent donc à ce problème.

La sénatrice Ataullahjan : Après l'adoption de ce projet de loi, si une personne, homme ou femme, engagée dans une relation polygame entre au Canada seule, à titre de résidente temporaire ou permanente, qu'est-ce qui l'empêchera de se remarier au Canada?

M. Alexander : Bonne question. Si cette personne était déjà engagée légalement dans une relation polygame dans son pays d'origine, si elle ne déclare pas cette situation et si elle épouse une autre personne ici, elle viole la loi. En vertu de la loi actuelle, nous sommes tous tenus, jusqu'à un certain point, et nous le serons davantage en vertu des modifications proposées, de dissoudre tout mariage antérieur avant de nous remarier.

Est-ce que cette situation pourrait être détectée au Canada? Cela dépend des circonstances. Ce que me disent les spécialistes et des membres de groupes communautaires de nombreuses régions du Canada, c'est que beaucoup de nouveaux arrivants au pays se débrouillent pour arriver avec plusieurs femmes, en trompant le système d'immigration, par exemple en les faisant passer pour leurs sœurs ou d'autres parentes, et ces personnes vivent aujourd'hui plus ou moins ouvertement dans une relation polygame. Il aurait été très difficile, voire impossible, de nous attaquer à cette situation en vertu de la LIPR dans sa forme actuelle. Les nouvelles mesures permettront de détecter ce genre de comportement et les personnes qui le pratiquent, qu'il s'agisse de résidents permanents ou de résidents temporaires, seront expulsées.

La sénatrice Eaton : Vous avez parlé de Bountiful. Comment ce projet de loi empêchera-t-il des citoyens canadiens de traverser la frontière et de ramener des filles de 16 ans? L'Agence des services frontaliers du Canada possède-t-elle les outils requis pour les en empêcher? Quelle sera l'incidence de ce projet de loi sur Bountiful?

M. Alexander : Je pense que les peines prévues et l'obligation de rendre compte de ce genre d'action, celle de faire entrer des filles mineures au Canada pour les engager dans un mariage polygame, seront beaucoup plus sévères. L'ASFC offrira une formation et une préparation plus rigoureuses à son personnel après l'adoption de ce projet de loi. Cela nous permettra également d'améliorer notre bilan en matière d'application de la loi en étant plus sévères qu'il y a quelques années.

N'oubliez pas que les premières arrestations à Bountiful sont très récentes, même si cela fait plus d'un siècle que la polygamie est considérée comme une pratique criminelle au Canada. Nous donnons de nouveaux outils aux responsables de l'application de la loi pour leur permettre de mieux faire leur travail.

La sénatrice Eaton : Recevront-ils une formation? Bon nombre de ces jeunes femmes, j'en suis persuadée, font presque partie d'une secte, n'est-ce pas? C'est comme si nous leur disions que ce qu'elles font est illégal, mais qu'en même temps, nous les séparions du seul monde qu'elles ont connu.

M. Alexander : Oui, je suis persuadé que personne ici ne parlerait de consentement, mais il peut y avoir une complicité en raison du phénomène que vous avez mentionné. Lisez les décisions des juges qui se sont récemment prononcés dans les affaires liées à Bountiful. Ils disent tous que la polygamie pratiquée à Bountiful et ailleurs conduit à des taux très élevés de violence conjugale, de maladie mentale, des préjudices et de dépendance, sous l'une ou l'autre de ses nombreuses formes. Je pense qu'il y a lieu d'avoir des inquiétudes au sujet de cette communauté et de son entourage en raison de toutes les répercussions négatives de la polygamie. Nous souhaitons tous vivement régler ce problème.

La sénatrice Eaton : Après l'adoption du projet de loi S-7, sera-t-il possible d'aller directement dans cette communauté, de déterminer qui est polygame et de porter des accusations?

M. Alexander : Bien, la polygamie est aujourd'hui un crime et il y a déjà eu quelques arrestations. Je ne suis pas certain qu'il y ait eu des condamnations. Mes collègues pourront vous le dire. Il n'y a pas encore eu de condamnations dans l'affaire Bountiful, mais comme ces problèmes relèvent des services d'application de la loi, je ne vais pas prédire ce que ces derniers seront capables de faire avec ces nouveaux outils. Chose certaine, ils auront de nouveaux outils à leur disposition, en particulier pour empêcher l'arrivée de nouvelles épouses déjà engagées dans des mariages polygames au sein de communautés similaires, pour parler tout à fait clair, en Utah ou ailleurs de l'autre côté de la frontière, parce que dans l'affaire Bountiful, il y a un aspect transfrontalier.

La sénatrice Eaton : Avec le projet de loi S-7 sur les pratiques barbares, sommes-nous en train d'établir une norme parmi les pays à forte immigration? Je pense à l'Angleterre, la France, l'Australie et peut-être la Nouvelle-Zélande; ces pays ont-ils une loi similaire visant à protéger les femmes, comme nous essayons de le faire ici?

M. Alexander : Ils en ont. Le Royaume-Uni a renforcé ses lois et ses règlements interdisant le mariage forcé. Les Britanniques se sont dotés d'un service très sophistiqué de lutte contre le mariage forcé. Ils ont mis en place de nombreuses mesures à cet égard. Je ne sais pas si d'autres pays ont mis en place des mesures similaires aux nôtres pour lutter contre la polygamie en déclarant cette pratique inadmissible. Notre Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés est unique au monde. Les autres pays ne se sont pas dotés des mêmes outils que nous, mais nous plaçons la barre très haute au Canada en ce qui a trait à l'admission ici d'adeptes de la polygamie.

Je pense que nous allons grosso modo dans la même direction que les pays européens et d'autres pays à forte immigration. Le Canada est loin d'être le seul pays à se préoccuper des crimes d'honneur parmi les immigrants. Le mariage forcé ou précoce et la traite de personnes sont des pratiques qui nous préoccupent au plus haut point.

Malheureusement, l'esclavage moderne et la traite de personnes se pratiquent sur une échelle beaucoup plus vaste que nous aurions osé l'imaginer il y a 10 ou 20 ans. C'est la face sombre de la mondialisation. Lorsque l'on regarde les vidéos facilement disponibles de Boko Haram, de l'EIIL, des talibans et d'autres groupes tout aussi horriblement prompts à dégrader la femme et à se livrer à des pratiques répandues de violence envers les femmes, nous comprenons facilement pourquoi ces réseaux, qui forcent les femmes à se marier, à franchir la frontière contre leur gré et à pratiquer la polygamie, sont actifs dans tous nos pays grâce aux connexions sans précédent que nous avons établies entre nous.

Le sénateur Eggleton : Vous avez utilisé le mot « barbare » il y a quelques instants pour qualifier la violence envers les femmes. Nous sommes tous d'accord avec vous ici, que nous utilisions ou non le terme « barbare » pour les qualifier, pour dire que ces actes sont odieux et tout à fait inacceptables au Canada.

En employant le mot « barbare », n'étiquetez-vous pas, par extension, les communautés au sein desquelles les pratiques dont nous avons parlé aujourd'hui ont cours, ne les traitez-vous pas aussi de barbares, ces communautés établies au Canada?

M. Alexander : De quelles communautés voulez-vous parler, sénateur Eggleton?

Le sénateur Eggleton : Des communautés au sein desquelles certaines de ces pratiques, comme le mariage forcé ou le crime d'honneur, tout aussi odieuses soient-elles, ont cours, parfois dans une très faible mesure. Quoi qu'il en soit, traitez-vous ces gens de barbares?

M. Alexander : J'ai clairement indiqué, il y a quelques instants, quel groupe était visé par ce projet de loi, soit les personnes qui commettent des actes de violence contre les femmes, sans égard à leur culture, leur nationalité ou leur langue. Il peut y avoir, dans ce groupe, des immigrants, de nouveaux arrivants au Canada, ainsi que des Canadiens de longue date. Dans ce pays, nous avons aussi des cas de disparition et d'assassinat de femmes autochtones. Nous avons également des problèmes de cyberintimidation.

Le sénateur Eggleton : Si le gouvernement renforçait son action à cet égard, oui, ce serait une bonne chose. Mais à part les personnes qui commettent ces actes particuliers, est-ce que vous n'étiquetez pas, de façon générale, ces communautés de barbares?

M. Alexander : Vous ne m'avez pas encore dit à quelles communautés vous faites allusion. Moi, je vous parle d'une seule communauté.

Le sénateur Eggleton : Je viens de les décrire, il y a un instant, et je pense que vous m'avez bien compris.

M. Alexander : Votre description n'était pas assez étoffée.

Le sénateur Eggleton : Désolé, c'est à moi de poser les questions et à vous de répondre. C'est ainsi que ça fonctionne.

M. Alexander : Je ne vous ai pas posé de question. Je vous ai simplement répondu.

Le sénateur Eggleton : Non, c'est moi qui vous ai posé la question.

M. Alexander : Oui, mais vous m'avez interrompu pendant que j'y répondais.

Le sénateur Eggleton : Je vous demande : traitez-vous ces communautés de barbares?

M. Alexander : Je dis que les personnes qui commettent des actes de violence envers les femmes se rendent coupables de pratiques barbares et c'est pourquoi nous avons proposé ce projet de loi. Essayez-vous de me dire que cette pratique n'est pas barbare?

Le sénateur Eggleton : Je pose les questions. Les mariages forcés, les crimes d'honneur et la polygamie sont déjà des actes contraires à la loi. Ces actes sont déjà couverts par le droit criminel de notre pays sous des crimes comme l'enlèvement, la séquestration, l'homicide, les mauvais traitements et ainsi de suite. Pourquoi ce projet de loi est-il nécessaire?

M. Alexander : Parce que ces actes sont encore commis au Canada.

Le sénateur Eggleton : Pourquoi ne poursuivez-vous pas les auteurs en vertu de la loi déjà existante?

M. Alexander : Parce que la loi existante ne suffit parfois pas à poursuivre les auteurs. Si nous n'avions pas renforcé nos mesures au cours des huit dernières années, nous n'aurions pas vu le taux de criminalité et d'homicides descendre aussi rapidement au Canada. Je suis désolé de dire que le taux d'homicides, par exemple, a grimpé de façon exponentielle dans notre pays au cours des années 1960 et qu'il commence tout juste à se stabiliser progressivement. Il était encore passablement élevé en 2005. Depuis huit ans, il ne cesse de chuter drastiquement, grâce à une diversité de mesures prises par ce gouvernement, avec la coopération des services d'application de la loi, de procureurs et de professionnels de la justice de partout au pays dans le but de traduire en justice les auteurs de violence et de faire en sorte que les récidivistes ne soient pas libérés trop rapidement dans leurs communautés où ils risquent de récidiver à nouveau.

Le sénateur Eggleton : Vous êtes au gouvernement depuis huit ou neuf ans et vous n'avez pas encore réussi à faire condamner personne pour polygamie. Cette pratique existe pourtant dans ce pays aujourd'hui?

M. Alexander : Nous sommes très fiers de dire que nous avons procédé à des arrestations et porté des accusations pour polygamie, une première depuis un siècle, ce qu'aucun gouvernement libéral n'a jamais réussi à faire.

Le sénateur Eggleton : Dans le The Globe and Mail, un avocat en immigration, Joel Sandaluk, dit qu'au cours de ses 15 années de pratique du droit de l'immigration au Canada, il n'a jamais vu un seul cas. Voici ce qu'il dit au sujet de la polygamie : « C'est quelque chose tout à fait hors de mon expérience à titre d'avocat de l'immigration. » Il dit que cela n'existe pas.

D'où vous vient la nécessité de vous attaquer à cette question? Elle est déjà couverte par les lois du pays. Vous dites que vous avez besoin d'une nouvelle loi, mais voici un avocat de l'immigration qui affirme que ce problème n'existe pas. Il n'existe aucune preuve, aucune expérience de cela.

M. Alexander : Je félicite cet avocat de n'être jamais tombé sur un client polygame.

Le sénateur Eggleton : Pouvez-vous nommer ceux que vous connaissez?

M. Alexander : Je vous conseille plutôt de vous adresser à une panoplie d'agences indépendantes spécialisées dans l'établissement des immigrants, à des avocats et des conseillers en immigration qui constatent cette pratique tous les jours, par exemple la South Asian Legal Clinic de Toronto ou n'importe quel membre du nouveau Conseil de réglementation des consultants en immigration du Canada. Ce problème n'est pas très répandu au Canada, mais il est important. Il concerne au moins des centaines, voire des milliers de personnes.

Le sénateur Eggleton : En ce qui a trait à la provocation, pouvez-vous nous donner des exemples où les tribunaux ont autorisé des témoins à invoquer la provocation pour justifier un crime d'honneur? Savez-vous s'il y a eu des cas? Nous sommes tous d'accord pour dire que c'est un acte tout aussi odieux, mais savez-vous si cette défense a déjà été invoquée devant les tribunaux?

M. Alexander : Oui.

Le sénateur Eggleton : Avec succès?

M. Alexander : Je connais au moins un cas où cette défense a été acceptée et des douzaines de cas où elle a été invoquée.

Le sénateur Eggleton : Pouvez-vous nommer ce cas?

M. Alexander : Oui, je peux. Je peux également m'en remettre à mes collègues du ministère de la Justice qui connaissent les détails, mais je vais vous nommer ce cas : R. c. Stone, [1999] 2 RCS 290. Il ne s'agissait pas d'un crime d'honneur, mais d'une affaire de meurtre dans laquelle la provocation a été invoquée comme défense, et en gros...

La présidente : De quelle affaire parlez-vous?

M. Alexander : Stone, 1999.

La présidente : Mais il ne s'agissait pas d'un crime d'honneur.

M. Alexander : C'était une affaire de meurtre dans laquelle la Cour suprême a affirmé que l'objectif législatif de la défense fondée sur la provocation était de réduire l'accusation de meurtre à une accusation d'homicide involontaire afin que le facteur atténuant de provocation soit pris en compte au moment du prononcé de la peine. La défense a invoqué la provocation, et elle a gagné.

Le sénateur Eggleton : Ce dont il est question ici, à mon avis, c'est que votre projet de loi S-7 s'appuie sur le fait que cette défense a déjà été invoquée avec succès dans une affaire de crime d'honneur, mais il n'y a jamais eu de cas.

M. Alexander : Pour répondre à votre allégation, sénateur Eggleton, je dirais que la défense de provocation, dans le cas d'un crime d'honneur, a été invoquée des douzaines de fois au Canada, et que son existence même dans notre droit criminel affaiblit la défense que méritent d'avoir les femmes et les filles dans leur propre foyer face à des membres de leur famille. Nous ne devons pas permettre que la notion de l'honneur de la famille, sous quelque forme que ce soit, constitue un facteur atténuant dans le cas d'un meurtre commis par un membre de la famille.

Le sénateur Eggleton : Nous n'avons jamais permis cela. Les tribunaux ne l'ont jamais accepté.

M. Alexander : Je trouve étonnant qu'un membre de la Chambre haute du Canada se demande s'il était justifié, aux fins de la protection des femmes, d'affaiblir une défense en faisant référence à l'honneur. Cette défense pourrait être utilisée dans le futur et son existence même envoie aux hommes et aux familles en général, dans tous les foyers du pays, le message que si leur honneur était menacé, ils pourraient invoquer cette défense dans un procès pour meurtre.

Le sénateur Ngo : Merci monsieur le ministre. J'ai quelques questions concernant le mariage forcé, en particulier ici au Canada. Nous sommes tous d'accord pour dire que le mariage forcé est inacceptable au Canada. Savons-nous si des mariages forcés ont lieu au pays, ou est-ce que les familles emmènent leurs filles à l'étranger pour les marier de force?

Comment la modification proposée va-t-elle permettre de prévenir le mariage forcé?

M. Alexander : Nous connaissons de nombreux cas. Je ne crois pas qu'on ait des données nationales exactes sur le sujet, mais d'après les recherches effectuées par la South Asian Legal Clinic à Toronto et d'autres groupes répartis au pays, y compris des universitaires, nous savons qu'au cours des dernières années, il y a eu des centaines, voire des milliers de cas de mariages forcés en sol canadien ou qui ont mis en cause des résidents permanents canadiens ou encore des citoyens canadiens amenés à l'extérieur du pays pour être contraints au mariage.

Qu'apportera ce projet de loi? Il criminalisera la célébration de mariages forcés et la participation active à une cérémonie de mariage forcé. Ceci, dans le but de renforcer l'application de la loi au moyen de mesures beaucoup plus efficaces pour prévenir les mariages forcés et poursuivre ceux qui en sont responsables.

Le sénateur Ngo : Y a-t-il un cas de mariage forcé devant les tribunaux actuellement et dans l'affirmative, quelles sont les conséquences pour les contrevenants responsables de mariages forcés?

M. Alexander : Je m'en remettrai à mes collègues du ministère de la Justice pour ce qui est des cas qui sont présentement devant la cour.

Gillian Blackell, avocate-conseil, Section de la famille, des enfants et des adolescents, Justice Canada : Nous connaissons un cas de mariage forcé au Canada. C'est un cas à la Cour d'appel de l'Alberta, R. c. Bandesha, 2013, dans lequel un oncle et deux cousins ont agressé la nièce et cousine parce qu'elle refusait d'épouser l'homme qu'ils lui avaient dit d'épouser. L'oncle et l'un des fils ont finalement été condamnés à 90 jours de prison et le tribunal a ordonné aux quatre agresseurs des services de consultation sur l'égalité des sexes.

Le sénateur Ngo : Donc si ces gens ont commis un crime conformément au Code criminel, est-ce qu'on leur retire leur citoyenneté ou on leur refuse le statut de résident permanent, le cas échéant?

M. Alexander : Ils perdent leur statut de résidents permanents s'ils sont reconnus coupables d'une infraction punissable par mise en accusation, notamment la participation à un mariage forcé.

Mme Blackell : S'ils ont reçu une peine de six mois ou plus et qu'ils risquent d'être renvoyés du pays.

La sénatrice Andreychuk : Je vais garder certaines questions pour les fonctionnaires du ministère, car elles ont un caractère plus technique.

Monsieur le ministre, il existe un débat autour du terme « barbares » qui suscite des questions et nous éloigne du sujet à l'étude et je comprends votre réponse, quand vous dites que le but de notre intervention est de s'attaquer à la violence qui est perpétrée. Cet effort se joint aux autres démarches générales visant à protéger les femmes dans toutes les situations.

Nous devons combattre la violence perpétrée contre les femmes de toutes sortes de manières, mais j'ai peur que ce débat autour du terme « barbares » nous éloigne du but premier que vous vous étiez fixé. Dans le titre du projet de loi, vous avez choisi l'expression « pratiques culturelles barbares », que je n'aurais probablement pas choisie moi-même. J'aurais aimé que vous ajoutiez le terme « violence » quelque part dans le titre. Donc comment allez-vous contourner le débat actuel pour revenir au vrai débat, qui est celui, je crois, que les femmes et les communautés ont demandé, car ce projet de loi est nécessaire, à mon avis.

M. Alexander : Le titre a suscité un débat et je crois qu'à lui seul, il constitue une victoire vers l'objectif que nous tentons d'atteindre. Qu'est-ce qu'une pratique barbare? C'est une pratique inacceptable. Une pratique qui inclut de la violence et qui à de nombreux égards est inconsidérée, sans motif valable, infligée derrière des portes closes, où les femmes et les jeunes filles sont sans défense ou qui est celle de familles entières conspirant afin que des filles mineures mentent sur leur âge et participent à des mariages forcés.

C'est mon opinion, et je crois celle de nombreux Canadiens, qu'il est barbare de soumettre des membres de sa propre famille à de tels abus. À propos du titre du projet de loi, en effet, certaines personnes ressentent un sentiment d'ambiguïté sur ce sujet et s'opposent à l'emploi de certains termes, car elles croient que cela place une étiquette négative sur une catégorie entière de personnes qui pratiquent ou non un certain type de violence. Ce n'est absolument pas le cas. Aruna Papp, une victime de quelques-unes de ces pratiques, a affirmé que le terme tombe juste. Christian Elia, directeur exécutif de la Ligue catholique des droits de l'Homme a affirmé : « La loi sur les pratiques culturelles barbares décrit des pratiques qui sont en effet barbares... C'est le terme adéquat qui convient à de telles actions. » Gwen Landolt a déclaré : « Le terme barbares qualifie bien les pratiques telles que les crimes d'honneur, la polygamie et les mariages d'enfants. »

Nous possédons des douzaines de citations, provenant toutes de femmes, qui vont en ce sens. Cela nous rappelle qu'il n'y a pas de place pour l'ambiguïté en 2014, particulièrement à la veille de l'anniversaire de Polytechnique, en matière de violence contre les femmes. C'est barbare.

La sénatrice Andreychuk : Je vous remercie pour l'explication. Le sujet sur lequel vous devrez vous attarder est la polygamie, car cela ne concerne pas qu'une collectivité, un seul groupe ethnique ou racial. Je crois que nous avons fait beaucoup de progrès au Canada. Bien que nous avons eu des lois sur la polygamie statuant qu'elle ne fait pas partie de notre cadre législatif, nous devons aller de l'avant. Et c'est sur quoi porte ma prochaine question. Vous avez mentionné que la portée de ces lois devrait être étendue au-delà de la frontière. Comment allons-nous traiter les personnes qui pratiquent la polygamie au Canada et particulièrement, comme vous l'avez précisé, les communautés qui sont établies ici depuis un certain temps, notamment en Colombie-Britannique?

Je comprends ce que le gouvernement fédéral a tenté de faire de concert avec le gouvernement de la Colombie-Britannique. Est-ce que ce projet de loi nous aidera à nous attaquer au problème? Parce qu'il est aussi toujours confronté aux problèmes entourant la Charte.

M. Alexander : Il nous aidera hors frontière à traiter toute la question du trafic d'épouses multiples et les échanges entre la communauté de Bountiful et d'autres communautés semblables dans l'ouest des États-Unis. Elles sont reliées depuis des générations, si j'ai bien compris.

Mais les dispositions de la loi sur les mariages forcés et l'âge minimum pour le mariage nous permettront également de contrer la polygamie et les polygames, à un point tel qu'une seconde ou troisième épouse qui est mariée contre son gré, ainsi que les autres personnes célébrant le mariage ou y participant activement enfreignent maintenant une nouvelle disposition du Code criminel. Les organismes d'application de la loi disposeront de nouveaux outils.

En ce qui concerne le problème d'obtention de preuves de mariages polygames à Bountiful et ailleurs, nous continuerons à confier ce travail aux organismes d'application de la loi. Comme je le mentionnais, la polygamie est un crime au Canada depuis 1890. Certaines mesures ont été créées pour renforcer la loi depuis quelques années. Nous avons effectué des arrestations, mais nous devrons poursuivre nos efforts pour transformer ces arrestations en déclarations de culpabilité.

Joanne Klineberg, avocate-conseil, Section de justice en matière de droit pénal, Justice Canada : Un point important à se rappeler est qu'en vertu de notre Constitution, les enquêtes sur les actes criminels et les poursuites qui en découlent sont de responsabilité provinciale. Ces cas, tels que celui de Bountiful, relèvent entièrement du mandat du gouvernement provincial.

La présidente : Juste pour clarifier un point, comme je viens de la Colombie-Britannique, c'est le procureur général libéral Wally Oppal qui a pris la direction de l'affaire Bountiful. Cela a été pris en charge par les provinces et non par le gouvernement fédéral, n'est-ce pas? Aviez-vous terminé? Je voulais juste clarifier. Elle a dit oui.

La sénatrice Andreychuk : Nous n'allons pas parler de ça...

La présidente : Je voulais juste clarifier.

La sénatrice Andreychuk : Je sais qu'il y a eu des discussions avec le ministère fédéral de la Justice sur cette question. Même s'il s'agit techniquement de l'administration de la justice dans une province, le gouvernement fédéral a la responsabilité du mariage, du divorce, et ainsi de suite. Alors je suppose qu'il y a eu des discussions sur les façons de renforcer la loi, sinon je demande au ministre ou à qui que ce soit de confirmer.

M. Alexander : Vous savez qu'avec ce gouvernement, il y a constamment des consultations et des efforts pour travailler de concert — les provinces, les territoires et le gouvernement fédéral — afin d'assurer que la loi est respectée. Cela nous dérange vraiment, au niveau fédéral de savoir que la polygamie est un crime qui n'a pas fait l'objet de poursuites dans un grand nombre de cas, ceux de Bountiful et d'ailleurs. Je laisserai le ministre de la Justice commenter les plus récentes consultations à ce sujet. Toutefois ces nouvelles mesures lui seront utiles, ainsi qu'aux organismes provinciaux d'application de la loi, pour continuer à engager des poursuites dans les cas de polygamie, de fausses déclarations à la frontière en vue de mariages forcés et le passage de clandestins, qui malheureusement contribue à la pratique de la polygamie à Bountiful et ailleurs au Canada.

La sénatrice Nancy Ruth : Merci d'être parmi nous, monsieur le ministre. De nombreuses activités de soutien sont nécessaires lorsqu'une nouvelle législation est adoptée. Qu'est-ce que les différents ministères ont planifié pour aider les collectivités à comprendre la nouvelle loi et les nouveaux processus?

M. Alexander : Il y a déjà beaucoup de documentation en préparation et nous serons en mesure de la compléter pendant que le projet de loi se transformera en loi. Par exemple, il y aura de l'information disponible pour les femmes, les jeunes filles et tous ceux qui viennent au Canada, même avant qu'ils arrivent ici. Nous voulons nous assurer d'inclure une mention spéciale sur la violence à l'encontre des femmes et le fait que ce soit jugé inacceptable, ainsi que des références directes aux pratiques décrites dans le projet de loi.

Le bureau que dirige ma collègue, Mme Kellie Leitch, à titre de ministre responsable de la condition féminine a mis en marche un certain nombre de projets de toutes sortes ces dernières années, comme vous le savez, afin de financer des groupes de revendication, des interventions dans les communautés et spécialement dans celles qui sont le plus touchées par la violence, notamment les communautés autochtones, dans le but d'attirer l'attention sur ces situations. Ce travail d'intervention sera renforcé au moyen du projet de loi.

Condition féminine Canada a fourni 2,8 millions de dollars pour appuyer des projets axés sur la lutte contre les mariages forcés depuis 2007, représentant un seul aspect de leur travail. La GRC a élaboré une formation en ligne sur les mariages forcés et la soi-disant violence fondée sur l'honneur à l'intention de ses agents et partagera cette information avec la police municipale et d'autres organismes par le biais du Réseau canadien du savoir policier en 2014.

La présentation de ce projet de loi indique à la police que de nouvelles mesures innovatrices ont été créées et qu'elles devront être appliquées en vertu du Code criminel. Ceci entraîne la formation des agents de la GRC et celle des partenaires des provinces et des territoires. Il en va de même à CIC où nous veillons à la formation de nos agents et à l'ASFC, où les agents ont la tâche très difficile de détecter ce type de comportement, même à l'aide d'outils perfectionnés, lorsque ceux qui se présentent à la frontière s'efforcent de masquer leur situation réelle.

Mon collègue David Manicom, qui a été directeur d'un de nos programmes majeurs et agent d'immigration, connaît bien toute la question de la polygamie et du mariage forcé. Je suis certain qu'il pourra vous faire part de son expérience au cours de la deuxième heure.

La sénatrice Nancy Ruth : La majorité des efforts sont effectués par les agents de la GRC, ceux de la police et vos propres agents. Vous avez mentionné que moins de 3 millions de dollars ont été versés par Condition féminine Canada au cours des sept dernières années, cela semble peu.

M. Alexander : Non. Le budget de Condition féminine Canada n'est pas énorme. Il a augmenté ces dernières années, mais ce n'est que pour la question des mariages forcés. L'organisme est actif auprès des communautés autochtones et fournit de l'aide dans les cas de violence familiale en général et de cyberintimidation et notre budget destiné à la formation est très substantiel, en effet.

La sénatrice Nancy Ruth : Il semble que beaucoup d'efforts sont déployés pour la formation du personnel en contact avec ce type de clientèle ou qui travaille à Immigration Canada, mais qu'il n'y a pas beaucoup d'argent en réserve pour aider ceux qui sont déjà établis au Canada. C'est la question que je voulais poser.

M. Alexander : Il y a des fonds à cette fin. Comme vous le savez, depuis que nous formons le gouvernement, le budget destiné aux services d'établissement des immigrants a triplé. Il est passé d'environ 300 millions de dollars à environ 900 millions. Un tiers de ce montant est dépensé au Québec, mais l'éventail de services offerts à tous les immigrants est plus grand qu'avant et avec ces consultations et la présentation de ce projet de loi, nous disons à toutes les communautés que prévenir la violence contre les femmes et rappeler aux femmes et aux jeunes filles leurs droits en vertu de ces nouvelles lois est l'une de leurs responsabilités. Sur certains aspects, les services d'établissement devraient en faire moins.

Nous accueillons davantage d'immigrants ayant des niveaux d'anglais et de français plus élevés qu'auparavant. Parfois les époux, les réfugiés et d'autres types d'arrivants continueront à avoir besoin de soutien sur ce plan, mais un grand nombre n'auront pas besoin de ce service. Nous pouvons réattribuer certaines de ces ressources à d'autres causes telles que celles qui sont ciblées par ce projet de loi, lesquelles sont de première importance pour nous tous. Les responsables des services aux immigrants, des services d'établissement et des organismes d'aide aux immigrants qui sont les premiers à rencontrer les victimes, font partie de notre réseau de préalerte.

Le sénateur Tannas : Monsieur le ministre, ce projet de loi crée une nouvelle infraction punissable par mise en accusation pour quiconque « célèbre un rite ou une cérémonie de mariage, y aide ou y participe ». J'imagine que cela ajoutera au malaise que nous ressentons déjà, dans les cérémonies de mariage, durant le silence gênant qui s'ensuit lorsque le prêtre demande « Quelqu'un a-t-il des raisons de s'opposer à ce mariage? »

Si nous sommes invités à un mariage, dites-moi, devons-nous maintenant examiner les documents pour nous assurer que rien ne pose problème par le seul fait d'être présents?

M. Alexander : Non. Ce n'est pas une infraction punissable par mise en accusation, en vertu de ce projet de loi, d'assister à un mariage sachant qu'il s'agit d'un mariage forcé. Vous devez être un participant actif, ce qui signifie jouer un rôle substantiel dans la cérémonie ou être la personne qui est en charge de la célébration elle-même. La définition inclura un plus grand nombre de personnes dorénavant, mais elle ne touchera pas tous ceux qui sont présents à la cérémonie.

Je dirais qu'il y a l'aspect d'être témoin d'un événement public lors d'un mariage qui implique toujours une responsabilité, car les gens qui y assistent font un geste public pour montrer qu'ils connaissent bien les participants ainsi que leurs intentions; c'est pourquoi nous soulignons cette responsabilité.

Je devrais ajouter qu'en aucun cas — absolument aucun — ce projet de loi ne nuit au concept global des mariages arrangés. Il est absolument acceptable, il a toujours été possible et j'imagine que ce le sera toujours, que des familles ou d'autres adultes d'une génération plus âgée ou même des amis présentent des époux l'un à l'autre, qu'on tente de démontrer pourquoi ils pourraient bien s'entendre et que le consentement éclairé des deux époux survienne plus tard. Il en résulte de puissantes alliances; nous en connaissons tous des exemples, je crois. Donc on ne doit pas confondre les mariages arrangés avec les mariages forcés, dans lesquels le consentement éclairé des époux n'a pas eu lieu.

Le sénateur Tannas : Dans le contexte de ce projet de loi, quelle autre démarche pourrions-nous faire ou comment pourrions-nous encourager les victimes à se manifester?

M. Alexander : Je crois que ce sont les audiences comme celles-ci et les débats constructifs comme ceux que nous avons tenus qui sont les outils les plus efficaces. Ces sujets atteignent les communautés, les communautés immigrantes, les communautés de Canadiens de naissance, les Canadiens d'origine autochtone et les gens discutent de ces questions. Nous voulons que les gens sachent qu'il existe une volonté d'appliquer la loi pour intervenir dans ces circonstances.

Nous savons tous à quel point il est difficile de signaler un cas de violence familiale, d'agression sexuelle et d'autres formes de violence familiale, mais heureusement de nos jours, nos services de police réagissent lorsqu'ils reçoivent un appel. Chaque membre d'un groupe de nouveaux arrivants, de groupes d'immigrants ne sait pas nécessairement que c'est le cas. La police se comporte très différemment dans leur pays d'origine. Toute la question de l'honneur et les conséquences qui pèsent sur la famille lorsqu'on a recours à la police dans leur pays natal donnent à l'expérience une tout autre allure.

Nous pouvons et devons éduquer les nouveaux arrivants pour leur expliquer en détail, le plus tôt possible, comment fonctionne l'application de la loi dans le système de justice canadien et nous devons continuer à améliorer le travail de nos organismes d'application de la loi, afin qu'ils interviennent de façon irréprochable et efficace dans les cas de violence familiale. Notre objectif principal est de prévenir la violence dans les familles et dans nos collectivités. Je crois qu'il faut commencer par en parler, à reconnaître que cela existe, en discuter avec les victimes et aussi avec d'autres dirigeants communautaires pour trouver d'autres façons de réduire et de prévenir ces situations dans le futur.

Je crois que ce projet de loi et les nombreuses autres initiatives mises en marche sur le plan juridique constitueront un important pas vers l'avant à cet égard, mais seulement si nous prenons le temps de nous renseigner et de continuer à renseigner les autres.

La présidente : Monsieur le ministre, j'ai une question qui concerne votre ministère directement et elle porte sur la polygamie. Si je lis l'article 41.1(1) du nouveau projet de loi, il est écrit :

Emportent interdiction de territoire pour pratique de la polygamie... le résident permanent ou l'étranger...

J'ai deux scénarios pour vous. Un homme vient au Canada en tant que visiteur. Il est dans une relation polygame, mais il vient seul. Il serait autorisé à entrer au Canada parce qu'il ne pratique pas la polygamie au Canada, est-ce exact?

M. Alexander : C'est exact, il serait autorisé à entrer.

La présidente : S'il venait avec son épouse en tant que visiteur, il se trouverait à pratiquer la polygamie au Canada donc il serait interdit de territoire, est-ce exact?

M. Alexander : Exact.

La sénatrice Jaffer : Si un résident permanent venait au Canada seul en laissant son épouse derrière, théoriquement il pourrait entrer au pays en tant que résident permanent parce qu'il ne pratique pas la polygamie ici.

M. Alexander : S'il venait à titre de résident permanent, il serait tenu de déclarer toutes les personnes à sa charge, même si elles ne l'accompagnent pas. Et s'il faisait cette déclaration, il serait interdit de territoire parce que le droit de résider au Canada serait étendu aux épouses et aux enfants à charge. S'il ne faisait pas cette déclaration, il serait coupable d'avoir donné de fausses informations et par conséquent serait non admissible.

La présidente : Selon ce que je comprends du projet de loi, il porte sur la pratique de la polygamie au Canada. Il ne porte pas sur la pratique de la polygamie ailleurs. Est-ce exact?

M. Alexander : Nous n'avons pas le pouvoir d'interdire la polygamie dans d'autres pays.

La présidente : Je voulais une clarification. Monsieur le ministre, l'affaire de Bountiful a été mise sur le tapis ici, mais la majorité des gens à Bountiful sont des Canadiens. Ce projet de loi ne les touche pas. Il s'applique seulement aux visiteurs et aux résidents permanents.

M. Alexander : En effet, mais il y a beaucoup d'Américains impliqués dans l'affaire de Bountiful, et le projet de loi s'appliquerait donc à eux.

La présidente : Vous l'avez expliqué. Ce que je dis, c'est que les principales personnes en cause sont des Canadiens et que ce projet de loi ne s'appliquerait pas dans leur cas.

M. Alexander : C'est vrai, mais il s'applique aux citoyens canadiens et aux résidents permanents et temporaires également. Les conséquences diffèrent selon la catégorie de gens en cause. S'il est constaté qu'un résident permanent pratique la polygamie, il sera expulsé du Canada. S'il est constaté qu'un citoyen canadien pratique la polygamie, il fera l'objet...

La présidente : D'accusations?

M. Alexander : ... d'une enquête et, éventuellement, de poursuites.

La présidente : Monsieur le ministre, auriez-vous l'obligeance de répondre à une dernière question? Je sais qu'il est maintenant 9 heures.

M. Alexander : Avec plaisir.

Le sénateur Eggleton : Je veux faire une observation au sujet de l'emploi du terme « barbare ». Je comprends que vous l'appliquez seulement à certaines pratiques et que vous pourriez peut-être considérer que les personnes, mais non la communauté dans son ensemble, qui s'y livrent sont barbares. Le mot « barbare » a une certaine histoire dans ce pays que nous devons, je pense, garder présente à l'esprit. Cela remonte à très loin et il importe, bien sûr, de tenir compte du contexte de l'époque, mais John A. Macdonald, le premier à occuper le poste de premier ministre chez nous, disait en 1885 :

[Traduction] Nous avons réussi merveilleusement, mais nous avons néanmoins eu les Indiens... oubliant que nous leur avons donné des réserves, les moyens de les cultiver... oubliant toutes ces choses, qui se sont révoltés contre nous. Eh bien, monsieur, de cela nous ne sommes pas responsables; nous ne pouvons changer le barbare, faire du sauvage un homme civilisé.

Le qualificatif de « barbare » utilisé ici remonte à une époque où le sentiment de supériorité des Anglos était courant, et je pense qu'il faut faire preuve d'une grande prudence quand nous l'utilisons, vu notre histoire. Autres temps, autres mœurs. Je comprends cela, mais je pense néanmoins qu'il faut être prudent.

J'aurais une autre question à poser au sujet de l'enlèvement d'un enfant du Canada en vue d'un mariage forcé à l'étranger et du fait qu'un tribunal peut en être saisi. Une poursuite peut être intentée devant un juge provincial, qui entendrait la cause et bloquerait peut-être la tentative des parents d'enlever leur enfant, soit une personne âgée de moins de 16 ans. Mais peut-on vraiment s'attendre à ce que quelqu'un — une enfant — traîne ses parents devant les tribunaux? Comment les tribunaux en seront-ils saisis? Comment arriverons-nous à mettre effectivement fin à ce genre de pratique?

M. Alexander : L'une des mesures que je décris est de permettre à une enfant mineure qui est déplacée hors du Canada pour être mariée contre son gré, ou qui risque de l'être, d'agir pour empêcher que cela lui arrive en recourant à un engagement de ne pas troubler l'ordre public, sans que des accusations au criminel soient portées. C'est l'une des mesures prévues. Nous pouvons les décrire de façon plus détaillée si vous le souhaitez.

Permettez-moi de répliquer à votre allégation contre sir John A. Macdonald, qui a été le premier parmi nos premiers ministres à affranchir les Premières Nations en leur donnant le droit de vote. Ce droit leur a été retiré ultérieurement par des gouvernements libéraux. Je m'oppose donc à l'insinuation que vous faites et je réfute l'idée qu'il y a quoi que ce soit dans le projet de loi qui cible un individu ou une catégorie d'individus, autres que ceux qui pratiquent la violence envers les femmes.

Je suis vraiment déçu que quelqu'un de votre stature, sénateur Eggleton, laisse entendre qu'une catégorie de personnes est ciblée...

Le sénateur Eggleton : Sénatrice Andreychuk, l'un de vos membres, a suggéré que vous auriez peut-être dû reconsidérer l'utilisation de ce mot. Je ne fais que vous donner un conseil, vous mettre en garde...

M. Alexander : De toute évidence, j'ai touché un point sensible puisque vous m'interrompez.

Le sénateur Eggleton : Eh bien, non. C'est moi qui ai touché un point sensible parce que vous me revenez avec une réponse toute politique.

M. Alexander : Vous avez laissé entendre que le terme « barbare » employé dans ce projet de loi visait une catégorie de personnes et vous avez fait allusion, je pense, aux Autochtones canadiens, avec une citation de 1885. Ce n'est pas le cas. Si le projet de loi vise une catégorie de particuliers, c'est celle des gens qui pratiquent la violence envers les femmes. Et je ne suis pas prêt d'oublier que c'est un sénateur libéral, un ancien ministre, qui a laissé entendre que la violence faite aux femmes n'était pas barbare.

Le sénateur Eggleton : Non, je n'ai jamais dit ça.

M. Alexander : Vous l'avez dit plusieurs fois à cette table.

Le sénateur Eggleton : Non, non. Je parle de l'emploi qu'on fait du mot. Je dis qu'il est également important; je pense que nous sommes tous d'accord pour dire que cette pratique est inacceptable dans ce pays et que, de fait, la loi devrait l'interdire. Je dis simplement qu'il faut faire très attention quand on utilise ce mot, surtout à cause de notre histoire.

M. Alexander : Nous mettrons grand soin à ne l'appliquer qu'à ceux qui pratiquent la violence, tout particulièrement la violence contre les femmes. Nous mettrons grand soin également à rappeler que le chef du Parti libéral — le chef actuel du Parti libéral — a laissé entendre à plusieurs reprises qu'il ne convenait pas d'utiliser un terme comme « barbare » pour décrire la mutilation génitale des femmes et les meurtres d'honneur. C'est justement l'une des raisons qui nous a amenés à choisir ce terme. On constate une ambiguïté persistante dans ce pays autour de ces questions. Il n'y a pas de place pour l'ambiguïté quand il s'agit de violence envers les femmes.

La sénatrice Eaton : Bravo!

Le sénateur Eggleton : De plus, la justification du texte législatif que vous présentez est plutôt mince. Nous n'avons entendu parler que d'un cas de mariage forcé pour le justifier; il n'y pas eu un seul cas où la défense d'honneur a prévalu dans une affaire de meurtre. Il existe déjà des lois qui s'appliquent à de telles situations, mais vous semblez plus soucieux de faire adopter une nouvelle loi alors que les lois actuellement en vigueur suffisent.

M. Alexander : Eh bien, il est clair que vous n'avez pas lu la documentation qui a été préparée par les chercheurs à l'intention de vous tous et des députés...

Le sénateur Eggleton : Il y en a pas mal ici.

M. Alexander : ... pour cette session parce qu'il y a des douzaines d'organismes partout au pays... Vous entendrez le témoignage de David Manicom et d'autres représentants de mon ministère qui ont une connaissance directe de cas de mariage forcé, de polygamie, de défense d'honneur invoquant la provocation comme facteur atténuant en vertu de notre droit actuel. Ce sont toutes des réalités auxquelles sont confrontées des milliers de femmes et de filles canadiennes et des centaines de millions de femmes et de filles ailleurs au monde. Il est justifié qu'on s'attaque à ces réalités.

La présidente : La sénatrice Andreychuk souhaite poser une question.

La sénatrice Andreychuk : Ce n'est pas une question que je veux poser, mais le Règlement que j'invoque. J'ai posé une question sur ce qui constituait les pratiques barbares, mais le débat s'est fait autour du choix, approprié ou non, du mot « barbare ». Je voulais que le ministre réponde à ma question parce que c'est, par-dessus tout, la violence faite aux femmes qui me préoccupe. Je suis satisfaite de sa réponse. Le ministre a expliqué que c'est le moyen qu'il a retenu, que le gouvernement a retenu, pour souligner pourquoi la violence envers les femmes doit être stigmatisée ainsi dans le titre, et je tiens à ce que cela figure dans le compte rendu.

Ce n'est pas que je remettais en question le choix du mot lui-même. S'il y a une raison impérieuse qui montre que c'est la meilleure approche, c'est le choix du gouvernement. Je voulais une explication complète et le ministre me l'a certainement donnée.

Je ne veux, je ne peux accepter ce que le sénateur Eggleton a inféré de ma question.

La présidente : Monsieur le ministre, merci beaucoup d'avoir comparu ici aujourd'hui. Je l'apprécie grandement. Nous espérons que vous aurez de nouveau l'occasion de témoigner devant le comité. Merci aussi d'être resté un peu plus longtemps que prévu.

M. Alexander : Je vous remercie beaucoup, sénatrice Jaffer. Les gens qui s'opposent à l'expression « pratiques barbares » tendent à être de ceux qui ne les ont pas observées directement ou qui n'en ont pas été victimes. Ceux qui en ont une connaissance immédiate — et il y en a beaucoup dans ce pays et encore beaucoup plus à l'étranger — trouvent que cette expression est tout à fait juste. Je pense qu'il est de notre devoir à tous, nous qui nous soucions des victimes, des moyens de prévenir la violence, de nous fier à notre instinct sur ce point particulier. Merci de votre attention.

La présidente : Nous avons encore beaucoup de questions.

J'en ai une pour les représentants du ministère de la Justice. Pouvez-vous clarifier le processus qui mène à un engagement de ne pas troubler l'ordre public? J'ai peut-être tort, mais je crois comprendre que la personne qui veut obtenir un engagement de ne pas troubler l'ordre public doit d'abord s'adresser à la police.

Mme Blackell : Je vous remercie, madame la sénatrice. C'est souvent un agent de police, mais pas nécessairement. Pour ce qui est de la dénonciation par une personne qui craint qu'une autre personne ne lui fasse violence, la disposition légale pertinente prévoit qu'une « autre personne peut la déposer pour elle », ce qui permet donc à quiconque d'agir au nom de la victime pour demander l'engagement de ne pas troubler l'ordre public. L'affaire est ensuite présentée par un procureur de la Couronne et, si la preuve apportée par le dénonciateur montre qu'il est plus probable que non que le défendeur commette l'infraction, le tribunal peut alors lui imposer l'engagement de ne pas troubler l'ordre public.

La présidente : Madame Blackell, je conclus de ce que vous dites qu'un agent de police pourrait, de son propre mouvement, se présenter devant le tribunal et demander qu'un engagement de ne pas troubler l'ordre public soit exigé de M. X s'il pense que celui-ci va imposer un mariage forcé à son enfant?

Mme Blackell : Oui, sur la foi de la preuve apportée par la victime éventuelle. Si le tribunal a des doutes, il pourra faire témoigner la victime au sujet de ses craintes.

La présidente : Il aura fallu que l'enfant porte plainte, qu'elle se soit adressée à la police pour mettre en marche le processus judiciaire. Est-ce exact?

Mme Blackell : Je rappelle qu'une autre personne peut agir au nom de l'enfant, et ce pourrait bien être un membre des services de protection de l'enfance. En temps normal, ils agissent pour le compte de l'enfant qui a besoin de protection et, dans les cas de mariage forcé, ils le feraient certainement puisqu'une enfant qui a besoin d'être protégée contre un mariage forcé ou précoce relève manifestement, en vertu de la loi, des services de protection de l'enfance. Ils pourraient donc présenter la demande au nom de l'enfant ou demander à ce qu'un policier le fasse. Il pourrait s'agir aussi d'un travailleur de services aux victimes ou, dans le cas d'un adulte, de quelqu'un qui travaille dans un refuge pour femmes battues. Il y a donc diverses personnes qui peuvent présenter une demande au nom d'une victime.

Le sénateur Eggleton : Le ministre n'a pas répondu à la question que je lui ai posée. Il s'est quelque peu laissé distraire par la question terminologique entourant l'intitulé du projet de loi. Si une jeune fille est sur le point de se faire sortir du pays par ses parents pour un mariage forcé à l'étranger, l'affaire doit nécessairement, selon ma lecture du texte législatif, passer devant un juge. Il est sûrement invraisemblable de penser qu'une jeune fille s'amène au tribunal et annonce : « On se prépare à me faire sortir du pays. » Vous dites que quelqu'un d'autre pourrait le faire en son mon, mais encore faudrait-il que cette autre personne soit au courant de la situation. Il se pourrait même que la fille soupçonne simplement que cela est sur le point de lui arriver. Comment est-ce que cela fonctionnera, dans les faits, de façon à empêcher que les situations de ce genre se produisent?

Mme Blackell : Il s'agit d'un élément de plus dans le coffre d'outils des victimes. C'est un outil supplémentaire qui viendrait s'ajouter et viserait expressément les risques de mariage forcé ou de mineurs. Comme les autres engagements de ne pas troubler l'ordre public, il pourra être demandé par quelque autre personne au nom de la victime. La procédure pourra même se dérouler ex parte et plutôt rapidement, en l'absence du défendeur, si la situation paraît urgente.

Ces outils sont conçus pour être utilisés dans les situations d'urgence. Cet outil particulier est extrêmement utile, comme le ministre l'a signalé, parce qu'il permettra à une victime cherchant une certaine protection qui dit : « Je ne veux pas faire des membres de ma famille des criminels, mais je ne veux pas non plus qu'ils me forcent à me marier », de s'adresser aux autorités et d'obtenir de l'aide de quelqu'un qui pourra ensuite présenter la demande d'engagement en son nom. Dans cette optique, c'est un excellent compromis, parce qu'il permet à la victime d'obtenir une ordonnance, qui est au fond une sorte d'injonction, une ordonnance préventive assortie de certaines conditions, contre les personnes qui voudraient la marier contre son gré, mais il n'entraîne pas une accusation au criminel.

Les personnes visées ne deviennent passibles de poursuites au criminel que si elles enfreignent les conditions de l'engagement ou refusent, sans motif, de se plier à l'ordonnance préventive.

Le sénateur Eggleton : D'accord, je comprends tout ça. Je suppose que, sur le plan de la procédure judiciaire, vous ne pouvez probablement pas aller plus loin. Une fille de 14 ans qui soupçonne que son mariage forcé se prépare est réticente à faire quoi que ce soit qui nuirait à ses parents. On peut présumer qu'elle respecte et aime ses parents et que, autant elle ne veut pas être assujettie à la tradition que semblent vouloir lui imposer ses parents, autant elle peut éprouver aussi une grande réticence à prendre une voie comportant une procédure judiciaire.

Y a-t-il quelque chose que le ministère de la Justice, ou un autre ministère, puisse faire pour soutenir une personne qui se trouve dans une telle situation, sans aller jusqu'à emprunter la très officielle voie judiciaire? Cette question ne s'adresse pas nécessairement à vous, mais aussi aux autres représentants. Y a-t-il quelque chose que nous puissions faire pour aider à cet égard?

Mme Blackell : Le ministère de la Justice a organisé sept ateliers sectoriels à l'intention de procureurs de la Couronne, de policiers, de travailleurs sociaux dans les refuges et de fournisseurs de services communautaires de première ligne, ainsi que de travailleurs sociaux préposés à la protection de l'enfance, portant précisément sur le problème du mariage forcé et de ses liens avec la violence d'honneur, cette violence étant souvent un moyen de forcer le mariage ou un moyen de représailles au refus d'un tel mariage.

Nous avons eu des discussions sur les particularités de ces formes de violence familiale dans le cadre général de notre travail sur la violence familiale et les besoins particuliers des victimes. Nous travaillons donc avec ces groupes afin de créer partout au pays des réseaux susceptibles d'assurer des interventions sécuritaires dans de telles situations, parce que nous sommes conscients que les risques sont très distincts. De plus, grâce à notre fonds de lutte contre la violence familiale, nous finançons un certain nombre d'organismes, dont la SALCO, la South Asian Legal Clinic of Ontario, pour mettre au point des outils d'évaluation des risques, d'éducation, de sensibilisation, et divers autres outils, partout au pays, afin de soutenir les intervenants de première ligne et de répondre à ces situations.

Il est nécessaire de répondre aux besoins de telle ou telle victime, à tel ou tel moment particulier, que ce soit par voie de poursuites au criminel ou simplement en lui trouvant une place dans un refuge. Nous sommes donc conscients de cela. Il s'agit simplement d'un autre outil, et l'engagement de ne pas troubler l'ordre public constitue pour nous un outil unique dans le cadre du Code criminel qui permet d'intervenir, sans aller jusqu'à porter une accusation au criminel. Le projet de loi prévoit ce genre d'intervention.

Le sénateur Eggleton : C'est une bonne chose, quoique l'enfant risque de ne pas vouloir que ses parents soient traités de « barbares ».

La sénatrice Andreychuk : Dans la pratique, à ma connaissance, il ne s'agirait pas souvent de l'enfant qui a deux parents aimants qui voudrait obtenir un engagement de ne pas troubler l'ordre public. Je penserais plutôt que c'est dans des situations où des signaux ont été échangés entre l'enfant et ses parents. L'enfant n'est pas disposée à se soumettre, mais ses parents ne l'écoutent pas ou l'un des parents subit un grand stress et une grande pression de la part du parent qui insiste.

Est-ce que cette disposition législative apportera un autre outil permettant au moins de sortir l'enfant de sa famille pour qu'elle puisse, de même que d'autres membres de sa famille, bénéficier de conseils et d'autres services? Je ne vois pas cela comme une intrusion, une intrusion rapide dans la famille, mais presque comme une intrusion de dernier recours dans la famille.

Mme Blackell : En effet. Je pense, madame la sénatrice, que vous soulevez un très bon point. Au cours de nos consultations avec les responsables de la protection de l'enfance, ils ont indiqué que la loi actuelle est quelque peu lacunaire en ce qui concerne leur capacité d'intervenir pour protéger les enfants contre le mariage forcé. C'est pourquoi, en criminalisant certains actes précis liés aux cérémonies de mariage de mineurs ou de mariages forcés, la disposition proposée introduit dans le Code une sorte de pierre de touche, ou infraction définitoire, sur laquelle nous fondons ces ordonnances de protection en tant que moyen d'empêcher les mariages forcés ou de mineurs, ainsi que l'enlèvement d'un enfant du Canada aux fins d'un tel mariage.

Ce sont certainement des outils auxquels pourront recourir les policiers ainsi que les travailleurs sociaux préposés à la protection de l'enfance pour déterminer l'intervention appropriée, parce qu'il ne fait aucun doute que les services de protection de l'enfance se trouvent à s'immiscer dans la famille et à évaluer les besoins de la victime dans ce contexte. Il pourrait donc s'agir de services de counseling ou d'autres mesures.

Les risques que comporte l'intervention dans la famille de personnes de l'extérieur dans ces cas particuliers sont extrêmement élevés. C'est pourquoi il est si important de travailler avec des groupes et organismes communautaires comme la SALCO, de même qu'avec la GRC pour que la formation particulière donnée à ses agents soit telle que leurs interventions ne seront pas trop lourdes dans ces situations. La notoriété d'un mariage forcé peut, en fait, accroître de manière exponentielle le risque auquel la victime est exposée.

Bon nombre de mesures sont en train d'être prises à divers niveaux en matière de sensibilisation, d'éducation et de formation afin de faire en sorte que ces outils seront utilisés de façon appropriée et de manière à sauver des vies et à ne pas augmenter le risque auquel des personnes sont exposées.

Vous avez tout à fait raison de dire que les personnes qui en sont au point qu'elles ont des motifs raisonnables de craindre la violence à leur endroit se trouvent dans une situation éventuellement très grave. Il existe donc une obligation d'intervenir ou d'avoir les outils permettant d'intervenir pour les protéger.

La sénatrice Andreychuk : J'ai une question portant sur un autre article.

La présidente : Est-ce que vous me permettez une question supplémentaire?

La sénatrice Andreychuk : Bien sûr.

La présidente : Vous avez mentionné la SALCO à plusieurs reprises. Comme il y a des gens à l'écoute, j'aimerais bien que vous nous expliquiez ce qu'est la SALCO. Je crois savoir que la SALCO, qui est le sigle de la South Asian Legal — voyez, je ne connais même pas le titre complet —, joue le rôle de chef de file quand il est question de mariages forcés. C'est en quelque sorte l'organisme qui fait autorité dans la communauté.

Le ministre a fait état de consultations à Vancouver et à Montréal. Y a-t-il eu des consultations avec la SALCO ou d'autres groupes à Toronto avant le dépôt de ce projet de loi?

Mme Blackell : Les consultations se seraient tenues sous les auspices de Citoyenneté et Immigration Canada.

La présidente : Si vous ne connaissez pas la réponse, ce n'est pas grave, mais si vous pouvez nous la fournir à une date ultérieure, nous vous en serions reconnaissants.

La sénatrice Andreychuk : Je veux passer aux articles sur la provocation en tant que moyen de défense. Est-ce que quelqu'un peut me dire si on pourra encore avoir recours à la défense fondée sur la provocation et si le droit jurisprudentiel s'appliquera, sauf pour les modifications que vous proposez en portant une attention particulière au mariage forcé? Autrement dit, comment cela va-t-il fonctionner en pratique?

Mme Klineberg : Merci, madame la sénatrice. Je vais simplement revenir à une question formulée par le sénateur Eggleton, pour vous mettre en contexte cette modification en particulier. Le point de départ permettant de la comprendre et la cause de cette modification, c'est la lecture de toute la jurisprudence sur la défense de provocation, y compris la jurisprudence de la Cour suprême, la lecture de la littérature universitaire sur la façon dont se décline la défense de provocation, la consultation des lois étrangères semblables, les rapports de commissions de réforme du droit, même certains rapports d'organes des Nations Unies, tout cela met en évidence un consensus voulant que la défense de provocation, qui joue de manière semblable dans l'histoire de la common law au Canada, souffre d'une variété de problèmes. L'un des problèmes les plus souvent mentionnés, c'est que cette défense est encore utilisée de nos jours pour excuser la rage meurtrière contre les femmes, en particulier dans le contexte des homicides conjugaux. Ça continue d'être vrai au Canada. Je me situe ici en marge du crime d'honneur.

Quand on se tourne vers le crime d'honneur en particulier, beaucoup d'universitaires canadiens ont en fait examiné la question. Ils ont considéré les affaires de crimes d'honneur que nous connaissons où on a présenté la défense de provocation. Nous en connaissons trois ou quatre, dépendant de la méthode de calcul, selon que la résolution finale de l'affaire ait comporté une discussion du crime d'honneur et du contexte culturel, entre autres.

Dans toutes ces affaires, il est absolument vrai que la défense qui a tenté de plaider la provocation n'a pas été fructueuse. Cependant, il n'est pas vrai que dans l'un ou l'autre de ces jugements — tous de la Cour d'appel de la Colombie-Britannique, de l'Alberta ou de l'Ontario —, il n'est pas vrai qu'on a déclaré qu'en droit la défense de provocation ne pouvait jamais être présentée et ne serait jamais fructueuse dans un contexte de crime d'honneur. Ils ont réussi à résoudre ces questions sans, question de droit, trancher la question. C'est donc vraiment une question en suspens au Canada.

Pour que ça fonctionne, l'accusé essaie de dire ceci : « Le comportement provocant de la victime, étant donné mes antécédents culturels, est quelque chose que ma culture prend particulièrement au sérieux. Vous devez tenir compte du caractère légitime et objectif de ma réaction criminelle en regardant par la lorgnette d'une personne ordinaire de ma culture. »

Comme je l'ai fait remarquer, c'est là où les tribunaux ne sont pas tout à fait clairs. Ils ont tendance à déclarer qu'à leur avis, les antécédents culturels d'une personne ne devraient pas faire partie des paramètres. Mais ils n'en ont pas établi le fait en droit. Effectivement, la Cour d'appel de la Colombie-Britannique a déclaré qu'il faudrait examiner la pertinence de la défense du point de vue d'une personne ordinaire faisant partie de la communauté de l'accusé concerné.

C'est ce qui inquiète, car à l'avenir, dans des affaires comme celles-là, les accusés pourront présenter encore une fois la défense de provocation. De plus, chaque fois que le meurtre est spontané plutôt que prémédité, il suffit pour l'accusé de montrer que la victime l'a insulté de telle manière qu'il a perdu son sang-froid et qu'il a tué sous l'impulsion du moment et avant que ses émotions violentes retombent. Nous croyons qu'il est toujours possible que cette défense soit fructueuse dans un cas du genre. C'est peut-être improbable, mais c'est possible.

La modification tient au fait que les universitaires canadiens qui ont examiné ces jugements ont établi d'abord que ces enjeux ne sont pas résolus. Ils ont également établi que ces jugements dissimulent le fait qu'en dehors d'un contexte de crime d'honneur, les hommes canadiens sont vraiment à l'abri de l'accusation de meurtre pour avoir tué leur femme dans des circonstances où la provocation était tout à fait légitime. C'était une insulte, c'était la fin d'une relation, c'était une remise en question...

Le sénateur Eggleton : On ne les acquitte pas. On réduit à une accusation d'homicide involontaire coupable.

Mme Klineberg : On les acquitte de meurtre et on les condamne pour homicide involontaire dans des cas d'homicides conjugaux justifiés par de simples paroles insultantes. C'est là, comme je l'ai fait remarquer, une critique souvent formulée dans le milieu du droit au sujet de la défense de provocation, donc les réformes que propose ce projet de loi visent à affirmer que là où le comportement de la victime est légitime — ce n'est pas une tentative d'intimidation, ce sont des choix qu'elles ont faits et des mots qu'elles ont prononcés —, cela ne devrait pas transformer le meurtre en homicide involontaire.

La manière dont cette défense fonctionnera à l'avenir, ce sont tous les aspects de la jurisprudence qui continueront de s'appliquer. C'est uniquement la nature de la conduite provocante qui sera circonscrite, peu importe ce qui a provoqué l'accusé; par exemple, sa femme a mis fin à la relation et au moment de franchir le seuil de la porte, elle a tourné au ridicule sa performance sexuelle. Ça s'est produit. La défense fondée sur la provocation ne serait pas applicable dans un tel cas et ne serait tout simplement pas présentée.

Elle continuera d'être valide lorsque la conduite de la victime représente une forme relativement grave de comportement criminel, par exemple une agression. Les voies de fait simples, des menaces verbales ou toute forme de violence peuvent encore équivaloir à une conduite provocante, ce qui permettra d'invoquer ce moyen de défense.

Le sénateur Ngo : Merci. Cette question est un peu subtile et je vais la destiner à CIC.

Si l'on découvre qu'un immigrant est polygame ou uni par un mariage forcé après qu'il a obtenu la citoyenneté canadienne, la situation pourrait-elle servir de motif pour révoquer sa citoyenneté?

David Manicom, sous-ministre adjoint délégué par intérim, Politiques stratégiques et de programmes, Citoyenneté et Immigration Canada : Non.

La présidente : Je n'ai pas d'autres témoins et, à titre de présidente, je me permets de poser des questions.

Je reviens à la question de la provocation, simplement pour m'assurer que l'on comprend bien. Nous avons tous le projet de loi devant nous. Les personnes qui nous regardent n'ont pas nécessairement le projet de loi devant les yeux, donc je vais lire ce que vous avez désigné comme une provocation. C'est une conduite de la victime, qui constituerait un acte criminel prévu à la présente loi passible d'un emprisonnement de cinq ans ou plus, de telle nature qu'elle suffise à priver une personne ordinaire du pouvoir de se maîtriser. Voilà ce qu'est une provocation pour l'application du présent article.

On n'y mentionne nulle part le crime d'honneur précisément. Ce que vous avez dit pourrait encore être invoqué parce qu'on n'informe pas les tribunaux que vous n'assimilerez jamais le crime d'honneur au motif de provocation. D'abord, je veux que vous confirmiez que le crime d'honneur n'est pas mentionné dans ce projet de loi.

Mme Klineberg : C'est exact.

La présidente : Deuxièmement, cet article sur la provocation s'applique à tous les Canadiens. On y définit le motif de provocation pour tous les Canadiens. Ce n'est pas simplement pour les Canadiens ou les résidents permanents qui sont impliqués dans un crime d'honneur. N'est-ce pas exact?

Mme Klineberg : C'est exact, ça aussi.

La présidente : Je sais que le ministre l'a affirmé, mais je veux que cela soit consigné par écrit. Il n'y a jamais eu de procès dans notre pays qui ait été gagné pour le motif que l'accusé avait fait l'objet d'une provocation. Est-ce exact?

Mme Klineberg : C'est exact, madame la présidente, mais j'ajouterai simplement qu'il est arrivé qu'on l'invoque avec succès dans des affaires mettant en cause des hommes qui avaient...

La présidente : Vous l'avez déjà dit.

Mme Klineberg : Les faits dans ces dossiers sont pratiquement identiques aux faits des dossiers de crimes d'honneur, donc la question...

La présidente : Madame Klineberg, je vous ai posé une question. Ce que je vous ai demandé, c'est de me dire s'il y a déjà eu une affaire gagnée en matière de crime d'honneur au Canada? Pour le motif de crime d'honneur, y a-t-il déjà eu une affaire?

Mme Klineberg : Cette défense a été invoquée avec succès au procès dans l'affaire Tran, mais la Cour d'appel a rejeté l'argument.

La présidente : Il n'y a pas eu, finalement, une affaire de crime d'honneur gagnée au Canada?

Mme Klineberg : C'est exact.

La présidente : Maintenant, je vais parler d'une formalité. Dans l'affaire Tran, c'était une remarque incidente du juge. Ce n'était pas dans la partie principale de la décision. Le tribunal l'a gardée en marge. Ça ne faisait pas partie du cœur de la décision. J'ai étudié l'affaire Tran très attentivement.

J'ai aussi une question sur la provocation : pour que le motif de provocation soit valide, la personne doit d'abord admettre qu'elle était sur les lieux, qu'on a causé mort d'homme et c'est après cela que l'accusation de meurtre est réduite à celle d'homicide involontaire pour cause de provocation. Est-ce exact?

Mme Klineberg : Essentiellement, la défense consiste à reconnaître que la personne a bel et bien causé la mort et que la raison pour laquelle elle a tué ou les circonstances dans lesquelles elle a tué s'expliquent du fait que la victime l'a provoquée, donc il serait impossible d'invoquer une défense de provocation tout en niant la responsabilité pour le meurtre.

La présidente : Merci.

La sénatrice Eaton : Monsieur Manicom, dans votre réponse au sénateur Ngo, vous avez dit que la citoyenneté canadienne ne peut être révoquée, mais si la personne a déformé sa situation, n'est-ce pas un motif de révocation?

M. Manicom : Oui, madame la sénatrice. Je suis heureux de l'occasion que vous m'offrez d'attirer l'attention de la présidence. Dans certaines circonstances, si on assume tout, ce serait concevable. Par exemple, au moment où la personne obtient le statut de résident permanent, si elle s'est présentée sous un faux jour et a caché une relation polygame, obtenant dès lors la résidence permanente frauduleusement et ultérieurement la citoyenneté, et que la fausse déclaration grâce à laquelle elle a obtenu le statut de résident permanent devait être découverte, en effet, cela peut entraîner la révocation de la citoyenneté.

Le fait que la personne, après avoir obtenu la résidence permanente, ait entretenu une relation polygame ne pourrait en soi, en vertu de la loi en vigueur, avant sa modification, entraîner la révocation de la citoyenneté; par conséquent, pour qu'il y ait motif à révocation, il faut reculer jusqu'au moment où on a obtenu la résidence permanente de manière frauduleuse. Je suis heureux de l'occasion offerte de préciser ce qui n'était pas une réponse simple. Merci.

Le sénateur Eggleton : Est-ce que je peux poser une question supplémentaire? Si un habitant de Bountiful décide de quitter le Canada mais revient, peut-on l'empêcher de rentrer? Est-ce que la citoyenneté peut être révoquée, s'il n'y avait pas de relation polygame avant de devenir citoyen canadien?

M. Manicom : Non.

Le sénateur Eggleton : Vous ne pouvez pas y mettre fin. Vous devez alors appliquer le Code criminel.

M. Manicom : Le Code criminel s'appliquerait.

Le sénateur Eggleton : Il n'a jamais amené une condamnation.

M. Manicom : Même les infractions criminelles très graves n'entraînent pas d'être dépouillé de sa citoyenneté. C'est seulement si vous avez obtenu la citoyenneté frauduleusement, ce qui peut remonter dans le temps.

Le sénateur Eggleton : Je comprends cela, mais la personne n'a pas nécessairement entretenu une relation polygame avant d'obtenir la citoyenneté.

La présidente : Alors, ce projet de loi ne s'appliquerait pas.

Le sénateur Eggleton : Non, ça ne s'appliquerait pas, et le Code criminel, qui n'a jamais condamné quiconque en 10 ans, s'appliquerait.

Une simple observation au sujet de la provocation invoquée par l'avocat dans ce cas : comme vous l'avez correctement souligné, il y a des affaires autres que les crimes d'honneur qui soulèvent des problèmes, mais alors j'aurais cru que le gouvernement, s'il a le sentiment de devoir résoudre ces problèmes, allait mettre la question sur la table. D'après ce que j'ai entendu dire, je n'ai pas l'impression que l'argument de la provocation pourrait être accepté par un tribunal dans le cas d'une insulte mineure, par opposition à quelque chose qui serait plus profond quant à l'état mental de la personne, ce qui semble expliquer en partie ce qui s'est produit dans certaines de ces affaires. Je crois personnellement que les tribunaux savent comment traiter ces sujets sur une base individuelle. Je suppose que si le gouvernement a le sentiment qu'il faut renforcer la loi, il pourra toujours s'y attaquer, mais ça semble très éloigné de ce projet de loi. Le projet de loi, si je comprends bien, et corrigez-moi si j'ai tort, ne s'occupe que des références culturelles quant au recours à la défense de provocation. Est-ce exact?

Mme Klineberg : Les universitaires canadiens dont j'ai déjà parlé, qui se sont penchés sur le recours à la défense de provocation dans les dossiers de crimes d'honneur, se sont donné beaucoup de mal et sont tous d'accord pour dire que lorsque nous nous intéressons uniquement aux dossiers de crime d'honneur et que nous nous persuadons que c'est correct et que ce moyen de défense n'a pas été fructueux à ce jour, nous nous persuadons presque, dans un certain sens, de croire que le fonctionnement de cette défense, hors du contexte des crimes d'honneur, est tout à fait en conformité avec les valeurs canadiennes, en particulier au regard de l'égalité des sexes. Ces universitaires affirment que l'examen de la manière dont cette défense est assurée au Canada et des dossiers où elle est quelquefois fructueuse montre que cette défense excuse les homicides conjugaux sur un partenaire présent ou passé pour cause de simples insultes à l'occasion, de sorte qu'elle n'est pas en conformité avec ces mêmes valeurs qui préoccupent les tribunaux dans un contexte de crime d'honneur. En fait, ce qu'ils affirment, c'est que la façon dont fonctionne la défense dans la culture canadienne dominante constitue une défense culturelle. C'est en fait une défense basée sur l'honneur.

La défense fondée sur la provocation tire son origine de la common law des années 1600, une époque où la loi considérait la femme comme la propriété de son époux. De fait, l'une des grandes catégories de provocation de l'époque englobait le cas du mari qui prend son épouse en flagrant délit d'adultère avec un autre homme; les tribunaux qualifiaient l'adultère de la plus grave atteinte à la propriété de l'homme. Voilà l'histoire et l'origine de la défense de provocation. En fait, j'aimerais ajouter qu'au début de la common law, c'était une défense fondée sur l'honneur. Ce n'était pas une défense fondée sur le manque de maîtrise de soi. Cette défense affirmait qu'un homme qui tue dans certaines circonstances pose un geste normal pour recouvrer son honneur. Voilà l'origine de la défense fondée sur la provocation dans la common law.

À un moment de l'histoire de la common law, ce moyen de défense en est venu à évoquer la perte théorique de la maîtrise de soi pour cause de provocation, par opposition au meurtre, considéré comme une réponse adéquate à un comportement ayant bafoué l'honneur de l'homme; cependant, si vous lisez les dossiers, vous constaterez qu'on renvoie aux notions d'honneur et de fierté personnelle de l'homme.

J'ai lu dans une étude que cette défense est invoquée par le quart des hommes accusés du meurtre de leur épouse actuelle ou passée. Nous avons étudié 50 dossiers de juridiction d'appel se situant entre 2000 et 2014, des dossiers d'appel traitant de la défense fondée sur la provocation. Dans ces 50 dossiers, 20 des accusés étaient des hommes qui avaient tué leur épouse actuelle ou passée. Ce moyen de défense est rarement fructueux, mais il l'est quelquefois pour des hommes qui ont tué leur épouse alors que le comportement qui les a amenés à tuer était de simples insultes.

Le sénateur Eggleton : Permettez-moi de bien comprendre. Ce projet de loi vient du ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration. Il est soumis à notre examen sous l'angle de crimes d'honneur à caractère culturel présumés de pratique courante chez certaines personnes dans certaines communautés dans le monde, et certaines de ces personnes en commettent ou y croient aussi au Canada.

Est-ce que vous dites que la législation, telle que modifiée ici, s'appliquera à tous les cas de provocation?

Mme Klineberg : Oui, mais je soulèverais une question plus fondamentale, soit que la législation vise les pratiques. Elle ne vise pas les communautés, comme je crois que le ministre l'a affirmé. Il est question de la pratique d'excuser le meurtre sur la base d'une décision, par exemple pour mettre fin à une relation, une infidélité réelle ou perçue ou des insultes verbales. Dans la plupart des dossiers où ces faits sont évoqués et que c'est la nature de la provocation alléguée, les accusés sont des hommes qui ont tué leur partenaire actuelle ou passée. Je veux simplement dire qu'il est question de violence à l'endroit des femmes, ce qui est le moteur de cette législation par rapport à ces pratiques culturelles barbares, mais il est question également d'un enjeu qui affecte tous les Canadiens tous les jours.

La défense de provocation appelle la compassion pour la violence masculine à l'endroit des femmes sous toutes ses formes au quotidien, donc ces éléments sont traités ensemble parce qu'ils sont perçus comme étant tous en lien avec la violence faite aux femmes. Ils sont donc liés.

Le sénateur Eggleton : Je trouve bizarre que cela se trouve dans un projet de loi parrainé par le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, s'il a une portée générale plutôt qu'une application particulière, soit le point de départ de la démarche.

La présidente : Est-ce que je peux préciser quelque chose au sujet de la provocation? Vous avez donné une très bonne explication, mais ce projet de loi va plus loin. Il s'applique évidemment à tout le monde. C'est une application générale mais il va au-delà.

On y énonce ce qui suit :

Une conduite de la victime, qui constituerait un acte criminel prévu à la présente loi passible d'un emprisonnement de cinq ans ou plus...

La victime doit avoir fait quelque chose, par exemple une fraude, de l'extorsion, une agression grave, ou quelque chose d'autre. La victime a posé un geste passible d'un emprisonnement de cinq ans ou plus. C'est la différence maintenant. C'est une très grosse différence par rapport à la défense de provocation antérieure. Par exemple, maintenant, les propos racistes ou les insultes ne seront pas valides parce que la victime n'aura pas posé un geste passible d'un emprisonnement de cinq ans ou plus. C'est une différence importante, dorénavant, dans la définition de la provocation, ne diriez-vous pas?

Mme Klineberg : Oui. Je veux cependant être très claire sur un point : une voie de fait simple, définie comme étant tout simplement l'utilisation de la force contre une personne sans son consentement, sans qu'il y ait nécessairement intention de harcèlement et sans qu'elle résulte nécessairement en préjudices, est un délit passible d'une peine de cinq ans d'emprisonnement. Cette infraction serait visée par le projet de loi. Proférer des menaces constitue aussi une infraction passible d'une peine d'emprisonnement de cinq ans. Cette infraction continuerait d'être visée par le projet de loi, sans qu'il s'agisse nécessairement d'une forme extrêmement violente de menaces. Quant aux voies de fait ordinaires, elles continueront d'être visées.

Je peux seulement vous dire que tout cela poserait beaucoup de problèmes de choix. Par exemple, si quelqu'un affirme que la défense de provocation ne s'applique pas aux meurtres dits « d'honneur », alors la loi devra définir ce qu'est un meurtre dit « d'honneur », ce qui n'est pas facile. De plus, si cette approche était retenue, il n'existerait aucun moyen d'aborder la violence à l'égard des femmes victimes d'homicides conjugaux, sauf celui d'évoquer des motifs culturels pour aider les gens à comprendre pourquoi un tel geste a été posé.

Il faudrait demander au ministre pourquoi il a choisi une telle mesure pour lutter contre ce problème, mais en fait il est possible, à l'heure actuelle, d'invoquer la défense de provocation lorsque le comportement provocant de la victime consistait en une action injuste ou une insulte. Tout ce que fait cette modification, c'est retirer la notion d'insulte et définir l'action injuste comme étant un comportement criminel.

Donc, oui, il peut exister de rares cas où ce type de défense aurait une incidence plus générale en dehors du contexte de la violence faite aux femmes, mais je dois dire que dans le contexte des insultes racistes, j'ai fait des recherches et je n'ai trouvé que deux affaires dans lesquelles la défense de provocation été invoquée avec succès. L'un d'eux est une affaire récente qui date de 2013, un homicide conjugal d'une brutalité incroyable. Le jury a rendu un verdict, et même le juge de première instance, dans sa détermination de la sentence, a estimé que l'effet atténuant des paroles provocatrices de la victime — ces paroles n'étant pas rapportées dans la décision, nous ne savons donc pas en quoi elles consistaient — était très, très minime. Le juge était convaincu qu'il s'agissait d'un meurtre intentionnel, et il était profondément préoccupé par les faits de cette affaire. La victime avait été sauvagement poignardée et portait des marques de graves traumatismes contondants.

Le seul autre cas que j'ai pu trouver remonte à quelques années, et les faits sont tels que la défense de provocation n'aurait pas dû être invoquée puisque le meurtre a été commis 30 minutes après la profération d'insultes racistes et que ce type de défense ne peut s'appliquer qu'à un meurtre commis spontanément et sous l'effet de la colère, sans que son auteur ait eu le temps de calmer sa colère. Les faits ne justifiaient donc pas le recours à la défense de provocation. À part ces deux cas, je n'ai trouvé aucune autre affaire dans laquelle la défense de provocation fondée sur l'insulte raciste a été invoquée avec succès.

La présidente : Parlant de provocation, dans les documents d'information qui ont été distribués et dans les communiqués de presse publiés sur ce projet de loi, il est fait mention de l'affaire Shafia. La défense de provocation n'a jamais été invoquée dans l'affaire Shafia, n'est-ce pas?

Mme Klineberg : C'est juste.

La présidente : Je voudrais aborder un aspect dont nous n'avons pas encore parlé, l'âge de la majorité ou du mariage. Je sais qu'en Suisse et en Allemagne, l'âge minimal du mariage est fixé à 18 ans. Pourquoi avons-nous abaissé ce seuil à 16 ans, ici?

Lisa Hitch, avocate-conseil, Section de la famille, des enfants et des adolescents, Justice Canada : Merci, sénatrice, pour votre question. À ma connaissance, il n'existe que trois pays où l'âge minimal absolu est de 18 ans. Une grande confusion règne...

La présidente : Quels sont ces pays?

Mme Hitch : La Suisse, la Suède et le Pakistan.

La présidente : Le Pakistan vient tout juste d'adopter cette loi, non?

Mme Hitch : Excusez-moi, je ne suis pas spécialiste en droit pakistanais, mais d'après les études universitaires que j'ai consultées sur le sujet, il ne s'agirait pas d'un âge minimal absolu. La loi criminalise tout mariage contracté avant l'âge de 18 ans, mais tout mariage ayant déjà été contracté avant cet âge demeure valide.

La présidente : Mais en Suisse, c'est 18 ans. Et en Suède?

Mme Hitch : En Suisse et en Suède, c'est 18 ans. Dans tous les autres pays culturellement similaires, ça tourne autour de 16 ans. La vérité, c'est qu'il y a beaucoup de confusion juridique sur la définition de l'« âge minimal ». En fait, il existe au Canada trois limites d'âge minimal pour se marier. Le premier est l'âge minimal absolu en dessous duquel aucun mariage n'est valide pour qui que ce soit. Puis il y a l'âge médian, âge auquel le mariage n'est valide que sous certaines conditions, par exemple le consentement des parents, une autorisation judiciaire ou un certificat médical de grossesse signé par un médecin.

Vient ensuite le troisième, l'âge du libre consentement, âge auquel l'enfant n'est habituellement plus un mineur et peut se marier sans avoir de conditions supplémentaires à remplir. Ces trois limites d'âge sèment la confusion générale, même aux Nations Unies, dont la liste des limites d'âge minimal indique 18 ans pour le Canada. Il y a donc vraiment beaucoup de confusion.

En ce moment, comme la ministre l'a mentionné, le Québec est la seule province à avoir fixé un âge minimal absolu, soit 16 ans. Les autres provinces s'en remettent à la common law, généralement interprétée comme établissant l'âge minimal du mariage à 14 ans pour les garçons et à 12 ans pour les filles.

La Colombie-Britannique, par exemple, a établi à 19 ans l'âge minimal pour se marier. Cependant, elle permet les mariages entre 16 et 19 ans avec le consentement parental et, dans des circonstances exceptionnelles, ceux de jeunes de moins de 16 ans avec une ordonnance du tribunal.

La présidente : J'ai une question pour vous, madame Blackell, au sujet des mariages forcés. Nous savons que le Royaume-Uni a une longueur d'avance dans sa façon de traiter le problème du mariage forcé. Ce projet de loi arrive à point nommé pour nous permettre de démontrer que le Canada est absolument contre les mariages forcés. J'aimerais que cela soit exprimé officiellement.

Là où j'ai un problème, c'est que j'ai de la difficulté à saisir comment ça va fonctionner concrètement? Vous qui avez travaillé si fort, pourriez-vous répondre à cette question? Une jeune fille, une citoyenne canadienne, pense — je dis bien qu'elle « pense », elle n'est pas sûre; c'est ce que j'entends toujours quand je m'occupe d'un cas — qu'on va l'envoyer dans le pays d'origine de ses parents. Elle n'est pas certaine, mais elle se doute qu'elle s'en va vers un mariage forcé. Je voudrais que vous m'aidiez : cette jeune fille n'a pas été agressée, on ne lui a pas fait mal, elle n'a subi aucune violence. C'est une famille comme les autres. Il n'existe aucun élément qui justifie la création d'un engagement à ne pas troubler la paix publique. Que peut-elle faire? Où peut-elle trouver de l'aide? C'est ma première question. Si une fille sait (j'emploie le mot « fille », car je n'ai jamais entendu parler de garçons forcés à se marier) comprend qu'un mariage est organisé, elle devrait le signaler à la protection de la jeunesse qui — si la jeune fille a moins de 18 ans — prendra le dossier en main. Mais pour que cette protection s'applique, la fille devra quitter son foyer. Je vous présente deux scénarios. Vous avez tellement travaillé là-dessus. Mais comment ça se passera une fois le projet de loi adopté?

Mme Blackell : Merci, honorable sénatrice. Pour répondre à votre première question, à savoir que peut faire une personne qui craint qu'on va la forcer à se marier, elle peut trouver conseil auprès des nombreux organismes qui existent partout au pays et qui sont semblables aux ONG du Royaume-Uni. Nous sommes actuellement en train d'ajouter au Répertoire des services aux victimes, mis en place par le Centre de la politique concernant les victimes, une liste des organismes de soutien facilement accessible aux victimes de mariage forcé. Nous avons également produit des documents d'éducation et d'information juridiques pour le public : La maltraitance est inacceptable peu importe la langue, une brochure offerte en 12 langues, et La maltraitance des enfants est inacceptable, qui abordent précisément les questions du mariage forcé et de la mutilation génitale féminine, des pratiques également fondées sur l'honneur.

Donc, des efforts de sensibilisation sont menés et de l'information est disponible. Beaucoup d'organismes recommandent que la personne qui craint d'être engagée dans une affaire de mariage forcé communique avec les affaires consulaires pour les informer du lieu où elle se rend. Il est également utile de prévenir les amis au Canada et d'avoir avec soi un téléphone cellulaire fiable. Ainsi, en cas de problème à l'étranger, elle peut essayer de contacter les services consulaires pour obtenir de l'aide à ce moment-là.

C'est tout un défi, et comme je l'ai mentionné plus tôt, qu'il s'agisse de violence conjugale ou familiale, les obstacles à la dénonciation seront toujours là : la victime est attachée à sa famille, elle ne veut porter préjudice à personne, elle veut seulement que la violence s'arrête ou, dans le cas d'un mariage forcé, qu'il n'ait pas lieu.

Il existe un certain nombre d'interventions de prévention possibles si l'enfant communique avec un organisme de protection de l'enfance. Nous travaillons avec ces organismes partout au pays et nous menons des efforts de sensibilisation auprès de certaines écoles afin qu'elles soient en mesure d'intervenir adéquatement plutôt que d'aller frapper à la porte des parents pour parler avec eux. Les organismes de protection de l'enfance disposent de divers outils pour aider un enfant sans devoir lui faire quitter la maison.

Si, dans un contexte particulier, il est déterminé que l'engagement à ne pas troubler la paix publique est un outil efficace, là encore l'enfant n'aurait pas à quitter son foyer.

Ce qui se passe au Royaume-Uni, où l'expérience est fondée sur les ordonnances civiles de protection contre le mariage forcé que le pays a adoptées, c'est que beaucoup de ces familles qui obligent leurs enfants à se marier sont aussi très soucieuses de se placer du bon côté de la loi. Ne voulant pas enfreindre la loi, lorsqu'elles comprennent qu'en forçant leur enfant à se marier elles commettent un acte illégal ou criminel, c'est un peu comme si une alarme était sonnée. Elles se rendent compte que si elles partent marier leur enfant à l'étranger, elles seront accusées de violation d'ordonnance et elles ne veulent pas cela. Dans la plupart des cas, ces familles croient agir dans l'intérêt primordial de l'enfant. Elles ont tort, vu qu'il est fort probable que l'enfant subira de la violence et des agressions sexuelles, mais les familles n'ont pas de mauvaises intentions et, si elles prennent conscience que cette pratique fait du tort à leur enfant et que des mesures sont en place pour le protéger, il est peu probable qu'elles enfreignent ces mesures. C'est du moins la situation au Royaume-Uni. L'engagement à ne pas troubler la paix publique est l'équivalent canadien de ce qui existe au Royaume-Uni, bien que nous ne soyons pas un État unitaire et que nous ne puissions pas adopter les ordonnances civiles de protection de la même manière qu'on le fait là-bas.

Vous avez aussi parlé des garçons. Tout porte à croire qu'il existe aussi des garçons victimes de mariage forcé. Beaucoup de membres de la communauté GLBT sont forcés de se marier, le mariage étant malheureusement utilisé, dans une certaine mesure, d'élément correctif. C'est tout un problème.

Enfin, on a mentionné, à plusieurs moments de la discussion, que ce projet de loi ferait des mariages forcés un motif d'interdiction de territoire. Dans ce projet de loi, l'interdiction de territoire vise uniquement sur la polygamie. Les dispositions relatives aux mariages forcés, comme celles sur les mariages précoces et la défense de provocation, concernent la Loi sur le mariage civil et le Code criminel applicables à tous les Canadiens et évidemment, dans le cas du Code criminel, à quiconque commet une infraction en sol canadien.

La présidente : Merci pour ces précisions.

La sénatrice Eaton : J'ai oublié ma question, je suis désolée.

À la demande d'un ministre, j'ai déjà mis sur pied un refuge pour femmes. L'une des choses que cela m'a permis de découvrir est le rôle immense que joue l'école dans certaines communautés, car les enseignants sont en contact avec les mères et leurs enfants. Ils établissent des rapports avec ces femmes et finissent par découvrir lesquelles sont victimes de violence à la maison. Je me disais que l'école était peut-être un bon point de départ pour commencer à intervenir auprès des jeunes femmes, et je me demandais si l'école ne pouvait pas servir de refuge de premier recours pour celles qu'on force à se marier et qui en parlent à l'enseignant. Quelqu'un a-t-il déjà songé à visiter les écoles dans le but d'aider le personnel à savoir détecter, remarquer les signes de danger et à savoir quoi faire pour venir en aide à un enfant dans cette situation? Trouver un organisme de protection de l'enfance ou aller voir les services consulaires, ça ne fait pas vraiment partie du domaine d'un enfant.

Mme Blackell : Ce point a été mentionné plus tôt, lorsque nous avons parlé de nos consultations avec les provinces et les territoires. Comme vous le savez, l'éducation est de compétence provinciale, au même titre que l'administration de la justice et la protection de l'enfance, donc, pour agir dans ce domaine, nous devons travailler en très étroite collaboration avec nos collègues provinciaux et territoriaux. Nous avons participé à des discussions dans le cadre de forums sur la protection de l'enfance et de maintien de l'ordre, et nous cherchons à établir des contacts avec les milieux de l'éducation. C'est tout un défi au palier fédéral, parce que nous ne sommes pas présents à cette table provinciale-territoriale, mais nous menons des efforts de sensibilisation par l'entremise de divers canaux. Le plus important, je crois, est que ces initiatives nous fournissent un ancrage sur lequel nous pouvons greffer une campagne de sensibilisation à plus large échelle, mais là encore, il est très important que les ONG que nous finançons dispensent de l'information sur les dangers bien particuliers que peut comporter une intervention inappropriée. Nous avons tiré des leçons de la triste affaire Shafia... les filles Shafia s'étaient adressées à des services de protection de l'enfance.

La sénatrice Eaton : Par l'intermédiaire de l'école, oui, elles avaient demandé de l'aide au travailleur social de l'école.

Mme Blackell : Oui, par l'intermédiaire de l'école, parce que les écoles ont le devoir d'informer les services de protection de l'enfance si elles constatent qu'un enfant a besoin de protection. Ce signalement a été l'élément déclencheur, il a entraîné une intervention qui a mis ces personnes en grand danger. Il est primordial d'examiner les risques inhérents à ce genre de situation, et c'est ce que nous faisons. C'est pour cette raison que nous considérons ce cas comme étant un type de violence familiale très particulier et très différent. Les autorités doivent connaître les dangers associés à certains comportements et à un certain contexte dans lequel elles devraient penser « Mais pourquoi serais-tu en danger? » ou « Pourquoi as-tu peur de ton frère? » Dans ce contexte particulier, aller voir les parents pour en discuter avec eux n'est peut-être pas la meilleure chose à faire. Il se fait pas mal de travail en ce moment pour sensibiliser les autorités à ce dilemme.

La sénatrice Ataullahjan : Vous avez répondu partiellement à ma question. J'aimerais revenir sur la question des mariages forcés chez les garçons, parce que nous avons entendu dire que les garçons aussi pouvaient être victimes de mariages forcés. Ne veulent-ils pas en parler? On entend seulement parler des filles forcées de se marier. Avons-nous des cas de garçons? Avons-nous entendu des garçons déclarer ouvertement être victimes de mariages forcés?

Mme Blackell : Oui, à la SALCO, la South Asian Legal Clinic of Ontario...

La présidente : Notre temps est presque écoulé. Pourrais-je demander à la sénatrice Andreychuk de poser sa question, et vous répondrez aux deux en même temps?

La sénatrice Andreychuk : La mienne était une question supplémentaire à celle de la sénatrice Eaton. Vous avez parlé de mariages forcés et vous avez dit qu'il pouvait être difficile pour une jeune femme d'aller raconter son histoire aux autorités, et que les travailleurs sociaux pouvaient réagir de manière inadéquate. Mais n'est-ce pas le cas dans toutes les affaires de violence exercée par une personne en situation d'autorité? Dans toutes les affaires de violence que j'ai traitées et dont les victimes étaient des jeunes, c'était très difficile pour eux de défier un parent, un frère aîné, et cetera. La violence est une situation à laquelle l'enfant a beaucoup de difficulté à réagir, qu'il s'agisse de mariage forcé ou de toute autre forme de violence. Nous commençons à peine à prendre conscience du fait que le mariage forcé fait partie de la vie de certains enfants.

Mme Blackell : Exactement. Merci, sénatrice, pour cette question. En réalité, il s'agit d'une forme de violence très semblable aux autres, à l'exception du fait qu'elle se produit dans un contexte collectiviste et que pour cette raison, elle comporte une multitude de dangers. Forcer quelqu'un à se marier est rarement le fait d'un seul individu. C'est souvent lié à l'honneur de la famille et, par conséquent, il y aura toujours d'autres membres de la famille pour prendre des mesures rigoureuses afin que le mariage ait lieu. Le risque que la personne concernée subisse la violence de plusieurs individus est beaucoup plus élevé. C'est pourquoi nous travaillons particulièrement étroitement avec les services policiers afin d'assurer une planification adéquate de la sécurité et une évaluation pertinente des dangers. Bien sûr, chaque situation est unique. Les risques peuvent être faibles dans certains cas et élevés dans d'autres.

La SALCO a effectivement relevé des cas de jeunes hommes victimes de mariages forcés. Nous rapatrions les victimes au Canada par voie consulaire et nous avons vu des cas de Canadiens victimes de mariage forcé à l'étranger.

La présidente : Je vous remercie de tous vos témoignages et du temps que vous avez pris pour venir nous rencontrer. Nous serons ravis de travailler de nouveau avec vous dans le futur. Nous allons maintenant lever la séance.

(La séance est levée.)


Haut de page