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SOCI - Comité permanent

Affaires sociales, sciences et technologie

 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie

Fascicule 20 - Témoignages du 2 octobre 2014


OTTAWA, le jeudi 2 octobre 2014

Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd'hui, à 10 h 28, pour étudier le projet de loi C-17, Loi modifiant la Loi sur les aliments et drogues.

Le sénateur Kelvin Kenneth Ogilvie (président) occupe le fauteuil.

[Français]

Le président : Je vous souhaite la bienvenue au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie.

[Traduction]

Je m'appelle Kelvin Ogilvie et je viens de la Nouvelle-Écosse. J'aimerais demander à mes collègues de se présenter.

La sénatrice Seidman : Judith Seidman, de Montréal, au Québec.

La sénatrice Stewart Olsen : Carolyn Stewart Olsen, du Nouveau-Brunswick.

La sénatrice Seth : Asha Seth, de Toronto.

Le sénateur Enverga : Tobias Enverga, de l'Ontario.

[Français]

La sénatrice Chaput : Maria Chaput, de la province du Manitoba.

[Traduction]

Le sénateur Eggleton : Art Eggleton, de l'Ontario. Je suis vice-président du comité.

Le président : Nous examinons le projet de loi C-17, Loi modifiant la Loi sur les aliments et drogues. Le titre subsidiaire est Loi visant à protéger les Canadiens contre les drogues dangereuses. Il est également connu sous le nom de Loi de Vanessa.

Ce matin, nous accueillons deux groupes de témoins. Chaque partie durera une heure. Deux organismes sont représentés dans le premier groupe. Je vais les présenter à mesure que je donnerai la parole à leurs représentants. J'aimerais rappeler à mes collègues que cette partie de la réunion se terminera au plus tard à 11 h 30.

Comme convenu, j'invite d'abord M. Perry Eisenschmid à présenter son exposé. Il est chef de la direction de l'Association des pharmaciens du Canada. Il est accompagné de Mme Janet Cooper, vice-présidente, Affaires professionnelles et adhésions, Association des pharmaciens du Canada. Bienvenue.

Monsieur Eisenschmid, veuillez livrer votre exposé.

Perry Eisenschmid, chef de la direction, Association des pharmaciens du Canada : Bonjour. Je remercie les membres du comité sénatorial de nous avoir invités. Comme vous le savez, l'APhC est une association nationale qui représente des pharmaciens de partout au pays. Nous sommes également le plus grand diffuseur national d'information objective et factuelle à l'intention des professionnels de la santé sur les médicaments et les thérapies. Par nos publications imprimées et numériques, nous fournissons en outre un accès sur le terrain aux plus récentes données sur l'innocuité des médicaments, y compris les avis de Santé Canada.

L'innocuité des médicaments est un enjeu prioritaire, tant pour l'APhC que pour tous les pharmaciens au Canada. Sous ordonnance ou en vente libre, tous les médicaments devraient être aussi sßrs qu'efficaces. Bien qu'il soit impossible d'éliminer tous les risques, les pharmaciens consacrent beaucoup de temps à expliquer la prise de médicaments et à en effectuer le suivi, de façon à améliorer les résultats thérapeutiques. C'est pourquoi l'APhC appuie l'intention et l'orientation du projet de loi C-17 depuis sa première lecture en décembre 2013.

L'APhC approuve les modifications à la Loi sur les aliments et drogues et l'augmentation des pénalités associées aux produits dangereux, les nouveaux pouvoirs qui permettent à Santé Canada d'émettre un rappel pour ces produits et l'exigence imposée aux sociétés pharmaceutiques de revoir leurs étiquettes, afin qu'elles indiquent clairement les risques potentiels pour la santé et, entres autres, les mises à jour concernant les enfants. Nous appuyons également le pouvoir accordé au ministre d'exiger que des essais ou des études supplémentaires soient menés quand des problèmes potentiels liés à la sécurité sont décelés, y compris pour certaines populations à risque.

Toutefois, bien que nous approuvions le contenu et le sens du projet de loi, nous sommes d'avis qu'il est possible d'améliorer quelques points essentiels.

Lors d'une comparution précédente devant le Comité permanent de la santé en juin dernier, l'APhC a préconisé l'inclusion des produits de santé naturels, afin de protéger les Canadiens qui les utilisent à grande échelle sans qu'on en connaisse vraiment les risques. On entend par produits de santé naturels des produits médicinaux ingérés dans le but de se sentir mieux. Or, nous réaffirmons que le terme « naturel » n'est pas nécessairement synonyme de « sßr ». Comme ces produits susceptibles d'être dommageables sont très répandus, l'APhC réitère son désir de les voir intégrés dans la portée du projet de loi.

L'APhC comprend également le besoin d'améliorer le signalement des effets indésirables à un médicament. Ces renseignements essentiels éclairent en effet les décisions des pharmaciens, des médecins, des infirmières et des autres fournisseurs de soins en ce qui a trait au choix de l'approche thérapeutique à adopter. Toutefois, nous recommandons fortement d'apporter des éclaircissements à ce chapitre dans le projet de loi, car le libellé de l'article portant sur cette question pourrait inutilement inquiéter et rendre perplexes les fournisseurs de soins, puisqu'il se prête à plusieurs interprétations.

En ce qui concerne le signalement des effets indésirables, on trouve le texte suivant à l'article 21.8 :

Tout établissement de soins de santé désigné par règlement est tenu de fournir au ministre, selon les modalités réglementaires — du temps ou autres —, les renseignements réglementaires qui relèvent de lui concernant les réactions indésirables graves à une drogue...

Ce texte n'est pas clair. Qu'est-ce au juste qu'un « établissement de soins de santé désigné par règlement » qui doit fournir des « renseignements réglementaires »? Les pharmacies et centres de santé communautaires peuvent-ils faire partie de cette description? Il serait utile de définir ces établissements désignés par règlement plus explicitement.

De plus, qu'est-ce qu'une « réaction indésirable grave à une drogue »? Il faudrait définir clairement la notion de « grave ». Les fournisseurs de soins, y compris les pharmaciens, doivent composer tous les jours avec des incidences dites « graves ». Les praticiens étant occupés, il faut les aider à signaler les nouveaux renseignements ou les renseignements inattendus concernant la sécurité de leurs patients, sans pour autant ajouter de paperasse à leur lot quotidien. Par exemple, est-il réellement important de signaler les effets indésirables graves déjà connus? Nombreux sont ceux qui sont bien documentés et donc prévisibles lors de la prestation des soins (on peut notamment penser aux anticoagulants et aux médicaments utilisés en oncologie). Il faudrait peser l'utilité du signalement et le fardeau qu'il impose. Ne serait-il pas préférable de s'en tenir aux effets jamais vus, mal documentés, méconnus ou inattendus, ce qui aide grandement les fournisseurs de soins et les patients à connaître les risques associés à des thérapies particulières, tout en orientant les démarches futures de Santé Canada à ce chapitre?

Cela dit, le signalement des effets indésirables ne constitue qu'une première étape de cet important processus. Une fois les données recueillies, Santé Canada doit mettre au point un mécanisme simple et transparent pour permettre tant aux fournisseurs de soins qu'à la population en général d'y accéder et de pouvoir les utiliser. En notre qualité de pharmaciens, nous croyons que le ministère devrait en effet agréger et présenter en toute transparence l'information découlant des signalements obligatoires, mais la législation actuelle n'est pas claire quant à la manière de l'analyser et de la diffuser. Les fournisseurs devraient pouvoir la consulter sur le terrain afin de prendre des décisions éclairées et de bien choisir leurs plans de traitement. Idéalement, cette information devrait être parfaitement intégrée aux systèmes électroniques de suivi des patients.

En résumé, monsieur le président, l'Association des pharmaciens du Canada continue d'appuyer le projet de loi C-17. Étant donné l'importance que les pharmaciens accordent à l'innocuité et à l'efficacité des produits thérapeutiques, et à la volonté de l'association de faire en sorte que les fournisseurs de soins puissent accéder à des données canadiennes à jour et factuelles sur les médicaments, les thérapies et la sécurité, nous croyons que ce document constitue un grand pas dans la bonne direction. Nous sommes cependant d'avis que certaines améliorations et clarifications pourraient le rendre encore meilleur. L'APhC demeure prête, apte et disposée à soutenir cette démarche.

Monsieur le sénateur Ogilvie, mesdames et messieurs les membres du comité, nous vous remercions de nous avoir fourni l'occasion de vous rencontrer aujourd'hui. Nous serons maintenant heureux de répondre à vos questions.

Le président : Merci beaucoup.

Je vais maintenant donner la parole à Bill Tholl, président et chef de la direction de SoinsSantéCAN et à Myrella Roy, directrice générale, Société canadienne des pharmaciens d'hôpitaux.

D'après ce que je comprends, vous partagez le temps imparti. M. Tholl, allez-y.

[Français]

Bill Tholl, président et chef de la direction, SoinsSantéCAN : Monsieur le président et membres du comité, je vous remercie de nous donner l'occasion d'être parmi vous aujourd'hui. Ce matin, je vais partager mes commentaires avec ma collègue, Myrella Roy, directrice générale de la Société canadienne des pharmaciens d'hôpitaux.

[Traduction]

Je suis Bill Tholl, président et chef de la direction de SoinsSantéCAN, la voix nationale des organismes de soins de santé de partout au pays. Notre organisme a été créé en janvier dernier à partir de deux organismes existants, c'est-à-dire l'Association canadienne des soins de santé et l'Association canadienne des institutions de santé universitaires, ou les hôpitaux d'enseignement, de partout au pays. Nous favorisons les découvertes et l'innovation continuelles et éclairées axées sur les résultats dans tout le continuum des soins de santé.

En ce qui concerne le projet de loi C-17, Loi modifiant la Loi sur les aliments et drogues, j'aimerais faire valoir trois points généraux. Tout d'abord, nos membres appuient fortement le projet de loi, car il améliorera la sécurité des patients et de la population et il s'appuiera sur des mécanismes de signalement existants. De plus, nos organismes de soins de santé ont mis en ouvre des politiques et des procédures pour le signalement des incidents et des préjudices liés à la sécurité des patients qui visent, entre autres, les effets indésirables des médicaments et ceux liés aux appareils médicaux.

J'aimerais rappeler aux membres du comité que les pratiques en matière de signalement des établissements de santé du pays ciblent déjà les problèmes liés aux signalements des effets indésirables dans le cadre du Programme de certification d'Agrément Canada. De plus, SoinsSantéCAN a mis sur pied une série de programmes en collaboration avec nos collègues de l'Institut canadien pour la sécurité des patients, notamment le Cours canadien pour les coordonnateurs de la sécurité des patients livré en ligne et conçu pour bâtir une solide culture de la sécurité des patients au sein de nos organismes. Nous appuyons les objectifs et les buts généraux du projet de loi C-17.

Deuxièmement, le projet de loi donne, à juste titre, à Santé Canada et au ministre les pouvoirs nécessaires pour agir plus rapidement afin de retirer les appareils et les médicaments dangereux des tablettes. SoinsSantéCAN appuie les pouvoirs supplémentaires accordés à Santé Canada et au ministre en ce qui concerne la divulgation des renseignements des parties désignées par règlement, l'exigence de modifier l'emballage ou l'étiquetage des produits thérapeutiques et l'ordonnance de rappels et les demandes d'injonctions.

Toutefois, j'aimerais souligner certaines de nos préoccupations. Nous souhaitons surtout collaborer avec Santé Canada pour veiller à ne pas accroître le fardeau administratif d'un système de soins de santé déjà surchargé, comme l'a souligné mon collègue de l'Association des pharmaciens du Canada. Comme vous le savez, le diable est toujours dans les détails. Dans ce cas-ci, les détails de la réglementation sont fournis dans l'article proposé 21.8, qui a déjà été mentionné.

À cet égard, SoinsSantéCAN recommande vivement aux membres du comité, tout d'abord, d'attirer l'attention du Parlement en mettant l'accent sur l'importance de clairement définir, comme il a été mentionné, les établissements de soins de santé désignés. Deuxièmement, il faut définir les modalités réglementaires liées au signalement des incidents graves, y compris les problèmes liés aux délais. Troisièmement, il faut clairement indiquer les personnes responsables de réagir aux signalements des effets indésirables et le délai dans lequel elles doivent agir. Mes membres craignent que ces questions soient englouties dans un trou noir administratif.

Nous croyons que Santé Canada collaborera avec nous et que le ministère prendra toutes les mesures nécessaires pour que le signalement ne perturbe pas les activités. Nul besoin de réinventer la roue : nous pouvons bâtir sur les programmes déjà en place, notamment le programme MedEffet Canada. Au bout du compte, monsieur le président, et mesdames et messieurs, il nous faut mettre en place un système propice à la santé des Canadiens sans accroître inutilement le fardeau administratif.

Merci. Je vais maintenant donner la parole à ma collègue, Mme Roy.

[Français]

Myrella Roy, directrice générale, Société canadienne des pharmaciens d'hôpitaux, SoinsSantéCAN : Monsieur le président, je vous remercie de nous offrir cette occasion de nous présenter devant votre comité aujourd'hui.

[Traduction]

Je suis directrice générale de la Société canadienne des pharmaciens d'hôpitaux. Notre société appuie fortement le renforcement de la capacité de Santé Canada de recueillir des renseignements post-commercialisation sur l'innocuité des médicaments et de prendre les mesures appropriées lorsqu'un risque élevé envers la santé des Canadiens est décelé, comme le propose le projet de loi C-17. Toutefois, nous sommes également préoccupés par le fardeau administratif qui sera potentiellement imposé aux établissements de soins de santé désignés par règlement de signaler les effets indésirables graves aux médicaments.

Pour revenir sur les commentaires formulés par mon collègue de SoinsSantéCAN sur le programme MedEffet Canada et sa base de données sur les effets indésirables appelée la Base de données en ligne sur les effets indésirables du Programme Canada Vigilance, cette plate-forme doit être plus accessible et plus facile à utiliser pour les professionnels de la santé, afin qu'ils signalent les effets indésirables graves aux médicaments et qu'ils en tirent des leçons.

La Société canadienne des pharmaciens d'hôpitaux est très reconnaissante du fait que Santé Canada envisage d'utiliser pleinement les systèmes de gestion des renseignements déjà en place pour recueillir des « renseignements désignés par règlement » sur les effets indésirables graves aux médicaments auprès des établissements de soins de santé désignés par règlement. Toutefois, nous souhaitons vous prévenir qu'il sera très difficile de déterminer la cause de ces effets indésirables graves aux médicaments par cette méthode. En effet, il peut être difficile de déterminer, chez un patient touché, si un effet indésirable grave est imputable à un médicament en particulier, à une combinaison de médicaments ou au déclin de l'état de santé du patient.

De plus, on devrait étendre la portée du projet de loi, comme l'a mentionné mon collègue de l'Association des pharmaciens du Canada, afin d'inclure les produits de santé naturels. On sait que certains produits de santé naturels interagissent avec les médicaments et d'autres produits de santé naturels pour provoquer des effets indésirables. Par exemple, des recherches ont démontré que le ginseng, un produit à base de plantes médicinales, peut réduire les effets de la warfarine, un anticoagulant, ce qui augmente le risque de caillot sanguin.

À bien des égards, les modifications proposées à la Loi sur les aliments et drogues dans le projet de loi C-17 correspondent à la mission de la société. En effet, la société est un organisme sans but lucratif qui appuie plus de 2 900 pharmaciens dévoués aux soins des patients en favorisant l'utilisation efficace et sécuritaire des médicaments dans les hôpitaux et d'autres milieux de soins collaboratifs.

[Français]

C'est avec plaisir que je répondrai à vos questions dans la langue officielle de votre choix.

[Traduction]

Le président : Merci.

Nous allons maintenant passer aux questions. La parole est à la sénatrice Seidman, la marraine du projet de loi au Sénat.

La sénatrice Seidman : Je vous remercie de vos exposés. J'aimerais aborder les deux enjeux les plus importants qui sont ressortis de ces exposés. Le premier concerne l'inclusion des produits de santé naturels et l'autre concerne le fardeau administratif dont vous avez parlé.

J'aimerais d'abord parler des produits de santé naturels. Dans ce cas, le projet de loi C-17 vise la modification de la Loi sur les aliments et drogues précisément en ce qui concerne des éléments essentiels de la réglementation sur les médicaments qui n'ont pas été touchés depuis environ 50 ans. D'après ce que je comprends, le Règlement sur les produits de santé naturels a été adopté en 2004 et fera l'objet d'une mise à jour après cette étape. Je ne crois pas qu'on ait l'intention de ne pas viser les produits de santé naturels. En fait, je crois que c'est M. Eisenschmid qui a mentionné que les produits naturels ne sont pas nécessairement sains. Ces derniers présentent toutes sortes de problèmes, et madame Roy, vous avez certainement parlé de leurs interactions potentielles. Je crois qu'il s'agit d'enjeux très importants que nous ne souhaitons diminuer d'aucune façon. Mais la question des produits de santé naturels est maintenant traitée dans une série de règlements distincts, et elle sera abordée après le projet de loi. C'est la prochaine question distincte qui sera abordée. Je suis tout à fait disposée à entendre vos commentaires à cet égard.

L'autre enjeu est lié au fardeau administratif. Il ne fait aucun doute qu'on a intentionnellement laissé cet élément ouvert afin de définir exactement ce dont il est question. Nous parlons de cliniques spécialisées. Je crois qu'on a l'intention de ne pas inclure les praticiens des cliniques privées, par exemple, pour la raison que vous avez tous mentionnée, c'est-à-dire la complexité du sujet. En effet, la plupart des praticiens en clinique privée ne comprennent pas suffisamment ces questions complexes pour fournir des indications définitives sur les effets indésirables, et inonder le système de renseignements inexacts serait tout aussi dangereux et injuste envers les patients que cibler les effets indésirables réels.

La question du fardeau administratif est importante. À votre avis, que devrait-on retrouver dans les règlements concernant les points que vous avez présentés — par exemple, les délais, le type d'établissement visé et la façon de réduire le fardeau administratif?

M. Eisenschmid : Le problème qui préoccupe surtout les pharmaciens, et Myrella peut parler au nom des pharmaciens d'hôpitaux, c'est qu'ils sont en première ligne et qu'ils sont souvent les premiers à observer et à signaler certains des effets indésirables. Votre commentaire me surprend un peu. Je me demande, dans ce cas, qui vous aviez l'intention de désigner comme source principale de signalement des effets indésirables; je crois que la communauté des pharmaciens est dans une position idéale pour assumer ce rôle.

Le problème, comme nous l'avons dit, c'est que plusieurs effets indésirables sont bien connus et bien documentés. En effet, il existe des systèmes automatisés pour les signaler dans les systèmes de logiciel d'ordonnances et d'autres outils de référence. Je crois qu'il serait utile de faire participer les pharmaciens et d'autres praticiens en matière de soins de santé de première ligne au signalement, pourvu qu'on privilégie les pratiques qui génèrent des renseignements supplémentaires ou utiles plutôt que des renseignements redondants.

Mme Roy : Je suis d'accord avec vous. D'après ce que je puis comprendre, ce projet de loi ne vise pas vraiment à obliger le signalement des différents effets indésirables des médicaments. Il cherche plutôt à tirer avantage des données déjà enregistrées dans les systèmes de gestion de l'information des établissements de santé. Il faut lire entre les lignes des amendements proposés pour y voir plus clair, mais j'ai l'impression que l'on demandera aux établissements de santé désignés de prospecter leurs dossiers médicaux pour en extraire les données permettant d'établir un lien entre un médicament prescrit et un événement signalé. Ces données seront récupérées dans les dossiers médicaux et transmises à Santé Canada. Il ne s'agit pas de tous les effets indésirables des médicaments, mais seulement de certaines réactions particulières qui ont été portées à l'attention de Santé Canada.

Le président : Nous n'allons pas nous étendre sur le sujet, car nous allons recevoir la semaine prochaine la ministre et ses collaborateurs qui pourront nous fournir plus de précisions. Vos observations ont été prises en compte.

M. Tholl : Comme ma collègue le signalait, je dirais brièvement que c'est l'ambiguïté de ce projet de loi qui nous préoccupe. Qui est responsable? Si ce ne sont pas les praticiens eux-mêmes, qui doit s'en charger? Les médecins prescrivent les médicaments. Les pharmaciens constituent la première ligne de défense dans les établissements eux-mêmes.

Il y a ambiguïté quant aux délais. Que considère-t-on comme une réaction suffisamment rapide? Comme je le demandais dans mes observations préliminaires, en quoi consiste cette obligation pour Santé Canada de réagir rapidement? « Prends ton temps, mais fais ça vite » comme le disait l'un de nos membres. C'est ce qui nous inquiète.

Troisièmement, comment faire le nécessaire au niveau des systèmes? Cela concerne les systèmes informatiques, les ordonnances électroniques et tous ces autres mécanismes qui doivent être en place si nous voulons vraiment contrer les effets indésirables des médicaments avant qu'il ne soit trop tard.

Le président : Je vais vous demander de passer à un autre sujet.

Voulez-vous ajouter brièvement quelque chose?

M. Eisenschmid : Je voulais parler de santé naturelle. Je sais que des règlements seront pris ultérieurement pour régler ces questions. Je n'ai rien contre le fait d'agir isolément pour réglementer les produits de santé naturels, mais je dirais, comme tous mes collègues l'ont fait valoir, qu'une perspective coordonnée serait préférable pour prendre en compte les interactions entre ces produits et les médicaments eux-mêmes.

Le sénateur Eggleton : J'aimerais obtenir quelques précisions de la part de la sénatrice Seidman. Peut-être que c'est à elle que je devrais adresser mes questions. Je vais toutefois continuer à parler à nos témoins. Nous aurons d'autres occasions d'en discuter entre nous.

Pour ce qui est du fardeau administratif, monsieur Tholl, vous avez indiqué dans vos observations que vous avez déjà mis en place des pratiques de signalement dans le cadre du processus d'accréditation d'Agrément Canada. Pensez-vous qu'il pourrait s'agir d'une piste de solution pour éviter un fardeau injustifié? S'agirait-il seulement d'adapter ces pratiques? Croyez-vous que ce serait une bonne façon d'atteindre les objectifs visés par le projet de loi C-17?

M. Tholl : On pourrait commencer par bien évaluer ce qui existe déjà pour déterminer ce qui fonctionne bien et ce qui ne marche pas. Il y a d'autres programmes plus isolés, dont un à Halifax, qui fonctionnent très bien. Nous pourrions donc partir du minimum prescrit par les normes d'Agrément Canada et voir ce qu'il convient de faire de plus. Ce serait effectivement un bon endroit où commencer.

Le sénateur Eggleton : Je suppose que la ministre de la Santé voudra régler ces questions dans le cadre du processus réglementaire et j'espère qu'elle vous consultera alors plus à fond avant que ces règlements ne soient établis. Est-ce suffisant ou estimez-vous que des précisions doivent être apportées au projet de loi lui-même?

M. Tholl : Comme vous le savez, il s'agit toujours de trouver le juste équilibre. Lorsqu'il y a ambiguïté et que l'on ne sait pas exactement comment préciser les choses, il est préférable de le faire au moyen des règlements, plutôt que via le processus législatif.

M. Eisenschmid : À la lumière des cas cités dans la documentation dont j'ai pris connaissance, je dirais que le problème ne vient pas nécessairement du fait que les effets indésirables sont inconnus. C'est plutôt qu'ils ont été tronqués par un système informatique qui présente seulement les cinq principaux, comme dans le cas de la Diane-35, ou encore que l'on transmet au professionnel de la santé ou au patient une quantité si excessive d'information qu'elle en devient inutilisable.

Un peu comme le disait M. Tholl, il faut également chercher à mieux utiliser les mécanismes de signalement déjà existants.

Le sénateur Eggleton : Il semblerait que l'avenue réglementaire soit à privilégier pour ce faire. C'est la même chose pour les établissements de santé. Vous avez raison de dire que ce n'est pas très bien défini, et nous nous demandons tous qu'est-ce qu'on entend exactement par là. Encore là, on nous dira sans doute que ce sera précisé dans le règlement. Est-ce que cela vous inquiète?

Le président : Désolé, mais j'ai omis de donner la parole à Mme Roy qui voulait répondre à la question précédente.

Le sénateur Eggleton : Vous pouvez répondre aux deux questions, si vous le désirez.

Mme Roy : Pour ce qui est des normes d'Agrément Canada dont je ne me souviens pas du libellé exact, il est attendu ou exigé qu'un processus soit mis en place pour signaler les effets indésirables des médicaments. Cela ne signifie pas que chaque effet indésirable doive faire l'objet d'un rapport. Ceci étant dit, il faut tout de même consigner des données sur les différents effets des médicaments pour pouvoir alimenter les systèmes de gestion de l'information.

Par ailleurs, nous misons sur les systèmes de gestion de l'information des établissements de santé mais, comme nous le savons tous, ces systèmes ne communiquent pas très bien entre eux. Rien ne garantit donc que le système informatique d'un hôpital pourra alimenter facilement le système de déclaration des effets indésirables de Canada Vigilance.

M. Tholl : Je suis d'accord avec ce que ma collègue vient de dire. Nous n'avons pas fait montre d'une vigilance assez soutenue pour veiller au respect des normes dans les différents établissements, mais on peut aussi se demander dans une perspective plus générale ce qu'il convient de faire dans le contexte de l'Inforoute Santé du Canada.

J'ajouterais par ailleurs qu'Agrément Canada utilise une définition assez large d'établissements de santé; on inclut également les centres de soins, les centres de santé communautaire et les services semblables. Encore là, on peut bâtir à partir de cette base.

Le sénateur Eggleton : Et les pharmacies également?

M. Tholl : Non.

Mme Cooper : Non.

M. Tholl : J'aimerais ajouter quelque chose. Je suis économiste de formation et je me demande si on ne pourrait pas procéder à une analyse coßts-avantages. Si on veut accroître les exigences en matière de déclaration, peut-on s'assurer que les avantages ainsi obtenus compensent pour les frais administratifs à engager, de même que les coßts directs et indirects? C'est du temps qui est perdu. Si un praticien prend deux heures pour déterminer si un incident est à déclaration obligatoire ou non, c'est deux heures de moins qu'il pourra consacrer à ses patients. Il y a donc des coßts tangibles et intangibles.

Le sénateur Eggleton : Devrait-on charger les compagnies pharmaceutiques de mener les activités de surveillance post-commercialisation ou devrait-on confier cette tâche à une tierce partie? Avez-vous des commentaires à ce sujet? Sinon, je passerai à ma prochaine question.

Mme Cooper : Oui, les compagnies pharmaceutiques devraient s'en charger, mais il y a aussi un rôle à jouer pour une tierce partie.

Le sénateur Eggleton : Il faudrait peut-être une certaine supervision?

Mme Cooper : Oui, il faut exercer un contrôle, car il y a eu des incidents qui n'ont pas été signalés correctement.

M. Tholl : Je dirais « lorsque cela est nécessaire ». Je pense à l'approbation de l'utilisation non indiquée sur l'étiquette du tPA pour les AVC il y a 15 ans. Il existait alors des médicaments pour les crises cardiaques, mais il n'y avait pas de traitement disponible pour les AVC. Je travaillais à l'époque à la Fondation des maladies du cour et de l'AVC, et nous avons dß intensifier les activités de surveillance postcommercialisation parce qu'il n'y avait pas de traitement adéquat disponible.

C'est un exemple de situation où l'industrie doit absolument jouer un rôle et se charger de la surveillance postcommercialisation.

Le sénateur Eggleton : L'un de nos témoins de la semaine dernière a fait valoir que nous devrions changer la définition d'« instrument » médical aux termes de l'alinéa 2(1)b). Plutôt que cela s'applique à tout ce qui est utilisé pour modifier la structure corporelle, il faudrait que l'on vise tout ce qui est utilisé pour promouvoir la santé, y compris les équipements de stérilisation comme les autoclaves, les lampes à ultraviolets et les stérilisateurs à oxyde d'éthylène, en plus des éléments non physiques des appareils médicaux comme les logiciels qui font fonctionner des dispositifs comme la pompe à insuline ou le stimulateur cardiaque. Il ajoutait qu'un logiciel dangereux qui échappe à la réglementation peut vous tuer aussi bien qu'un instrument dangereux.

Qu'en pensez-vous?

M. Tholl : Je crois qu'il y a plus de 2 000 nouveaux instruments médicaux qui font leur apparition au Canada chaque année. Moins de 10 p. 100 d'entre eux font l'objet d'un examen préalable à la commercialisation.

Le sénateur Eggleton : Moins de 10 p. 100?

M. Tholl : Oui, et c'est tout ce qui est prévu à l'annexe 5, en allant jusqu'aux dispositifs médicaux implantables.

Il faut envisager pour les instruments médicaux les mêmes mesures que nous avons prises dans le cadre du Programme commun d'évaluation des médicaments. Je crois que l'Agence canadienne des médicaments et des technologies de la santé vient tout juste de lancer un processus en ce sens qui permettra de mieux définir quels instruments devraient faire l'objet d'une surveillance préalable à la commercialisation. Je peux vous en parler, car je fais partie du groupe consultatif formé à cette fin.

La sénatrice Seth : Merci pour vos exposés qui étaient fort intéressants.

Vous avez notamment indiqué que le projet de loi C-17 ne définit pas clairement ce qu'on entend par « établissement de santé désigné ». Pouvez-vous nous dire quelle serait votre définition de ce concept et où on devrait la retrouver dans le projet de loi C-17?

Mme Cooper : Je ne crois pas que l'on puisse vraiment donner une définition, car il existe bien des incertitudes, même pour nous. Les soins de santé sont en pleine évolution et s'éloignent de plus en plus du modèle des cliniques de médecine familiale et des ressources semblables. J'estime que cela doit être défini dans le règlement, car on pourra ainsi apporter les modifications nécessaires en fonction de l'évolution des soins. Il sera alors d'autant plus important de consulter les principaux intervenants pour savoir vraiment à quoi s'en tenir au moment d'établir la réglementation.

Il va de soi que la définition d'établissement désigné va s'appliquer à nos grands hôpitaux, mais je ne pense pas que ce serait le cas pour le moment avec nos pharmacies de quartier. Il ne faut pas en conclure que nous ne pensons pas que les pharmaciens de quartier devraient signaler les effets indésirables, mais il y a des problèmes à surmonter de leur côté pour ce qui est de la collecte des données et de la déclaration obligatoire. Nous les encourageons certes à signaler ces incidents. C'est absolument nécessaire. Ils en sont les témoins directs, au même titre que les médecins de famille et les infirmières praticiennes, mais on ne doit pas les inclure dans la définition. Je ne pense pas qu'ils devraient être mentionnés dans la loi comme telle. C'est une question qui relève de la réglementation.

Mme Roy : À la lumière des consultations auxquelles j'ai participé, je crois, comme Janet vient de le mentionner, que les hôpitaux sont les établissements de santé « désignés » aux fins de cette loi. Lorsque des effets indésirables seront signalés dans ces établissements désignés, ils devront fournir davantage d'information qu'actuellement de manière à ce qu'on puisse établir un lien entre un médicament bien précis — comme le dit le libellé de la loi — et un effet indésirable particulier.

La sénatrice Seth : D'accord, mais ne croyez-vous pas qu'il est très important de préciser ici qu'on est censé déclarer les effets indésirables? C'est essentiellement ce sur quoi est fondé le projet de loi.

Vous avez également affirmé que le projet de loi C-17 ne définit pas clairement ce qu'est une réaction indésirable grave à un médicament, et il est très important de définir le mot « grave », car les praticiens sont confrontés à des situations graves quotidiennement. Comment définir « grave » dans ce contexte?

M. Eisenschmid : Ma réponse constitue également une réponse à votre question précédente. C'est un peu comme l'histoire de l'ouf et de la poule en ce sens que la définition d'un établissement désigné est étroitement liée à la définition d'une réaction indésirable grave. La définition que l'on donne à l'un de ces termes a une incidence sur la définition de l'autre.

Quant aux réactions graves, comme je l'ai dit dans mon exposé, nombreuses sont les réactions qui sont déjà connues et bien documentées, mais elles ne sont peut-être pas bien déclarées actuellement, ou du moins elles ne le sont pas d'une manière qui permette d'avoir accès à cette information très facilement. Selon moi, une réaction grave est une réaction nouvelle, qui n'a jamais été déclarée auparavant. Il est certain que bien des choses ont des conséquences graves sur la santé, mais, à mon avis, il n'est pas nécessaire de déclarer une réaction, à moins qu'elle soit nouvelle et qu'elle ne soit donc pas bien comprise et bien connue. C'est mon interprétation.

Mme Roy : Depuis des années, les pharmaciens utilisent la définition d'une réaction indésirable grave à un médicament établie par Santé Canada et le programme MedEffet. Ce qu'on se demande en ce moment, c'est si on utilisera cette définition. Actuellement, une réaction indésirable grave est une réaction qui entraîne une visite à l'urgence, une hospitalisation, un séjour prolongé à l'hôpital ou le décès du patient. Je paraphrase, mais c'est la définition d'une réaction indésirable grave, si je me souviens bien. J'espère que la définition qui s'appliquera en vertu de cette loi et qui sera précisée dans le règlement sera similaire.

Le sénateur Enverga : Je vous remercie pour votre exposé. Ma question porte sur la recommandation concernant les produits de santé naturels.

Depuis toujours, lorsque j'obtiens une prescription, on me précise par exemple de ne pas boire de jus de pamplemousse et de ne pas prendre de calcium. Vous avez mentionné que le ginseng peut réduire les effets de la warfarine. Est-ce qu'on précise sur l'étiquette de ne pas prendre de produits à base de ginseng?

Ce sont des choses que les pharmaciens ont l'habitude de faire. Ne croyez-vous pas que c'est suffisant de prévenir les patients des complications qui peuvent survenir s'ils consomment ces autres produits, qu'il n'est pas nécessaire de mettre des avertissements sur les étiquettes des produits de santé naturels? Il existe tellement de produits de santé naturels différents. Il y en a de tous les types. Ne croyez-vous pas que c'est suffisant et que nous faisons déjà ce qu'il faut faire?

Mme Cooper : Je ne savais pas que le Règlement sur les produits de santé naturels porterait sur ces mêmes éléments. Selon moi, les pouvoirs du ministre et les sanctions devraient être similaires dans les cas où il y a des inquiétudes à propos de certains produits de santé naturels. Des sanctions doivent être imposées aux fabricants.

Pour ce qui est des étiquettes ou de l'information donnée en pharmacie, il faut dire que certains effets ne sont même pas connus, alors ils ne peuvent pas figurer sur les étiquettes. Certaines interactions indésirables sont connues, et c'est cette information que les gens reçoivent. Les renseignements fournis par les pharmacies proviennent souvent de fournisseurs américains. Nous avons largement discuté avec Santé Canada de l'importance pour les pharmaciens et les médecins d'avoir accès à de l'information provenant du Canada.

Je continue de penser que nous devons nous pencher là-dessus. J'espère que c'est ce qu'on fera lors de l'étude sur les produits de santé naturels. Il doit y avoir de sérieuses conséquences et le ministre doit pouvoir exiger des études et des rapports approfondis, car ces produits ne sont pas tous sans danger.

Mme Roy : Pour renchérir sur ce que Janet a dit, je dirais qu'il y a encore beaucoup d'idées fausses et de méconnaissance à propos des produits de santé naturels au sein de la population. Comme l'a mentionné Perry, on associe parfois le mot « naturel » à quelque chose qui ne comporte pas de risque, mais, comme nous le savons en tant que professionnels de la santé, ce n'est pas le cas.

Je suis pharmacienne d'hôpital, et je me souviens d'une discussion que j'aie eue avec une patiente. Je ne me souviens pas exactement de ce dont nous parlions, mais elle m'a dit « c'est un produit de santé naturel ». Je lui ai répondu, et elle a été vraiment étonnée que certaines plantes puissent être mortelles. Elle était abasourdie. Elle n'avait jamais songé à cela.

Pour revenir à votre question, sénateur, au sujet de l'étiquetage — et il faut penser que les produits de santé naturels sont en vente libre — je dirais que la plupart du temps les pharmaciens ne savent pas que le patient utilise ces produits.

M. Eisenschmid : Je vais répondre un peu dans le même sens que tout à l'heure. Les produits pharmaceutiques sont très réglementés alors que les produits de santé naturels ne le sont pas beaucoup, alors les choses n'évoluent pas dans le même sens ni au même rythme. Certains produits de santé naturels qui arrivent sur le marché ne sont pas bien connus. On ne peut pas nécessairement connaître les interactions entre tous les produits de santé naturels et un médicament, d'autant plus que les règles régissant la production des produits de santé naturels ne sont pas strictes.

Le sénateur Enverga : Je sais que les grandes pharmacies vendent des produits de santé naturels. Croyez-vous que c'est plus sßr de les acheter là plutôt que dans d'autres commerces?

Le président : Je crois qu'on demande si c'est plus sécuritaire de les acheter à la pharmacie plutôt que dans un autre type de commerce?

Mme Cooper : Si un consommateur ne fait qu'entrer, prendre le produit puis passer à la caisse, ce n'est pas plus sßr que d'acheter le produit dans une pharmacie. Si la personne demande au pharmacien de lui parler du produit qu'elle souhaite acheter et qu'elle lui mentionne les médicaments qu'elle prend, le pharmacien pourra déterminer quel pourrait être le risque et lui dire s'il y a des interactions potentielles avec d'autres médicaments ou si l'usage est contre-indiqué si on a certains problèmes de santé.

Le sénateur Enverga : Mais est-ce que le pharmacien — si vous achetez un tel produit — a le devoir de vous demander si vous prenez certains médicaments pour vous prévenir?

Mme Cooper : Oui, c'est ce que les pharmaciens devraient faire, mais souvent, ils n'ont pas l'occasion de s'adresser au patient s'il prend le produit sur la tablette et qu'il passe directement à la caisse.

M. Eisenschmid : Le règlement est différent si le produit est derrière le comptoir ou sur les tablettes. Le pharmacien a cette responsabilité pour les produits qui se trouvent derrière le comptoir. Si le produit se trouve sur les tablettes, il n'y a pas de pharmacien pour vous informer à la caisse.

Le sénateur Enverga : C'est comme acheter des médicaments en vente libre.

M. Eisenschmid : Si le règlement est le même, oui, en effet.

La sénatrice Cordy : Je vous remercie beaucoup de comparaître devant nous aujourd'hui.

J'ai été étonnée par vos commentaires au sujet du fardeau que cela représente pour le système de santé, qui subit déjà de la pression. Nous savons, par exemple, qu'il y a eu d'importantes compressions à Santé Canada, alors, s'il est question de diffuser l'information et que ce projet de loi prévoit d'accroître la diffusion d'information aux Canadiens, comment ferons-nous, compte tenu des compressions? J'aimerais obtenir votre avis là-dessus.

Je connais l'objectif ultime du projet de loi, et, dans ses derniers rapports, notre comité a affirmé que les Canadiens doivent avoir l'information nécessaire lorsqu'ils achètent des médicaments. Ils doivent connaître les effets secondaires et les avantages pour pouvoir déterminer s'ils veulent ou non prendre le produit.

Les Canadiens veulent également savoir s'il y a des réactions indésirables qu'ils ignorent.

Certains d'entre vous ont parlé de la façon de déclarer l'information et de la manière de la transmettre rapidement. Vous avez aussi parlé de la rapidité.

Qui devrait être responsable de déclarer les incidents graves? Je crois, monsieur Tholl, que vous avez dit que vous transmettez toute cette information et tous ces rapports à Santé Canada, mais qu'on n'en entend plus parler par la suite. Vous avez aussi parlé des systèmes informatiques qui ne peuvent pas communiquer entre eux. Un témoin nous a déjà dit que, même au sein d'un même hôpital, on ne pouvait pas transmettre l'information d'un département à un autre, alors comment allons-nous faire en sorte que des renseignements provenant d'un hôpital de Toronto soient transmis à Santé Canada puis au public ou d'une pharmacie à une autre entité?

Tous les témoins qui ont comparu devant nous approuvent le projet de loi. Je comprends le principe qui sous-tend le projet de loi, mais est-ce réalisable et comment pouvons-nous faire en sorte que ce le soit? Voilà ma question.

M. Eisenschmid : Comme nous l'avons mentionné, il existe des mécanismes pour déclarer les réactions indésirables. Santé Canada a entrepris certaines initiatives, et cela me rassure, et nous avons entamé des discussions exploratoires à propos de la Partie III, qui porte sur les renseignements sur l'innocuité fournis aux patients avec les médicaments. Il faudrait pouvoir inclure l'information concernant les réactions indésirables dans ces renseignements fournis aux patients, mais, ce qui est encore plus important, c'est que cette information soit rédigée dans un langage que le public peut comprendre. Cela rendrait beaucoup plus efficace la diffusion des renseignements concernant les réactions indésirables qui sont déclarées. C'est une mesure essentielle qui semble être en voie d'être mise en place, et il semble que nous sommes en mesure de collaborer avec Santé Canada à cet égard. Toutefois, les choses progressent lentement, et il serait profitable qu'elles évoluent plus rapidement.

M. Tholl : J'ai deux points à faire valoir rapidement. Pour ce qui est du système qui subit de la pression, je peux dire que nous en sommes à la troisième année, je crois, où nous enregistrons une croissance négative des dépenses en santé. Je suis le responsable des finances et de la vérification à l'Hôpital Royal Ottawa. Nous en sommes à la quatrième année d'une augmentation nulle, c'est-à-dire 0,7, car les contrats de travail ne sont pas terminés.

On ne peut pas s'attendre à ce que les établissements de soins de santé canadiens dépensent davantage pour les systèmes de TI en raison de ce projet de loi. Nous espérons donc que des sommes seront affectées, que ce soit par l'entremise d'Inforoute Santé du Canada ou d'autres programmes, pour nous aider à mettre en place ce qui est prévu dans ce projet de loi.

Je tiens aussi à dire que si nous améliorons la déclaration des réactions indésirables, j'ose espérer que cela entraînera également la mise en ouvre des pratiques d'ordonnances électroniques à l'échelle du Canada, par exemple. Je crois que cela existe seulement au Québec. N'est-ce pas?

Mme Cooper : Oui.

M. Tholl : Pourquoi ne pas adopter l'ordonnance électronique partout au pays? On éviterait ainsi bien des problèmes.

J'espère que cela répond à votre question.

Le président : Monsieur Tholl, nous posons cette question depuis trois ans de diverses manières. Nous comprenons tout à fait et nous le demandons de façon pressante.

Mme Cooper : J'ajouterais qu'il faut investir dans une base de données sur les médicaments qui serait un dépôt central à partir duquel les médecins, les répondants médicaux d'urgence, les pharmacies et les hôpitaux pourraient obtenir des données canadiennes qui comprennent également des renseignements sur l'innocuité. Comment les pharmacies obtiennent leurs renseignements sur l'innocuité? Elles les reçoivent par télécopieur en même temps que toutes sortes d'autres informations, parfois là où se trouve le comptoir postal de la pharmacie. Les médecins aussi reçoivent les renseignements par télécopieur. Cette information se mêle souvent à la publicité qu'ils reçoivent à propos de nouveaux produits et elle passe ainsi inaperçue.

Nous avons justement reçu ce matin par télécopieur de tels renseignements. Il est important que cette information soit présentée aux praticiens et aux patients d'une façon claire pour qu'elle puisse être facilement comprise. En ce moment, les bases de données qu'utilisent les pharmacies et les médecins comportent une énorme liste de tous les médicaments, alors, lorsqu'on effectue une recherche, on obtient 100 fois le même produit parce que tous les DIN s'y trouvent, ou bien les renseignements proviennent de sources américaines. Il faut investir pour que nous ayons accès à de bons renseignements de sources canadiennes à propos du traitement, du médicament, de l'utilisation et des patients visés. Il faudrait aussi avoir accès à tous les nouveaux renseignements sur l'innocuité, qui devraient être rédigés dans un langage facile à comprendre pour le consommateur.

Mme Roy : Sénatrice Cordy, je suis heureuse que vous ayez soulevé la question du fardeau que représente pour Santé Canada le traitement de toute cette information, car c'est définitivement une préoccupation. J'en ai parlé en 2008, lorsque j'ai comparu devant le Comité permanent de la santé au sujet de la déclaration obligatoire des réactions indésirables par les hôpitaux. J'avais souligné la nécessité de définir clairement ce qu'est une réaction indésirable grave. À l'époque, on parlait de déclarer toutes les réactions indésirables graves.

Comme Perry l'a dit, est-il nécessaire de déclarer toutes les réactions indésirables graves si nous les connaissons déjà très bien? Nous pourrions réduire le fardeau qui pèse sur Santé Canada et les fournisseurs de soins de santé.

L'Association des pharmaciens du Canada est d'avis que si les fournisseurs de soins de santé disposaient d'une application pour déclarer les réactions indésirables, qu'ils pourraient utiliser en tout temps, cela améliorerait les choses. En ce moment, il faut utiliser un PC pour faire les déclarations par l'entremise de Canada Vigilance, et, même si des améliorations ont été apportées à la base de données — je tiens à souligner qu'il y a eu des améliorations —, il est encore très difficile d'y naviguer. Auparavant, on pouvait seulement effectuer des recherches par médicament, alors lorsqu'il y avait une réaction, il était très difficile de trouver quel médicament aurait pu causer cette réaction. On ne pouvait pas faire la recherche dans l'autre sens, mais maintenant c'est possible. Nous pouvons effectuer une recherche par réaction, mais il est encore très difficile de naviguer dans la base de données.

Une fois qu'on a obtenu toute l'information, peu importe le moyen, il faut la transmettre aux fournisseurs de soins de santé aussi rapidement que possible afin qu'ils puissent prévenir d'autres réactions indésirables.

[Français]

La sénatrice Chaput : Madame Roy, je voudrais que vous me donniez plus d'information au sujet de la définition que les pharmaciens ont de certains médicaments. Je crois que vous avez dit que les pharmaciens avaient leur propre définition en ce qui a trait aux risques graves pour la santé ou aux réactions indésirables de certains médicaments. Les pharmaciens ont une définition à ce sujet?

Mme Roy : La définition que l'on utilise est celle de Santé Canada.

La sénatrice Chaput : C'est la même.

Mme Roy : C'est la définition de Santé Canada. Qu'est-ce qui est « une réaction nocive grave » : c'est une réaction qui va mener à une hospitalisation, à la prolongation de l'hospitalisation, qui va mener au décès du patient. Je crois que ce sont les trois facteurs principaux qui définissent « une réaction nocive grave ».

La sénatrice Chaput : Vous espérez que cette définition soit utilisée lors de la mise en ouvre de ce projet de loi?

Mme Roy : Oui, et peut-être que l'on pourrait raffiner cette définition. Comme il a été mentionné brièvement dans la présentation de l'Association des pharmaciens du Canada, il y a certaines réactions nocives graves que l'on connaît très bien et qui sont conformes à cette définition.

Par exemple, je mentionnais la Warfarine dans mon intervention : s'il y a un saignement grave causé par la Warfarine et que le patient doit être hospitalisé plus longtemps, ou qui peut même mener au décès du patient, c'est conforme à la définition, mais on sait que la Warfarine peut causer des saignements. Le fait de savoir qu'il y a une réaction supplémentaire de ce type n'améliorera pas la façon dont on va gérer et traiter les patients.

La chimiothérapie est un autre bon exemple où l'on sait qu'il y a des réactions nocives très graves qui se produisent à la suite de l'utilisation de la chimiothérapie, comme l'immunosuppression qui, encore une fois, va mener à des conséquences qui sont conformes à la définition, mais on sait que cela va se produire et on ne s'empêchera pas d'utiliser la chimiothérapie, parce qu'il y a plus d'avantages à utiliser ces médicaments qu'à ne pas les utiliser.

La sénatrice Chaput : Est-ce qu'il y a, à votre connaissance, des définitions différentes utilisées dans d'autres pays?

Mme Roy : Je ne suis pas au courant. Ce que la Société canadienne des pharmaciens d'hôpitaux met de l'avant, et cela a aussi été mentionné brièvement dans l'allocution de l'Association des pharmaciens du Canada, c'est que nous préconisons que ce soient les « nouvelles » réactions nocives graves à des médicaments « existants », alors des réactions nocives graves qu'on a peu ou pas observées, et « toutes » les réactions graves aux « nouveaux » médicaments. Cela précise davantage le type de réactions qui sont d'intérêt pour la santé des Canadiens.

La sénatrice Chaput : Les autres témoins ont-ils des commentaires à ajouter?

[Traduction]

Le président : Je remercie beaucoup les témoins. Certains sujets qui ont été abordés aujourd'hui avaient déjà été soulevés en partie auparavant, et il est certain que des éléments devront être clarifiés en ce qui a trait aux définitions, qui sont indispensables à la progression de ce projet de loi. C'est le règlement qui permettra d'interpréter la loi. Vous nous avez clairement expliqué les problèmes que vous avez cernés.

À titre de président du comité, je dois dire que je suis un peu soulagé que les produits de santé naturels ne fassent pas partie de la révision cette fois-ci. Il a fallu 50 ans pour en arriver là et, si je me fie aux courriels que j'ai reçus à ce sujet, je dirais qu'il en faudrait 50 autres pour parvenir à régler ces questions.

Néanmoins, j'ai bon espoir qu'on va se pencher sur ces produits qui font l'objet d'allégations relatives à la santé ou pour lesquels on observe une interaction avec des médicaments d'ordonnance. Il s'agit d'un enjeu crucial, et nous espérons que les questions soulevées par la sénatrice Seidman seront abordées très bientôt. Nous sommes tous d'avis que ces produits devraient être étudiés dans un proche avenir, étant donné qu'on en fait mention dans la loi générale concernant les médicaments et ainsi de suite.

Monsieur Eisenschmid, j'ai été étonné par ce que vous avez dit — et je comprends très bien votre point — au sujet de limiter les effets indésirables à ceux qui sont sous-déclarés. La sous-déclaration est ce qui revient le plus souvent lorsqu'il est question des effets indésirables, et nos études révèlent que moins de 3 p. 100 de tous les effets indésirables font l'objet d'une étude. En fait, c'est probablement moins de 1 p. 100 de tous les effets indésirables qui sont déclarés. Par conséquent, si on met en place quelque chose qui indique au public qu'il doit seulement signaler les réactions indésirables graves qui sont sous-déclarées, je pense que nous allons limiter encore davantage la déclaration, n'empêche que votre point est valable.

D'un autre côté, la déclaration des effets indésirables, de façon générale, est essentielle, selon nous, en raison du degré élevé d'emplois non conformes de médicaments et, par conséquent, de l'application de médicaments à certains groupes de la population qui n'ont pas été inclus dans les essais de médicaments. En tant que pharmaciens, vous devez composer avec ces populations, qui sont souvent des enfants, des femmes enceintes, des femmes en général et des personnes âgées. C'est donc une préoccupation.

La mise en place d'un système électronique qui nous permettrait d'avoir des dossiers de santé universels est une idée que le comité fait valoir depuis déjà trois ans. En ce qui a trait à Inforoute santé du Canada, nous espérons qu'il y a eu des progrès, mais nous savons combien d'argent a été injecté dans ces systèmes sans qu'on n'obtienne de systèmes nationaux importants. En fait, nous avons reconnu que certaines organisations, telles que l'Association des pharmaciens, ont toujours été à la fine pointe pour ce qui est de développer les systèmes d'information. En fait, nous nous sommes servis de votre cas pour démontrer à quel point les systèmes peuvent être efficaces à l'échelle des provinces. Nous avons donc bon espoir que vos commentaires et nos rapports encourageront la tenue d'activités ciblées dans ces domaines parce qu'elles sont essentielles aux lois en matière de santé. L'information, c'est ce qui importe le plus.

Sur cette note, j'aimerais vous remercier pour votre présence et vos commentaires réfléchis sur ce projet de loi, et je tiens également à remercier mes collègues pour leurs questions.

Je suis maintenant heureux d'accueillir le Dr Jamie Meuser, directeur général, Développement professionnel et soutien à la pratique du Collège des médecins de famille du Canada; ainsi que le Dr Robert Peterson, directeur exécutif, Réseau sur l'innocuité et l'efficacité des médicaments des Instituts de recherche en santé du Canada, qui est de retour parmi nous, mais qui a décidé de fuir le continent cette fois-ci. Nous sommes très ravis que vous soyez des nôtres aujourd'hui.

En raison de la distance qu'il a parcourue pour s'éloigner de nous, je vais demander au Dr Peterson de prendre la parole en premier pour ne pas qu'il s'enfuie de nouveau. Docteur Peterson, voudriez-vous commencer?

Dr Robert Peterson, directeur exécutif, Réseau sur l'innocuité et de l'efficacité des médicaments, Instituts de recherche en santé du Canada : Merci monsieur le président. J'aimerais remercier le comité de m'avoir invité à parler de la Loi de Vanessa et du cadre réglementaire canadien pour les produits pharmaceutiques sur ordonnance.

Comme le comité le sait, je suis le directeur général du Réseau sur l'innocuité et l'efficacité des médicaments, ou RIEM, un réseau national qui compte maintenant près de 200 chercheurs et qui fournit des données probantes sur l'innocuité et l'efficacité des médicaments aux organismes de réglementation, aux responsables des politiques, aux fournisseurs de soins de santé et aux patients. Permettez-moi d'abord de reconnaître que le Canada est doté d'un bon système législatif et réglementaire pour évaluer l'innocuité, l'efficacité et la qualité d'un nouveau médicament avant que sa vente soit autorisée.

Toutefois, les experts sont généralement d'avis que le Canada a pris du retard par rapport à d'autres pays auxquels nous nous comparons souvent — notamment les États-Unis et les pays membres du l'Union européenne — en ce qui concerne la surveillance législative et réglementaire des médicaments déjà sur le marché.

Les failles actuelles du système touchent notamment le pouvoir du ministre d'exiger des études lorsque l'innocuité n'est pas prouvée pour des populations autres que celles considérées pour l'autorisation de mise en marché; le pouvoir du ministre d'exiger des changements à la monographie du produit lorsque de nouvelles informations sont portées à l'attention de Santé Canada; et le pouvoir du ministre de rendre obligatoire la divulgation publique des préoccupations relatives à l'innocuité, même si elles restent à prouver.

Le projet de loi C-17 représente une excellente occasion de colmater ces failles et de procurer à Santé Canada ainsi qu'au ministre de la Santé les outils et les pouvoirs nécessaires pour renforcer la surveillance de l'innocuité des produits thérapeutiques pendant tout leur cycle de vie, tout en prenant les mesures qui s'imposent lorsqu'un risque important pour la santé est relevé.

Un aspect à signaler de ce projet de loi est le pouvoir du ministre de dévoiler de l'information qui, lorsque présentée à Santé Canada, n'est pas considérée comme un secret industriel, mais que le fabricant juge confidentielle. Les alinéas sur la transparence de ce projet de loi sont donc essentiels pour répondre aux attentes actuelles des gouvernements, des organismes gouvernementaux, des professionnels de la santé et du grand public d'être tenus au courant des méfaits potentiels des produits pharmaceutiques sur ordonnance.

Le projet de loi C-17 touche aux questions de l'innocuité des produits thérapeutiques, et des méfaits résultant de leur commercialisation et de leur utilisation, renforçant le pouvoir du ministre de la Santé d'exiger des essais ou des études sur l'innocuité et l'efficacité des produits en question après leur mise en marché.

Bien que la Loi de Vanessa ne décrit pas explicitement les pouvoirs qui rendraient obligatoire la démonstration des avantages comparatifs de produits sur le marché, elle est censée permettre indirectement l'évaluation du profil des bienfaits et des méfaits d'un produit commercialisé pendant tout son cycle de vie, ce qui est essentiel pour garantir aux patients de recevoir le meilleur traitement disponible sur le marché.

À l'instar de nombreuses modifications antérieures de la Loi sur les aliments et drogues, le projet de loi C-17 définit les nouveaux pouvoirs du ministre de la Santé de façon générale. Les détails de l'exercice de ces pouvoirs se trouveront dans le règlement d'application de la loi. C'est dans le règlement que, par exemple, des exigences particulières visant des sous-populations comme les enfants, les femmes enceintes, les Autochtones et les personnes âgées seront définies. Santé Canada sera le ministère chargé de l'élaboration et de l'application de ce règlement.

Comme vous l'avez entendu au cours de l'étude du comité sur les produits pharmaceutiques sur ordonnance, le RIEM a créé une infrastructure de recherche fructueuse qui permet d'entreprendre des recherches de haute qualité sur l'innocuité des médicaments déjà sur le marché, ainsi qu'une évaluation indépendante des études que le gouvernement du Canada exigera en vertu de ce volet de la Loi de Vanessa. Je crois que l'infrastructure du RIEM sera utile au ministère de la Santé et à son ministre à mesure qu'elle se familiarise avec les nouvelles dispositions du projet de loi C-17.

Pour conclure, à titre de directeur du RIEM, je crois fermement que la Loi de Vanessa constitue une mesure importante pour améliorer la surveillance postcommercialisation des produits pharmaceutiques sur ordonnance.

Je vous remercie de m'avoir permis ces remarques préliminaires. C'est avec plaisir que j'essaierai de répondre à toutes vos questions.

Le président : Merci, docteur Peterson. Si je vous ai fait témoigner en premier, c'est surtout parce que nous ne sommes pas à l'abri des caprices de la technologie, alors je voulais m'assurer que nous puissions recueillir votre témoignage. Nous espérons pouvoir être en mesure de vous poser toutes nos questions.

Nous passons maintenant à M. Meuser. Vous avez la parole.

Dr Jamie Meuser, directeur général, Développement professionnel et soutien à la pratique, le Collège des médecins de famille du Canada : Bonjour monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie.

En tant que directeur général du Collège des médecins de famille du Canada et en tant que médecin de famille exerçant, c'est un grand privilège d'être parmi vous aujourd'hui. Je vous remercie de m'avoir invité au nom du collège et de ses membres.

Le Collège des médecins de famille du Canada, le CMFC, est le porte-parole de la médecine familiale au Canada et représente plus de 30 000 membres. Le CMFC défend les intérêts de ses membres afin d'assurer la prestation de soins de santé de haute qualité, mais l'apprentissage constitue l'élément clé de notre mandat. Nous établissons des normes de formation, de certification et d'apprentissage continu des médecins de famille. Le CMFC procède également à l'agrément des programmes de résidence en médecine familiale offerts dans les 17 facultés de médecine au Canada.

J'aimerais commencer par féliciter le gouvernement d'avoir présenté le projet de loi C-17, la Loi visant à protéger les Canadiens contre les drogues dangereuses, ou la Loi de Vanessa. Le CMFC voit d'un bon oil le fait d'accorder au gouvernement fédéral le pouvoir de rappeler des produits dangereux, de même que le fait d'obliger les établissements de soins de santé à déclarer les réactions indésirables aux drogues. Nous sommes en faveur des peines proposées pour les produits dangereux, notamment des peines d'emprisonnement et des amendes pouvant aller jusqu'à 5 millions de dollars par jour. Des mesures comme celles-ci montrent qu'il est complètement inacceptable de continuer de mettre sur le marché des drogues dangereuses au Canada.

Certains des amendements apportés au projet de loi C-17 semblent fournir aux patients plus d'assurance sur le plan de la sécurité. Par exemple, le fait d'exiger que les décisions tant positives que négatives concernant l'homologation des médicaments soient divulguées sur un site web public et que les informations sur les essais cliniques soient consignées dans un registre public mettra tous ces renseignements à la disposition de la population. Nous ne devrions certainement pas avoir besoin de l'USFDA pour nous éclairer sur ces renseignements d'une importance cruciale.

À notre avis, ces modifications contribueront à favoriser la transparence de différentes façons, notamment en veillant à ce que les patients, les médecins et les chercheurs aient accès aux renseignements importants concernant l'innocuité des médicaments. En tant que médecins de famille, quand nous prescrivons un médicament à nos patients, nous devons être convaincus que nous avons les renseignements les plus complets possible. Voilà pourquoi il est essentiel de fournir aux professionnels de la santé et à la population — c'est-à-dire nos patients — un meilleur système pour communiquer les risques associés à des drogues spécifiques.

Nous saluons le bien-fondé de ces mesures visant à assurer la sécurité des patients, mais le CMFC aimerait non seulement que les renseignements déclarés à la population soient détaillés et complets, mais aussi qu'ils soient fournis en temps opportun. Si jamais l'innocuité d'un médicament est remise en question, Santé Canada doit immédiatement communiquer cette information à la population. Il est inquiétant de voir que certaines sociétés pharmaceutiques ont été permises de continuer de vendre leurs produits même après que l'on ait déclaré que leurs produits étaient défectueux.

En plus des nouvelles récentes concernant la société Apotex, l'année dernière, nous avons été témoins d'une situation regrettable après que des emballages de produits de contrôle des naissances sont parvenus jusqu'aux consommateurs canadiens. Ce fut un manquement grave à l'égard de la santé des femmes, et cela a miné la confiance de la population à l'égard des médicaments qui leur sont prescrits. Santé Canada a ordonné un rappel de classe I seulement six jours après que la société pharmaceutique Apotex ait été informée des imperfections de son produit. Si les femmes à qui ce médicament avait été prescrit par l'un de nos 30 000 membres avaient été avisées immédiatement de la défectuosité du produit, ces femmes et leurs médecins auraient pu prendre les mesures nécessaires, comme adopter des mesures de contraception de rechange ou utiliser une méthode de contraception d'urgence.

Je tiens à souligner ceci : il est absolument essentiel d'aviser immédiatement la population de tout pépin qui arrive dans la chaîne de production des médicaments. C'est vrai tant pour les patients que pour les médecins.

Tout comme il est important de déclarer les renseignements en temps opportun, le fait d'assurer une plus grande transparence contribuera à favoriser une meilleure reddition des comptes et à améliorer les efforts de Santé Canada visant la sécurité des patients.

Comme il a été mentionné dans le rapport de 2011 du vérificateur général, le processus décisionnel de Santé Canada manque de transparence à l'heure actuelle. Santé Canada publie très peu de renseignements concernant les drogues et les instruments médicaux à haut risque quand une société présente une demande d'avis de conformité. La population n'a donc pas l'occasion de découvrir pourquoi Santé Canada n'a pas approuvé une telle demande. La population et les médecins ont le droit d'être informés des raisons pour lesquelles Santé Canada a émis un avis de conformité concernant certains médicaments tandis qu'il ne l'a pas fait pour d'autres.

Les réactions indésirables aux médicaments peuvent avoir des répercussions néfastes sur les patients et même entraîner la mort. À l'heure actuelle, la base de données de Santé Canada concernant les réactions indésirables aux drogues est volontaire, ce qui mène inévitablement à une sous-déclaration de ces répercussions. En mettant en place des exigences plus rigoureuses sur le plan de la déclaration des réactions indésirables aux drogues, Santé Canada veillera à ce que les effets secondaires que les patients subissent aient plus de chance d'être portés à l'attention de Santé Canada.

Dans une société où la connaissance est la clé du pouvoir, il est important que tous les professionnels de la santé obtiennent les renseignements les plus détaillés et les plus transparents concernant les médicaments et les instruments médicaux qu'ils prescrivent à leurs patients. Nous devrions pouvoir être convaincus que nous prenons des décisions les plus informées possible à l'égard de nos patients et que nous mettons nos patients à l'abri de tout préjudice.

Le CMFC voit d'un bon oil les lois qui visent à améliorer la santé des Canadiens, et nous vous remercions de faire preuve de leadership en présentant le projet de loi C-17.

Le président : Je donne maintenant la parole à mes collègues, et je leur rappelle que cette réunion prendra fin au plus tard à 12 h 30. Je vais commencer par donner la parole à la sénatrice Seidman, soit la marraine du projet de loi au Sénat.

La sénatrice Seidman : Merci beaucoup pour vos exposés.

Monsieur Peterson, je vais commencer à m'adresser à vous parce que vous avez soulevé des points intéressants dans votre exposé. En fait, je ne sais pas si vous avez eu l'occasion d'entendre les témoignages d'hier de représentants de l'industrie pharmaceutique, tout particulièrement concernant un des points que vous avez mentionnés ici. Les témoins ont parlé de la divulgation de ce qu'ils ont appelé « des renseignements commerciaux confidentiels ». Dans votre exposé, vous avez dit que la transparence est essentielle pour répondre aux attentes actuelles des gouvernements, des organismes gouvernementaux, des professionnels de la santé et de la population en général d'être informés des préjudices potentiels des produits pharmaceutiques d'ordonnance.

Hier, nous avons entendu que l'industrie pharmaceutique s'attend à ce que l'approche adoptée pour déclarer ces renseignements commerciaux comprenne d'abord une « notification », ensuite un « consentement ». Les témoins ont dit que les nouvelles dispositions constituaient potentiellement une grave violation de l'ALENA et qu'elles ne s'alignent pas sur ce qui se fait dans l'Union européenne et aux États-Unis. Compte tenu de ce que vous avez dit dans votre exposé aujourd'hui, qu'auriez-vous à dire à ce sujet?

M. Peterson : Malheureusement, je n'ai pas entendu les témoignages d'hier, et je n'ai pas lu la transcription non plus. Toutefois, j'ai souvent entendu cette industrie adopter la position que vous venez de décrire, et elle l'a fait très clairement. Je ne suis pas d'accord avec cette position.

Aux termes de ses accords commerciaux, le Canada a l'obligation de garder confidentiel ce qui est considéré comme étant des secrets commerciaux. À mon avis, le libellé actuel du projet de loi accorde au ministre le pouvoir décisionnel nécessaire pour déterminer qu'est-ce qui devrait être divulgué en vue de protéger la santé des Canadiens et de prévenir des blessures.

Quand le ministère en sera à l'étape de l'élaboration du règlement d'application, il sera très important de préciser exactement les critères à partir desquels on déterminera la différence entre un secret commercial et ce que, dans le passé, les entreprises ont tenu comme étant des renseignements commerciaux confidentiels.

À mon avis — et je me base ici sur mon expérience au sein du secteur de la réglementation quand j'examinais ce genre de renseignements —, très honnêtement, mis à part la composition chimique et les procédés de fabrication de ces produits, très peu de choses pourraient être considérées comme étant un secret commercial. Les renseignements accumulés au cours des essais cliniques, les renseignements dont il est question avec l'organisme de réglementation concernant les raisons pour lesquelles une monographie de produits devrait contenir tel ou tel langage — tout ce processus devrait être transparent. Nous avons déjà vu et entendu beaucoup de témoins comparaître devant le comité au cours de votre étude précédente sur l'importance et la pertinence d'avoir accès aux données qui sont utilisées pendant une demande d'essai clinique en vue de l'homologation d'un produit. Ces témoins ont parlé de l'importance de ces renseignements pour beaucoup de Canadiens — pas seulement pour les professionnels de la santé, mais aussi pour d'autres organismes gouvernementaux.

Je regrette de dire que je ne suis pas d'accord avec nos collègues de l'industrie à ce sujet.

La sénatrice Seidman : J'apprécie beaucoup la précision que vous venez d'apporter, surtout venant de quelqu'un qui a beaucoup d'expérience à la tête du Réseau sur l'innocuité et l'efficacité des médicaments.

Êtes-vous en train de dire que, à votre avis, ces problèmes pourraient être réglés dans le cadre du règlement d'application?

M. Peterson : Oui. J'ai lu et examiné attentivement ce projet de loi avec les personnes du ministère qui l'ont rédigé, et je crois qu'il s'agit d'une mesure habilitante dans la mesure où elle accorde au ministre le pouvoir discrétionnaire nécessaire pour protéger les gens contre les préjudices, mais où elle permet aussi que ce pouvoir discrétionnaire soit exercé à l'égard de nos accords internationaux concernant les secrets commerciaux.

La sénatrice Seidman : L'autre question que j'aimerais soulever — d'ailleurs vous avez aussi fait référence à ceci aujourd'hui, à la fin de votre exposé — concerne les ressources de Santé Canada. Nous entendons beaucoup dire que Santé Canada sera en mesure d'appliquer le projet de loi C-17. Les gens du ministère sont déjà surchargés. Nous entendons parler de réductions sur le plan du financement et de divers autres facteurs.

Puisque vous avez parlé de l'infrastructure du RIEM, de la manière dont il sert à Santé Canada et du fait qu'il jouera un rôle primordial pendant l'examen de certains de ces problèmes — notamment des réactions indésirables et des répercussions du projet de loi C-17 —, j'aimerais bien savoir ce que vous pourriez dire concernant la capacité du ministère de se charger de ce dossier.

M. Peterson : Encore une fois, je n'occupe plus mon poste à Santé Canada depuis un certain temps déjà, ce qui fait que je ne suis pas présentement au courant des ressources dont le ministère dispose. Toutefois, il est clair que ce projet de loi modificatif accorde au ministre beaucoup de nouveaux pouvoirs qui lui permettront de prendre des mesures pour obliger les entreprises à fournir des renseignements supplémentaires — ce que le ministère n'a tout simplement pas pu faire dans le passé.

Je ne serais pas du tout surpris qu'une de ces mesures soit l'obligation de fournir plus de ressources à la Direction des produits de santé commercialisés et vraisemblablement aux groupes d'évaluation de la précommercialisation, étant donné que ces groupes transmettent les résultats de leur examen au groupe d'évaluation de la post-commercialisation. Ce groupe utilise ces données pour clarifier les discussions concernant de nouvelles responsabilités pour les fabricants à l'étape de la post-commercialisation.

Le Réseau sur l'innocuité et l'efficacité des médicaments fournit au ministère des éléments de preuve indépendants. De ce fait, j'imagine que le ministre obligera les fabricants à mener des études. Le fait que le ministre pourra aussi se tourner vers le Réseau sur l'innocuité et l'efficacité des médicaments pour que celui-ci examine et fournisse peut-être une évaluation indépendante de ces renseignements en se basant sur la méthodologie qu'il utilise au Canada contribuera, à mon avis, à la réussite de ces efforts.

La sénatrice Seidman : Merci, votre réponse m'est utile.

Le sénateur Eggleton : Monsieur Peterson, j'aimerais que nous parlions plus en détail des renseignements commerciaux confidentiels, surtout en ce qui a trait à l'aspect des secrets commerciaux.

Comment faites-vous pour fournir des renseignements utiles, qui aident les gens à déterminer ce qui en est d'un médicament, même après en avoir éliminé les secrets commerciaux? Dans votre exposé, vous semblez suggérer qu'il y a moyen de séparer ces renseignements. Or, quels renseignements restent après les avoir séparés. Je me demande quels autres renseignements confidentiels restent après avoir éliminé les secrets commerciaux. Pourriez-vous me l'expliquer, s'il vous plaît?

M. Peterson : Je vais vous donner mon opinion à ce sujet, monsieur le sénateur. À mon avis, d'autres experts seraient mieux équipés que moi pour répondre à votre question. Toutefois, selon moi, un secret commercial concerne les renseignements que l'entreprise utilise dans le cadre de la fabrication de ses produits, ceux qui sont associés à leur composition chimique et à leur processus de fabrication de même que ceux qui concernent la manière dont les produits sont préparés pour être mis sur le marché.

Par ailleurs, je ne vois pas grand-chose qui doive être considéré comme un secret industriel. Quant à ce qu'on appelle les « renseignements commerciaux confidentiels », je me demande s'ils sont vraiment confidentiels du point de vue de la ministre.

Sur le plan concurrentiel, il est bien sßr avantageux pour les sociétés que les renseignements qu'elles soumettent au gouvernement ne soient pas rendus publics. L'avantage concurrentiel peut résider du côté d'un autre fabricant, qui apprend peut-être une chose qu'il ignorait, ce qui peut l'inciter à accélérer ou à ralentir ses activités entourant un produit concurrent.

Mais en réalité, une bonne partie des renseignements qu'on demande à la ministre de ne pas divulguer dans ses échanges avec les fabricants peut être trouvée soit sur le site web des portefeuilles d'investissement visant à informer les investisseurs, soit sur d'autres sites Web, comme on l'a déjà dit ici et aux États-Unis.

Le sénateur Eggleton : Si la ministre décide d'ordonner le rappel d'un produit, et qu'elle juge approprié de communiquer des renseignements commerciaux confidentiels, croyez-vous qu'elle — ou il, peu importe qui sera ministre à l'avenir — peut le faire sans divulguer de secret industriel?

Dr Peterson : Je crois effectivement que c'est possible. Je ne pense pas que la découverte d'un problème concernant l'innocuité d'un produit sur le marché canadien soit considérée comme un secret industriel. Les sociétés préféreraient probablement que la question demeure confidentielle et que la ministre n'en parle qu'avec elles. Je suis persuadé que les choses vont également se passer ainsi. Dans le cadre de la discussion découlant des nouveaux pouvoirs conférés par le projet de loi, j'imagine que la ministre informera la société de son intention de divulguer publiquement les renseignements entourant le rappel.

Le sénateur Eggleton : Permettez-moi de m'adresser au Dr Meuser. Qu'il s'agisse de la communication de renseignements ou de mesures prises par Santé Canada, vous avez fait valoir qu'il faut agir sans tarder. C'est une de vos plus grandes préoccupations. En fait, vous avez dit « Je tiens à souligner ceci : il est absolument essentiel d'aviser immédiatement la population de tout pépin [...]. » Croyez-vous que cette précision peut être apportée dans la réglementation, ou que ce doit être fait dans la loi?

Dr Meuser : Je suis le médecin ici, et vous êtes le législateur : faites ce qui doit être fait pour que les choses se passent ainsi.

Le sénateur Eggleton : C'est de bonne guerre.

Dr Meuser : Je pense aux médecins qui prescrivent le produit à des patients pendant les six jours qui pourraient s'écouler entre le moment où le problème est connu et celui où l'information est divulguée, et j'imagine les dégâts qui pourraient être causés. C'est une possibilité avec laquelle les médecins et le système doivent composer. Peu importe ce que vous devez faire, c'est ainsi que les choses doivent se passer.

Le sénateur Eggleton : J'ai une question pour vous deux. Les dispositions législatives permettent à la ministre d'ordonner au titulaire d'une autorisation relative à un produit thérapeutique d'effectuer une évaluation de ce produit. Devrait-on charger les compagnies pharmaceutiques de mener les activités de surveillance post-commercialisation, ou devrait-on confier cette tâche à une tierce partie? Ou encore, devrait-on surveiller la tierce partie?

Dr Meuser : Personnellement, je n'y vois pas un choix entre l'une ou l'autre des options, mais plutôt deux façons de procéder parallèlement. Il va sans dire que toute organisation pharmaceutique ou tout fournisseur de médicament ou d'instrument qui met un produit en marché doit assurer une surveillance post-commercialisation.

De plus, pour maintenir la confiance du public et du médecin prescripteur envers le système, il faut à tout le moins une vérification, mais je pense que la surveillance post-commercialisation doit au moins avoir la rigueur nécessaire pour vérifier si l'efficacité et l'innocuité du produit correspondent à ce qui était prévu au départ.

Dr Peterson : J'en conviens. La ministre a actuellement le pouvoir de contraindre les fabricants à signaler les réactions indésirables tant lors des essais cliniques qu'après la mise en marché. Le projet de loi élargit ce pouvoir en obligeant les établissements de santé à signaler eux aussi les réactions indésirables au médicament.

Des systèmes de surveillance plus actifs ont été annexés aux systèmes de déclaration passifs du Canada et de bien d'autres pays, dans d'autres milieux; il s'agit d'évaluer en temps réel les événements qui surviennent, d'après les dossiers médicaux ou administratifs. Comme vous le savez, le Réseau sur l'innocuité et l'efficacité des médicaments a pris un certain nombre de mesures au Canada pour avoir accès aux dossiers médicaux administratifs d'un océan à l'autre. Nous avons également créé des équipes responsables de la méthodologie et de la recherche afin d'assurer une surveillance active.

Je crois qu'il s'agit là d'une responsabilité des fabricants qui ne peut pas être reléguée à d'autres. Mais pour qu'il soit possible de multiplier les vérifications en présence d'un problème d'innocuité, je crois aussi que le gouvernement devrait pouvoir exiger plus d'études supplémentaires qu'un simple système de surveillance ne le permet. Si le système de déclaration passif décèle un signal, il n'est pas déraisonnable que la ministre de la Santé du Canada puisse, à l'instar de ses homologues européens ou américains, ordonner au titulaire de l'autorisation de mise en marché de lui démontrer que le signal en matière d'innocuité ne doit pas l'inquiéter sérieusement.

De plus, je crois que le programme du Réseau sur l'innocuité et l'efficacité des médicaments peut bel et bien apporter une confirmation indépendante des signaux en matière d'innocuité. La méthodologie dépasse largement le pouvoir actuel de la ministre.

Le sénateur Eggleton : Merci. Certains témoins ont laissé entendre qu'un rappel pourrait être ordonné trop vite puisqu'il s'agit d'un outil très puissant, comme un bazooka — quelqu'un a même parlé d'arme nucléaire. Il faut peut-être opter pour une solution progressive et commencer par une suspension avant de faire un rappel — la suspension contribue à protéger le public pendant qu'on tente de déterminer si un rappel complet est nécessaire.

Je crois savoir qu'une disposition de la Loi sur les aliments et drogues ou de ses règlements porte sur la suspension, mais qu'elle n'est pas nécessairement coordonnée avec le projet de loi C-17, qui se rapporte à la disposition sur le rappel. Que pensez-vous de l'idée d'un système progressif? J'invite les deux témoins à répondre.

Dr Peterson : En fait, le projet de loi porte tant sur les instruments médicaux que sur les médicaments. D'après mon expérience, on a peut-être parlé davantage de rappels dans le cas d'instruments médicaux défaillants pour lesquels des événements indésirables graves ont été signalés. Nous avons toutefois constaté ces dernières semaines que des rappels de médicaments ont été nécessaires aussi.

Je crois que le libellé actuel du projet de loi assure à la ministre la discrétion nécessaire pour ordonner des rappels de façon judicieuse et appropriée. Dans les situations qui mettent immédiatement la vie des patients en danger, le rappel peut être ordonné pratiquement sur-le-champ. Si la situation permet de procéder par étape en avisant les pharmacies, les fournisseurs de soins de santé et les patients, il n'est peut-être pas irréaliste de le faire.

Je suis d'accord pour que la ministre ait le pouvoir d'ordonner un rappel immédiat si la menace pour la santé le justifie.

Dr Meuser : Le problème de cette décision, comme pour bien d'autres dans le monde clinique, c'est qu'on ignore au départ à quel point les signaux sont graves et, par conséquent, à quel point l'intervention doit être rapide.

Cela dit, il peut être intéressant de considérer tous les signaux au départ comme s'ils étaient aussi graves que possible — mais il faudra bien sßr s'en remettre au jugement de la ministre et de son personnel. C'est sans doute la décision qui permettrait le mieux de protéger les patients.

Des difficultés évidentes en découlent. Je suis d'accord avec le Dr Peterson. Dans le cas des médicaments, une suspension est pratiquement la même chose qu'un rappel. Il est toutefois déterminant que nous ayons l'information et que le patient sache, le lendemain matin, qu'il ne doit pas faire comme le matin même ou le jour précédent. En fait, grâce aux prescriptions automatiques, nous pouvons désormais déterminer quels patients doivent être avisés si nous recevons ce genre de renseignements essentiels sans tarder. La procédure devient bien plus délibérée.

Puisque les instruments médicaux ne touchent habituellement pas autant les médecins de famille que les médicaments, je m'en remets au Dr Peterson à ce sujet.

Le sénateur Enverga : Je vous remercie de vos témoignages, messieurs.

Nous avons beaucoup appris aujourd'hui. Si j'ai bien compris, les médecins dépendent dans une large mesure des différentes bases de données des représentants pharmaceutiques lorsqu'ils choisissent un médicament à prescrire à un patient. Avant l'ère électronique, la plupart des cabinets avaient un livre bleu qui, j'imagine, contient les interactions médicamenteuses des produits.

Comment les renseignements et avertissements de Santé Canada sont-ils mis à jour dans ces bases de données, et combien de temps faut-il habituellement avant que de nouvelles réactions indésirables y soient ajoutées?

Dr Meuser : Que je sache, les livres que nous utilisions, comme le Compendium des produits et spécialités pharmaceutiques, ou CSP, proviennent des données fournies par le fabricant du médicament. Comme tout imprimé, ils sont statiques. Les fabricants donnent toute l'information nécessaire au besoin, mais les données peuvent avoir été consignées lors de la mise en marché du médicament ou de publications subséquentes du document. Le CSP imprimé est probablement la ressource la plus couramment utilisée dans le milieu, et les versions électroniques aussi, qui sont beaucoup plus faciles à mettre à jour.

Je dois dire que nos patients ont été une de nos ressources ces 10 dernières années, et plus particulièrement depuis trois à cinq ans; ils permettent de faire ce genre de déclaration et d'obtenir des renseignements supplémentaires. Voilà pourquoi il est si important que l'information soit aussi facile à obtenir pour le public que pour le prescripteur. Ces derniers temps, nous comptons de bien des façons sur nos patients pour nous transmettre de l'information que nous n'avions pas. En fait, une des nouvelles fonctions des médecins de famille est de conserver précieusement l'information sur la santé que nos patients nous fournissent. Leurs renseignements ne sont pas toujours remarquables, compte tenu de leur qualité variable, mais nous commençons désormais à pouvoir compter sur eux pour nous transmettre l'information sur la prise de décisions cliniques dans l'intérêt de leur santé.

Dr Peterson : Je suis d'accord. Nous remplaçons un système statique et imprimé par des sources de renseignement électroniques qui peuvent être mises à jour régulièrement et qui sont facilement accessibles sur un ordinateur de bureau et un appareil portable.

Ce qui me semble encore plus important, c'est l'information qui a été recueillie dans le cadre des avis aux professionnels de la santé que la ministre a déjà dß envoyer aux sociétés pharmaceutiques. Il s'ensuit souvent une sorte de négociation à cet égard. Au bout du compte, la ministre peut émettre la lettre elle-même, mais la responsabilité incombe véritablement au titulaire de l'autorisation de mise en marché. Or, les dispositions du projet de loi C-17 changent vraiment la donne puisque la ministre pourrait désormais exiger l'envoi d'un avis aux professionnels de la santé.

Je dois admettre que l'avis aux professionnels de la santé a été accompagné d'un avis public de divulgation pendant un certain nombre d'années.

Les renseignements contenus dans l'avis aux professionnels de la santé sont quelque peu techniques. Ils sont censés fournir aux professionnels les fondements de l'inquiétude et, peut-être, certaines mesures concrètes à prendre.

L'objectif de la divulgation publique est d'élargir la portée de l'information. Ainsi, tout patient s'étant fait prescrire le médicament en question peut communiquer avec son professionnel de la santé pour déterminer si les renseignements diffusés récemment ont une incidence sur sa santé.

Encore une fois, d'après le libellé du projet de loi, je crois que la ministre aurait le pouvoir d'obliger le fabricant à divulguer l'information au public ou de le faire elle-même.

Le sénateur Enverga : Le projet de loi C-17 permettra donc d'améliorer cette base de données?

Dr Meuser : Je crois que oui.

Le sénateur Enverga : Merci.

La sénatrice Seth : Merci, messieurs. C'est un bon témoignage. Ma question s'adresse au Dr Peterson.

Comme vous venez de le mentionner en exposé, les spécialistes s'entendent pour dire que le Canada a pris du retard en matière de surveillance législative et réglementaire des médicaments après leur commercialisation, comparativement aux pays auxquels nous nous comparons souvent, notamment les États-Unis et les États membres de l'Union européenne. Pourquoi en est-il ainsi, et que peut-on faire pour améliorer le système?

Dr Peterson : Madame la sénatrice, je parle plus précisément des dispositions législatives ou réglementaires de ces pays, qui ont été proposées il y a un certain nombre d'années.

Il y a quelques années, je me souviens de l'intention derrière un ancien projet de loi du gouvernement, qui visait à modifier la Loi sur les aliments et drogues afin d'introduire des dispositions semblables aussi. Ces années de retard supplémentaires sont donc sans doute attribuables au cycle nécessaire avant que vous puissiez être saisis à nouveau des dispositions.

Mais de toute évidence, les dispositions entourant ces pouvoirs post-commercialisation sont en vigueur depuis un certain nombre d'années tant aux États-Unis qu'au sein de l'Union européenne, grâce à l'Agence européenne des médicaments consolidée.

Ces États ont aussi prévu des dispositions permettant au ministre d'exiger des études auprès de populations particulières. Comme vous le savez, je m'intéresse beaucoup à la clientèle pédiatrique. N'oublions donc pas que cette loi, la Loi de Vanessa, se rapporte à l'enfance et à l'utilisation des médicaments. Il est extrêmement important que la ministre puisse exiger des études auprès de populations particulières, ce que font les autres pays depuis des années.

La sénatrice Seth : Lors du témoignage précédent, on a dit qu'il fallait cesser le signalement de réactions indésirables déjà connues en raison du travail superflu et du fardeau que cela représente. Ne croyez-vous pas que l'information est utile à des fins statistiques, pour savoir combien de patients sont tombés malades, à quel endroit les réactions se sont produites au Canada, et ce genre de choses? Qu'en pensez-vous?

Le président : Permettez-moi de clarifier le témoignage précédent. Il était question des réactions indésirables qui sont bien établies et connues en médecine. Il ne s'agissait pas des réactions indésirables de façon générale. Docteur Meuser, je vous invite donc à répondre dans cette optique.

Dr Meuser : Je pense qu'il faut continuer à signaler les réactions à des fins quantitatives, pour connaître leur fréquence. Si une réaction particulière fait partie d'un syndrome connu, on peut l'appeler par ce nom, et nul besoin de précisions qualitatives supplémentaires. Les chiffres demeurent bel et bien utiles.

Dr Peterson : Je suis tout à fait d'accord. Nous allons devoir mettre en place des mécanismes permettant de signaler ces réactions sans entraîner de frais considérables, tant pour ceux qui les consignent que pour le gouvernement qui les traite. Nous avons désormais des outils électroniques pour faciliter le tout.

Je suis tout à fait d'accord. Toute réaction indésirable doit être signalée. Je peux vous donner des exemples, mais comme le temps file, je ne vais pas le faire maintenant, à moins que vous ne le souhaitiez. Je pourrais aussi vous envoyer l'information par écrit après la séance.

La sénatrice Seth : Merci.

Le président : Docteur Peterson, j'aimerais revenir sur le concept de transparence, que je trouve des plus intéressant. Tout d'abord, vous connaissez bien les études et rapports du comité, ainsi que ses arguments en faveur d'une meilleure transparence. Bien sßr, vous en savez encore plus sur la question grâce à votre vaste expérience entourant la transparence, les essais cliniques et les preuves nécessaires à l'approbation de tout produit pharmaceutique.

J'ai été très étonné que certaines publications universitaires commencent à parler des progrès réalisés dans l'Union européenne et aux États-Unis concernant la transparence des essais cliniques. Alors que ces rapports universitaires vantent encore les mérites d'une transparence totale, ils soulignent trois préoccupations qui pourraient en découler. Deux d'entre elles sont très peu probables; je vais simplement les énoncer, après quoi je vous poserai une question sur la troisième.

La première préoccupation, c'est que même si les données sur l'identité des patients sont anonymes, il pourrait être possible d'identifier un patient ayant participé à un essai clinique à l'aide d'autres sources d'information et des données génétiques qui sont de plus en plus accessibles. C'est très peu probable à ce stade-ci, mais la préoccupation a néanmoins été soulevée dans les publications universitaires.

La deuxième préoccupation revient à la question des renseignements commerciaux de nature concurrentielle à la disposition d'autres sociétés pharmaceutiques. En Europe ou même à l'échelle mondiale, nous savons qu'une société pharmaceutique en particulier et d'autres aussi ont multiplié les efforts pour publier leurs essais cliniques et en assurer la transparence.

J'en viens à la troisième préoccupation qui, je crois, a toujours accompagné l'interprétation des réactions indésirables à un médicament. Compte tenu de la transparence accrue et de la diffusion des données en ligne, certains n'ont peut-être pas les compétences nécessaires pour bien analyser les résultats des essais cliniques, et pourraient en tirer des conclusions erronées et peut-être même alarmistes sans que leur interprétation ne repose sur un fondement réel.

Enfin, les mêmes publications universitaires font valoir qu'un organisme indépendant devrait décider qui sera autorisé à consulter les résultats complets des études cliniques pour s'assurer que ces personnes ont les compétences techniques et scientifiques nécessaires afin d'analyser les données dans un contexte réel.

Il s'agit vraiment d'un sujet ultérieur, mais puisqu'il reste un peu de temps, pourrais-je savoir ce que vous en pensez?

Dr Peterson : Je crois que ces trois préoccupations sont bien réelles, et même la première, puisque nous entrons dans l'ère de la médecine personnalisée. Nous sommes à la recherche de solutions pour des troubles rares et des conditions inhabituelles, dont les essais cliniques peuvent compter 20 à 30 patients. Dans ces circonstances, je crois qu'il y a vraiment lieu de s'inquiéter de la protection de l'identité des patients.

Des règles ont été mises en place. Statistique Canada est une excellente source pour savoir comment préserver l'anonymat au sein d'un groupe lorsque des données sont publiées. Des conseils pourraient donc être dispensés en ce sens, car le problème est réel.

Je crois que les sociétés et d'autres intervenants pourraient débattre énergiquement la non-divulgation des données issues d'essais cliniques en faisant valoir la confidentialité commerciale. Ce qui compte, en définitive, c'est ce qui est dans l'intérêt de la santé des personnes qui seront exposées aux produits pharmaceutiques. Que doivent-elles savoir pour prendre des décisions éclairées? Comme nous l'avons vu, certaines sociétés ont choisi de tout divulguer et de publier les données issues de leurs essais cliniques.

Je crois qu'il s'agit de publier ces données après que la mise en marché du produit ait été autorisée. Bien honnêtement, le fabricant est aujourd'hui loin d'être la seule source d'information. Nous pouvons consulter le site web de la FDA pour y trouver des données issues d'essais cliniques. Par exemple, nous pouvons facilement avoir accès à une nouvelle analyse des mêmes données par les statisticiens de la FDA. Ce genre de document est publié après qu'on ait décidé de commercialiser le produit ou non. Je reconnais qu'une société pourrait préférer que l'information demeure confidentielle, mais je doute que nous violions nos accords internationaux en publiant ces renseignements.

Je m'empresse d'ajouter que si tous les renseignements sont déjà publiés et facilement accessibles sur les sites Web de la FDA ou de l'Europe, je ne voudrais pas que le ministère canadien assume un fardeau économique supplémentaire en créant encore un autre site web présentant les mêmes données. Je crois que le Canada doit avoir une certaine latitude à cet égard. Je voudrais toutefois que rien n'empêche le Canada de divulguer l'information s'il croit qu'elle n'est pas facile d'accès.

La troisième inquiétude est assez déconcertante. Je partage d'ailleurs les réserves qui ont été exprimées à cet égard, surtout lorsqu'il est question de diffuser de grandes bases de données. Je peux interroger une importante base de données, après quoi un logiciel me donnera la réponse. Je pourrais toutefois tirer des conclusions entièrement fausses des renseignements obtenus parce que je n'aurais tout simplement pas les compétences nécessaires pour interpréter cette information sur la santé.

Je crois qu'il faut se méfier de la facilité avec laquelle l'information peut être réinterprétée. Or, les médias sociaux et les sites Web regorgent désormais de renseignements erronés qui pourraient nuire aux gens. Il faut s'assurer que la population a accès à la bonne source d'interprétation faisant autorité, ce qui est possible grâce au gouvernement, aux organismes gouvernementaux ou à la recherche évaluée par les pairs, commanditée par les Instituts de recherche en santé du Canada. Il est important de se le rappeler. Je ne vois toutefois pas pourquoi il s'agirait d'un obstacle insurmontable.

Dr Meuser : En ce qui concerne les deux premiers points, je vais m'en remettre à l'expérience et à l'expertise du Dr Peterson.

Or, la troisième préoccupation se rapporte vraiment au travail des médecins de famille. Elle ne fait que reprendre ce que la médecine clinique en soins primaires sait déjà. Nous avons besoin de sources d'information fiables de même que de renseignements assez résumés.

Une des questions qui se posent lorsque nous nous basons essentiellement sur les essais cliniques pour la prise de décisions cliniques, c'est que les participants aux essais n'ont rien à voir avec les patients que nous traitons. Les patients des essais cliniques ont un seul problème de santé et sont étudiés dans un milieu hautement contrôlé, alors que nos patients présentent plusieurs problèmes, et que tout symptôme ou réaction peut avoir plusieurs explications contradictoires. Il nous faut donc essentiellement une version nuancée des essais cliniques qui se rapportent à nos patients.

Notre organisation commence à s'outiller pour devenir une source fiable sur le plan scientifique. Puisque nous sommes en communication avec 17 écoles de médecine, nous pouvons faire appel à cette expertise qui s'offre à nos membres et aux organisations auxquelles ils appartiennent.

Ce qui est encore plus important, c'est que les décisions importantes ne s'appuient bien souvent pas sur la science, mais plutôt sur l'expérience. Nous commençons également à nous outiller pour que chacun puisse se conseiller mutuellement de façon à poser des questions importantes sur le plan clinique. À nos yeux, même si la science y est pour beaucoup, il faut aussi tenir compte des autres aspects cliniques. Par exemple, il ne nous suffit pas de savoir quoi faire en présence d'une certaine réaction indésirable au médicament; nous devons plutôt nous demander quoi faire en présence de cette réaction chez un fumeur de 47 ans qui prend aussi certains médicaments, qui a déjà eu des problèmes de santé, et qui vit dans la rue. Nos décisions cliniques doivent bien sßr tenir compte des données issues d'essais cliniques, mais de tant d'autres éléments aussi que l'aide de collègues devient souvent inestimable.

Le président : Merci. Votre réponse concorde exactement avec nos études. Nous avons revendiqué le besoin d'étudier en profondeur les réactions indésirables en contexte réel, comme vous l'avez dit. Dans le cadre de notre étude sur les produits pharmaceutiques, nous en avons écrit assez long sur le fait que les essais contrôlés ne sont pas représentatifs de la population. C'est l'expérience en contexte réel qui est essentielle, et il faut absolument tenir compte de l'ensemble du cycle de vie du médicament pour comprendre son interaction dans le monde réel. Nous comprenons aussi l'exemple concret que vous avez donné pour illustrer le problème, et nous vous en remercions.

Je vous remercie infiniment tous les deux de votre témoignage des plus importants aujourd'hui.

Chers collègues, je vous remercie de vos questions.

(La séance est levée.)


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