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APPA - Comité permanent

Peuples autochtones

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Peuples autochtones

Fascicule no 39 - Témoignages du 30 mai 2018


OTTAWA, le mercredi 30 mai 2018

Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones se réunit aujourd’hui, à 18 h 47, pour étudier les responsabilités constitutionnelles, conventionnelles, politiques et juridiques du gouvernement fédéral à l’égard des Premières Nations, des Inuits et des Métis (sujet : suivi du projet de loi S-3), et à huis clos, pour examiner un projet d’ordre du jour (travaux futurs).

La sénatrice Lillian Eva Dyck (présidente) occupe le fauteuil.

La présidente : Bonsoir. Je souhaite la bienvenue à tous les sénateurs ainsi qu’aux membres du public qui assistent en personne à cette séance du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones ou qui nous écoutent sur le Web.

Je m’appelle Lillian Dyck et je viens de la Saskatchewan. J’ai le privilège de présider ce comité. J’invite maintenant mes collègues à se présenter.

Le sénateur Patterson : Dennis Patterson, du Nunavut.

Le sénateur Doyle : Norman Doyle, de Terre-Neuve-et-Labrador.

La sénatrice McCallum : Mary McCallum, du Manitoba.

Le sénateur Christmas : Dan Christmas, de la Nouvelle-Écosse.

La sénatrice Pate : Kim Pate, de l’Ontario.

La sénatrice McPhedran : Marilou McPhedran, du Manitoba.

La présidente : Merci, chers collègues. Avant de commencer, je tiens à souligner que nous sommes sur le territoire traditionnel non cédé du peuple algonquin du Canada. Nous tenons aujourd’hui une séance spéciale pour entendre parler des progrès réalisés depuis l’adoption du projet de loi S-3. Ce soir, nous accueillons à cette fin la ministre Carolyn Bennett, qui est accompagnée de Martin Reiher, sous-ministre adjoint, Secteur de résolution et des affaires individuelles.

Madame la ministre, vous avez la parole, et les sénateurs vous poseront ensuite des questions. Veuillez procéder.

L’honorable Carolyn Bennett, C.P., députée, ministre des Relations Couronne-Autochtones et des Affaires du Nord : Mesdames et messieurs les sénateurs, merci beaucoup. Je vous suis reconnaissante de m’avoir de nouveau invitée à me joindre à vous sur le territoire non cédé du peuple algonquin.

[Français]

Je suis venue accompagnée de M. Martin Reiher, sous-ministre adjoint, Secteur de résolution et des affaires individuelles.

[Traduction]

Je me suis déjà excusée de la saison folle à l’autre Chambre. Il semble que le timbre retentira de nouveau pour que nous tenions un vote sur je ne sais trop quoi. C’est cette période de l’année.

Je veux toujours profiter de l’occasion pour remercier les nombreux parlementaires qui ont collaboré avec le gouvernement, quelle que soit leur affiliation, tout au long du processus législatif pour apporter d’importantes améliorations au projet de loi S-3.

Nous tenons notamment à remercier les membres du comité de l’étude exhaustive qu’ils ont faite du projet de loi S-3 et de leur détermination à travailler avec nous pour adopter une loi qui élimine enfin toute discrimination fondée sur le sexe dans les dispositions en matière d’inscription de la Loi sur les Indiens.

Je suis également heureuse d’être ici aujourd’hui pour parler du premier de trois rapports au Parlement prescrits par la loi sur les consultations qui commenceront bientôt à propos de l’inscription aux termes de la Loi sur les Indiens, de l’appartenance aux bandes, de la citoyenneté des Premières Nations et de l’application du projet de loi S-3. Les députés et les sénateurs ont clairement indiqué pendant le processus législatif que le Parlement voulait continuer à être informé et à participer au processus après l’octroi de la sanction royale.

Comme vous le savez, en vertu du projet de loi S-3, le gouvernement doit rendre compte au Parlement à trois occasions distinctes : à propos de la conception du processus de consultation dans les cinq mois suivant la sanction royale — comme vous le savez, le rapport a été déposé le 10 mai; à propos des résultats de la consultation, un an après le début de la consultation, c’est-à-dire le 12 juin 2019; et à propos de l’examen des amendements au projet de loi S-3 pour déterminer si toutes les iniquités fondées sur le sexe ont été éliminées en ce qui concerne ces dispositions et à propos du fonctionnement de ces dispositions, dans les trois ans suivant la sanction royale, soit le 12 décembre 2020.

Je suis ravie que les parlementaires continuent de participer pour que nous fassions bien les choses et, étant donné les vastes connaissances du comité dans ce dossier, je ne manquerai pas de vous demander conseil pour la suite du processus.

[Français]

Comme on l’a mentionné, le gouvernement a déposé son rapport sur la conception en commun du processus de collaboration le 10 mai.

[Traduction]

Durant la conception en commun, on a cherché à obtenir des avis sur deux questions de conception générale : quels sujets devraient être inclus dans le processus de collaboration sur l’inscription des Indiens, l’appartenance aux bandes et la citoyenneté des Premières Nations; et quels types d’activités de consultation devraient se dérouler dans le cadre du processus de collaboration?

Les commentaires reçus pendant l’étape de la conception en commun ont largement confirmé les sources de préoccupations qui se trouvent actuellement dans le projet de loi S-3. Cependant, on a aussi signalé les incidences qu’aurait l’augmentation du nombre des membres dans les collectivités — tant à l’intérieur qu’à l’extérieur des réserves — qu’il s’agisse de la langue, de la culture, des annuités découlant des traités ou de l’assise territoriale.

[Français]

Les ressources étaient l’une des principales préoccupations. Il serait donc essentiel d’avoir un plan permettant de s’occuper de cela et d’autres questions, dans le cas d’un accroissement du nombre de personnes appartenant aux bandes.

[Traduction]

Au cours du processus de conception en commun, on nous a dit que des consultations significatives devaient garantir que le gouvernement communique de l’information détaillée à ses partenaires avant les séances de consultation; que le processus est le plus inclusif et représentatif possible; qu’il est souple; et qu’un soutien convenable est offert pour faciliter la participation.

Nous avons déjà créé un groupe consultatif autochtone, qui conseille le gouvernement et continuera de le faire durant le processus de consultation. Le groupe consultatif autochtone est constitué d’un membre choisi par chacune des trois organisations autochtones nationales qui représentent les personnes ou les partenaires concernés par les dispositions sur l’inscription aux termes de la Loi sur les Indiens et sur la citoyenneté. Il s’agit de l’Assemblée des Premières Nations, de l’Association des femmes autochtones du Canada et du Congrès des peuples autochtones.

On nous a également dit que, en plus de permettre une étroite collaboration avec les organisations nationales représentant les Autochtones, le processus doit comprendre un dialogue direct avec les Premières Nations, les organisations régionales, les collectivités et les personnes concernées.

[Français]

Je sais aussi que l’on craint que la complexité et l’ampleur des problèmes à surmonter dans ces consultations ne sapent l’attention accordée aux principaux éléments, telle la préparation d’un plan de mise en œuvre complète pour l’élimination de la date limite de 1951.

[Traduction]

C’est pourquoi nous pensons qu’il serait prudent de nommer un représentant ministériel spécial autochtone. C’est une occasion pour moi, en tant que ministre, de nommer une personne qui fera les choses que j’aimerais faire moi-même si j’avais le temps, qui sera mes yeux et mes oreilles et qui relèvera directement de moi. Pour bien faire les choses, nous pensons qu’il est important d’avoir un représentant ministériel spécial autochtone pour faire avancer le processus et veiller à ce que les consultations soient ciblées, véritables, inclusives et souples.

Le représentant ministériel spécial aurait pour mandat de coordonner le processus de consultation, lequel incorpore la diversité des personnes et des collectivités qui pourraient être concernées, ainsi qu’une vaste gamme de points de vue sur des problèmes complexes. Le représentant ministériel spécial préparerait aussi un rapport final qui comprend les recommandations à utiliser pour la préparation du rapport au Parlement de juin 2019. Le rapport traiterait tout particulièrement des éléments nécessaires à un plan de mise en œuvre qui accompagnerait l’entrée en vigueur des dispositions éliminant la date limite de 1951.

En outre, je vois les consultations se dérouler selon trois volets distincts : premièrement, l’élimination de la date limite de 1951 de la Loi sur les Indiens; deuxièmement, les iniquités restantes liées à l’inscription et à l’appartenance en vertu de la Loi sur les Indiens; enfin, troisièmement, le transfert aux Premières Nations de la responsabilité de déterminer l’appartenance et la citoyenneté.

Étant donné les commentaires que nous avons entendus pendant l’étape de la conception en commun, nous croyons également que l’étape initiale de la consultation doit être axée sur la communication d’information et, s’il y a lieu, sur un soutien financier aux éventuels participants afin qu’ils puissent participer de façon significative.

On nous a dit à maintes reprises pendant l’étape de la conception en commun qu’il était essentiel que le gouvernement communique des renseignements détaillés à ses partenaires bien avant les séances de consultation.

[Français]

Nous travaillons avec le groupe consultatif autochtone au sujet des documents à employer pendant le processus de collaboration.

[Traduction]

Ces documents comprendront, entre autres, un guide de la consultation ainsi que des documents d’information et des fiches de renseignements destinés au public. Une fois de plus, le groupe consultatif contribuera à la préparation du contenu du guide et des renseignements destinés au public.

Nous voulons vous assurer que les méthodes de consultation comprendront une gamme d’outils aussi étendue que possible, y compris des séances en personne, des échanges en ligne et l’emploi des médias sociaux pour communiquer l’information des séances, pour n’en citer que quelques-uns.

En ce qui concerne les échéances, d’après ce que nous avons entendu pendant l’étape de la conception en commun, je suis persuadée que nous pouvons terminer une consultation complète et significative en l’espace de 12 mois. Je crois que ce calendrier s’harmonisera bien avec le prochain rapport au Parlement prescrit par la loi et prévu pour juin 2019.

J’aimerais beaucoup connaître votre opinion sur la démarche que j’ai expliquée. J’ai hâte de répondre à vos questions, mais aussi d’obtenir vos conseils sur la façon dont les consultations permettront de bien mettre en œuvre le projet de loi S-3 et jetteront les assises nécessaires pour que les Premières Nations puissent plus rapidement déterminer leur propre citoyenneté, ainsi que sur la façon de procéder pour que le gouvernement fédéral puisse renoncer à ce rôle, comme je l’ai déjà mentionné.

Merci. Meegwetch.

Nous ne voulons plus assumer ce rôle. Je serais également heureuse, que ce soit à l’occasion d’un déjeuner ou en revenant ici, de discuter avec vous du travail que nous faisons dans le dossier du cadre de reconnaissance et de mise en œuvre des droits. Je pense que d’ici la fin du mois prochain, nous aurons une idée de ce que nous voulons mettre à l’essai au cours de l’été. Je serais heureuse d’avoir une simple conversation avec vous, madame la présidente, et avec les autres membres du comité pour vous indiquer dans quelle direction nous pensons nous engager au cours de l’été. Si vous avez également des conseils sur la façon dont nous pouvons faire le travail, ce serait formidable. Ce travail va vraiment jeter les bases du cadre juridique et de la directive sur l’autodétermination qui permet aux nations de déterminer l’appartenance et la citoyenneté.

La présidente : Merci, madame la ministre. Nous allons maintenant entendre les questions des sénateurs.

Le sénateur Patterson : Madame la ministre, je me réjouis de votre rapport. Je vous remercie d’avoir gentiment reconnu le mérite de notre comité. Comme vous l’avez dit, il faut collaborer pour atteindre notre objectif commun qui consiste à éliminer la discrimination fondée sur le sexe dans la Loi sur les Indiens. Cela a été tout un cheminement jusqu’à maintenant. Je vous suis reconnaissant de votre volonté de collaborer avec nous pour enfin réparer cette iniquité de longue date.

D’après mon expérience, ce n’est pas tous les jours que des ministres nous invitent à discuter officieusement à l’occasion d’un déjeuner ou d’un repas d’affaires pour vraiment collaborer de manière moins officielle que ce que nous faisons ce soir. Je pense que cela commence bien pour votre rapport.

À la page 3, vous dites que votre premier rapport porte sur la conception en commun du processus de collaboration dans les cinq mois suivant la sanction royale. Le rapport, c’est-à-dire la conception, a été déposé le 10 mai.

J’ai des questions précises, et j’espère que les réponses seront courtes. Les consultations doivent commencer le 12 juin. Vous avez annoncé la création d’un comité consultatif, et j’espère qu’il sera utile. Je suppose que ses membres sont prêts à s’atteler à la tâche. Je me demande, madame la ministre, si vous auriez l’obligeance de donner au comité le nom et les compétences des personnes choisies, si le moment est bien choisi. Je suis persuadé que ce sont d’éminents spécialistes. Je vous en serais reconnaissant.

De plus, pourriez-vous donner au comité le nom des nations, des groupes et des organisations que vous avez invités à participer à l’élaboration conjointe du plan de consultation? Je suis certain que ces listes existent. Il serait utile de les faire parvenir au comité.

Mme Bennett : Je serai heureuse de vous fournir toute l’information que nous avons sur les groupes à qui nous avons parlé jusqu’à maintenant à l’étape de la conception en commun. Une fois que les consultations commenceront le 12 juin, nous vous fournirons ces renseignements dès que nous aurons les documents sur le guide de la consultation ainsi que le plan.

Comme je l’ai appris, le groupe consultatif sera formé au moyen d’une approche ascendante, ce qui signifie que l’Assemblée des Premières Nations, l’Association des femmes autochtones du Canada et le Congrès des peuples autochtones nous envoient qui ils veulent. Je ne nomme pas d’« alliés », comme on le croit parfois. Ce sont des personnes qui possèdent les compétences et les connaissances nécessaires et qui se penchent sur ces dossiers au sein de leur organisation.

Je pense que nous avons reçu deux confirmations sur trois. Dès que les trois membres du groupe seront confirmés, nous ferons parvenir leurs noms à la présidente et à vous, sénateur Patterson. Ils commenceront ensuite à travailler avec nous à l’élaboration du guide et du plan, sous la direction du représentant ministériel spécial, et je répète que sa nomination sera confirmée d’ici là, je l’espère. Pour ce qui est de tout ce qui se rapporte au gouvernement et aux nominations, nous espérons que la personne retenue sera confirmée et que nous pourrons vous fournir ces renseignements. Je suis certaine qu’elle tiendra compte de tous les conseils — j’ai déjà dit « elle », mais ce n’est pas grave. Je ne pense pas que vous serez surpris d’apprendre que c’est une femme autochtone. À mon avis, ce n’est pas surprenant. Bref, tout va bien.

Nous allons vous donner tous les renseignements à mesure qu’ils seront confirmés.

Comme vous le savez, on nous a posé la question plusieurs fois, et l’élimination de la date limite de 1951 est évidemment une importante priorité. Au début, l’objectif du projet de loi S-3 était de se débarrasser de toute la discrimination fondée sur le sexe pour que nous puissions ensuite passer à autre chose. Il y a également la phase 2.

À propos de l’élimination de la date limite de 1951, nous voulions également rassurer le comité en mentionnant qu’il n’est pas question de déterminer si ce sera fait ou, à certains égards, comment ce sera fait. Il est vraiment question de mener des consultations adéquates afin de s’assurer que les collectivités ont les ressources nécessaires pour faire les choses correctement. C’est ce que nous ont dit de nombreux chefs, en particulier les femmes, aux quatre coins du pays. Ils veulent être certains de procéder comme il se doit en ce qui a trait à la langue et à la culture, aux soutiens offerts et aux mesures nécessaires pour que les personnes concernées aient un sentiment d’appartenance communautaire.

Une fois de plus, c’est un aspect très spécial de l’engagement. Nous nous pencherons ensuite sur l’émancipation, l’adoption et les autres aspects.

On nous a dit de manière plutôt stricte qu’il ne serait pas très efficace d’essayer de faire ces choses séparément alors qu’il s’agit en fait du même groupe de personnes. D’après ce que je comprends de l’étape de la conception, cette consultation porterait sur tous les aspects de la question, mais en sachant que l’élimination de la date limite de 1951 est déjà entrée en vigueur.

La sénatrice McPhedran : Merci, madame la ministre, d’être revenue nous voir et de donner l’exemple, vraiment, en communiquant autant d’information à titre de représentante du gouvernement. Je suis vraiment fascinée par ce que vous dites à la page 5 de la version anglaise de vos observations. Je pense que la façon dont le poste de représentant ministériel spécial semble être conçu est un clin d’œil aux Nations Unies.

Je vous suis très reconnaissante de votre invitation à échanger nos points de vue sur ce qui pourrait être utile pour donner suite à cette proposition concernant la gestion du processus.

Dans cette veine, dans cet esprit, je voulais vous demander quelles sont les fonctions du poste. Vous avez mentionné que le représentant ministériel spécial relèverait directement de vous, ce qui est bon à savoir.

Au-delà des fonctions du poste, je me demande si on a réfléchi au genre de budget et d’effectif nécessaires pour soutenir le titulaire. Comme vous le savez bien, l’une des grandes leçons du système des Nations Unies relativement aux représentants spéciaux est qu’ils doivent sans cesse présenter des rapports lorsqu’ils n’ont pas les ressources nécessaires, qu’ils ne peuvent pas faire leur travail. À défaut d’avoir du personnel de soutien, ils ne peuvent pas s’acquitter de leurs tâches. Je vous encourage à élaborer soigneusement ce mécanisme, à créer un bureau du représentant ministériel spécial et à préciser comment on pourra consulter le titulaire du poste. Pouvez-vous nous dire, par exemple, si les membres du groupe consultatif se pencheront sur l’accès au représentant ministériel spécial pour régler la question? Je vous connais et je sais que le processus sera très inclusif.

Nous avons commencé toutes nos démarches liées au projet de loi S-3 parce qu’il est question de discrimination. Le titre original, vous vous en souviendrez sans doute, parlait de l’élimination dans la Loi sur les Indiens des inégalités fondées sur le sexe touchant l’inscription.

Si je puis me permettre, puis-je demander si la discrimination sera prioritaire dans le cadre des fonctions du représentant ministériel spécial, au comité consultatif et dans les consultations proprement dites? Est-ce que ce sera en haut de la liste des questions à aborder?

Mme Bennett : Tout à fait. Je pense que Martin pourrait vous parler des étapes gouvernementales prévues à cette fin. Dès que nous aurons établi les fonctions du poste et que nous en aurons choisi le titulaire, nous vous en informerons.

Vous avez absolument raison. Cela fait beaucoup de pain sur la planche, et, comme nous l’avons craint dès le début, on ignore combien ils sont. Il y a l’ensemble, puis les individus. Il faut les ressources nécessaires. L’objectif est de se débarrasser de la discrimination dans la Loi sur les Indiens. Revenir à l’état antérieur à 1951 et déterminer les ressources dont les communautés, tant dans les réserves qu’à l’extérieur, auront besoin pour accueillir les nouveaux membres et les nouveaux citoyens, sur les plans linguistique et culturel.

De plus, pour le financement, nous évaluerons les besoins et nous veillerons à les budgétiser. Cela relèvera en très grande partie du travail du représentant ministériel spécial, à savoir les questions comme l’émancipation, l’adoption et d’autres questions, qui s’enchaînent si bien dans les discussions touchant le projet de loi S-3.

Cela concerne la discrimination dans la Loi sur les Indiens. Entre les techniciens que nous recommandent ces trois organismes, en sus du représentant ministériel spécial, ça pourrait être une participation bien fignolée, qui contenterait tout le monde.

Vous aurez sans doute remarqué que je me suis répétée deux fois dans mon allocution. Les gens veulent être prévenus. Ils veulent des ressources. Certains ont l’impression d’avoir été invités à participer avec les ressources nécessaires, et tous ceux qui ont besoin d’y participer sont au courant. Je pense que ça n’arrive pas par hasard. Il faut bien faire le tour de la question. Trois organismes offrent leur aide. Il importe que leurs représentants soient présents le moment venu.

La sénatrice McPhedran : Une petite précision, pour m’assurer de vous avoir bien entendue, que personne ne sait vraiment combien ils sont. Je voulais seulement vérifier avec vous l’évaluation qu’on trouve dans le rapport du directeur parlementaire du budget publié en décembre dernier, dans lequel il a examiné minutieusement la méthode no 4 de M. Clatworthy, parmi les diverses qu’il énumère, et qui arrive au nombre de 670 450, par rapport aux 100 000 et plus qu’a estimés M. Clatworthy.

Est-ce que ça veut dire que la planification se passe du rapport du directeur parlementaire du budget?

Mme Bennett : Je pense que, après le projet de loi C-31 et tout le reste, la leçon peut très bien être que les gens possèdent plus de droits. Toutefois, ils ont le choix de les exercer. Nous ignorons combien, parmi ceux qui peuvent très bien répondre aux critères du projet de loi S-3, voudront bien le faire.

Nous ne voulons pas qu’un éventuel détenteur de ces droits ait l’impression de ne pas avoir le droit de participer et d’en savoir plus. Nous ne fermons la porte à aucun sujet de discussion. Voilà pourquoi nous affirmons que nous ne nous adresserons pas seulement à des groupes ou à des élus. Les premiers touchés sont des particuliers qui veulent savoir. Ils auront aussi le droit de participer.

La sénatrice McPhedran : M’acceptez-vous pour le tour suivant?

La présidente : Oui. Avant de commencer le deuxième tour, j’ai quelques petites questions.

À votre dernière comparution, on craignait une augmentation importante des demandes d’inscription, et des chiffres ainsi que des fonds ont été proposés pour embaucher plus de personnel pour le registraire. Ces craintes se sont-elles concrétisées après l’adoption du projet de loi S-3?

Mme Bennett : Martin.

Martin Reiher, sous-ministre adjoint, Secteur de résolution et des affaires individuelles, Relations Couronne-Autochtones et Affaires du Nord Canada : Si vous permettez, madame la présidente, je peux vous renseigner.

Depuis l’adoption du projet de loi S-3, comme vous le savez, certains ont fait parvenir d’avance leurs demandes. Nous continuons d’en recevoir. D’après les chiffres préliminaires, 7 000 dossiers seront analysés sous le régime de ce projet de loi.

Mme Bennett : De plus, madame, comme vous le savez, on se demandait si on pouvait trouver la marche à suivre sur le site web ou un formulaire spécial sous le régime du projet de loi S-3, ce genre de choses. Nous avons l’impression que ç’a été réglé. J’ai moi-même fait une recherche, par Google, hier, et on trouve du premier coup. Je pense qu’on a réussi à expliquer que cette inscription englobait les personnes qui satisfont actuellement aux critères du projet de loi S-3.

La présidente : Une seule autre petite question connexe : je remarque que, dans le rapport que vous avez déposé, sous la rubrique des diverses choses que vous avez entendues, l’une d’elles était la nécessité d’expliquer en langage clair l’article 6(1).

Pensez-vous que le représentant ministériel spécial ou quelqu’un d’autre s’en occuperait? L’explication est tellement emberlificotée qu’il sera difficile de mener des consultations approfondies à moins d’user d’un langage clair, que pourront comprendre les habitants des communautés. Nous-mêmes avons de la difficulté à comprendre, après des années d’étude.

Mme Bennett : Absolument. Je pense que tout notre gouvernement doit s’appliquer à plus de clarté. Encore une fois, si des détenteurs de droits ne les comprennent pas ou n’en sont pas informés, ça ne signifie pas vraiment qu’ils les détiennent si nous les avons mal expliqués.

Allez-y, Martin. Vous y avez consacré beaucoup de temps.

M. Reiher : Merci. Je tenais à mentionner à madame la ministre que le conseil consultatif nous aidera aussi à adapter autant que possible l’information à l’auditoire.

L’information communiquée proviendra de diverses sources. On prépare des fiches d’information aussi simples que possible. Des consultants de l’extérieur élaborent des documents de travail. À cette fin, nous nous sommes adressés aux responsables de l’entente sur les répercussions et les avantages et à l’Assemblée des Premières Nations. Le représentant ministériel spécial aura un rôle dans la communication et l’explication des renseignements.

La présidente : Avec tout le respect que nous devons aux avocats ici présents, y compris à vous-même, monsieur Reiher, j’espère que vous avez l’aide de non-avocats pour traduire l’information en langage clair.

La sénatrice McCallum : Je vous remercie de votre exposé. Je n’ai pas eu le temps de me préparer pour l’étude du projet de loi. Je viens d’être nommée, et j’ai tellement de choses à apprendre en même temps. C’est un projet important pour moi, parce que mes enfants sont touchés.

Les personnes touchées comprennent-elles les enfants pris en charge et qui sortiront bientôt des structures à l’âge adulte?

Mme Bennett : C’est vraiment une question importante, parce que, compte tenu de la rafle des années 1960, des adoptions et des droits dont elles ont été privées, il importe de bien s’y prendre. Voilà pourquoi nous misons tellement sur la participation. Il faut s’assurer que les intéressés comprennent que, même s’ils ont été sortis de leurs familles, ce sont là nos contraintes. C’est-à-dire leur donner le droit de retrouver leurs racines et l’identité culturelle et personnelle affirmée dont tellement de personnes ont été privées. C’est une question très importante.

Ce sera un test pour savoir si nous avons bien agi, pour savoir si les personnes que vous décrivez se sentent les bienvenues dans ce processus.

Je disais, hier, à l’équipe que l’une de mes premières affectations comme médecin a été Armstrong, en Ontario, ville habitée uniquement par des Indiens non inscrits, parce que la base de l’armée de l’air des États-Unis qui s’y trouvait avait été fermée. Nous devions tous nous porter volontaires pour deux semaines là-bas. Personne dans cette ville n’était un Indien inscrit, parce que beaucoup d’entre eux avaient abandonné leurs droits pour obtenir des prestations d’ancien combattant. Les deux générations qui ont suivi ne possédaient aucun droit. Il y a ces pans de notre histoire que personne ne connaît et qu’il faudra reconnaître non seulement dans cet exercice, mais dans la suite de l’arrêt Daniels, alors que nous examinerons les conséquences de l’absence de droits, notamment pour une famille, la perte de droits dont, en fait, ils devraient se prévaloir. J’en dis peut-être trop, mais ça semble sûrement important.

La sénatrice McCallum : J’ai communiqué les renseignements qui suivent au comité. Le nombre d’enfants qui sortiront des programmes de prise en charge dans les quatre prochaines années, au Manitoba seulement, sera de 11 000, parmi lesquels 9 000 Autochtones.

J’ai travaillé avec des enfants qui avaient été pris en charge. Il leur faut des années pour même commencer à savoir où chercher leur famille et comprendre les sentiments de colère et d’abandon qui les habitent. Je ne les vois pas, actuellement, chercher à obtenir leurs droits. C’est important, parce que beaucoup d’entre eux sont devenus des sans-abri. Beaucoup de problèmes découlent de ce sans-abrisme et de l’incapacité de profiter des programmes.

Mme Bennett : Toutefois, pour moi, ce sont les témoignages de toute la préenquête sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées. L’attachement au système de protection de l’enfance et la maltraitance des enfants font partie de presque chaque histoire. Le plus loin que certains peuvent remonter pour retrouver le contact avec leur langue et leur culture, c’est la prison. La sénatrice Pate sait que, parfois, c’est le premier élément auquel ils s’accrochent et qui leur permet de comprendre leurs racines autochtones, leur identité et leur culture. C’est ainsi qu’ils retrouvent le droit chemin.

La sénatrice Pate : Mais vous ne préconisez pas la prison.

Mme Bennett : Non. Mais comment les empêcher d’aboutir en prison? Dans ma circonscription, le logement de transition a une capacité d’accueil de cinq places. Ces garçons sont maintenant à Ryerson, à George Brown, à l’Université de Toronto. J’ignore tout simplement comment il a fallu qu’ils passent par la prison, parce que, à Sagatay, ils reprennent contact avec leur langue et leur culture. La plupart d’entre eux ont dépassé l’âge de la prise en charge et se sont retrouvés dans le pétrin.

Le plus tôt on comprendra que, quand on dépasse l’âge de la prise en charge et que nous conservons des responsabilités, étant entendu, depuis peu, à quel point une identité culturelle et personnelle affirmée est importante pour la santé, une bonne instruction et une belle situation économique, mieux ce sera. Toute percée comme le projet de loi S-3 ou l’arrêt Daniels, tous ces nouveaux sujets de discussion révèlent aux gens l’absence d’un sentiment d’appartenance qu’il faut combler. Notre travail est de les y aider. Je pense que c’est des plus stimulant.

La sénatrice McCallum : Savez-vous comment obtenir ces noms et comment localiser ces enfants pour que, à leur sortie des structures, ils trouvent quelqu’un?

Mme Bennett : La fondation de la rafle des années 1960 fera une partie de ces recherches. Une belle surprise qu’on trouve parfois dans certaines communautés que j’ai visitées, c’est un bureau de la réunion des familles, dans le bureau de la bande, où on essaie de retrouver les enfants et de les ramener à la maison. Autant chacun craignait un raz-de-marée de demandeurs, à cause du projet de loi S-3, autant, je pense, il y a des communautés, il y en a beaucoup, qui disent aussi que nous devons retrouver ces enfants et les ramener, construire des logements pour eux, trouver des moyens pour retracer les tantes et les grands-mères et les autres, qui, le cas échéant, seront des plus heureuses de s’en occuper.

Oui, je pense que depuis la rafle des années 1960, jusqu’à toute la recherche actuelle, c’est vraiment important. Surtout, nous devons cesser l’enlèvement de ces enfants par ce que nous appelons maintenant la rafle du millénaire. Leur enlèvement, à leur naissance, pour des motifs illogiques, parce qu’un enfant vous a été enlevé, cinq ans auparavant, ou parce que vous avez vous-même été pris en charge. Mais maintenant, vous êtes sur le droit chemin. Voilà la réforme à laquelle s’est attachée Mme Philpott. Nous voulons l’argent du gouvernement du Canada pour financer le retour de ces enfants dans leur famille, leur communauté et pour le donner à ces enfants, pas aux avocats pour qu’ils les enlèvent, pas aux organismes d’autant plus grassement payés qu’ils en font enlever et pas aux familles d’accueil non autochtones, dont certaines prospèrent dans cette industrie de la protection de l’enfance dont elles font partie. C’est le changement important que nous devons provoquer à la faveur de toute la réforme de ce processus destructeur actuel, qui nous a fait croire que nous pouvions mieux élever les enfants que les communautés.

La sénatrice McPhedran : Madame la ministre, à la page 3 de votre allocution, vous énumérez ce sur quoi le projet de loi S-3 demande au gouvernement de rendre compte au Parlement et à quel moment. Je suis vraiment frappée par le contraste entre le rapport, les résultats de la consultation dont le rapport sera déposé, on le suppose, le 12 juin 2019, puis le rapport sur les mesures prises, le 12 décembre 2020. Je m’arrête à l’importance de l’année 2019 pour l’avenir de notre pays. Peut-être puis-je vous demander de rêver un moment avec moi. Pouvez-vous en visualiser la possibilité?

Quand vous avez dit au Parlement que vous aviez bon espoir de parachever une consultation approfondie et digne de ce nom d’ici juin 2019, pouvez-vous en rêver avec moi? Vous croyez-vous en mesure de mettre en vigueur l’article 2.1 d’ici le 12 juin 2019?

Mme Bennett : Comme je l’ai dit, à la réunion, nous ignorons ce que nous ignorons. Je pense que nous le saurons assez bien d’ici le 12 juin et nous saurons alors si nous pouvons le mettre en vigueur. Il s’agira pour nous de nous assurer des ressources nécessaires pour bien nous occuper de ces nouveaux citoyens et les pourvoir en ressources, dans les communautés ou hors des réserves.

Le cycle budgétaire est un autre élément, mais nous demandons l’avis du représentant ministériel spécial et du comité consultatif sur la bonne marche à suivre.

Puis, comme vous dites, il semble qu’il y aura ensuite des élections, en octobre. On dispose donc d’une année, après les élections, pour produire un rapport sur les résultats et l’évolution de tous les éléments du projet de loi S-3 et le déposer avant le 12 juin dans lequel nous tracerons une ligne de conduite.

Je rêve et je dors sur mes deux oreilles.

La sénatrice McPhedran : Si je peux vous questionner sur une observation que…

La présidente : Malheureusement, je pense que la ministre doit nous quitter.

Mme Bennett : Je dispose de quatre minutes pour retourner à mon fauteuil.

La présidente : Nous avons deux questionneurs, vous-même et le sénateur Christmas. Soyez brefs.

La sénatrice McPhedran : Si vous n’êtes pas en mesure de remplir la promesse du projet de loi S-3, nos femmes autochtones continueront d’être victimes d’une discrimination constante, en contravention avec la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones et avec de nombreuses déclarations officielles. Qu’en pensez-vous?

Mme Bennett : Comme vous le savez, c’était le sujet de préoccupation sur l’entrée en vigueur du projet de loi. Nous devions savoir ce qu’il fallait pour bien agir et pour nous assurer de l’existence de ressources nécessaires. La loi, c’est une chose. C’en est une autre de pouvoir la concrétiser.

Nous voulons prendre les bonnes mesures. Nous y mettrons tous les efforts nécessaires.

Le sénateur Christmas : Je tenais seulement à vous remercier, madame la ministre, d’avoir été ici. À mon avis, toutes les bonnes décisions sont prises avec le conseil consultatif et le représentant ministériel spécial. Il semble que le processus soit bien engagé. Tous mes remerciements et toutes mes félicitations pour avoir jusqu’ici pris les bonnes mesures.

Mme Bennett : Merci.

Des voix : Bravo!

Mme Bennett : Merci. Peut-être pourrions-nous avoir un petit-déjeuner à la bonne franquette pour discuter de la reconnaissance des droits. Je sais que le sénateur Patterson a participé aux discussions dans le Nord. Ce serait agréable de puiser dans vos matières grises pour guider nos pas.

La présidente : Merci, madame la ministre. Merci, monsieur Reiher.

La période des questions est terminée. Nous poursuivons la séance à huis clos avec les employés de la Direction des communications, pour discuter de la journée Vision autochtone au Sénat, la semaine prochaine.

(La séance se poursuit à huis clos.)

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