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ENEV - Comité permanent

Énergie, environnement et ressources naturelles

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent de l'Énergie,
de l'environnement et des ressources naturelles

Fascicule nº 7 - Témoignages du 5 mai 2016


OTTAWA, le jeudi 5 mai 2016

Le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles se réunit aujourd'hui, à 8 heures, pour l'élection à la vice-présidence et pour étudier les effets de la transition vers une économie à faibles émissions de carbone.

Le sénateur Richard Neufeld (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Je vous souhaite la bienvenue à cette séance du Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles.

Je m'appelle Richard Neufeld, je représente la Colombie-Britannique au Sénat. Je suis le président du comité.

Les honorables sénateurs sont probablement au courant que le sénateur Mitchell s'est vu confier la nouvelle responsabilité de la liaison avec le gouvernement, de whip du gouvernement. Le sénateur Mitchell a donc remis sa démission à titre de vice-président et de membre de ce comité.

Je souhaite féliciter le sénateur Mitchell de son nouveau rôle, et je le remercie de son travail au comité. J'ai siégé avec le sénateur Mitchell à ce comité depuis mon arrivée ici. Il n'est plus là aujourd'hui, mais il dit qu'il pourrait revenir un moment donné.

En raison de sa démission, nous devons maintenant élire un nouveau vice-président. J'aimerais recevoir une motion en ce sens.

Le sénateur Mockler : Monsieur le président, j'aimerais proposer la candidature d'un autre sénateur très compétent.

[Français]

Je propose la candidature du sénateur Massicotte, sénateur du Québec, au poste de vice-président du comité.

[Traduction]

Le président : Il est proposé par l'honorable sénateur Mockler que l'honorable sénateur Massicotte soit élu vice- président du comité.

Des voix : Bravo.

Le président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

Le sénateur Massicotte : Je vous garantis que je vais tenir ma promesse : vous aurez des biscuits tous les matins à partir de maintenant.

Le président : Y a-t-il d'autres mises en candidature? Merci. Sénateur Massicotte, bon retour parmi nous. Vous avez déjà assumé ces fonctions, donc il est bon de vous revoir. Poursuivons.

Je souhaite maintenant la bienvenue à tous les membres du public et aux téléspectateurs des quatre coins du pays. Je rappellerai à ceux qui nous regardent que les séances du comité sont ouvertes au public et sont également diffusées par webdiffusion sur le site web sen.parl.gc.ca. Vous pouvez également trouver plus d'information sur le calendrier de comparution des témoins sur le site web, à l'onglet « Comités du Sénat ».

Je demanderais maintenant aux sénateurs autour de la table de se présenter. Nul besoin de présentation pour lui, mais voici le sénateur Massicotte, vice-président du comité.

Le sénateur MacDonald : Michael MacDonald, Nouvelle-Écosse.

[Français]

La sénatrice Ringuette : Pierrette Ringuette, du Nouveau-Brunswick.

[Traduction]

La sénatrice Johnson : Sénatrice Janis Johnson, du Manitoba. Bonjour.

La sénatrice Seidman : Judith Seidman, de Montréal, au Québec.

[Français]

Le sénateur Mockler : Percy Mockler, du Nouveau-Brunswick.

[Traduction]

Le sénateur Patterson : Dennis Patterson, Nunavut.

Le président : J'aimerais également vous présenter notre personnel, à commencer par notre greffière, Lynn Gordon, puis par nos deux analystes du Parlement, Sam Banks et Mark LeBlanc.

Nous tenons aujourd'hui notre septième séance dans le cadre de l'étude sur les effets de la transition vers une économie à faibles émissions de carbone, une transition nécessaire à l'atteinte des objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre du gouvernement du Canada.

Pour le premier segment de la réunion, j'ai le plaisir d'accueillir Sergio Marchi, président-directeur général de l'Association canadienne de l'électricité, ainsi que Devin McCarthy, directeur, Génération et environnement de l'association. Nous accueillons aussi Martin Kennedy, vice-président des Affaires extérieures chez Capital Power, ainsi que Terry Toner, directeur des Services de l'environnement chez Nova Scotia Power Inc.

Monsieur Marchi, je vous souhaite la bienvenue. Je vous remercie d'être avec nous aujourd'hui et d'avoir rassemblé ce groupe pour nous. Nous avons hâte d'entendre votre déclaration d'ouverture, après quoi il y aura une période de questions et de réponses. La parole est à vous, monsieur.

Sergio Marchi, président-directeur général, Association canadienne de l'électricité : Merci infiniment, monsieur le président. Bonjour, honorables sénateurs, je vous remercie de nous avoir invités à comparaître devant vous ce matin.

Depuis 125 ans, l'ACE est la principale voix du secteur de l'électricité au Canada. Je suis heureux d'être accompagné ce matin de Devin McCarthy, de même que de deux de nos membres : Martin Kennedy de Capital Power et Terry Toner de Nova Scotia Power. Ensemble, nous vous présenterons de notre mieux la perspective de notre secteur à l'égard de la transition vers une économie à faibles émissions de carbone au Canada.

L'ACE a publié en février dernier un document sur le climat, qui se trouve dans la documentation que vous devriez avoir reçue, si j'ai bien compris.

À l'échelle internationale, l'Accord de Paris a le potentiel de marquer un tournant. Je dis bien le potentiel, parce que c'est l'avenir qui nous le dira.

À l'échelle nationale, nos gouvernements doivent traduire la poésie de l'Accord de Paris en prose, en une stratégie canadienne viable qui suscite un consensus national, en un partenariat avec l'industrie et les autres intervenants et qui reçoive la bénédiction des Canadiens. Ce ne sera pas chose facile. Cependant, le secteur de l'électricité du Canada peut les aider. Comme 82 p. 100 de notre électricité est déjà produite sans émissions de GES, le Canada fait partie des producteurs les plus propres au monde. En comparaison, le chiffre correspondant aux États-Unis n'est que de 31 p. 100.

Dans son dernier rapport sur le climat, le Conference Board du Canada a donné au Canada une note générale de D. Le secteur de l'électricité canadien s'est toutefois démarqué avec un A. Je ne le dis pas pour me vanter, mais pour souligner que l'électricité est un atout stratégique pour le Canada et qu'elle est un élément central de la solution pour favoriser l'énergie propre du Canada.

Comment pouvons-nous profiter le plus de cet avantage? Premièrement, il faut établir un prix du carbone pour l'ensemble de l'Amérique du Nord et toute l'économie. Nous avons besoin d'un prix continental pour en optimiser les effets environnementaux, tout en protégeant les entreprises canadiennes et en les positionnant de manière concurrentielle.

Il faut deuxièmement mettre l'accent sur les secteurs de l'économie qui offrent le plus grand potentiel de réduction des émissions. Franchement, l'électricité est le seul secteur au Canada à avoir enregistré des réductions d'émissions importantes depuis 2005, de l'ordre de presque 30 p. 100, et il devrait en faire encore autant d'ici 2030.

Le petit pourcentage de la production d'électricité à partir du charbon qui restera après 2030, de même que les quelques centrales au gaz naturel, sont nécessaires pour contenir les augmentations de tarifs à la consommation. De même, nos efforts d'éco-efficacité énergétique produiront de meilleurs résultats que l'ajout de contraintes à l'égard des modes de production.

Troisièmement, nous avons besoin d'une stratégie nationale en matière d'électrification, et il serait logique de commencer par notre secteur des transports, puisqu'il représente presque le quart de l'empreinte carbone du Canada et de l'Amérique du Nord. L'électrification devrait également nous permettre d'accroître le rendement des immeubles et de diverses applications industrielles.

Quatrièmement, il faut accroître la collaboration entre le Canada et les États-Unis en matière d'électricité pour réduire encore plus les émissions de GES à l'échelle du continent. C'est particulièrement pertinent dans le contexte des efforts actuels en vue d'un accord nord-américain sur l'énergie et l'environnement.

À cet égard, nous venons de publier un rapport qui contient 10 recommandations à l'intention des décideurs des trois pays. Ce rapport se trouve lui aussi dans votre cahier d'information.

Le Canada a un surplus remarquable dans son commerce d'électricité avec les États-Unis, de l'ordre de 3 milliards de dollars par année, et nous croyons qu'il pourrait être encore beaucoup plus élevé grâce aux débouchés que laisse entrevoir le plan du président Obama sur l'énergie propre.

Je me suis rendu à Washington il y a quelques semaines avec une délégation de PDG, et nous n'avons vraiment senti aucune opposition à l'idée de leur vendre plus d'énergie propre. En fait, les États-Unis en ont besoin s'ils veulent respecter leurs nouvelles cibles d'émissions.

Cinquièmement, il faut de toute urgence nous pencher sur l'adaptation au changement climatique. Ses effets sont clairs et s'observent déjà. Nous exhortons donc les décideurs canadiens à prendre des mesures d'adaptation. Les coûts de l'inaction dépassent de loin, littéralement, les coûts de l'action. L'ACE a également produit un rapport détaillé sur la question, et il se trouve lui aussi dans votre cahier.

Sixièmement, il faut assurer à nos collectivités nordiques et autochtones l'accès à de l'énergie de la plus haute qualité. Leur dépendance au diesel coûteux et polluant doit cesser. Elles ont assurément autant droit à une source d'électricité fiable à faibles émissions de carbone que les autres collectivités du Canada.

Là aussi, l'électricité peut jouer un rôle transformateur. Je n'entrerai pas dans les détails ici, puisque je sais que le comité a déjà produit un excellent rapport sur les défis et les possibilités en matière d'énergie pour le Nord du Canada.

Septièmement, nous devons investir massivement dans le renouvellement de notre infrastructure électrique. Nous ne pouvons pas échapper à cette réalité fondamentale si nous voulons avoir accès à de l'électricité fiable à faibles émissions de carbone. Bon nombre de nos installations sont en fin de cycle de vie. D'ici 20 ans, nous devrons investir quelque 350 milliards de dollars dans le renouvellement de cette infrastructure, et les membres de notre association sont rassurés de voir que cette réalité est prise en compte dans le budget de 2016.

Enfin, en cette ère post-COP21, nous avons plus que jamais besoin d'un véritable partenariat entre les gouvernements et l'industrie. Si les gouvernements fixent les ambitions en matière climatique, à juste titre, il revient à l'industrie de les réaliser.

La réussite dépend donc d'un partenariat fort. Nous recommandons l'établissement d'un organe national permanent sur le climat, qui rassemblerait des représentants des gouvernements fédéral et provinciaux ainsi que divers intervenants, dont des représentants de l'industrie, des ONG et des leaders autochtones.

Ce ne sera pas une mince affaire, mais le but doit être de trouver un terrain d'entente et un consensus national, même si cela peut sembler difficile, faute de quoi les gouvernements se verront contraints d'imposer leur volonté, ce qui créera nécessairement son lot de difficultés propres.

Sur ce, je cède la parole à Martin Kennedy.

Martin Kennedy : vice-président, Affaires extérieures, Capital Power : Honorables sénateurs, bonjour. Je vous remercie de nous fournir l'occasion de comparaître devant vous aujourd'hui au nom de Capital Power. Nous sommes un producteur d'énergie indépendant, coté en bourse, dont le siège social se trouve à Edmonton.

Au Canada, nous avons des parcs éoliens en Colombie-Britannique et en Ontario, mais la plupart de nos activités sont concentrées en Alberta, si bien que je vais mettre l'accent sur les possibilités que crée la mise en œuvre du plan de leadership en matière de climat de l'Alberta.

L'écologisation du réseau, selon le plan de l'Alberta, comporte trois volets : l'abandon progressif de toute l'énergie au charbon d'ici 2030; une hausse du prix du carbone pour les émissions associées à la production d'électricité, lequel serait calculé en fonction d'une norme de rendement; et la production d'environ 4 200 mégawatts d'électricité de sources renouvelables grâce à un processus concurrentiel.

Ces mesures devraient réduire les émissions de l'Alberta dans le secteur de l'électricité, qui passeraient ainsi de 45 millions de tonnes aujourd'hui à 15 millions de tonnes d'ici 2031, une contribution importante à l'atteinte des cibles provinciales, nationales, et internationales en matière de climat. Cette réduction sera essentiellement attribuable à la fermeture de centrales thermiques au charbon produisant 2 500 mégawatts, qui auraient sinon continué leurs activités au-delà de 2030, ainsi qu'au développement des énergies renouvelables, jusqu'à ce que leur production équivaille aux deux tiers de celle des centrales thermiques au charbon actuelles de l'Alberta.

Le gouvernement provincial s'est engagé à mettre en œuvre le plan de leadership en matière de climat dans le respect du marché énergétique de l'Alberta, une promesse fondamentale pour conserver la confiance des investisseurs, la fiabilité du réseau et assurer une transition à faible coût pour les consommateurs et les entreprises.

Le marché énergétique de l'Alberta est unique en son genre au Canada. Il assure un approvisionnement en énergie à faible coût, mais sans risque pour les contribuables, parce que la production d'électricité en Alberta dépend de sociétés privées, qui se développent au risque des investisseurs. La production d'électricité ne relève pas de sociétés d'État ni de services publics à rendement réglementé, pas plus qu'elle n'est régie par contrat avec le gouvernement, des modèles qui sont tous communs dans le reste du pays.

Au lieu de cela, les prix de gros sont établis en fonction de l'offre et de la demande, dans un marché ouvert et concurrentiel, et se fondent sur les signaux de prix qu'envoient les investisseurs sur le marché. Nous investissons dans l'établissement de nouvelles sources d'approvisionnement. Notre seule source de revenus sera le futur prix de l'énergie produite grâce à cette infrastructure dans un marché ouvert.

Ce modèle est extrêmement avantageux pour les consommateurs et les entreprises de l'Alberta. L'offre a plus que doublé depuis 1996, et le prix à la livraison n'a été que de 6,5 cents par kilowatt-heure en moyenne sur les factures des consommateurs. Actuellement, les prix sont deux fois plus bas.

Nous pourrions donc profiter du marché concurrentiel de l'énergie de l'Alberta pour réduire radicalement les coûts de construction de l'infrastructure d'énergie renouvelable dans notre province. Le marché évoluera grâce à des incitatifs à la production d'énergie renouvelable, certes, mais ces incitatifs ont été soigneusement conçus pour réduire au minimum les distorsions du marché et le coût à la consommation.

Le comité consultatif de l'Alberta en matière de climat a recommandé que les producteurs d'énergie ne soient en concurrence que pour l'obtention de crédits d'énergie renouvelable, qu'on appelle des CER, plutôt que le gouvernement ne s'engage à payer tous les coûts des nouvelles installations de production d'énergie renouvelable. Ces crédits sont un complément au prix de l'électricité sur le marché. Ainsi, le coût à la consommation s'en trouve réduit de moitié. Cela réduit aussi énormément le passif dans les bilans du gouvernement à l'égard des contrats sur les énergies renouvelables.

Parallèlement, nous aurons également besoin de nouvelles centrales au gaz pendant la période de transition pour nous affranchir des centrales au charbon, et les centrales au gaz continueront de se développer en fonction des signaux de prix observés dans un marché de libre concurrence. Diverses entreprises dont Capital Power ont des projets à présenter et sont prêtes à appuyer la transition. Ainsi, nous avons un nouveau grand projet de centrale au gaz à l'ouest d'Edmonton et un deuxième projet de parc éolien dans le centre-est de l'Alberta.

Pour que le plan de l'Alberta en matière de climat porte fruit, il faudra construire de nouvelles infrastructures pour augmenter la production de plus de 6 000 mégawatts d'ici 2030, ce qui représente un investissement de 30 milliards de dollars dans une seule province et un seul secteur. Nos décisions d'investissement dépendent de notre aptitude à prévoir nos revenus et nos coûts de conformité sur une période de 20 à 30 ans. Nous avons donc besoin d'un degré de certitude raisonnable à l'égard des futures stratégies fédérales qui pourraient perturber les marchés de l'électricité ou créer une distorsion dans les signaux de prix. Même des mesures bien intentionnées pourraient avoir des conséquences inattendues.

Par exemple, on s'intéresse de plus en plus aux nouvelles interconnexions en matière d'électricité entre l'Alberta et les autres marchés. Selon une étude préliminaire, les nouvelles importations d'hydroélectricité vers l'Alberta pourraient coûter plus du double du prix local de l'électricité. Ainsi, toute étude des interconnexions doit comprendre une évaluation de leurs effets sur les consommateurs albertains. Pour les consommateurs, il pourrait être beaucoup plus avantageux de développer les énergies renouvelables en Alberta.

Il faut également étudier les effets de la mise en œuvre du plan de l'Alberta en matière de climat sur les marchés et les coûts. Les effets secondaires de nouvelles interconnexions pourraient être considérables. Les producteurs locaux d'énergie renouvelable réclameraient probablement des prix plus élevés dans leurs propres contrats complémentaires, ce qui ferait augmenter le passif de la province associée à ces contrats. Cela aurait pour effet concret de faire augmenter le coût de construction de l'infrastructure de production d'énergie renouvelable en Alberta.

Il est donc essentiel d'élargir la portée de notre analyse. Nous pourrons ainsi concevoir et mettre en œuvre des politiques aux effets moins coûteux pour la création d'une économie à faibles émissions de carbone.

Compte tenu de toutes les initiatives qui sont prises pour respecter les engagements que le Canada a pris à Paris, je proposerais que les nouvelles mesures prises par le gouvernement fédéral dans le secteur de l'électricité soient conçues dans le respect des différentes structures de marché des provinces.

Nous invitons les décideurs à consulter abondamment les intervenants pour bien comprendre tous les effets de leurs décisions, ce qui sous-entend d'étudier l'effet concret des politiques sur les émissions, les coûts à la consommation, le fonctionnement du marché et l'aptitude des provinces et des entreprises à déployer de manière fructueuse leurs plans en matière de climat. Ensemble, nous pouvons trouver une solution.

Terry Toner, directeur, Services de l'environnement, Nova Scotia Power Inc. : Bonjour, monsieur le président et mesdames et messieurs les sénateurs. Je suis heureux d'avoir l'occasion de m'exprimer devant le comité. L'honorable Sergio Marchi a remarquablement bien décrit la perspective de notre industrie. Monsieur Kennedy vous a présenté le contexte de l'Ouest canadien. J'aimerais prendre quelques instants pour vous présenter la perspective de la côte Est du Canada et de Nova Scotia Power.

Je commence toujours ce genre de discussion par rappeler l'objectif ultime, qui est de réduire nos émissions de carbone au moindre coût possible. Il semble y avoir consensus général pour dire qu'il serait logique d'associer un prix au carbone, d'une certaine façon, mais la tarification du carbone peut prendre diverses formes, dont trois en particulier : la taxe sur le carbone, un plafond d'émissions et un marché du carbone ou un plafond strict d'émissions de carbone pur et simple.

La Nouvelle-Écosse a choisi l'option du plafond strict et une réglementation qui impose des plafonds stricts pour les émissions de carbone de 2010 jusqu'à 2030. Cette décision a donné lieu à un accord d'équivalence avec le gouvernement fédéral, qui est déjà en vigueur.

Cette initiative a été menée en toute transparence devant l'organisme de réglementation de la province, et les divers intervenants de la province ont été mis à contribution. À ce jour, nos émissions ont donc déjà diminué de 37 p. 100 par rapport aux niveaux de 2005. Nous dépassons déjà la cible de 30 p.100 de réduction d'ici 2030 que s'est fixé le gouvernement fédéral. Cela représente l'équivalent de la fermeture de trois unités thermiques au charbon dans notre système. C'est déjà un grand succès dans notre province, dont peuvent être fiers les Néo-Écossais et les Canadiens.

La nouvelle réglementation de la province a créé une certitude propice à la confiance et a laissé suffisamment de temps aux investisseurs pour investir dans de nouvelles formes de production d'électricité à faibles émissions et les modes de transmission appropriés. Différentes solutions de rechange sont donc mises de l'avant, comme l'éolien, les importations d'énergie renouvelable, l'amélioration de l'efficacité énergétique et des unités au gaz plus propres.

Néanmoins, tous ces changements ont un coût, qui a fait augmenter les tarifs d'électricité, notre forme à nous de tarification du carbone. Nous croyons que les mesures directes mises en place en Nouvelle-Écosse ont mené à des réductions des émissions réelles et ciblées à un coût plus concurrentiel sur notre marché que ne le serait une simple taxe sur le carbone.

Par ailleurs, il y a d'autres éléments à considérer pendant la transition. Premièrement, l'électricité est devenue un service essentiel, et l'approvisionnement efficace en électricité est un défi de plus en plus complexe et dynamique.

Deuxièmement, il importe d'avoir suffisamment de ressources pour répondre à la demande en période de pointe. C'est un aspect important de la fiabilité de l'offre, et les consommateurs l'exigent.

Troisièmement, pour réduire le plus possible les coûts pour nos consommateurs, il importe que nos services publics aient la marge de manœuvre nécessaire pour gérer la fermeture des centrales au charbon pendant la transition vers une économie à faibles émissions de carbone.

Quatrièmement, il sera important de prévoir des sources d'approvisionnement de rechange pour les périodes où nous n'aurons pas accès à l'énergie issue de sources renouvelables. C'est peut-être difficile à croire, mais il arrive qu'il ne vente pas et que le soleil ne brille pas en Nouvelle-Écosse.

Finalement, toujours dans la même veine, il vaut la peine d'investir dans l'infrastructure de transmission et de distribution pour relier les nouvelles sources de production d'énergie modernes afin d'assurer à leurs exploitants visibilité et contrôle des ressources.

Nous estimons que le plan déployé en Nouvelle-Écosse a déjà permis de réduire considérablement nos émissions et qu'il nous permettra d'aller encore plus loin d'ici 2030, pour les réduire de presque 60 p. 100 par rapport au niveau de 2005. Cela dit, il reste d'autres possibilités.

Pour l'avenir, l'électrification d'autres secteurs, comme le transport et le chauffage des maisons, pour n'en nommer que deux, semble présenter un excellent potentiel pour réduire notre total d'émissions de carbone, mais il faudra peut- être assortir les plafonds d'une certaine souplesse pour limiter la pression à la hausse sur les tarifs d'électricité dans nos efforts de réduction des émissions. Tous les secteurs pourraient en retirer des avantages nets.

De même, la région atlantique pourrait réaliser encore plus de réductions à moyen et à long terme grâce à une approche régionale.

Le cadre à faibles émissions de la Nouvelle-Écosse a permis de réduire les émissions de carbone comme voulu, tout en nous assurant des tarifs stables et prévisibles. Nous sommes donc bien positionnés pour les réduire encore davantage au cours des 10 prochaines années.

Si l'on imposait une taxe sur les émissions carboniques en plus de tout ce qui a déjà été fait en Nouvelle-Écosse grâce au plafonnement absolu, les bienfaits additionnels pour l'environnement seraient très modestes et leur obtention pourrait nécessiter l'instauration d'instruments financiers ou de mesures d'aide pour couvrir les investissements antérieurs.

Idéalement, la taxe sur les émissions carboniques ne s'appliquerait qu'aux émissions liées à la production d'électricité qui dépassent les cibles provinciales. Pour que notre politique nationale sur le carbone réussisse, il faudra s'assurer que les provinces qui ont déjà pris des mesures pour réduire leurs émissions carboniques n'en soient pas pénalisées.

En conclusion, nous avons déjà accompli d'importants progrès en Nouvelle-Écosse pour réduire l'empreinte carbone de l'électricité, et nous avons commencé à songer à d'autres mesures possibles qui seraient abordables et équitables. Le cadre de réduction du carbone de la Nouvelle-Écosse donne de bons résultats et les mesures législatives et réglementaires sur le carbone doivent en tenir compte et en tirer parti.

Merci.

Le président : Merci.

Devin McCarthy, directeur, Génération et environnement, Association canadienne de l'électricité : On a présenté les notes préparées, et je suis ici pour répondre à vos questions.

Le sénateur Massicotte : Merci à tous pour vos présentations et observations.

Cette semaine, le directeur parlementaire du budget a établi le premier rapport ou plan, que nous pourrions peut- être obtenir. Dans l'un de ses rapports, il affirme que les trois premières sources d'émissions de gaz à effet de serre sont la génération, le transport et l'extraction des cristaux.

Il estime que la transition vers des sources d'énergie renouvelables, principalement l'éolien, et la capture et le stockage du carbone pourraient nous permettre d'éliminer 50 millions de tonnes d'émissions de gaz à effet de serre liées à la production d'électricité à raison de 12 $ à 57 $ la tonne.

Il affirme que vous êtes l'un des trois secteurs qui doivent devenir encore plus productifs qu'ils le sont actuellement si nous voulons réaliser nos objectifs.

Je sais que beaucoup des centrales électriques au charbon devraient être fermées d'ici 2030. Faudrait-il en faire davantage, ou est-ce qu'on viendra à bout de la plupart de nos objectifs avec la politique existante en Alberta, par exemple?

M. Marchi : Merci, monsieur le sénateur. Comme je l'ai indiqué dans ma deuxième recommandation, je crois que les gouvernements doivent également s'intéresser aux secteurs où l'on peut véritablement accroître les réductions.

Nous ne disons pas que le secteur de l'électricité ne devrait pas faire sa part, mais nous en avons déjà beaucoup fait. Les gouvernements nous ont demandé d'éliminer le charbon et nous n'avons pas lutté. Notre secteur y travaille dans un esprit de collaboration.

À l'heure actuelle, 82 p. 100 de notre production se fait sans aucune émission de gaz à effet de serre. D'ici 2030, dépendamment des circonstances, ce chiffre pourrait passer à 92. Je crois que la plupart des parents se réjouiraient si leur enfant obtenait une si bonne note dans leur bulletin. Cependant, je pense que les sources d'énergie renouvelables — le solaire et l'éolien se situent à 1,4 et à 0,4 respectivement — sont la voie de l'avenir et il est certain que notre société va les exploiter. Cela dit, l'électrification du transport et des procédés industriels ainsi que l'accroissement du rendement constituent également des avenues pouvant mener à des réductions additionnelles.

Après 2030, le charbon ne produira plus que 5 à 7 p. 100 de l'électricité et ce sera principalement avec capture et stockage du carbone. SaskPower est la seule compagnie dans le monde à capturer et à stocker le carbone dans une centrale au charbon.

En 2040, il ne restera plus aucune centrale au charbon. Nous allons donc réduire progressivement les émissions. Notre secteur est un chef de file à ce chapitre et je pense qu'il faudrait demander aux autres secteurs de faire leur part.

Le sénateur Massicotte : Êtes-vous en train de dire que le directeur parlementaire du budget se trompe?

M. Marchi : Non, je pense qu'on s'intéresse à plusieurs secteurs, y compris le nôtre.

Je ne veux pas critiquer les autres secteurs, mais je les mets au défi de brandir un bilan meilleur que le nôtre. À mon avis, il faut être équitable dans la contribution que nous demandons à chaque secteur de l'économie.

Le sénateur Massicotte : Je vois bien votre point de vue, mais je regarde vos huit recommandations et il y est question notamment de mettre l'accent sur les secteurs de l'économie qui peuvent offrir les plus importantes réductions d'émissions; d'établir une stratégie nationale en matière d'électrification; de prendre des mesures urgentes d'adaptation aux changements climatiques; de subventionner les investissements nécessaires; et de créer un partenariat avec le gouvernement.

Quand j'entends ce type de choses, je demande toujours : combien cela coûtera-t-il? Combien d'argent voulez-vous? À quoi cela va-t-il servir?

M. Marchi : Prenons le cas des 350 milliards de dollars qu'il faudra investir dans l'infrastructure au cours des 20 prochaines années. Nous ne demandons pas aux gouvernements d'en payer une grande partie. L'argent proviendra des sociétés d'utilité publique. Mais ce qui inquiète les dirigeants de ces sociétés, c'est le risque politique associé à l'obtention de ces 350 milliards de dollars en investissements sous l'action des organismes de réglementation. Heureusement qu'il y a les organismes de réglementation; ils sont essentiels lorsqu'il y a des monopoles, et il est absolument crucial de protéger les consommateurs au niveau des coûts. Je crois néanmoins que cela ne devrait pas être le seul facteur, car si l'on nous demande de choisir le système le moins cher possible, cela va compromettre la fiabilité de notre réseau électrique de première classe durant les 20, 30 ou 40 prochaines années.

Pour protéger les consommateurs, il faut également le meilleur système, le plus solide, d'autant plus que dame nature ne nous ménage pas. La majeure partie des 350 milliards de dollars proviendra des sociétés d'utilité publique via les audiences sur les tarifs.

C'est surtout pour le Nord que nous aurions besoin d'incitatifs gouvernementaux. Pourquoi? Parce que dans les audiences sur les tarifs, on nous empêche d'illuminer le Nord. Selon les organismes de réglementation, la masse critique de consommateurs ne serait pas atteinte. Quand on essaie de réaliser des projets d'écologisation innovateurs, on nous met des bâtons dans les roues.

C'est donc dire que nos propositions pour mettre en œuvre certaines des ambitions les plus prometteuses des gouvernements fédéral et provinciaux n'arrivent pas à franchir le processus réglementaire. Nous travaillons actuellement avec le gouvernement fédéral pour déterminer comment nous pourrions réaliser des projets qui permettraient d'illuminer le Nord sans diesel et de favoriser l'écologisation, et comment utiliser une partie des sommes affectées à l'infrastructure dans la seconde phase, qui est axée sur la transformation et le long terme. Par exemple, le hockey est une religion et c'est très bien ainsi, mais on ne peut pas continuer d'utiliser les fonds destinés à l'infrastructure pour construire des arénas. Quels sont les projets propices à l'édification et à la transformation du pays qui pourraient être pris en charge dans le cadre de ces investissements? Nous croyons que c'est une bonne occasion de répondre à cette question, mais dans l'ensemble, les sociétés d'utilité publique paient leur juste part.

Le sénateur Massicotte : Merci.

Le président : J'aimerais poser une question rapide, car vous avez dit que les organismes de réglementation dans les situations de monopole vous obligent à maintenir les prix les plus bas possible. Conviendriez-vous que ce n'est pas le cas à la grandeur du pays? Dites-moi dans quelles provinces ce serait le premier facteur en importance. Dans ma province, ce n'est plus le principal facteur, car d'autres critères doivent également être pris en considération, comme l'énergie verte. Dites-moi quelles provinces ou quels organismes de réglementation vous imposent une telle chose.

M. Marchi : Je pense que vous avez raison. Il n'y a pas d'approche universelle, et ce n'est pas non plus ce que j'ai dit, car on ne fait pas les choses de la même manière à la grandeur du pays. L'Alberta est un cas unique. Pour être franchement honnêtes avec vous et avec votre comité, nous avons constaté une politisation incroyable des enjeux entourant les tarifs d'électricité dans notre pays.

J'ai habité et travaillé en Europe pendant une dizaine d'années. Les Européens doivent aussi refaire leur infrastructure, comme les Américains, comme les Japonais. Car vous savez quoi? Rien ne dure pour toujours. Ces constructions datent d'après la Seconde Guerre mondiale. En Europe, les considérations politiques ne prennent pas autant de place qu'ici. Je ne dis pas que c'est bien ou mal; je dis seulement que c'est très politisé. En Ontario, les partis d'opposition utilisent les tarifs d'électricité comme l'une de leurs trois principales armes lors de la période des questions. Les maîtres politiques envoient eux aussi le message qu'il faut maintenir les prix bas et, bien entendu, c'est un important facteur. Nous disons simplement qu'il faut privilégier des tarifs modestes et conjuguer à ce principe la valeur que nous attachons à l'électricité. Je suis peut-être biaisé, mais de nos jours, l'électricité est indispensable à notre qualité de vie et à notre économie. Si elle est indispensable, alors elle est une ressource nationale. Et que fait-on avec nos ressources? On les valorise. Je vois qu'on fait peser beaucoup plus de pression qu'il n'est nécessaire sur la question du coût, et on n'y échappe pas quand on a affaire aux organismes de réglementation.

Le sénateur Seidman : Je vous remercie de vos présentations de ce matin. J'aimerais approfondir la relation qui existe entre l'infrastructure du réseau et le commerce interprovincial de l'électricité. Dans la dernière semaine et demie, les témoins nous ont beaucoup parlé des problèmes liés à l'infrastructure dans notre pays. Vous avez vous-même consacré au renouvellement de l'infrastructure une partie de votre dernier rapport intitulé S'adapter aux changements climatiques : Bilan et recommandations pour le secteur de l'électricité au Canada. De plus, la société TransAlta nous a parlé de la nature régionale des marchés de transmission au Canada. Nous savons aussi que le commerce nord-sud est plus développé que le commerce est-ouest.

À votre avis, comment pourrait-on amplifier le commerce interprovincial de l'électricité tout en faisant en sorte que les provinces qui possèdent le plus de ressources puissent venir en aide aux autres provinces? Je pense à la Saskatchewan, au Manitoba et à l'Alberta et même au Québec, dont je suis originaire, et qui n'est pas en reste au chapitre de l'hydroélectricité.

Quels seront les obstacles selon vous? Comment le gouvernement fédéral peut-il encourager ce genre d'interaction?

M. Marchi : M. Toner aimerait répondre, mais à titre de préambule, je préciserai d'abord que notre ministre des Ressources naturelles a soulevé la question du commerce est-ouest, et il a bien fait. Quand on dit « est-ouest », on imagine immédiatement une vaste étendue de territoire qui rendrait impossible la viabilité financière d'un réseau établi sur cet axe. Comment est-ce possible de transmettre l'électricité d'un bout à l'autre du pays?

À mon avis, sénateur, lorsqu'on parle de commerce est-ouest, il faut se placer dans un contexte régional. Pour la Nouvelle-Écosse, c'est l'Ontario et le Québec. Et pour l'Alberta, comme vous l'avez dit, c'est la Colombie-Britannique et le Manitoba. Il faut penser en termes de régions si nous voulons établir un axe commercial est-ouest pour compléter l'axe nord-sud. Pour l'axe nord-sud, le coût et la distance sont certainement des avantages.

M. Toner : Je vais vous donner trois exemples rapides de projets en cours ou envisagés dans notre région. Notre société, Nova Scotia Power, a une liaison directe avec le Nouveau-Brunswick. Les deux provinces s'échangent de l'électricité, ce dont elles tirent un avantage mutuel. Nous envisageons l'installation d'une autre liaison permanente et nous collaborons depuis peu à la distribution combinée de certaines de nos unités et à la recherche d'autres moyens d'économiser.

Le deuxième exemple, qui se rattache au précédent et qui est bien connu, c'est notre partenariat avec Terre-Neuve- et-Labrador en vue d'établir des installations hydroélectriques au Labrador. Dans le cadre de ce projet, nous construisons un câble reliant Terre-Neuve et la Nouvelle-Écosse. Nous allons ainsi relier les provinces de l'Atlantique et accroître leur potentiel de production. Hydro-Québec pourra également faire partie de ce réseau.

C'est pour nous une étape très importante. Pour nous venir en aide, ou pour éliminer une barrière, le gouvernement fédéral s'est porté garant de l'emprunt. Cela n'a nécessité aucune dépense de fonds fédéraux, mais a permis de réduire le coût du projet et de faire savoir au monde que nous avons un bon produit dans l'Est.

Le troisième exemple est tourné vers l'avenir. Nous collaborons avec les sociétés d'utilité publique de toute notre région, y compris la Nouvelle-Angleterre, afin d'élaborer notre prochaine stratégie. Est-ce que ce sera un autre projet éolien et un autre projet hydroélectrique qui, ensemble, assureront la production d'une plus grande quantité d'énergie verte pour les provinces de l'Atlantique? Il y aura peut-être un surplus que nous pourrons vendre à la Nouvelle- Angleterre pour lui donner un coup de pouce et en même temps rendre le projet plus abordable.

Dans l'Est, ce n'est qu'un modeste exemple. Le gouvernement fédéral peut contribuer en évitant d'imposer des boulets et des barrières qui viendraient s'ajouter aux mesures que nous avons déjà prises et qui réduisent déjà les émissions. C'est très important pour la Nouvelle-Écosse. Comme nos ressources hydroélectriques sont en quelque sorte limitées, cela constitue une partie considérable de notre solution. Nous avons ajouté 500 mégawatts d'éolien à notre système au cours de la dernière décennie, ce qui est substantiel. En période de pointe, nous oscillons autour de 2 200 mégawatts. Au milieu de la nuit durant la saison estivale, c'est seulement 700 ou 900 mégawatts. Si toute cette énergie provient de l'éolien, cela requiert un grand ajustement pour notre système. C'est cette série de mesures qui nous permet d'avancer et le gouvernement y a contribué par l'accord d'équivalence et la garantie d'emprunt.

Le sénateur Seidman : Vous intégrez les énergies renouvelables à votre réseau, mais sont-elles fiables? L'Ecological Institute nous a entretenus hier au sujet de la fiabilité. Pensez-vous qu'il y aura beaucoup d'interruptions?

M. Toner : Le vent ne souffle pas tout le temps et cela crée une certaine imprévisibilité, mais c'est l'une des raisons pour lesquelles la Nouvelle-Écosse réduit le nombre de centrales au charbon sans nécessairement les éliminer complètement. Toutefois, ces centrales ne fonctionnent plus aussi souvent et sont vouées à disparaître. D'ici à ce que les piles et d'autres technologies les remplacent, elles constituent un auxiliaire peu coûteux. D'autres éléments viendront plus tard renforcer le système. Toutefois, à l'heure actuelle, nous utilisons les ressources existantes, car c'est plus économique ainsi.

La sénatrice Ringuette : Je pense que si nous voulons réaliser l'objectif d'une économie à faibles émissions de carbone, nous devons nous doter d'une stratégie nationale de l'énergie qui englobera tous les secteurs énergétiques.

Avez-vous discuté avec le gouvernement fédéral de la possibilité d'instituer un comité sur la stratégie nationale de l'énergie dont vous feriez partie?

M. Marchi : Je suis pour cette idée, sénatrice. Je félicite d'ailleurs nos premiers ministres d'avoir accueilli favorablement le document sur la stratégie canadienne de l'énergie, qui a fait beaucoup de chemin. Nous avons contribué au processus. Nous invitons également le gouvernement à faire lui aussi en sorte que la stratégie puisse franchir la ligne d'arrivée. Je pense que c'est très important, car le Canada est considéré comme une superpuissance énergétique. Nous pouvons ergoter sur l'exactitude technique de ce titre, mais il est indéniable que l'énergie occupe beaucoup de place chez nous. C'est un secteur d'envergure qui a besoin d'une politique et d'une stratégie à sa mesure.

Je crois aussi que la plupart des grandes réalisations nationales ont été le fruit d'une collaboration entre les gouvernements fédéraux et provinciaux. Il s'agit manifestement d'un domaine où les instances supérieures doivent collaborer à l'élaboration d'une stratégie, à la mobilisation de l'industrie, puis à la mise en œuvre de la stratégie le plus intelligemment possible.

Nous avons porté la question à l'attention du ministre Carr. En fait, c'est justement lui qui a amené le Conseil de la fédération à s'intéresser à la Stratégie canadienne de l'énergie, de sorte qu'il est plutôt bien placé pour intervenir.

La sénatrice Ringuette : Je suis tout à fait d'accord avec votre recommandation visant à moderniser le réseau de distribution d'électricité de façon à ce qu'il s'adapte aux conditions météorologiques d'hier et de demain.

La Constitution du Canada fait obstacle à l'hydroélectricité — vous devez vous demander où je veux en venir. Pardonnez-moi de ne pas pouvoir vous donner l'article précis, mais on dit qu'une province productrice d'hydroélectricité ne peut pas vendre cette énergie dans une autre province à un prix supérieur à celui qu'elle demande dans sa propre province. Voilà donc ce qui pose problème à Hydro-Québec, qui achemine toute électricité excédentaire à nos voisins du Sud en raison de cette entrave prévue à la Constitution, qui vise le partage de la rentabilité du système avec les autres provinces. J'aimerais que vous commentiez.

M. Marchi : Je ne suis malheureusement pas un constitutionnaliste, et je ne voudrais pas vous donner une réponse hypothétique.

M. McCarthy : La seule chose que je peux dire, c'est que les marchés auxquels Hydro-Québec vend cette énergie figurent parmi ceux qui ont les prix les plus élevés en Amérique du Nord. Indépendamment de la Constitution, la Nouvelle-Angleterre est...

La sénatrice Ringuette : Voilà pourquoi la société d'État ne vend pas à d'autres provinces. Cet obstacle constitutionnel l'obligerait à vendre l'électricité au Nouveau-Brunswick ou en Ontario au prix que payent les consommateurs québécois.

M. McCarthy : Oui. C'est bien, mais...

M. Marchi : Je vais examiner la question. Le phénomène n'avait pas été porté à mon attention, mais je vais m'y attarder étant donné que vous l'avez signalé.

Le sénateur MacDonald : Je vous remercie de vos exposés d'aujourd'hui. Mes questions s'adresseront surtout à M. Toner, de Nova Scotia Power Inc.

J'aimerais toutefois soulever quelques points à l'attention de M. Marchi. J'ai pris connaissance de vos recommandations, et je trouve la plupart d'entre elles censées. Elles sont assez raisonnables, sauf la première, qui vise à fixer un prix du carbone pour l'ensemble de l'économie nord-américaine, ce qui serait selon moi une grave erreur pour le pays. À l'instar de nombreux Néo-Écossais, je ne suis pas un ardent défenseur de Nova Scotia Power Inc., mais la façon dont la société a géré ses ressources ces dernières années est préférable — elle a évité de se défaire des sources peu coûteuses jusqu'à ce que les nouvelles technologies aient fait leurs preuves et qu'il soit possible de passer des unes aux autres.

Nous avons entendu le témoignage d'Européens ces derniers jours. Là-bas, le prix de l'énergie a atteint des sommets. Vous avez parlé des politiques entourant le coût de l'énergie. La vérificatrice générale de l'Ontario affirme que la province a payé 37 milliards de dollars en trop à la suite de modifications apportées par le gouvernement ontarien à la production d'électricité. C'est une somme colossale. Pour que nos industries puissent demeurer concurrentielles et pour éviter une insuffisance de ressources énergétiques, je pense qu'il faut être très prudent lorsque nous remplaçons la production d'électricité libérant du carbone par une production sans émission. Nous devons agir de façon très responsable à ce chapitre.

La Nouvelle-Écosse est une des provinces où l'augmentation de la production énergétique est toujours refilée au consommateur. Peu importe quel en est le coût, c'est ce que les consommateurs vont payer. Nous en sommes très conscients.

Monsieur Toner, j'aimerais vous parler du projet de Muskrat Falls. La ligne de transmission arrive par Big Lorraine, à quelques kilomètres à l'est de ma résidence. Je suis donc allé voir le projet. C'est une excellente idée de relier cette ligne électrique, mais il y a certains problèmes relatifs à Muskrat Falls. Le projet comprend des enjeux de sécurité, puisqu'il est question de construire une structure sur de l'argile, des enjeux environnementaux, en ce qui a trait au mercure, de même que des préoccupations financières relatives aux dépassements des coûts. Je sais que Nova Scotia Power Inc. mise beaucoup sur sa capacité à puiser dans cette énergie verte de Terre-Neuve pour sa gestion future de l'électricité. Il pourrait y avoir des retards dans le projet, et nous ignorons quel en sera le coût.

Je crois fermement qu'il faut avoir recours au gaz naturel pour faire la transition et se départir du charbon, plutôt que de s'empresser d'adopter des énergies renouvelables. J'aimerais connaître la réponse d'une personne qui travaille chez Nova Scotia Power Inc.

Le Canada atlantique a 222 billions de pieds cubes de gaz naturel non exploités, dans le sol et sous forme de méthane de houille. Devrions-nous mettre en place une stratégie dans la région pour attirer l'industrie et maintenir des coûts énergétiques raisonnables, et ouvrir la porte à une technologie permettant d'extraire ce gaz naturel et de l'utiliser?

M. Toner : Je vais tenter de répondre brièvement à vos questions.

Je vais commencer par la ligne de transmission sous-marine de Muskrat Falls. Pour notre part, nous nous occupons de la ligne de transmission, à savoir le câble immergé, et ce volet respecte la cible et le budget. C'est ce qui assurera la liaison avec Terre-Neuve. La province continuera quant à elle à assumer ses responsabilités relatives aux lignes de transmission qui relieront la région de Muskrat Falls, qui n'est pas très loin de haut Churchill, où il pourrait y avoir une ligne.

La province a d'autres moyens de respecter ses responsabilités contractuelles à notre égard, peut-être moyennant certains frais. Mais nous avons une entente solide. Nous croyons que la province finira par faire avancer le projet dès qu'elle aura examiné tous ses enjeux.

Nous avons bel et bien prévu que cette source d'approvisionnement serait importante pour nous, mais nous pourrons temporairement avoir recours à d'autres sources d'énergie à faibles émissions de carbone ou sans émission. Nous serons à la hauteur de nos responsabilités à l'égard des consommateurs de la Nouvelle-Écosse.

Le gaz naturel a été un volet important pour nous. Nous avons construit une centrale alimentée au gaz à Tufts Cove, à Dartmouth. Nous possédons aussi un terminal de pipeline de gaz naturel liquéfié à Saint John, et nous participons à cette industrie. Nous continuons à guetter les occasions d'approvisionnement en Nouvelle-Angleterre et au Canada atlantique.

D'autres sources pourraient aussi être exploitées. Notre solution passe par un portefeuille énergique dans lequel aucune ressource n'est dominante; nous avons un grand nombre de sources d'approvisionnement. Il y a l'énergie marémotrice et éolienne, la bioénergie, un peu de pétrole, mais surtout du gaz naturel, et un peu de charbon et d'importations. C'est la solution que nous privilégions, et nous avons toujours réussi à respecter nos obligations de façon rentable au cours des 34 années où j'ai été dans l'entreprise.

Je conviens que nous pourrions explorer d'autres solutions, mais des coûts et des enjeux politiques et sociaux y sont associés. Nous y sommes ouverts.

Le sénateur Patterson : Pour commencer, je tiens à dire à quel point j'étais ravi que vous recommandiez d'éclairer le Nord et d'acheminer une énergie de première qualité à nos collectivités nordiques et autochtones. Le Nunavut, qui dépend entièrement du diesel, est le seul territoire dans lequel il est impossible de diminuer les émissions de gaz à effet de serre.

Vous recommandez ensuite de fixer un prix du carbone pour l'ensemble de l'économie nord-américaine. Les premiers ministres viennent de se rencontrer à Dawson, et ils ont réaffirmé leur position contre une taxe sur le carbone, disant qu'elle aurait une incidence démesurée sur les habitants du Nord. Les premiers ministres affirment que la population paie déjà une taxe sur le carbone étant donné que la plupart des marchandises sont achetées en Ontario et au Québec, et qu'une telle taxe est déjà comprise dans leurs activités. À Vancouver, les premiers ministres des provinces et le premier ministre canadien ont convenu qu'il faut passer à diverses mesures, y compris à une tarification du carbone, mais personne n'a dit que c'était obligatoire.

Je suppose donc que ma première question est la suivante : seriez-vous d'accord pour dire que la tarification du carbone n'est aucunement efficace, peu importe sa forme, et surtout pas dans le Nord, où une telle tarification n'incitera personne à adopter une énergie de remplacement étant donné qu'il n'y a pas d'autres sources d'énergie à l'heure actuelle?

M. Marchi : Tout d'abord, voici ce que nous affirmons en ce qui concerne l'éclairage du Nord. Lorsque les gens me disent que le coût sera exorbitant, je leur réponds que c'est vrai, mais nous sommes en 2016, comme M. Trudeau le dirait, et il me semble bien que le Nord fasse encore partie du Canada. Les gouvernements canadiens ont encore des obligations à l'égard de ces collectivités. À l'époque, nous avons commencé par éclairer les villes, après quoi nous avons prolongé les installations jusqu'aux régions rurales. Nous pensons que le temps est venu de boucler la boucle et d'éclairer adéquatement le Nord.

Deuxièmement, en ce qui a trait au prix du carbone, nous et bien d'autres secteurs avons l'impression qu'un prix du carbone fixé par les gouvernements, dont l'application serait vaste — voilà pourquoi nous parlons de l'ensemble de l'économie —, et qui tiendrait compte ce que font nos voisins du Sud... Nous ne voulons pas que nos entreprises soient durement touchées par un prix du carbone, et il faut aussi permettre la souplesse nécessaire pour s'adapter aux disparités régionales, notamment dans le Nord. Sénateur, nous sommes d'avis qu'un prix du carbone bien fait peut envoyer un bon signal en matière d'innovation et d'investissements, et j'ose espérer qu'une telle mesure peut satisfaire les aspirations des Canadiens en matière d'assainissement de l'eau, de l'air et de l'environnement. Nous croyons qu'il existe un moyen d'y arriver, mais nous devons bien faire les choses, sans quoi une telle taxe nous ferait certainement du tort.

Martin souhaite intervenir.

M. Kennedy : Sénateur, je tiens simplement à souligner qu'il ne faut pas confondre un prix du carbone nord- américain avec une taxe fédérale sur le carbone. Je trouve qu'il y a un thème commun entre la présentation de Nova Scotia Power Inc. et la mienne, étant donné que nous avons des plans provinciaux très dynamiques en matière de carbone, dont certains comprennent des mécanismes fiscaux et d'autres prévoient certaines dépenses. Nous devrions examiner leur équivalence par rapport à certaines mesures d'appui ou normes fédérales. Si le gouvernement fédéral doit intervenir lorsque les plans font défaut, c'est parfaitement raisonnable. Mais si les régimes provinciaux sont suffisants et contribuent adéquatement à la réalisation des objectifs nationaux, il n'est pas nécessaire d'additionner le tout d'une taxe supplémentaire. Il serait raisonnable d'instaurer une tarification du carbone et d'évaluer les équivalences entre les instances quant aux investissements et aux mécanismes déjà en place. L'ajout d'une taxe fédérale sur le carbone en plus de ces mesures provinciales n'est peut-être pas nécessaire et pourrait même s'avérer contre-productif.

Le sénateur Patterson : Je vous remercie infiniment de votre réponse.

Monsieur Marchi, j'étais également ravi de vous entendre proposer que les fonds d'infrastructure doivent servir à des projets transformationnels. On entend souvent que ces fonds doivent permettre d'abréger le temps de transport et d'intégrer le transport aux centres urbains.

Vous avez mentionné notre étude sur l'énergie, et je vous en remercie. Nous avons examiné la possibilité de relier les collectivités au réseau nord-américain — c'est possible au Manitoba et probablement en Saskatchewan aussi — ou de miser sur nos ressources hydroélectriques. Comme vous le dites, il y a très peu d'habitants pour payer de telles infrastructures.

Comment allons-nous déterminer ce qui constitue un projet transformationnel? Est-ce là où la stratégie nationale intervient? Je pense que notre comité a dit en quelque sorte que l'hydroélectricité pourrait être une solution, de même que le branchement au réseau, mais que toute solution doit être rentable.

Quel mécanisme permet au Canada de déterminer comment investir les fonds efficacement, comme vous l'avez dit, dans les régions rurales ainsi que dans ma région, le Nord du Canada?

M. Marchi : La Stratégie canadienne de l'énergie est bel et bien une solution, comme la sénatrice Ringuette et vous l'avez dit. Les relations fédérales-provinciales se sont en quelque sorte améliorées, même si ce n'est pas l'amour fou — cela n'a jamais été le cas, et ce ne le sera jamais —, mais la collaboration et la coopération sont essentielles à la réalisation de ce genre d'entreprises nationales d'envergure. Une telle collaboration et une stratégie énergétique permettent notamment de répondre aux besoins de notre pays et de trouver comment y arriver, que ce soit par l'intermédiaire de politiques ou de projets transformationnels.

Sénateur, je peux vous dire ce que nous faisons pour combler cette lacune dont j'ai parlé entre les organismes de réglementation qui nous disent non et les gouvernements qui nous demandent pourquoi nous n'allons pas de l'avant. Nous avons mis le doigt sur un certain nombre de ministères déterminants, et nous mettons à contribution un certain nombre d'intervenants clés. Nous proposons plusieurs projets transformationnels, et nous organisons une table ronde avec ces ministères et nos membres afin de discuter des projets. Si tout va bien, nous pourrons ainsi parvenir à un accord de volonté, puis nous tourner vers le budget de 2017 et plus loin encore afin de commencer à financer ces projets transformationnels. Voilà ce que nous faisons.

Le sénateur Patterson : Excellent.

La sénatrice Johnson : Je vous remercie de vos excellentes remarques ce matin.

J'ai lu vos recommandations. Le sénateur Patterson a brièvement abordé le sujet de l'éclairage du Nord. Pour ma part, je m'intéresse beaucoup à la question trilatérale entre le Canada, les États-Unis et le Mexique. Il y a plusieurs commentaires à ce sujet dans vos publications. Étant donné que je viens du Manitoba, où se trouve un grand nombre de collectivités autochtones nordiques, je m'intéresse particulièrement à votre recommandation encourageant le Canada, les États-Unis et le Mexique à faire en sorte que l'adoption de solutions énergétiques propres pour les collectivités autochtones et éloignées occupe une place importante dans la prochaine phase de la collaboration trilatérale. Pourriez-vous nous en dire plus à ce sujet? Je vais souvent à Washington en tant que présidente du Groupe interparlementaire Canada-États-Unis, et c'est une question que nous abordons toujours, surtout en ce qui a trait au Mexique étant donné que le pays a de tout. Ce n'est plus vraiment entre le Canada et les États-Unis; tout ce dont nous discutons se passe désormais entre le Canada, les États-Unis et le Mexique.

M. Marchi : Merci, sénatrice. Le gouvernement du Canada nous a invités à parler de la réunion trilatérale des ministres de l'Énergie des trois pays qui a eu lieu en février à Winnipeg, votre ville, et les ministres m'ont demandé d'explorer des possibilités transfrontalières ayant trait à l'électricité pour leur donner des idées d'endroits à cibler. Nous étions ravis de l'invitation, et nous avons tenté de relever certaines de ces possibilités. Nous avons ensuite proposé d'intégrer le tout à un rapport afin d'éclairer les discussions, compte tenu de l'élan qui accompagne l'accord. Le premier ministre fédéral l'avait prévu à sa plate-forme électorale en une phrase, et nous pensons maintenant que cette simple phrase pourrait être très puissante. Nous trouvons qu'il s'agit d'une façon judicieuse de procéder, surtout après la 21e Conférence des parties à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques. L'objectif est d'harmoniser nos idées en matière d'énergie propre et de protection de l'environnement avec celles des États-Unis et du Mexique. Par exemple, nous échangeons beaucoup avec les États-Unis. Nous avons là-bas une organisation sœur, mais pas au Mexique, alors que ce devrait être le cas d'un point de vue nord-américain.

La recommandation que vous avez invoquée vise à reconnaître que les trois pays ont des régions éloignées, et à se demander quoi faire collectivement pour régler le problème et peut-être exploiter les synergies qui se dégagent de chaque pays.

Nous espérons donc qu'à la rencontre des trois amigos, le 29 juin, ce sera assez avancé pour qu'il puisse y avoir une signature. Je ne sais pas où en sont rendues les discussions sur les politiques internes, mais nous sommes très favorables à un accord nord-américain. La recommandation no 10 porte aussi sur la consultation. En effet, nous sommes d'avis qu'il faut vraiment le faire, en collaboration avec l'industrie. Il ne s'agit pas simplement de nous dire qu'il y a des progrès ou qu'il faut avancer. Il faut travailler ensemble, parce qu'il s'agit essentiellement d'un partenariat. Les gouvernements établissent les objectifs et l'industrie doit les atteindre.

Nous attendons cela avec impatience et nous serons heureux de participer à n'importe quelle discussion. Nous vous avons également envoyé un exemplaire de ce rapport, car je reconnais le rôle de chef de file que vous jouez dans les discussions Canada-États-Unis. Nous considérons qu'il s'agit d'un rapport pertinent et d'actualité.

La sénatrice Johnson : J'ai suivi avec intérêt la contribution remarquable du Canada aux négociations trilatérales grâce à ses idées et à ses recommandations. Je sais que le Mexique les a accueillies très favorablement et que les Mexicains ont manifesté un grand intérêt pour la tenue de discussions avec nous sur bon nombre de ces enjeux. Je suis certaine que les États-Unis jouent enfin un rôle accru à cet égard, surtout en ce qui concerne le Nord, étant donné que les États-Unis assurent maintenant la présidence du Conseil de l'Arctique et compte tenu de tout ce qui se passe.

M. Marchi : J'ai rencontré l'ambassadeur des États-Unis et l'ambassadeur du Mexique. Je dirais que l'ambassadeur du Mexique est particulièrement enthousiaste — si je puis m'exprimer ainsi — au sujet de cet accord. Il est un ardent promoteur.

La sénatrice Johnson : Merci beaucoup.

Le sénateur Mockler : J'ai relevé une importante omission dans votre exposé et j'aimerais avoir vos commentaires à ce sujet, monsieur Marchi; vous ne parlez pas de la production d'énergie nucléaire. Avez-vous des commentaires à ce sujet, en particulier du point de vue du Nouveau-Brunswick, une province où le réacteur CANDU a connu du succès?

M. Marchi : M. Gaëtan Thomas, le chef de la direction d'Énergie NB, me le rappelle constamment. Si j'ai omis cet aspect, ce n'est pas en raison de craintes quelconques. Nous sommes favorables à l'énergie nucléaire et nous croyons qu'elle devrait faire partie de l'équation. Nous savons tous que l'énergie nucléaire est une solution extrêmement coûteuse qui n'est applicable qu'aux villes ou aux collectivités d'une certaine taille.

Nous reconnaissons également que sur le plan politique, l'énergie nucléaire est l'un des enjeux dont les gens veulent parfois éviter de parler à tout prix. Nous avons vu ce qui s'est produit en Allemagne après le séisme au Japon. Le pays est passé d'un extrême à l'autre et brûle désormais plus de charbon. Savez-vous ce qu'on observe? De plus en plus de jeunes apportent un inhalateur à l'école.

Nous croyons aussi que par rapport à la question du nucléaire, les Canadiens devraient juger des activités nucléaires canadiennes en fonction du bilan de l'industrie plutôt qu'en fonction de ce qui se passe ailleurs. Le bilan du secteur nucléaire au Canada est impeccable et je pense qu'il faut lui accorder le bénéfice du doute.

Nous sommes favorables à l'inclusion du nucléaire dans l'équation. Il ne fait aucun doute pour nous qu'il a un rôle à jouer dans le passage à un environnement plus sain. Je pense que nous avons la chance de pouvoir miser sur cette énergie, sur l'hydroélectricité et les énergies renouvelables.

Le sénateur Mockler : Ma dernière question s'adresse à M. Toner. Êtes-vous favorable à une deuxième centrale nucléaire au Canada atlantique?

M. Toner : En Nouvelle-Écosse, des lois interdisent la construction et l'exploitation de telles centrales. Comme je l'ai indiqué plus tôt, nous avons une collaboration continue et croissante avec Énergie NB et nous sommes heureux qu'elle exploite une centrale très efficace. Évidemment, nous serions ouverts à l'idée s'il s'avérait que la prochaine centrale à construire dans la région devait être une centrale nucléaire.

Le sénateur Mockler : Monsieur Toner, vous avez indiqué que nous ne devrions pas créer des fardeaux supplémentaires. Pourriez-vous nous dire quels seraient les fardeaux que le gouvernement devrait éviter de créer, selon vous?

M. Toner : M. Kennedy en a également parlé. Nous croyons que nous avons déjà pris des mesures qui nous coûtent de l'argent, et ces coûts ont été refilés aux consommateurs. Ces mesures permettent d'atteindre les objectifs fixés par notre gouvernement provincial et, par l'intermédiaire d'accords d'équivalence, par le gouvernement fédéral.

À titre d'exemple, nous sommes d'avis qu'ajouter une taxe supplémentaire sur le carbone aux mesures que nous avons déjà prises n'entraînerait pas un changement important des habitudes de consommation, sauf si cette taxe était extrêmement élevée. Selon nous, l'adoption d'une loi dans nos provinces s'est avérée plus efficace. Cela a certes été difficile au début, mais une fois que nous avons compris comment réussir à la mettre en œuvre, nous avons obtenu une certitude qui nous permet d'investir. Nous avons investi, pas seulement dans nos propres installations, mais aussi chez les principaux producteurs indépendants d'énergie, notamment, et dans les importations. Nous n'essayons pas de tout régler par nous-mêmes; en fait, nous essayons de le faire grâce à la collaboration dans notre région.

Nous considérons que nous faisons déjà ce qu'on attend de nous. Par conséquent, tout fardeau supplémentaire serait certainement refilé aux consommateurs et ne comporterait pas beaucoup d'avantages.

Le président : Merci. J'ai une brève question, et si vous n'avez pas la réponse, je vous prierai de l'envoyer à la greffière.

Vous avez indiqué que vous aurez besoin de 350 milliards de dollars pour les 20 prochaines années, si je me souviens.

M. Marchi : Oui; à partir de 2010, en fait.

Le président : Quelle serait l'incidence sur la tarification, en moyenne? Je n'aime pas nécessairement les moyennes, mais si vous utilisez ces 350 milliards de dollars, quelle sera leur incidence sur la tarification, en moyenne, dans l'ensemble du pays? Si vous pouvez répondre maintenant, ce serait formidable. Sinon, vous pourriez nous la fournir plus tard.

M. Marchi : Je devrais sans doute vous revenir là-dessus. Toutefois, je ne veux pas esquiver la partie de la question qui vise à savoir si cela entraînera un coût plus élevé pour le consommateur. La réponse est oui. C'est lié aux attentes des Canadiens à l'égard d'une source fiable d'électricité. En fin de compte, ce sont les consommateurs qui paient. La question est de savoir si le coût représente des avantages, si la solution est avantageuse.

L'autre aspect est de savoir quelles seront les conséquences si nous ne faisons pas les investissements proposés par le Conference Board du Canada; ce n'est pas notre chiffre, en passant. Le Conference Board du Canada en est arrivé au chiffre de 350 milliards au terme d'une étude. La question de savoir ce qui se passera si nous n'investissons pas. Je peux vous dire ce qui se passera dans 20 ans, dans 30 ans. Il y aura une augmentation du nombre de pannes généralisées et de pannes localisées; le réseau sera moins fiable. C'est en quelque sorte une question liée à deux volets, mais je n'ai pas de données sur la prévisibilité.

Devin, les avez-vous?

M. McCarthy : Oui, je crois. En 2013, l'Office national de l'énergie a estimé que la tarification dans l'ensemble du Canada — c'est donc une moyenne — augmenterait de 20 p 100 de 2013 à 2035, ce qui représente environ 1 p. 100 par année au cours de cette période.

Le président : Je vous demanderais de vérifier ce chiffre, pour que vous n'ayez aucun doute à ce sujet. Je comprends les conséquences de ne pas le faire. Je ne dis pas que nous ne devrions pas le faire. Ce n'est pas l'avis du comité. Je pense que nous comprenons très bien le problème et les enjeux. J'aimerais simplement connaître les coûts, ou du moins savoir quels seraient les coûts pour le consommateur final. Il s'agit de savoir quelles seront les conséquences pour monsieur et madame Tout-le-monde, car ce sont eux, enfin de compte, qui paient la facture.

M. Marchi : Actuellement, selon Statistique Canada, cela représente un montant de 3,59 $, en moyenne. C'est moins coûteux qu'aux États-Unis et en Europe. À 3,59 $ pour quelque chose d'indispensable, je pense que nous nous en sortons plutôt bien.

Le président : C'est le cas, en effet. Nous avons entendu ce qu'il en est en Allemagne, où on parle d'environ 0,43 $ pour le ménage moyen. L'autre pays où cela demeure élevé, le Danemark, a environ le même taux. Nous comprenons cela. La situation n'est pas idéale, là-bas. Nous nous en sortons bien, et nous en sommes conscients. Nous le savons. Nous voulons simplement savoir quels seront les coûts.

Merci beaucoup de vos exposés et de vos réponses. Nous vous en sommes reconnaissants.

Pour la deuxième partie de la réunion, nous poursuivons notre étude sur les effets de la transition vers une économie à faibles émissions de carbone. Nous avons le plaisir d'accueillir les représentants de la Canadian Biogas Association. Il s'agit de Mme Jennifer Green, la directrice générale, et de MM. Kevin Matthews et Donald Beverly, qui ont tous les deux un poste de directeur.

Veuillez présenter votre exposé; ensuite, nous passerons aux questions.

Jennifer Green, directrice générale, Canadian Biogas Association : Merci beaucoup, monsieur le président. Nous remercions le comité de nous donner l'occasion de témoigner aujourd'hui pour parler du biogaz en tant que solution pour aider le Canada à effectuer la transition à une économie à faibles émissions de carbone.

Vous avez présenté le président et le vice-président présent de notre organisme. Je vais me charger de l'exposé; ensuite, c'est avec plaisir que nous répondrons à vos questions, et vous pourrez les poser à tout membre de l'équipe, comme bon vous semble.

La Canadian Biogas Association joue le rôle de porte-parole collectif du secteur canadien du biogaz et vise à aider l'industrie du biogaz à atteindre son plein potentiel grâce à la capture et à la transformation de matières organiques de façon à maximiser l'utilité et la valeur inhérente de ces matières.

Nos membres proviennent de l'ensemble de la chaîne de valeur de ce secteur. Ce sont des agriculteurs; des municipalités; des propriétaires et exploitants privés de systèmes de biogaz; des fournisseurs de technologie et de consultants en technologie; des institutions financières; les établissements d'enseignement, des services publics exploitants; des acteurs de l'industrie des déchets et des producteurs de produits résiduaires organiques.

Mon exposé vise à vous faire comprendre trois choses. Premièrement, qu'est le biogaz, et quelle utilisation en fait- on? Deuxièmement, quelle quantité de biogaz génère-t-on actuellement et quel est son potentiel en tant que solution à faibles émissions de carbone? Troisièmement, quelle est la contribution de l'industrie du biogaz à l'économie à faibles émissions de carbone?

Dans le contexte de ces discussions, le Canada est tenu de réduire ses émissions de 300 millions de tonnes d'équivalent CO2 d'ici 2030. Le biogaz est une technologie éprouvée et compatible qui est utilisée dans l'ensemble du pays dans différents contextes et à divers degrés. Le biogaz a le potentiel de réduire les émissions de CO2 de 37,5 millions de tonnes par année, ce qui représente 10 p. 100 de l'objectif de réduction des GES du Canada.

Pour les Canadiens, le biogaz représente une solution polyvalente; il favorise la protection de notre environnement par la capture du méthane; il entraîne la création de sources d'énergie renouvelables, de nouveaux débouchés et l'élargissement des possibilités économiques. Pour y parvenir, il nous faut l'appui de politiques et de programmes qui favorisent l'optimisation de la disponibilité et de l'utilisation durable des sources de carbone.

Le biogaz est une source renouvelable de méthane produit par la décomposition de matières organiques dans un environnement dépourvu d'oxygène. On appelle ce processus biologique la digestion anaérobie. La composante principale du biogaz est le méthane, qui est également un élément clé du gaz naturel. Le biogaz peut-être raffiné pour en faire un gaz naturel renouvelable neutre en carbone pouvant se substituer au gaz naturel conventionnel.

Le biogaz est produit à partir de matières organiques. Comme vous le verrez à la page 4 du document, l'étude intitulée Canadian Biogas Study fait état de cinq sources de carbone dérivées des matières organiques issues de l'agriculture : le fumier provenant du bétail; les résidus de culture, les matières organiques de source résidentielle ou commerciale, c'est-à-dire les résidus de l'alimentation humaine avant consommation ou après consommation; les sites d'enfouissement et les biosolides provenant du traitement des eaux usées.

Le biogaz représente la solution idéale pour la gestion des sources de carbone, qu'il s'agisse de sous-produits de l'agriculture, de la transformation des matières organiques de source résidentielle ou commerciale triées à la source ou de la récupération des gaz d'enfouissement.

Comment utilise-t-on le biogaz? Un projet de biogaz peut être extrêmement spécialisé. On peut avoir une ou plusieurs sources de carbone ou avoir recours à un système intégré et multifonctionnel dans lequel on peut utiliser et traiter diverses matières pour ensuite les utiliser pour un éventail d'applications. Comme l'indique le graphique à la page 5, le biogaz est une source renouvelable de chauffage, d'électricité et de gaz naturel de qualité pipeline qui peut ensuite être utilisée dans les secteurs du transport, du chauffage domestique ou industriel ou encore à des fins commerciales et institutionnelles.

Il convient de souligner que pour de nombreuses entreprises, le biogaz peut être un système en boucle fermée qui leur permet de produire de l'énergie tout en recyclant des matières riches en nutriments.

Dans le cas du carburant utilisé dans les transports, le biogaz peut être transformé en gaz naturel renouvelable. Vous trouverez à la page 6 du document un exemple concernant les parcs de véhicules qui retournent périodiquement à leur base. Dans les graphiques, on voit que la conversion au gaz naturel comprimé entraîne une réduction d'environ 25 p. 100 des émissions par rapport au diesel ou à l'essence, ce qui représente une économie de plus de 30 p. 100 au diesel, en litres équivalents.

L'utilisation du gaz naturel comprimé renouvelable comme source de carburant entraîne une réduction des émissions d'environ 90 p. 100 par rapport au diesel ou à l'essence, pour à peu près le même prix. Un mélange de gaz naturel comprimé, ou GNC, et de 10 p. 100 de gaz naturel renouvelable — le GNR — permet de réduire les émissions d'environ 31 p. 100, mais comporte aussi d'autres avantages : utilisation des ressources locales, création d'emplois et recyclage des nutriments. Un mélange ayant une teneur de 10 p. 100 de gaz naturel renouvelable n'entraîne qu'une augmentation d'environ 5 ¢ le litre, surtout attribuable à la distribution. Actuellement, il n'existe aucune exigence quant à la teneur en gaz naturel renouvelable. C'est pourquoi nous recommandons une norme en matière de carburant de renouvelable.

Au Canada, on compte actuellement plus de 100 projets de biogaz en exploitation pour la production d'électricité renouvelable et de chauffage, et plus d'une dizaine d'usines de production de gaz naturel renouvelable réparties partout au pays.

La carte des projets canadiens que vous trouverez à la page 7 montre les centres névralgiques du secteur du biogaz. On y produit soit de l'électricité, soit du gaz naturel renouvelable. Ces centres sont concentrés en Colombie- Britannique, en Ontario et au Québec. Divers projets sont mis en œuvre par des exploitants agricoles, des municipalités et des entreprises du secteur privé.

Les technologies de digestion anaérobie sont des technologies éprouvées à empreinte écologique limitée; elles sont compatibles avec des installations existantes, comme les exploitations agricoles ou les usines de traitement des eaux usées, par exemple. Le biogaz permet aux Canadiens d'avoir de l'énergie lorsqu'ils en ont besoin; il s'agit d'une source accessible en tout temps. Le biogaz est une énergie souple et renouvelable dont la caractéristique unique est sa compatibilité avec diverses sources d'énergie. Le biogaz génère de l'énergie, peu importe les conditions climatiques. Il peut produire de l'électricité renouvelable et peut aussi être stocké dans les mécanismes d'alimentation en gaz naturel des systèmes de production de chauffage et d'électricité.

Le biogaz sous forme de gaz naturel renouvelable est un ajout important aux sources d'énergie offerte aux producteurs de biogaz. La production de GNR peut se faire de façon à satisfaire à toutes les normes techniques et à toutes les exigences du gaz naturel conventionnel. Le biogaz est donc tout aussi polyvalent et permet en même temps le recours aux infrastructures existantes.

À la page 10, toujours selon le document Canadian Biogas Study, on indique que l'ensemble du biogaz dérivé de sources de carbone pourrait satisfaire à environ 3 p. 100 de la demande en gaz naturel du Canada, ou à 1,3 p. 100 de la demande en électricité. Cette estimation vaut pour l'utilisation de toutes les sources de carbone.

Le biogaz permet de réduire les émissions de deux importants gaz à effet de serre, comme on l'indique à la page 9 : le dioxyde de carbone et le méthane. On obtient une réduction du dioxyde de carbone lorsqu'on utilise le biogaz pour remplacer les combustibles fossiles, comme le charbon, le diesel ou le gaz naturel, et lors de la capture du méthane pendant le processus de production du biogaz et de sa conversion en énergie.

L'étude a permis de découvrir que mises ensemble, les sources de biogaz ont le potentiel de réduire les émissions de GES du Canada de 37,5 millions de tonnes de CO2 par année, ce qui correspond au retrait de 7,5 millions d'automobiles de la circulation. Pour les Canadiens, cette solution représente plus de 10 p. 100 de l'objectif de réduction de 300 millions de tonnes de CO2 d'ici 2030.

Comme je l'ai indiqué plus tôt, l'utilisation du GNR dans le secteur du transport peut entraîner une réduction des émissions pouvant aller jusqu'à 90 p. 100 par rapport au diesel ou à l'essence.

On présente une autre façon d'aborder la réduction du méthane à la page 10, à l'aide d'un schéma qui illustre tous les secteurs où le biogaz peut avoir un instant sur la réduction des émissions de carbone comparativement aux conditions et aux pratiques actuelles.

Dans le cadre de politiques et de programmes de soutien, dans le premier scénario, le biogaz réduit le méthane biosynthétique des émissions de gaz d'enfouissement fugitives. Dans le deuxième, il réduit le méthane biosynthétique du stockage des fumiers. Dans le troisième scénario, il remplace les émissions de CO2 d'origines fossiles découlant de la combustion de gaz naturel pour la production d'électricité par des émissions de CO2 biosynthétique neutre en carbone produites par l'électricité renouvelable.

Dans le quatrième scénario, il remplace les émissions de CO2 d'origines fossiles produites par la combustion de gaz naturel pour la production de chaleur par du CO2 biosynthétique neutre en carbone provenant du chauffage renouvelable. Dans le cinquième scénario, il remplace les émissions de CO2 d'origines fossiles produites par la combustion de diesel dans le secteur des transports par des émissions de CO2 biosynthétique neutre en carbone provenant du gaz naturel renouvelable.

Dans cette page, le message principal à retenir, c'est qu'il existe différentes façons dont le biogaz peut réduire les émissions de méthane ou différents moyens de remplacer d'autres carburants à fortes émissions de carbone par des solutions faibles en carbone. Dans certains cas, le biogaz réduit les émissions de GES de plus de 100 p. 100, par rapport à la valeur de base associée aux combustibles fossiles.

Donc, de quelle façon l'industrie du biogaz favorise-t-elle une économie à faibles émissions de carbone au Canada et en quoi est-elle profitable aux Canadiens? Les projets de biogaz fournissent de la valeur ajoutée aux Canadiens, tel qu'on l'indique à la page 11. En plus de la réduction de l'émission de méthane, des possibilités d'énergie renouvelable et des solutions de gestion des déchets, comme on l'a déjà mentionné, le biogaz offre des avantages économiques et sociaux aux Canadiens, et il en est question à la page 12.

Le biogaz joue de nombreux rôles importants dans les économies locales : investissements en innovation, avancées dans les technologies propres, participation des jeunes, création d'emplois, et cetera. Si son potentiel est concrétisé au maximum, l'exploitation du biogaz pourrait se traduire par 1 800 projets de construction distincts représentant des investissements en capital de 7 milliards de dollars et des retombées économiques de 21 milliards de dollars dans l'économie canadienne; la création de près de 17 000 emplois dans le secteur de la construction sur une période d'un an, et de 2 650 emplois à long terme; l'appui à 100 nouvelles entreprises ou entreprises en expansion, dont des concepteurs de système de biogaz, des fournisseurs de matériel et des laboratoires.

Que peuvent faire conjointement l'industrie du biogaz et le gouvernement pour aider le Canada à avoir une économie à faibles émissions de carbone? Nous avons déjà indiqué sur la carte les groupes de projets qui ont été élaborés. Les provinces qui ont adopté des politiques et des programmes de soutien ont montré la mesure dans laquelle elles utilisent le biogaz. À la page 13, on retrouve des politiques clés qui ont été adoptées au Canada et aux États-Unis. Un éventail de démarches a favorisé la croissance du secteur du biogaz, dont l'adoption de règlements, de politiques, de taxes et de mesures incitatives. Chaque province a mis en œuvre différents mécanismes et outils qui contribuent à la croissance du secteur du biogaz.

Voici des exemples concrets : réglementation sur le plafonnement et l'échange; protocoles de compensation; interdiction de matières organiques dans les sites d'enfouissement; politiques appuyant des initiatives visant à contrer les changements climatiques et mesures complémentaires; tarif de rachat garanti en Nouvelle-Écosse et en Ontario; subventions d'équipement au Québec et en Ontario; et fonds d'innovation comme en Alberta, qui a mobilisé desacontributions publiques et des investissements privés.

Comme les provinces canadiennes, les États-Unis ont mis en œuvre des programmes, dont des normes en matière d'énergie renouvelable pour l'électricité, des normes pour les carburants renouvelables et des normes sur les combustibles pauvres en carbone pour le gaz naturel renouvelable pour le transport en Californie. Les États-Unis pourraient profiter des projets canadiens, mais aux dépens de la capacité du Canada à atteindre ses propres objectifs de réduction de l'empreinte carbone de façon efficace. Sans l'appui de politiques et de programmes, il n'y aura pas de projet de biogaz. Il faut faire davantage pour favoriser la croissance du secteur. La Canadian Biogas Association aimerait collaborer avec les gouvernements provinciaux et fédéral pour établir des conditions dans lesquelles des sources de carbone optimisées seraient disponibles pour la récupération de l'énergie et des ressources.

Comme mentionné à la page 14, nous croyons que cela peut se concrétiser par la modification du Règlement sur les carburants renouvelables pour y inclure le gaz naturel renouvelable comme un carburant admissible, de façon similaire à ce que l'on retrouve dans la norme pour les carburants renouvelables américaine. Il serait logique que le Canada harmonise ses règles avec celles de l'EPA aux États-Unis dans le cadre de ses efforts. Nous constatons déjà que les ministères fédéraux canadiens sont disposés à prendre des mesures, notamment celles qui suivent : mandats pour optimiser l'utilisation des sources de carbone et la production de gaz naturel renouvelable afin de rendre l'offre de gaz naturel plus écologique; reconnaissance et valorisation de la réduction des émissions de méthane grâce au biogaz par la tarification du carbone; protocoles de compensation et investissements en innovation ciblés; et intégration du biogaz et du gaz naturel renouvelable aux stratégies énergétiques et climatiques du Canada.

Le biogaz est une solution gagnante pour les Canadiens. Il favorise une économie à faibles émissions de carbone. Le biogaz offre des mesures immédiates permettant d'apporter une contribution de 10 p. 100 de la cible ambitieuse de réduction des émissions de GES de 300 millions. En axant ses efforts sur le carbone, le Canada est bien placé pour créer les conditions qui permettront aux producteurs et aux consommateurs de biogaz de tirer parti de ce carburant pauvre en carbone.

Monsieur le président, je vous remercie beaucoup de m'avoir donné l'occasion de présenter un exposé. Je serai ravie de répondre à n'importe quelle question.

Le sénateur Massicotte : Je vous remercie de votre exposé. Vous avez dit que 70 p. 100 de vos sources de biogaz sont agricoles. S'agit-il des possibilités ou bien de la proportion actuelle de vos sources?

Mme Green : Cette donnée tirée de l'étude représente le potentiel provenant de toutes les sources agricoles. Les études montrent la valeur totale du fumier du bétail, en plus d'autres résidus de cultures qui pourraient être pris en considération. C'est 50 p. 100 du total. C'est un chiffre très prudent, mais cela n'inclut pas les cultures spécialisées. Il s'agit d'un chiffre très prudent et c'est le potentiel prévu.

Le sénateur Massicotte : Est-ce une donnée valable? Je vois difficilement comment on peut facilement capter le biogaz de sources agricoles. Comment procède-t-on et de quelle façon atteint-on une si grande proportion?

Mme Green : Pour ce qui est de la facilité avec laquelle on peut faire le captage de cette matière, il s'agit d'examiner le total et d'être en mesure de mettre un chiffre prudent.

Kevin Matthews, directeur, Canadian Biogas Association : Il n'est pas très difficile de capter les matières parce qu'elles sont disponibles dans toutes les exploitations agricoles de nos jours. Elles ne s'en servent pas du tout. Elles les remettent dans les champs, par exemple. La valeur énergétique qui y est liée n'offre pas suffisamment d'incitatifs pour s'en servir afin de produire de l'énergie. Nous les avons, et nous ne les utilisons tout simplement pas.

Le sénateur Massicotte : Si l'on compare cela à l'exploration pétrolière potentielle, dans le Nord par exemple, il est possible qu'une grande quantité de pétrole se trouve dans le sol, mais lorsqu'on fait les calculs, c'est fondé sur le prix actuel. Voici la quantité que nous avons. Dans le cas des sources, que devient cette donnée? Est-ce 10 p. 100? S'agit-il d'une source importante? Pour les sources posant des difficultés, rien n'incite à changer la méthode actuelle. Que fait- on dans ce cas?

Mme Green : Vous avez raison. Il est impossible que toutes les applications soient en mesure de mettre en place ces types de technologies afin de pouvoir utiliser leurs matières pour le processus de digestion anaérobie. On parle vraiment d'une estimation prudente qui a été examinée généralement concernant la matière disponible. L'étude portait sur la base pour ce qui est de la matière existante et sur ce qui pourrait être utile concernant son application.

Le sénateur Massicotte : Chaque province a ses politiques visant essentiellement à encourager les gens à être plus écologiques et efficaces. Sur le plan financier, votre processus est-il réalisable dans le cadre des règlements actuels? Est- ce rentable? Les gouvernements doivent-ils prendre d'autres mesures incitatives pour que vous puissiez atteindre vos objectifs ambitieux?

Mme Green : Les provinces qui ont adopté des politiques et des programmes de soutien développent le secteur du biogaz. À notre avis, pour que le biogaz continue de croître, ces programmes, règlements et lois doivent être mis en place pour créer les conditions qu'il faut, de sorte qu'il y ait des investissements, de la fiabilité et une voie à suivre pour la favoriser la croissance. Ces programmes contribuent à soutenir l'industrie; sans eux, les choses ne seraient pas au point où elles en sont présentement.

La sénatrice Seidman : Je vous remercie beaucoup de votre exposé.

Nous ne savons probablement pas grand-chose sur ce type de processus pour le gaz naturel renouvelable, par exemple. C'est très intéressant. À Terrebonne, au Québec, on convertit du gaz d'enfouissement en gaz naturel. À la fin avril, il y a eu une annonce importante à Saint-Hyacinthe. Cette usine allait détourner les déchets organiques résidentiels et les déchets provenant d'usines locales de transformation des aliments des sites d'enfouissement parce que la province avait dit qu'elle allait bannir l'enfouissement des déchets organiques à partir de 2020. Il s'agit donc d'un levier énorme permettant à la province de déterminer comment procéder.

Nous ne sensibilisons pas beaucoup la population à ces questions, mais je sais que d'autres pays utilisent cette démarche visant à utiliser les déchets organiques afin de régénérer de l'énergie dans leurs collectivités.

C'est très novateur ici, mais ce ne l'est peut-être pas autant ailleurs. Avez-vous utilisé des modèles d'autres pays pour concevoir votre approche et vos plans? Vous dites que pour concrétiser le potentiel de l'exploitation du biogaz au maximum, il faut des investissements en capital de 7 milliards de dollars. Sur quels modèles vous basez-vous?

Donald Beverly, directeur, Canadian Biogas Association : En fait, je vais utiliser les deux exemples que vous avez donnés. L'usine de Terrebonne est un site international. Il s'agit du plus grand site d'enfouissement dans le monde qui utilise 100 p. 100 des déchets de la région de Montréal, et tout cela est exporté aux États-Unis parce qu'il n'y a aucun marché au Québec en appui au projet.

Il y a des marchés viables aux États-Unis — en particulier en Californie — qui rendent cela intéressant, et ces marchés existent simplement parce qu'il y a un mandat visant à ce que leur approvisionnement en carburant contienne des ressources renouvelables. C'est un marché très attrayant pour eux.

Le projet de Saint-Hyacinthe fait aussi partie d'un mandat, mais parce qu'il reçoit une subvention — deux tiers du capital pour la construction de l'équipement —, tout le gaz doit être consommé au Québec. C'est également un projet intéressant : il s'agit du deuxième projet de digesteur concernant la matière organique séparée à la source en importance dans le monde. Nous avons deux grands gagnants, mais ils doivent vendre le gaz au Québec et ne peuvent le vendre qu'à Gaz Métro. Gaz Métro a les mains liées sur le plan de ce qu'il peut payer pour le gaz, et c'est juste assez pour couvrir les coûts parce qu'aucune valeur renouvelable n'est attribuée pour faire cela.

Pour revenir à votre question sur les modèles dans le monde, s'il y a un mandat, il y a des marchés; si aucun mandat n'existe, c'est difficile.

La sénatrice Seidman : Bien sûr, au Québec, on a le mandat parce que nous ne pouvons plus envoyer de déchets organiques dans les sites d'enfouissement, mais il faut que ce soit consommé au Québec.

M. Beverly : Au bout du compte, ce qui se passerait, c'est que les contribuables devraient couvrir toute perte subie par les installations de Saint-Hyacinthe, le cas échéant. Comme je l'ai dit, il s'agit du deuxième digesteur pour l'injection en importance dans le monde. Il y a un certain nombre d'autres projets au Québec — Beauharnois et Montréal — et ils sont tous de moins grande envergure. Ils seront tous confrontés à des difficultés quant à la façon de couvrir les coûts parce qu'ils ne peuvent pas exporter vers des marchés viables.

S'il y avait un marché viable — s'il y avait une règle sur le contenu renouvelable pour le gaz ou une norme sur les carburants renouvelables, ce serait un marché plus petit —, ce qui obligerait les services de gaz à acheter le gaz à un juste prix, alors ce serait plus intéressant.

La sénatrice Seidman : S'agit-il d'un rôle pour les organismes de réglementation?

M. Beverly : Les organismes de réglementation ne peuvent intervenir que sur ce qu'indique la loi. Si la loi stipule qu'il doit s'agir de 5 p. 100 de gaz naturel renouvelable, on demandera aux services publics leurs plans d'acquisition.

La sénatrice Seidman : C'est donc un rôle que nous avons en tant que législateurs?

M. Beverly : Absolument.

M. Matthews : Dans un projet comme celui de Terrebonne, ce qui est vraiment scandaleux, c'est que l'ensemble des déchets canadiens sont envoyés dans les sites d'enfouissement, mais les Américains tirent tous les avantages des caractéristiques environnementales qui y sont liées, ce qui s'ajoute alors que essayons d'atteindre nos cibles. C'est notre matériel, mais c'est eux qui en tirent l'avantage, et ce n'est pas bon.

Nous produisons beaucoup de matières organiques, qui peuvent être transformées, et c'est malheureusement la situation du marché aujourd'hui; dans la plupart des endroits, il est plus avantageux sur le plan économique d'envoyer les déchets dans le site d'enfouissement que de les convertir en source d'énergie. Il faut que cette situation change.

La sénatrice Seidman : En tant que citoyens, nous devons exiger que notre gouvernement présente des mesures qui imposent 5 p. 100 pour le contenu renouvelable concernant le gaz naturel, par exemple. Cela rendrait les acteurs pertinents responsables et nous ne devrions pas l'envoyer aux États-Unis.

M. Matthews : Oui.

La sénatrice Seidman : Merci.

Le sénateur Massicotte : Concernant le dernier point, n'y a-t-il pas une taxe sur le carbone ou une tarification du carbone dans la plupart des provinces? On pourrait soutenir que, vraiment, les matières sont envoyées dans les sites d'enfouissement. Ils payent pour cela, non?

M. Beverly : Non. La taxe sur le carbone ne s'applique pas au gaz d'enfouissement. Les grands sites doivent capter le gaz et le brûler. Les petits ne le font pas, de sorte que le méthane s'échappe dans l'atmosphère et contribue au 20 p. 100 des émissions de méthane, celles provenant des sites d'enfouissement, et aucune mesure n'est prise à cet égard.

La sénatrice Johnson : Comme nous l'avons dit, au Canada, il y a une multitude d'applications potentielles pour le biogaz, notamment les sites d'enfouissement, les usines municipales de traitement des eaux usées, les exploitations agricoles, le secteur des pâtes et papiers et le secteur des aliments et des boissons et, dans ma province, le secteur de la pêche. Qu'en est-il des entrailles de poissons du lac Winnipeg pour lesquelles il semble que personne ne paie pour la transformation pour de meilleures utilisations biologiques?

J'aimerais vraiment savoir combien d'installations de biogaz mènent des activités au Canada actuellement. Quel est le type le plus courant d'installations de biogaz? Lequel est le plus prometteur sur le plan de la production de biogaz et pourquoi? Quelle est la proportion de sites d'enfouissement ayant le potentiel de produire du biogaz? Je crois que les gens n'en ont pas la moindre idée au Canada. C'est mon cas.

Mme Green : Je crois que vous avez raison. La technologie existe et elle est utilisée. La façon dont le biogaz a été intégré partout au Canada, encore une fois, dépend grandement de la forme que prennent les programmes dans les provinces.

Par exemple, en Colombie-Britannique, nous constatons que FortisBC offre l'occasion aux installations de fournir du gaz naturel renouvelable au système, et c'est un programme volontaire. Il y a donc des installations là-bas où l'on peut capturer la matière carbonée et créer du gaz naturel renouvelable.

En Alberta, on utilise une quantité importante de biogaz pour produire de l'électricité. Nous constatons que c'est utilisé en majeure partie sur des exploitations agricoles qui intègrent différents types de produits alimentaires combinés à leurs matières de source agricole.

En Ontario, nous voyons beaucoup d'applications dans le secteur agricole et dans une installation qui ramasse toutes les matières organiques séparées à la source dans la région de Toronto, et cette installation est également active.

Au Québec, encore une fois, il y a beaucoup plus de gaz naturel renouvelable maintenant. Ce n'est pas autant pour ce qui est du côté agricole.

En tout, il y a environ 100 établissements en exploitation au Canada, et près d'une douzaine pour ce qui est du gaz naturel renouvelable.

Nous avons donc ici des installations qui produisent actuellement de l'énergie, mais elles se développent surtout grâce aux programmes provinciaux qui leur donnent des moyens.

M. Beverly : Puis-je ajouter quelque chose?

La sénatrice Johnson : Je vous en prie, pourvu que cela concerne ce qui est prometteur pour la production de biogaz.

M. Beverly : Tous les sites d'enfouissement produisent du biogaz — même ceux qui sont fermés —, même qu'ils continuent d'en émettre des dizaines d'années après leur fermeture. Il y a environ 12 sites où les émissions sont captées et utilisées, et le Canada en compte des centaines.

La sénatrice Johnson : Pourquoi en est-il ainsi?

M. Beverly : C'est parce que cela coûte moins cher de laisser le gaz s'échapper dans l'atmosphère.

La sénatrice Johnson : Mais dans ma province, le Manitoba, il se déverse dans le lac par lixiviation. Que ce soit à cause du fumier ou des entrailles de poisson que les pêcheurs laissent sur le sol, tout le gaz se retrouve dans l'eau.

M. Beverly : Rien n'incite les gens à le capter.

La sénatrice Johnson : Je comprends, mais je me demande comment nous pouvons essayer d'en capter davantage. Il faudrait aussi mener une campagne de relations publiques, bien entendu. Ce serait nécessaire.

M. Matthews : Selon des chiffres empiriques, notre population produit environ une tonne de déchets par personne d'un bout à l'autre du pays, et environ 30 p. 100 de ces déchets sont de nature organique, ce qui équivaut à 10 millions de tonnes de déchets organiques. Le volume de gaz produit varie en fonction de la matière, mais il est d'environ 100 mètres cubes par tonne, c'est-à-dire 100 mètres cubes par tonne de matière organique.

C'est à peu près la même chose pour ce qui est des gaz à effet de serre. Chaque tonne de matière utilisée pour la digestion et pour la production d'énergie permet de réduire les réductions d'émissions de gaz à effet de serre d'environ une tonne.

Ce n'est pas une panacée, mais une des solutions au problème. Cela fait partie du tout et permet à tous les Canadiens de participer, car nous sommes tous individuellement à l'origine de cette matière. Nous ne trouvons tout simplement pas de moyen d'en tirer parti, ce qui a tendance à être une occasion manquée. Nous payons tous à la pompe, nous payons notre facture d'électricité et tout le reste, et nous nous sentons captivés par tout cet exercice. La participation à l'atteinte de nos cibles de réductions donne aux gens quelque chose à faire.

Le sénateur Mockler : Au Nouveau-Brunswick, nous avons Laforge Bioenvironmental, qui carbure au biogaz. Avez- vous visité l'entreprise?

Mme Green : Oui.

Le sénateur Mockler : Comment classeriez-vous cette entreprise au Canada?

Mme Green : Il s'agit de grandes installations dans une exploitation agricole. Je pense qu'on peut y produire jusqu'à 1,2 mégawatt d'électricité. Ce sont des installations de taille. Ce que nous avons vu, c'est la communauté agricole, les agriculteurs, prendre des mesures novatrices pour diversifier leurs activités, pour tenir compte de la contribution de l'agriculture aux émissions de gaz à effet de serre et pour y donner suite. Ces installations seraient représentatives d'un petit nombre de fermes compte tenu de la taille de l'exploitation, qui correspond davantage à celle d'un grand nombre d'exploitations en Alberta.

Le sénateur Mockler : J'ai écouté attentivement votre exposé. Quel est le type le plus courant d'installations de biogaz que nous devrions encourager?

Mme Green : Je pense que c'est un mélange de toutes ces installations, car nous pouvons regrouper certaines sources de matière organique à notre disposition. Nous avons parlé des sites d'enfouissement. Nous avons parlé des exploitations agricoles. On peut chercher des moyens de faire une digestion commune ou de mélanger certaines de ces matières organiques.

Quand on cherche des moyens de réduire les émissions de gaz à effet de serre, je pense qu'il faut tenir compte des diverses applications du biogaz — dans de nombreux secteurs, pas nécessairement un seul. On pourrait donc regrouper ces sources d'émission en vue d'en faire un carburant.

Le sénateur Mockler : C'est la solution qui a été adoptée dans l'Ouest du Nouveau-Brunswick, où nous avons des déchets et du fumier provenant d'une production massive de produits laitiers, de porcs et de patates. Dans le Canada atlantique, les gens ont Laforge comme modèle pour aller de l'avant. Pour alimenter le réseau électrique, nous devrions être un peu plus précis et ne pas seulement dire de façon générale ce qu'il faut faire avec le biogaz.

Le sénateur Patterson : Je viens du plus grand territoire au Canada, qui englobe 20 p. 100 des terres du pays, sur lesquelles se trouvent 25 collectivités en pleine croissance. La population totale est d'à peu près 37 000 habitants.

Je sais que vous êtes ici pour parler de différentes applications possibles du biogaz à grande échelle. C'est très excitant, mais je me pose une question, car nos petites collectivités payent cher pour transporter par camion des déchets solides et liquides des maisons jusqu'aux sites d'enfouissement ou jusqu'à des bassins d'eaux usées très primitifs. Pouvez-vous me dire s'il y a des moyens viables à petite échelle de convertir le biogaz en énergie de remplacement.

C'est ce qui est fait en Inde ou en Afrique, et je me suis souvent demandé s'il était possible d'utiliser le biogaz à petite échelle dans des collectivités rurales isolées où il fait froid, comme celles que je représente.

M. Matthews : La réponse est oui; cela s'en vient. En général, les technologies sont habituellement utilisées à grande échelle au début afin de réaliser des économies d'échelle et ainsi de suite.

J'ai passé de nombreuses années dans le milieu, et on me demande toujours des choses comme : « Avez-vous quelque chose à me proposer? » Je parle des petites collectivités. En général, voici ce que je réponds : « Non, nous n'avons rien. » Toutefois, à mesure que le temps passe et que les technologies se développent partout dans le monde, des applications plus faciles à gérer et plus pratiques, comme celles dont vous parlez, sont créées.

Il faut que l'industrie se développe et innove. À mesure que des fonds sont investis par l'entremise des différents programmes — que ce soit des programmes liés aux normes relatives aux carburants renouvelables ou des normes en matière d'énergie renouvelable; je crois que l'Ontario, par exemple, essaie d'amasser des fonds destinés à l'innovation —, les technologies seront adaptées afin que nous puissions les utiliser à plus petite échelle. Cela s'en vient, et le soutien financier accélérera le processus.

Le sénateur Patterson : À la rencontre de Vancouver, je pense qu'on a parlé d'un fonds pour une économie à faibles émissions de carbone. Pensez-vous que le gouvernement fédéral pourrait avoir un rôle à jouer dans la promotion du biogaz au moyen d'initiatives comme celle-là et dans les efforts qui pourraient être déployés pour utiliser ces technologies à plus petite échelle?

Mme Green : Tout à fait. Je pense qu'il a un rôle à jouer, et nous avons énuméré quelques recommandations en ce sens. Je pense que d'autres personnes ont fait allusion à l'extrême importance de l'éducation et de la sensibilisation.

Il serait sans aucun doute avantageux pour nous tous d'être en mesure d'intégrer en tant qu'options le biogaz et le gaz naturel renouvelable aux stratégies énergétiques et aux stratégies de lutte contre les changements climatiques déployées par le Canada. La reconnaissance de cette technologie doit également être assortie d'un soutien financier nécessaire — comme Kevin y a fait allusion — pour que nous allions de l'avant.

Le sénateur MacDonald : Merci de votre exposé. Je dois dire que je trouve cela très intéressant. Au cours des dernières années au comité, je suis un de ceux qui ont observé la façon dont les politiciens et les gouvernements se sont conduits en s'empressant d'investir dans l'énergie solaire et l'énergie éolienne sans s'être vraiment penchés sur les répercussions financières à long terme et leur efficacité sur le plan financier.

Quand on parle de déchets que nous pouvons utiliser et qui ne servent à rien d'autre, il me semble qu'il est beaucoup plus avantageux d'emprunter cette voie. Nous savons que les chiffres pour le pays indiquent que le pourcentage de l'énergie qui est produite grâce au soleil ou au vent est relativement faible lorsque nous tenons compte des montants investis.

Comme pour toute technologie, plus on investit, plus la production est élevée, ce qui fait habituellement baisser le prix. Combien d'argent avez-vous investi d'un bout à l'autre du pays dans cette technologie comparativement à ce qui a été investi, disons, dans l'énergie solaire ou l'énergie éolienne? Quelle est la part de chaque dollar investi qui est destinée à l'énergie solaire ou éolienne?

Mme Green : Une fois de plus, le coût total des programmes mis en œuvre n'a pas été calculé. Nous pouvons examiner cela et vous revenir là-dessus. Vous allez sans aucun doute voir cette corrélation. On n'a pas investi autant dans le biogaz, ce qui signifie que les programmes qui ont été conçus misaient sans aucun doute davantage sur les autres énergies renouvelables. Je pense qu'un changement à cet égard donnerait certainement un élan à cette industrie, et les Martha et Fred de ce monde lui réserveraient un meilleur accueil étant donné qu'ils savent qu'ils font partie de la solution. Le biogaz a cet avantage net.

Le sénateur MacDonald : À part les sites d'enfouissement, cette technologie est-elle principalement rurale? Est-ce une chose qui se fait surtout dans les régions rurales pour alimenter en énergie les collectivités?

Mme Green : En plus de l'énergie produite, la digestion anaérobie donne également un sous-produit : le digestat. Si vous utilisez une source de carbone, vous en obtiendrez une autre, et cette matière est recyclée et peut servir d'engrais et d'amendement pour les sols. À cet égard, il y a un lien étroit avec les régions rurales. C'est pour cette raison que cela s'harmonise bien avec les applications agricoles.

La Ville de Toronto a un établissement sur son territoire. Le caractère adaptable de ce genre de technologies fait en sorte qu'elles peuvent être intégrées à plus petite échelle que d'autres technologies et qu'il est possible de capter et de maîtriser de manière très sensible les odeurs. Nous pouvons construire ces installations à proximité de ce que nous appelons les « matières premières », c'est-à-dire les matières organiques, ce qui signifie que nous pouvons intégrer les installations à l'endroit où se trouve la source des matières.

Le sénateur MacDonald : Quelle est la grande biomasse la plus commune ou quel est le produit de biomasse qui est peut-être le plus sous-exploité ou le plus sous-utilisé à l'heure actuelle?

M. Beverly : C'est la biomasse forestière. Comme elle ne produit pas de biogaz, cela ne touche pas tant notre domaine. Toutefois, elle permet d'obtenir le même type de produit, c'est-à-dire le gaz naturel renouvelable, ou elle peut servir à produire de l'électricité. C'est la plus grande. Il y a ensuite les sites d'enfouissement, mais ce sera de moins en moins vrai au fil des décennies étant donné que nous réduisons la quantité de déchets organiques qui s'y retrouvent. Ce qui augmentera, ce sont les matières organiques triées à la source par les municipalités, comme ce qui se fait aux installations situées à Toronto, que Jennifer vient de décrire. Il y aura ensuite toujours les matières agricoles, dont le traitement est moins centralisé. C'est toujours à plus petite échelle. Il est difficile de les traiter au même endroit; cela se fait donc à plus petite échelle. C'est une source plus importante de matière, mais il est plus difficile de l'obtenir.

Le président : Cela met fin aux questions, mais j'en ai deux ou trois autres, si vous le permettez.

Les provinces productrices de gaz naturel et le gouvernement fédéral mènent actuellement un projet en vue de déterminer comment les émanations fugitives de gaz peuvent être captées dans le système — aux valves et à d'autres endroits semblables. Nous savons que le méthane qui se retrouve directement dans l'atmosphère crée quatre fois plus de gaz à effet de serre que s'il était brûlé. Pour essayer de le capter ou pour colmater ces fuites, il est logique de se pencher sur les émanations fugitives de gaz. C'est la même chose pour ce qui est des sites d'enfouissement : les émanations de méthane se retrouvent directement dans l'atmosphère.

Avez-vous communiqué avec la ministre ou le ministère de l'Environnement, ou le ministère de l'Environnement et de l'Action en matière de changement climatique, pour voir si vous pourriez participer au processus de captage de gaz aux sites d'enfouissement?

M. Beverly : Les émissions de gaz dont vous avez parlé dépassent la portée de nos activités. C'est la responsabilité de l'industrie pétrolière et gazière. Je pense qu'elles représentent 43 p. 100 de l'ensemble des émissions de méthane. Les sites d'enfouissement sont à l'origine de 20 p. 100 des émissions de méthane, et le fumier, de 8 p. 100. À l'heure actuelle, il n'existe que peu de mécanismes efficaces pour essayer de capter ce qui représente environ 28 p. 100 des émissions pouvant contribuer à la production de biogaz. Un mécanisme utilisé dans le cadre du système de plafonnement et d'échange au Québec pourrait permettre de multiplier par 21 chaque tonne de méthane capté pour réduire vos émissions de CO2 au moyen de crédits compensatoires. Cela existe sur papier, mais il n'existe actuellement aucun projet étant donné que c'est trop compliqué.

Le président : Permettez-moi de revenir à la question. L'industrie pétrolière et gazière et Environnement Canada ont entrepris des démarches visant à déterminer comment réduire les émissions fugitives de gaz dans le système étant donné qu'il s'agit de méthane qui se retrouve directement dans l'atmosphère.

Existe-t-il un lien que vous pourriez établir à cette fin avec l'industrie pétrolière et gazière ou le ministère de l'Environnement pour intégrer le gaz des sites d'enfouissement, car il s'agit d'émissions de méthane qui se retrouvent directement dans l'atmosphère? Pourriez-vous établir un tel lien ou y avez-vous pensé?

Mme Green : Nous n'étions pas au courant de ces démarches. C'est une chose sur laquelle nous pourrions sans aucun doute nous pencher pour comprendre la portée des travaux effectués et déterminer comment un lien pourrait être établi dans le but de mettre à contribution notre technologie.

Le président : À mon avis, vous pourriez le faire assez facilement par l'entremise de l'ACPP, l'Association canadienne des producteurs pétroliers.

Vous dites que les réductions annuelles de gaz à effet de serre pourraient se chiffrer à 37,5 millions de tonnes. Vous dites ensuite que cela pourrait mener à 1 800 projets de construction distincts représentant des investissements en capital de 7 milliards de dollars et des retombées économiques de 21 milliards de dollars dans l'économie canadienne. Aurais-je raison de supposer que l'adoption de règles — peu importe comment vous êtes arrivés au chiffre de 7,35 millions de dollars — créerait ce genre d'activités économiques; aurais-je raison de m'attendre à de telles retombées?

Mme Green : Oui, vous auriez raison. C'est ainsi qu'il faut interpréter les chiffres.

Le président : Si vous alliez de l'avant, quel serait le coût par tonne? Disons que toutes les règles étaient mises en place. Vous avez sûrement prévu certaines règles, quelque chose pour arriver à ces chiffres. Dans l'affirmative, qu'est-ce que cela coûterait par tonne? Si vous n'avez pas ce chiffre...

M. Beverly : Je peux répondre parce que je connais davantage ce qui se rapporte au gaz. Je suis certain que nous pourrions le transposer.

La production de gaz naturel renouvelable coûte environ 7 $ de plus par gigajoule que la production de gaz naturel normal, ce qui correspond à environ 140 $ par tonne de dioxyde de carbone.

Le président : La réponse me convient. La dernière brève question concerne les sites d'enfouissement du Canada au Québec. Vous en avez parlé plus tôt. La province a commencé à vendre du gaz naturel renouvelable à la Californie en 2015. Comment le transportez-vous du Québec à la Californie?

M. Beverly : Des contrats sont signés sur le marché. Le gaz est actuellement consommé au Québec.

Le président : Vous le transportez en vous servant de gazoducs existants.

M. Beverly : Il est consommé au Québec. Une taxe sur le carbone est payée comme s'il s'agissait de gaz naturel, mais le gaz est vendu sur le marché, compte tenu du réseau continental, à l'aide de contrats.

Le président : La Californie le déclare, mais il est brûlé au Québec, n'est-ce pas?

M. Beverly : Oui.

Le président : Merci beaucoup de vos exposés. Je vous en suis reconnaissant.

(La séance est levée.)

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