Aller au contenu
MDRN - Comité spécial

Modernisation du Sénat (spécial)

 

Délibérations du Comité sénatorial spécial sur la
Modernisation du Sénat

Fascicule n° 16 - Témoignages du 14 février 2018


OTTAWA, le mercredi 14 février 2018

Le Comité sénatorial spécial sur la modernisation du Sénat se réunit aujourd’hui, à 12 h 4, pour étudier une ébauche de rapport sur les façons de rendre le Sénat plus efficace dans le cadre constitutionnel actuel.

Le sénateur Stephen Greene (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Mesdames et messieurs, bienvenue à la séance du Comité sénatorial spécial sur la modernisation du Sénat. Je rappellerai à mes collègues que cette séance est publique, même si nous examinons une ébauche de rapport. Il s’agit, comme je l’ai souligné précédemment, d’une idée moderne qui permettra aux Canadiens et aux Canadiennes d’avoir un meilleur accès à nos délibérations et de vraiment comprendre le travail que nous accomplissons. Comme je l’ai indiqué, nous étudions aujourd’hui une ébauche de rapport.

Avant de commencer, je tiens à vous informer que M. Gary Levy, qui a témoigné devant nous dans le cadre de notre étude sur le système de Westminster et qui est même cité dans l’ébauche de rapport que nous étudions aujourd’hui, est décédé hier soir après un bref combat contre le cancer. Il est peut-être bien connu des sénateurs et du personnel, ayant travaillé longtemps à la Bibliothèque du Parlement, été rédacteur à la Revue parlementaire canadienne et été greffier pour de nombreux comités sénatoriaux. Si vous souhaitez obtenir plus de renseignements à son sujet, veuillez vous adresser à notre greffier après la séance.

Je voudrais également souligner l’absence d’un de nos vice-présidents, le sénateur Tom McInnis. Vous avez peut-être appris qu’il s’est blessé lors d’une chute la semaine dernière. Nous lui souhaitons un prompt rétablissement et espérons qu’il sera de retour parmi nous le plus tôt possible.

Voici comment je voudrais que nous procédions aujourd’hui. Je suis certain que vous avez remarqué que le rapport est relativement court et est divisé en cinq sections. L’introduction commence à la page 1, la section intitulée « Qu’est-ce que le système de Westminster? » débute à la page 2; celle intitulée « La version canadienne du gouvernement de Westminster » commence à la page 6, la quatrième section, intitulée « Les gouvernements de Westminster dans le monde », commence à la page 10, alors que la conclusion se trouve à la page 14.

Je propose de procéder section par section plutôt que page par page, si cela vous convient. Je demanderais à ceux qui auraient des questions ou des observations à propos d’une section donnée de bien vouloir attendre jusqu’à ce que nous nous y attaquions au lieu de formuler toutes leurs remarques d’un seul coup. Le greffier commencera une nouvelle liste des intervenants au début de chaque section.

Je vous rappelle que ce rapport sert à préparer le terrain pour la prochaine étape de notre étude, laquelle porte sur la structure des débats. Il vise à structurer nos délibérations futures dans le respect des principes du système de Westminster.

À moins qu’il n’y ait des commentaires à portée générale, je voudrais maintenant entamer l’étude de l’introduction. J’accorderai d’abord la parole au sénateur Joyal, notre vice-président.

Le sénateur Joyal : Merci, monsieur le président. Je voudrais saluer le sénateur McInnis, qui a malencontreusement été victime d’un accident qui l’empêchera de participer à nos travaux. J’espère qu’il aura l’occasion de prendre connaissance de nos échanges d’aujourd’hui, car il s’intéresse vivement à la question à titre d’ancien président du comité. Je sais qu’il voudra certainement se tenir informé de nos progrès. Je ne peux donc que lui souhaiter de revenir le plus tôt possible pour que les membres du comité puissent bénéficier de ses lumières dans le cadre de leurs délibérations. Je m’en voudrais d’avoir commencé mon intervention sans avoir prononcé quelques mots à son sujet.

Comme vous l’avez fait remarquer, l’ébauche de rapport est très brève. Le comité de direction a eu l’occasion d’en examiner la version initiale et de l’améliorer. Je suis certain qu’il est encore possible d’y apporter des ajouts ici et là pour qu’il rende bien compte des témoignages et des contributions des témoins, particulièrement ceux de M. Gary Levy, avec qui j’ai travaillé pendant des années. Je voudrais offrir mes sincères condoléances à la famille de M. Levy, que j’ai connu personnellement pendant de nombreuses années.

Je pense que votre proposition de passer le rapport en revue page par page pour, bien entendu, nous laisser le temps d’examiner le rapport rapidement, est bonne. Je propose donc de procéder ainsi.

Le président : Puis-je demander si quelqu’un souhaite formuler un commentaire sur l’introduction?

Devrions-nous passer à la section 2, intitulée « Qu’est-ce que le système de Westminster? » Y a-t-il des remarques à ce sujet?

Le sénateur Joyal : Je suis à la ligne 26 de la page 2, à moins que vous ne soyez encore à la page 1?

Le président : Non.

Le sénateur Joyal : Il y est question du sénateur Day. Dans mes notes, il est indiqué qu’il faut ajouter le sénateur Carignan.

Le président : Je pense qu’il a été ajouté.

Le sénateur Joyal : Le rédacteur l’a peut-être ajouté plus loin?

Le président : Il est à la ligne 1 de la page suivante.

Le sénateur Joyal : Bien. Il n’était pas là dans ma version précédente, et j’avais fait remarquer que le sénateur Carignan était un témoin important. Merci.

Le président : Nous en sommes donc aux pages 3 et 4.

Le sénateur Wells : Avant d’entrer dans les détails, je voulais préciser que ce n’est pas parce que moi et, peut-être, d’autres sénateurs ne formulons pas de commentaires que cela signifie nécessairement que nous sommes d’accord avec ce qui est écrit. Pour avoir parlé avec le sénateur McInnis, je sais qu’il avait d’autres commentaires dont il voulait discuter avec moi, ce que je me réserve le droit de faire, bien sûr. Je voulais faire cette observation.

Le sénateur Massicotte : Cela signifie que vous pouvez être d’accord ou non, et personne ne le saura jamais.

Le sénateur Wells : Vous le saurez, mais l’absence de commentaire ne veut pas dire que je suis d’accord.

La sénatrice Lankin : Vous n’êtes pas en mesure de formuler un commentaire. Voilà qui m’étonne.

Le président : Est-ce que quelqu’un d’autre souhaite intervenir, après le sénateur Wells?

La sénatrice Frum : Je voudrais faire une remarque, pas pour tenter d’apporter une modification, mais pour souligner qu’il est difficile de trouver la référence au sénateur Carignan. Je sais qu’elle est là, mais ce n’est qu’une référence, dans une seule phrase. Il a fait un exposé d’environ 45 minutes, et c’est le seul endroit où lui ou le sénateur Day sont cités. Il me semble donc que l’importance accordée aux opinions soit légèrement déséquilibrée, mais, comme le sénateur Wells, je ne fais que souligner les faits. Je n’essaie pas d’apporter de modification au rapport pour l’instant.

La sénatrice McCoy : À ce propos, je pense que j’ai parlé aussi longtemps, et je n’ai qu’une phrase moi aussi.

La sénatrice Frum : Si vous comparez les témoignages en faveur d’un point de vue ou de l’autre, vous constaterez un déséquilibre.

Le président : Je vois. C’est donc votre observation? Fort bien.

Est-ce que quelqu’un d’autre souhaite intervenir à propos de la section 3? D’accord.

Nous pouvons passer à la section 4 ou aller plus lentement.

La sénatrice McCoy : Il y a l’introduction, puis je pense que nous avons examiné la section intitulée « Qu’est-ce que le système de Westminster? », et nous sommes maintenant rendus à la section 3? Voudriez-vous numéroter les sections et les présenter dans une table des matières pour faciliter la lecture des futurs lecteurs de tous âges?

Le président : Voilà une excellente idée. C’est ce que nous ferons.

La sénatrice McCoy : L’idée ne m’est venue que lorsque nous nous sommes nous-mêmes heurtés au problème.

Le président : Nous sommes maintenant rendus à la section 3, intitulée « La version canadienne du gouvernement de Westminster », qui débute à la page 6.

Le sénateur Massicotte : Je ne suis pas expert en la matière, mais je pense qu’il y a une conclusion, qui commence ici, alors que nous indiquons essentiellement que le rôle du Sénat, outre ses tâches courantes, consiste en partie à demander des comptes au gouvernement. Je devrais peut-être demander au sénateur Joyal s’il pourrait fournir des explications, car je ne suis pas expert des questions constitutionnelles, mais de mémoire, il me semble que le Sénat n’avait pas pour rôle de demander des comptes au gouvernement. On conclut que l’on peut faire tout ce que l’on veut de l’institution, et je suis d’accord avec tout ce qui a du bon sens. Le Sénat est donc très malléable. Nous pouvons l’amener là où nous pensons qu’il devrait aller, mais il me semble que du point de vue historique, nous n’avions pas pour rôle de demander des comptes au gouvernement. Pourriez-vous m’aider à cet égard, sénateur Joyal?

Le sénateur Joyal : Il s’agit certainement d’un rôle caractéristique de notre régime parlementaire. Je peux citer l’arrêt de la Cour suprême dans l’affaire Vaid. J’ignore si vous vous souvenez de cet arrêt rendu en 2005, mais la Cour suprême a dû se prononcer sur le privilège parlementaire. Vous savez que ce dernier est lié aux droits d’un sénateur ou d’un parlementaire, car il s’applique également aux députés et aux sénateurs, sans la moindre distinction, conformément à l’article 18 de la Constitution.

Le sénateur Massicotte : Je le connais par cœur.

Le sénateur Joyal : Je le citerai ici, pour être fidèle au texte d’origine :

Les privilèges, immunités et pouvoirs que posséderont et exerceront le Sénat et la Chambre des communes et les membres de ces corps respectifs…

Il n’existe ainsi aucune distinction entre le statut de député et celui de sénateur. C’est un élément très important à garder à l’esprit.

Je vais vous lire ce qu’indique l’arrêt de la Cour suprême dans l’affaire Vaid, rédigé par le juge Binnie au nom d’une cour unanime. Il est très important de retenir que les neuf juges saisis de l’affaire étaient unanimes :

… pour justifier leur revendication de privilège, l’assemblée ou le membre…

… les sénateurs ou les députés…

… qui cherchent à bénéficier de l’immunité qu’il confère doivent démontrer que la sphère d’activité à l’égard de laquelle le privilège est revendiqué est si étroitement et directement liée à l’exécution de leurs fonctions…

… ici, le juge précise la nature de ces fonctions…

… d’assemblée législative et délibérante…

… nous le comprenons…

… y compris de la tâche de l’assemblée législative de demander des comptes au gouvernement, qu’une intervention externe saperait l’autonomie dont l’assemblée ou le membre ont besoin pour accomplir leur travail dignement et efficacement.

Autrement dit, le travail législatif et délibératoire du sénateur englobe le travail que le sénateur ou l’assemblée accomplit afin de demander des comptes au gouvernement. C’est ce que nous faisons d’une myriade de façons. Par exemple, la semaine dernière, quand le sénateur Tkachuk a présenté une motion afin de tenir un débat d’urgence sur le pipeline, il ne s’agissait pas d’un projet de loi. Nous n’étions pas saisis d’une mesure législative concernant l’environnement, comme le nouveau projet de loi sur l’environnement déposé la semaine dernière. Ce n’est pas de ce projet de loi dont nous étions saisis. Un sénateur a toutefois proposé une motion pour que nous tenions un débat d’urgence sur une question précise. Sans dire qu’il a défié le gouvernement, il est intervenu dans l’avenir d’une de ses décisions concernant l’approbation du pipeline.

C’est là, selon moi, l’exemple qui illustre le mieux la manière dont nous demandons des comptes au gouvernement à propos des décisions qu’il a prises. L’initiative d’une province revêtait un intérêt national, et c’est pourquoi un sénateur a réclamé un débat au Sénat. Nous demandons donc au gouvernement de rendre des comptes au sujet de cette décision. Même si nous ne sommes pas saisis d’un projet de loi, nous demandons au gouvernement de rendre des comptes.

Je pourrais vous donner un autre exemple. Quand le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles a déposé, il y a un an et demi, le rapport intitulé Justice différée, justice refusée, un épais document contenant 42 recommandations, il exhortait le gouvernement à prendre immédiatement des mesures pour régler le problème des retards dans les tribunaux à la suite de l’arrêt de la Cour suprême dans l’affaire Jordan. Ce comité a passé des heures à sillonner le pays, à écouter des témoins et à préparer un rapport comportant une série de recommandations précises auxquelles le ministre de la Justice et le procureur général du Canada devaient réagir. C’est une manière de demander des comptes au gouvernement. Toutes les études que les comités réalisent sont, d’une manière ou d’une autre, autant de façons de demander des comptes au gouvernement sur des questions stratégiques précises.

Je pourrais inverser la situation. Quand le gouvernement décide d’entamer une conversation — voilà une expression que je déteste — avec les Canadiens sur un sujet et que le Sénat prend sur lui d’en débattre, il n’est pas saisi d’un projet de loi. Nous participons à un processus, l’expression d’opinions sur une question sur laquelle le gouvernement a l’intention de légiférer. Nous participons directement au processus décisionnel du gouvernement sur une question d’intérêt public.

L’institution assume donc sa responsabilité de diverses façons, comme la Cour suprême l’a dit, y compris en demandant des comptes au gouvernement. Vous avez raison de dire que le Sénat a développé ces façons de participer au débat parlementaire public. Ça ne fait aucun doute, et la Cour suprême l’a reconnu dans un autre arrêt. Vous pensez que j’ai toujours ses décisions sous la main, mais, en 2014, la Cour suprême a rendu une décision unanime, que j’ai ici, sur le renvoi au Sénat. C’est très récent et je tiens à vous citer le paragraphe 16, qui montre l’évolution du rôle du Sénat :

Au fil des années, le Sénat a également fini par représenter divers groupes sous-représentés à la Chambre des communes. Il a servi de tribune aux femmes ainsi qu’à des groupes ethniques, religieux, linguistiques et autochtones auxquels le processus démocratique populaire n’avait pas toujours donné une opportunité réelle de faire valoir leurs opinions.

Je m’arrête ici. Même la Cour suprême a reconnu que le rôle du Sénat a évolué. Sa composition a évolué. La Cour suprême l’a reconnu, et ça s’est fait conformément au parlement de type britannique.

Autrement dit, je souscris entièrement au rôle d’enquêteur du Sénat ou à son droit d’initiative dans l’étude de questions d’intérêt public, au fil des années, comme la motion déposée par la sénatrice Pate pour examiner la situation des femmes dans les prisons. Le gouvernement n’avait déposé aucun projet de loi sur la question, mais le Sénat est une tribune pour l’expression des opinions minoritaires et pour les groupes minoritaires que l’autre Chambre traite mal. La Cour suprême y a vu un rôle complémentaire à celui de la Chambre des communes.

Revenons aux 30 premières années de la Confédération, de 1867 à 1898. Il ne fait aucun doute que le rôle du Sénat, à cette époque, était en phase avec celui du gouvernement. Le gouvernement s’intéressait beaucoup moins aux questions que je qualifierais de sociales. Il ne fournissait aucun service social, aucune assurance-santé et assurance sociale, il ne versait pas de pension aux personnes âgées et ne faisait rien de ce que vous pourriez croire comme faisant partie de ce domaine. Les préoccupations du Sénat correspondaient à celles du gouvernement de l’époque.

Mais, dans les 100 dernières années, notre société a évolué, et le Sénat aussi, dans son apport à la discussion de certaines questions d’intérêt public. Et j’espère qu’il continuera de contribuer au débat public, parce qu’il a établi et conservé son utilité pour le public à qui, finalement, il doit rendre compte de ses actions. Je pense que, par exemple, notre étude intitulée Justice différée, justice refusée rend service au public. Le poids du système de justice et ses délais engendrent beaucoup de souffrances dans le public, mais qui prendra sur soi de signaler le problème au gouvernement pour qu’il l’examine?

Le Sénat joue donc un rôle essentiel dans le processus démocratique canadien. Pas directement — nous ne sommes pas élus —, mais le résultat final de nos actions contribue au renforcement de la démocratie canadienne. Le tribunal a ainsi énoncé notre rôle actuel, qui est de représenter les intérêts des minorités. Comparez la composition du Sénat actuel et de celui de 1867. Vous verrez la différence et la diversité.

Hier soir, j’ai médité là-dessus. Prenons la présence des femmes au Sénat. En 1929, le Conseil judiciaire du Conseil privé britannique a décidé que les femmes étaient des personnes dans le cadre de la Constitution et qu’elles pouvaient être nommées à des postes. Voyez le nombre d’années qu’il a fallu pour arriver à une représentation à peu près paritaire. Ce n’est pas encore chose faite. Pourtant, les principes existaient. Ce n’était pas seulement absolument légal, mais tout à fait légitime aussi de s’attendre à une juste représentation des femmes à la Chambre. Bien sûr, le marché du travail a aussi changé. Les femmes constituent 80 p. 100 du marché du travail. Il importe donc que le Sénat évolue au rythme de la société et qu’il exprime certaines opinions dans le domaine public qui, dans d’autres circonstances, ne parviendraient pas à se faire entendre.

Je ne vois pas de sénateur autochtone à la table, mais, il y a 20 ans, on n’entendait pas parler des questions autochtones, la politique étant plus ou moins de marginaliser cette population et, en fait, de l’assimiler et de la faire disparaître. La situation a désormais complètement changé. La présence de sénateurs autochtones est presque inéluctable. Notre institution devra donc exiger des comptes au gouvernement sur les questions autochtones.

Vous voyez donc que l’évolution est parallèle à celle de la société mais avec beaucoup de liberté et, parfois, des retards. C’est indéniable, et je peux nommer des secteurs où je crois que nous sommes à la traîne. Parfois aussi, nous sommes en phase avec les événements.

Mais je pense que, dans l’ensemble, le fait de demander des comptes au gouvernement est un élément essentiel du Parlement. Nous faisons partie du Parlement. Nous sommes comme les deux hémisphères de même grosseur d’un cerveau. Les deux travaillent ensemble et de façon complémentaire. Nous prenons des initiatives pour demander des comptes au gouvernement, des initiatives que, à l’autre endroit, on ne prend pas, mais, dans l’ensemble, cela a pour effet de renforcer le débat démocratique.

Je ne veux pas m’éterniser, mais il me semble que c’est ainsi que nous devons considérer notre institution, qui poursuit son évolution. Elle évolue maintenant, bien sûr, grâce au grand nombre de sénateurs indépendants. Ça fait partie de l’évolution. Nous devons nous y adapter et étoffer le débat démocratique en misant sur ce que nous avons fait le mieux et sur ce qui a le mieux servi l’institution. Je pense que nous pouvons tous exprimer des opinions différentes à ce sujet, mais je pense que, dans l’ensemble, c’est ce que nous voulons accomplir.

Je n’ai certainement aucune réserve à formuler sur l’idée de demander des comptes au gouvernement. C’est une idée très générale, très large.

La sénatrice McCoy : Faisons une grande inspiration et tentons d’assimiler cette excellente initiation du sénateur Joyal. Merci beaucoup.

Redescendons des hauteurs de l’érudition pour nous occuper d’un détail grammatical à la page 6 de la version anglaise, si vous permettez. À la ligne 16, l’avant-dernier mot devrait être « its » et non « their », parce que nous parlons de chacune des provinces dotées de sa propre assemblée législative, si vous n’y voyez pas d’objection.

Plus loin, à la page 7 de la version française, ligne 11, je me demande si vous n’envisageriez pas d’élargir la description. Vous écrivez que la Confédération visait à reconnaître et à protéger les différences. Nous employons le qualificatif « géographique », alors que la citation amplifie considérablement le contexte. Si j’ai bien compris, nous n’affirmions pas seulement l’importance de la pointe Pelée et celle du Cap-Breton. Nous disions que les différences culturelles et linguistiques du Bas-Canada étaient très importantes, comme elles l’étaient pour les francophones du Nouveau-Brunswick. Nous voulions protéger les différences linguistiques et culturelles plus que les différences géographiques, la nature et les mœurs et non la topographie.

Le président : Je suis d’accord.

La sénatrice McCoy : Pouvons-nous simplement le dire?

Ensuite, à la page 10...

Le président : « Géographique et culturelle »?

La sénatrice McCoy : Non, je ne crois pas que nous essayions de protéger les différences géographiques. La richesse en charbon de l’île du Cap-Breton…

Le président : C’est vrai.

La sénatrice McCoy : … à l’époque, je ne crois pas que le Manitoba était dans nos pensées.

Le président : Pourquoi ne pas remplacer « différence géographique » par « différences géographiques ».

Le sénateur Joyal : Puis-je citer encore une fois la Cour suprême?

Le président : Mais certainement.

Le sénateur Joyal : Chers collègues, je suis encore désolé. Je voudrais attirer votre attention sur le renvoi relatif à la sécession. La Cour suprême, comme vous le savez, a traité exactement de cette question en 1998. Cela vient renforcer votre point de vue, chère collègue.

La sénatrice McCoy : Exactement.

Le sénateur Joyal : Pour les intéressés, c’est le paragraphe 81 :

Il ne fait aucun doute que la protection des minorités a été un des facteurs clés qui ont motivé l’adoption de la Charte et le processus de contrôle judiciaire constitutionnel qui en découle.

Et ce passage essentiel :

Il ne faut pas oublier pour autant que la protection des droits des minorités a connu une longue histoire avant l’adoption de la Charte.

Et j’insiste sur ceci :

De fait, la protection des droits des minorités a clairement été un facteur essentiel dans l’élaboration de notre structure constitutionnelle même à l’époque de la Confédération...

CQFD, comme disent les algébristes, c’est-à-dire ce qu’il fallait démontrer. C’est exactement ce que voulait dire la sénatrice McCoy.

La sénatrice McCoy : Je vous laisse à tous le soin du peaufinage. Je me contenterais des expressions « minorités », « minorités linguistiques et culturelles », ce genre d’expressions, sans aller plus loin. J’ai vraiment apprécié la citation que vous avez tirée du jugement qui venait d’être cité. Elle me plaît. Bref, nous voulons supprimer « géographique », parce que ce n’est pas ce dont il est question.

Le président : D’accord.

La sénatrice Stewart Olsen : Je vous entends bien, mais n’oublions pas que, à l’origine, la raison d’être du Sénat était géographique — régionale, quelque chose de ce genre-là —, mais, s’il vous plaît, ne commencez pas à nous submerger de toutes ces notions de minorités, de langue, de culture et cetera.

La sénatrice McCoy : Conservez « régionale » si vous y tenez. C’est mieux que « géographique ».

La sénatrice Stewart Olsen : Je pense que c’est extrêmement important.

La sénatrice McCoy : Je me contenterais de ce mot.

Le président : De « régionale ».

David Groves, analyste, Bibliothèque du Parlement : Nous remplacerons « géographique » par « régionale ».

La sénatrice McCoy : Si quelqu’un a d’autres observations sur des passages entre les pages 7 et 10, j’attendrai, mais, à la page 10, je m’attache particulièrement à la ligne 25, le résumé. J’aime la fluidité de tout le passage, et cetera. Mes félicitations aux rédacteurs.

Le sénateur Massicotte : À quelle page sommes-nous?

Le président : À la page 10.

La sénatrice McCoy : Ce rapport est fignolé comme une chanson.

Mais, maintenant, revenons dans le sillage de l’exposé du sénateur Joyal, il y a une dizaine de minutes, si vous pouvez, s’il vous plaît, vous rappeler de ses propos sur la nécessité de l’évolution du Sénat, pour répondre aux...

La sénatrice Stewart Olsen : Quelle ligne?

La sénatrice McCoy : Je vous mets tout de suite dans le contexte.

... répondre aux besoins des Canadiens.

C’est l’un des points que, je pense, nous avons soulignés avec beaucoup d’enthousiasme, et le sénateur Joyal a été une puissante bougie d’allumage pour le sénateur Nolin, qui a rassemblé ses six demandes de renseignements, lesquelles sont à l’origine de notre comité. Nous parlions des six rôles, sept si on ajoute le rôle politique, du sénateur canadien d’aujourd’hui. Je veux dire que notre travail a si bien abouti. Nous avons parlé de l’évolution et nous continuons sans cesse de parler d’évolution, répondre, de décennie en décennie, de génération en génération, aux besoins des Canadiens.

Mais, en lisant ce passage, les lignes 24 et 25 de la page 10 ont capté mon attention. Il y est question du processus législatif. C’est le seul rôle que tout le monde pense que nous jouons. Je voudrais qu’on étoffe, qu’on enrichisse ce passage.

Nous, la deuxième Chambre, nous sommes un organisme complémentaire. Nous faisons partie intégrante de — comment est-ce encore, monsieur Armitage?

Blair Armitage, greffier du comité : Je pense que le sénateur Kinsella parlait très souvent de « gouvernance parlementaire ».

La sénatrice McCoy : Ça ressemble davantage à la diplomatie parlementaire. Je songe à certaines causes que nous appuyons, l’autisme, par exemple, qui finissent par déborder dans la sphère législative. Vous l’avez dit vous-même plus tôt, aujourd’hui. Je vous en laisse le soin. Je ne désire pas...

Le président : Nous y jetterons un coup d’œil. Merci.

La sénatrice McCoy : Je voudrais seulement le signaler et en donner une portée plus large. Je le répète et je le répéterai à satiété, mais ç’a été une décision stratégique que d’élargir et d’expliciter les rôles multiples d’un Sénat moderne et de ses sénateurs pour qu’aucun ignorant de sa nature véritable, aujourd’hui, ne puisse en produire, pour cette raison, une évaluation aberrante. Ai-je été assez diplomate? Vous savez tous ce dont je parle.

Le président : Nous y jetterons un coup d’œil.

La sénatrice Lankin : Je comprends la sénatrice McCoy. Un peu plus haut, avant ce passage, le texte fait allusion aux enquêtes des comités du Sénat. C’est donc mentionné. Mais ce passage se situe en fait après un descripteur, les « grands principes de Westminster demeurent au cœur du fonctionnement de l’organe législatif ». Il y est question de notre Sénat.

Les autres choses dont nous parlons — celles que vous avez énumérées sénatrice McCoy — sont-elles de grands principes de Westminster ou sont-elles essentielles à notre fonctionnement? Nous pourrions vouloir en rajouter aux principes susmentionnés, énumérer d’autres aspects importants du Sénat canadien. J’ignore si ça fait partie des principes de Westminster, mais je pense que ce n’en est pas un élément traditionnel, mais...

Le président : Avez-vous une réponse, madame McCoy?

La sénatrice Stewart Olsen : Monsieur le président, très brièvement, ce que j’appréciais du rapport, c’était qu’il affirmait que le système de Westminster et sa version canadienne sont déjà très évolués, très souples, très progressistes. Je pense qu’il expliquait très bien que nous ne sommes pas un organisme statique, mais un organisme progressiste et souple. Je saisis ce que vous dites, chère collègue, mais je pense que l’évolution dans le sens de la souplesse s’est bien déroulée.

La sénatrice McCoy : C’est avec joie que je ferais miennes les positions de la sénatrice Lankin...

La sénatrice Stewart Olsen : Pour sûr.

La sénatrice McCoy : Ce n’était pas ma première idée. Je croyais que c’était trop restrictif, que ça nous ramenait dans la même ornière. Une formulation un peu plus générale pourrait répondre à tous les vœux sans être trop restrictive. C’est tout ce que j’essayais de dire.

Le président : Nous y jetterons un coup d’œil.

La sénatrice McCoy : C’est subtil. J’en confie le soin à notre personnel compétent.

Le président : Ce qu’il est certainement.

La sénatrice Lankin : C’est ce que je dirais aussi et j’ajouterais que lorsque nous faisons allusion à des choses comme les enquêtes des comités, le rôle diplomatique, par exemple, n’est pas souligné. Cette description, qui s’attache au rôle du Sénat canadien aujourd’hui — plus loin, dans une énumération verticale, nous pourrions décrire les fonctions du Sénat canadien d’aujourd’hui. Ce serait utile.

La sénatrice McCoy : C’était dans notre premier rapport. Exactement. Excellent.

La sénatrice Lankin : Oui.

Le sénateur Joyal : Puis-je faire une proposition? À la ligne 23, je propose de supprimer le mot « toujours ».

Le président : Je suis d’accord.

Le sénateur Joyal : Je suis peut-être puriste, mais c’est l’idée même du principe démocratique au sens large.

Le président : C’est une bonne observation.

Le sénateur Joyal : Vous comprenez ce que je veux dire. Vous savez, nous n’avions pas le choix.

Le président : Oui.

Le sénateur Joyal : C’est l’art du système.

À la ligne 25, à propos du Sénat qui « demeure un organe complémentaire », j’ajouterais « qui est », car le système canadien est bicaméral.

La sénatrice Stewart Olsen : C’est un bon…

Le sénateur Joyal : Ce que je veux dire, c’est que nous devons indiquer quelque part que nous avons un Parlement bicaméral, dès le début. L’expression « Parlement bicaméral » indique qu’il y a deux Chambres. Il faut ensuite définir la relation entre les deux. Il n’est pas nécessaire de fournir des détails ici, mais nous devons certainement dire que nous avons un Parlement bicaméral et que nous en faisons partie intégrante. Nous ne sommes pas un complément ou une annexe. Nous sommes un élément essentiel, comme je l’ai dit plus tôt. J’ai donné l’exemple d’un cerveau. Sans l’un des deux côtés, il ne fonctionne pas. Il faut absolument que ce soit mis en évidence.

La sénatrice Stewart Olsen : La phrase au complet serait alors retravaillée pour ce qui est…

Le président : Oui. Nous allons nous en occuper. Pouvons-nous passer à la page 10, aller plus loin dans cette section?

La sénatrice Frum : Dans cette section, « Les gouvernements de Westminster dans le monde », je veux attirer votre attention sur la ligne 28, à la page 10 :

Les témoignages recueillis sur les autres parlements de type Westminster appuyaient sa conclusion générale : le modèle de Westminster, plus qu’un système rigide et fixe, est bien davantage un ensemble de principes importants pouvant être modifiés et adaptés en fonction des besoins politiques et démographiques en mouvance.

Il doit y avoir une phrase après « principes importants ». Quel est l’ensemble de principes importants? On pourrait écrire « Les principes importants sont », et ce que révèlent les renseignements recueillis dans le cadre de l’étude que vous citez ici, c’est qu’il n’y a au monde aucun Parlement inspiré du modèle de Westminster qui ne définit pas le rôle du gouvernement et ne protège pas les droits et les privilèges de l’opposition officielle. Il faut que ce soit ajouté à cette section, car il n’y a aucun autre endroit — le Royaume-Uni, l’Australie, la Nouvelle-Zélande et l’Écosse, qui ne sont évidemment pas les seuls Parlements inspirés du modèle de Westminster, mais qui en font partie — où on ne définit pas le rôle du gouvernement et le rôle de l’opposition officielle. Il est étrange de ne pas les définir.

Le sénateur Joyal : Je suis désolé de parler aussi souvent, mais je crois que la sénatrice Frum soulève un point très important. Cela renvoie au principe du gouvernement responsable. Il n’y a pas de gouvernement responsable sans opposition, car il doit toujours y avoir un gouvernement en attente pour conseiller le roi ou la reine dans l’exercice des pouvoirs souverains que possède le monarque. C’est une caractéristique essentielle à l’origine des Parlements de type britannique, et j’y suis sans aucun doute favorable. Nous avons abordé la question parce que c’est un élément essentiel et la réalité du modèle de Westminster. C’est ce que nous devrions faire.

La sénatrice McCoy : La sénatrice Frum a parfaitement raison. C’est vrai dans tous les exemples qui ont été donnés, notamment pour ce qui est de la Chambre basse. Bien entendu, la Nouvelle-Zélande n’a pas de Chambre haute et celle de l’Australie est élue. Dans notre recherche — celle de mon équipe et moi —, qui portait sur plus de sept ou dix exemples distincts, nous avons découvert d’autres exemples. Nous n’avons pas pigé dans les exemples canadiens d’assemblée législative, parmi lesquels figurent le Nunavut, dont on a parlé plus tôt, et les Territoires du Nord-Ouest.

La sénatrice Frum : Puis-je réagir à ce qui a été dit?

La sénatrice McCoy : Je serai ravie d’entendre vos observations dans un instant. J’aimerais vraiment qu’on donne d’autres exemples.

De toute façon, c’est parfaitement vrai. Dans toute notre recherche, nous n’avons vu aucun organe législatif qualifié de système parlementaire, bicaméral ou unicaméral, qui n’a pas de Chambre habilitée à prendre un vote de confiance à laquelle l’exécutif doit rendre des comptes. Si l’exécutif perd la confiance des élus de cette Chambre, le gouvernement, c’est-à-dire l’exécutif, tombe. C’est parfaitement vrai. Si c’est ce que dit la sénatrice Frum, cela signifie que nous sommes d’accord.

Le président : Je suis également d’accord. Notre système fonctionne ainsi.

La sénatrice Frum : Permettez-moi de réagir. Ce n’est pas juste ce que je dis; c’est ce que le paragraphe dit. Il est donc question du rapport. Dans le paragraphe, il est écrit que le comité « désirait en apprendre davantage sur les principes de Westminster […] » Il n’est pas question des principes de la Chambre haute, mais plutôt des principes de Westminster.

Je sais que les Australiens sont élus et que l’Écosse n’a pas de Chambre haute. Je ne voulais pas débattre de l’exemple du Nunavut. À mon avis, ce n’est pas un organe législatif inspiré du modèle de Westminster. Il ne suit pas la tradition, et c’est bien. Le territoire peut avoir son propre modèle de gouvernement. Ce n’est pas celui de Westminster.

La sénatrice McCoy : C’est un gouvernement responsable.

La sénatrice Frum : C’est discutable. C’est un détail. Ce qui importe, c’est que si les seuls exemples au monde de dérogations au système de gouvernement responsable, à l’opposition au gouvernement, sont au Nunavut et dans les Territoires du Nord-Ouest — c’est-à-dire dans deux territoires —, je ne sais pas si ces deux exceptions constituent un argument convaincant pour affirmer que le système de Westminster ne doit pas nécessairement avoir de gouvernement et d’opposition officielle.

C’est manifestement le cas. Que ce soit une Chambre haute ou basse, si nous essayons de définir la tradition de Westminster, il faut se demander quels en sont les principaux principes? Je conviens que le Royaume-Uni est différent de l’Australie et de la Nouvelle-Zélande. Nous sommes d’accord. C’est intéressant, mais quels sont les principaux principes communs?

La sénatrice McCoy : Merci. J’ai une autre observation, mais cela ne porte pas exactement sur cette question.

La sénatrice Lankin : Je suis d’accord avec la sénatrice Frum. Le libellé doit tenir compte du fait qu’il y a des Chambres hautes et des Chambres basses ainsi que des variantes, mais rien ne nous permet de réfuter cette affirmation.

En ce qui me concerne, j’ai toujours cherché, comme nous le faisons dans ces discussions, à ne pas m’en tenir — nous allons y venir — à la définition du rôle de l’opposition au Sénat. Nous devons passer à autre chose et discuter de la forme de Parlement qui est la plus favorable à notre fonction. Votre observation porte sur la forme de Parlement qu’on retrouve traditionnellement dans un certain nombre de Parlements inspirés du modèle de Westminster, et je n’ai rien contre cette observation.

Quand j’envisage l’avenir, j’estime — et c’est parfaitement conforme à de nombreuses idéologies ou valeurs de personnes qui gravitent en groupes autour de cette notion, que le mécanisme de reddition de comptes ou le rôle joué par le Sénat n’appartienne qu’à cela, comme je l’ai entendu dans les premières discussions auxquelles j’ai pris part et dans lesquelles on semblait s’accrocher à cette idée, à savoir que nous ne pouvons pas avoir de système de gouvernement responsable inspiré du modèle de Westminster sans gouvernement ni opposition au Sénat… Je crois que c’est discutable. Ce système est peut-être préférable, mais il pourrait y en avoir d’autres, y compris entre les deux. C’est à cela que nous devons finalement en venir dans nos discussions. Ce qui se produit depuis longtemps, c’est que nous nous dérobons à cette question et que nous trouvons des mots qui nous conviennent tous, ce qui est un bon point de départ.

Je suis donc d’accord avec la sénatrice Frum. Nous devons prendre soin de ne pas laisser entendre dans le libellé que cette Chambre haute doit être constituée ainsi à l’avenir. C’est toutefois une caractéristique que nous voyons et que nous avons connue.

Le président : Je suis d’accord.

La sénatrice Frum : Ajoutez cette caractéristique à la fin de la liste pour régler la question.

[Français]

La sénatrice Bellemare : Soyons prudents avant de généraliser sur tous les sénats du monde. Je me suis penchée sur les différents sénats à travers le monde; j’en ai examiné plus de 80 sans les examiner tous dans le détail. J’ai tout d’abord constaté que le Canada était unique au monde puisque la vaste majorité des sénats au monde sont élus directement ou indirectement.

En France, par exemple, le Sénat est élu de façon indirecte, car il existe un corps électoral; sinon, il s’agit d’une combinaison des deux façons qui est faite.

Dans le monde, 17 sénats sont nommés. De ces 17 sénats nommés comme nous par le premier ministre, le gouverneur général et ainsi de suite, 15 sénats sont nommés pour une courte durée, soit de quatre à cinq ans. Ces nominations se font au début, après que l’élection ait eu lieu. Le premier ministre nomme des sénateurs, et il arrive, parmi ces 15 sénats nommés, que les suggestions viennent de l’opposition. Il y a donc une opposition.

Toutefois, le cas du Canada comporte une particularité puisqu’il y avait jusqu’à tout récemment deux partis politiques dominants. Aujourd’hui, notre sénat compte des sénateurs indépendants, mais pendant longtemps, avec ces deux partis dominants, il existait nécessairement de la partisanerie comme il en existe aux États-Unis. Notre Sénat ressemble au leur à cet égard.

Il existe un critère pour lequel le Canada fait bande à part et rejoint un peu plus le Royaume-Uni : les sénateurs sont nommés pour une très longue durée. Cela change alors la dynamique de l’opposition officielle et, dans le contexte actuel que nous connaissons au Sénat du Canada, nous pouvons penser que le débat peut avoir lieu même s’il n’y avait aucune opposition officielle.

Il faut donc faire attention parce que là où il existe vraiment une opposition officielle, la plupart du temps, il s’agit de sénateurs élus. Ils forment aussi des coalitions; tout est très différent parce qu’il y a souvent cinq ou six groupes et qu’il n’y a pas uniquement deux groupes comme c’était le cas par le passé.

Le sénateur Massicotte : Avez-vous une copie de votre analyse?

La sénatrice Bellemare : Oui.

Le sénateur Massicotte : Merci.

La sénatrice Verner : J’aimerais poursuivre dans la même veine. Je n’ai pas assisté à l’ensemble des débats du comité puisque je n’en suis membre que depuis peu. J’entends des discussions sur les sénateurs qui représentent le gouvernement et ceux qui représentent l’opposition. Étant donné que la composition actuelle du Sénat est complètement transformée, j’aimerais savoir comment on peut maintenant déterminer l’opposition officielle. Je ne sais pas si vous avez eu l’occasion d’en discuter avec les différents témoins qui ont comparu devant vous; moi je n’y étais pas.

Il semble que les groupes formés au Sénat ne correspondent plus tout à fait à ceux en place à la Chambre des communes. Il existe cinq différents partis politiques à la Chambre des communes et il en existe seulement deux au Sénat. Je me demandais si cette question avait déjà été abordée et si elle méritait de figurer quelque part dans le rapport.

[Traduction]

Le président : Notre Chambre n’est certainement pas constituée de la même façon que la Chambre des communes.

Je me demandais si nous pouvions revenir à la page 5, qui présente une liste de caractéristiques de l’organe législatif. Pour satisfaire toutes les personnes présentes, nous pourrions peut-être régler la question en renforçant le libellé dans cette liste à puces qui décrit les caractéristiques d’une Chambre habilitée à prendre un vote de confiance.

La sénatrice McCoy : Si je peux répondre, tout cela est bien beau, mais vous commencez encore une fois à apporter des précisions. Vous parlez de l’organe législatif, et nous en faisons partie. C’est un argument subtil, mais convaincant.

La sénatrice Frum : Monsieur le président, puis-je…

La sénatrice McCoy : Nous devons toujours revenir au fait qu’il faut au moins une Chambre législative habilitée à prendre un vote de confiance pour avoir un gouvernement responsable. C’est ce qu’on voit partout dans le monde.

Il pourrait être utile d’ajouter une autre toute petite précision, à savoir que le terme « système de Westminster » n’était même pas employé avant les années 1950. Je crois que c’est un professeur de droit de Cambridge appelé Jennings qui s’en est servi le premier. Il a fait des projets de recherche et étudié les différents Parlements des colonies britanniques pour voir comment ils fonctionnaient. Comment les colonies ont-elles procédé après avoir obtenu leur indépendance? Comment ont-elles interprété leur patrimoine? Il a inventé l’expression. D’après ce que j’ai compris, dans les années 1970, les politicologues australiens aimaient beaucoup le terme. Mais pour bien décrire la chose, il faut parler de « système parlementaire », ce qui contraste correctement avec le système présidentiel ou républicain.

Plus récemment, un universitaire — qui m’a fait sourire — a proposé que nous cessions d’utiliser le terme « système de Westminster » et que nous commencions plutôt à parler du « syndrome de Westminster », car un syndrome sous-entend un large éventail grâce auquel on peut avoir de nombreux exemples différents, mais connexes. Je dois admettre que j’ai aimé cette observation. Je peux peut-être vous trouver la citation, si vous souhaitez l’ajouter à votre exégèse.

Le sénateur Marwah : Avant d’entrer dans le vif du sujet, je vais mentionner qu’il est dangereux de donner de l’information à petites doses. Je n’ai pas participé aux discussions précédentes, mais je dois admettre que ma réflexion va dans le même sens que celle de la sénatrice Verner quand elle dit que compte tenu de l’évolution du Sénat attribuable aux indépendants, le jour viendra où nous nous demanderons qui est l’opposition officielle. Je ne suis pas certain de vraiment connaître la réponse à cette question, de savoir comment désigner l’opposition officielle ou quelle forme elle prend. Elle demeurera peut-être inchangée, mais je ne sais pas.

Quelle forme prendra-t-elle si nous nous contraignions à dire que nous devons avoir une opposition officielle? Je ne sais à quoi elle ressemblera ni de quelle façon la question est abordée ici.

Le président : Dans nos discussions, je pense que nous avons effectivement de la difficulté à trouver une formulation satisfaisante pour définir l’organe législatif et la Chambre haute. L’histoire nous indique clairement qu’une opposition officielle est un élément essentiel d’un gouvernement responsable, et presque partout dans le monde, cette opposition se trouve dans l’organe législatif. Quand il n’y a pas d’organe législatif, je dirais que c’est ambivalent. Mais il n’y a généralement pas d’opposition officielle dans les organes législatifs de la Chambre haute.

La sénatrice Frum : C’est peut-être mes antécédents en journalisme qui prennent le dessus, mais rendez-vous à la page 2, qui est essentiellement l’introduction du rapport. Une question est posée à la page 2 

[…] l’un des piliers des travaux du Comité est que le processus de modernisation n’est pas une remise en question des fondements constitutionnels du Sénat canadien.

Il est ensuite écrit à la ligne 12 que nous savons que la loi constitutionnelle établit que le Sénat doit être doté d’une « constitution « reposant sur les mêmes principes » que celle du Royaume-Uni. Par conséquent, le rapport pose maintenant une question : « quelles sont les caractéristiques fondamentales du système de Westminster et quelles sont les restrictions qui s’appliquent, s’il y a lieu, à la modernisation des procédures et des activités du Sénat? » C’est la thèse du rapport et la question à laquelle nous cherchons une réponse.

À la page 13, à « Conclusion », nous concluons que « les témoignages et les faits examinés » montrent que « les principes de Westminster ne constituent pas une approche rigide ou restrictive du système parlementaire. » Eh bien, c’est faux.

Le président : Je ne pense pas. C’est là que nous mènent les faits examinés.

La sénatrice Frum : C’est là qu’ils vous mènent. Je suis d’accord avec vous. Rien ne prouve qu’il n’y a pas de principes directeurs pour définir ce qu’on entend par système de Westminster. Ce n’est pas les explications qui manquent sur ce qu’on entend par gouvernement responsable, et c’est simple. On n’a pas besoin de 13 pages. Il y a un gouvernement et une opposition officielle, et les droits et privilèges des deux côtés sont consacrés et protégés. Voilà ce qu’il en est. Ce n’est pas compliqué.

C’est la question qui est posée ici. Je ne l’ai pas posée. Ce n’est pas moi qui ai proposé l’élaboration de ce rapport. Il demande quelles sont les caractéristiques fondamentales d’un système de Westminster. Quelles sont-elles? Et s’il n’est pas indiqué que les caractéristiques fondamentales sont un gouvernement et une opposition, je suis alors d’avis que le rapport est tout simplement inadéquat. C’est faux.

La sénatrice Lankin : Si je peux me permettre, à la page 5, où nous étions il y a une minute, dans la deuxième liste à puces, il est écrit :

• la présence d’un gouvernement en attente, dans le cas où le titulaire du pouvoir perdrait la faveur ou la confiance, ce que les auteurs appellent l’opposition loyale […]

C’est un des éléments importants qui distinguent le système de Westminster d’avec les autres modèles de gouvernement. Il est inexact de dire qu’il n’en est pas question ici. On pourrait toutefois vouloir étoffer, et je le comprends.

Quand on examine l’aspect constitutionnel des arguments que vous avancez, on constate qu’il est question du Parlement du Canada, qui comprend deux parties. Je vais dire comme vous qu’il est inexact d’affirmer que les connaissances ou les renseignements que nous avons obtenus ne nous permettent pas de conclure que notre marge de manœuvre est assez importante pour que nous puissions en parler à l’avenir. Nous ne pouvons pas dire qu’il doit y avoir une « opposition officielle » au Sénat, à la Chambre haute.

À l’heure actuelle, comme on me l’a dit parce que je me suis fait prendre à parler d’« opposition officielle », ce n’est pas ainsi au Sénat; c’est une opposition. Je ne sais pas quel était le rôle joué au Sénat quand le Nouveau Parti démocratique formait l’opposition officielle.

Il y a des nuances. Ce n’est pas noir ou blanc. C’est tout ce que je voulais dire. Je ne nie pas l’importance de ce que vous ajoutez au sujet de l’opposition et du gouvernement, mais ce n’est pas noir ou blanc.

La sénatrice Frum : Eh bien, si la Constitution repose sur les mêmes principes que celle du Royaume-Uni, force est de constater que le Royaume-Uni a une Chambre haute et une Chambre basse, et qu’il y a un gouvernement et une opposition à la Chambre haute.

La sénatrice Lankin : S’agit-il de la fonction ou de la forme?

La sénatrice Frum : C’est les deux.

La sénatrice Lankin : Pas nécessairement.

La sénatrice Frum : Pourquoi pas?

La sénatrice Lankin : Pourquoi pas? Vous dites que c’est noir et blanc, et j’affirme que toutes les données nous indiquent, compte tenu des adaptations et de l’évolution observées ici et ailleurs, qu’une évolution est possible. Il est question de la fonction, pas de la forme. En ce qui a trait à la forme, nous pouvons apprendre de nouvelles façons de procéder et de meilleures pratiques pour améliorer notre façon de faire les choses, mais je crois que nous nous entendons tous sur la fonction.

La sénatrice Frum : Je vois.

La sénatrice McCoy : Nous avons contourné le sujet. Je pensais que nous nous en étions rapprochés un peu, mais je crois que la sénatrice Frum a touché à un point essentiel du rapport, car il ne donne pas tous les autres exemples de systèmes parlementaires et d’organes législatifs parlementaires.

Pour être absolument exacte, je dirais que l’un des principes essentiels du gouvernement parlementaire, c’est qu’il y ait au moins une Chambre législative habilitée à prendre un vote de confiance et composée de membres élus, puis un organe exécutif responsable envers cette Chambre, qui soit contraint de démissionner s’il perd la confiance de la Chambre. Je serais absolument d’accord avec l’idée d’une Chambre unique. C’est la constante que nous avons retrouvée dans tous les systèmes parlementaires démocratiques que nous avons étudiés dans le monde.

Le sénateur Joyal : Je ne voudrais pas brouiller encore plus les cartes, mais j’aimerais donner un peu plus de contexte aux honorables sénateurs pour les aider à se représenter le modèle de Westminster de la Chambre des lords par rapport au nôtre.

La Chambre des lords fonctionne d’une certaine façon sur la base des partis politiques. Je vais vous expliquer pourquoi. La raison en est très simple. La reine, sur l’avis du premier ministre, bien sûr, peut nommer autant de lords que nécessaire pour que le gouvernement détienne la majorité. Actuellement, il y a 873 pairs et pairesses, si je ne me trompe pas, et après chaque élection, le nouveau gouvernement se préoccupe beaucoup d’avoir tout l’appui nécessaire à la Chambre des lords, à la Chambre haute. Le premier ministre détient un genre de pouvoir suprême.

Quand les Pères de la Confédération — je m’excuse de ce terme sexiste, je devrais dire « les fondateurs »— ont été confrontés à ce problème, ils ont décidé de faire les choses différemment, de restreindre le pouvoir du premier ministre et de fixer un nombre limité de sièges. Ainsi, chaque nouveau premier ministre ne peut pas dire à son tour qu’il a besoin de 20 sénateurs de plus pour détenir la majorité nécessaire pour faire adopter ses projets de loi à la Chambre.

Le modèle britannique, si je peux utiliser cette appellation, le modèle de la Chambre des lords se fonde sur le concept des partis politiques. Comme il n’y a pas de limite au nombre de sièges, je le répète, le premier ministre peut en ajouter à sa guise pour faire adopter ses projets de loi à la Chambre, si bien qu’il peut y en avoir un millier ou une centaine. Et bien sûr, comme le premier ministre souhaite détenir la majorité, il y aura toujours une minorité de partis représentée à la Chambre parmi les partis ayant perdu les élections.

Ainsi, si la loi ne prescrit pas de dispositions précises à cet égard, il n’y a que la coutume qui prévaut, comme vous le savez. Il n’y a pas de loi à cet égard en Grande-Bretagne. C’est donc essentiellement le pouvoir du premier ministre, par convention, et cette prérogative remonte à l’époque où le souverain avait l’appui des lords. L’idée sous-jacente était toujours que les lords représentaient l’aristocratie et que la noblesse du royaume était là pour appuyer le roi. Ce qu’il en reste à la Chambre des lords, c’est que de par le rôle des partis politiques, le gouvernement s’assure que ses projets de loi soient adoptés.

Notre situation est différente. La tradition chez nous est plutôt que lorsque le gouvernement change, de par l’attrition naturelle, qui reste constante d’une année à l’autre, le nouveau gouvernement majoritaire se trouvera minoritaire au Sénat. Comme il est lui-même en situation minoritaire au Sénat, le parti minoritaire est peut-être le parti au pouvoir, mais il ne maîtrise pas la destinée de la Chambre. Il faudra tout un cycle de gouvernements avant que ce gouvernement puisse retrouver la majorité au Sénat. Il y a donc toujours une période où le gouvernement au pouvoir n’est pas maître au Sénat parce que le gouvernement précédent a pu, grâce au processus d’attrition, nommer de nouveaux membres dans cette Chambre.

C’est essentiellement la façon dont nous fonctionnons, comme vous le savez, mais c’est différent du fonctionnement du Parlement de Westminster. À Westminster, d’après les témoignages que nous avons entendus, on compense pour la présence des partis politiques par la présence de membres indépendants qu’on appelle crossbenchers. C’est qu’en ce moment, il y a un troisième élément en plus des divers partis politiques (je pense qu’il y en a quatre qui sont actuellement représentés à la Chambre des lords, dont le Parti travailliste et le Parti conservateur), et c’est le groupe des « crossbenchers », qu’on appelle ainsi parce qu’ils n’ont pas d’affiliation. Ce sont des membres indépendants qui constituent un groupe important à la Chambre des lords et qui s’ajoutent aux partis politiques, parce que le gouvernement voudra toujours avoir un bon nombre de membres qui y siègent pour appuyer ses projets de lois du gouvernement. Or, comme le gouvernement au pouvoir succède au précédent, qui a été défait, le gouvernement défait a déjà des représentants à la Chambre des lords et y constitue en quelque sorte déjà une opposition.

C’est donc un fonctionnement plus nuancé que le nôtre, parce que non seulement disposons-nous d’un nombre très limité de sièges au Sénat, mais ces sièges sont répartis par région, de sorte que le premier ministre ne peut pas désigner plus de sénateurs qu’il n’y a de sièges pour telle ou telle région, bien sûr. Le premier ministre est également contraint de composer avec les nominations de longue date, comme avec les nominations pour de courtes périodes, si bien que la dynamique est très différente entre les deux Chambres.

Cela dit, il ne fait aucun doute que la présence des partis politiques est essentielle au bon fonctionnement de la Chambre des lords, à Londres. Cela ne signifie pas que nous ne pouvons pas envisager un système différent pour nous, mais je pense que si nous devons nous en tenir à une constitution similaire, en principe, à celle du Royaume-Uni, il y aurait un ajustement nécessaire pour refléter la nature de notre régime fédéral. Je dis toujours que notre Sénat est une Chambre fédérale qu’on ne retrouve pas à la Chambre des lords. La Chambre des lords n’est pas une Chambre fédérale. Notre Sénat est une Chambre fédérale. Il y a un monde de différence entre les deux.

J’irai même plus loin. Je souligne qu’il y a des partis politiques à la Chambre des lords et que, à mon avis, ils sont là pour rester. J’ai lu de nombreux rapports, particulièrement le rapport Wakeham de 2000 produit par la Commission royale. Il est rare qu’une commission royale étudie la Chambre des lords. Or, nulle part dans le rapport Wakeham n’est-il question de recommander l’élimination des partis politiques. On réclame plutôt la présence de membres indépendants, cela ne fait aucun doute, et cette présente s’est intensifiée au fil des ans, mais le but n’en est pas de voir les partis politiques disparaître en bout de ligne. Ce n’est absolument pas la conclusion qui se dégage du rapport Wakeham.

Le président : Rien ne dit que c’est ce qui va arriver ou non ici.

La sénatrice Bellemare : Ma question est la suivante :

[Français]

Pour avoir un rapport précis, je pense que le sénateur Joyal a bien expliqué le système britannique qui, en termes de nominations et de durée, nous ressemble davantage. Lorsque je regarde sur Internet, on a à la Chambre des communes une notion d’opposition officielle, mais on n’a pas de notion d’opposition officielle sur le site de la Chambre des lords. On parle de partis d’opposition. J’aimerais que vous regardiez plus en détail dans les règles de la Chambre des lords s’il y a un élément d’opposition officielle quand il y a plusieurs groupes ou si ce sont tous les autres groupes qui sont affiliés à un parti et qui forment l’opposition. Dans ce qui est écrit, il y a les représentants du gouvernement, il y a les partis d’opposition au pluriel et les crossbenchers placés dans le bas du « U » où siègent les lords.

Pourriez-vous vérifier si cette notion fait partie intégrante de nos règles? Dans le contexte actuel, comme il y a un représentant du gouvernement, mais pas de caucus du gouvernement, j’aimerais que cela soit vérifié.

[Traduction]

Marc-André Roy, analyste, Bibliothèque du Parlement : Nous pourrons vérifier.

Le sénateur Massicotte : Nous avons passé beaucoup de temps à préparer ce rapport, tous les mots sont importants, et nous essayons de trouver les mots justes pour obtenir un vaste consensus.

J’aimerais seulement faire une proposition, qui ne fonctionnera peut-être pas. Vous posez une question sur l’introduction, et je pense qu’il est naturel que nous cherchions des réponses. Quels sont les principes dont il est question ici? Je pense qu’il faut y arriver d’une manière ou d’une autre ou que vous devez au moins nous en donner une indication.

Comment se comparent-ils à ceux des autres pays du Commonwealth qui ont un système de Westminster? Je vois que les nombres diffèrent, mais je présume qu’ils comportent tous une opposition.

La sénatrice Bellemare : Ils ont tous…

La sénatrice McCoy : Au moins une Chambre comportant une opposition.

Le sénateur Massicotte : Mais qu’en est-il du Sénat?

La sénatrice McCoy : Ils n’ont pas tous de Chambre haute.

Le sénateur Massicotte : Je pense que le rapport fait état du principe, mais venons-en aux faits. Autrement dit, je pense que tout le monde convient des faits et convient qu’il faut aussi toujours que le Sénat prenne la meilleure forme possible pour répondre à nos obligations envers le public canadien. Je pense que tout le monde sera d’accord avec cela. L’histoire est ce qu’elle est. Les faits sont là. On ne peut pas les réfuter, mais ils ne mènent pas pour autant à une conclusion automatique. La conclusion sera toujours que si le Sénat doit être souple, il doit pouvoir répondre aux besoins de la population en ce moment et que la conclusion ne sera peut-être pas toujours la même, mais qu’elle n’invalide pas pour autant les faits qui sont là, selon moi.

La sénatrice Stewart Olsen : Je ne pensais pas vraiment que nous en arriverions là, mais dans notre institution démocratique, on ne peut exister sans le gouvernement d’un côté et l’opposition de l’autre. Je pense que le sens du mot « officielle » est « protégée ». Parce qu’il faut respecter le principe selon lequel c’est le gouvernement qui propose et c’est l’opposition qui s’oppose aux propositions du gouvernement ou les appuie. C’est la base même de notre démocratie.

Si l’on veut qu’il y ait une multitude de sénateurs indépendants, très bien. Les sénateurs indépendants seront un peu comme ces crossbenchers et pourront se joindre tantôt à l’opposition officielle, tantôt à l’opposition, mais l’on ne pourra alors garantir aux Canadiens un bon examen complet des projets de loi. Nous sommes en train d’invalider l’essence même de notre travail. Nous avons beau prétendre être tous indépendants, mais il n’y a personne au Canada qui voit les parlementaires comme un groupe d’indépendants faisant ce que bon leur semble. Nous représentons la population.

Bien que l’idée de nous éloigner d’un aspect de notre démocratie qui a toujours été accepté semble très séduisante, je pense que le Sénat comprend nécessairement un groupe en faveur du gouvernement et une opposition officielle, qui est protégée et financée. Ces efforts semblent surtout destinés à ne plus financer l’opposition officielle.

Je sais, sénatrice McCoy, que ce n’est pas l’idée derrière votre proposition; je le comprends bien, mais dans le fond, c’est ce vers quoi nous nous dirigeons. Je n’en ai que faire de ce qui se passe en France. Je n’en ai que faire de ce qui se passe ailleurs, je dis seulement que notre système s’apparente au système britannique. Je n’en ai que faire des autres. Je me soucie d’abord et avant tout de notre pays et de l’évolution de notre Sénat, pour assurer son bon fonctionnement et protéger la population canadienne.

Notre Sénat a une tradition de protection des minorités, des groupes linguistiques, et il est devenu la voix du peuple canadien. Ce n’est pas parce que nous approuvons automatiquement les initiatives du gouvernement, et je ne laisse pas entendre que c’est ce que font les sénateurs indépendants. Mais avant de rejeter ce qui fonctionne bien, je tiens à dire que je pense que ce système fonctionne bien. Nous faisons du très bon travail. Nous devons comprendre qu’il faut protéger l’opposition en continuant de la considérer comme une opposition officielle, sous une forme ou une autre, mais qu’il doit y avoir une opposition au Sénat. Sans cela, aussi bien jeter la serviette et nous contenter de dire que la Chambre des communes s’occupera de tout.

La sénatrice Frum : On ne peut pas avoir les deux modèles à la fois. Nous citons des exemples étrangers. Si l’on mentionne que la Nouvelle-Zélande ou l’Écosse n’ont pas de Chambre haute, pourquoi figurent-elles dans le rapport? Elles y figurent parce qu’elles ont des systèmes de Westminster, dont nous sommes en train de discuter. Il ne peut pas y avoir deux poids, deux mesures. On ne peut pas décider de ne pas les inclure dans le rapport parce que ce ne sont pas des exemples utiles. Pourquoi figurent-ils dans le rapport?

Le président : Ce sont des exemples de la souplesse du modèle de Westminster.

La sénatrice Frum : Très bien, mais alors, n’évoquez pas cet argument quand je les cite et que je dis qu’ils n’ont pas de Chambre haute et que pour cette raison, leur exemple n’est pas pertinent. Je dis simplement qu’il faut être cohérents. Nous parlons du système de Westminster ici. Certains de ces exemples… Le sujet n’est pas le rôle des Chambres hautes, mais le système de Westminster. Cela va pour moi, parce que je sais de quoi il s’agit. Je ne sais pas si les personnes qui ont rédigé ce rapport savent de quoi il s’agit, mais je le sais.

Quand vous ferez vos recherches pour déterminer s’il y a ou non ce qu’on appelle une opposition officielle à la Chambre des lords, vous pourrez également vérifier s’il y a des membres de l’opposition qui ont été nommés par un premier ministre. Je pense que la réponse sera « non ».

La sénatrice McCoy : Il y en a.

La sénatrice Frum : Je sais que c’est votre cas. Ces nominations étaient peut-être nécessaires, mais j’essaie simplement de vous dire que l’idée serait qu’on peut être nommé par le premier ministre au pouvoir et tout de même être un membre très efficace de l’opposition. Je rejette totalement cette idée. C’est le cœur de mon argument. C’est ce vers quoi nous nous en allons. Je le sais.

La sénatrice McCoy : C’est une hypothèse qu’il vaudrait la peine d’étudier. Il y a une autre bonne hypothèse qu’il vaudrait la peine d’étudier — une idée qui serait très pratique, je pense, et qui court —, il s’agit de créer des groupes qui ne seraient pas financés comme d’autres groupes ou sous-groupes de sénateurs.

La sénatrice Frum : Je m’excuse. Je n’avais pas terminé. Ce rapport porte sur les caractéristiques fondamentales du système de Westminster. C’est le sujet sur lequel est censé porter ce rapport. D’autres rapports? D’accord. C’est toutefois le sujet de celui-ci.

Comme je l’ai déjà dit, la conclusion en est totalement insatisfaisante, parce qu’il est écrit qu’il n’y aurait aucun principe. C’est la première phrase de la conclusion : « Les principes de Westminster ne constituent pas une approche rigide ou restrictive du système parlementaire. » Vraiment?

Soyons sérieux. Nous essayons de préparer un rapport, de l’approuver et de le soumettre au vote, mais cette phrase devrait être remplacée par quelque chose du genre : « Tout compte fait, il a été déterminé, dans ce rapport, que les caractéristiques fondamentales du système Westminster sont… », puis nommons-les, parce que c’est la question à laquelle nous devions répondre.

La sénatrice Bellemare : La conclusion qui se dégage des témoignages des experts et des autres témoins, c’est que tout évolue et qu’il n’est pas nécessairement facile de dégager des principes stricts dans la réalité actuelle.

La sénatrice Frum : On cite Gary Levy à la page 2, et ce n’est pas ce qu’il disait. Il est écrit dans l’ébauche :

… Gary Levy a soutenu que la caractéristique distinctive du modèle de Westminster est le concept de l’opposition loyale de Sa Majesté et a souligné que le Parlement est « par-dessus tout un mécanisme d’opposition ». À son avis, même si la logique de l’opposition ne s’applique plus clairement à une Chambre basse élue, la présence d’une Chambre haute complètement indépendante demeurerait incohérente par rapport au système de Westminster.

Cela faisait aussi partie des témoignages.

La sénatrice Bellemare : Il y a eu toutes sortes de…

Le président : Nous avons repris des passages des divers témoignages, de tous les points de vue.

La sénatrice Frum : Donc pourquoi est-ce que cela ne se retrouve pas dans la conclusion?

Le président : Parce que nous croyons que la vaste majorité des témoignages pèse plus lourd dans la balance.

La sénatrice Frum : C’est intéressant.

Le sénateur Massicotte : Je ne fais pas partie du comité de direction, mais je pense qu’il devrait reconnaître ma solution, qui consisterait à faire état de l’histoire et des faits. Je pense que nous ne réussirons pas à tirer de conclusion sur l’opposition. Je ne crois pas qu’il soit pertinent d’en tirer une directement ou indirectement; il n’y a pas consensus sur la question.

Quoi qu’il en soit, cela importe peu, puisque la conclusion est que nous devrions adopter pour le Sénat le modèle lui permettant le mieux de satisfaire à nos obligations, comme le sénateur Joyal l’a dit. Tout le monde sera d’accord avec cela. Nous ne nous entendons pas sur la forme à privilégier, mais nous ne réglerons pas cette question aujourd’hui, et elle ne se réglera probablement pas le mois prochain. C’est là où nous en sommes. Je ne crois pas qu’on puisse obtenir consensus sur la question, et vous ne devriez pas essayer d’insinuer qu’il en va autrement ici.

La sénatrice McCoy : J’endosse cette position.

Si nous avons terminé de débattre de cette question, j’aimerais parler un peu de la toute dernière phrase qu’on trouve à la page 15. J’aimerais rappeler très rapidement mon appel à la cohérence avec notre premier rapport, dans lequel nous exposions les six ou sept rôles du sénateur moderne, pour continuer d’éclairer les autres personnes qui nous étudient, leur montrer que le rôle du Sénat du Canada évolue et qu’il évolue de manière importante et utile pour les Canadiens.

Le président : Des observations?

La sénatrice Frum : Je sens que ce rapport ne fait pas consensus, donc qu’arrivera-t-il dans ce cas?

Le président : Je crois que nous devons retourner à la planche à dessin et produire un autre rapport, un rapport révisé, que nous soumettrons au comité dès que possible, c’est-à-dire le 28 février, soit le prochain mercredi disponible.

D’ici là, le comité de direction est handicapé par l’absence du sénateur McInnis, bien qu’il soit joignable par courriel et qu’il souhaite participer à nos travaux autant que possible. Entretemps, le sénateur Joyal et moi nous rencontrerons sur ces questions et consulterons le sénateur McInnis autant que possible. Nous ne pourrons pas tenir de réunion du comité de direction en tant que telle, en l’absence du sénateur McInnis, mais nous le tiendrons informé de nos progrès.

L’intention serait de vous soumettre un autre rapport à notre prochaine séance, qui aura lieu le mercredi suivant la relâche, soit le 28 février.

Le sénateur Massicotte : Si vous n’arrivez pas à respecter cette échéance, il n’y a rien qui nous empêche de nous pencher sur d’autres sujets qui nous intéressent.

Le président : Le comité de direction ne s’est pas encore réuni à ce propos. Nous ne nous sommes pas encore entendus sur nos futurs sujets d’étude.

Le sénateur Massicotte : Nous pouvons en parler maintenant.

Le président : Certainement.

Le sénateur Massicotte : Quelles sont les propositions?

Le président : Nous aimerions aborder le thème de la structure des débats. Il y a différents modèles qui existent : il y a celui du conseil d’administration, celui du super plumitif et diverses autres façons de restructurer le débat. Nous pouvons en recenser environ cinq. Nous aimerions donc entendre des témoins à ce sujet, mais nous ne nous sommes toujours pas réunis pour en discuter. Cela dit, le sénateur Joyal et moi nous rencontrerons cette semaine. Sénateur Mockler?

Le sénateur Mockler : Dans un esprit d’uniformisation et à la lumière d’observations faites un peu plus tôt, je porte à votre attention quelques mots sur le style Westminster de Parlement qu’on trouve à la ligne 9 de la page 15 : « les régions et les minorités ». Un peu plus loin, à la ligne 16, on lit « et d’espace d’expression des minorités ». J’écrirais plutôt « et d’espace d’expression pour les minorités et les régions et de ralliement de l’opposition », si nous voulons bel et bien favoriser les régions et les minorités plutôt que le poids démographique. Merci.

Le président : Cette modification sera apportée.

La sénatrice Stewart Olsen : Ne changez toutefois pas les mots « représentant des intérêts des régions ». Laissez ce passage tel quel.

Le président : C’est d’accord.

La sénatrice Stewart Olsen : Très bien. Merci.

Le président : Très bien. Est-ce que quelqu’un d’autre a des observations à faire avant que je mette un terme à la séance? Excellent. Je vous remercie.

(La séance est levée.)

Haut de page