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SOCI - Comité permanent

Affaires sociales, sciences et technologie


LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES AFFAIRES SOCIALES, DES SCIENCES ET DE LA TECHNOLOGIE

TÉMOIGNAGES


OTTAWA, le mercredi 10 juin 2020

Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd’hui, à 11 h 30 (HE), par vidéoconférence, pour étudier la réponse du gouvernement à la pandémie de la COVID-19.

La sénatrice Chantal Petitclerc (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente : Honorables sénateurs, avant de commencer, j’aimerais vous rappeler quelques points.

D’abord, vous êtes priés de mettre votre micro en sourdine en tout temps, sauf lorsque je vous désignerai par votre nom. Vous devez allumer et éteindre votre micro vous-mêmes pendant la réunion.

Avant de prendre la parole, veuillez attendre qu’on vous nomme. Une fois que vous aurez obtenu la parole, veuillez faire une pause de quelques secondes pour laisser le signal sonore s’établir. Lorsque vous parlez, faites-le lentement en gardant le micro près de votre bouche. Si vous avez choisi un canal d’interprétation, je vous demande de vous exprimer uniquement dans la langue du canal en question.

En cas de difficultés techniques, particulièrement en ce qui concerne l’interprétation, veuillez le signaler à la présidence, et l’équipe technique tâchera de régler le problème. Si vous éprouvez d’autres difficultés techniques, veuillez communiquer avec le greffier du comité au moyen du numéro d’assistance technique qui vous a été fourni.

Les écrans Zoom ne doivent pas être copiés, enregistrés ou photographiés.

Enfin, veuillez noter que, si le comité décide de siéger à huis clos, l’utilisation de plateformes en ligne ne garantit pas la confidentialité des échanges et ne protège pas contre l’écoute clandestine. Les participants doivent donc garder ce risque présent à l’esprit et limiter les possibilités de divulgation de renseignements confidentiels, privés et privilégiés du Sénat.

Quand il y a huis clos, les participants doivent s’assurer de se trouver dans un lieu privé et demeurer conscients de leur environnement afin d’éviter de communiquer par inadvertance des renseignements personnels ou des renseignements pouvant servir à les localiser.

Bonjour à tous. Bienvenue au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie.

[Français]

Je m’appelle Chantal Petitclerc, sénatrice du Québec et présidente de ce comité. C’est avec grand plaisir que nous sommes ici ce matin.

[Traduction]

Avant de céder la parole à nos témoins, j’aimerais vous présenter les sénateurs qui participent à la réunion ce matin.

[Français]

Nous avons le plaisir d’avoir parmi nous le sénateur Munson, la sénatrice Seidman, la sénatrice Forest-Niesing, la sénatrice Miville-Dechêne, la sénatrice Pate, la sénatrice Bovey, la sénatrice LaBoucane-Benson, la sénatrice Griffin, la sénatrice Dasko, le sénateur Manning, le sénateur Campbell, la sénatrice Mégie, la sénatrice Omidvar, la sénatrice Poirier, la sénatrice Moodie, le sénateur Kutcher et la sénatrice Martin.

[Traduction]

Le 11 avril 2020, le Sénat a adopté une motion autorisant le comité à étudier la réponse du gouvernement à la pandémie de la COVID-19. Nous tenons aujourd’hui notre cinquième réunion sur cette question.

Chers collègues, l’impact de la COVID-19 sur les aînés canadiens a été dévastateur, les résidants d’établissements de soins de longue durée comptant pour 80 % de tous les décès liés à la COVID-19 au Canada. Aujourd’hui, le comité entendra des témoins représentant les établissements de soins de longue durée et les intérêts des aînés.

[Français]

Je vous présente tout de suite nos premiers témoins pour ce matin. Nous accueillons Mme Jodi Hall, présidente de l'Association canadienne des soins de longue durée, le Dr Réjean Hébert, professeur et médecin gériatre à l’École de santé publique de l’Université de Montréal, ainsi que Mme Carole Estabrooks, professeure associée à la Faculté des sciences infirmières de l’Université de l’Alberta.

[Traduction]

Nous allons commencer par les déclarations liminaires de nos témoins. La parole est à vous, madame Hall.

Jodi Hall, présidente, Association canadienne des soins de longue durée : Mesdames et messieurs les membres du comité, je tiens à vous remercier de m’avoir invitée à comparaître devant vous aujourd’hui pour discuter du secteur des soins de longue durée du Canada et du travail que nous avons fait pour répondre à la COVID-19. Je suis la présidente de l’Association canadienne des soins de longue durée, souvent appelée l’ACSLD. Champions de la qualité des soins de longue durée au Canada, nos membres fournissent des services de soins de santé subventionnés par l’État aux personnes âgées partout au pays.

Je tiens d’abord à saluer les personnes âgées qui ont été victimes de la COVID-19. Nous sommes de tout cœur avec leurs familles. Je ne doute pas que vous vous joindrez à moi pour leur offrir nos plus sincères condoléances.

Je profite également de l’occasion pour remercier tous les travailleurs de première ligne qui continuent d’offrir avec compassion et compétence des soins aux aînés du Canada dans ces circonstances très éprouvantes.

Il est certes important que nous prenions le temps de réfléchir, mais je sais que nous en viendrons à constater que l’impact de la COVID-19 dans les foyers de soins de longue durée aurait été moindre si les gouvernements s’étaient montrés proactifs en appuyant le secteur avant la pandémie.

Certains des défis dont je vais parler aujourd’hui ont été exacerbés par la COVID-19, mais il s’agit en fait de problèmes systémiques, et nos membres en font état depuis de nombreuses années.

Je veux que les choses soient claires. La COVID-19 ne fait pas la distinction entre les différents modèles de financement des foyers. Tous les types de foyers ont été touchés par ce virus, et chacun a vécu une expérience différente. Ce fut une période extrêmement difficile et douloureuse pour toutes les personnes concernées, y compris les résidants, leurs familles, le personnel de première ligne et ceux qui exploitent ces foyers.

À l’heure actuelle, nos efforts en tant que pays devraient être axés sur le soutien des foyers de soins de longue durée en cas d’éclosion, afin de pouvoir les aider à stabiliser la situation.

L’expérience vécue a été différente d’un foyer à l’autre, et cette différence tient à un éventail de facteurs, notamment le vieillissement de l’infrastructure, la situation du personnel avant et pendant l’éclosion et la rapidité avec laquelle les foyers ont pu avoir accès à de l’EPI et à d’autres soutiens.

Au début de la pandémie, les tests de dépistage, le regroupement en cohortes et les mesures de contrôle des infections étaient principalement axés sur les personnes âgées et les soignants qui présentaient des symptômes. Les spécialistes de la lutte contre les infections et les scientifiques de la santé publique comprennent maintenant que les porteurs asymptomatiques peuvent également être très contagieux et que la période d’incubation du coronavirus est beaucoup plus longue que celle d’autres virus. Par conséquent, les foyers touchés au début de la pandémie semblent avoir été les plus durement frappés.

Je veux aussi expliquer comment les soins sont assurés dans les foyers. Tous les soins fournis dans un foyer de soins de longue durée — qu’ils soient prodigués par un médecin, une infirmière ou un autre prestateur de soins de santé — dépendent du financement provincial accordé à ces foyers. Chaque province réglemente le secteur des soins de longue durée un peu différemment, mais, en règle générale, les foyers reçoivent une enveloppe budgétaire pour les soins, les programmes et la dotation en personnel. À titre d’exemple, le gouvernement de l’Ontario accorde à tous les foyers de soins de longue durée un financement sous forme de subventions hautement prescriptives, et les dépenses s’y rattachant font l’objet d’une vérification comptable au moyen d’un processus annuel de conciliation.

Chaque dollar consacré aux soins infirmiers et personnels, aux programmes ou à la nourriture est réservé à cette fin et les sommes non dépensées doivent être remises à la province. Cela signifie, en deux mots, qu’aucune de ces enveloppes budgétaires ne représente un profit.

Je vais maintenant parler des problèmes systémiques liés à l’infrastructure des soins de longue durée.

Beaucoup des plus vieux foyers n’ont pas de chambres à coucher privées, mais des chambres de trois ou de quatre lits, ce qui rend difficile la mise en application de mesures de regroupement en cohortes et d’isolement. Les vieux foyers ont généralement des couloirs plus étroits et, dans bien des cas, une seule salle à manger au rez-de-chaussée, ce qui fait qu’il est difficile de respecter la règle de la distanciation entre les résidants.

Le 11 avril, l’Agence de la santé publique du Canada a publié un document d’orientation provisoire sur les mesures de prévention et de contrôle des infections dans les foyers de soins de longue durée. Certaines des lignes directrices, comme les restrictions visant certaines aires de travail et l’utilisation de chambres individuelles pour certains types de soins, sont presque impossibles à respecter du fait de l’aménagement de certains des vieux établissements et foyers. Dans ces établissements, les plans existants de gestion de l’éclosion, y compris les mesures d’isolement des résidants symptomatiques, sont entravés par un manque d’espace et une disposition inadéquate des lieux.

Force nous est de constater à quel point ces problèmes d’infrastructure peuvent être catastrophiques pendant une pandémie. Nous savons qu’il y a, au pays, au moins 400 foyers de soins de longue durée où une mise à niveau est nécessaire pour satisfaire aux normes de conception modernes. Nous savons que, en Ontario seulement, 50 % des foyers de soins de longue durée auraient besoin de rénovations majeures ou d’une reconstruction pour être conformes aux normes de conception actuelles.

L’autre problème systémique auquel est confronté le secteur, c’est la crise, actuellement en cours, des ressources humaines et des ressources dans le domaine de la santé. Comme je ne dispose que de cinq minutes, je ne m’attarderai pas sur notre récent document prébudgétaire, mais je vous exhorte à le consulter pour avoir une description détaillée de la situation des ressources humaines dans le secteur de la santé. Je ferai remarquer qu’il doit y avoir, sous le leadership du gouvernement fédéral, une collaboration entre les provinces et territoires et le secteur des soins de longue durée en vue d’élaborer et de mettre en œuvre une stratégie pancanadienne sur les ressources humaines en santé.

En terminant, je dirai que le secteur est, depuis des années, aux prises avec des problèmes systémiques et que l’insuffisance du soutien qu’il a reçu a aggravé les difficultés rencontrées pendant la pandémie. Nous avons déjà demandé et nous demandons de nouveau que le gouvernement fédéral aide le secteur pour que les aînés bénéficient du logement et des soins dont ils ont besoin, non seulement en période de crise, mais en tout temps.

Je vous remercie du temps que vous m’avez accordé. Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.

[Français]

La présidente : Merci beaucoup. Nous poursuivons avec vous, docteur Hébert, pour vos remarques d’introduction.

Dr Réjean Hébert, professeur et médecin gériatre, École de santé publique, Université de Montréal, à titre personnel : Madame la présidente, honorables sénateurs et sénatrices, mesdames et messieurs, d’abord merci de m’avoir invité à participer à ce comité sénatorial. La crise de la COVID-19 résulte en fait de la négligence des trois dernières décennies par rapport aux soins accordés aux personnes âgées, en institution et à domicile. Je vais, dans un premier temps, parler de la crise dans les établissements d’hébergement, mais je veux élargir le débat à l’ensemble des personnes âgées en perte d’autonomie qui souffrent aussi de négligence au sein des systèmes de soins de santé et des services sociaux.

La crise dans les établissements d’hébergement est très importante au Québec, particulièrement dans les centres d’hébergement et de soins de longue durée, les CHSLD. On dénote plus de 3 000 morts, soit 8 % des personnes qui vivent dans ce genre d’institution. C’est une catastrophe importante qui résulte de plusieurs facteurs. D’abord, le manque d’encadrement médical et infirmier, qui aurait permis de prendre soin de ces personnes qui ont de multiples conditions médicales et surtout de faire face à des crises sanitaires comme celle que nous avons vécue. Deuxièmement, les pénuries de personnel et de préposés, qui sont importantes et ont été vraiment critiques pendant la crise, s’expliquent bien entendu par un problème de rémunération, mais aussi, et surtout, par un problème de valorisation de cette profession qui, au-delà des gestes techniques, exige des qualités humaines importantes. On doit également évoquer les mesures de prévention de la propagation qui n’ont pas toujours été optimales, la disponibilité du matériel et surtout la stabilité du personnel. La mobilité du personnel d’un établissement à l’autre a été un facteur de propagation important. Comme la personne qui m’a précédé l’a souligné, la qualité des installations physiques est également déficiente. On dénombre encore de nombreuses chambres à multiples lits, des salles de bain partagées et des établissements qui ont besoin de rénovations importantes.

Enfin, les CHSLD ont perdu leur gestion locale, et ils sont maintenant, au Québec, intégrés à des superstructures qui comprennent des hôpitaux, des centres communautaires, des centres de réadaptation et plusieurs CHSLD. On ne retrouve plus dans les CHSLD une gestion locale, capable de s’assurer de la qualité des services offerts dans les établissements, mais aussi de réagir rapidement aux problèmes qui pourraient survenir. Cette situation dans les CHSLD est en fait la pointe de l’iceberg. On a un problème au Canada; on a priorisé la solution institutionnelle pour répondre aux besoins des personnes âgées en perte d’autonomie. C’est notre système de soins de santé canadien qui est à l’origine de ce problème. Il a été conçu au siècle dernier pour une population jeune; on a couvert surtout les hôpitaux et, par extension, les hôpitaux de soins prolongés, qui sont devenus nos établissements d’hébergement.

Nous n’avons donc pas mis l’accent sur les soins à domicile. Le Canada ne consacre que 14 % du financement public des soins de longue durée aux soins à domicile. C’est la pire statistique des pays de l’OCDE. D’autres pays comme la France, par exemple, consacrent plus de la moitié de leur budget aux soins de longue durée à domicile, et le Danemark y consacre 73 % de son budget. Il faut donc investir davantage, mais il n’est pas assuré que, lorsqu’on investit davantage, cet investissement va se traduire en services de maintien à domicile. Je reste très dubitatif en ce qui a trait à l’investissement majeur de 6 milliards de dollars annoncé dans le budget de 2017. Est-ce que cet investissement sera vraiment priorisé par les provinces, et surtout par les établissements, pour donner des soins à domicile? Cela reste une question importante. En effet, la priorité des établissements et des provinces, c’est l’accès aux services hospitaliers; l’hôpital recevra toujours la part du lion des dépenses dans le secteur de la santé.

Il faut donc changer la façon de financer, et financer directement les usagers, les bénéficiaires, plutôt que les établissements. C’est ce qu’ont fait le Japon et la plupart des pays de l’Europe continentale, en mettant en place une assurance publique de soins à long terme, qui alloue des sommes aux personnes en fonction de leurs besoins. C’est ce genre d’assurance que j’ai voulu mettre en place lorsque j’étais ministre de la Santé au Québec, de 2012 à 2014. Malheureusement, le projet de loi que nous avions déposé est mort au Feuilleton à cause de l’élection précipitée. Il faut donc revenir à cette idée, et implanter au Canada ce genre de financement qui permet aux personnes de continuer de vivre à domicile. Le Canada a plusieurs options. L’une d’entre elles pourrait être d’édicter une loi sur les soins à long terme, qui énoncerait des principes, et les provinces qui se conforment à ces principes pourraient recevoir des transferts fédéraux ou encore une allocation canadienne de soins à domicile, une allocation directe qui permettrait aux individus de se payer les services dont ils ont besoin.

En terminant, la crise actuelle nous montre qu’il y a des problèmes importants à résoudre si l’on souhaite répondre aux besoins des personnes âgées en perte d’autonomie, notamment dans les institutions d’hébergement, mais il faut également aller au-delà de cette crise dans les institutions pour réformer les soins aux personnes âgées en perte d’autonomie pour leur permettre de continuer de vivre le plus longtemps possible à domicile, dans leur milieu, parmi leurs proches. Merci beaucoup.

La présidente : Merci à vous, docteur Hébert.

[Traduction]

Nous entendrons maintenant la déclaration liminaire de Mme Estabrooks.

Carole Estabrooks, professeure associée, Faculté des sciences infirmières, Université de l’Alberta, à titre personnel : Bonjour. Je tiens à remercier le comité de m’avoir invitée à comparaître devant lui et je remercie les intervenants précédents de leurs observations.

Je suis directrice scientifique d’un programme de recherche appliquée longitudinale portant sur les questions de qualité dans les foyers de soins depuis une quinzaine d’années, surtout dans les provinces de l’Ouest et de l’Atlantique et, dans une moindre mesure, dans les provinces centrales. Mes propos porteront exclusivement sur les foyers de soins infirmiers.

Un foyer de soins de longue durée ou de soins infirmiers n’est pas un hôpital pour malades chroniques. C’est un foyer et, pour la plupart de ses résidants, ce sera leur dernier foyer. Les adultes âgés dans ces foyers ont besoin à la fois de soins de santé et de soins sociaux. Ils sont d’âge avancé, la moitié ayant plus de 85 ans, leur santé est fragile du fait de plusieurs maladies coexistantes. Environ 80 % d’entre eux sont atteints de démence, maladie liée au vieillissement et limitant leur espérance de vie. Les soins qu’ils nécessitent sont de plus en plus complexes et exigeants.

Pourtant, plus de la moitié des Canadiens interrogés disent qu’ils préféreraient mourir plutôt que de se retrouver dans un foyer de soins infirmiers. Comment se fait-il que nous en soyons arrivés là au Canada, pays caractérisé par un niveau de revenu et une qualité de vie enviables? Comment se peut-il que 85 % des décès attribuables à la COVID-19 au Canada soient survenus dans les foyers de soins infirmiers, le taux le plus élevé au monde? Épargnons-nous, au Canada, de devoir rester à l’extérieur des foyers pour les inviter à ce qu’ils sortent leurs morts.

C’est ce qui se produira si nous ne nous préparons dès maintenant à la deuxième vague éventuelle de la COVID. Jusqu’à maintenant, nous avons failli à notre devoir de prendre soin de nos concitoyens les plus vulnérables, de façon particulièrement inhumaine dans certaines régions du Canada. Nous devrions tous prendre le temps de nous rappeler les jours où, au pire de la première vague de la pandémie, dans certaines régions, nous avons laissé des personnes âgées mourir dans leurs excréments, sans eau, sans nourriture, sans contact humain. C’était des Canadiens âgés et vulnérables : parents ou grands-parents, époux ou épouse, frère ou sœur, ami ou compagnon de longue date.

C’est un problème qui concerne tout le monde. Ce n’est pas seulement un problème en Ontario et au Québec. Chacun des quelque 1 800 foyers de soins infirmiers du Canada n’est qu’à un pas d’une éclosion de la COVID-19 dans ses murs. Voyez la tragédie qui s’est déroulée à Campbellton, au Nouveau-Brunswick. Un médecin porteur du coronavirus l’a transmis à un patient, qui est ensuite allé travailler dans un foyer de soins infirmiers, où il l’a transmis à trois membres du personnel et à 15 personnes âgées, dont l’une est décédée. À un pas près… cela vaut pour tout foyer de soins infirmiers, peu importe la province ou le territoire.

Il s’agit, de notre part, de complaisance et de négligence sans malveillance. Il s’agit de nos attitudes envers les personnes âgées et les personnes handicapées. Il s’agit de nos attitudes vis-à-vis du travail des soignants, du travail des femmes. Nous voulons croire que n’importe qui peut prendre soin d’une personne âgée atteinte de démence, et c’est justement cette erreur qui nous a amenés où nous en sommes aujourd’hui, cette étonnante croyance que nous pourrions gérer un système aussi complexe que le secteur des soins de longue durée sans disposer de données fiables. Cela ressemble davantage à la planche Ouija qu’à une approche fondée sur des données probantes. Nous sommes au XXIe siècle, après tout.

Mais il n’est pas très utile de distribuer le blâme. Il s’agit maintenant de régler les problèmes immédiats et de se tourner ensuite vers les problèmes à moyen et à long terme, sans quoi la situation risque fort de se répéter. Mais ce ne sera pas parce que nous ne savons pas quoi faire. Je peux citer des centaines de rapports qui, littéralement, accumulent la poussière sur les tablettes. Je peux citer des milliers de documents de recherche qui proposent des solutions à divers défis. Je peux vous citer personnellement plus de 10 000 entrevues que mon équipe a menées auprès de soignants de première ligne. Ils nous disent devoir travailler sous pression, être insuffisamment préparés, escamoter et précipiter les soins essentiels en raison du manque de personnel et de temps.

Que faut-il faire? Nous devons nous assurer que chaque foyer au Canada soit prêt à faire face à une éventuelle deuxième vague. Nous devons continuer de corriger les mauvaises conditions de travail les plus criantes : la rémunération, les avantages sociaux, le travail multisite. Nous devons veiller à ce que tous les foyers disposent de l’équipement et des ressources nécessaires pour dépister et retracer tous les résidants et le personnel, pour contrôler tous les travailleurs, les visiteurs et les familles, pour obtenir l’EPI approprié et recevoir la formation voulue en matière de contrôle des infections.

Nous devons aider les travailleuses dont les enfants ne sont pas à l’école ou dont les parents âgés ont besoin de soins par des stratégies novatrices en matière de garde d’enfants et de services de répit. Nous devons traiter les familles comme des familles et non comme des visiteurs.

Il nous faut évaluer l’incidence des politiques de limitation du travail à un seul emplacement afin de nous assurer qu’elles n’auront pas de conséquences imprévues. Nous devons assurer une gestion et un leadership compétents dans tous les foyers.

Nous devons trouver une façon de déployer les travailleurs disponibles dans les cas où un foyer serait en difficulté en raison de l’absence d’employés eux-mêmes malades. Nous devons avoir des données. Pour l’amour du ciel, il nous faut des données fiables pour pouvoir gérer le système correctement.

Que faut-il ne pas faire?

Lancer une nouvelle commission, enquête ou étude, produire un autre rapport. Nous n’avons qu’à lire la centaine de rapports que nous avons. Ils proposent toujours les mêmes solutions. Nous devons cesser de favoriser les soins de courte durée au détriment des soins de longue durée. Il ne faut pas penser de façon irréaliste, croire que ce sera facile et n’exigera pas de ressources. Il s’agit d’un travail difficile qui, bien sûr, nécessitera l’apport de ressources, mais pas au point de mener le pays à la faillite.

Nous ne pouvons nous permettre des débats acrimonieux et interminables sur les champs de compétence fédérale et provinciale.

Y en a-t-il parmi nous qui croient que la personne âgée, gisant dans ses excréments, qui mourait dans la soif, la douleur, la solitude et la peur, se demandait de quel gouvernement elle devait attendre de l’aide? Je vous remercie de votre attention.

[Français]

La présidente : Merci beaucoup à tous nos témoins.

[Traduction]

Passons maintenant aux questions des sénateurs. Comme vous pouvez le deviner, il y en aura beaucoup.

Je vous rappelle rapidement que chaque sénateur dispose d’un temps de parole de cinq minutes, qui comprend ses questions et les réponses. Si vous souhaitez poser une question ou répondre à une question, veuillez utiliser la fonction « lever la main » de Zoom. Une fois que vous serez sur ma liste, la main sera baissée.

Lorsque vous posez une question, veuillez nommer la personne à qui vous vous adressez. Cela me facilitera beaucoup la tâche.

Aujourd’hui, nous commencerons par les questions de la sénatrice Poirier, vice-présidente du comité, qui sera suivie de la sénatrice Griffin.

La sénatrice Poirier : Merci aux trois témoins pour tous les renseignements qu’ils nous ont communiqués. Nous vous sommes très reconnaissants d’avoir pris le temps de nous rencontrer aujourd’hui.

Ma question s’adresse à Mme Hall, de l’Association canadienne de soins de longue durée. Dans votre communiqué de presse du 4 juin, vous avez affirmé que le Canada n’était pas prêt à faire face à cette pandémie. Il a été pénible de voir comment nos soins de longue durée ont été débordés.

À votre avis, les conseils et les lignes directrices donnés par le gouvernement et l’Agence de la santé publique du Canada pour lutter contre la pandémie étaient-ils appropriés?

Mme Hall : Merci. Si je me reporte à l’expérience de beaucoup de nos membres, un problème souvent souligné concerne la chronologie : le moment où l’information était communiquée, le moment où les directives étaient données et le moment où ils avaient pleinement accès à de l’EPI, ainsi que la capacité de comprendre et d’appliquer les mesures de précaution. Très vite, il y a eu un décalage.

L’autre point que je mentionnerai, c’est que ce qui était conseillé n’était tout simplement pas réalisable sur le terrain. Si nous parlons de choses comme la distanciation sociale pendant les repas, par exemple, cela peut s’avérer extrêmement difficile, surtout dans les vieux établissements. Cela a créé des situations confuses incroyablement difficiles.

Depuis le début de la pandémie jusqu’à aujourd’hui — avec notre compréhension de la transmission asymptomatique, notre compréhension et la liste des symptômes reconnus de la COVID —, nos connaissances ont certainement augmenté considérablement. Au début, toutes ces lacunes ont créé des difficultés qui, à mon avis, ont contribué aux éclosions dans les foyers.

La sénatrice Poirier : Merci. Ma deuxième question s’adresse également à vous, madame Hall.

La Dre Theresa Tam a dit la semaine dernière qu’une explosion de cas est une possibilité réelle pendant une deuxième vague. La Dre Tam et le gouvernement ont-ils présenté des plans et des rectificatifs en prévision de la deuxième vague?

Mme Hall : Je sais que chaque province y va aussi de ses directives. Tout le monde continue de se concentrer sur le plan de regroupement en cohortes, les étapes de prévention et le dépistage du personnel.

À mesure que le temps passe, le financement des établissements de soins de longue durée étant souvent très limité, le fardeau de trouver les ressources nécessaires à l’achat de l’EPI — et nous voyons de nombreux exemples de prix gonflés —, ajouté aux difficultés constantes liées à l’accès, crée une situation où chacun tâche de s’en tirer de son mieux.

Je pense que tout le monde comprend beaucoup mieux la situation aujourd’hui qu’au début de mars, mais les défis demeurent. Je sais que le gouvernement fédéral prend des mesures pour assurer l’approvisionnement en EPI au Canada et que la planification se poursuit certainement au niveau provincial partout au pays, mais il y a encore des défis implicites quant au regroupement en cohortes et à la mise en place de toutes les mesures préventives possibles.

Pour ce qui est des effectifs, le défi demeure entier et exigera une planification à beaucoup plus long terme.

La sénatrice Poirier : Le 8 avril, l’Agence de la santé publique du Canada a publié des lignes directrices sur la prévention et le contrôle des infections par la COVID-19 dans les foyers de soins de longue durée. C’était presque un mois après le début de la pandémie au Canada. À votre avis, ces lignes directrices auraient-elles dû faire partie du plan de lutte contre la pandémie dès le début et non pas un mois plus tard? Combien de temps a-t-il fallu pour mettre en œuvre les lignes directrices sur le dépistage?

Mme Hall : Oui, cela a pris un mois, ce qui a entraîné un certain retard dans la réponse. Je pense que les particuliers partout au pays, et à l’échelle provinciale, les organismes surveillaient ce qui se passait à l’étranger et faisaient de leur mieux pour préparer une réponse vigoureuse pour leur propre foyer, en explorant et en s’employant à comprendre les mesures de dépistage, mais ils se fiaient aux directives des autorités nationales et provinciales de la santé publique pour s’assurer de bien suivre les tendances et l’évolution chronologique de la pandémie afin de savoir quand mettre en place les mesures indiquées.

Il y a eu un retard. Si les lignes directrices ou les directives avaient pu être données plus tôt, cela aurait permis de mettre en place beaucoup plus rapidement des mesures de dépistage plus rigoureuses.

La sénatrice Poirier : Merci.

La sénatrice Griffin : J’ai une question pour le Dr Hébert. Comme vous le savez, notre comité a pour mandat d’étudier la réponse du gouvernement à la pandémie. Je vous demande donc ce qui, à votre avis, est bon ou mauvais dans la réponse du gouvernement du Canada?

Dr Hébert : Je pense que le gouvernement canadien a très bien réussi — pas aussi tôt qu’il l’aurait fallu — à établir des lignes directrices pour les établissements de soins de longue durée.

Il aurait été très utile de fournir de l’équipement plus tôt aux Canadiens et aux établissements canadiens pour prévenir la propagation de l’infection, mais je pense que le gouvernement canadien, pas plus que le gouvernement provincial d’ailleurs, n’a donné priorité aux soins pour les personnes âgées et les personnes handicapées au cours des 30 dernières années et cette tempête a éclaté justement parce qu’on n’avait pas accordé autant d’attention qu’on aurait pu le faire à ces populations vulnérables. Je pense que c’est la principale leçon que nous devons tirer de la crise actuelle.

La sénatrice Griffin : Merci, c’est parfait. Madame Estabrooks, pourriez-vous répondre à la même question? À votre avis, en quoi le gouvernement a-t-il bien fait et en quoi a-t-il fait moins bien que nous l’aurions souhaité?

Mme Estabrooks : D’accord, merci. Je pense que la communication n’a pas été parfaite, mais elle a néanmoins été notablement meilleure au Canada que dans d’autres pays que nous observions à la même époque. Je pense que nous avons, pour la plupart, gardé un sentiment de calme raisonnable et réfléchi, ce qui est important dans de telles situations.

Je voudrais d’abord faire écho à tout ce que le Dr Hébert a dit au sujet de la difficulté pour certains d’entre nous de répondre à la question du court terme, voulant dire par là que nous savons que nous sommes arrivés où nous en sommes à cause de problèmes beaucoup plus profonds. À court terme, nous aurions pu faire mieux en rectifiant la préférence accordée aux soins de courte durée plutôt qu’aux soins de longue durée. Je pense que c’est clair non seulement au Canada et dans les provinces, mais partout. Même si nous étions incapables d’en prédire l’ampleur, nous nous sommes préparés à l’excès dans certaines provinces, sinon dans plusieurs, pour faire face à une forte progression de la pandémie et nous avons pris du retard dans certains de nos préparatifs dans le domaine des soins de longue durée, particulièrement ceux portant sur l’éducation, le contrôle des infections et l’utilisation de l’EPI, l’équipement de protection individuelle.

Il importe de se rappeler que 90 % des soins directs dans ces foyers sont assurés par des travailleurs non réglementés qui, pour la plupart, ne reçoivent pas de formation continue et ont un niveau de scolarité minimal. Ainsi, lorsque des soignants et autres travailleurs du secteur des soins de courte durée passent à des établissements de soins de longue durée, on nous dit qu’un effort d’éducation continu, et sans cesse repris, doit être fait parce qu’ils ne connaissent simplement pas certains principes élémentaires auxquels serait en droit de s’attendre des travailleurs du secteur des soins de courte durée. Bien que les foyers de soins infirmiers fassent un assez bon travail chaque année pour gérer les éclosions de grippe, les conditions actuelles sont très différentes. Les résidants et le personnel sont pour la plupart vaccinés, mais la nouveauté du coronavirus l’a rendu tellement plus dévastateur.

La sénatrice Griffin : Merci.

[Français]

La présidente : Avant de poursuivre avec les sénateurs qui ont des questions à poser, j’aimerais, docteur Hébert, approfondir quelque peu sur la question de ma collègue la sénatrice Griffin.

Comme vous le savez, je viens du Québec. Ces temps-ci, les journaux québécois font beaucoup de comparaisons entre la Colombie-Britannique et le Québec, et, évidemment, la situation est assez choquante.

Par exemple, en Colombie-Britannique — le 21 mars, si je ne me trompe pas —, on a interdit très rapidement les déplacements de personnel entre les résidences, ce qu’on n’a pas encore réussi à faire complètement au Québec. Compte tenu de cette réalité où les provinces ont des décisions à prendre, le gouvernement fédéral aurait-il un rôle un peu plus musclé à jouer, si je peux m’exprimer ainsi? Les directives de l’Agence de la santé publique du Canada ont-elles été données trop tard ou étaient-elles assez claires? Comment aurait-on pu éviter qu’une telle situation se produise au Québec?

Dr Hébert : La situation du Québec est particulière pour plusieurs raisons. D’une part, au Québec, on souffre actuellement du fait qu’il y a eu deux réformes consécutives qui ont fusionné les établissements dans des superstructures, surtout la dernière réforme en 2015, et les CHSLD et le maintien des personnes âgées à domicile ont été marginalisés par rapport à la vocation hospitalière de ces superstructures. Il y a un problème de priorisation et de financement dans les établissements de soins de longue durée. Il y a également un problème de drainage des ressources humaines vers l’hôpital, qui représente la priorité pour ce qui est de ces superstructures. Ces conditions de base ont donc provoqué cette crise.

Dans les CHSLD, il y a très peu d’encadrement médical, parce que les médecins ont été déviés vers les cabinets de médecins pour donner à chaque Québécois un médecin de famille, selon l’orientation du ministre précédent. Donc, les médecins ont délaissé la pratique en CHSLD. C’est la même chose pour le personnel infirmier, qui a diminué de façon importante. On constate une absence d’encadrement professionnel dans les établissements de soins de longue durée et il y a aussi une pénurie de préposés. Tout cela fait en sorte que les CHSLD n’ont pas été priorisés. Quand on compare le Québec avec les autres provinces, il n’y a pas plus d’hébergement. J’ai fait le travail avec Statistique Canada en me basant sur les mêmes critères pour comparer les provinces les unes avec les autres. Le taux d’hébergement au Canada chez les personnes âgées est de 5,7 % et il est de 5,9 % au Québec. Il n’y a pas plus d’hébergement en CHSLD au Québec. Le problème au Québec, c’est que la qualité des services dans les CHSLD s’est détériorée au cours des dernières décennies. C’est ce qui a provoqué l’éclosion de l’infection beaucoup plus qu’ailleurs.

L’autre enjeu a évidemment été la stabilité du personnel. Comme vous le savez, les préposés au Québec travaillent dans de multiples établissements, car il y a une seule unité syndicale pour l’ensemble des CHSLD de ces superstructures. Cela signifie qu’il y a une importante mobilité de personnel, ce qui est très dommageable pour la qualité des services, mais cela entraîne également des conséquences importantes pour la propagation des infections, comme on l’a vu avec la crise actuelle.

Le Canada a été extrêmement actif pour établir des principes d’accès au système de soins de santé par l’intermédiaire de la Loi canadienne sur la santé. Cependant, cette loi était basée surtout sur les médecins et les hôpitaux. Donc, tout le reste n’est pas vraiment couvert par la loi et le gouvernement fédéral n’a pas la légitimité requise pour imposer des normes nationales. Il y a donc un enjeu important pour ce qui est du cadre législatif, et même constitutionnel, du Canada. Il faudrait que le gouvernement canadien se dote d’une loi sur les soins de longue durée qui lui permettrait d’établir des normes nationales et, ainsi, d’avoir plus de légitimité à l’avenir pour être en mesure de faire des interventions pertinentes pour aider les provinces non seulement à mettre en place des services, mais aussi à réagir à des crises comme celle que nous avons vécue.

La présidente : Merci beaucoup pour cette réponse.

[Traduction]

Le sénateur Munson : Oui, merci beaucoup. Je suis frappé par les commentaires du Dr Hébert. D’autres témoins pourraient réagir pareillement. Vous avez parlé de la tragédie des personnes handicapées et d’une loi sur les soins de longue durée. J’aimerais savoir quelle était, dans ces foyers de soins de longue durée où 80 % des cas ou des décès se sont produits, la proportion des personnes handicapées? En conjonction avec une loi sur les soins de longue durée, comment pouvons-nous bâtir l’infrastructure et faire en sorte que des personnes compétentes s’occupent des personnes handicapées? Je pense qu’elles sont oubliées dans tout ce débat.

Dr Hébert : Oui, je suis tout à fait d’accord avec vous. Au cours du dernier siècle, parce que nous étions une population jeune, nous avons fait porter l’essentiel de nos efforts sur les soins hospitaliers et nous avons complètement négligé les soins de longue durée. Maintenant que le Canada vieillit très rapidement, nous devons adapter notre système de soins de santé au vieillissement de la population et aux personnes ayant de multiples affections et handicaps.

La Loi canadienne sur la santé ne répond plus aux besoins d’une population vieillissante parce qu’elle ne porte pas sur les soins de longue durée en établissement et surtout à domicile.

Dans notre budget des dépenses publiques, 86 % des crédits sont affectés aux établissements parce que ceux-ci sont considérés comme faisant partie du réseau hospitalier. Ils deviennent des hôpitaux de soins de longue durée. Mais il n’y a rien dans la Loi canadienne sur la santé au sujet des soins à domicile. Si nous voulons aider les personnes handicapées qui vivent chez elles, nous devons avoir un système de financement leur permettant de demeurer à domicile avec les services appropriés, ce que nous n’avons pas. Ces gens gravitent donc vers les établissements capables de répondre à leurs besoins.

Nous devrions plutôt laisser les gens vivre chez eux et adapter les services, avec des fonds publics, pour leur permettre de vieillir chez eux. C’est la principale leçon que nous devons tirer de cette crise.

Les soins de longue durée constituent un continuum, qui va des soins à domicile aux soins en établissement. Il faut garder présent à l’esprit qu’il s’agit d’un continuum et que nous devons adopter une approche systémique pour améliorer les services dont ont besoin les personnes handicapées dans notre pays.

Le sénateur Munson : Vous avez abordé une question très délicate. Il y a actuellement des gens qui vivent à la maison, par exemple, atteints de paralysie cérébrale à l’âge de 25 ans, avec leurs parents, dont les deux travaillent. Ils recevaient des soins à domicile. Après la pandémie, nous nous retrouvons dans une situation où on peut se demander quel genre de soins la personne qui veut rester et vivre à la maison pourra recevoir, dès lors que les deux parents veulent toujours aller travailler. Une personne atteinte d’un handicap de cette nature a forcément une santé fragile; son système immunitaire est vulnérable au coronavirus. Qui acceptera de venir lui prodiguer des soins à domicile après la pandémie? Il y a des dizaines de milliers de cas de ce genre partout au pays. Je ne sais pas si d’autres veulent participer à cette discussion, mais nous devrons trouver des solutions.

Dr Hébert : Cela me préoccupe beaucoup. À l’heure actuelle, l’accent est mis sur l’établissement, mais dans l’optique de la dette, et alors qu’il y a des personnes handicapées qui ne reçoivent pas les services appropriés en ce moment, la priorité est accordée à l’établissement. Les ressources humaines se déplacent vers les établissements pour les soutenir, mais les personnes handicapées se retrouvent sans services, que ce soit de la part du public, du gouvernement ou des organismes sociaux chargés de fournir certains services de tâches ménagères ou de soins personnels. C’est un problème majeur en ce moment, et je crains que ces gens soient obligés d’aller à l’urgence et d’être hospitalisés, ou qu’ils meurent chez eux dans le silence et l’indifférence. Il y a un drame silencieux qui se déroule en ce moment au Canada, et personne ne parle de ces gens à la maison qui se trouvent privés de services appropriés. Je suis tout à fait d’accord avec vous.

Mme Estabrooks : Merci. J’aimerais revenir sur les commentaires du Dr Hébert au sujet du continuum des soins. Il y a un continuum, mais il ne sera pas possible d’éliminer le recours aux foyers de soins infirmiers. Nous pouvons certainement retarder l’entrée des gens dans ces foyers beaucoup plus longtemps s’il y a des soutiens communautaires et à domicile adéquats, mais, sachant quel est l’état des résidants des foyers de soins de longue durée — 80 % d’entre eux sont atteints de démence —, il arrive un moment, à mesure que leur état se détériore, où leurs besoins dépassent les capacités de la collectivité et de la famille, si famille il y a. Il est important de reconnaître que les soins en établissement font partie de ce continuum.

Lorsque nous parlons de foyers de soins de longue durée — et c’est pourquoi les commentaires du Dr Hébert au sujet de la Loi canadienne sur la santé sont si pertinents —, nous ne parlons pas d’hôpitaux pour malades chroniques. Nous parlons du foyer de quelqu’un. Il offre des soins de santé et des soins sociaux, et nous avons besoin d’un cadre national qui nous permette d’offrir des soins appropriés avec des ressources suffisantes. Comment peut-on bien vivre avec une démence grave — et on le peut —, mais comment peut-on bien vivre la dernière partie de sa vie et mourir dans la dignité?

Je pense que nous savons que la plupart des Canadiens veulent jouir d’une certaine autonomie et exercer un contrôle pendant leurs dernières années, mais ce n’est pas nécessairement ainsi que les choses se passent à l’heure actuelle dans bon nombre de nos établissements.

Enfin, les personnes handicapées représentent un défi et un enjeu majeur dans ce secteur, mais il ne s’agit pas seulement des personnes handicapées. Les gens qui reçoivent des soins de longue durée sont comme les autres Canadiens. La vulnérabilité et la disparité de revenu jouent un rôle important dans la qualité des soins de longue durée qu’une personne peut recevoir. Je mettrais la pauvreté en tête de liste des facteurs.

Si vous êtes pauvre et que vous vivez dans un foyer de soins infirmiers, les probabilités que vous soyez une femme et que vous ne puissiez pas vous payer les soins de la vue, les soins auditifs et dentaires et tous les services non assurés qui sont maintenant offerts dans ces établissements sont élevées. Ils sont devenus très complexes, très différents de ce qu’ils étaient il y a 10, 20 ou 40 ans, lorsque nous avons commencé à les construire.

Le sénateur Munson : Merci.

La sénatrice Seidman : Je vous remercie tous pour vos exposés.

Madame Hall, je vais vous poser une question au sujet de la liste de recommandations que vous avez présentées au gouvernement fédéral en vue de la préparation du prochain budget. Vous avez présenté vos recommandations en février, et je crois que vous en avez fait mention dans votre exposé. Vous avez recommandé, entre autres, d’élaborer et de mettre en œuvre une stratégie pancanadienne en ressources humaines de la santé comme moyen de remédier à la pénurie de travailleurs des soins de longue durée. Vous avez écrit :

Une stratégie en ressources humaines de la santé pour le secteur des soins de longue durée doit être axée sur la quantité, le mélange et la distribution géographique appropriés de fournisseurs et sur l’environnement approprié pour permettre aux fournisseurs d’offrir leurs services.

Je serais heureuse de vous entendre décrire comment vous envisagez cette stratégie particulière et j’aimerais savoir si vous en avez discuté avec le gouvernement fédéral.

J’ai aussi une question pour le Dr Hébert, si le temps le permet. Vous êtes gériatre et ancien ministre de la Santé et des Services sociaux du Québec, et vous avez parlé avec éloquence du passage des soins de courte durée aux soins communautaires et de la nécessité de transférer certains de nos services aux soins communautaires, notamment aux soins à domicile.

Je suis tout en faveur du vieillissement à domicile, mais je constate qu’on ne cesse de parler du manque de ressources communautaires pour le favoriser. J’aimerais savoir quel rôle le gouvernement fédéral pourrait jouer pour transférer certaines ressources des soins de courte durée aux soins à domicile.

Mme Hall : Merci beaucoup. Oui, pour ce qui est de la recommandation contenue dans notre mémoire présenté en février en prévision du budget fédéral — et qui, en fait, a figuré année après année depuis quatre ans dans nos mémoires prébudgétaires —, elle préconise la mise en place d’une stratégie en ressources humaines de la santé pour les soins de longue durée partout au Canada. Pour nos membres, il s’agit d’une demande de longue date. C’est l’une de nos grandes priorités, et c’est pourquoi elle est reprise dans ce document. Je pense qu’il a fallu, malheureusement, subir les effets de la pandémie de la COVID-19 pour prendre conscience de la gravité du problème.

L’un des éléments de cette recommandation, c’est le soutien du gouvernement fédéral à une stratégie d’immigration très ciblée, ayant pour but de renforcer les rangs des professionnels qui sont déjà ici. Je pense qu’il y a aussi un travail sérieux de mobilisation des jeunes partout au pays pour les amener à comprendre quelles sont les possibilités de carrière.

Il y a eu tellement de manchettes négatives ou erronées au sujet des soins de longue durée au cours des dernières années que vous pouvez certainement comprendre pourquoi beaucoup de jeunes ne considèrent pas nécessairement les soins aux personnes âgées comme un domaine de travail de choix. Je pense donc qu’il y a énormément à faire pour mieux représenter la beauté de ce secteur. Je sais que nous avons beaucoup entendu parler des défis, mais je veux mentionner également que certaines des personnes les plus passionnées, dévouées et intelligentes que j’ai rencontrées travaillent dans ce secteur et qu’elles ne sont pas là parce qu’elles n’étaient pas assez compétentes pour aller ailleurs. C’est parce qu’elles ont choisi d’être là, et pourtant ce message ne semble pas passer. Beaucoup d’efforts et d’énergie pourraient être consacrés à la promotion de ce secteur.

Nous avons fait des sondages par l’entremise de l'Association canadienne des soins de longue durée et nous savons que les établissements de soins de longue durée, les foyers de soins, sont importants pour les Canadiens. Je pense que nous devons davantage mobiliser le public et faire la promotion globalement de ce que nous faisons.

[Français]

Dr Hébert : Je vais m’adresser à vous en français, car je sais que la sénatrice Seidman comprend très bien le français. Nous avons travaillé ensemble sur l’Étude longitudinale canadienne sur le vieillissement il y a de nombreuses années.

Une des réussites de l’État canadien a été de mettre en place le système de soins de santé que l’on connaît actuellement. Il est basé essentiellement, comme je le disais tout à l’heure, sur les hôpitaux et les soins médicaux, donc sur ce qui est médicalement nécessaire, comme le dit la Loi canadienne sur la santé.

Si nous voulons que le Canada ait la légitimité d’intervenir dans les soins de longue durée, il faut que le pays se dote d’une loi spécifique sur les soins de longue durée qui établirait des principes semblables à la Loi canadienne sur la santé, mais spécifiques aux soins de longue durée, y compris les soins à domicile et les soins institutionnels. Ou alors, il faudrait que le Canada utilise son pouvoir de dépenser pour créer une allocation canadienne sur les soins à domicile semblable à l’Allocation canadienne pour enfants. Cette allocation permettrait de fournir directement du financement afin que les personnes qui ont des incapacités puissent se procurer les services qui leur sont nécessaires. Cette allocation serait établie sur la base d’une évaluation des incapacités d’un patient.

Dans toutes les provinces, un instrument est utilisé par les intervenants pour mesurer les incapacités. Au Québec, cet instrument s’appelle le Système de mesure de l’autonomie fonctionnelle (SMAF); dans les autres provinces, c’est le Resident Assessment Instrument (RAI). Nous avons donc une base pour établir l’admissibilité des gens à cette allocation et le montant qui serait accordé. Cela permettait de couvrir les soins à domicile et les soins en institution grâce à un financement spécifique. Cela permettrait de se sortir de la situation actuelle, où les soins de longue durée sont amalgamés à l’ensemble des budgets des établissements, qui sont beaucoup plus préoccupés par les soins hospitaliers que par les soins aux personnes âgées qui ont des incapacités ou aux personnes handicapées.

La présidente : Merci beaucoup pour cette réponse.

[Traduction]

La sénatrice Seidman : Est-il exact que vous faites partie du groupe de travail à long terme qui a été créé par le Bureau de la conseillère scientifique en chef? Si c’est le cas, j’espère que vous y faites valoir certaines des idées vraiment intéressantes dont vous nous avez fait part.

[Français]

Dr Hébert : Oui, je fais partie de ce groupe de travail et j’ai effectivement soumis des propositions qui ont été retenues dans la partie du rapport qui traite des enjeux à plus long terme pour les soins de longue durée. C’est un travail que j’ai fait au cours des dernières semaines.

La présidente : Merci beaucoup.

[Traduction]

Madame Estabrooks, vous avez levé la main pour répondre à la question de la sénatrice Seidman. Avez-vous quelque chose à ajouter?

Mme Estabrooks : Oui, juste un point au sujet des soins à domicile et du continuum général des soins qui précède l’admission des personnes dans des foyers de soins. Ce n’est pas la même chose dans toutes les provinces, mais dans les provinces qui ont adopté des politiques sur le vieillissement qui ont vraiment donné de bons résultats, une des choses que nous constatons, c’est que les adultes âgés se retrouvent dans les foyers de soins infirmiers beaucoup plus tard dans le cours de leur maladie, ce qui augmente la complexité de leur cas et de leurs besoins, la constitution de la population dans ces foyers évoluant à mesure que nous réussissons mieux nos interventions dans la collectivité.

Pour répondre aux commentaires de Mme Hall, nous ne suivons même pas les besoins en main-d’œuvre pour ce genre de population. Au Canada, nous ne dénombrons pas correctement les aides-soignants ou les préposés aux services de soutien à la personne. Il est donc difficile de planifier les effectifs, sans parler des exigences en matière de formation continue et d’enseignement. Je veux juste souligner [Difficultés techniques] les foyers de soins sont [Difficultés techniques] les soins de longue durée sont complexes, ce qui fait que les interventions à un endroit, même si elles ont du succès, ont toujours des conséquences ailleurs. Nous devons porter une attention particulière à cette population changeante dans les foyers de soins infirmiers.

[Français]

La sénatrice Forest-Niesing : Je commencerais peut-être avec un commentaire pour Mme Estabrooks. J’ai apprécié votre franchise et je suis tout à fait d’accord avec votre affirmation selon laquelle nous n’avons pas besoin d’une autre commission, une enquête, un rapport ou une étude, étant donné qu’il en existe déjà beaucoup et parce qu’ils pointent tous vers les mêmes solutions. Il est temps d’agir. J’ai une question qui a été posée par les collègues qui m’ont précédée, et qui doit absolument être posée, qui concerne les rapports que les militaires ont faits au gouvernement de l’Ontario et du Québec sur les mauvaises conditions qu’ils ont observées lorsqu’ils ont fourni du soutien aux établissements de soins de longue durée. Les problèmes, on le sait, bien qu’on les ait mis en lumière de façon très prononcée, ne sont pas nouveaux et on sait qu’il y a de la négligence depuis de nombreuses années.

Je suis particulièrement intéressée par tout ce qui concerne les problèmes observés du point de vue de tous les témoins par rapport aux différences entre les conditions de vie dans les établissements privés à but lucratif et les conditions dans les établissements publics sans but lucratif. Je voudrais également vous entendre sur le rôle que le gouvernement fédéral devrait jouer, selon vous, pour régler ces problèmes.

[Traduction]

Mme Estabrooks : La question de la privatisation est complexe. Il y a beaucoup de controverse à ce sujet. D’après mon expérience, lorsque je regarde les données sur la qualité des soins, je constate que cette dernière n’est pas toujours associée au type de propriété d’un foyer de soins infirmiers. Dans cette province, nous ne constatons pas de différences de qualité entre les différents modèles de propriété. Je pense que c’est parce que le gouvernement provincial ici réglemente assez activement les heures directes, de sorte qu’il n’y a pas le genre de différences que l’on voit dans certaines administrations.

Je pense qu’il faut faire attention quand on parle de privatisation dans les foyers publics. C’est une question complexe que nous devons examiner et gérer de façon réfléchie. C’est ce que je voulais dire au sujet de la privatisation.

Je ne me souviens plus de votre deuxième question.

[Français]

Dr Hébert : Je peux peut-être répondre et parler de la situation au Québec pour ce qui est de la privatisation. Il existe deux types d’établissements privés au Québec, soit les CHSLD privés conventionnés, qui respectent exactement les mêmes conventions que dans le secteur public, c’est-à-dire les mêmes tarifs, les mêmes bases de rémunération pour le personnel et les mêmes critères pour l’admissibilité des personnes. Par contre, il y a aussi un secteur privé non conventionné qui s’est développé, et c’est ce qui est inquiétant, parce que les tarifs n’y sont pas contrôlés, la rémunération du personnel ne l’est pas non plus et la qualité des services est beaucoup moins encadrée que dans les résidences privées conventionnées.

Pour moi, il n’y a pas de place au Canada pour les centres d’hébergement privés non conventionnés. Je pense que, pour assurer des soins de qualité aux personnes, et surtout pour éviter les débordements pour ce qui est des tarifs que l’on demande à ces personnes, il faut que ces milieux soient conventionnés si on laisse le secteur privé œuvrer dans le domaine des soins aux plus handicapés de la société.

La sénatrice Forest-Niesing : Merci. On pourrait donner l’occasion à Mme Estabrooks de répondre…

[Traduction]

Mme Hall : J’ajouterais peut-être que lorsque nous parlons de ce que l’on désigne dans une large mesure comme des foyers de soins infirmiers, il s’agit dans tous les cas de foyers réglementés par les gouvernements provinciaux, qui le sont tous de la même façon, peu importe la structure organisationnelle en place. Je pense que c’est ce que Mme Estabrooks a mentionné.

Les personnes considérées comme les plus fragiles se trouvent dans le modèle provincial, où l’environnement est très réglementé et où il y a beaucoup de surveillance. Il n’y a donc pas de différence et, encore une fois, il n’y a pas de place pour la rentabilité dans la prestation de soins.

[Français]

La sénatrice Forest-Niesing : J’avais une question pour Mme Hall sur une des recommandations que fait son association par rapport à l’utilisation d’étudiants étrangers pour répondre aux besoins criants et au manque de personnel dans les résidences de personnes âgées. Je crois que vous avez mentionné ceci plus tôt : avez-vous considéré d’inclure les nouveaux arrivants au pays et de faire une requête auprès du ministère de l’Immigration pour savoir quelles mesures pourraient être implantées afin d’accélérer l’officialisation du statut de ces nouveaux arrivants, de les attirer vers cette profession et de la voir comme une voie d’entrée au pays?

[Traduction]

Mme Hall : Certaines des questions que nous avons soulignées de façon plus précise, par exemple, dans la présentation budgétaire que nous avons soumise, concernent la manière dont les critères d’établissements d’enseignement désignés s’appliquent aux collèges qui offrent, par exemple, une formation de préposé aux services de soutien à la personne. Donc, s’il s’agit d’un collège privé, tous les critères ne s’appliquent pas nécessairement. Souvent, nous constatons que de nombreux nouveaux arrivants au Canada ont terminé cette formation et ne sont pas nécessairement admissibles au permis de travail postdiplôme. Il y a des questions très techniques que le gouvernement fédéral pourrait contribuer à résoudre, selon nous, en ce qui a trait à la mobilisation de certains des nouveaux arrivants au Canada qui sont intéressés à se joindre à la population active.

À l’échelle pancanadienne, nous croyons qu’il est possible d’élaborer une stratégie nationale ciblée, en vue d’établir des priorités pour les gens à tous les niveaux de la prestation des soins — qu’il s’agisse des infirmières autorisées, des infirmières auxiliaires autorisées ou des préposés aux services de soutien à la personne —, afin qu’ils aient un meilleur accès aux possibilités d’immigration au Canada. Nous serions très heureux d’avoir l’occasion de travailler avec le gouvernement fédéral pour mieux comprendre les besoins du secteur des soins de longue durée et la façon dont cela pourrait être une solution pour nous à l’avenir.

La présidente : Merci.

La sénatrice Moodie : Merci aux témoins qui se sont joints à nous aujourd’hui. J’aimerais parler un peu plus des normes de soins, si vous me le permettez, et de l’impact de la déréglementation des établissements de soins de longue durée au cours de la dernière décennie.

Nous savons qu’il y a eu une certaine déréglementation, surtout en ce qui concerne les inspections annuelles et ainsi de suite. J’aimerais que vous commentiez le rôle qu’a joué la déréglementation dans les éclosions que nous avons vues et dans les taux de mortalité élevés que nous avons constatés.

J’aimerais aussi vous poser quelques questions sur les normes de soins. Y a-t-il des normes nationales de soins pour les établissements de soins de longue durée? Je suis certaine qu’il existe des travaux dans ce domaine dont vous pourriez nous faire part.

Deuxièmement, les établissements sont-ils tenus de se soumettre à un processus d’agrément, d’examiner de plus près leurs normes sur une base régulière? Est-ce volontaire ou obligatoire?

La dernière question que j’aimerais vous poser est la suivante : y a-t-il des modèles de prestation des soins dans d’autres pays sur lesquels nous devrions nous pencher et qui pourraient peut‑être mieux nous servir? Nous avons beaucoup parlé des problèmes du passé, mais j’aimerais comprendre, pour l’avenir, quels nouveaux renseignements nous avons qui pourraient améliorer ce secteur.

J’aimerais demander à Mme Estabrooks et au Dr Hébert de commencer. Merci.

Mme Estabrooks : Merci beaucoup. Les foyers de soins infirmiers, et je parle particulièrement des foyers de soins de longue durée, sont assujetties à un mélange intéressant de règlements.

Bien des choses sont trop réglementées, et beaucoup d’autres ne le sont pas assez, et je ne parle même pas des processus de reddition de comptes en matière d’inspections.

La réglementation est donc très stricte en ce qui concerne les risques. Les foyers de soins infirmiers sont traités de façon punitive si le nombre de blessures et de chutes y est trop élevé, par exemple. Si cela n’est pas fait avec soin, cela entraîne des effets pervers, en ce sens que certaines commencent à prendre des mesures pour restreindre la mobilité afin d’éviter les chutes. Il n’y a pas que la réglementation; les familles ont souvent tendance à être assez réfractaires au risque, et cela est compréhensible.

En ce qui concerne les libertés individuelles, la liberté de mouvement et les droits, il peut y avoir une réglementation excessive, mais il y a aussi tous ces endroits qui ne sont pas du tout réglementés. Il n’y a pas de normes nationales de formation pour les travailleurs de première ligne dans les foyers de soins infirmiers.

Nous avons entendu parler de la tempête parfaite et de l’énorme complexité des soins dont ces résidants ont besoin. Quatre-vingt-dix pour cent de ces soins sont prodigués par des personnes qui ne sont assujetties à aucune réglementation, qui ont de bonnes intentions et qui sont habituellement très engagées dans leur travail, et qui ont suivi un programme d’enseignement de huit semaines à huit mois, mais pas de formation continue. C’est un domaine où des normes nationales et une certaine surveillance et réglementation pourraient être utiles. Cela ne réglera pas tous les problèmes, mais c’est un bon point de départ.

Pour ce qui est des inspections, je ne comprends pas ce qui justifie une inspection par téléphone ou un appel pour dire : « Nous allons venir mardi prochain » lorsqu’une inspection est nécessaire. Je pense qu’il y a des aspects techniques sur lesquels les différentes administrations peuvent se pencher pour changer cela.

Nous n’avons pas non plus suffisamment de personnel dans les établissements de soins de longue durée. Vous savez ce qui se passe dans un hôpital en cas d’agrément. Des efforts massifs sont déployés pour s’y préparer. Toutes les forces sont mises à contribution. Dans un hôpital, même lorsque les ressources sont limitées, elles sont suffisantes pour y arriver. Lorsque la même situation se produit dans un foyer de soins infirmiers, ce sont aux gens qui prodiguent des soins de première ligne qu’il faut faire appel, ou à des infirmières réglementées, des physiothérapeutes ou des ergothérapeutes, pour peu que l’on y retrouve ces professionnels de la santé.

Je pense que la question de la réglementation et des normes est l’un des domaines où nous pourrions avoir des cadres fédéraux qui nous aideraient. Il devrait être possible de déménager sa mère du Nouveau-Brunswick à Vancouver et de s’attendre aux mêmes critères que dans le système de soins actifs, en ce qui concerne la transférabilité, l’accessibilité et ce genre de choses. Je pense qu’un cadre qui tient compte des besoins en matière de services sociaux et de soins de santé dans le secteur des soins continus, en mettant l’accent sur les soins de longue durée, pourrait nous être extrêmement utile au Canada.

Dr Hébert : Je crois que l’agrément est une question clé. Avec les réformes structurelles que nous avons vues au Québec, la création des grandes superstructures, Agrément Canada agrée chaque superstructure, mais pas chacun des CHSLD ou des foyers de soins, et c’est là que réside le problème.

Agrément Canada a été créé pour agréer les hôpitaux. Nous devons examiner de plus près l’agrément des foyers de soins infirmiers et l’établissement de normes pour les soins : le nombre de médecins nécessaires pour fournir des soins dans un centre de soins infirmiers, en particulier, le nombre d’infirmières nécessaires sur place pour chaque quart de travail, le nombre de préposés aux soins personnels, les modalités pour le partage des salles de bain, et toutes ces questions qui sont importantes dans la vie quotidienne, mais plus encore dans une crise comme celle que nous vivons actuellement. L’adaptation des organismes d’agrément est essentielle, à mon avis, pour que nous ayons des normes et que les personnes admises dans ces établissements soient traitées correctement.

Lorsque j’étais ministre, j’ai créé une sorte de visite d’inspection non annoncée, où trois personnes se rendaient dans des foyers de soins infirmiers pour vérifier certains critères. Le rapport de ces visites d’inspection devait être affiché sur Internet pour assurer la transparence, ainsi qu’un plan pour corriger les problèmes décelés. Malheureusement, cela n’existe plus, mais je pense que ce type de visite non annoncée est important pour pouvoir voir quels sont les problèmes dans les foyers de soins infirmiers.

Le sénateur Manning : Merci à nos témoins d’aujourd’hui. J’ai quelques questions. La première s’adresse à Mme Estabrooks.

Je m’interroge sur le partage de l’information entre les provinces — la mise en commun des pratiques exemplaires, les améliorations de la qualité qui pourraient être apportées et les moyens qui sont en place pour créer des normes communes, dont vous avez parlé il y a quelques instants — dans le contexte d’un programme national de soins de longue durée.

La suivante s’adresse à Mme Hall. Au cours des dernières semaines, il y a eu beaucoup de discussions au pays au sujet de l’équipement de protection individuelle. Quel est l’état actuel des stocks d’équipement de protection individuelle dans les foyers de soins de longue durée?

Mme Estabrooks : Merci. Il n’y a pas de bons mécanismes de mise en commun. L’une des choses qu’on nous a reprochées au Canada, quel que soit le secteur de la santé, c’est d’être un pays de projets pilotes. Nous avons beaucoup de petits projets, dont certains sont très prometteurs, mais nous n’arrivons pas à les déployer à plus grande échelle. Nous ne communiquons pas bien entre les provinces. Il n’y a même pas de mécanismes prévus à cet effet.

Nous avons un programme de partenariat dans le cadre duquel nous réunissons des intervenants, des décideurs, et cetera, et parfois nous ne pouvons même pas les faire venir, parce qu’ils ne sont pas autorisés à voyager. La situation est grave à ce point.

Pour ce qui est des pratiques prometteuses, beaucoup de travail a été fait au Canada à cet égard. J’aimerais commencer par dire qu’il n’est pas nécessaire d’avoir un foyer de soins sophistiqué construit en 2018 pour fournir de bons soins. Il y a des bâtiments horribles au Canada où on offre des soins de grande qualité. Une bonne partie de cela dépend du leadership et de la gestion, et nous n’appuyons pas efficacement nos gestionnaires. Nous devons en savoir plus sur les raisons de la réussite de certains. Ces endroits ont également eu tendance à bien s’en tirer pendant la COVID, alors je pense que c’est important.

Il y a des modèles extrêmement intéressants dans d’autres pays, mais nous ne mettons pas en commun cette information et nous ne savons pas si d’autres provinces mettent à l’essai ces modèles. Par exemple, les villages de la démence aux Pays-Bas ou les fermes de soins écologiques en Europe, qui sont très prometteurs; peuvent-ils être adaptés? Correspondent-ils à notre culture et à notre contexte?

En résumé, non, nous n’avons pas de bons mécanismes. Mais nous avons beaucoup de monde. Si nous parvenons à mettre en place les bons mécanismes et processus, tout le monde — des décideurs aux gestionnaires, en passant par les dirigeants, les associations et les chercheurs — pourrait commencer à mettre quelque chose en place s’il existait un cadre.

Mme Hall : J’aimerais mentionner brièvement quelque chose au sujet du partage des données. Comme Mme Estabrooks l’a souligné, il y a énormément de données à l’échelle provinciale. Les soins de longue durée sont très réglementés, mais il y a un défi à relever lorsque nous essayons de faire des comparaisons. La création d’une norme nationale est une chose dont nous avons beaucoup parlé à l'Association canadienne des soins de longue durée. Il y a des stratégies pour y arriver. Il existe un instrument d’évaluation des résidants et d’autres outils qui peuvent être utilisés.

Pour revenir à la question précise qui m’a été posée au sujet de l’équipement de protection individuelle, le gouvernement fédéral a créé un conseil de l’approvisionnement pour examiner cette question plus en profondeur. Nous attendons donc avec impatience les résultats pour les foyers sur le terrain, si je peux m’exprimer ainsi. Le coût de l’équipement de protection individuelle continue de susciter beaucoup d’interrogations pour tout le monde. L’accès aux stocks, certainement à court terme, était une chose, mais nous devons tenir compte du fait que c’est probablement notre réalité à long terme pour un certain temps, et que nous aurons besoin d’un accès continu à ce genre d’équipement. Beaucoup de ces organisations ont très peu de ressources, alors c’est une question grave de ce point de vue.

Pour ce qui est de la possibilité d’acheter de l’équipement de protection individuelle, que ce soit au niveau du gouvernement provincial ou de l’établissement, la situation s’est améliorée. Elle s’est stabilisée, mais il subsiste certainement des questions à long terme sur ce à quoi on peut s’attendre pour l’avenir et sur la durabilité globale de tout cela. Qu’il s’agisse de produits qui pourraient être recyclés ou réutilisés, ou de la possibilité d’adopter une approche centralisée en matière d’approvisionnement, afin de contrôler les coûts, ce sont des questions cruciales pour l’avenir.

Le sénateur Manning : J’ai une question rapide pour le Dr Hébert. En ce qui concerne le groupe de travail sur les soins de longue durée, pouvez-vous nous dire à quelle fréquence vous vous réunissez, et s’il y a un rapport ou des recommandations à venir?

Dr Hébert : Merci de la question. Nous nous sommes rencontrés cinq fois par téléconférence. La dernière rencontre remonte à quelques semaines. Nous avons travaillé à un premier rapport sur les mesures immédiates qui devraient être prises par Santé Canada pour établir des normes, afin d’améliorer la situation et d’éviter une deuxième vague. Nous avons également rédigé un deuxième rapport sur les questions à moyen ou à long terme qui devraient être abordées par Santé Canada et les provinces au sujet des soins de longue durée. Mais le comité ne siège plus.

Le sénateur Manning : Merci.

[Français]

La présidente : Merci pour cette réponse.

La sénatrice Mégie : Merci aux témoins de leurs très bons commentaires. Ma première question s’adresse à Mme Hall. L'Association canadienne des soins de longue durée avait recommandé l’établissement de flux d’immigration. Je reviens à la question de ma collègue la sénatrice Forest-Niesing, mais il y a un autre volet que je voulais aborder avec vous. Il s’agit de celui des médecins, infirmières et infirmières auxiliaires diplômés à l’étranger, qui sont au Québec et au Canada depuis quelque temps. Quand la grosse crise est arrivée, toutes les provinces ont dit, et tout le monde a crié, surtout au Québec, qu’on avait besoin de bras, qu’on avait besoin de gens pour venir prêter main-forte dans les CHSLD. Or, on les a catégoriquement mis de côté. On fait même appel à l’immigration, mais on ne fait pas appel à eux. C’est juste que leurs compétences ne sont pas encore reconnues.

Y aurait-il moyen de faire quelque chose? Qu’est-ce que le gouvernement fédéral pourrait faire pour faciliter cela? Avez-vous des idées? La question s’adresse à Mme Hall, mais j’aurais aimé aussi avoir les commentaires du Dr Hébert à ce sujet par la suite.

[Traduction]

Mme Hall : Merci. À cet égard, je peux dire que toute personne qui se trouve au Canada et qui a des titres de compétence relèverait certainement de l’organisme provincial de réglementation et de délivrance de permis. Qu’il s’agisse du Collège des médecins et chirurgiens, par exemple, dans une province donnée, ou de l’association des infirmières et infirmiers autorisés, ces organisations régissent les critères de réglementation liés à l’octroi de leurs permis.

Si l’occasion nous est donnée de collaborer avec ces personnes et de trouver une façon de les inclure dans l’effectif des soins de longue durée, afin qu’elles puissent commencer à travailler immédiatement, il est certain que nous sommes intéressés à travailler avec toutes les personnes qualifiées qui sont disposées à venir travailler dans nos foyers.

[Français]

Dr Hébert : D’abord, je suis heureux de revoir mon ex-collègue Marie-Françoise.

La sénatrice Mégie : Moi aussi.

Dr Hébert : La question de la reconnaissance des médecins étrangers est extrêmement importante. Elle a fait l’objet de nombreuses discussions au Québec au cours des 20 dernières années. J’étais doyen à la Faculté de médecine de l’Université de Sherbrooke au moment où on a mis en place une forme de mise à niveau des compétences pour ces médecins formés à l’étranger. L’enjeu en est un de mise à niveau des compétences et de disponibilité des milieux où faire des stages en vue d’effectuer cette mise à niveau. Beaucoup de travail a été fait au Québec pour permettre à ces médecins étrangers d’avoir les compétences auxquelles les Québécois et les Canadiens sont en droit de s’attendre de la part de tous les médecins. Je ne crois pas que le gouvernement fédéral ait un rôle à jouer dans ce domaine, qui est plutôt de compétence provinciale et qui est réservé à chacun des organismes qui établissent les normes pour la pratique médicale.

Je ne peux pas me prononcer sur les soins infirmiers. Je sais toutefois que du travail important a été fait pour offrir des formations de mise à niveau aux infirmières et aux infirmières auxiliaires.

Je crois que les personnes qui ont travaillé comme préposés pendant cette crise de la COVID-19 devraient, à tout le moins, avoir droit à une reconnaissance d’acquis pour leur contribution. À cet égard, le gouvernement fédéral aurait un rôle à jouer pour faire en sorte que leur statut, en matière de citoyenneté ou de résidence permanente, soit régularisé. Ces gens ont apporté une contribution significative à la gestion de la crise. Le moins que l’on puisse faire serait de leur montrer notre reconnaissance pour avoir prêté main-forte en ces temps difficiles.

La sénatrice Mégie : Merci, docteur Hébert, et merci, madame Hall. J’ai une autre question. Je ne sais pas qui d’entre vous pourra y répondre. Il y a un point qu’on n’a pas abordé en ce qui concerne les personnes âgées. En plus de leur vulnérabilité en tant qu’aînés, certaines personnes sont aussi en fin de vie. Or, on n’en a pas parlé. Ce qui m’a frappée, au Québec, c’est qu’il y a des ressources communautaires, qui sont des maisons de soins palliatifs — dans les autres provinces, on les appelle des hospices —, où ces personnes ont dû elles aussi subir les effets de la COVID-19. On a dû empêcher que les familles aillent les visiter, donc plusieurs d’entre eux sont morts seuls. C’est ce qu’on a reproché au système.

Pensez-vous, après avoir réfléchi à cela, si vous y avez réfléchi, qu’il y aurait une façon, s’il y a une autre crise, d’éviter cette crise humanitaire, ou cette crise humaine, dans ce petit secteur? Je sais qu’il est peut-être plus petit, mais cela concerne quand même une clientèle vulnérable, et même très vulnérable.

Dr Hébert : Si vous me le permettez, je vais tenter une première réponse. Je pense que, effectivement, on est allé trop loin dans les restrictions dans les centres de soins palliatifs. Nous savons maintenant qu’il est possible d’aménager ces endroits et de prévoir des équipements de protection personnelle pour permettre à la famille de vivre les derniers moments aux côtés de leur proche. Dans un souci de protéger le plus possible la population de la propagation, je crois qu’on est allé trop loin, et les autorités de santé publique le reconnaissent. On devrait permettre, sous certaines conditions, bien sûr, que les familles soient là, dans les établissements de soins palliatifs, mais aussi dans les CHSLD, pour accompagner leur proche dans leurs derniers moments. Je crois qu’il est inhumain de faire le contraire et que les inconvénients d’une telle approche trop restrictive sont beaucoup plus importants que les bénéfices qu’on peut en retirer.

La sénatrice Mégie : Merci.

[Traduction]

La présidente : Madame Estabrooks, la sénatrice Mégie n’a plus de temps, mais j’aimerais vous entendre à ce sujet parce que je pense que nous avons tous été troublés par certaines de ces histoires.

Mme Estabrooks : Oui. Tout d’abord, presque tous les résidants des foyers de soins sont en fin de vie. C’est leur dernière résidence, et cela est entendu. Nous pouvons faire en sorte qu’il s’agisse d’un endroit agréable où vivre. Plus de 90 % des gens y mourront. Les 10 % restants, une bonne proportion d’entre eux, mourront à l’urgence, après y avoir été transférés à tort.

Les ressources en soins palliatifs sont donc essentielles et elles sont rares dans les foyers de soins infirmiers. Pour ce qui est uniquement des soins palliatifs, nous avons encore beaucoup de chemin à parcourir, tout comme pour les services en santé mentale.

En ce qui concerne la présence des familles, j’aimerais demander aux sénateurs s’ils pensent que, dans n’importe quel hôpital du pays, il pourrait arriver qu’un bébé mourant dans une unité néonatale de soins intensifs meure sans la présence de ses parents. Je pense que ce que nous avons fait est tout à fait inacceptable. Je sais pourquoi cela est arrivé, mais je crois que nous n’avons pas réagi assez rapidement. Il n’y a aucune raison pour que la fille d’un résidant ou d’une résidante ne puisse pas revêtir les vêtements de protection comme le fait un préposé aux services de soutien à la personne. Nous devons donner aux membres de la famille de l’équipement et leur apprendre à l’utiliser. Les personnes vieilles et mourantes dans un foyer de soins infirmiers, qui sont atteintes de démence, ont besoin d’un environnement familier. Elles sont effrayées et déroutées. Elles sont entourées de gens qui portent des masques et des blouses de protection. Elles ont de la difficulté à entendre quand ils parlent ou à bien voir leur visage.

Dans les foyers de soins infirmiers, les familles fournissent beaucoup de soins, parce que nous dépendons de plus en plus d’elles plutôt que des travailleurs non rémunérés pour combler les lacunes dans les soins. Si l’un d’entre vous a eu un parent, un frère ou une sœur ou un conjoint dans un foyer de soins infirmiers, vous savez combien de soins les familles fournissent. Leur interdire de le faire a été un des plus grands échecs de la pandémie. Même si on a pris ces mesures au début, parce qu’il y avait de la confusion et des craintes, on aurait pu lâcher prise beaucoup plus rapidement. C’est l’un des problèmes auxquels nous devons nous attaquer à l’avenir. Je sais que cela entraîne certains risques, mais la vie n’est pas sans risques. Nous en savons assez maintenant pour pouvoir gérer ces risques. Sur cette question, nous n’avons pas vraiment un bon bilan. Merci.

La présidente : Merci à vous deux pour ces réponses.

La sénatrice Dasko : Merci aux témoins présents aujourd’hui. J’ai beaucoup appris de vous. J’aimerais commencer par poser quelques questions à Mme Hall. Premièrement, vous représentez les propriétaires de résidences privées, n’est-ce pas?

Mme Hall : Oui. Nous représentons à la fois des résidences publiques et privées.

La sénatrice Dasko : Un mélange des deux. D’accord. Vous avez dit tout à l’heure que la formule de financement est très précise et que les fonds publics sont très ciblés et qu’il n’y a pas de place pour le profit. Comment des profits sont-ils possibles si chaque dollar est dépensé pour les fins prévues? Comment les foyers de soins réalisent-ils des bénéfices alors?

Mme Hall : Pour les organisations qui ont ce type de structure d’entreprise — et je parle en termes très généraux de concept d’entreprise —, il y a des éléments qui sont fortement réglementés et contrôlés. Donc, s’il est question de soins, cela en fait certainement partie, mais il y a aussi l’infrastructure de l’établissement. Il peut donc y avoir des frais d’hébergement, par exemple. C’est ainsi que les choses sont séparées. Voilà pour cet élément particulier.

Mais il faut ensuite considérer ces entreprises comme de très grandes entreprises qui ont de multiples intérêts commerciaux, et leurs marges de profit peuvent se retrouver dans différentes parties de leur structure organisationnelle, par opposition à la prestation des soins proprement dits.

La sénatrice Dasko : Si, par exemple, vous sous-traitiez les services alimentaires, il y aurait là une possibilité de profit, n’est-ce pas?

Mme Hall : La réglementation varie légèrement d’une province à l’autre, mais dans une large mesure, si le financement du secteur alimentaire génère un profit, il faut le remettre parce que ce secteur appartient à une enveloppe protégée. Pour ce qui est de la qualité des aliments, des menus et des repas, elle fait également l’objet d’une surveillance par des diététistes et d’une réglementation. Je sais que l’on pense souvent que ce sont là des domaines où l’on peut faire des économies, par exemple, pour créer des marges de profit, mais ce n’est pas un exemple de domaine où l’on peut générer des profits.

La sénatrice Dasko : C’est donc dans d’autres domaines?

Mme Hall : Oui.

La sénatrice Dasko : Les entreprises font-elles des profits dans les établissements de soins de longue durée ou seulement dans les maisons de retraite?

Mme Hall : C’est souvent dans les maisons de retraite. Encore une fois, je ne peux pas parler des modèles d’affaires particuliers de chacune des organisations, parce qu’elles sont toutes structurées différemment et de façon unique, mais il faut aussi y penser même du point de vue de l’immobilier et de la provenance des capitaux propres, et comment les capitaux propres peuvent être utilisés pour mobiliser des fonds pour d’autres types de projets qui peuvent être plus rentables. Cela fait donc partie d’un concept d’entreprise global.

La sénatrice Dasko : D’accord. Merci. J’ai une autre question. Je sais qu’il me reste du temps.

Quelques-uns d’entre vous aujourd’hui et d’autres experts du domaine ont parlé du plus grand rôle que pourrait jouer le gouvernement fédéral. Je voulais simplement un peu plus de précisions à ce sujet. Si le gouvernement fédéral doit intervenir davantage, comme il le fait en vertu de la Loi canadienne sur la santé, il faudrait alors, d’après ce que je comprends, qu’il fournisse de l’argent en contrepartie d’une réglementation accrue. À l’heure actuelle, le gouvernement fédéral n’assure pas de réglementation. Il s’agit d’une compétence provinciale.

Donc, pour améliorer le service, nous ne cherchons pas à établir une norme commune à l’échelle du pays. Nous cherchons plutôt une amélioration des normes partout au pays par rapport à ce qui existe actuellement. Donc, en échange de fonds, on peut présumer qu’il y aurait un cadre réglementaire beaucoup plus solide qui couvrirait, j’imagine, de nombreux secteurs d’activité. Ce n’est donc pas seulement une question d’argent, bien sûr. Tout le monde veut de l’argent, mais cela doit être assorti de quelque chose.

J’aimerais donc savoir si vous êtes favorable à ce modèle.

Docteur Hébert, vous avez été très utile en énonçant deux ou trois modèles différents, mais j’aimerais demander à Mme Hall et à Mme Estabrooks si elles sont aussi favorables à ce modèle? Est-ce bien ce que vous demandez, en gardant à l’esprit que le rôle du fédéral devrait être beaucoup plus important, je présume?

[Français]

La présidente : Voulez-vous répondre en premier, docteur Hébert?

[Traduction]

Dr Hébert : Je pense que le gouvernement fédéral a deux options, soit la mise en place d’une loi, l’adoption d’un projet de loi pour établir des normes et des principes et pour inviter les provinces à adhérer à ces principes. Si elles y adhèrent, elles font partie du financement qui provient du gouvernement fédéral ou qui est versé directement aux gens.

Je pense que le premier modèle est celui de la Loi canadienne sur la santé, et il a été très efficace pour établir ces normes. Vous voyez que dans le cas du Québec, par exemple, les deux dernières ministres de la Santé ont écrit au Québec pour que soit corrigée la situation en ce qui concerne les frais excessifs imposés aux gens, ce qui contrevenait à la Loi canadienne sur la santé, et la démarche a été très efficace. Donc, même dans le contexte hospitalier, ces principes demeurent très efficaces.

Ce que nous avons vu au cours des dernières années, c’est que le gouvernement fédéral fournit beaucoup plus d’argent pour les soins à domicile, par exemple, sans établir de normes.

Lorsque j’étais ministre, nous avons alloué 20 % de plus au budget des soins à domicile. Quelques années plus tard, lorsque nous avons contrôlé les services que les gens recevaient, nous avons constaté qu’ils avaient considérablement diminué. L’augmentation de 20 % du budget des soins à domicile n’a donc eu aucun effet. Je suis certain que ce sera la même chose pour l’injection de 6 milliards de dollars du gouvernement fédéral, parce que les provinces et les établissements accordent la priorité aux soins hospitaliers et à l’accès aux hôpitaux. Cela n’aura donc pas d’effet direct sur les soins à domicile, ni même sur les maisons de retraite. Il ne suffit pas de donner plus d’argent. Il faut établir des normes ou verser l’argent directement aux gens. Voilà les deux options qui s’offrent au gouvernement fédéral.

La sénatrice Dasko : Exactement, docteur Hébert.

Mme Estabrooks : Je tiens à renchérir sur ce que le Dr Hébert a dit. Il faut rendre des comptes. Il est tout simplement irrationnel de penser à envoyer de l’argent sans demander de comptes.

L’un des premiers endroits où nous pourrions le faire, et je crois que c’est une chose sur laquelle le gouvernement fédéral a compétence dans une certaine mesure, ce sont les données. Nous n’avons pas de données. Quand je parle de données, je veux dire que tous les foyers de soins du pays devraient être tenus de soumettre des rapports sur des mesures normalisées de la qualité des soins, de la qualité de vie et de la situation de l’effectif.

Nous savons que la situation de l’effectif est l’un des principaux facteurs contribuant à la qualité. Il faut que l’on sache si les employés sont épuisés, en bonne santé ou blessés, ou encore s’ils ont un niveau raisonnable de satisfaction au travail; ces choses sont éminemment réalisables, mais elles ne se font pas à l’heure actuelle.

Je viens de passer plusieurs semaines à essayer de mettre au point quelques tableaux simples, et je suis presque en train de m’arracher les cheveux, parce qu’une fois épuisées les sources de données superficielles dont dispose Statistique Canada et certaines données de l’Institut canadien d’information sur la santé, il faut prendre le téléphone et commencer à faire des appels, ce qui n’a aucun sens dans ce pays. Nous devrions pouvoir faire mieux. Je dirais que oui, nous avons besoin d’un cadre fédéral. La reddition de comptes doit être intégrée. Je commencerais toutefois par les données et les normes en matière d’enseignement.

La présidente : Merci.

Le sénateur Campbell : J’aimerais remercier les témoins et dire à Mme Estabrooks qu’elle m’a profondément touché.

J’ai une autre question à poser au Dr Hébert dans la foulée de celles du sénateur Manning. Pourquoi le groupe de travail ne se réunit-il plus?

Dr Hébert : Je ne sais pas. Nous avons travaillé sur deux rapports, et selon Santé Canada, le travail est fait. Je ne peux pas répondre à cette question. Ce n’est pas moi qui dirige ce groupe de travail. Vous devriez peut-être poser la question à la ministre.

Le sénateur Campbell : Je vais le faire, ou je suis certain que le sénateur Manning le fera.

Il me semble que le mot « constitution » revient constamment et que les soins de santé sont de compétence provinciale. Il est peut-être temps que nous retirions la responsabilité des soins de longue durée aux provinces pour la confier au gouvernement fédéral. Avez-vous des commentaires à ce sujet?

Ce que j’ai surtout remarqué, c’est que ces choses se passent en Colombie-Britannique, au Québec et en Ontario. Les problèmes sont tous les mêmes, mais les solutions sont différentes. Je me demande s’il ne serait pas logique de les regrouper. Je sais que nous voulons rester à l’écart des questions constitutionnelles, mais je crains qu’à la fin de la pandémie, nous ne revenions aux mêmes vieilles façons de faire.

Dr Hébert : Une des grandes réalisations du Canada a été de mettre sur pied le système de santé, et les soins de santé demeurent la responsabilité des provinces, mais avec des normes et des transferts nationaux.

Je pense que nous pourrions adopter la même approche. Laissons les provinces gérer le système de soins de longue durée, mais avec des normes nationales. Je pense que cela pourrait être un rôle pour le Canada au XXIe siècle.

Le sénateur Campbell : Est-ce que d’autres témoins ont des commentaires à ce sujet?

Mme Estabrooks : Je ne pense pas qu’il soit nécessaire de tout donner à Ottawa, et je ne pense même pas que nous puissions le faire. Mais il semble, comme le Dr Hébert vient de l’expliquer, qu’il existe une approche viable et que nous pourrions cerner un ensemble de questions fondamentales sur lesquelles le gouvernement fédéral devrait rendre des comptes, pour que les transferts se fassent. Cela laisserait encore beaucoup de latitude aux provinces. C’est peut-être trop pour le moment; toutefois, il y a énormément de latitude à l’heure actuelle, mais il manque certains éléments essentiels.

Les gens du secteur, de l’industrie, le savent, mais pour la population, et j’y reviens toujours, il ne s’agit pas seulement des soins de santé. Il s’agit de la santé et de l’aspect social des soins. Il s’agit de la qualité de vie de tous. Quand vous vous levez le matin, avez-vous une raison de le faire? Avez-vous une raison de vivre? Votre vie a-t-elle un sens quelconque? Est-ce que vous êtes touché par quelqu’un? Avez-vous de la joie? Cela n’est pas nécessairement du ressort de la santé, mais cela en fait certainement partie.

Je dirais qu’on ne peut pas avoir une bonne qualité de vie si on n’a pas des soins décents et de bonne qualité. Il est impossible de s’asseoir sur une plaie de pression de quatre pouces et d’avoir une qualité de vie. Cela est du ressort de la santé. Nous avons besoin de travailleurs sociaux, de responsables de la pastorale, de ludothérapeutes, de programmes intergénérationnels, d’animaux, de jardins et de soleil. Il s’agit de l’aspect social des soins, et je pense que nous pourrions intégrer cela. Ronald Reagan avait l’habitude de parler d’un phare qui brille sur la colline. Eh bien, nous pourrions être ce phare à l’échelle internationale si nous mettions l’épaule à la roue. Notre pays est un pays riche, en dépit des défis auxquels il fait actuellement face.

Mme Hall : Il ne fait aucun doute qu’il s’agit d’une responsabilité partagée qu’on a souvent cherché, je crois, à se refiler en raison des questions constitutionnelles qui se posent ici, mais comme mes collègues l’ont mentionné plus tôt, nous sommes dans un contexte différent. Je pense qu’au Canada, nous sommes dans une phase de vieillissement de la population qui est sans précédent. Nous devons donc envisager différents concepts pour l’avenir.

Les données sont essentielles. Il existe des approches centralisées pour la collecte de données, mais tout le monde n’a pas les moyens de se payer les systèmes que cela exige. Je parle des données qui sont transmises à l’Institut canadien d’information sur la santé, que ce soit sous la forme d’un système d’information de gestion ou d’un ensemble de données d’évaluation des résidants, et il y a aussi un comparateur national, mais il n’y a pas le financement nécessaire pour que tout le monde puisse y participer.

Sous le leadership du gouvernement fédéral, en collaboration avec les provinces et avec les établissements pour des choses comme les données, pour mieux comprendre nos besoins en main-d’œuvre et trouver une façon de régler les problèmes systémiques... car la mise en place d’une norme nationale ne veut pas forcément dire que les problèmes systémiques seront réglés. Quels que soient les défis qui nous attendent, je pense que nous devrons tous collaborer, et il ne s’agit pas simplement de changer les dispositions constitutionnelles dictant qui dirige.

Le sénateur Campbell : Docteur Hébert, quel est le nom officiel de ce groupe de travail?

Dr Hébert : C’est un groupe de travail sur les soins de longue durée et la COVID-19.

La présidente : Nous vous trouverons le nom exact, si nécessaire, sénateur Campbell.

Le sénateur Campbell : Merci, madame la présidente.

La sénatrice Omidvar : Merci à nos témoins. Votre témoignage m’a beaucoup éclairée et émue. J’ai une mère de 92 ans qui vit avec moi et, franchement, après ce que j’ai lu, je vais tout faire pour la garder loin des établissements de soins de longue durée.

Ma question fait suite à celle du sénateur Campbell au sujet du rôle du gouvernement fédéral dans la structure des soins de longue durée. Je vais poser la question un peu différemment, et je vais peut-être obtenir la même réponse.

Un nombre croissant de personnes ont fait valoir que les soins de longue durée devraient relever du régime d’assurance-maladie. En fait, un journaliste de Radio-Canada a dit, de façon très colorée, que le péché originel était d’avoir exclu les soins de longue durée de l’assurance-maladie. Docteur Hébert, pensez-vous que les aînés vivant dans des établissements de soins de longue durée auraient été mieux servis et mieux protégés si ces établissements relevaient de la compétence du gouvernement fédéral, sans tenir compte des bisbilles que cela entraînerait entre le fédéral et les provinces?

Pensez-vous qu’ils s’en tireraient mieux aujourd’hui et demain?

Dr Hébert : Je ne crois pas. Une partie du problème au Québec, c’est que les centres d’hébergement n’ont plus leur propre conseil d’administration et leur propre équipe de gestion. C’est une grande superstructure qui gère et régit chaque établissement de l’organisation.

Les centres d’hébergement doivent être gérés et régis localement. C’est très important. Qu’il s’agisse d’une responsabilité provinciale ou fédérale, si ce n’est pas géré localement, on ne peut pas s’assurer que chaque établissement aura les normes de qualité nécessaires pour réagir à une crise éventuelle.

Je pense que c’est une question cruciale. La gestion et la gouvernance locales de ces institutions ont une grande importance. Si le gouvernement fédéral avait été l’autorité suprême, je ne pense pas que cela aurait été mieux. Je suis convaincu que ce n’est pas l’organisation politique et globale qui est en cause à l’heure actuelle, mais la façon dont ces établissements sont administrés et gérés.

La sénatrice Omidvar : Merci, docteur.

Ma prochaine question s’adresse à Mme Hall. Encore une fois, je vais revenir sur une question posée par ma collègue, la sénatrice Mégie, au sujet du bassin de talents constitué des professionnels de la santé formés à l’étranger, qui est sous-utilisé au Canada.

Je sais qu’il y a une cohorte de ces personnes qui ont passé tous les examens et qui ont satisfait à toutes les normes pour entrer dans leur profession. Tout ce qu’il leur manque pour franchir la dernière étape, c’est un internat supervisé. Une proposition est en cours d’élaboration, avec un financement fédéral, en vue d’établir ces internats dans des foyers de soins de longue durée sous la supervision de professionnels travaillant en milieu hospitalier, de médecins, avec lesquels l’établissement de soins de longue durée travaillera en partenariat. Selon moi, tout le monde y gagnera. L’immigrant y gagnera parce qu’il franchira la dernière étape avant d’obtenir son permis. L’établissement de soins de longue durée sera gagnant. Le contribuable y gagnera. Le plus important, c’est que les personnes âgées seront gagnantes parce qu’il y aura un professionnel de la santé sur place.

Que pensez-vous de cette proposition, madame Hall, et docteur Hébert?

Mme Hall : Je ne suis pas au courant de cette proposition, mais elle semble extrêmement intéressante. Compte tenu des besoins de notre secteur, je suis sûre que le secteur des soins de longue durée appuierait une telle stratégie. Je pense que c’est un excellent exemple du genre de choses qui pourraient être examinées dans le cadre d’une stratégie pancanadienne en matière de soins de santé.

J’ai abordé plusieurs questions tout à l’heure, mais l’ajout de cet élément touchant la formation et la possibilité de mieux tirer parti des ressources humaines dont nous disposons actuellement au Canada est extrêmement important, et nous aimerions en savoir davantage à ce sujet.

Dr Hébert : Il serait intéressant pour tous les étudiants en médecine de recevoir une partie de leur formation dans les foyers de soins infirmiers, mais ce n’est pas le cas en ce moment. Au Canada, la formation en médecine gériatrique n’est pas assez solide pour les étudiants en médecine formés au pays. Je pense qu’il serait très intéressant qu’une partie de la formation ait lieu dans les foyers et établissements de soins infirmiers.

Pour les médecins formés à l’étranger, le problème, c’est que lorsqu’on obtient un permis d’exercice, ce n’est pas pour exercer la médecine dans les foyers de soins infirmiers. C’est pour exercer la médecine en général. Une formation reçue uniquement dans les foyers de soins infirmiers ne garantit pas la capacité de traiter les patients à l’extérieur de ces établissements. Voilà le problème de votre proposition. Cela devrait faire partie de la formation des médecins, mais pas être la seule formation que reçoivent les médecins formés à l’étranger.

La sénatrice Omidvar : Madame Hall, vous avez parlé des besoins urgents en matière d’infrastructure dans les établissements de soins de longue durée. Le gouvernement a des milliards de dollars dans la Banque de l’infrastructure du Canada. Croyez-vous que le moment est venu d’entreprendre la modernisation complète des foyers de soins de longue durée par l’entremise de la Banque de l’infrastructure, plutôt qu’avec d’autres enveloppes budgétaires qui pourraient être plus difficiles d’accès?

Mme Hall : Absolument. Nous avons posé ces questions et il semble y avoir beaucoup de malentendus. Par exemple, lorsque des fonds ont été débloqués pour le logement, certains pensaient que nous allions en bénéficier, et d’autres pensaient que nous aurions droit au financement de l’infrastructure. Nous sommes exclus des deux. Nous nous retrouvons dans une situation où nous sommes associés plus étroitement aux hôpitaux.

Absolument, l’occasion d’agir est là. D’un bout à l’autre du pays, mes collègues ont des projets prêts à démarrer, comme disaient les manchettes des journaux.

La sénatrice Omidvar : Je les dépoussiérerais et les remettrais sur la table.

La présidente : Nous commençons à manquer de temps, mais je veux m’assurer qu’on réponde aux deux dernières questions des membres du comité.

Je sais que d’autres sénateurs ont d’autres questions à poser. Je vous demanderais de transmettre ces questions par écrit à notre greffier. Nous veillerons à obtenir des réponses.

Pour l’instant, les dernières questions seront posées par le sénateur Kutcher, puis par la sénatrice Martin.

Le sénateur Kutcher : Merci à tous. Je tiens à souligner que les aidants naturels sont des partenaires dans les soins, non seulement en fin de vie, mais aussi pour le maintien de la vie.

Êtes-vous en faveur d’un agrément obligatoire de tous les établissements de soins de longue durée, peut-être par Agrément Canada? Seriez-vous d’accord pour que le travail de préposé aux services de soutien à la personne devienne une profession réglementée avec tous les éléments que cela comporte?

Dr Hébert : Mes réponses sont oui et oui.

Le sénateur Kutcher : Parfait.

Dr Hébert : Oui, pour l’agrément, mais il devrait y avoir des normes propres aux maisons de soins infirmiers pour l’agrément de ces types d’établissements.

Le sénateur Kutcher : Je suis tout à fait d’accord.

Dr Hébert : Des normes adaptées aux maisons de soins infirmiers.

Deuxièmement, je pense que les préposés aux services de soutien à la personne devraient être réglementés par un organisme de réglementation professionnelle afin d’assurer la qualité des services qu’ils fournissent.

Je suis très heureux de vous revoir, sénateur Kutcher.

Le sénateur Kutcher : C’est merveilleux de vous voir aussi.

Mme Hall : Je vais également répondre à la question sur l’agrément obligatoire. Nous ne nous opposons pas aux structures de responsabilisation, mais il faut s’assurer que toute nouvelle exigence produira un véritable changement au lieu de simplement préparer l’agrément. Par exemple, il faut s’assurer d’avoir la preuve que cela créera le genre de changement et appuiera le type de réforme que nous recherchons.

En ce qui concerne la réglementation du personnel des services de soutien à la personne, la normalisation et l’éducation sont des mesures très positives. Nous devons veiller à ce que ces efforts ne créent pas plus d’obstacles à l’embauche, surtout en ce moment où nous sommes en situation de crise sur le plan de la dotation.

Donc, s’il y a un moyen de permettre à des gens d’entrer sur le marché du travail des soins de longue durée, peut-être selon une formule davantage axée sur l’apprentissage, par opposition à des gens qui possèdent tous les titres de compétence requis et qui ont suivi le processus de réglementation. Je pense qu’il serait utile que nous explorions différentes solutions pour y parvenir.

Le sénateur Kutcher : Franchement, madame Hall, je ne vois personne dire : « Je ne veux pas être médecin ou infirmière parce que je dois devenir membre d’une profession réglementée. »

Mme Hall : Non, non.

Le sénateur Kutcher : Madame Estabrooks, puis-je vous poser la dernière question?

Le rapport de 2019 de l’Institut national sur le vieillissement consacre environ 25 % de son contenu à la discussion d’interventions novatrices et, dans certains cas, réussies dans tout le spectre des soins de longue durée. Pourtant, à ma connaissance, il n’y a aucun endroit au Canada où c’est fait sur l’initiative du gouvernement fédéral. Il y a des organismes qui travaillent pour s’assurer que ce qui fonctionne très bien est appliqué à l’échelle du pays. Le gouvernement fédéral a-t-il un rôle à jouer dans ce genre de processus?

Mme Estabrooks : Je n’y ai pas beaucoup réfléchi auparavant. Oui, je crois que oui. Il est clair qu’au Canada, nous devons faire quelque chose pour arrêter de fonctionner en vase clos. Même si ce sont des réussites, elles ne sont pas très utiles pour notre pays si elles n’ont lieu qu’au Cap-Breton ou dans le Nord de la Saskatchewan. Il y a d’excellents programmes de soins de la mémoire dans le Nord de la Saskatchewan, mais ils ne sont pas déployés à grande échelle. Je peux vous en citer d’autres un peu partout au pays.

Donc, oui, le gouvernement a un rôle à jouer. C’est probablement l’un des domaines où nous pouvons en avoir le plus pour notre argent en matière de responsabilisation. Nous devons être en mesure d’arrêter les choses si elles ne fonctionnent pas. Nous devons les évaluer. À l’heure actuelle, une région va tomber sur une très bonne idée et y consacrer un budget de 8 millions de dollars. Trois ans plus tard, il est souvent impossible de retrouver la moindre trace de cette activité. Si nous pouvons organiser cela d’une façon ou d’une autre, les gens coopéreront, parce que tous ceux que je rencontre veulent améliorer le système.

La présidente : Merci.

La sénatrice Martin : Merci. Je reconnais que cela a été très instructif et très émouvant. Merci à tous les témoins.

Ce que j’ai appris aujourd’hui, c’est qu’il y a un vocabulaire très important que nous devons tous utiliser pour parler des soins de longue durée, que ce soit à propos d’un résidant de foyer de soins ou du continuum de la vie. Les mots comme institution et établissement donnent une impression très différente. Ma mère reçoit des soins de longue durée. Elle est jeune, elle n’a que 83 ans, mais elle est prise en charge depuis environ huit ans en raison de sa démence. Je me sens très chanceuse compte tenu des soins que ma mère a reçus.

Cela dit, j’estime qu’il y a eu des généralisations injustes au sujet de ce qui s’est passé. Je vis en Colombie-Britannique et, en tant que membre de la famille, j’ai été très satisfaite des soins pleins de compassion que ma mère a reçus. Je crois que l’éducation de tous les côtés est très importante à cet égard.

Il y a une chose dont je n’ai pas entendu parler au cours de cette séance : les besoins ethnoculturels de certains résidants. Comme je vis à Vancouver, on sert du riz à ma mère aux trois repas quotidiens, ce qui est important. Ce sont des considérations dont il faut discuter lorsque nous parlons des améliorations que nous voulons apporter aux foyers de soins. Je travaille en étroite collaboration avec un établissement privé, qui est également exceptionnel. En ce qui concerne ces généralisations injustes, j’espère que nous sensibiliserons tous les Canadiens à cette question.

Madame Hall, je me demande, dans vos discussions avec le gouvernement fédéral — la Dre Tam et d’autres autorités nationales — si la Colombie-Britannique est l’une des provinces qui peut assouplir les restrictions pour les familles, étant donné qu’elles travaillent avec le personnel soignant. Ce personnel est, pour nous, une sorte de famille élargie. Je m’inquiète de la deuxième vague; on parle d’une troisième vague. Comment pouvons-nous assouplir les restrictions? Pouvez-vous me donner l’espoir, en tant que membre de la famille, que nous pourrons ramener les familles dans ces établissements? Ce sera essentiel pour prendre soin de nos aînés, nos personnes les plus vulnérables. Merci.

Mme Hall : Je sais que de nombreuses conversations sont en cours. Tout le monde reconnaît le rôle essentiel que jouent les familles dans la vie des résidants et la nécessité de ne pas leur causer plus de torts résultant de l’isolement social et de la solitude, en essayant de les protéger physiquement.

Pour être honnête, il y a un débat au sujet de la protection physique et des avantages qui découlent du soutien et de la participation des familles. Je sais qu’il y a deux écoles de pensée qui discutent activement de ces questions. S’il y avait d’autres directives sur la façon dont les familles pourraient aller en toute sécurité dans les établissements, surtout si des résidants qui ont obtenu un test de dépistage positif à la COVID-19 s’y trouvent, cela faciliterait beaucoup les choses. Si l’Agence de la santé publique du Canada pouvait fournir des directives techniques à ce sujet, je pense que ce serait extrêmement utile. Je ne pense pas qu’il y ait de débat quant à l’importance de la famille ou la nécessité de la faire venir; il s’agit simplement de savoir comment nous pouvons le faire en toute sécurité pour que les préoccupations de chacun en matière de santé et de sécurité soient respectées autant que possible.

La présidente : Je vous en remercie. Madame Estabrooks, vouliez-vous dire un dernier mot à ce sujet avant que nous ne terminions?

Mme Estabrooks : Je voulais simplement faire un commentaire sur la diversité. Il y a la diversité culturelle et raciale. Il y a la diversité de genre. Nous avons, dans les foyers de soins infirmiers, une communauté croissante de personnes LGBTQ qui ne sont pas reconnues et qui ne sont pas toujours très bien traitées. Nous avons des personnes ayant une déficience intellectuelle. Les deux tiers des personnes hébergées dans ces établissements sont des femmes. Les deux tiers de celles qui souffrent de démence sont des femmes. Nous avons entendu dire que 95 % des fournisseurs de soins rémunérés sont des femmes; 75 % des fournisseurs de soins non rémunérés sont des femmes. Les résidantes de ces centres ont souvent un statut socioéconomique inférieur. Ce secteur voit arriver, de plus en plus, un groupe multiculturel très diversifié d’adultes âgés qui reflète la mosaïque canadienne.

Nous devons tenir compte de la sensibilité culturelle. Les résidants sont pris en charge par du personnel très racialisé qui n’a pas voix au chapitre, pas plus que les résidants dans bien des cas. Par conséquent, tout ce que nous pourrons faire pour ne pas continuer d’ignorer cette population résidante ou ce personnel soignant sera vraiment important pour la qualité de vie et l’amélioration des soins au pays. Merci.

La présidente : Merci beaucoup pour ces réponses. Chers témoins, si vous avez quelque chose que vous avez oublié ou que vous voulez ajouter, n’hésitez pas à l’envoyer au comité par écrit.

Je tiens à vous remercier de vos témoignages très utiles, inspirants et stimulants. Nous vous sommes très reconnaissants de l’aide que vous nous avez apportée dans le cadre de notre étude.

[Français]

Chers collègues, nous continuons sans plus tarder notre étude sur la réponse de notre gouvernement à la pandémie de COVID-19. Cet après-midi, nos témoins sont les suivants : Mme Marissa Lennox, directrice générale de la politique à l’Association canadienne des individus retraités; Mme Laura Tamblyn Watts, présidente et chef de la direction de CanAge; le Dr Roger Wong, professeur clinique de médecine gériatrique au Département de médecine de l’Université de la Colombie-Britannique.

[Traduction]

Nous allons commencer par la déclaration préliminaire de Mme Lennox. Elle sera suivie de Mme Tamblyn Watts, puis du Dr Wong. Madame Lennox, vous avez la parole.

Marissa Lennox, directrice générale de la politique, Association canadienne des individus retraités : Merci beaucoup de m’avoir invitée à comparaître devant vous aujourd’hui.

L’ACIR est un organisme sans but lucratif, faisant abstraction de tout intérêt partisan, qui compte 300 000 membres répartis dans chaque province et territoire du Canada. Bien que la plupart de nos membres soient à la retraite et bénéficient d’un niveau de scolarité et d’un revenu supérieurs à la moyenne, une écrasante majorité soutient constamment que l’ACIR défend les intérêts de tous les Canadiens âgés partout au pays. Nous luttons pour faire en sorte que tous les aînés puissent vivre dans la dignité et dans le respect, quels que soient leur niveau de revenu, leur soutien familial ou leurs problèmes de santé.

La COVID-19 a sapé les principes sur lesquels repose un vieillissement en bonne santé et elle a révélé l’absence de la planification et de la préparation nécessaires pour assurer la santé et le bien-être des aînés en cas de pandémie. Depuis l’apparition du virus, nous avons fait tout en notre pouvoir, à l’ACIR, pour fournir des renseignements crédibles et fiables aux personnes âgées sur notre site Web, par l’entremise de notre centre d’appels, par courriel et par l’entremise de programmes. Nous avons également mené divers sondages et assemblées publiques afin de mieux comprendre les besoins et les préoccupations de nos membres.

J’aimerais vous faire part de préoccupations communes que nous avons entendues de la part des membres de l’ACIR au cours des trois derniers mois. Outre les conséquences humaines évidentes, beaucoup ont été durement touchés par l’augmentation du coût de la vie. Cela comprend les hausses de prix et les frais de livraison des magasins d’alimentation; l’augmentation des frais d’exécution des ordonnances; l’augmentation des frais de taxi parce que le transport en commun n’était pas disponible ou comme mesure de protection; et la cessation des services communautaires gratuits ou à rabais, y compris les programmes de préparation bénévole des déclarations d’impôt et les banques alimentaires, qui ont initialement fermé leurs portes pour respecter les restrictions de distanciation physique. Nous avons entendu parler de membres de l’ACIR qui ont été forcés de sacrifier certains besoins quotidiens à cause de ces coûts supplémentaires.

De plus, la volatilité des marchés boursiers, conjuguée aux fluctuations importantes et inquiétantes de la valeur des portefeuilles des aînés, a amené beaucoup de personnes à se sentir anxieuses et incertaines quant à leur capacité de financer leur retraite. Ce problème est aggravé par les règles actuelles de retrait obligatoire des FERR qui privent les gens de la souplesse nécessaire pour faire des ajustements et gérer leurs finances. L’usure émotionnelle est particulièrement évidente dans une population dont une grande partie a un revenu fixe.

Bien que nous ayons compris que la réponse économique initiale du gouvernement était de s’attaquer rapidement au remplacement du revenu, il lui a fallu plusieurs semaines pour annoncer un programme d’aide financière pour les aînés. Les prestataires de la SV et du SRG ont été soulagés d’apprendre l’existence de ce supplément ponctuel, mais bon nombre d’entre eux ont dit qu’il devrait être récurrent, étant donné que les aînés seront les derniers à être libérés des restrictions de distanciation physique.

Une dernière mention à ce sujet : nous avons effectivement été inondés d’appels et de courriels de membres qui se sont plaints du temps que prenait la réalisation des promesses préélectorales, ainsi que le versement de l’augmentation ponctuelle de la SV et du SRG. Les annonces indiquaient que ces fonds seraient versés rapidement, mais en réalité, ils ont été déboursés lentement comparativement à d’autres programmes, huit semaines complètes s’étant écoulées entre l’annonce et le versement. En revanche, pour la PCUE, il ne s’est écoulé que 24 jours entre l’annonce et la mise en œuvre, et les paiements sont arrivés dans les comptes des étudiants en trois jours ouvrables.

J’aimerais également parler d’un deuxième élément, plus urgent, qui concerne la façon dont nous fournissons des soins aux adultes âgés, particulièrement dans des contextes collectifs comme les établissements de soins de longue durée.

Nous avons maintenant tous vu les rapports des militaires sur les foyers de soins infirmiers de l’Ontario et du Québec, qui dénotent un mépris flagrant de la condition humaine, notamment : « Agressivité lorsqu’il s’agit de changer les serviettes d’incontinence, alimentation forcée par le personnel causant l’étouffement, patients observés en train d’appeler à l’aide sans aucune réponse du personnel, des cafards, des aliments pourris, des patients laissés dans des couches souillées. »

Ces constatations correspondent également à ce que nos propres membres nous ont raconté à propos d’établissements non inspectés par les FAC. Nous avons entendu parler de résidants qui n’ont eu que deux repas par jour pendant plusieurs semaines et de quarantaines mal ou même pas du tout appliquées, les résidants négatifs et positifs au virus continuant de partager des chambres et des salles de bain. Une femme a appelé pour dire que son frère avait été vu vêtu des vêtements de quelqu’un d’autre et avait une barbe longue montrant qu’il n’avait pas été rasé depuis des semaines.

Si la COVID-19 a révélé quelque chose, c’est que nous parquons des aînés fragiles et souvent très malades dans des environnements dangereux, qui sont sous-financés, qui manquent de personnel et dont les employés ont souvent peu ou pas de formation agréée. Nous nous attendons à ce que les résidants ou leurs familles paient une somme importante pour ce qui est censé être le privilège de vivre dans ces établissements.

Il est inadmissible que, sur plus de 7 800 décès causés par la COVID-19 enregistrés jusqu’ici au Canada, 82 % ont touché une population que nous avons le devoir de protéger, ce que nous n’avons pas su faire. Bien que ce ne soit pas seulement la responsabilité du gouvernement fédéral, il lui incombe de veiller à ce que cela ne se reproduise plus.

Il est maintenant clair que nous n’avions pas de véritable plan en place pour les personnes âgées qui recevaient des soins de longue durée pendant cette pandémie, même si d’autres pays nous ont avertis à l’avance et nous avons été témoins de crises semblables comme le SRAS et le SRMO.

J’aimerais conclure par une dernière réflexion. Alors que nous réfléchissons à la réponse du Canada à la pandémie de COVID-19, nous devons aussi regarder vers l’avenir. Au cours des 15 prochaines années, le nombre de personnes de plus de 75 ans augmentera de plus de 80 % pour atteindre 5,5 millions.

Si les soins de longue durée sont défaillants aujourd’hui, à quoi ressembleront-ils demain? Nous devons investir dans des solutions novatrices pour moderniser les soins de longue durée en établissement et, ce qui est tout aussi important, trouver des moyens d’appuyer les soins à domicile pour les personnes qui peuvent vieillir confortablement chez elles, afin de répondre aux besoins d’une population vieillissante.

Nous pouvons et nous devons faire mieux. Merci.

La présidente : Merci.

Laura Tamblyn Watts, présidente et chef de la direction, CanAge : Bonjour, honorables sénateurs. Je vous remercie de me donner l’occasion de m’adresser à vous aujourd’hui au sujet des problèmes pressants auxquels sont confrontés les aînés au Canada, et de ceux particulièrement urgents survenus pendant la pandémie de COVID-19.

Je m’appelle Laura Tamblyn Watts et je suis présidente et chef de la direction de CanAge. CanAge est l’organisme national de défense des droits des aînés au Canada. Nous sommes un organisme sans but lucratif faisant abstraction de tout intérêt partisan, constitué en vertu d’une loi fédérale, qui s’efforce de faire entendre la voix des aînés canadiens et qui travaille partout au pays de façon experte et pancanadienne, en collaboration avec les intervenants, pour faire progresser les droits et le bien-être des Canadiens à mesure qu’ils vieillissent.

Nous nous efforçons d’aider les Canadiens âgés à vivre une vie dynamique et connectée. Toutefois, dans le contexte de la COVID-19, c’est loin d’être notre réalité. Nous nous concentrerons sur trois domaines clés et nous formulerons des recommandations au comité sénatorial pour chacun d’eux. Les trois principaux sujets que nous comptons aborder sont, premièrement, la violence et la négligence à l’égard des aînés; deuxièmement, la réforme des soins de longue durée; et troisièmement, l’inclusion sociale.

De nombreux sénateurs savent qu’un Canadien âgé sur cinq sera victime de mauvais traitements et de négligence. La négligence physique, financière, émotionnelle, sexuelle et institutionnelle sont les formes les plus courantes. En fait, lundi, nous célébrerons le 15e anniversaire de la Journée internationale de sensibilisation à la maltraitance des personnes âgées, une journée reconnue par l’Organisation des Nations unies. Et je suis désolée de dire que la violence et la négligence n’ont jamais été pires au Canada.

Le chiffre d’une personne sur cinq est antérieur à la pandémie. Depuis la mi-mars, les organismes qui interviennent dans les cas de mauvais traitements et de négligence dans l’ensemble du pays connaissent ce qui semble être une multiplication par dix du nombre d’appels. Par exemple, Prévention de la maltraitance envers les aînés Ontario, un organisme de bienfaisance sans but lucratif qui répond aux signalements de maltraitance des aînés dans la province recevait environ 800 appels par mois à ce sujet. Depuis la mi-mars, il reçoit environ 800 appels tous les trois jours. Cette augmentation est également corroborée par des données provenant de la police de partout au pays, du Centre antifraude du Canada et d’organisations comme CanAge. Nous sommes tous les jours inondés de signalements de maltraitance concernant non seulement les soins de longue durée, mais surtout les 92 % d’aînés canadiens qui vivent dans la collectivité.

Notre gouvernement a investi 50 millions de dollars très tôt, en mars, pour s’attaquer au problème pressant de la violence familiale en cette période de confinement. Et bien que la ministre des Aînés ait un mandat très précis pour s’attaquer à la maltraitance dans sa lettre de mandat, presque rien n’a été fait à cet égard. Nos recommandations sont les suivantes :

Premièrement, il faudrait prévoir un montant semblable de financement d’urgence pour lutter contre la montée en flèche des préoccupations concernant la maltraitance des aînés pendant la pandémie, comme ce qui a été accordé pour prévenir la violence familiale et y réagir.

Deuxièmement, comme il n’y a actuellement aucun endroit pour signaler facilement la maltraitance des aînés, il faudrait financer une ligne téléphonique nationale sans frais pour le signalement des mauvais traitements infligés aux aînés. Il s’agit simplement d’une ligne téléphonique. Le personnel qui répondrait soutiendrait les Canadiens en les mettant en contact avec des intervenants locaux. Le mandat du Centre national de lutte contre la fraude pourrait être élargi, ou une ligne distincte pourrait être ajoutée très facilement.

Le deuxième aspect important sur lequel j’aimerais me faire l’écho de ma collègue est celui des soins de longue durée, et nous aimerions proposer des solutions pratiques. La tragédie nationale qui se déroule dans notre système de soins de longue durée ne peut plus être niée, même si les problèmes sont bien connus. Et bien sûr, nous sommes confrontés au partage des pouvoirs. Nous formulons les trois recommandations suivantes :

Premièrement, créer un groupe de travail fédéral-provincial-territorial sur les soins de longue durée qui inclura les aînés et les fournisseurs de soins. Souvent, les aînés et les fournisseurs de soins sont exclus des conversations qui les concernent.

Deuxièmement, étudier le modèle de soins de longue durée de l’Australie. Ce pays a également une fédération similaire et une répartition des pouvoirs entre les autorités fédérales et étatiques, et pourtant le modèle australien a très bien fonctionné pendant la pandémie de COVID-19. Nous devrions envisager la création d’un organisme national indépendant de réglementation des établissements de soins de longue durée au Canada, semblable à la version australienne, qui pourrait superviser l’octroi des permis, les normes de qualité et avoir le pouvoir de suspendre les permis et d’imposer des amendes. Ce modèle serait accepté par l’ensemble des organismes fédéraux, provinciaux et territoriaux et serait annexé à notre troisième recommandation qui est de permettre le transfert aux provinces de fonds désignés par le gouvernement fédéral, en coordination avec l’organisme de réglementation national, pour la prestation des services. Ces fonds seraient désignés et assujettis à des dispositions de report afin qu’ils ne se retrouvent pas dans le Trésor.

Mon troisième sujet important porte sur l’inclusion sociale. Nous partageons maintenant la même expérience pour la première fois. En fait, tous les gens de plus de 70 ans ont été mis en auto-confinement. Nous avons tous ressenti les effets et la difficulté de l’exclusion sociale, mais c’est pire pour de nombreuses personnes âgées. En 2018, un rapport de Statistique Canada a révélé que 20 % des aînés canadiens n’avaient pas une seule personne à qui s’adresser, pas une seule. Et nous savons que l’exclusion sociale est une préoccupation pour le bien-être physique et mental. De plus, l’Organisation mondiale de la Santé a constaté que l’âgisme est la forme de discrimination la plus répandue dans le monde, et nous aimerions faire trois recommandations clés pour y remédier.

Premièrement, que le gouvernement actuel mette délibérément l’accent sur les programmes communautaires destinés aux aînés afin d’offrir un soutien et des services en amont aux Canadiens âgés. Nous savons qu’en reliant les gens à leur communauté, on peut favoriser l’inclusion sociale et prévenir la solitude.

Deuxièmement, que l’on crée un bureau de défense des droits des aînés au niveau fédéral pour s’attaquer de façon cohérente aux problèmes auxquels les personnes âgées sont confrontées à mesure que notre population vieillit et pour aligner le gouvernement fédéral sur la majorité des provinces du pays, ainsi que sur les pays de comparaison.

Troisièmement, que l’on adopte une initiative nationale de lutte contre l’âgisme.

Nous aimerions aborder brièvement trois autres éléments avant de conclure. Nous misons sur un vaccin national contre la COVID, mais nous devons réformer nos systèmes d’élaboration, d’achat, de distribution et d’approbation des vaccins afin de nous assurer de produire ce vaccin et de le donner en priorité aux gens qui en ont le plus besoin. Cela signifie que nous devons aussi nous assurer d’obtenir les vaccins déjà fonctionnels que nous ne distribuons pas de manière égale, notamment le vaccin antigrippal à forte dose et les vaccins contre le zona et la pneumonie.

Nous devons réparer le système et nous assurer que les vaccins que nous avons déjà sont distribués aux personnes clés, en toute sécurité. Nous sommes également d’accord pour dire que nous devons éliminer les retraits obligatoires des FERR et nous recommandons d’éviter que les gens forcés d’encaisser des REER prématurément en raison de préoccupations économiques liées à la COVID-19 subissent un impact négatif plus lourd en accordant des allégements fiscaux.

Enfin, nous savons que l’insolvabilité et les faillites sont à l’horizon, et nous aimerions suggérer au comité d’accorder la priorité à la protection des pensions pour les retraités qui ont cotisé toute leur vie, afin que nous ne perdions pas les pensions et que nous n’augmentions pas la pauvreté chez les aînés. Merci.

Dr Roger Wong, professeur clinique de médecine gériatrique, Département de médecine, Université de la Colombie-Britannique, à titre personnel : Bonjour, madame la présidente, sénateurs et sénatrices. Merci de m’avoir invité au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie.

C’est un honneur pour moi de vous parler de la protection et du soutien des personnes âgées au Canada dans le contexte de la pandémie de COVID-19.

Je suis doyen associé à la direction de la Faculté de médecine de l’Université de la Colombie-Britannique, je suis gériatre et professeur clinicien de médecine gériatrique, et je suis le 13e président de la Société canadienne de gériatrie.

Les personnes âgées sont sujettes aux infections, dont celle de la COVID-19. C’est peut-être en partie parce que leur système immunitaire ne fonctionne plus aussi bien. De nombreux aînés vivent avec des problèmes de santé de longue date comme le diabète, les maladies cardiaques et les maladies pulmonaires.

Comme je l’écrivais dans une récente lettre d’opinion publiée dans le Globe and Mail, à bien des égards, le travail de notre vie culmine maintenant en temps réel à chaque tournure que prend la COVID-19. Tout le monde veut aider. Depuis les intervenants de première ligne, qui risquent d’être infectés en s’occupant des personnes dans le besoin, dont nos aînés, jusqu’aux voisins et amis qui déposent des sacs d’épicerie sur le seuil et qui sonnent à la porte avant de s’en aller. Ce désir collectif d’aider à soulager le stress et la souffrance est une raison de garder espoir, même lorsqu’on voit augmenter le nombre de cas de COVID et de décès tragiques.

Je crois que chacun de nous doit faire tout ce qu’il peut pour protéger et soutenir les plus vulnérables, y compris les personnes âgées.

Les organismes gouvernementaux, dont Santé Canada et l’Agence de la santé publique du Canada, nous ont rappelé à maintes reprises l’importance de la distanciation physique, par exemple de visiter nos proches âgés de façon virtuelle plutôt qu’en personne pendant la pandémie. Or, distanciation physique ne veut pas dire isolement social. Nous savons que la solitude et l’isolement peuvent avoir des effets néfastes sur la santé physique et mentale, surtout chez les personnes âgées.

Nous devons interagir régulièrement avec elles, peut-être en ce moment par ordinateur, par les médias sociaux ou, si elles préfèrent, par téléphone. L’accessibilité de la technologie virtuelle peut présenter des obstacles pour certains Canadiens âgés, comme ceux qui habitent en région rurale ou éloignée, en raison d’un accès limité au réseau Internet, ou qui ne peuvent pas se le permettre pour des raisons socioéconomiques.

Avec les personnes âgées, il est important de faire preuve de compassion en tout temps, mais surtout durant la pandémie. C’est encore plus important pour celles qui vivent avec une forme de démence, comme la maladie d’Alzheimer, parce qu’elles ne comprennent peut-être pas ce qui se passe. Il est impératif d’accroître le soutien aux aidants naturels et aux personnes atteintes de démence. Je crois que le gouvernement du Canada est bien placé pour promouvoir l’adoption de pratiques exemplaires nationales en vue de soutenir les personnes âgées vulnérables et leurs familles, et pour fournir les ressources nécessaires à leur application durable.

Cela comprend la réaction à la situation constatée en particulier dans les centres de soins de longue durée partout au pays. Les personnes âgées qui y vivent sont très vulnérables, relativement sans voix et sans appuis solides pour défendre leurs intérêts.

En date du 1er juin de cette année, 6 007 Canadiens résidant dans des centres de soins de longue durée étaient décédés à cause de la COVID-19, soit 82 % des 7 326 décès signalés au pays.

Nous devons protéger les personnes âgées là où elles vivent. Récemment, la conseillère scientifique en chef du Canada a convoqué un groupe de travail sur les soins de longue durée, dont je fais partie. Notre gouvernement et les autorités de la santé doivent donner le ton maintenant en insistant sur une approche humaniste et compatissante pour répondre pleinement aux besoins permanents des aînés dans les centres de soins de longue durée. Dans la pratique, cela veut dire d’en faire un enjeu de société, d’y accorder une attention stratégique et d’y affecter les ressources nécessaires, en établissant par exemple une stratégie canadienne de soins de longue durée qui miserait sur l’apprentissage continu à partir d’un système national de données sur la santé.

Comme nous avons tous pu le constater, la COVID-19 a dévoilé la fragmentation du continuum des soins offerts aux aînés au Canada, aggravée par les modes de fonctionnement hétérogènes des secteurs public et privé, de sorte qu’il devient difficile d’offrir aux personnes âgées un accès égal et uniforme aux services dont elles ont besoin à mesure qu’elles vieillissent. Nous devons dès maintenant trouver des solutions immédiates et continues à ces problèmes systémiques nationaux, en établissant par exemple un dialogue national sur l’intégration des soins de longue durée dans les dispositions de la Loi canadienne sur la santé.

La COVID-19 a aussi révélé que les ressources du milieu ne suffisent pas à assurer la qualité de soins nécessaire, aussi bien en temps normal qu’en période de pandémie. Nous devons élaborer des stratégies nationales pour que les centres de soins de longue durée disposent en tout temps d’un effectif suffisant de préposés ayant les compétences nécessaires pour faire le travail en un seul endroit sans avoir à se promener d’un établissement à l’autre. Il faudrait des lignes directrices nationales pour remédier à l’iniquité des salaires et des politiques sur les congés de maladie qui permettent de rester à la maison lorsqu’on présente des symptômes.

Il faudrait aussi des programmes de perfectionnement continu reconnus à l’échelle nationale pour rafraîchir les compétences en soins de longue durée, y compris la prévention et le contrôle des infections. De plus, je crois qu’un effort accru de formation en santé — en particulier en gériatrie, en psychiatrie gériatrique, en soins des personnes âgées, en soins palliatifs, en médecine familiale, en médecine interne et en psychiatrie —, dispensée de préférence selon une formule d’apprentissage coopératif, peut combler les lacunes actuelles des services au Canada en offrant les meilleurs soins possible aux personnes âgées.

Afin d’aplanir les problèmes du milieu des soins de longue durée, le Canada devrait aussi appliquer un certain nombre de solutions systémiques supplémentaires, dont la gestion de la chaîne nationale d’approvisionnement en équipement de protection individuelle, ou EPI, avec priorité d’approvisionnement aux soins de longue durée, et l’adoption d’une méthode nationale pour accélérer les tests diagnostiques de la COVID-19 chez les personnes âgées et les préposés aux soins de longue durée.

J’essaie de vous faire comprendre aujourd’hui que nous devons tous unir nos efforts devant ces problèmes intersectoriels et systémiques qui affectent les personnes âgées, et que nous révèle la COVID-19. Je crois qu’une approche stratégique coordonnée, menée par le gouvernement du Canada avec la pleine participation des provinces et des territoires, peut faire toute la différence dont ont tant besoin les personnes âgées et leurs proches au Canada. C’est maintenant qu’il faut agir. Merci beaucoup.

La présidente : Merci, docteur Wong. Nous allons passer aux questions des membres du comité. Je vous rappelle d’utiliser la fonction « lever la main » dans Zoom si vous voulez poser une question ou répondre à une question. Lorsque vous posez une question, veuillez préciser à qui vous l’adressez.

La sénatrice Poirier : Je remercie les témoins de leur présence et de leurs excellents exposés.

Ma première question s’adresse à Mme Lennox, de l’Association canadienne des individus retraités. Je viens d’une région rurale du Nouveau-Brunswick. Les personnes âgées dans les régions rurales ont été touchées différemment de bien d’autres dans les régions urbaines, surtout dans des aspects du quotidien auxquels on ne pense pas toujours, par exemple, les services bancaires. À l’heure actuelle, nos succursales bancaires sont fermées à cause de la COVID-19. Or, les personnes âgées, dont beaucoup ont plus de 80 ans, n’utilisent pas de cartes de crédit ou de débit. Elles paient encore comptant. Elles ne vont pas au guichet automatique et n’utilisent pas les services bancaires en ligne.

Bon nombre de personnes qui ont communiqué avec moi se sont dites surprises du manque de services. Il leur faut rouler plus d’une heure en voiture pour accéder aux services offerts en ville. Il n’y a pas d’autobus ni de taxi dans la campagne du Nouveau-Brunswick. Il y a beaucoup de problèmes là-bas, bien différents de ce qu’on peut vivre à Ottawa, par exemple, où il y a beaucoup de succursales et ce genre de choses.

À votre avis, quelles mesures, s’il en est, le gouvernement fédéral peut-il prendre pour mieux soutenir les aînés des régions rurales et éloignées, qui n’ont pas le même accès aux services que d’autres?

Mme Lennox : Je vous remercie de votre question. Je crois en avoir saisi une partie.

Nous avons des chapitres en Nouvelle-Écosse et au Nouveau-Brunswick, et on nous a fait part de préoccupations semblables. Une partie du problème, c’est qu’il n’y a pas tellement de services offerts en région rurale. Cela nous ramène à ce que je disais dans mon introduction au sujet de l’augmentation du coût de la vie et de la fermeture d’un certain nombre de programmes en raison de la COVID-19. Ce sont des choses qui ont touché directement les aînés.

On croit à tort qu’ils ont échappé aux conséquences de la COVID-19, mais beaucoup ont été directement touchés. Comme vous le dites, bien des banques ont fermé leurs portes, comme bien des services de préparation des déclarations de revenus, et les gens comptaient là-dessus, surtout en ce moment. Les aînés ont aussi perdu l’accès à plusieurs banques alimentaires. Cela a été vraiment dur, comme nous l’avons entendu d’ailleurs de la part de nos propres membres.

La sénatrice Poirier : À votre avis, le gouvernement a-t-il mis en place les programmes et l’aide financière nécessaires pour que les aînés à faible revenu, à la campagne ou à la ville, soient protégés contre la deuxième vague qui, selon tout le monde, viendra probablement?

Mme Lennox : Non. Je pense que la deuxième vague inquiète réellement beaucoup de nos membres. Ils craignent qu’en pareil cas, certains services ne rouvrent pas ou ferment de nouveau.

Beaucoup étaient heureux de recevoir la prestation complémentaire à la pension de vieillesse et au SRG, mais ils auraient préféré qu’elle soit récurrente. Beaucoup sentaient qu’ils seraient les derniers à être libérés des contraintes de la distanciation physique. Alors je pense qu’on peut certainement faire mieux.

La sénatrice Poirier : Pensez-vous que le gouvernement devrait avoir un peu plus son mot à dire sur ce qui devrait ou ne devrait pas fermer, sur ce qui est essentiel ou non?

Mme Lennox : Je pense que le gouvernement a un rôle à jouer dans ces décisions-là, en collaboration avec les provinces.

La sénatrice Poirier : J’ai une question pour CanAge. Dans un article récent, vous disiez que des aînés vivaient dans l’insécurité financière. La réponse du gouvernement est un paiement unique, et deux mois après son annonce, les gens l’attendent toujours. Le premier ministre a dit que l’économie était gelée, mais il ne semble pas pressé d’aider les aînés dans cette économie gelée dont il parle.

Après le paiement unique qui sera fait en juillet, pensez-vous que les aînés à faible revenu pourront survivre sans autre aide financière du gouvernement fédéral? Ma question s’adresse à CanAge, Mme Tamblyn Watts.

Mme Tamblyn Watts : La réponse est non, les aînés ne reçoivent pas assez d’aide. Le paiement unique est bienvenu, mais ils attendent aussi un supplément à la Sécurité de la vieillesse, qui ne s’en vient pas encore. Nous savons que les personnes âgées sont les plus durement touchées, surtout celles qui vivent en milieu rural, et qui sont peut-être déjà aux prises avec la pauvreté et la marginalisation intersectionnelles. La deuxième vague n’est pas une théorie; c’est déjà un enjeu majeur.

J’aimerais revenir à la question que vous avez posée à ma collègue. En ce qui concerne les services bancaires ruraux, nous devons nous ouvrir aux idées du système bancaire ouvert, des services bancaires par l’entremise de Postes Canada, du recours accru aux dépôts directs et aux versements automatiques et surtout, au cours des deux prochaines années, explorer la question des incidences fiscales automatiques. Nous savons que les personnes âgées ont de la difficulté à préparer leurs déclarations de revenus, mais c’est par là qu’on accède aux prestations. Nous devrions essayer de faire comme d’autres pays de l’OCDE et offrir la préparation automatique des déclarations de revenus au lieu d’en imposer le fardeau à des gens de plus en plus démunis et marginalisés.

La sénatrice Poirier : Merci beaucoup.

La sénatrice Griffin : Je remercie les témoins de leurs exposés. J’ai une question pour le Dr Wong.

Comme vous le savez, le travail de notre comité est d’examiner la réponse du gouvernement à la crise de la COVID-19. Selon vous, qu’est-ce que le gouvernement a fait de bien et qu’est-ce qu’il a fait de moins bien?

Dr Wong : Je vous remercie de votre question, madame la sénatrice. Nous traversons une période très étrange. C’est du jamais-vu, non seulement pour le Canada, mais aussi pour de nombreux pays et de nombreuses instances de par le monde.

Pour ce qui est des interventions du gouvernement du Canada à ce jour, notamment en ce qui concerne les aînés, je dirais qu’il a fait du bon travail dans plusieurs domaines en diffusant l’information pertinente en matière de santé publique. Nous avons entendu parler de l’importance de la distanciation physique, par exemple. Qu’est-ce que cela signifie pour les aînés, leurs familles et leurs proches? Je pense que les autorités de la santé publique — c’est-à-dire Santé Canada et l’Agence de la santé publique du Canada — ont bien fait leur travail de diffusion. Mais lorsque nous voyons certains de nos aînés les plus vulnérables, dont ceux qui vivent dans les centres de soins de longue durée, il apparaît évident que de nombreux domaines se prêtent à l’amélioration, d’où mon commentaire.

La COVID-19 a dévoilé deux catégories de problèmes. La première catégorie exige des mesures immédiates, parce qu’il s’agit de protéger physiquement les aînés, y compris ceux qui reçoivent des soins de longue durée, mais aussi de voir à leurs besoins en santé mentale; c’est ce qu’il faut comprendre quand je dis que distanciation physique ne signifie pas isolement social.

Il y a une deuxième catégorie de problèmes ancrés profondément dans le système. Ce sont des problèmes qui existent depuis un certain temps, par exemple dans les mécanismes de réglementation et l’établissement des normes applicables aux centres de soins de longue durée. Même s’il y a division du travail entre les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux, le gouvernement fédéral et ses dirigeants ont l’occasion de fixer des balises. Ce sera crucial.

Le gouvernement du Canada peut diriger son attention prioritaire et ses ressources vers des éléments concrets pour régler le problème. Je pense que la clé, c’est d’établir les priorités. Pour les aînés et leurs proches, si on accorde vraiment la plus haute importance à ces questions-là, alors les mesures et les ressources nécessaires à une application durable vont suivre. Il s’agit d’établir les priorités.

La sénatrice Griffin : Êtes-vous en train de dire que le gouvernement n’a pas bien établi ses priorités ou que vous voulez simplement qu’il s’améliore?

Dr Wong : Je dirais que l’établissement des priorités est un concept en évolution. En temps normal, lorsque nous disons que nous considérons les soins aux aînés comme d’une haute importance, c’est bien. C’est toujours bien.

Mais lorsque survient une crise comme celle de la COVID-19, qui nous met en face des occasions que nous n’avons pas su saisir, force est de constater que nous devons revoir nos priorités et insister davantage pour faire ce que nous disons que nous allons faire.

La sénatrice Griffin : Merci.

[Français]

La sénatrice Forest-Niesing : Merci aux témoins de vos témoignages et de nous éclairer sur ces questions qui nous préoccupent tant.

Ma question est complémentaire à celle de la sénatrice Griffin et est particulièrement axée sur ce qu’a identifié le Dr Wong comme étant une des nombreuses priorités, soit l’attention qui doit être accordée à l’augmentation des services en matière de soins de santé mentale.

Dans le contexte de l’avant-crise, mais surtout depuis le début de la pandémie, il est tout à fait compréhensible d’anticiper, chez les personnes âgées, un certain niveau d’anxiété causé par l’isolement et de constater les conséquences que cela engendre sur la santé mentale, que l’on parle des personnes âgées résidant dans des établissements de soins de longue durée ou de celles vivant dans des communautés.

Pouvez-vous nous préciser quelle priorité devrait être accordée aux besoins en santé mentale des personnes âgées? Je pose d’abord ma question au Dr Wong, mais j’aimerais également entendre la réponse de nos autres témoins.

[Traduction]

Dr Wong : Merci, madame la sénatrice. C’est une question qui me tient beaucoup à cœur. J’essaierai d’être bref, mais je veux vous donner un exemple concret de ce qui se passe ici en Colombie-Britannique.

Pour rejoindre les aînés qui vivent dans des centres de soins de longue durée et combattre la solitude et l’isolement social pendant la pandémie, en raison de la distanciation physique, nous avons lancé une initiative entièrement nouvelle appelée Connecting with Compassion. Elle fait partie du programme de la chaire Edwin S.H. Leong sur le vieillissement en santé de l’Université de la Colombie-Britannique, où nous utilisons des tablettes électroniques pour rejoindre les aînés dans les centres de soins de longue durée et les mettre en contact avec leurs proches, mais surtout, pour leur offrir une programmation personnalisée de deux types. Le premier type consiste à créer des liens par la musique. Des étudiants de l’École de musique de l’Université ont offert des spectacles gratuits à ces aînés, et nous nous servons des pièces musicales pour mettre les aînés en contact avec leurs proches, et ainsi de suite.

Nous savons aussi que bien des aînés n’ont pas de famille ou d’êtres chers, alors ils sont seuls, et c’est pourquoi nous avons créé un deuxième volet, appelé le programme des « Grands Petits-Enfants », sur le modèle des Grands Frères et des Grandes Sœurs, pour créer des liens entre les aînés qui n’ont pas de famille ou d’êtres chers avec des étudiants de l’Université. Nous avons déjà lancé ce programme dans quelques centres de soins en Colombie-Britannique. C’est une initiative d’envergure provinciale qui offre une excellente occasion de s’attaquer aux problèmes de santé mentale, non seulement des aînés, mais aussi des étudiants qui sont touchés par la COVID-19.

C’est un exemple de ce qu’on pourrait faire à l’échelle du Canada, et c’est appelé à durer parce que c’est enraciné profondément dans la culture populaire des collectivités locales. Merci.

La sénatrice Forest-Niesing : Ce sont de merveilleuses initiatives.

La présidente : Madame Lennox, vouliez-vous intervenir à ce sujet, et madame Tamblyn Watts?

Mme Lennox : Nous avons entendu parler de merveilleux programmes semblables à ceux que le Dr Wong a mentionnés. Il y en a aussi de nombreux autres qui font appel à des animaux, grâce à la technologie vidéo, pour interagir avec les aînés dans les centres de soins de longue durée.

C’est un problème. Je peux en témoigner personnellement. Je connais des gens qui ont craint pour la santé mentale de leurs proches dans un établissement et qui n’ont pas été en mesure de les joindre. D’autres les ont carrément retirés de l’établissement, alors je pense qu’il y a lieu de faire davantage appel à la technologie désormais, surtout en période de pandémie.

De nombreuses provinces n’ont pas autorisé les proches aidants à se rendre dans les centres de soins pour rencontrer les membres de leur famille. À une époque où il y avait tellement de travailleurs de la santé qui se promenaient d’un établissement à l’autre — je sais qu’ils ne peuvent plus maintenant —, où des membres de la famille confinés à la maison se faisaient dire qu’ils ne pouvaient pas entrer pour aller voir un être cher, il y a eu des conséquences. J’encourage les provinces à lever cette restriction afin que les proches aidants puissent entrer dans les centres et voir leurs parents et leurs proches.

Mme Tamblyn Watts : Merci beaucoup. Chez CanAge, nous avons créé des programmes et établi des liens avec certains des travaux de l’Université de la Colombie-Britannique, nous sommes associés au programme Healthy Aging de Centraide de la Colombie-Britannique et nous offrons des services au programme appelé Better at Home. L’inclusion sociale et le bien-être mental sont des priorités pour nous.

Nous sommes en partenariat avec l’Université de Toronto et l’Initiative nationale pour le soin des personnes âgées afin de créer un programme dont l’effectif est entièrement composé d’étudiants de maîtrise en travail social et de travailleurs sociaux en exercice, qui non seulement permet aux gens de demander des examens de santé mentale et de bien-être à un niveau plus élevé que celui des milieux communautaires, mais qui offre également une stratégie horizontale à ces autres programmes qui effectuent des contrôles amicaux, mais qui ont cerné de vrais problèmes de santé mentale et de bien-être. Il s’agit du programme TALK 2 NICE, et je suis heureuse de vous fournir plus de renseignements à son sujet.

Nous avons aussi travaillé avec des universités pour changer leurs programmes de perfectionnement où elles demandent habituellement de l’argent et du soutien et, en fait, pour les intégrer dans la collectivité. C’est ainsi que l’Université Queen’s s’est associée à CanAge pour faire des visites amicales et des contrôles d’isolement social, ainsi que du perfectionnement pour ses anciens étudiants, deux ou trois fois par semaine. C’est une ressource digne de confiance parce qu’elle fait déjà partie d’une collectivité... capable encore là de reconnaître les signaux d’alarme que nous avons repérés en matière de santé mentale et de bien-être, puis de transférer les cas à l’échelon supérieur que représente le programme TALK 2 NICE.

Ce sur quoi je voudrais insister ici, c’est la raison pour laquelle nous faisons une telle priorité de l’inclusion sociale, la raison pour laquelle nous avons besoin d’un défenseur national des aînés et la raison pour laquelle nos investissements doivent se faire au niveau communautaire. Nous savons que les collectivités sont en contact avec les aînés et que les aînés sont en contact avec les collectivités. Ce que le gouvernement doit faire, c’est investir pour favoriser ces relations déjà établies.

La sénatrice Forest-Niesing : Merci pour tout ce merveilleux travail.

[Français]

Est-ce que mon temps de parole est écoulé?

La présidente : Oui, malheureusement.

La sénatrice Forest-Niesing : Dans ce cas, je reviendrai lors de la deuxième ronde de questions. Merci.

[Traduction]

La sénatrice Moodie : Merci à nos témoins d’aujourd’hui. Mes questions portent sur les données.

Vous avez tous fait de nombreuses recommandations qui pourraient corriger de nombreuses lacunes dont nos aînés ont souffert pendant cette pandémie. Mes questions portent sur les données et sur les personnes âgées qui sont vulnérables et peut-être oubliées dans notre entourage.

Docteur Wong, j’aimerais commencer par vous. Pourriez-vous nous parler des conséquences pour les aînés qui vivent dans la pauvreté, qui sont handicapés, qui sont de sexe féminin, qui sont de couleur noire ici au Canada, qui n’ont peut-être pas le luxe de s’inquiéter de leur portefeuille ou d’encaisser leur REER, mais dont la vie a été dévastée par la COVID-19? Le gouvernement recueille-t-il ces données importantes et ont-elles été mises à la disposition de votre groupe de travail? C’est la première question et elle s’adresse principalement au Dr Wong.

Deuxièmement, pourriez-vous nous parler de la surreprésentation des femmes racialisées dans les rangs des préposés aux services de soutien à la personne, les PSSP? Savons-nous combien de ces femmes, qui sont des travailleuses noires ou autres que blanches, sont mortes en prenant soin des autres durant cette pandémie?

Dr Wong : Merci, madame la sénatrice. Je commencerai en disant que je suis tout à fait d’accord avec vous pour dire qu’il faut apprendre des données. Une des difficultés ici, dans le contexte pancanadien, c’est que les données sont présentées de façon très hétérogène.

Même lorsqu’on en recueille, qu’elles soient mises à la disposition des diverses équipes, que ce soit au gouvernement ou à l’extérieur du gouvernement, il est difficile d’y avoir accès en temps utile. Or, il est essentiel d’avoir accès aux données en temps réel, surtout lorsqu’on a affaire à quelque chose qui évolue aussi rapidement que la COVID-19. Ce n’est pas le cas actuellement au Canada. Nous devons tirer un enseignement des données et fonctionner à partir de là. Nous devons nous attaquer aux problèmes systémiques en étant armés de ce que nous apprennent les données, sinon cela devient des opinions. Les opinions sont importantes, mais il faut aussi les vérifier et les étayer par des données, et c’est ainsi qu’on en améliore continuellement la qualité. Si vos hypothèses originales ont besoin d’être peaufinées, ce sont les données qui vont vous permettre de le faire.

Cela dit, pour répondre à votre question, le groupe de travail dispose de certaines données. J’appuie sur le mot « certaines », mais il est clair qu’il en faudrait davantage pour répondre à des besoins précis. Je suis tout à fait d’accord pour dire que la COVID-19 a mis au jour un certain nombre de problèmes systémiques, dont ceux des aînés qui vivent dans la pauvreté ou qui sont autrement défavorisés, de sorte que ce sont d’autres déterminants sociaux de la santé qui les rendent plus vulnérables. Pour répondre pleinement aux besoins de toutes les personnes âgées, nous devons tenir compte non seulement des déterminants médicaux de la santé, mais aussi de ses déterminants sociaux.

Le même argument s’appliquerait au soutien de nos travailleurs affectés aux soins de longue durée. Regardons les choses en face : dans bon nombre des conversations que j’ai eues avec des collègues qui travaillent soit comme PSSP, soit à d’autres titres dans les centres de soins de longue durée, j’ai été à même de constater qu’ils sont en train de perdre la tête. Tout le monde essaie de faire tout ce qu’il peut, mais d’une façon ou d’une autre, chacun a les mains liées à cause de ces problèmes systémiques. Dans mon exposé, j’ai parlé de stratégies et d’approches nationales qui permettraient d’assurer une disponibilité constante et durable de ressources humaines en santé, y compris aux premières lignes des soins de longue durée.

La sénatrice Moodie : Merci, docteur Wong. Je veux laisser à Mme Tamblyn Watts et à Mme Lennox le temps de nous décrire un peu le profil des membres de leurs organisations, en ce qui concerne les femmes handicapées et les personnes de couleur. Donnez-nous une idée des gens que vous représentez, s’il vous plaît.

Mme Lennox : La majorité de nos membres sont plutôt instruits et bien nantis, et je dirais que la proportion réelle de ceux qui font partie d’un groupe minoritaire est sans doute beaucoup moindre que dans notre propre population.

Cela dit, même s’ils sont pour la plupart instruits et à l’aise, nos membres nous disent constamment qu’ils aimeraient que nous représentions les intérêts de tous les Canadiens d’un bout à l’autre du pays. Ce mois-ci, par exemple, qui est le Mois de la fierté, nous lançons une série d’activités hebdomadaires sur le thème de l’inclusion, inspirées également de certaines des manifestations que nous avons vues aux États-Unis.

Mme Tamblyn Watts : Je vous remercie de votre question, madame la sénatrice. CanAge travaille comme une coalition. Nous avons donc une approche très intersectionnelle et nous travaillons de façon proactive en collaboration avec des groupes considérés depuis toujours comme marginaux.

Je voulais aussi répondre un peu à la question que vous avez posée au sujet des préposés aux services de soutien à la personne et des données dont nous disposons à ce sujet.

Le vieillissement et les soins liés au vieillissement sont différents selon le sexe, et les soins sont particulièrement racialisés. Je vais juste me servir de quelques données d’une province. Il se trouve que je suis en Ontario en ce moment. Les PSSP sont environ à 92 % des femmes, et il y a une forte surreprésentation de femmes pauvres, immigrantes de fraîche date qui occupent un emploi précaire, qui ont des ennuis avec leur statut d’immigrante et qui travaillent pour soutenir des familles composées de plusieurs générations.

Dans de nombreuses provinces, madame la sénatrice, ces préposées sont nettement sous-payées et leur travail entraîne aussi plus de pauvreté parce qu’elles doivent faire des choix en matière de soins. Voilà des problèmes systémiques auxquels nous faisons face, et nous travaillons très fort en coalition avec nos communautés marginalisées. Merci de votre question.

La sénatrice Moodie : Merci.

La sénatrice Seidman : Merci beaucoup de votre contribution à notre étude des répercussions de la COVID-19.

Je ne peux m’empêcher de poursuivre la conversation sur les données. Je vais revenir au Dr Wong, si vous me permettez.

Dans votre exposé, vous avez parlé de problèmes systémiques et vous avez évoqué le besoin d’un système national de données sur la santé. J’aimerais approfondir un peu cette question avec vous. À la fin de votre réponse à la sénatrice Moodie, vous avez aussi abordé la question de normes nationales.

Nous avons beaucoup entendu parler de systèmes de gestion des données des soins de longue durée et de l’importance d’avoir un système national. Alors, si vous pouviez nous aider à comprendre... De toute évidence, ce sont des choses à considérer dans un rapport sur la réponse du gouvernement à la COVID-19 et dans les recommandations que nous pourrons y présenter. Je serais donc très heureuse d’entendre ce que vous avez à nous dire sur ces deux questions. Merci.

Dr Wong : Merci, madame la sénatrice. Ce que j’ai à dire à propos de ce système national de données sur la santé, c’est que nous pourrions le configurer de telle sorte que les données puissent effectivement orienter une partie des décisions, plutôt que de simplement cocher des cases. Je ne veux pas dénigrer des systèmes en place qui contribuent déjà beaucoup à l’assurance de la qualité, mais lorsqu’il s’agit d’améliorer la qualité, il faut trouver le moyen de mettre à contribution les données recueillies autrement que dans des cases à cocher.

Laissez-moi vous amener sur le terrain, celui des praticiens et du personnel des soins de longue durée, par exemple, qui est un point critique dans la maîtrise de la COVID-19. L’idée de voir quelqu’un arriver avec une planchette à pince et une petite feuille de cases à cocher peut être très intimidante et même effrayante pour des employés qui travaillent déjà d’arrache-pied et qui se demandent bien quoi faire pour remplir, disons, ces 10 petites cases supplémentaires. Ce n’est pas le système dont je parle.

Quand je parle d’un système national de données sur la santé, je pense par exemple à ce qui se fait déjà en Europe. Je pense par exemple à la Grande-Bretagne et à son National Health Service, où il y a des points de pression, des points critiques. Je ne dis pas que nous voulons reproduire ces points de pression, mais une des nouvelles orientations dans le domaine des mégadonnées — on parle ici de données de grande ampleur et d’analyse de données massives — c’est de capter des données en temps réel qui soient accessibles non seulement aux praticiens, mais aussi aux gens qui influent sur les décisions d’affectation des ressources, sur les politiques et ainsi de suite, pour qu’ils disposent de ces données afin de fonder leur travail. Pour le moment, ce n’est pas possible. Même les données recueillies sont stockées comme par magie dans une sorte de grosse boîte noire à laquelle il est pratiquement impossible d’accéder aisément.

La sénatrice Seidman : Vous avez aussi parlé de normes nationales. Encore une fois, cela exigerait une réglementation fédérale ou quelque chose du genre. Si vous pouviez nous en dire plus à ce sujet, ce serait bien. Merci.

Dr Wong : Merci, madame Seidman. Pour tout vous dire, je suis un éducateur en médecine et en santé. À la faculté de médecine de l’Université de la Colombie-Britannique, je suis le doyen principal de l’éducation. À mon avis, il serait bon, important même, que le gouvernement fédéral prenne l’initiative à l’échelle nationale et qu’il fixe les balises. Le mot « agrément » me vient à l’esprit; il faudrait établir ces normes à l’échelle nationale de telle sorte qu’elles puissent être appliquées à l’échelon provincial et territorial. Il existe un précédent. C’est exactement ainsi que fonctionnent la plupart, sinon la totalité, des programmes de formation des professionnels de la santé au Canada. Il y a un organisme national d’agrément qui fixe les normes, puis les provinces, les territoires, les écoles, les collèges, et cetera, les mettent en œuvre, et c’est un exercice régulier d’amélioration continue. C’est l’analogie que je ferais, et c’est ce dont nous avons besoin dans les soins de longue durée.

La sénatrice Seidman : Cela s’appliquerait à toutes les classifications, à tous les postes et à toutes les descriptions d’emplois dans le domaine des soins de longue durée. Vous dites donc que ça s’appliquerait partout?

Dr Wong : C’est exact. Pour étoffer cette réponse, compte tenu de l’hétérogénéité de la participation du secteur public et du secteur privé au pays, ces normes devraient s’appliquer à tout le monde parce qu’autrement, il y a un risque de créer un type de mécanisme de deuxième ou de troisième classe.

La sénatrice Seidman : La vraie question que je voulais poser au Dr Wong concerne ce groupe d’experts sur les soins de longue durée. Lorsque je lui ai posé la question ce matin, le Dr Réjean Hébert a dit qu’il faisait lui aussi partie de ce groupe de travail, mais qu’il y avait très peu d’information publique à ce sujet. Je me demande si vous pouvez nous aider à comprendre le mandat officiel du groupe, nous dire qui en fait partie, quel est l’échéancier et quand vous espérez terminer votre rapport?

Dr Wong : Le groupe de travail du gouvernement du Canada est convoqué par la conseillère scientifique en chef, Mme Mona Nemer, d’Ottawa, et il comprend un groupe d’experts de partout au pays. La majeure partie du travail initial est terminée. Nous avons présenté notre rapport au gouvernement, et je crois comprendre que le gouvernement fédéral l’a entre les mains. Nous sommes clairement d’accord sur le fait que les messages clés des rapports doivent être transmis et communiqués efficacement. Nous attendons actuellement que le gouvernement prenne les prochaines mesures.

La sénatrice Seidman : Merci beaucoup. Je crois que mon temps est écoulé.

La présidente : Oui. Merci de ces questions et réponses.

[Français]

La sénatrice Mégie : Ma question s’adresse aux trois invités. On considère que la COVID-19 a beaucoup frappé les CHSLD, c’est-à-dire les centres de soins de longue durée. Ce matin, le comité a reçu un invité qui a fortement suggéré de déployer tous les efforts possibles pour favoriser les soins à domicile par le biais d’un programme d’assurance autonomie. Quelle est votre position par rapport à la priorisation des soins à domicile? J’aimerais entendre le point de vue des trois invités là-dessus.

[Traduction]

Mme Tamblyn Watts : Je vous remercie de votre question, sénateur. Je suis tout à fait d’accord; 92 % de tous les aînés au Canada vivront toujours dans la collectivité, dont 8 % dans des établissements de soins de longue durée. Nous savons que les personnes âgées souhaitent vivre et vieillir chez elles, et nous savons que la stratégie de soins de longue durée doit être axée sur les systèmes. Cela signifie que nous devons nous assurer de fournir des soins systémiques, de qualité et avec empathie dans tous les milieux, et les soins à domicile sont une priorité essentielle à cet égard. Je sais que le Dr Wong sourit parce que nous avons eu de nombreuses conversations à ce sujet auparavant, n’est-ce pas, Dr Wong?

Lorsque nous y réfléchissons, nous devons le faire dans le cadre d’un continuum de santé et de logement. Les soins à domicile sont nettement sous-financés et ne sont pas prioritaires; ils doivent faire partie d’une stratégie en matière de santé et de logement.

La présidente : Merci. Dr Wong, voulez-vous continuer?

Dr Wong : Absolument. Merci beaucoup, sénatrice, de votre question.

Nous devons garder à l’esprit que, lorsque nous parlons d’offrir les meilleurs soins possible aux aînés et aux personnes âgées, il s’agit d’un continuum de soins, et j’insiste sur le mot continuum. Continuum signifie, en fonction de la population, qu’il y a des personnes comme Mme Tamblyn Watts qui habitent dans une collectivité et qui ont besoin de soins à domicile, de logement avec services de soutien et de soins de longue durée.

Il ne faut pas oublier non plus que toute personne âgée peut, à l’occasion, évoluer dans le continuum et avoir des besoins différents.

L’élément essentiel pour fournir les meilleurs soins possible à cette personne à un moment donné est la direction que nous devrions prendre. Par conséquent, le fait que les soins à domicile fassent partie du continuum joue clairement un rôle très important dans le soutien aux aînés. Je suis d’accord pour dire que lorsque nous parlons de vieillissement à domicile, nous ne faisons pas seulement une simple déclaration, nous visons une pratique exemplaire.

En sommes-nous là au Canada? Je dirais que nous avons vu de bons exemples de pratiques exemplaires dans certaines régions, mais il y a beaucoup de variabilité. Par conséquent, il faut en faire beaucoup plus pour veiller à ce que ce soit généralisé.

La présidente : Madame Lennox, avez-vous quelque chose à ajouter?

Mme Lennox : Je vous remercie de votre question. Je suis tout à fait d’accord avec mes collègues. Nous avons sondé nos propres membres, et une majorité écrasante d’entre eux disent vouloir vivre dans leur maison et ne prévoient pas déménager dans un établissement de soins de longue durée. Lorsqu’il est question de continuum de soins, il est évident que les soins à domicile doivent en être une composante importante.

De plus, lorsque nous avons sondé nos membres, le quart d’entre eux qui reçoivent des soins à domicile nous ont dit avoir dû acheter des services privés supplémentaires pour répondre à leurs besoins à la maison, pour éviter de déménager dans un milieu collectif.

Le Danemark est souvent cité comme exemple d’un modèle qui fonctionne vraiment bien. Il y a 30 ans, il a fait d’importants investissements dans les soins de santé à domicile et il n’a pas eu à construire un seul nouveau foyer de soins conventionnel en 20 ans. Il est souvent cité en exemple.

Je sais que Mme Tamblyn Watts a aussi mentionné l’Australie comme modèle à envisager. Cependant, lorsque nous pensons aux soins à domicile, au-delà de l’investissement, il faudrait également penser à moderniser notre approche. Pensons notamment aux services de perfusion à domicile, de pharmacie, aux médecins, aux services audiologiques, aux soins de la vue, qui aujourd’hui ne sont offerts que dans des environnements collectifs. Je pense que cela contribuerait grandement à répondre aux besoins des gens qui vieillissent chez eux.

[Français]

La sénatrice Mégie : J’ai juste une demande à faire à Mme Tamblyn Watts. Pourrait-elle nous faire parvenir le programme communautaire de son organisme par écrit?

La présidente : C’est une bonne idée. Nous allons nous assurer de faire le suivi. Merci beaucoup à l’avance.

[Traduction]

Mme Tamblyn Watts : Avec plaisir. Merci, sénatrice.

La présidente : Merci. La sénatrice Omidvar figure sur ma liste de questions. Avez-vous une question?

La sénatrice Omidvar : Oui. J’ai une question pour chacun de nos témoins. Merci beaucoup d’être avec nous aujourd’hui. Ma première question s’adresse à Mme Lennox et concerne l’argent.

Il est généralement reconnu que le Canada a un filet de sécurité sociale assez solide — il n’est pas parfait — pour les personnes âgées, composé du RPC, de la PSV, du SRG, et cetera, mais les propres économies des aînés entrent également en ligne de compte dans leurs moyens de subsistance.

J’aimerais savoir le pourcentage de personnes âgées qui ont des FERR. Nos témoins recommanderaient-ils que les personnes âgées qui en possèdent puissent retirer des fonds en fonction de leur situation, de leur contexte et de leurs besoins, au lieu d’être obligées de les retirer chaque année? Parce qu’à mon avis, le fisc interviendra d’une façon ou d’une autre, soit lorsque les fonds seront retirés, soit lorsque quelqu’un d’autre en héritera.

Mme Lennox : Je vous remercie de votre question, sénatrice. Il faudrait que je vous revienne sur le pourcentage de personnes âgées qui possèdent des FERR. À un moment donné, les REER se transforment en FERR.

La sénatrice Omidvar : Supposons que tous les FERR appartiennent à des personnes âgées.

Mme Lennox : Je vais devoir vous revenir avec le pourcentage de Canadiens. Je ferai cette recherche, à moins que Mme Tamblyn Watts ou Dr Wong n’ait ces données en main.

Ce que je peux dire, c’est que lorsque nous avons sondé nos membres, une majorité écrasante d’entre eux ont dit qu’ils aimeraient être maîtres de leur épargne-retraite. C’est là que les FERR entrent en jeu.

Comme vous le savez, à l’âge de 71 ans, un REER sera converti en FERR, à moins que vous ne choisissiez de retirer tous vos fonds à ce moment-là, et au bout d’un an, vous devez respecter un échéancier pour commencer à retirer l’argent.

Il y a une option de transfert en nature. Si vous aviez 100 000 $ de fonds communs de placement, vous pourriez transférer 5 % à un autre moyen de placement. De nombreuses personnes âgées ne savent pas que cette option existe, et il y a souvent des coûts associés au transfert, ainsi qu’au déplacement de fonds dans un moyen d’investissement supplémentaire.

Pour répondre franchement à votre question, il est certain que le fisc finira par obtenir son argent; ce n’est qu’une question de temps. C’est quelque chose que nous préconisons depuis un certain temps, la nécessité de réexaminer ou, franchement, d’éliminer complètement les retraits obligatoires des FERR, afin que les aînés aient la pleine maîtrise de leur épargne-retraite, particulièrement pendant la COVID-19, alors que nous avons constaté une grande volatilité dans le marché. Les gens ne veulent pas réorganiser leur portefeuille à l’heure actuelle.

Donc, même si nous avons accueilli favorablement la réponse du gouvernement, les premiers jours, lorsqu’il a annoncé qu’il réduirait le taux de retrait minimal de 25 %. Premièrement, cette mesure n’était pas rétroactive. En conséquence, de nombreuses personnes avaient déjà retiré de l’argent de leur FERR en janvier ou en février. Deuxièmement, encore une fois, les gens aimeraient être maîtres de leur épargne-retraite et la laisser dans leur FERR pour qu’elle puisse continuer de s’accumuler pendant la pandémie.

La sénatrice Omidvar : Merci. Ma prochaine question s’adresse à Mme Tamblyn Watts. Vous avez parlé des mauvais traitements envers les aînés. Je vais vous poser une question au sujet du secteur de l’aide, des nombreux organismes sans but lucratif et des organismes de bienfaisance qui viennent aider les personnes âgées et pas uniquement pendant la pandémie de COVID. On a constaté une nette augmentation des services offerts aux aînés ayant subi des mauvais traitements. Je ne crois pas me tromper en disant que c’est sans doute aussi le cas d’autres services qui bénéficient des nouvelles technologies, bien que je ne sache pas comment la Popote roulante livre ses repas. C’est probablement faisable.

Nous savons également que le secteur a été durement touché, qu’il a subi des pertes de revenus se chiffrant à des milliards de dollars, et qu’il y a eu au minimum près de 118 000 mises à pied. Au moment où nous avons le plus besoin de ces organisations, elles souffrent et sont dans une situation désespérée. Pourriez-vous commenter la demande d’un fonds de stabilisation d’Imagine Canada pour appuyer des organismes comme le vôtre et d’autres au service des personnes âgées, non seulement pour survivre à la crise, mais aussi pour participer à la reprise?

Mme Tamblyn Watts : Je vous remercie de votre question, sénatrice. Nous n’avons jamais autant eu besoin du secteur caritatif et des organismes. Comme la sénatrice l’a dit, ce secteur est en crise. Les dons sont à la baisse, les bénévoles ne sont pas autorisés à faire du bénévolat parce que 72 % de tous les bénévoles au Canada sont eux-mêmes des personnes âgées. Nous constatons donc une énorme incidence systémique au moment où nous avons le plus besoin de ce secteur.

Je tiens à souligner le fonds de 350 millions de dollars fourni par le gouvernement, qui était une étape nécessaire, mais qui a été divisé en trois secteurs de cohorte. Il était important de soutenir les fonds communautaires de la Croix-Rouge et Centraide en appuyant les programmes locaux à domicile. Ceci dit, ce soutien n’aide pas le secteur en général au moment où il en a le plus besoin. CanAge appuie sans réserve les propositions d’Imagine Canada et s’aligne sur sa demande d’aide, parce que c’est l’amplification et l’effet de levier dont nous savons que le gouvernement canadien a besoin à l’heure actuelle.

La sénatrice Omidvar : Merci. S’il me reste du temps, j’aimerais poser une brève question au Dr Wong.

J’aimerais que vous commentiez une nouvelle qui vient d’être publiée sur les ondes de la CBC selon laquelle 83 % des décès liés à la COVID dans les foyers de soins de longue durée sont survenus dans des foyers privés, même si le taux d’infection dans ces foyers demeure le même que dans celui des foyers sans but lucratif. Quels sont vos observations et vos conseils au sujet de ce rapport?

Dr Wong : Je pense que, compte tenu de la complexité de la participation des secteurs public et privé, le secteur des soins de longue durée a besoin de solutions immédiates et adaptées pour aborder, à l’échelle nationale, ce type d’évaluation comparative et l’établissement de normes dont j’ai parlé plus tôt.

Ces normes doivent être appliquées dans les secteurs public et privé. Ce que nous voyons ici, c’est le dévoilement des problèmes systémiques. Il ne faut pas oublier que les établissements publics ou privés ne sont pas tous pareils. Il existe une grande hétérogénéité. Par conséquent, pour la mise en œuvre de normes nationales — qui espérons-le seront établies par le gouvernement du Canada —, il faudra également adopter une approche adaptée à chaque administration afin de répondre aux besoins les plus criants du moment et ainsi d’assurer le bien-être de nos aînés.

La sénatrice Omidvar : Merci à tous.

La présidente : Sénateur Kutcher, avez-vous une question?

Le sénateur Kutcher : J’ai toute une série de questions, mais je ne peux en poser que deux.

Merci beaucoup à tous les témoins. C’est merveilleux de vous avoir parmi nous et d’entendre vos sages paroles.

Je vais poser une première question au nom de mon amie et collègue, la sénatrice Wanda Bernard. C’est sa question. Je vais devoir la lire pour la poser correctement. Je vais ensuite poser une de mes questions.

« En Nouvelle-Écosse, à l’établissement de Northwood, une forte proportion des personnes décédées sont des Néo-Écossais d’origine africaine. Dans la région du Grand Toronto, il y a eu de nombreux décès de personnel racialisé. Comment ces problèmes sont-ils abordés en ce qui concerne la vulnérabilité particulière des Canadiens racialisés dans ces établissements, tant pour les résidents que pour le personnel? »

Mme Tamblyn Watts : Je vous remercie de votre question, sénateur. C’est un sujet qui me tient à cœur. En tant que fière membre de Sandy Cove, en Nouvelle-Écosse, une collectivité de 67 personnes, la question est extrêmement importante lorsque nous pensons à nos collectivités rurales et éloignées.

Si nous ne comptons pas, nous ne pouvons pas savoir. Dans une large mesure, la question des données a été soulevée tout au long de nos discussions sur les soins de longue durée. Il y a absence de données non seulement sur les effets du vieillissement sur les Canadiens racialisés, sur le vieillissement dans les établissements de soins de longue durée, mais aussi sur le vieillissement en général. Dans certains cas, il y a eu une résistance active contre la collecte de ces données nécessaires, ce qui, à notre humble avis à CanAge, sénateurs, fait partie du problème systémique que nous avons concernant la race dans ce pays. C’est pourquoi nous préconisons vivement de veiller à obtenir les données dont nous avons besoin. Nous savons que la grande majorité des Canadiens racialisés subissent les effets de la COVID-19, tant chez les aînés que dans la population en général.

Le sénateur Kutcher : Je vous remercie.

Mme Lennox a fait remarquer à juste titre tout à l’heure qu’au Danemark et au Canada, les soins de longue durée à domicile diffèrent énormément. En fait, aux dernières nouvelles, le Danemark consacre environ 65 % de son budget de soins de longue durée aux soins à domicile; au Canada, c’est environ 13 %. C’est une énorme différence idéologique et une énorme différence d’approche. Toutefois, on a récemment tenté de remédier à cette situation. Dans le budget fédéral de 2017, 6 milliards de dollars ont été affectés aux soins à domicile.

Quel a été le rendement de cet investissement? Où est allé l’argent et qu’est-ce que cela a donné?

Mme Lennox : En vérité, je ne sais pas. Je ne pense pas qu’il ait nécessairement servi aux soins de première ligne. Ce n’est certainement pas l’impression qu’on a alors que tant de gens ont de la difficulté à avoir accès aux soins à domicile en ce moment.

Je pense que nous devons réexaminer notre modèle de financement des soins de longue durée, qu’il s’agisse de soins en établissement ou de soins médicaux de longue durée à domicile. L’une des façons d’y arriver est soit de l’assujettir à la Loi canadienne sur la santé, comme l’a mentionné le Dr Wong, soit de créer une mesure législative distincte qui aurait le même effet. Cela permettrait vraiment au gouvernement fédéral et aux provinces de travailler ensemble à l’élaboration d’une structure de financement adéquate pour s’assurer que nous répondons aux besoins des gens là où ils le souhaitent.

La présidente : Merci. Aviez-vous une autre question, sénateur Kutcher? Il vous reste une minute.

Le sénateur Kutcher : J’ai du temps. En 2018, l’Ontario Personal Support Workers Association a publié une étude portant sur 13 000 travailleurs dans des établissements de soins de longue durée, et 79 % d’entre eux se sont dits insatisfaits sur le plan professionnel. Je n’ai jamais vu ce genre de chiffres dans les sondages auprès des professionnels. Les trois principales choses qu’ils ont dites étaient le manque de personnel, une rémunération insuffisante et un milieu de travail dangereux.

Trois autres études réalisées à peu près au même moment par la Fédération canadienne des syndicats d’infirmières et infirmiers, l’Ontario Home Care Association et le Manitoba Nurses Union ont toutes obtenu les mêmes résultats. Qu’est-ce qui peut bien se passer?

La présidente : Qui veut répondre à cette excellente question?

Dr Wong : Je vais essayer de clarifier une question très complexe. Cela dit, cela correspond à ce que je recommande dans ma déclaration préliminaire, à savoir l’adoption d’une approche nationale, holistique et systémique. Lorsque vous parlez de satisfaction au travail, de sécurité au travail, du bien-être de notre personnel et de nos travailleurs — qu’il s’agisse de préposés aux services de soutien à la personne, d’infirmières, de médecins ou de tout autre intervenant dans le secteur des soins de longue durée —, il ne faut pas oublier que des facteurs comme les problèmes d’équité en matière de rémunération, voire l’absence d’équité, les politiques sur les congés de maladie et toute une gamme de raisons médicales considérées comme non traditionnelles y contribuent. C’est pourquoi je pense que nous avons déjà accès à certaines des conclusions que vous nous avez communiquées, sénateur, et qui nous permettent de savoir ce qui se passe.

En fait, je ne pense pas qu’il faille de nouveau étudier cela. La question est de savoir comment trouver des solutions qui seront durables dans leur mise en œuvre, et aussi de façon générale, parce que nous avons constaté beaucoup d’iniquités en matière de santé dans différentes collectivités au Canada.

Un exemple dont nous avons entendu parler, nous y avons fait allusion encore une fois pour les aînés qui vivent, par exemple, dans des régions à faible statut socioéconomique, ainsi que pour ceux qui vivent dans des régions rurales et éloignées du Canada. Je crois que nous devons trouver des solutions immédiates et continues.

La présidente : Merci. Madame Tamblyn Watts, je vous ai vue hocher la tête. J’ai l’impression que vous voulez ajouter quelques mots, alors je vais vous laisser parler.

Mme Tamblyn Watts : Merci beaucoup, madame la présidente. Très brièvement, la recette qui explique pourquoi les préposés aux services de soutien à la personne affichent ce genre de résultats est bien connue. Permettez-moi de prendre quelques instants pour vous dire tout de même de quoi il s’agit. Leur salaire est assez bas. Dans bien des cas, ils n’ont pas de quarts de travail garantis. Ils doivent se déplacer d’un endroit à l’autre pour joindre les deux bouts. Ils n’ont généralement pas accès à des prestations de retraite ni à des avantages sociaux. Plus ils travaillent loin d’un hôpital, moins ils sont payés. Ils pourraient gagner deux fois plus dans un hôpital, souvent avec de meilleures prestations de retraite et de meilleurs avantages. Dès qu’un poste dans le domaine des soins de courte durée est affiché, les préposés aux services de soutien à la personne en soins de longue durée et en soins à domicile démissionnent pour occuper ce meilleur emploi.

Les conditions qu’ils ont demandé d’instaurer dans tout pays n’ont pas été mises en place, à savoir la création de leur propre ordre professionnel pour permettre l’établissement de normes et de pratiques en matière de formation professionnelle. Les préposés aux services de soutien à la personne connaissent la recette.

La dernière chose que j’ajouterais, c’est que dans bien des cas, il n’y a ni environnement bâti ni mesures de maîtrise des patients souffrant de démence. Par conséquent, les préposés aux services de soutien à la personne doivent souvent effectuer seuls un transfert qui se ferait normalement à deux. Ils se blessent dans le processus et sont souvent frappés ou agressés à cause de réactions comportementales, parce qu’il y a un manque de services de réponse comportementale dans tous les foyers de soins de longue durée. La mise en place d’une telle réponse est une recommandation clé de CanAge.

Les enjeux sont bien connus, et j’aimerais aussi parler du thème de la journée, soit les questions sexospécifiques et raciales.

La présidente : Merci de cette réponse.

Le sénateur Manning : Merci à nos témoins. Tant de questions et si peu de temps.

Pour faire suite à ce qu’a dit le sénateur Kutcher, ici à Terre-Neuve-et-Labrador, on s’inquiète des pénuries de personnel de soutien à la personne. Cette situation est-elle répandue dans tout le pays? Y a-t-il des plans pour essayer d’y remédier? Je sais que vous avez mis le doigt sur certaines des raisons pour lesquelles les gens partent, mais je veux savoir si la pénurie est généralisée dans tout le pays.

Ma deuxième question, qui s’adresse à quiconque voudra y répondre, est la suivante : l’un des plus grands problèmes que nous avons constatés au cours de l’expérience de la COVID-19 en matière de soins de longue durée — et qui a été évoqué plusieurs fois aujourd’hui — c’est que les gens ne pouvaient pas rendre visite à leurs proches même s’ils étaient mourants, ou extrêmement malades, quel que soit le cas. Je m’interroge sur la possibilité d’une deuxième vague de COVID-19 cet automne. Quelqu’un saurait-il si des plans ont été mis en place pour remédier à ce que j’estimais être une lacune du système, c’est‑à‑dire de permettre à un proche d’être aux côtés d’un être cher lorsqu’il décède? Merci.

La présidente : Qui veut répondre en premier? Madame Tamblyn Watts, je vais vous proposer de nouveau comme volontaire.

Mme Tamblyn Watts : Merci. Je serai brève parce que je suis sûre que mes collègues ont aussi des choses à dire. Je sais que c’est un domaine qui intéresse beaucoup le Dr Wong également.

Sénateur, la question des pénuries de personnel est sérieuse et elle touche l’ensemble du pays. C’est endémique. Une des raisons pour lesquelles nous avons des pénuries de personnel, c’est que les conditions sont mauvaises, et toutes les préoccupations connexes dont j’ai parlé avec le sénateur Kutcher font en sorte que c’est un travail que les gens ne veulent pas faire. S’ils obtiennent cet emploi, il s’agit souvent de l’un des premiers emplois qu’ils occupent en tant que nouveaux arrivants. Ils démissionnent dès qu’un emploi plus stable, mieux rémunéré et comportant de meilleurs quarts de travail leur est offert.

Nous pouvons remédier à certaines pénuries de personnel. Je dirais que le Québec a pris des mesures spectaculaires pour essayer d’augmenter le personnel en promettant un salaire de 50 000 $ et des augmentations. Ce que je dirais, c’est qu’il est important de rendre les conditions plus acceptables, mais il est tout aussi important de veiller à ce que les employés possèdent la formation et les compétences nécessaires, et à ce qu’il y ait des normes. Pour ce faire, nous pourrions promouvoir dans l’ensemble du secteur — pas seulement les préposés aux services de soutien à la personne, mais tous les secteurs des personnes âgées — le parrainage, les subventions dans le domaine de l’éducation et l’avancement. Nous devons développer tout le secteur des soins gériatriques, des préposés aux services de soutien à la personne aux gériatres comme le Dr Wong.

Pour ce qui est de la deuxième vague, il n’y a pas de doute, la réponse est oui. À CanAge, nous participons avec des gens de partout au pays à l’élaboration de ce qu’on appelle un programme pour les proches aidants essentiels. Nous savons que nous allons vivre avec la COVID, et non nous battre contre elle. Nous adoptons des pratiques exemplaires et nous travaillons avec des partenaires clés, et je suis heureuse d’informer les sénateurs à ce sujet à mesure que nous élaborons ce programme. Il fournit de l’équipement de protection individuelle, de la formation supplémentaire et du soutien, et permet à au moins une personne d’être désignée comme proche aidant essentiel afin que la situation ne se reproduise plus jamais.

Dr Wong : Merci beaucoup. Je veux simplement faire écho aux commentaires de Mme Tamblyn Watts. Pour ce qui est de répondre à la question du sénateur Manning, oui, c’est ce qui se passe partout au pays. Toutes les administrations auxquelles j’ai parlé décrivent la même situation. Le secteur public et le secteur privé aussi, donc il est clair que c’est courant, pour toutes les bonnes raisons auxquelles Laura a déjà fait allusion, alors je ne vais pas les répéter.

Pour répondre à votre deuxième question, je dirais qu’il ne faut pas oublier qu’au Canada, chaque province et territoire fournit des conseils en matière de santé publique en ce qui a trait aux restrictions relatives aux visites lorsqu’il s’agit de membres de la famille et d’êtres chers qui reçoivent des soins de longue durée. Nous devons tous nous rappeler, y compris nos collègues de la santé publique, que les soins primaires fournis par la famille constituent une activité essentielle. Lorsque nous parlons de laisser entrer des gens essentiels, cela ne se limite pas aux travailleurs, au personnel, aux médecins, aux infirmières et aux préposés aux services de soutien à la personne. Cela comprend les familles et les proches. Nous avons tous été attristés d’apprendre que, pendant la COVID-19, une personne est morte seule, qu’une autre atteinte de la maladie d’Alzheimer ou de démence n’a pas été en mesure de s’alimenter parce que, normalement, des membres de sa famille auraient dû être là pour la nourrir. Ce sont des leçons très consternantes.

Je pense qu’il y a une solution. Une des solutions que nous avons entendues est la suivante : comment pouvons-nous soutenir les membres désignés de la famille et les proches afin qu’ils puissent continuer de rende visite à la personne à titre d’élément essentiel de la prestation de soins, mais de façon sécuritaire et efficace?

Mme Lennox : Je suis tout à fait d’accord avec mes collègues au sujet du rôle que jouent les proches aidants. Jusqu’à tout récemment, je m’occupais moi-même de deux grands-parents. Ils étaient tous deux dans des établissements de soins de longue durée différents. Je me souviens de la joie qu’ils ressentaient lorsque ma mère et moi allions leur rendre visite. C’était tellement essentiel à leurs soins et à leur bien-être.

J’insiste également sur le fait qu’il ne faut pas oublier que 80 % des gens qui vivent dans des établissements de soins de longue durée souffrent d’une forme quelconque de déficience cognitive qui a un effet sur leur isolement. Quand on perd cette familiarité, cela peut être dévastateur, particulièrement pour quelqu’un qui souffre de la maladie d’Alzheimer ou de démence et qui ne reconnaît pas celui qui l’entoure. Il se peut que la personne se souvienne uniquement du membre de sa famille qui vient lui rendre visite tous les jours.

La sénatrice Dasko : Merci à nos témoins d’aujourd’hui. Cela a été très intéressant et très instructif.

Je vais d’abord poser une brève question à Mme Lennox. Vous avez mentionné que vos membres étaient très mécontents des promesses électorales non tenues. Pourriez-vous nous dire de quoi ils sont mécontents?

Mme Lennox : Plus précisément, il s’agit de la promesse électorale d’augmenter de 10 % la Sécurité de la vieillesse pour les personnes de 75 ans et plus, et de 25 % la prestation de survivant du RPC. Bon nombre d’entre elles espéraient en voir les avantages maintenant. Il n’est même pas certain que le gouvernement ira de l’avant. Au cours des conversations que j’ai eues, on ne m’a pas dit d’une façon ou d’une autre que ce ne sera pas le cas. Nous savons qu’il y a eu la COVID-19, mais beaucoup espèrent toujours que le gouvernement donnera suite à cette promesse.

La sénatrice Dasko : Oui. Merci. D’autres sénateurs ont posé certaines des questions que j’avais l’intention de poser. J’espère que vous ne m’en voudrez pas, Dr Wong, si je m’attaque à ce système national de données, parce que je suis une spécialiste des données et que je vais continuer de creuser la question. Après que les sénatrices Moodie et Seidman vous auront posé des questions, je vais en poser d’autres.

Comme vous le savez, le gouvernement fédéral a versé de l’argent à l’ICIS et à d’autres organismes pour essayer de faire exactement ce qui, selon moi, est nécessaire. Nous souhaitons ardemment avoir un système qui recueillera des données de façon uniforme et qui comblera également les lacunes en matière de données, nous avons besoin d’un tel système. Par exemple, les mesures liées à la race ne sont qu’un élément parmi d’autres. Nous avons besoin de mesures socioéconomiques, et cetera.

Avez-vous des idées brillantes, ou quoi que ce soit d’autre, sur la façon de procéder. Autre que d’exprimer en quelque sorte notre grand désir de voir cela se réaliser? Nous l’avons souhaité; on a investi de l’argent. Je sais que c’est un mauvais mot, mais de l’argent a été affecté à ces excellents efforts. Pourtant, des années plus tard, nous semblons nous retrouver les mains vides.

Dites-moi ce qui peut être fait pour y arriver, le cas échéant.

Dr Wong : Merci, sénatrice Dasko. Nous devons comprendre certaines des causes profondes du phénomène dont nous parlons maintenant. Des ressources ont été investies dans la collecte de données, par l’entremise de l’ICIS, par exemple, et pourtant, nous disons qu’il y a des lacunes sur le plan des données dont nous pouvons tirer des leçons, en temps réel, en particulier en ce qui concerne les problèmes de santé des aînés, y compris les soins de longue durée.

Selon moi, ce sur quoi on met l’accent, ce qui est déterminé comme étant prioritaire ou ce à quoi on accorde de l’attention lorsque ces systèmes de données sont construits constituent les causes profondes du problème. Par le passé, la plupart des systèmes de données, sinon tous, étaient fondés sur un modèle de soins de courte durée ou de médecine hospitalière. Il est fortement motivé par des paramètres qui peuvent en fait être logiques dans un milieu de soins de courte durée ou en milieu hospitalier, mais qui n’ont pas beaucoup de sens lorsqu’il s’agit du continuum des soins aux personnes âgées, comme les soins de longue durée. Cela comprend certains des exemples dont nous avons parlé, qu’il s’agisse de données sociohistoriques sur la santé ou d’autres facteurs socioéconomiques sous-jacents.

M. Charbonneau : Dr Wong, pourriez-vous vous rapprocher du micro et ralentir pour l’interprétation.

Dr Wong : Bien sûr. Lorsque nous parlons d’essayer de réaliser des investissements, en ce qui concerne le système de données, il sera important de prévoir des livrables pertinents pour le système de soins de longue durée et la santé des aînés, et non pas se contenter d’un ajout de routine à un système qui a toujours bien fonctionné, mais surtout en milieu de soins de courte durée.

La sénatrice Dasko : Oui. Je me demande si vous avez une idée de la façon dont nous pouvons faire en sorte que cela se produise. Ce sont des données dont nous avons besoin. Je suis d’accord et c’est exactement ce que je dis, mais d’une façon ou d’une autre, nous n’avons pas été en mesure de passer à l’action. Il y a diverses raisons. Les provinces ne veulent peut-être pas se comparer les unes aux autres pour ce qui est des divers paramètres. Il y a des silos. Elles peuvent avoir toutes sortes de motivations qui l’emportent sur le besoin réel de données. Dois-je conclure que nous allons continuer à nous heurter à ce problème?

Dr Wong : La solution ne réside pas nécessairement uniquement dans l’aspect technologique des données. Je pense que cela dépend des facteurs non technologiques, comme ceux que vous avez décrits. Très brièvement, je peux vous dire que nous observons la même chose chaque fois que nous examinons des données dans d’autres secteurs, que ce soit dans le domaine de l’éducation ou des affaires. Nous pouvons en fait essayer de collaborer et d’apprendre des autres secteurs lorsque nous parlons de données propres à la santé.

La sénatrice Dasko : Oui, bien sûr. Je ne pense pas que ce soit un problème technologique. Je conviens que c’est un autre problème. Nous verrons tous ensemble ce que nous pouvons faire pour faire avancer les choses.

Madame Lennox et madame Tamblyn Watts, pour ce qui est des priorités et de la meilleure façon de régler les problèmes dont nous avons parlé au sujet des soins de longue durée, un certain nombre de personnes appuient ce qu’on pourrait appeler le modèle sur lequel repose la Loi canadienne sur la santé.

Madame Tamblyn Watts, vous avez mentionné l’Australie comme modèle que nous pourrions peut-être utiliser. Vous avez aussi parlé des transferts fédéraux et de la réglementation et de l’importance que cela pourrait avoir pour faire face à la situation ici.

Est-ce que vous préconisez toutes les deux un modèle semblable à la Loi canadienne sur la santé, dans lequel le gouvernement fédéral proposerait et donnerait de l’argent, puis exigerait des normes et des règlements rigoureux pour essayer de promouvoir un changement dans le système de soins de longue durée?

Dr Wong, vous en avez déjà parlé, mais je voulais demander aux deux autres témoins ce qu’ils en pensent. Est-ce ce que nous devrions faire? Est-ce une solution pratique? Est-ce que cela va se produire?

Mme Lennox : Il faut donc se rappeler pourquoi nous nous sommes engagés dans les soins de santé financés par l’État. Il s’agit de réduire les obstacles à l’accès aux services de santé dont un Canadien a besoin, peu importe sa capacité de payer.

La Loi canadienne sur la santé est une excellente mesure législative. Elle définit ce qui est médicalement nécessaire comme les soins de courte durée dispensés dans un hôpital ou les soins dispensés par un médecin. Mais quand on pense au genre de soins qui sont fournis dans les foyers de soins de longue durée, il ne s’agit plus du modèle de soins de longue durée des années 60 et 70. Les gens pouvaient conduire leur voiture et sortir avec leurs valises et ainsi de suite. Aujourd’hui, les besoins sont très élevés. À bien des égards, ce qui est proposé en matière de soins de longue durée est vraiment un prolongement de ce qui est dispensé dans les hôpitaux.

On peut à cet effet par exemple modifier ce qui est considéré comme médicalement nécessaire en vertu de la Loi canadienne sur la santé pour inclure le niveau le plus élevé de soins prolongés en établissement dans chaque province.

C’est une façon de le faire, et je suggère que le gouvernement fédéral revoie son modèle de financement pour tenir compte de cette nouvelle responsabilité supplémentaire en vertu de la Loi canadienne sur la santé, et ensuite vous pourriez faire en sorte que les normes les plus élevées actuellement disponibles dans l’ensemble du pays constituent la norme minimale à l’avenir.

L’autre outil que vous pouvez utiliser, c’est la création d’une loi distincte, semblable à la Loi canadienne sur la santé, mais spécifique aux soins prolongés en établissement et aux soins médicaux de longue durée à domicile. D’une façon ou d’une autre, le gouvernement fédéral serait en mesure de travailler en collaboration avec les gouvernements provinciaux et territoriaux ainsi qu’avec d’autres intervenants sur les normes de soins auxquelles les Canadiens peuvent s’attendre dans ces environnements. En fin de compte, l’objectif est d’augmenter radicalement les normes pour les soins de longue durée. Je crois fondamentalement que c’est ainsi qu’il convient de procéder.

Mme Tamblyn Watts : Je vous remercie de votre question, madame la sénatrice. C’est au cœur de l’un des enjeux les plus fondamentaux, et si nous pouvions revenir en arrière et l’assujettir à la Loi canadienne sur la santé, je le ferais.

Nous nous trouvons maintenant dans une situation difficile. Environ 50 % de tous les lits en foyers de soins de longue durée — bien qu’ils se trouvent au domicile des personnes — sont fournis par des organismes à but lucratif, et les modèles de financement que nous avons partout au pays les placent dans différents volets de financement. Ainsi, les transferts vont à certains services, puis toute somme supplémentaire pouvant être retirée sous forme de dividendes est soutirée d’autres manières.

Nous savons tous qu’il y a de nombreux endroits où les soins de longue durée sont bien dispensés par le secteur privé et où ils sont mal dispensés dans un système sans but lucratif. Nous le savons pertinemment. Il faut poser la question et entamer le dialogue, mais je suis aussi réaliste. Étant donné que 50 % de tous les lits dans les foyers de soins de longue durée sont déjà concernés, nous devrions songer à les nationaliser. Nous devrions donc amorcer la conversation et nous inspirer du modèle australien, qui combine les deux. Nous devrions nous assurer que nous avons des normes nationales, puis la réglementation, la délivrance de permis et la capacité d’infliger des amendes. Cela pourrait au moins fournir une mesure de contrôle à l’appui des transferts fédéraux aux provinces et aux territoires et aux lits de soins de longue durée.

C’est une question difficile à poser et, sur le plan fonctionnel, il n’y a pas de baguette magique que nous puissions brandir pour défaire le système que nous avons créé.

La présidente : Je vous remercie.

Le sénateur Munson : Merci aux témoins de cet après-midi. Ma première question s’adresse au Dr Wong. J’ai été frappé, docteur, par trois choses que vous avez dites.

La solitude et l’isolement peuvent avoir des répercussions négatives sur la santé physique et mentale, surtout chez les aînés.

Pour les aînés, il est important de faire preuve de compassion en tout temps, mais surtout pendant la pandémie.

Nous devons protéger les aînés là où ils vivent.

J’ai parlé avec la sénatrice Bovey de l’Arctique et du Nord, et j’ai été frappé par le fait que nous devons protéger les aînés là où ils vivent. De nos jours, les aînés du Nord, les membres des Premières Nations, les Inuits et les Innus... comment peuvent-ils être traités comme des membres de la famille dès lors qu’ils sont systématiquement éloignés de leurs proches pour finir leurs jours? Le gouvernement fédéral est responsable, au moins à cet égard. Nous entendons les arguments au sujet des compétences fédérales-provinciales. Eh bien, ici, c’est fédéral. Et vous avez parlé de compassion. Comment pouvons-nous faire preuve de compassion? Comment pouvons-nous faire mieux pour nos résidents du Nord que nous ne l’avons fait jusqu’à maintenant?

Dr Wong : C’est un sujet qui me tient à cœur. Lorsque je parle des effets négatifs potentiels de l’isolement social et de la solitude, il y a en fait de solides données qui appuient le fait que cet isolement social pourrait équivaloir à fumer 15 cigarettes par jour, ce qui réduirait l’espérance de vie de 8 ans en moyenne. Cela vient d’une comparaison de différentes études, l’impact est donc énorme.

Je suis tout à fait d’accord pour dire que certains aînés sont plus vulnérables. Ce que vous décrivez au sujet de l’Arctique et du Nord est un bon exemple de certains des problèmes sous-jacents qui préexistaient à la COVID-19, mais les répercussions sont maintenant exagérées en raison du virus. Nous devons tous faire un pas vers une approche axée sur la compassion. Voilà le moteur, cette source de compassion, il faut essayer de s’assurer que toutes les décisions prises sont fondées là-dessus.

Cela se traduit par divers besoins en matière de programmes qui émanent de la base, des collectivités locales, mais aussi par des pratiques systémiques comme celles que vous avez décrites tout à l’heure, où les gens sont régulièrement envoyés dans d’autres régions géographiques, ce qui crée des obstacles et des difficultés supplémentaires. La question est donc de savoir comment nous pouvons réduire ce risque en examinant les pratiques qui existaient bien avant la COVID-19.

Le sénateur Munson : Si les soins à domicile sont si importants dans le Sud, ils doivent l’être tout autant dans le Nord. Cela peut coûter plus cher, mais peu importe ce que cela coûte. Il faut ce qu’il faut. Nous devons comprendre et respecter cela.

Dr Wong : Je suis tout à fait d’accord. En fait, il y a un précédent dans ce raisonnement. S’agissant de services de santé et de soins de soutien devant être offerts à tout le monde, y compris aux personnes âgées dans les régions rurales et éloignées du Canada, nous savons qu’il ne faudra pas seulement mesurer le coût supplémentaire des prestations, mais aussi le coût que représente la renonciation à un meilleur état de santé et, par conséquent, le coût associé au bien-être de ces aînés découlant des services offerts. Donc, si nous établissons des priorités, j’espère que nous le faisons, car c’est important pour tous les aînés, peu importe qu’ils vivent dans le Nord ou dans le Sud. Cela étant, les solutions, les programmes et les offres doivent suivre en conséquence.

Le sénateur Munson : Merci beaucoup. J’ai une autre question pour les deux autres témoins. Je ne sais pas si cette question a déjà été posée à l’Association canadienne de soins de longue durée, mais elle avait un point de vue sur la façon d’atténuer les pénuries de personnel en créant des volets d’immigration réservés aux travailleurs de longue durée. J’aimerais connaître votre point de vue sur la façon dont le gouvernement pourrait créer un volet d’immigration réservé et sur la mesure dans laquelle un volet permettrait de remédier aux pénuries.

Mme Tamblyn Watts : Merci de la question. Il y a une pénurie de main-d’œuvre et l’une des façons d’y remédier est d’examiner l’immigration dans ce domaine prioritaire. Il est certain que nous avons la capacité d’établir l’expertise ou les priorités clés. C’est ce que nous faisons pour l’ensemble de l’immigration. Auparavant, s’agissant des soins à domicile, nous pouvions bénéficier du Programme des aides familiaux résidants, il y a de cela de nombreuses années. Cela a disparu sous le gouvernement Harper. Mais nous savons où il est possible d’appuyer l’immigration et nous pouvons clairement déterminer où les normes devraient être respectées; c’est clairement un domaine où nous pouvons faire mieux.

Si vous me le permettez je voudrais répondre à la question sur le Nunavut et le Nord. Je me réjouis de dire que CanAge essaie de s’associer à Aide aux Aînés Canada et à Centraide pour présenter une proposition au gouvernement fédéral visant à régler la question du renforcement des capacités, tant au Nunavut qu’au Nunavik, et dans certaines régions du Nord, pour développer un secteur des services sociaux. Nous avons bon espoir que cette proposition retiendra l’attention.

Je me ferai un plaisir de vous fournir cette proposition, sénateur, si vous voulez en savoir davantage sur le renforcement des capacités dans le secteur des soins à domicile dans le Nord.

Le sénateur Munson : Je pense que nous vous en serions tous très reconnaissants.

Mme Lennox : En ce qui concerne le volet de l’immigration, c’est une bonne idée. Cela fait partie de la stratégie d’acquisition de talents, mais, au bout du compte, nous devons aussi chercher des façons de retenir les talents dans ce domaine, car nous savons qu’il y a un roulement élevé et des pénuries chroniques.

Le sénateur Munson : Merci beaucoup.

La sénatrice Bovey : Merci aux témoins. Je tiens à remercier le sénateur Munson d’avoir soulevé les problèmes dans le Nord et d’avoir initié la discussion qui vient d’avoir lieu. Il s’agit de 40 % de notre superficie terrestre et je pense que ceux d’entre nous qui sont dans le Sud ont souvent tendance à l’oublier.

Je tiens également à remercier le Dr Wong de ses commentaires sur le travail avec la musique et les arts concernant nos aînés, ainsi que sur les liens intergénérationnels. En fait, j’ai participé à certains de ces programmes de musique partout au pays. J’ai ouvert une galerie d’art publique dans un hôpital il y a environ 13 ans, en tenant compte des déterminants sociaux de la santé.

Alors que nous parlons d’un continuum de soins et de l’isolement en lien à la COVID-19, selon vous comment pouvons-nous faire en sorte que les arts prennent plus de place pour résoudre une partie de la solitude psychologique, alors que nous en connaissons les résultats positifs? Que devons-nous faire? C’est très disparate d’un bout à l’autre du pays à l’heure actuelle.

Dr Wong : Merci, sénatrice Bovey. Si vous me permettez de commencer, et j’invite mes collègues à intervenir également.

C’est absolument essentiel. Je pense que les beaux-arts sont un bon moyen, une solution pour nous d’essayer de mobiliser les aînés et leurs proches — pas seulement pendant la pandémie, mais même lorsque la pandémie deviendra une « nouvelle normalité ». Une chose est certaine, le nouvel état normal ne ressemblera peut-être plus à ce qu’il était.

Si cela intéresse les sénateurs, je me ferai un plaisir d’en parler. La Faculté de médecine de l’Université de la Colombie-Britannique a publié un article en ligne sur le déploiement des beaux-arts et sur le programme musical Connecting with Compassion. Je peux vous fournir le lien.

Mais il y a un autre élément : comment transmettre l’information aux aînés pour qu’ils sachent que c’est disponible? Cela exige une stratégie de communication.

En collaboration avec mes collègues de la Faculté de médecine de l’Université de la Colombie-Britannique, j’ai également élaboré un magazine Web appelé Pathways, qui traite des questions de santé des aînés. Cela comprend les ressources offertes aux aînés et à leurs proches pendant la COVID-19. Encore une fois, si cela vous intéresse, je me ferai un plaisir d’envoyer le lien.

Ces ressources ont été déployées à l’échelle internationale. J’en ai fait part à l’Australie, à la Nouvelle-Zélande, à l’Angleterre, à l’Irlande et à de nombreux autres pays. Deux solutions seront d’avoir des approches programmatiques pour soutenir et habiliter nos musiciens et autres artistes, tout en diffusant l’information aux aînés et à leurs familles pour qu’ils sachent que c’est disponible.

La présidente : Merci, Dr Wong. Nous serions heureux que vous nous fassiez parvenir les liens.

Brièvement, madame Tamblyn Watts et madame Lennox.

Mme Tamblyn Watts : Au sujet de l’excellent travail dont le Dr Wong a parlé, je pense qu’il y a aussi une approche pragmatique. Nous aimerions que Patrimoine Canada intègre à ses programmes des exigences précises en matière d’inclusion sociale des aînés comme prisme de leur financement. Nous pensons que ce serait une façon pratique de faire en sorte que les arts financés, que nous devons appuyer, soient accessibles à tous.

Mme Lennox : Permettez-moi de faire un bref commentaire. Ce n’est pas mon domaine d’expertise, alors je m’en remets à mes deux collègues à ce sujet. Toutefois, si je me fie à mon expérience personnelle, je peux dire à quel point la musique est importante, surtout pour les personnes ayant une déficience cognitive. J’ai vu ma grand-mère décliner et elle en est arrivée à un point où elle ne me reconnaissait même pas, mais elle pouvait continuer à réciter toutes les paroles de ses musiciens préférés. C’est quelque chose que vous devriez envisager, car c’est extrêmement important pour les gens, surtout ceux qui reçoivent des soins de longue durée.

La sénatrice Bovey : Ces études m’intéressent. Un certain nombre d’entre nous, partout au pays, travaillent très fort là‑dessus, et je pense qu’il est important d’établir un lien entre ces personnes. Si je peux faire quelque chose, dites-le moi.

La sénatrice Pate : Merci à tous nos témoins, surtout pour le travail que vous faites en permanence. En tant que fille d’une mère qui reçoit des soins de longue durée, une mère que je n’ai pas pu voir pendant trois mois et qui reçoit maintenant des compléments alimentaires, à qui on ne propose pas de musique et qui a des infections, j’estime que toute l’information que vous nous avez donnée est importante.

Je veux revenir sur des questions qui ont été soulevées plus tôt et auxquelles vous avez répondu. Lorsqu’on m’a posé des questions sur le taux de décès dans les établissements à but lucratif, je me suis souvenue que mon premier travail rémunéré, à l’âge de 14 ans, était dans un établissement de soins de longue durée à but lucratif dans lequel il y avait des données démographiques claires sur qui était embauché, qui était là et qui était privilégié. J’ai été embauchée à 14 ans et congédiée à 16 ans, parce qu’ils devaient payer le salaire minimum.

Je suis curieuse d’avoir les statistiques, si vous les avez, les données désagrégées — en termes de sexe, de race, de compétences et de classe, en termes de patients ou de résidents d’établissements de soins de longue durée — dans le secteur à but lucratif et sans but lucratif, ainsi que celles concernant les travailleurs. Je sais que les travailleurs qui prennent soin de ma mère sont des gens merveilleusement bienveillants. Il ne s’agit aucunement d’une critique à leur endroit. Cependant, bon nombre d’entre eux occupaient deux ou trois emplois avant la pandémie et n’en occupent maintenant plus qu’un seul. Ils n’ont pas d’avantages. À une certaine époque, ils auraient eu 10 patients à prendre en charge et maintenant, ils en ont 50.

Je m’intéresse à ces données démographiques et à la question de savoir s’il y a eu une attention particulière accordée à l’Appel à la justice 7.4 du rapport final de l’Enquête sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées, qui parle de la nécessité de mettre l’accent sur les soins aux aînés et ce genre de choses pour les Autochtones. Cela m’intéresse, et si vous avez d’autres recommandations clés dont vous n’avez pas eu l’occasion de nous faire part, pourriez-vous le faire également?

Mme Tamblyn Watts : Il n’est pas facile de répondre à ces questions, mais je me ferai un plaisir d’essayer. Il y a en particulier une étude récente du National Institute on Ageing que je peux transmettre au Sénat et qui contient des renseignements de qualité sur certains aspects démographiques. J’emploie ce terme parce que je n’ai pas vu d’excellentes études faites avec des données désagrégées comme nous le voudrions, à la hauteur des données probantes de type Campbell ou Cochrane. Ce que j’ai vu, ce sont des études qui disent certaines choses et des données plus homogènes. Par exemple, certaines études des IRSC révéleront une expérience particulière en Colombie-Britannique ou dans le Nord.

Madame la sénatrice, vous avez mis en évidence une lacune importante de notre témoignage. J’ajouterais que nous devons notamment nous assurer de combler ces lacunes. Les études sur le vieillissement sont constamment sous-financées par rapport à d’autres domaines d’études. Nous avons beaucoup de données qui montrent à quel point notre analyse des données et nos études dans le domaine des sciences sociales et de la santé sont sous-financées. Je peux vous fournir certaines de ces données, et je sais que le Dr Wong en aura également.

L’autre élément dont je voulais vous parler concerne les secteurs à but lucratif et sans but lucratif. Je pense que c’est un exemple parfait. Il est facile de dire que nous savons qu’il y a beaucoup de décès dans le secteur à but lucratif et qu’il y en a moins dans celui sans but lucratif et que, par conséquent, le modèle économique doit être en cause. C’est peut-être vrai, sénatrice, mais nous avons besoin d’informations plus approfondies. Combien y a-t-il de personnes dans chaque pièce? S’agit-il de chambres de quatre? Est-ce que les gens dans ces foyers obtiennent le type de contrôle des maladies infectieuses dont ils ont besoin? Quelle est la fréquence de renouvellement des équipements de protection dans les établissements de soins de longue durée?

Il y a bien d’autres aspects que le modèle de financement. Cela dit, il est extrêmement important que nous nous attaquions à la source de ces pénuries, car la chose la plus difficile à laquelle nous sommes confrontés, c’est la réduction du personnel. Nous entendons aussi constamment dire — et ce n’est pas nouveau — que des gens cachent des produits pour l’incontinence dans le plafond, que des gens doivent forcer des serrures pour accéder à des produits qui devraient être disponibles pour leur santé et leur bien-être personnels. Empiriquement, nous le constatons davantage dans les foyers à but lucratif que dans les foyers sans but lucratif, mais cela illustre le manque de données claires.

En ce qui concerne le Nord et les femmes autochtones disparues ou assassinées, je dirais qu’il y a une occasion d’investir dans les soins à domicile et le soutien à la capacité, mais nous n’avons pas fait ce que nous devions faire, madame la sénatrice.

Dr Wong : Si vous me le permettez, j’aimerais ajouter un mot à l’excellente réponse de Mme Tamblyn Watts. Madame la sénatrice, votre question illustre le fait que les lacunes dans les données dont nous avons tant parlé requièrent une façon réfléchie et sensée d’établir des évaluations.

Vos questions montrent que nous n’avons pas ce système en place à l’heure actuelle et qu’aucun d’entre nous ne peut vous donner les données de bonne foi que vous recherchez — cette question directe qui est posée de façon consciencieuse et réfléchie. Ce n’est pas parce que les gens n’essaient pas et ne sont pas intéressés à le faire; c’est parce que le système n’est pas conçu de cette façon.

Je pense que votre question est un excellent exemple de la manière dont nous devons orienter cette conversation. Je me souviens de la question posée par quelques autres sénateurs au sujet des données. Voilà l’exemple. On commence par les réponses, on essaie de progresser à rebours. On essaie de trouver la manière d’obtenir les réponses.

Mme Tamblyn Watts : Voilà une autre raison pour laquelle nous avons besoin d’un défenseur fédéral des droits des aînés, afin que cette conversation soit permanente et que ce ne soit pas laissé aux comités.

La présidente : Merci beaucoup. Madame Lennox, si vous avez quelque chose à ajouter, nous vous écoutons.

Mme Lennox : J’ai vu de nombreuses études réalisées un peu partout dans le monde qui comparent le secteur à but lucratif au secteur sans but lucratif. En général, ces études indiquent une tendance du secteur à but lucratif à obtenir de moins bons résultats, qu’il s’agisse de taux plus élevés d’escarres, d’un plus grand nombre de transferts vers l’hôpital, de taux de mortalité plus élevés et il y a maintenant cette étude qui a été publiée récemment au Canada. Cela peut s’expliquer par la pression accrue pour réaliser un profit. L’un des postes budgétaires les plus importants est celui de la dotation en personnel, et en l’absence de ratios clairs d’heures par résidant, c’est souvent la première chose qui fait l’objet de compressions. Les budgets pour l’alimentation sont aussi assez déplorables.

Cela dit, il y a des exemples de foyers à but lucratif qui obtiennent d’assez bonnes performances. Bien que le modèle de propriété puisse constituer un défi, le sous-financement de ce système est un défi plus fondamental encore. Voilà ce que je voulais dire.

La présidente : Merci, sénatrice Pate, d’avoir soulevé ces questions.

Je demanderais à nos témoins, s’ils disposent de ces études et de ces données, de ne pas hésiter à nous les faire parvenir. Nous l’apprécions toujours.

Je tiens à remercier nos témoins du temps précieux qu’ils ont pris pour répondre à nos questions. Nous leur en sommes reconnaissants et cela est très utile à notre étude.

Chers collègues, je dois vous garder encore quelques minutes. Nous avons quelques questions d’ordre administratif à vous soumettre. Comme vous vous en souviendrez peut-être, au cours des dernières réunions, certains sénateurs n’ont pas pu poser toutes leurs questions aux témoins. Certaines de ces questions ont été envoyées aux témoins par le greffier. Nous avons reçu des réponses qui ont été transmises à tous les membres du comité.

Je demande à un sénateur de présenter la motion suivante, à savoir que le document concernant les questions de suivi posées à Canadian Support Workers Association et à Unifor soit versé au dossier à titre de pièce.

Le sénateur Manning : J’en fais la proposition.

La présidente : Merci. Le sénateur Manning propose la motion.

La sénatrice Moodie : J’appuie cette proposition.

La présidente : Tous ceux qui sont pour, veuillez lever la main et gardez la main levée pendant 10 secondes.

Tous ceux qui sont contre? Tous ceux qui s’abstiennent? La motion est adoptée.

Êtes-vous d’accord, honorables sénateurs, pour que nous passions maintenant à huis clos pour discuter des travaux futurs? Encore une fois, que tous ceux qui sont en faveur de la motion veuillent bien lever la main pour répondre, et veuillez garder votre main levée pendant 10 secondes. Tous ceux qui sont contre? Tous ceux qui s’abstiennent?

C’est d’accord. Nous allons attendre quelques minutes jusqu’à ce que le greffier nous avise que le comité siège à huis clos.

Encore une fois, merci beaucoup à nos témoins. Nous vous sommes très reconnaissants.

(La séance se poursuit à huis clos.)

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