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SOCI - Comité permanent

Affaires sociales, sciences et technologie

 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie

Fascicule no 24 - Témoignages du 18 mai 2017 (après-midi)


OTTAWA, le jeudi 18 mai 2017

Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, auquel a été renvoyé le projet de loi C-44, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 22 mars 2017 et mettant en oeuvre d'autres mesures, se réunit aujourd'hui, à 14 h 14, pour étudier la teneur des sections 5, 9, 11, 13, 14 et 16 de la partie 4 de ce projet de loi.

Le sénateur Kelvin Kenneth Ogilvie (président) occupe le fauteuil.

[Français]

Je vous souhaite la bienvenue au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie.

[Traduction]

Je suis Kelvin Ogilvie, de la Nouvelle-Écosse, et je suis le président du comité. Je vais demander à mes collègues de se présenter, à commencer par ma collègue assise à ma droite.

La sénatrice Stewart Olsen : Carolyn Stewart Olsen, du Nouveau-Brunswick.

Le sénateur McIntyre : Paul McIntyre, du Nouveau-Brunswick.

Le sénateur Woo : Yuen Pau Woo, de la Colombie-Britannique, en remplacement de Nancy Hartling, du Nouveau- Brunswick.

Le président : Merci beaucoup. Nous poursuivons notre étude des sections du projet de loi d'exécution du budget, et en ce moment, nous nous penchons sur la section 11.

Nous accueillons aujourd'hui, du Congrès du travail du Canada, Barbara Byers, secrétaire-trésorière, et Chris Roberts, directeur, Politiques sociales et économiques. Je crois que Mme Byers va présenter l'exposé.

Barbara Byers, secrétaire-trésorière, Congrès du travail du Canada : Merci. Comme vous l'avez entendu, je m'appelle Barbara Byers, et je suis la secrétaire-trésorière de la plus importante centrale de travailleurs au Canada, le Congrès du travail du Canada. Comme on l'a déjà souligné, je suis accompagnée de Chris Roberts, notre directeur des services des politiques sociales et économiques. Je suis ravie de comparaître devant vous aujourd'hui, au nom de nos 3,3 millions de membres, sur les enjeux que couvre la section 11 de la loi d'exécution du budget.

Le gouvernement a annoncé dans le budget son intention d'apporter plusieurs changements au congé de maternité et au congé parental afin d'en améliorer la flexibilité et d'accroître les choix offerts aux parents. Je tiens à souligner que le CTC appuie fermement l'objectif d'améliorer la flexibilité et les choix offerts aux parents qui travaillent. Nous avons constamment soutenu que la meilleure façon pour que les parents qui travaillent — les femmes en particulier — aient davantage de vraies options, c'est que le gouvernement fédéral s'engage à assurer le financement stable à long terme d'un programme universel et abordable de garde d'enfants de grande qualité à l'échelle du Canada.

Je tiens à souligner que les modifications aux prestations parentales de l'AE proposées dans ce projet de loi ne peuvent d'aucune façon remplacer des actions concertées pour résoudre la crise des services de garde au Canada. À nos yeux, bon nombre de ces changements à l'AE sont accessoires et peu utiles.

Nous estimons que la proposition voulant que les parents admissibles à l'AE puissent choisir entre les prestations parentales de l'AE sur une période prolongée pouvant atteindre 18 mois à un taux de prestation inférieur fixé à 33 p. 100 de la rémunération hebdomadaire moyenne est mal avisée et crée un mauvais précédent.

Le faible taux des prestations de maternité et des prestations parentales de l'AE suffit déjà à dissuader les gens de prendre congé. Les employés qui ne sont pas syndiqués et ceux qui n'ont pas pu négocier de prestations supplémentaires sont particulièrement désavantagés. Ce que nous savons, c'est que les mères dont le lieu de travail est syndiqué vont plus vraisemblablement prendre le congé de maternité qu'il leur faut.

D'après nous, la prestation de base ne devrait pas être inférieure au salaire minimum et devrait, dans tous les cas, être augmentée de manière à dépasser le taux actuel de 55 p. 100. L'option d'un taux de prestation inférieur à cela ne devrait absolument pas exister.

En fait, le taux inférieur qui est proposé représenterait une réduction importante des prestations d'AE si, par exemple, un parent qui a choisi le congé de plus longue durée trouve un service de garde après 14 mois, disons, et décide de reprendre le travail plus tôt.

Selon la proposition du gouvernement, des ménages à revenu élevé pourraient choisir les 18 mois de congé parental, mais les ménages à revenu faible ou moyen auront beaucoup de difficulté à se prévaloir du congé prolongé pour lequel le taux de prestation est inférieur.

De toute manière, nous nous inquiétons des conséquences de la prolongation du congé parental sur la participation au marché du travail, surtout pour les femmes, même si la seule proposition était un congé prolongé non rémunéré en vertu du Code canadien du travail. Selon les recherches qui ont été menées, si une femme laisse un emploi rémunéré pour quelque raison que ce soit pendant au moins 14 mois, cela réduit nettement et de façon permanente ses chances de retrouver le même niveau de revenu, les mêmes prestations de pension et les mêmes occasions d'emploi qu'elle aurait sans cela.

En général, le gouvernement fédéral a présenté très peu de données qui pourraient démontrer que cette proposition profiterait effectivement aux parents. Par contre, de nombreuses recherches universitaires ont porté sur les congés pour obligations familiales et en particulier sur les bienfaits relatifs du Régime québécois d'assurance parentale. Nous recommandons par conséquent que le gouvernement renonce à cette initiative et prenne plutôt des mesures pour étudier et adopter les éléments supérieurs du Régime québécois d'assurance parentale.

Selon une étude largement citée, 36 p. 100 des mères qui vivent hors réserves et hors du Québec ne sont pas admissibles aux prestations de maternité et aux prestations parentales de l'AE. Par contraste, seulement 11 p. 100 des mères québécoises ne sont pas admissibles au Régime québécois d'assurance parentale.

Les 600 heures de travail à temps plein exigées par l'AE — soit plus de quatre mois — sont beaucoup trop compte tenu des emplois instables et précaires qui caractérisent le marché du travail. C'est nettement plus que le minimum de 2 000 $ en rémunération exigé au Québec, soit l'équivalent de 177 heures au salaire minimum de 11,25 $. Nous recommandons par conséquent que les exigences d'admissibilité aux prestations spéciales d'AE soient réduites au moindre de 300 heures de gains assurables ou de 2 000 $, soit le montant minimum de rémunération du régime québécois.

Le CTC appuie aussi l'adoption d'un congé parental dédié au deuxième parent afin de favoriser une répartition plus équitable des tâches liées aux soins entre les parents. Les recherches menées à l'étranger confirment l'effet positif sur l'équité entre les sexes dans les pays qui offrent un congé dédié au deuxième parent.

La Loi d'exécution du budget permet aussi que les prestations de maternité commencent 12 semaines avant la semaine présumée de l'accouchement. D'après nous, cette flexibilité ne remplace pas la nécessité d'un congé payé pour la réaffectation par mesure de sécurité en cas de grossesse. Une femme enceinte peut souhaiter demeurer au travail, mais si un employeur est incapable de modifier ses tâches ou de la réaffecter afin de lui garantir un environnement de travail sûr, l'employeur devrait être tenu de payer le coût de son congé.

Nous tenons à exprimer notre appui aux nouvelles prestations de l'AE pour soignant pouvant atteindre 15 semaines. Cela permettra à une personne de prendre congé pour s'occuper d'un membre adulte de sa famille qui est gravement malade ou blessé. Il sera également possible de partager les prestations, de sorte qu'un membre de la famille puisse prendre congé afin de s'occuper d'un enfant gravement malade. Le CTC veut obtenir du gouvernement l'assurance que l'interprétation de « membre de la famille » sera conforme au précédent créé pour les prestations de soins de compassion en 2006 et qu'elle inclura les personnes qui sont considérées comme des membres de la famille, comme un ami proche de la famille.

Enfin, en raison de la complexité des prestations spéciales de l'AE, le CTC presse le gouvernement de veiller à prévoir un plus grand nombre d'agents de liaison avec le public pour aider les parents et leurs défenseurs à négocier les règles complexes entourant les prestations spéciales de l'AE. Comme je l'ai dit précédemment, une mère va plus vraisemblablement prendre congé si elle travaille dans un milieu syndiqué, et c'est parce qu'elle a accès à des ressources, comme du personnel et des représentants élus.

Quant à ce que vous examinez aujourd'hui et à d'autres aspects que vous envisagez, sur le plan de l'éducation et de la formation, nous dirions qu'une des choses qui manquent le plus est la consultation des parties prenantes, ce qui comprend les employeurs, les travailleurs, le commissaire des travailleurs et le commissaire des employeurs, car nous croyons fermement que c'est nécessaire.

Je termine ici ma déclaration. J'espère répondre à beaucoup de questions de votre part. Merci.

Le président : Merci beaucoup.

La sénatrice Stewart Olsen : Merci de votre présence. Vos propos sont très intéressants. Pouvez-vous en dire plus sur les prestations inférieures versées sur une plus longue période? Est-ce que cela donne moins que ce qu'ils obtiennent maintenant? Qu'est-ce que cela signifie?

Mme Byers : Ce que cela signifie, c'est que les gens doivent indiquer s'ils vont prendre un congé de 12 mois ou de 18 mois. Si vous optez pour le plus long congé, vous obtenez 33 p. 100 sur 18 mois. Si vous choisissez cela, vous n'obtenez pas 55 p. 100 sur 18 mois; vous obtenez 33 p. 100 sur 18 mois. Vous obtenez une prestation inférieure sur une plus longue période de temps, ce qui signifie que les personnes qui ont déjà de la difficulté avec 55 p. 100 risquent encore moins de choisir un congé de 18 mois. En passant, ils n'auront toujours pas les services de garde qu'il leur faut.

La sénatrice Stewart Olsen : Vous avez mentionné le manque de consultation. Donc, les parties prenantes n'ont pas du tout été consultées au sujet de cette proposition ou de ce changement, à votre connaissance?

Mme Byers : Eh bien, au moment des annonces, il y a certainement eu des discussions, ainsi que des réunions occasionnelles par la suite. Ce qui nous préoccupe de l'AE — comme c'est le cas de toute personne qui a eu à s'en servir —, c'est que c'est un système complexe. Je suis sûre que vous êtes nombreux à avoir dû traiter de cela dans vos bureaux, en réponse à des appels, et c'est un système complexe. Il y a toutes ces annonces qui disent que nous allons passer à 18 mois, que nous allons faire ceci et cela, sans qu'il y ait eu de discussion complète sur ce qu'il faudrait faire pour moderniser l'AE et la faire fonctionner pour la population active actuelle.

On apporte ces changements, mais à quelle fin, ou pour combien de personnes, alors que nous savons aussi qu'il faudrait y apporter de grands changements? Il faut que les gens aient un meilleur accès à l'AE. Depuis longtemps, l'un des principaux enjeux, pour le mouvement des travailleurs, c'est qu'il faut un accès uniforme à l'échelle du pays après 360 heures.

Puis-je dire qu'on ne nous a pas du tout parlé? Non, je ne dirais pas cela. Ce que je dirais, c'est qu'il faut des consultations plus vastes, sans quoi vous aurez des changements accessoires. Quelqu'un remarque un problème, et on apporte un changement. Quelqu'un d'autre remarque un autre problème, et on apporte un autre changement. Mais on ne s'occupe pas de l'ensemble.

La sénatrice Stewart Olsen : Merci beaucoup.

Le sénateur McIntyre : Je vous remercie de votre exposé. La Loi sur l'assurance-emploi doit être modifiée, comme vous l'avez indiqué, précisément pour les dispositions relatives à quatre types différents de prestations spéciales : la prestation pour maternité, la prestation parentale, la prestation pour soignant et la prestation pour les soins d'un enfant gravement malade. Je souligne qu'on propose aussi la création d'une nouvelle prestation spéciale — pour un adulte gravement malade. C'est nouveau. Pouvez-vous nous parler de cela, je vous prie?

Chris Roberts, directeur, Politiques sociales et économiques, Congrès du travail du Canada : Il s'agit d'un nouveau congé pouvant atteindre 15 semaines et permettant à un membre de la famille de prendre soin d'un adulte gravement malade ou blessé. La prestation est également plus souple puisqu'il est possible de partager les prestations et le congé quand il s'agit d'un enfant gravement malade. Un membre de la famille peut s'en prévaloir.

Ce que nous avons dit dans notre déclaration liminaire, c'est qu'à notre connaissance, on n'a pas discuté de la définition plus large de la famille — des membres de la famille ou des proches, un ami proche, même un voisin malade —, à savoir si elle s'appliquera aussi à cette nouvelle prestation d'une durée de 15 semaines.

Mme Byers : Parce que les gens ont de la difficulté à se prévaloir de l'AE, nous craignons aussi que vous ayez une personne capable d'avoir de l'AE pour soigner une personne malade ou blessée qui, elle, ne peut pas s'en prévaloir. Nous nous préoccupons de la façon dont cela peut fonctionner ensemble.

Le sénateur McIntyre : Je souligne que pour certaines des prestations spéciales, le médecin intervient, mais aussi l'infirmière praticienne. Êtes-vous satisfaits de cette intervention?

M. Roberts : Nous croyons qu'une définition élargie répondant aux complexités et aux réalités des familles devant s'occuper d'un ami ou d'un membre de la famille gravement malade ou blessé vaut mieux. Donc, oui, nous souhaitons une définition englobante et élargie.

Le sénateur McIntyre : Dans le dernier paragraphe de votre exposé, madame Byers, vous pressez le gouvernement de veiller à augmenter le nombre d'agents de liaison avec le public qui aideraient les parents à négocier les règles complexes des prestations spéciales de l'AE. Pourriez-vous préciser ce que vous entendez par « agents de liaison avec le public »? Qu'est-ce qu'ils apporteraient au système?

Mme Byers : Comme je l'ai indiqué précédemment, vous savez tous que l'AE est un système très complexe. Les gens font leurs demandes, mais ils ne comprennent pas le système. Cela ne fait pas partie de votre quotidien, ou c'est du moins ce que vous espérez.

Les agents de liaison avec le public aideraient les gens à surmonter certaines difficultés. Nous en avons certainement eu dans le passé. Nous en avons eu pour des sites de travail ou des types de travail particuliers. Ce sera difficile à comprendre, pour les parents, qui se diront par exemple : « Voilà. Je dois indiquer à l'avance combien de mois d'AE je vais prendre, et cela va avoir un effet sur mon niveau. » Ce que nous savons, c'est qu'à cause des nombreuses années de réduction du personnel qui exécute le travail, la capacité de faire cela n'est plus la même.

Il y a des endroits où nous avons l'avantage — on pourrait dire cela — d'avoir des centres d'aide pour les travailleurs au chômage et ainsi de suite. Ce ne sont pas des établissements gouvernementaux, et ils ne sont pas toujours bien connus. Il faut des gens qui aideront les gens à naviguer dans ce système très difficile et complexe. Je crois que bien des gens abandonnent tout simplement. Ils se disent : « Je ne sais même pas si je peux en appeler, comment le faire et ce que je peux faire. »

Il faut donc des agents de liaison avec le public qui peuvent réellement aider les gens à se débrouiller dans un programme auquel ils ont cotisé. C'est leur argent, mais ils n'ont pas l'aide qu'il leur faut pour pouvoir se prévaloir des prestations.

Le sénateur Dean : L'idée de l'agent de liaison est intéressante, et c'est semblable aux intervenants-pivots du système de soins de santé.

Vous avez mentionné la question des périodes de 12 et de 18 mois et dit qu'en choisissant le congé de 18 mois, j'obtiendrais à peu près les mêmes prestations, mais étalées sur 18 mois, donc moins élevées. Qu'arrive-t-il si je choisis de prendre un congé de 18 mois et que le niveau descend à 33 p. 100, mais qu'au 11e mois je me mets à m'inquiéter de ma baisse d'employabilité, comme vous l'avez mentionné, après 17 ou 18 mois? Est-ce que je peux revenir au modèle du congé de 12 mois?

Mme Byers : D'après ce que j'ai compris, à la façon dont c'est structuré, vous faites le choix avant de commencer à recevoir vos prestations d'AE. Vous choisissez un congé de 12 mois ou de 18 mois. Si, par exemple, vous trouvez un service de garde et voulez retourner au travail, eh bien, vous avez choisi le congé de 18 mois au niveau inférieur. À ma connaissance, vous ne pouvez pas récupérer cela.

Le sénateur Dean : Donc, c'est inflexible?

Mme Byers : Oui.

M. Roberts : Selon le libellé du projet de loi, le choix est « irrévocable ».

Le sénateur Dean : Merci.

Mme Byers : Je tiens, encore une fois, à ne pas manquer l'occasion de souligner ceci. Je pense que les gens préconisaient le congé de 18 mois en partie à cause du problème relatif aux services de garde. Un groupe de mères de Toronto avaient un site web qui faisait la promotion de ce congé de 18 mois, mais elles y disaient constamment : « La raison pour laquelle nous faisons cela, c'est parce que nous ne pouvons trouver de services de garde pour les nourrissons. Nous n'arrivons pas à en trouver, alors il nous faut quelque chose d'autre. » On peut avoir l'impression que c'est une solution, mais ce n'en sera pas une pour la plupart des gens.

Le président : Madame Byers, avez-vous des chiffres sur la mesure dans laquelle le congé actuel est utilisé? Dans l'affirmative, avez-vous une idée du changement qui se produirait, à savoir s'il y aura nettement moins de gens qui vont se prévaloir de l'option du congé de 18 mois?

Mme Byers : C'est Chris qui s'occupe des chiffres.

M. Roberts : D'excellentes recherches ont établi des comparaisons entre le régime parental du Québec et les prestations parentales à l'extérieur du Québec, sur le plan de l'utilisation. Les données sont réparties en fonction du revenu, du niveau de scolarité, du statut de résident et de l'année d'arrivée des nouveaux arrivants, et cetera. Il existe donc de solides données concernant les divers taux de participation relatifs aux prestations de maternité et aux prestations parentales.

En ce qui concerne le congé prolongé de 18 mois, je ne crois pas qu'il existe de données suffisantes pour justifier cette innovation. Je n'ai pas vu de données solides donnant à croire que cela va faire augmenter le taux d'utilisation des prestations parentales. En fait, ce que la recherche nous a révélé, c'est que le faible taux de remplacement actuel du revenu produit un effet très dissuasif. En réduisant cela davantage, l'effet sera vraisemblablement opposé. D'après ce que nous savons, il est aussi probable d'intéresser les ménages à revenu élevé qui peuvent déjà se prévaloir des prestations parentales à un taux supérieur à ceux des ménages à revenu faible ou moyen. Je ne pense donc pas que les données établissent assez bien que cela va améliorer la participation.

Mme Byers : Si vous me le permettez, j'aimerais ajouter quelques autres choses. Je pense que les gens apportent des changements avec les meilleures intentions, mais que le soutien n'est pas vraiment là. Le gouvernement précédent a apporté un changement permettant aux travailleurs autonomes de se prévaloir d'un congé de maternité, ce qui a semblé formidable au début, mais les gens ont découvert que cela n'allait pas vraiment répondre à leurs besoins. Ces personnes n'allaient pas continuer d'y cotiser, ce qui est une exigence. Les commissaires sont ici, alors ils auront les statistiques, mais je ne pense pas que le taux de participation a été terriblement élevé.

Il y a un autre élément pour lequel nous avons besoin d'autres éclaircissements. Dans mon ancienne vie, j'ai été le président de la Fédération du travail de la Saskatchewan. Lorsque le changement des 12 mois a été mis en place, toutes les normes sur le travail et l'emploi devaient être modifiées pour que les gens puissent avoir ce droit. Je n'ai pas vu un groupe de provinces dire : « Nous changeons nos normes du travail pour permettre 18 mois. » Vous pouvez avoir une personne qui a le droit de toucher des prestations d'assurance-emploi pendant 18 mois, mais les gens n'ont pas le droit en vertu des normes d'être en arrêt de travail aussi longtemps.

Le président : J'ai l'impression que les membres du comité ont exploré la question et comprennent les arguments que vous faites valoir. Ils ont lu le document, alors...

Mme Byers : Je vais intervenir, car il y a un point que j'aimerais aborder.

Le président : Eh bien, on vous écoute.

Mme Byers : Toute la question des congés, et plus particulièrement les congés parentaux, est très complexe. Les gens ne connaissent souvent pas les droits dont ils disposent. Il y a deux décisions de la Cour suprême qui ont été rendues en 1989. Cela ne s'applique qu'aux femmes qui ont un régime de congés de maladie avec leur employeur. Cela se rapporte à la question de la réaffectation par mesure de sécurité, sur laquelle vous n'avez pas posé de questions supplémentaires. Dans ces cas-là, les femmes ont accès à des régimes de congés de maladie, et c'est une décision entre elles et leur médecin, et personne d'autre. Cette responsabilité incombe au collège des médecins et chirurgiens de chaque province. La participation est très faible, car les gens ignorent que c'est un droit qu'ils ont. Je pense que nous allons nous heurter au même problème avec l'assurance-emploi.

La question qui se pose consiste à déterminer si nous voulons apporter des changements à l'assurance-emploi qui seront utiles à un grand nombre de personnes ou si nous allons seulement le faire pour ceux qui sont au courant de cette mesure et qui pourraient s'en prévaloir.

Le président : Je pense que vous avez fait valoir ces points, et nous comprenons votre argument concernant les mesures à prendre et votre référence à la situation au Québec.

Chers collègues, je crois savoir que les commissaires seraient disposés à se joindre à nous pour aborder la section 11 et nous fournir des réponses. Je remercie les commissaires d'être disposés à venir à la table des négociations rapidement. Nous entendrons vos opinions sur la section 11, puis nous attendrons votre comparution sur la section 14. Merci beaucoup d'être disposés à participer.

Essentiellement, vous avez entendu les témoignages. La raison pour laquelle je suis ravi que l'on aborde ces points est que vous venez d'entendre les témoignages. Je me demande si vous aimeriez faire des observations avant que nos collègues passent aux questions. Vous savez en quoi consiste la période des questions. Pourriez-vous nous résumer votre point de vue?

Judith Andrew, commissaire des employeurs, Commission de l'assurance-emploi du Canada (CAEC) : Monsieur le président, et mesdames et messieurs les membres du comité, bon après-midi. Je vous remercie de me donner l'occasion de témoigner devant vous aujourd'hui.

La commission compte plus de 75 entités de surveillance tripartite du régime d'assurance-emploi, et je suis heureuse d'agir à titre de représentante impartiale des intérêts des employeurs à la commission. Mon homologue est le commissaire du travail.

Vous trouverez dans votre trousse de documents un résumé du mandat de la commission et du rôle du commissaire, de même que quelques principes directeurs sur l'assurance-emploi des employeurs, le bulletin sur le budget de mon bureau et une étude sur les prestations supplémentaires pour les congés de maternité et les congés parentaux.

À la section 11, mes observations portent sur les prestations parentales. Au nombre des nombreux amendements très compliqués à la section 11, citons notamment les nouveaux assouplissements dans les prestations parentales. La loi permet désormais aux parents de faire le choix irrévocable entre deux options : comme c'est le cas à l'heure actuelle, ils peuvent choisir 35 semaines de congé rémunérées à 55 p. 100, ou 61 semaines de congé rémunérées à 33 p. 100 de leur salaire. Les options vont d'un congé d'un an à 18 mois.

De nombreuses firmes ont du mal à gérer les congés de 12 mois à l'heure actuelle. Elles disent que le fait d'assumer le travail de la personne en congé et de trouver un remplaçant pour 18 mois serait encore plus difficile. Les entrepreneurs ont des familles, et bien que personne ne s'insurge contre le fait que les nouveaux parents puissent passer du temps avec leur famille, la charge de travail supplémentaire associée aux congés de ces personnes sera difficile pour tous, mais plus particulièrement pour les petites entreprises, qui sont les entreprises les plus nombreuses au pays.

Il convient également de signaler que l'option des 18 mois signifie que les employeurs assumeront des coûts directs additionnels et parfois considérables, notamment pour le maintien des prestations, les vacances, les pensions et les prestations complémentaires d'assurance-emploi. Un élément clé est l'effet du changement aux prestations complémentaires d'assurance-emploi, qu'il ait été négocié ou prescrit dans une politique. Le versement de prestations de 33 p. 100 du salaire pendant 18 mois est une proposition très différente par rapport au versement de prestations de 55 p. 100 du salaire pendant 12 mois.

L'information sur les prestations complémentaires pour congé de maternité ou congé parental qui est disponible à l'heure actuelle est quelque peu désuète, mais vous trouverez dans votre trousse une étude intitulée « Prestations complémentaires versées par l'employeur ». C'est une étude de 2010 menée par Statistique Canada. Elle révèle qu'en 2008, un prestataire sur cinq recevait une prestation pendant une durée moyenne de 19 semaines, mais l'étude ne fournit pas en détail les calculs des prestations complémentaires convenues.

On peut certainement espérer que cet amendement qui vise à offrir une certaine flexibilité aux nouveaux parents, s'il est adopté, ne découragera pas les employeurs à offrir des suppléments aux prestations d'assurance-emploi. De plus, pour ceux qui le feront, on espère qu'ils disposeront de suffisamment de temps pour réévaluer ou renégocier la situation en fonction des nouvelles circonstances.

Je dirais que la section 11, tout comme l'amendement à la section 14, a des répercussions financières pour les contribuables. Monsieur le président, voudriez-vous que j'aborde ce point maintenant?

Le président : J'aimerais que vous attendiez que nous ayons examiné la section 14.

Mme Andrew : J'ai choisi de parler des prestations parentales. Il y a de nombreuses bonifications prévues à la section 11, et je serais prête à essayer de répondre à vos questions sur ces bonifications.

Le président : Merci beaucoup. Je sais que vous avez entendu les témoignages précédents. On a demandé si une personne pouvait changer d'idée. Par exemple, elle a choisi l'option des 18 mois, mais après 11 mois, elle décide qu'elle aimerait changer d'option. Peut-elle le faire? Je pense connaître la réponse, mais nous voulons qu'elle soit consignée au compte rendu.

Mme Andrew : Les fonctionnaires sont mieux placés que moi pour répondre à cette question, mais ils m'ont remis une note d'information qui précise que c'est un choix irrévocable fait au début. Une personne peut faire le choix, mais une fois qu'elle reçoit les prestations, elle ne peut pas changer d'idée.

Le président : Merci. C'est ce que j'avais compris également, mais puisque vous êtes ici, je voulais que vous nous le confirmiez.

Mme Andrew : Si vous le permettez, je pense que l'une des préoccupations qu'avaient les employeurs avant de voir la mesure législative était que l'employé pourrait décider d'intégrer ou de quitter le marché du travail, selon leur situation familiale. Ce serait plus problématique pour les entreprises, d'un point de vue de la gestion de la rémunération et des opérations pour assumer la charge de travail supplémentaire. Donc, l'idée que les gens fassent un choix irrévocable au début était prévue, je pense, pour répondre aux besoins des employeurs, mais au final, c'est complexe.

Le président : J'ai compris cela. Monsieur Laliberté, voulez-vous ajouter quelque chose? Nous aimerions certainement entendre ce que vous avez à dire.

Pierre Laliberté, commissaire des travailleurs et travailleuses, Commission de l'assurance-emploi du Canada (CAEC) : À ce sujet, un consensus a été dégagé selon lequel des assouplissements exagérés créeraient des situations regrettables dans le lieu de travail. C'est ce qu'on a dit au gouvernement lorsqu'il a tenu ses consultations. C'est pourquoi la décision du choix irrévocable entre des prestations sur 12 ou 18 mois est une meilleure idée, à mon avis.

Mais j'aimerais répéter en partie ce que j'ai dit plus tôt. Essentiellement, on ne fait pas de cadeau aux parents. On ne fait que remanier ce qu'ils ont déjà.

Ordinairement, lorsqu'il y a des prestations complémentaires dans les conventions collectives, elles sont assez bien précisées. Je ne peux pas imaginer que seulement une petite minorité de personnes qui touchent ces prestations complémentaires l'ont à partir de 33 p. 100 ou peu importe. Je pense que je perçois cette possibilité différemment que ma collègue.

De façon plus générale, la question fondamentale est la garde des enfants. Une personne qui veut retourner au travail après un congé de maternité ou un congé parental peut-elle trouver des services de garde décents et abordables? C'est une réponse qui laisse à désirer à ce problème.

Bien franchement, ce serait surprenant. Je pense que moins de 10 p. 100 des parents se prévalent de cette option, car, comme on l'a mentionné précédemment, elle fait diminuer vos revenus à un niveau tellement bas que vous devez être riche pour pouvoir vous permettre cette option. Il en va de même pour l'autre prestation.

Maintenant, la notion de permettre aux mères de quitter le lieu de travail à titre de mesure préventive est judicieuse. Cette mesure donne un pouvoir et un droit à la femme enceinte de prendre la décision qu'elle estime être la meilleure pour son bébé et pour elle-même. Cependant, c'est une question de santé et de sécurité. Il est un peu étrange de traiter cette question par l'entremise du régime d'assurance-emploi. Elle a droit à 15 semaines. Si elle doit quitter le lieu de travail 12 semaines avant la naissance de l'enfant parce qu'elle juge que son lieu de travail met sa santé et la santé de son bébé à risque, alors elle perd ces semaines après la naissance. Ce n'est donc pas vraiment avantageux. Pour être honnête, il serait plus approprié que cette question soit prévue dans les lois relatives à la santé et à la sécurité. Bien entendu, si le gouvernement fédéral veut appliquer ces mesures à l'échelle du pays, il peut seulement le faire pour les 10 p. 100 des employés qui sont visés par le code fédéral du travail. C'est une réponse très inadéquate à une réelle préoccupation.

Sur une note plus positive, il y a les congés de compassion. Le problème avec les prestations qui existaient déjà était le nombre très faible de personnes qui s'en prévalent. Les statistiques révèlent que très peu de gens profitent des prestations destinées aux parents qui ont des enfants gravement malades, et c'est une solution à quelques-uns des problèmes. Dans ce cas-ci, il y a une certaine flexibilité, alors il n'est pas forcément nécessaire que vos proches soient des membres de la famille ou des gens sur le point de mourir. La procédure pour accéder à la prestation a été améliorée. Nous espérons donc que cette prestation sera utile aux gens et qu'il ne sera pas difficile d'y accéder.

Le président : Ce que je crois comprendre, si je me fie à vos remarques et aux témoignages précédents, c'est que c'était peut-être une tentative bien intentionnée de régler un problème précis dans la société, mais il y a des problèmes tant pour l'employé que pour l'employeur. C'est problématique pour les employeurs qui doivent assumer la charge de travail additionnelle et trouver des remplaçants, notamment. Je peux certainement comprendre pourquoi vous ne pouvez pas laisser les gens changer d'idée pour ce genre de raisons. Il n'est pas facile de gérer le milieu de travail. Mais je comprends également les remarques que vous avez faites concernant la possibilité d'envisager cette mesure.

On a fait référence à la situation au Québec. D'après ce que vous savez de la législation au Québec à cet égard, estimez-vous qu'elle est clairement supérieure à la mesure proposée ici?

M. Laliberté : Cela dépend de votre point de vue sur la question, mais je dirais qu'elle l'est certainement.

Le président : Du point de vue de l'employé? Vous êtes moins certain en ce qui concerne l'employeur?

Mme Andrew : Oui, du point de vue de l'employeur, ce serait le modèle à suivre, à l'exception peut-être de l'administration.

M. Laliberté : Le modèle du Québec est également financé par l'entremise des charges sociales et du système fiscal. Les travailleurs autonomes paient lorsqu'ils soumettent leurs déclarations de revenus. Ce que je veux savoir, c'est si l'on emprunte l'argent de la caisse de l'assurance-emploi et si un plus grand éventail de tranches de revenu sont couvertes, à savoir qu'on ne s'arrête pas à 51 000 $, mais on va jusqu'à plus de 80 000 $. On a déjà là les éléments d'un système plus généreux, car il couvre les travailleurs autonomes par l'entremise du système fiscal, ce qui est plus équitable et ne pénalise pas les gens parce qu'ils sont des employés ou des travailleurs autonomes.

Mme Andrew : Mais il ne s'étend pas jusqu'à 18 mois.

Le président : Vous aurez l'occasion de nous fournir plus de renseignements puisque vous reviendrez comparaître. Je vous suis très reconnaissant de votre contribution à notre étude.

Nous accueillons nos prochains témoins. Nous avons parmi nous, de la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante, Monique Moreau, vice-présidente, Affaires nationales et, par vidéoconférence, de Terre-Neuve, Nora Spinks, directrice générale de l'Institut Vanier de la famille. D'habitude, nous invitons notre témoin qui comparaît par vidéoconférence à faire son exposé en premier pour nous assurer que le matériel électronique fonctionne assez longtemps pour entendre à tout le moins ses déclarations. Madame Spinks, je vous invite à faire vos déclarations liminaires.

Nora Spinks, directrice générale, Institut Vanier de la famille : Merci beaucoup. C'est un plaisir d'être ici, et je m'excuse de ne pas avoir pu être avec vous en personne aujourd'hui.

Je suis Nora Spinks, directrice générale de l'Institut Vanier de la famille. Nous sommes un organisme de recherche et d'éducation. Nous sommes une ressource nationale au service du Canada depuis plus de 50 ans. Nous cherchons à comprendre comment les familles interagissent avec les facteurs sociaux, économiques, environnementaux et culturels, ont une incidence sur eux et sont touchées par ces facteurs.

Je suis ravie de témoigner devant vous aujourd'hui sur les questions abordées à la section 11 de la Loi d'exécution du budget.

En ce qui concerne le récent budget intitulé Bâtir une classe moyenne forte, à notre avis, c'est un budget axé sur les familles au Canada. Il y a de nombreuses dispositions dans ce budget liées aux familles, dont les mesures dont nous discuterons aujourd'hui, notamment celles pour les nouveaux parents qui attendent un enfant. Il y a eu d'autres lois dans le budget visant les personnes et les couples qui ont accès aux technologies de reproduction, les familles qui souhaitent embaucher un aidant familial étranger, les familles qui vivent une séparation ou un divorce, les aidants naturels, les familles qui ont besoin de soins à domicile et de services de santé mentale, les familles des militaires et des vétérans, y compris les familles de militaires atteints de trouble de stress post-traumatique et d'anciens combattants libérés pour des raisons médicales, les familles des Premières Nations et des Inuits, les familles touchées par l'incarcération, et j'en passe. Je pourrais facilement parler de ce budget pendant sept heures, alors dans les sept minutes dont je dispose, je vais me concentrer sur les prestations familiales qui sont offertes dans le cadre du programme d'assurance-emploi du Canada.

Ce programme offre trois avantages : une sécurité du revenu, la participation au marché du travail et la relation parent-enfant, l'attachement parent-enfant et le développement sain de l'enfant. Je vais vous donner un peu de contexte pour que, dans le cadre de vos délibérations, vous ayez une idée de la façon dont ces mesures s'insèrent dans le contexte global. Je vais vous fournir des données tirées de nos récentes publications intitulées « Coup d'œil sur les femmes, le travail et la famille au Canada » et « Cinquante ans : les femmes, le travail et la famille au Canada ».

Pour vous donner une idée, 82 p. 100 des familles en âge de travailler de 25 à 54 ans sont sur le marché du travail. C'est 35 p. 100 de plus qu'en 1965. Ce sont les gens en âge de procréer ou d'avoir des enfants. Fait intéressant, nous voyons maintenant de nouvelles mamans de plus de 40 ans. N'oubliez pas ces femmes lorsque vous vous penchez sur la situation des nouvelles mères et des femmes enceintes. Les taux d'emploi parmi ce groupe varient selon que les femmes sont des immigrantes, des Autochtones et des personnes handicapées, qui sont tous des groupes pour lesquels le taux d'emploi ou la participation à la vie active sont plus faibles.

En moyenne, les femmes sans enfants gagnent 12 p. 100 de plus l'heure que celles qui ont des enfants. Il y a donc une « taxe » imposée aux mères qui doit être prise en considération lorsqu'on examine les mesures en matière de sécurité du revenu. Près d'un tiers des femmes âgées de 25 à 44 ans travaillent à temps partiel pour s'occuper de leurs enfants. Soixante-dix pour cent des mères qui ont des enfants de 5 ans et moins détenaient un emploi en 2015, ce qui est 32 p. 100 de plus que dans les années 1970. Onze pour cent de toutes les nouvelles mères au Québec et 36 p. 100 de toutes les nouvelles mères en dehors du Québec ne reçoivent pas de prestations de maternité ou parentales. Elles n'y ont pas droit. Soixante-quinze pour cent des femmes qui travaillent et qui bénéficient d'un horaire de travail flexible signalent qu'elles sont satisfaites de l'équilibre entre leur vie professionnelle et leur vie personnelle.

Quand nous parlons de prendre soin d'un nouveau bébé, cela ne revient pas seulement qu'aux femmes, qu'aux mères. C'est également le rôle des pères, des partenaires et des grands-parents. Ce sera bientôt l'idée que nous nous ferons des hommes, du travail et de la famille. Nous signalons que la participation au marché du travail du principal groupe d'hommes en âge de travailler a légèrement diminué depuis 1976, mais il y a également plus de personnes handicapées et de personnes ayant le statut d'immigrants, d'immigrants récents. Le taux d'emploi des personnes du même groupe d'âge qui ont déclaré appartenir à un groupe autochtone était récemment de 72 p. 100, comparativement à 85 p. 100 pour ce qui est de leurs homologues non autochtones. Au moment d'examiner ces nouvelles dispositions, nous devons tenir compte de ces groupes qui ne sont pas nécessairement pris en considération.

Selon une étude intéressante, 4 hommes sondés sur 10 préféreraient être parents au foyer, et les pères sont plus nombreux à s'absenter de leur travail pour prendre soin de leurs nouveau-nés — 3 sur 10 d'un bout à l'autre du Canada, selon les chiffres globaux. Cependant, au Québec, la proportion de pères ayant déclaré qu'ils ont demandé ou qu'ils avaient l'intention de demander des prestations parentales est passée de 28 p. 100 en 2005 au chiffre étonnant de 86 p. 100 en 2015. À l'extérieur du Québec, ces chiffres diminuent considérablement, pour s'établir à environ 12 p. 100. La moitié des pères sondés récemment au Canada ont dit qu'ils envisageraient de changer d'emploi s'ils pouvaient obtenir des avantages sociaux plus favorables à la vie de famille auprès d'un autre employeur.

Je veux maintenant mettre rapidement l'accent sur trois choses : la souplesse, la durée et l'accès. À propos de la souplesse, il ne fait aucun doute qu'offrir davantage de souplesse quant au commencement du congé sera utile aux familles au Canada, mais il existe déjà une certaine confusion par rapport aux prestations spéciales, et cette disposition risque de l'augmenter. Il faut faire preuve de prudence au moment d'informer les familles de nouveaux changements et indiquer clairement qu'il ne s'agit pas de 12 semaines supplémentaires, mais que cela fait partie de l'enveloppe. L'autre chose importante à propos des familles qui pourraient choisir de devancer la date de commencement de leur congé, c'est qu'elles doivent comprendre de quelle façon cela pourrait avoir une incidence sur leurs options de garde lors du retour au travail après le premier anniversaire de leur enfant.

La deuxième chose dont je veux parler est la durée. À l'heure actuelle, 12 mois sont prévus dans les avantages sociaux, mais ce chiffre sera dorénavant de 12 ou 18 mois. Il existe deux groupes composés principalement de femmes qui sont désavantagés par ces deux options. Ce qu'ils veulent, c'est une période comprimée de prestations qui leur permettrait d'avoir 75 p. 100 de leur salaire sur 6 mois pour pouvoir bénéficier d'une sécurité et d'une stabilité de revenu pendant ces 6 premiers mois. Cette option intéresse deux groupes. Premièrement, c'est avantageux pour les femmes à faible revenu, qui ont tendance à retourner très rapidement au travail. Il est déjà assez difficile de vivre avec 55 p. 100 de leur salaire lorsqu'elles ont un revenu moyen, mais c'est pratiquement impossible lorsqu'elles ont un faible revenu. Deuxièmement, c'est avantageux pour les femmes à revenu élevé, qui ont également tendance à reprendre le travail plus tôt compte tenu de leurs choix de carrière.

Enfin, je veux parler de l'accessibilité. Comme Barb Byers l'a mentionné plus tôt, avoir une définition large de ce qu'on entend par membres de la famille, par exemple en incluant des personnes considérées « comme étant membres de la famille », serait important tant pour ce qui est des prestations de maternité — ou les prestations parentales dans ce cas-ci — que pour les prestations de soins familiaux. Dans le cas des ménages multigénérationnels ou des ménages monoparentaux, une nouvelle mère qui ne peut pas bénéficier entièrement des prestations familiales à défaut d'avoir un père avec qui les partager profiterait d'une définition plus large qui englobe un grand-parent ou un autre adulte qui aiderait également à offrir ce troisième avantage, à savoir des liens avec un enfant et son bon développement.

En terminant, je veux mentionner l'importance des prestations spéciales dont nous parlons aujourd'hui et l'importance de les harmoniser avec des formules de travail souples, non seulement dans le code fédéral du travail, ce qui est déjà enclenché, mais aussi, comme d'autres l'ont mentionné, dans les normes d'emploi d'un bout à l'autre du pays. Il est également important d'harmoniser les prestations avec le milieu de travail — les programmes de conciliation travail- famille ou travail-vie personnelle comme la prestation complémentaire, le retour progressif au travail ou le départ progressif en congé — et d'encourager les employeurs à tenir compte des employés qui prennent un congé familial, que ce soit pour prendre soin d'un proche, un congé de maternité, un congé parental ou un congé de paternité. C'est vraiment une occasion pour les employeurs de renforcer la capacité de leur main-d'œuvre et de multiplier les occasions de perfectionnement, d'apprentissage et de formation polyvalente. Ce n'est pas seulement négatif pour eux.

Le président : Merci beaucoup.

Monique Moreau, vice-présidente, Affaires nationales, Fédération canadienne de l'entreprise indépendante : Merci de me donner l'occasion de comparaître aujourd'hui pour donner le point de vue de la FCEI sur les prestations de congé parental et les prestations de compassion de l'assurance-emploi. Vous devriez avoir devant vous des diapositives que j'aimerais parcourir au cours des prochaines minutes.

La FCEI est un organisme non partisan à but non lucratif qui représente plus de 109 000 petites et moyennes entreprises au Canada. Nos membres emploient plus de 1,25 million de Canadiens qui représentent 75 milliards ou près de la moitié du PIB du Canada. Nos membres représentent tous les secteurs de l'économie dans chaque région du pays.

Collectivement, les PME du Canada emploient 70 p. 100 des Canadiens qui travaillent dans le secteur privé et créent la grande majorité des nouveaux emplois. Voilà pourquoi régler des questions qui leur sont importantes peut avoir de vastes répercussions sur la création d'emplois et l'économie.

Comme vous le voyez à la troisième diapositive, l'un des sondages menés par la FCEI nous sert de baromètre mensuel des affaires. Notre dernière mesure pour le mois d'avril indique que la confiance des petites entreprises a gagné un point et demi pour s'établir à 64,4 points à la fin du mois. C'est le meilleur niveau enregistré depuis novembre 2014. Idéalement, nous voulons que cet indice se situe entre 65 et 70 points lorsque l'économie réalise son plein potentiel de croissance. Les sénateurs sont également censés avoir reçu l'ensemble des mesures du baromètre.

Nous sondons également nos membres pour avoir une idée de leurs principales priorités. À la quatrième diapositive, vous verrez que leurs trois dossiers prioritaires sont le fardeau fiscal total; la dette et le déficit de l'État; et la réglementation gouvernementale ainsi que les formalités administratives. Quant à l'assurance-emploi, elle préoccupe 46 p. 100 des propriétaires de petite entreprise sondés, soit près de la moitié.

Avant de discuter des prestations de maternité, des prestations parentales et des prestations de compassion, nous avons pensé qu'il serait utile de mettre en contexte le point de vue des PME concernant l'assurance-emploi de façon plus générale. Les propriétaires de petite entreprise soutiennent généralement le régime d'assurance-emploi et l'idée d'aider les Canadiens pendant les périodes de chômage. L'assurance-emploi est toutefois une importante charge sociale que les propriétaires de petite entreprise doivent payer indépendamment de la rentabilité de leur entreprise.

Le taux de cotisation à l'assurance-emploi des employeurs est 1,4 fois supérieur à celui des travailleurs, ce qui en fait les principaux cotisants au régime d'assurance-emploi. Les PME emploient également plus de main-d'œuvre que les grandes entreprises, et les charges sociales ont tendance à avoir une plus grande incidence sur les petites entreprises.

Dans l'ensemble, les petites entreprises sont favorables à une partie des prestations spéciales qui sont financées au moyen de la caisse d'assurance-emploi, comme vous pouvez le voir à la cinquième diapositive. Près des deux tiers des répondants à notre sondage sur l'assurance-emploi et la qualité du service sont favorables aux prestations de maternité et aux prestations de congé parental. Le soutien aux prestations de compassion et aux prestations de maladie suit de près alors que 58 p. 100 de nos membres y sont favorables.

Comme je l'ai dit, les propriétaires de petite entreprise ont tendance à être favorables à l'assurance-emploi et aux prestations de compassion que le régime offre aux employés et à leur famille en cas de maladie grave. De nombreux propriétaires de petites entreprises accommodent déjà les employés qui ont besoin de temps supplémentaire ou d'un horaire souple pour aider un membre de leur famille atteint d'une maladie grave. Comme vous pouvez le voir à la sixième diapositive, 58 p. 100 d'entre eux appuient fortement ou quelque peu une souplesse accrue et un meilleur accès aux prestations de compassion.

C'est quand il est question des critères d'admissibilité à ces prestations de compassion que nous invitons les gens à la prudence. Nous voulons nous assurer qu'en rendant les prestations plus souples et plus accessibles à ceux qui en ont vraiment besoin, nous n'ouvrons pas toutes grandes les portes à un éventail de demandes qui pourraient grever le régime et faire en sorte qu'il est difficile pour les employeurs d'accommoder leurs employés.

Je vais maintenant parler du régime d'assurance-emploi, plus précisément du congé de maternité et du congé parental. Il est impératif, en tant que responsables des politiques et législateurs, que vous n'oubliez pas que les employeurs payent près de 60 p. 100, ou les sept douzièmes, des prestations d'assurance-emploi. Comme vous pouvez le voir à la septième diapositive, pendant que les taux de cotisation à l'assurance-emploi diminuaient pour les grandes entreprises et les employés, ils augmentaient de 4 p. 100 par tranche de 100 $ de masse salariale cotisable pour les petits employeurs. Cette situation est attribuable au non-renouvellement après 2016 du crédit pour l'emploi visant les petites entreprises.

D'autres hausses se profilent à l'horizon. Le budget de 2017 prévoit une hausse de 7 p. 100 du taux de cotisation à l'assurance-emploi des employeurs, ce qui le fera passer à 2,35 $ en 2018. Contrairement à ce qui est fait dans le Régime de pensions du Canada, alors que le coût est partagé également entre les employeurs et les employés, il incombe aux employeurs, dont de nombreux petits entrepreneurs, de verser la majorité des cotisations à l'assurance-emploi.

Lorsque nous les avons interrogés dans notre sondage en 2016, comme vous pouvez le voir à la huitième diapositive, seuls 28 p. 100 des propriétaires de petite entreprise — un peu plus d'un propriétaire sur cinq — étaient favorables au prolongement de 12 à 18 mois de la durée du congé parental de l'assurance-emploi. De nombreuses raisons expliquent pourquoi l'absence d'une employée en congé de maternité peut être coûteuse et difficile à gérer pour les petites entreprises.

Le nombre moyen d'employés de nos membres propriétaires d'entreprise est de 11. Ils sont nombreux à en avoir encore moins. Dans une petite entreprise, le nombre limité d'employés rend la formation polyvalente et les remplacements difficiles. Le fait d'être en congé pendant 18 mois peut également vouloir dire que l'employée doit être formée de nouveau à son retour. Le coût pour les employeurs de la nouvelle formation de ces employés peut être très élevé. Nos recherches montrent que les petites entreprises affectent déjà près de 14 milliards de dollars par année à la formation, dont environ 9 milliards de dollars de manière informelle pour de la formation en cours d'emploi qui n'est pas reconnue par le gouvernement.

Vous recevrez un mémoire de l'Association canadienne de la paie qui comprend des renseignements très détaillés sur les coûts que devraient assumer les fournisseurs de services de paie pour apporter ces changements. Comme ils le font remarquer — et nous sommes d'accord avec eux —, ils encouragent fortement le gouvernement à déterminer si le taux de participation sera suffisamment élevé pour justifier les coûts liés à l'administration, au traitement et aux systèmes que devront assumer les employeurs, les fournisseurs de services de paie, les développeurs de logiciels et Service Canada, surtout à un moment où le gouvernement examine la qualité des services du programme d'assurance-emploi.

C'est pourquoi la FCEI recommande vivement au gouvernement fédéral de maintenir à 12 mois la période de prestations.

Nous pouvons vous donner des tonnes de données et de résultats de recherche, mais nous avons pensé qu'il pourrait être utile que vous entendiez directement nos membres. Vous verrez aux diapositives 9 et 10 que nous avons inclus les observations de certains de nos membres qui ont exprimé leurs préoccupations concernant les difficultés que présente actuellement pour eux la gestion d'une période de congé de 12 mois, ainsi que leurs réflexions sur la prolongation à 18 mois. Je ne vais pas toutes les lire, mais je pensais attirer votre attention sur les propos d'un membre dont le commerce de détail emploie 16 personnes dans une petite ville du Sud de l'Ontario. Voici ce qu'il a écrit :

J'ai deux employées qui travaillent pour moi depuis plus de 10 ans. La première a pris deux congés de maternité consécutifs alors que la deuxième en a pris trois sur une période de quatre ans. Je suis propriétaire d'une petite entreprise, et ces congés m'ont été grandement nuisibles et se sont traduits par beaucoup de stress et de problèmes pour mes autres employés. J'en ai même trois qui sont partis à cause de ces problèmes. L'un d'eux a fait une dépression; il a dû prendre six mois de congé à cause du stress et a ensuite démissionné. Un congé de maternité d'un an peut être très bon pour ceux qui en profitent, mais c'est difficile et extrêmement stressant à gérer pour les propriétaires de petites entreprises.

Comme l'indique ce témoignage, les propriétaires de petite entreprise comprennent l'importance d'accommoder les nouveaux parents pendant qu'ils s'occupent de leurs enfants. Cependant, ils sont également d'avis que les prestations parentales de l'assurance-emploi sont déjà très généreuses. Il est difficile pour une petite entreprise d'accorder un congé de 12 mois, et la prolongation de la période de prestations serait encore plus coûteuse à gérer. Dans les domaines où les pénuries de main-d'œuvre sont graves et où les employeurs ont déjà de la difficulté à pourvoir les postes vacants, un congé de 18 mois pourrait faire en sorte qu'il serait presque impossible de pourvoir le poste de l'employée pendant son absence.

La FCEI n'appuie pas la prolongation à 18 mois de la période de prestations de congé parental, mais si le gouvernement adopte cette politique, nous recommandons un certain nombre de changements pour assurer une certaine équité dans le régime d'assurance-emploi. Certaines de ces recommandations et le soutien de nos membres à cet égard sont mis en évidence à la onzième diapositive. Les trois principales initiatives comprennent : le remboursement des cotisations versées en trop par les employeurs, une mesure appuyée par 94 p. 100 des petites entreprises; l'établissement de taux égaux de cotisations à l'assurance-emploi pour les employeurs et les employés, une mesure qui reçoit un appui de l'ordre de 87 p. 100; et le rétablissement du crédit pour l'emploi visant les petites entreprises, ce qui est appuyé dans une proportion de 78 p. 100, ou d'une variante de crédit qui reconnaît les efforts déployés par les petites entreprises pour former leurs employés.

Je signale qu'ils voyaient d'un très bon œil le crédit d'assurance-emploi visant l'embauche de jeunes qui a été présenté dans la plateforme libérale juste après les élections, mais qui a disparu depuis.

À la douzième diapositive, nous terminons par un résumé de nos recommandations. À propos des prestations de compassion, nous recommandons la prudence, même si les propriétaires d'entreprises y sont généralement favorables. Dans le cas du congé de maternité et de paternité, nous demandons au gouvernement de reconsidérer la proposition de prolonger la durée à 18 mois. Nous faisons remarquer que les changements proposés mettront à rude épreuve les propriétaires d'entreprise qui essaient de donner suite au régime généreux de congés qui est en place au Canada.

Dans l'éventualité où le gouvernement irait de l'avant avec ces hausses, nous demanderions des mesures compensatoires destinées aux propriétaires de petite entreprise, y compris un taux permanent moins élevé, la répartition égale des cotisations à payer et une sorte de crédit pour la formation ou l'embauche de jeunes.

Merci de me donner l'occasion de comparaître. Je suis impatiente de répondre à vos questions.

[Français]

Je serai heureuse de répondre également à vos questions en français. Merci.

[Traduction]

Le président : Merci beaucoup.

Chers collègues, nous avons une témoin qui comparaît par vidéoconférence. Par conséquent, lorsque vous posez une question, ne vous contentez pas de la formuler et de laisser tout le monde répondre. Veuillez l'adresser à quelqu'un. Lorsque vous vous adressez aux témoins qui sont présents, je vais toujours demander à la témoin qui comparaît par vidéoconférence si elle souhaite intervenir, et vice versa.

La sénatrice Stewart Olsen : Merci à vous deux de vos exposés. Madame Moreau, vous avez laissé entendre que le taux de participation pourrait être trop faible pour justifier les changements au système qui est déjà en place. Pouvez-vous en dire davantage à ce sujet, car je ne sais pas trop ce que les petites entreprises seraient tenues de faire?

Mme Moreau : Les petites entreprises qui se fient aux fournisseurs de paie canadiens attendront que ces fournisseurs apportent les corrections nécessaires à leur logiciel et leur communiquent l'information. Si elles le font à la main, il y aura pour elles une courbe d'apprentissage avant qu'elles puissent donner suite aux changements qui seront apportés. C'est le genre de petites choses avec lesquelles elles devront composer.

Les personnes qui contribuent au régime d'assurance-emploi, qui verront les taux augmenter au cours de la prochaine année, à compter de 2018, et qui subissent également l'effet des hausses réalisées cette année se demanderont s'il ne vaudrait pas mieux, dans une perspective pangouvernementale, de gérer les coûts qui en découleraient en créant et en adaptant leur propre système de paie interne, leur propre logiciel de comptabilité et ainsi de suite pour garantir que les Canadiens touchent les prestations s'ils décident de s'en prévaloir.

La sénatrice Stewart Olsen : Avez-vous une estimation du coût approximatif du logiciel? Je sais que c'est une question difficile, mais je veux juste me faire une idée de ce qu'il en serait.

Mme Moreau : Je n'ai pas cette information, mais je vous dirigerais vers les gens de l'Association canadienne de la paie. C'est ce qu'ils font. Ils ont remis un mémoire à votre comité, et ils sont les mieux placés pour vous fournir ce genre de détails techniques.

La sénatrice Stewart Olsen : Merci.

Le sénateur Woo : Je remercie les témoins de leur témoignage. J'ai une question pour Mme Moreau concernant le compromis entre, d'une part, la réduction possible de la prolongation de la période de 18 mois de prestations de maternité et de prestations parentales qui est proposée dans le projet de loi et, d'autre part, l'autre mesure, que vous avez soulignée dans les recommandations de vos membres, à savoir l'augmentation des cotisations à l'assurance-emploi qu'il incombe aux employés de payer. Ces deux mesures vont généralement dans le même sens. Pouvez-vous nous donner une idée de l'importance relative de l'une par rapport à l'autre, de la prolongation des prestations parentales par rapport à une plus grande part de cotisations versée par les employés?

Mme Moreau : Pour un éventail de prestations versées par l'entremise du régime d'assurance-emploi, les employeurs aimeraient que le coût soit partagé. Dans les années 1980, si je ne m'abuse, le gouvernement participait. À l'époque, les employeurs payaient 40 p. 100 des cotisations, les employés, également 40 p. 100 et le gouvernement, 20 p.100. Lorsque le gouvernement s'est retiré de l'équation, ce sont les employeurs qui ont dû assumer le gros du manque à gagner.

Il y a diverses raisons qui expliquent cela, et nous pourrions y consacrer une séance complète, mais il reste que lorsque les propriétaires de petites entreprises constatent une augmentation du taux de cotisation et certains des éléments dont j'ai parlé plus tôt, comme les cotisations versées en trop, ils savent qu'ils ne reverront pas leur argent, contrairement aux employés qui peuvent bénéficier d'un congé parental et de prestations de compassion et de maladie, entre autres.

Les employeurs cotisent au régime, et ils ne reçoivent pas nécessairement de remboursement. Il en va de même pour la formation. On vante souvent la formation, mais la plupart du temps, elle n'est pas reconnue par le gouvernement ou, comme je l'ai dit, les personnes ne sont pas admissibles, car la formation se fait sur le tas. Lorsqu'un employé expérimenté forme un nouvel employé, cela ne donne pas un diplôme reconnu ni rien d'autre qui peut attester la formation en question. C'est pourquoi nous avons accordé divers crédits au fil des années et réduit le taux de cotisation au régime d'assurance-emploi pour les petites entreprises afin de reconnaître cet attachement à la population active et les efforts qui sont déployés.

Le sénateur Woo : Ma question est peut-être injuste, mais si vous deviez choisir entre raccourcir la durée des prestations et augmenter le taux de cotisation des employés, quel serait votre choix?

Mme Moreau : Je devrais d'abord consulter mes membres, mais je devine que la plupart d'entre eux préféreraient que l'employeur et l'employé se partagent les cotisations à parts égales. Il y a déjà du soutien qui est prévu à cet effet dans le cadre du système du RPC.

Le sénateur Woo : Cela pourrait être une solution pour l'avenir.

Le président : Sénateur Dean, souhaitez-vous intervenir? Ça va? Je pense que vous nous avez toutes les deux bien expliqué la situation. Madame Spinks, vous nous avez donné un aperçu du contexte, une bonne vue d'ensemble, mais au bout du compte, tout cela nous ramène au même problème. Madame Moreau, vous avez tiré les choses au clair.

Madame Spinks, vous avez abordé plusieurs éléments intéressants, dont la nécessité d'expliquer clairement à qui profiteront les changements potentiels au régime. Dans ce contexte, ce sera évidemment essentiel. Je comprends votre position. Je crois que c'est quelque chose qui est très important. Je vais d'ailleurs y revenir dans un instant.

J'ai trouvé votre idée d'une troisième option très intéressante, c'est-à-dire de toucher 75 p. 100 sur une période de 6 mois plutôt qu'un moindre pourcentage au cours d'une période pouvant aller de 12 à 18 mois. Madame Moreau, que pensez-vous de cette idée de réduire la durée des prestations à six mois, quitte à augmenter le taux de prestations?

Mme Moreau : Nos opinions sont fondées sur des sondages que nous menons auprès de nos membres, alors je dois d'abord consulter mes membres avant de me prononcer là-dessus.

Le président : Je comprends. Nous ne vous demandons pas de vous exprimer au nom de vos membres, mais simplement de nous donner votre opinion personnelle sur la question.

Mme Moreau : Selon moi, même si cette option peut être intéressante pour l'employé qui souhaite reprendre le travail plus rapidement, il reste que l'employeur doit tout de même trouver quelqu'un pour remplacer cet employé à court terme. En revanche, il sera plus facile pour l'employé de réintégrer son poste, car il n'aura pas perdu la main. J'imagine qu'il existe des mesures de soutien pour cela. Encore une fois, il faudrait mettre cette option à l'essai.

Le président : Je suis content de votre réponse, car vous avez indiqué que ce n'est pas une situation simple. Trouver un remplaçant n'est jamais facile pour un employeur, et cela pourrait même s'avérer plus difficile pour une courte période de temps. Vous nous donnez donc une autre perspective sur la question.

Dans votre déclaration, madame Moreau, j'ai senti que de façon générale — et le sénateur Woo vous a posé la question —, l'augmentation de la contribution des employés au régime d'assurance-emploi était cruciale pour les employeurs et les PME. C'est le message qui est ressorti de votre déclaration.

Avant de conclure, j'aimerais donner la possibilité à chacune d'entre vous de faire une dernière observation. Je vais d'abord céder la parole à Mme Spinks.

Mme Spinks : Merci. D'après mon expérience, lorsque les prestations de maternité et les prestations parentales sont passées de 6 à 12 mois, il y a eu beaucoup de confusion et il a fallu un certain temps pour que tout le monde s'adapte, d'où l'importance d'avoir une bonne communication. Chose certaine, les responsables des prestations et de la paie doivent prendre part au processus dès le début, suivis des professionnels des ressources humaines, des propriétaires, des gestionnaires et des chefs d'équipe. Cela doit se faire par étapes, de façon progressive, et il faut s'assurer de bien communiquer l'information aux nouveaux parents et aux futurs parents.

Lorsque nous avons instauré la prestation de compassion la première fois, il y a eu énormément de confusion. La mauvaise communication de l'information est en grande partie à l'origine de la faible participation au programme. Les gens ne vont pas participer à un programme dont ils ignorent l'existence.

Il en va de même pour la nouvelle prestation d'assurance-emploi aux aidants naturels. Il faudra faire preuve de prudence et agir de façon réfléchie et stratégique. Le gouvernement devra s'associer à des groupes et des intervenants compétents qui pourront l'aider à véhiculer clairement et uniformément l'information.

En ce qui a trait au remplacement des employés en congé, tout dépend de l'emploi et du secteur. Dans certains cas, il peut être plus facile d'accorder un contrat d'un an qu'un contrat de quelques mois. La situation peut varier selon le type de carrière ou le domaine. Cela dit, il y a beaucoup de gens ici au pays qui ont pu poursuivre une carrière en jonglant les congés de maternité d'un an, en passant d'un employeur à l'autre, de façon à diversifier leurs tâches et à acquérir une nouvelle expérience de travail. Ils ont ainsi pu mettre à profit leurs compétences et leurs talents pour prendre un nouveau virage dans leur carrière.

Il faudra faire bien attention ici de ne pas imposer nos partis pris inconscients et plutôt nous appuyer sur des preuves concrètes, des études et des faits lorsque nous entreprendrons la prochaine étape, que ce soit la mise en œuvre ou les modifications connexes. N'empêche que la communication demeure la clé.

Comme quelqu'un l'a dit plus tôt, il sera essentiel de lier cette mesure à la stratégie sur l'éducation préscolaire et la garde d'enfants pour que non seulement ce soit profitable pour les familles, mais aussi pour s'assurer que lorsqu'un employé réintègre le marché du travail, que ce soit après 6, 10, 12 ou 18 mois, les services de garde sont stables, uniformes et fiables et qu'ils correspondent à son horaire travail. Si on veut garantir la réussite de cette mesure, il ne faut pas fonctionner en vase clos; on doit tenir compte de l'ensemble de la situation.

Le président : Je pense que vous avez bien fait valoir vos points. Nous n'allons pas aborder les domaines d'incertitude; nous allons nous en tenir à la section dont nous sommes saisis, mais nous en prenons bonne note. Madame Moreau, puis-je avoir vos observations?

Mme Moreau : Merci, monsieur le président. Comme je l'ai dit tout à l'heure, les propriétaires de petites entreprises trouvent que le programme actuel est difficile à gérer. Ils le trouvent onéreux; il y a des coûts associés à la formation de leurs employés à leur retour au travail. S'ils sont situés dans une région qui connaît des difficultés économiques, où il y a une pénurie de main-d'œuvre, il est encore plus difficile pour eux de trouver un remplaçant pour pourvoir ces postes. Et ici, on parle seulement d'une personne qui part en congé. Imaginez lorsque deux, trois ou quatre personnes partent en congé en même temps, il est très difficile pour le propriétaire d'une petite entreprise de composer avec la situation, surtout si ses employés sont hautement qualifiés et difficiles à remplacer.

J'ai souligné nos recommandations. Je ne veux pas m'acharner inutilement, mais encore une fois, j'estime qu'il est extrêmement important pour les propriétaires de petites entreprises que le gouvernement tienne compte de leurs besoins dans ses décisions, ce qu'il ne fait pas en offrant des prestations sur une période allant jusqu'à 18 mois.

Le président : Merci beaucoup. Je tiens à remercier nos témoins d'avoir accepté de comparaître devant nous aujourd'hui.

Nous accueillons de nouveau nos deux témoins précédents. Cette fois-ci, nous leur avons demandé de nous parler de la section 14, et évidemment, nous pourrions revenir sur la section 11 pour apporter d'autres précisions. Nous allons donc inverser l'ordre des interventions et tout de suite céder la parole à M. Laliberté.

[Français]

M. Laliberté : Merci. Je voudrais faire un commentaire préliminaire sur l'ensemble de l'aide, parce qu'on a parlé un peu de la section 11 et maintenant de la section 14. À titre de remarque générale, c'est que seulement 3 p. 100 des nouvelles sommes investies qui viennent des cotisations d'assurance-emploi sont en lien avec les prestations régulières, soit les prestations qu'on reçoit quand on se trouve dans une situation de chômage. C'est dans un contexte où des gens qui cotisent à l'assurance-emploi et qui perdent leur emploi n'ont pas accès à l'assurance-emploi. Il est bon de se rappeler qu'aujourd'hui, 40 p. 100 des gens qui ont cotisé, qui cotisent et qui perdent leur emploi n'ont pas accès à une prestation. À mon avis, il faudrait privilégier ces situations, puisque c'est la mission première du programme, par rapport aux missions qu'on pourrait qualifier de complémentaires qui se sont ajoutées au fil des ans.

Ce qu'on voit dans ce budget, malheureusement, c'est un investissement louable dans toutes sortes de prestations, mais qui finit par oublier la mission première du programme. Même si j'ai dit 3 p. 100, il ne faut pas me citer, parce que les chiffres du budget sont difficilement réconciliables quant aux différents avantages et prestations. Assurément, il s'agit d'une portion assez minimale. Je voulais faire ce commentaire au départ pour attirer votre attention sur le fait qu'il y a encore un problème assez important avec la partie 1, les prestations régulières, et qui, malheureusement, n'est pas abordé. C'est un peu l'absent aujourd'hui.

En ce qui concerne la section 14, il y a tout de même des sommes significatives qui sont investies. On parle ici d'un engagement en lien avec les cotisations d'assurance-emploi de 1,2 milliard de dollars sur quelques années. Finalement, cela justifie la plus grande part de la hausse demandée à l'assurance-emploi. Ce qui est notable, c'est non seulement les sommes qui sont importantes, mais pas faramineuses, parce qu'au vu des besoins en formation de la main-d'œuvre, il y a un consensus, c'est qu'il y a un besoin en investissements substantiels. Le problème au Canada et au centre, c'est-à-dire avec le gouvernement fédéral, c'est que beaucoup de ces sommes investies dans la formation de la main-d'œuvre et dans les programmes de formation, en réalité, sont des sommes transférées aux provinces et aux territoires, sous le couvert des ententes sur la formation de la main-d'œuvre. Le plus gros de ces sommes vient des cotisations d'assurance-emploi; en fait, il s'agit des deux tiers. Le problème pour les provinces, c'est qu'elles doivent réconcilier l'origine de ces sommes qui proviennent des gens qui ont payé une cotisation, donc des assurés parce qu'ils ont payé une cotisation, une forme de prime, et, évidemment, les provinces veulent les appliquer aux plus vulnérables et aux gens qui ont le plus grand besoin de formation professionnelle. L'argent vient d'un fonds qui a tout de même des objectifs, des principes à respecter et doit être reçu par des provinces qui veulent l'appliquer d'une façon très libérale, et ce, à juste titre, parce que les besoins ne sont pas nécessairement liés aux gens qui reçoivent des prestations d'assurance-emploi. Je pose donc la question suivante : si on veut donner une flexibilité maximale aux provinces, est-ce qu'on ne devrait pas plutôt financer ces transferts avec les fonds consolidés du gouvernement, plutôt que de le faire à partir des cotisations d'assurance-emploi, si l'objectif est effectivement de donner une liberté maximale aux provinces et aux territoires dans l'octroi de ces sommes? Je vous laisse répondre à la question.

L'autre aspect de tout cela sur lequel j'aimerais aussi attirer votre attention, c'est évidemment, comme cela a été dit, l'argent qui provient des cotisations des employeurs et des travailleurs. Les sommes sont ensuite transférées; les sommes de la partie 2 du programme d'assurance-emploi sont transférées en vertu des accords avec les provinces, mais sans reddition aux parties prenantes. C'est-à-dire qu'à l'exception d'une seule province, aucune des provinces n'a de mécanisme de reddition de comptes avec qui que ce soit, les employeurs, les travailleurs ou autres parties prenantes. Chaque gouvernement a une certaine forme de reddition de comptes, mais nous pensons qu'en raison de l'origine de ces cotisations, il y aurait lieu de créer une obligation de consultation et de reddition de comptes en faveur des parties prenantes dans chaque province et territoire. Bref, il faudrait donc assujettir à ces critères les transferts à partir de l'assurance-emploi aux provinces et aux territoires.

Je serai heureux de répondre à vos questions. Merci.

[Traduction]

Le président : Merci beaucoup.

Mme Andrew : Merci, monsieur le président. Je vais parler plus précisément de la section 14, mais mes observations iront probablement dans le même sens que mon collègue.

J'aimerais tout d'abord attirer votre attention sur la définition élargie de « participant » à l'article 58 de cette section. Cette définition donne accès aux programmes offerts par les provinces et les territoires subventionnés à même les cotisations de l'assurance-emploi à hauteur de 1,95 milliard de dollars en financement de base, en plus des augmentations de 2016 et de celles annoncées dans le budget de 2017.

La définition entourant l'accès à la formation et à d'autres mesures de soutien a été élargie au cours des dernières années. Au départ, ces programmes n'étaient offerts qu'aux personnes ayant été admissibles à l'assurance-emploi au cours des trois dernières années ou à celles ayant bénéficié d'un congé parental au cours des cinq dernières années. Maintenant, toute personne ayant été admissible au régime d'assurance-emploi au cours des cinq dernières années peut se prévaloir des programmes financés en vertu des EDMT à l'échelle provinciale et territoriale.

Par ailleurs, on modifie la définition d'admissibilité pour inclure les chômeurs ayant versé des cotisations ouvrières pendant au moins 5 des 10 dernières années. Par conséquent, une personne ayant versé des cotisations minimales d'assurance-emploi pendant 5 ans au cours des 10 dernières années, qui ne serait pas admissible aux prestations d'assurance-emploi, pourrait avoir accès aux programmes financés à partir des cotisations à l'assurance-emploi et offerts par les provinces et les territoires.

Je crois comprendre que lorsqu'on a mis en place les programmes d'emploi axés sur la formation des travailleurs, on souhaitait que les prestataires d'assurance-emploi ne soient plus des prestataires passifs et qu'ils participent plutôt à des mesures actives, par exemple, à de la formation qui leur permettrait de réorienter leur carrière et de réintégrer le marché du travail. Ainsi, ils cotiseraient au régime d'assurance-emploi au lieu de toucher des prestations. La définition d'admissibilité élargie englobe les initiatives de formation pour les personnes qui n'ont pas un fort attachement à la population active, ce qui correspond probablement à une meilleure utilisation des fonds publics.

Cela dit, parmi les changements apportés à la section 11 et à la section 14, il y aura des conséquences importantes pour les cotisants à l'assurance-emploi, et cela fait écho à certains commentaires formulés par Mme Moreau, de la FCEI. Les modifications aux prestations spéciales ainsi que les augmentations des transferts aux provinces et aux territoires en vertu des Ententes sur le développement du marché du travail ont été prises en compte par l'actuaire dans l'établissement du taux de cotisation.

Le ministère des Finances a prévu une augmentation du taux de cotisation des employés de 5 cents par tranche de 100 $ de rémunération, ce qui nous amènerait à 1,68 $, et de 7 cents pour les employeurs, pour un taux de 2,35 $ par tranche de 100 $. La contribution des employeurs correspond à 1,4 fois celle des travailleurs. Ce sont donc les projections de 2017 du ministère des Finances concernant le Compte des opérations de l'assurance-emploi. Toute l'information se trouve à la dernière page du bulletin que vous avez dans vos trousses. Lorsqu'on ajoute ces deux mesures, le prélèvement total représente plus de 4 p. 100; c'est donc un prélèvement important.

Il convient de noter que les charges sociales privent les employeurs de certaines ressources. Par conséquent, les employeurs demandent de plus en plus qu'on réduise leur cotisation et que le gouvernement rétablisse le financement des prestations spéciales. Je pense que le gouvernement s'est retiré complètement du financement de l'assurance-emploi vers les années 1990, alors cela fait longtemps que ce sont les employeurs et les employés qui financent entièrement le régime.

Le Comité permanent des ressources humaines, du développement des compétences, du développement social et de la condition des personnes handicapées, le comité HUMA, dans son rapport de 2016 intitulé Exploration des conséquences des récents changements à l'assurance-emploi et des moyens d'améliorer l'accès au programme, a formulé de très bonnes recommandations :

[...] qu'Emploi et Développement social Canada entreprenne une consultation auprès des intervenants clés afin de déterminer si l'ensemble des prestations spéciales ont toujours leur place dans le régime d'assurance-emploi ou si elles ne devraient pas être administrées de manière séparée.

Et :

[...] que le gouvernement fédéral explore des mécanismes visant à assurer que les fonds collectés aux fins du programme d'assurance-emploi servent à combler les besoins du programme.

Mon collègue et moi parlons ici des mesures en marge du programme et de la provenance des fonds.

Je vous remercie de porter attention à ces observations, et nous tenterons de répondre à vos questions.

Le président : Il est bien évident qu'il s'agit d'une question très simple. On croit bien comprendre, à première vue, lorsqu'on se penche sur les aspects généraux, mais lorsqu'on prend connaissance de toutes les questions qui sont liées, cela se complique. Heureusement, à la fin, nous n'aurons qu'à nous prononcer sur une demande précise, mais au moins, nous aurons tout le contexte.

Le sénateur Woo : Vous avez consacré beaucoup de temps et d'énergie pour comparaître ici, et ma question va peut- être vous sembler stupide, mais j'aimerais mieux comprendre l'idée de cibler les cotisations à l'assurance-emploi et les paiements aux fins de l'assurance-emploi. Vous avez dit qu'on passait d'une philosophie passive, où on se contente de verser des prestations aux personnes sans emploi, à des mesures plus actives qui aident les chômeurs à réintégrer la population active.

J'en conclus que vous voyez cela comme une orientation souhaitable et positive? Dans ce cas, je ne comprends pas pourquoi vous diriez que l'élargissement de l'admissibilité aux personnes sans emploi ayant versé des cotisations minimales d'assurance-emploi pendant 5 ans au cours des 10 dernières années ne favoriserait pas davantage une participation active par la recherche d'emploi. Comprenez-vous ma question? Je ne l'ai pas bien formulée.

Mme Andrew : Je comprends. Je fais la distinction ici entre les personnes qui sont admissibles à l'assurance-emploi, qui ont travaillé le nombre d'heures requis selon la norme variable d'admissibilité et qui ont cotisé suffisamment au régime, de sorte que si elles perdent leur emploi, elles auraient droit à des prestations, et celles qui ont versé des cotisations minimales d'assurance-emploi, mais qui sont sans emploi et ne sont pas admissibles au bénéfice des prestations. L'utilisation des fonds d'assurance-emploi à des fins productives visait à recycler les personnes qui touchaient des prestations d'assurance-emploi afin qu'elles puissent réintégrer le marché du travail. Il s'agit d'une autre catégorie de personnes. Ce sont peut-être des gens qui n'ont pas travaillé au cours des cinq dernières années, par exemple. Ils ont peut-être travaillé pendant 5 ans au cours des 10 dernières années. Vous voyez ce que je veux dire?

Le sénateur Woo : Oui.

Mme Andrew : Il s'agit de savoir quelle part du régime les cotisants à l'assurance-emploi devraient assumer, et c'est pourquoi on a recommandé que les fonds de l'assurance-emploi servent à répondre aux besoins du programme.

Le sénateur Woo : Monsieur Laliberté, avez-vous quelque chose à ajouter?

M. Laliberté : Mme Andrew l'a très bien expliqué. Tout le monde est d'accord pour dire qu'il faut combler ces besoins. Pour des raisons historiques, le gouvernement fédéral a choisi d'utiliser les fonds d'assurance-emploi pour financer la plupart de ces choses.

Les cotisations à l'assurance-emploi représentent une taxe régressive, et c'est un élément qu'il ne faut pas oublier. Comme je l'ai mentionné tout à l'heure, dans tout ce qui est financé à même l'assurance-emploi, l'élément le plus important est le soutien au revenu, lorsqu'on perd son emploi, et il a été inadéquat au cours des 20 dernières années. Je pense qu'il faut remédier à cette situation en priorité.

Mme Byers a parlé plus tôt des prestations sur mesure. Oui, c'est un peu ce qui se passe, et c'est inquiétant. Si nous pouvions simplement régler le problème de base, en priorité et convenablement, ce serait déjà un grand pas. Lorsqu'il s'agit de financer la formation et ainsi de suite, nous y sommes favorables. Mais cette formation devrait-elle être financée à même la caisse d'assurance-emploi?

Le sénateur Woo : Merci beaucoup.

Le président : Nous ferons venir le soutien supplémentaire à notre disposition pour obtenir des renseignements sur cette section.

Mesdames et messieurs, d'après ce que je comprends, le premier groupe de hauts fonctionnaires parlera seulement de la section 11 et deux autres hauts fonctionnaires en attente nous parleront ensuite de la section 14. Je crois également que M. Brown livrera un exposé, et que ses collègues l'aideront à répondre à nos questions.

J'aimerais préciser à tous les témoins que dans le cadre des témoignages que nous avons entendus à ce jour, nous avons abondamment parlé de l'ensemble du programme de l'AE, de ses nombreuses répercussions, et cetera. J'aimerais vous encourager à parler directement des enjeux liés à cette section précise. On nous a suffisamment parlé des enjeux généraux de l'ensemble du programme, et il nous sera maintenant utile de parler de la section 11 et d'entendre votre avis à cet égard.

Vous avez la parole, monsieur Brown. Après votre exposé, mes collègues vous poseront des questions.

Andrew Brown, directeur exécutif, Politique de l'assurance-emploi, Emploi et Développement social Canada (EDSC) : Merci, monsieur le président. Bonjour. Je suis directeur général intérimaire de la Politique de l'assurance-emploi. Je suis accompagné de Rutha Astravas, directrice, Prestations spéciales, Politique de l'assurance-emploi.

[Français]

Je vais parler des modifications proposées à la Loi sur l'assurance-emploi afin d'offrir plus de flexibilité aux parents et des prestations plus inclusives pour les proches aidants.

[Traduction]

Comme on vous l'a sûrement dit, l'assurance-emploi est le plus vaste programme du marché du travail au Canada, car il offre un soutien aux travailleurs lorsqu'ils perdent leur emploi pour des raisons indépendantes de leur volonté. C'est ce qu'on appelle les prestations régulières. Dans le cas de situations particulières qui se produisent dans la carrière d'un travailleur, le programme d'AE offre un soutien connu sous le nom de prestations spéciales de l'AE. C'est sur cet élément que nous nous concentrerons aujourd'hui.

Offertes pour la première fois en 1971, les prestations spéciales ont évolué et se sont étendues au fil du temps. Elles jouent un rôle important pour aider les gens à équilibrer leurs responsabilités professionnelles et personnelles, et elles comprennent les prestations de maternité, les prestations parentales, les prestations de compassion et les prestations de maladie. En ce qui concerne les prestations de maternité, les prestations parentales et les prestations de compassion qui sont touchées par les changements budgétaires, 379 000 Canadiens ont reçu ces prestations en 2015-2016, pour un total de 3,8 milliards de dollars.

L'automne dernier, le gouvernement a lancé un processus de consultation en ligne en vue d'offrir des prestations de maternité et des prestations parentales plus souples, ainsi que des mesures de soutien en matière de compassion plus inclusives aux Canadiens. Le ministre Duclos a également organisé, en novembre, une table ronde qui a réuni des intervenants clés, notamment des intervenants du milieu des affaires et des syndicats, des universitaires, des groupes d'aidants, ainsi que des représentants d'organismes de bienfaisance en santé, par exemple la Société canadienne du cancer et la Société canadienne de la sclérose en plaques, afin d'éclairer la voie à suivre relativement à ces engagements.

La Loi d'exécution du budget propose un certain nombre de changements qui permettront d'offrir une plus grande souplesse et des mesures de soutien supplémentaires aux familles. J'aimerais les décrire brièvement.

Tout d'abord, le projet de loi propose une nouvelle prestation d'assurance-emploi de 15 semaines aux aidants naturels. Les aidants naturels admissibles sont des membres de la famille qui s'absentent de leur travail pour fournir des soins à un adulte gravement malade, par exemple une personne qui se remet d'un accident ou d'une maladie grave. Dans le cas malheureux où l'état d'un membre de la famille se détériore au point de devenir une situation de fin de vie, les aidants pourront toujours avoir accès aux prestations de compassion existantes.

Deuxièmement, les changements offriront une plus grande souplesse aux familles en permettant à n'importe quel membre de la famille admissible à l'AE, et pas seulement aux parents, de profiter des 35 semaines de prestations existantes pour fournir des soins à un enfant gravement malade.

Troisièmement, afin d'améliorer l'accès à toutes les prestations de compassion de l'assurance-emploi, les médecins et le personnel infirmier praticien seront autorisés à délivrer les certificats médicaux requis. Cette mesure améliorera l'accès dont jouissent les Canadiens, surtout ceux qui vivent dans des régions rurales ou éloignées.

Ces améliorations liées aux prestations de compassion devraient aider 24 000 familles chaque année.

Quatrièmement, le projet de loi propose également d'apporter des changements aux prestations parentales et aux prestations de maternité de l'AE, afin d'offrir aux parents biologiques ou adoptifs davantage de choix et de souplesse pour répondre aux besoins de leur famille. Le projet de loi propose une plus grande souplesse pour les parents qui accueillent un nouveau-né ou un enfant nouvellement adopté, car ils auront le choix de recevoir des prestations parentales pendant la durée actuellement prévue de 35 semaines à 55 p. 100 de la rémunération hebdomadaire moyenne assurable du prestataire sur une période de 12 mois ou de choisir une période prolongée de 61 semaines de prestations à un taux de remplacement moins élevé de 33 p. 100 sur une période de 18 mois.

Cinquièmement, les femmes enceintes sur le marché du travail auront également une plus grande souplesse relativement à l'accès aux prestations de maternité, car ces prestations pourront être payées à partir de 12 semaines avant la semaine présumée de l'accouchement au lieu de la règle actuelle de 8 semaines avant la semaine présumée de l'accouchement. L'accès plus rapide aux prestations de maternité permettra aux femmes sur le marché du travail de mieux planifier en fonction de leur état de santé et des conditions de leur milieu de travail.

Dans l'ensemble, on s'attend à ce que ces changements produisent un effet positif, en particulier sur les femmes. En effet, en 2015, 87 p. 100 des nouvelles mères d'un bout à l'autre du pays qui occupaient un emploi assurable ont reçu des prestations de maternité ou des prestations parentales.

Le projet de loi veille à ce que les changements qui visent les travailleurs assurés visent également les travailleurs autonomes qui adhèrent au programme d'AE pour recevoir des prestations spéciales, et il adapte également les règles actuelles relatives à l'AE pour préciser quand et comment les prestations spéciales de l'AE peuvent être combinées.

[Français]

Ces changements proposés n'auront aucune répercussion directe sur les résidents du Québec, car la province offre actuellement des prestations de maternité, parentales et d'adoption par l'entremise du Régime québécois d'assurance parentale.

[Traduction]

Les changements apportés aux prestations de compassion s'appliquent à tous les Canadiens.

Les modifications proposées en vue d'accroître la souplesse des prestations parentales de l'AE et de rendre les prestations de compassion plus inclusives représentent une augmentation des coûts de l'ordre de 886 millions de dollars sur 5 ans et de 205 millions de dollars par année par la suite.

En vertu de la Loi sur l'assurance-emploi, ces coûts seront portés au débit du Compte des opérations de l'assurance- emploi et récupérés par l'entremise des cotisations à l'assurance-emploi.

Toutes ces modifications entreront en vigueur le même jour au cours de l'exercice 2017-2018. La date exacte reste à confirmer et elle sera fixée par décret du gouverneur en conseil.

[Français]

Je passe maintenant la parole à ma collègue, Margaret Hill, qui vous parlera des changements connexes au Code canadien du travail.

[Traduction]

Margaret Hill, directrice principale, Politique stratégique et réforme législative, Programme du travail, Emploi et Développement social Canada (EDSC) : Comme Andrew nous l'a rappelé, la section 11 propose d'apporter des changements aux deux prestations spéciales de l'AE, ainsi qu'au Code canadien du travail — en particulier à la partie III du Code canadien du travail. Je suis ici pour vous en parler.

Je travaille à la Politique stratégique et réforme législative du Programme du travail, et je suis accompagné de mon collègue, Charles Philippe Rochon.

Comme vous le savez peut-être, la partie III du Code canadien du travail fixe les conditions de travail minimales dans les secteurs sous réglementation fédérale. Ces conditions de travail, c'est-à-dire les normes du travail, régissent des notions tels le nombre maximal d'heures de travail, les vacances annuelles et les jours fériés.

Les secteurs sous réglementation fédérale emploient environ 6 p. 100 de l'ensemble des travailleurs canadiens et il s'agit de gens qui travaillent dans des industries telles les banques et le transport interprovincial et international, qui travaillent pour des sociétés d'État et qui exécutent certaines activités des Premières Nations. Au total, cela représente environ 904 000 Canadiens. La partie III du Code canadien du travail ne s'applique pas à la fonction publique fédérale.

En général, comme l'a dit Andrew, lorsqu'on apporte des changements aux prestations spéciales de l'AE, on apporte des changements correspondants à la partie III du Code canadien du travail et aux congés qu'elle prévoit, par exemple les congés de maternité et les congés de compassion, comme l'a mentionné Andrew. Cela permet de veiller à ce que les employés sous réglementation fédérale puissent avoir accès aux prestations spéciales de l'AE et à des congés similaires à ceux prévus dans le code, afin que leur emploi soit protégé lorsqu'ils reçoivent des prestations spéciales de l'AE.

En résumé, il s'agit de veiller à ce que les employés sous réglementation fédérale puissent prendre, par exemple, un congé de maternité et récupérer leur emploi à leur retour. Cela permet aussi d'éviter qu'ils craignent de perdre leur emploi pendant leur absence.

On propose donc d'apporter des modifications au code pour veiller à ce que les dispositions existantes relatives aux congés, surtout celles liées au congé de maternité, au congé parental, au congé de compassion et au congé en cas de maladie grave, soient parfaitement harmonisées aux changements proposés mentionnés par Andrew.

Dans l'ensemble, les coûts que devra assumer le Programme du travail pour apporter ces changements au code devraient être peu élevés, soit environ 400 000 $. La plus grande partie de ces coûts servira à payer la formation des inspecteurs du Programme du travail et à produire du matériel éducatif pour informer les employés et les employeurs des changements apportés aux dispositions relatives aux congés.

Le coût pour les employeurs devrait également être minimal; il dépendra de la durée du congé de l'employé et de la décision de l'employeur de payer des heures supplémentaires ou d'embaucher des travailleurs de remplacement.

Selon notre analyse, la réaction des parties intéressées à ces changements devrait être minimale, et jusqu'à ce jour, c'est le cas.

La sénatrice Stewart Olsen : Selon les témoins qui ont comparu avant vous, on ne semble pas manifester beaucoup d'enthousiasme à l'égard des prestations à deux niveaux de l'AE, c'est-à-dire les prestations sur 35 semaines à 55 p. 100 ou sur 61 semaines à 33 p. 100 pendant 18 mois. Puis-je connaître votre réaction à cet égard? Pourquoi feriez-vous cela si personne ne semble vouloir en profiter?

M. Brown : Nous avons certainement entendu l'avis de plusieurs parties intéressées, et nous avons entendu des réactions mitigées en ce qui concerne la souplesse offerte aux parents.

Du côté positif, des groupes ont mentionné la difficulté de trouver des services de garde abordables. En fait, de nombreuses personnes insistent pour qu'on augmente les services de garde abordables et pour qu'on prenne des mesures à cet égard à l'échelle nationale. Ces mêmes groupes ont indiqué, toutefois, que cette mesure aidera certaines personnes en leur offrant la possibilité de fournir eux-mêmes les soins pendant 18 mois en attendant qu'il y ait davantage de services de garde abordables.

En ce qui concerne l'aspect négatif, on nous a également affirmé que le taux de remplacement de 33 p. 100 n'est tout simplement pas suffisant pour de nombreuses familles, et que ce n'est pas du tout un choix dans leur cas. Certaines personnes croient que ces prestations suffiraient seulement aux familles aisées.

Je crois qu'il est également utile que je souligne que les familles à faible revenu qui reçoivent actuellement des prestations liées au supplément familial dans le cadre de l'AE seront en mesure de recevoir ce paiement supplémentaire pendant une plus longue période, c'est-à-dire pendant toute la période de 18 mois, si elles sont admissibles. Il y a donc un peu d'aide pour les personnes qui choisissent l'option sur une plus longue période, mais selon moi, c'est le type de proposition qui a reçu les réactions les plus mitigées.

Je crois qu'en ce qui concerne les autres parties intéressées en général, deux autres problèmes se posent. Par exemple, sur le plan de l'égalité entre les sexes, certaines personnes ont affirmé qu'il n'est pas souhaitable qu'une femme s'absente du marché du travail pendant plus longtemps, et elles ont donc indiqué que ce n'est peut-être pas la meilleure solution. Nous avons également entendu, je crois, aux tables rondes des parties intéressées, que les employeurs avaient souligné qu'il leur serait plus difficile de gérer une période prolongée de 18 mois. En effet, ils sont habitués à la période de prestations de maternité et de prestations parentales combinées de 12 mois, mais une période prolongée de 18 mois pourrait faire augmenter les coûts.

Les réactions ont été mitigées. J'aimerais toutefois souligner que différents groupes — des groupes de fournisseurs de soins, des organismes de bienfaisance en santé, et cetera — ont eu une réaction très positive à l'égard du soutien offert aux aidants naturels. Ces groupes ont fait l'éloge des propositions qui offrent un soutien supplémentaire aux familles.

La sénatrice Stewart Olsen : Merci. Des témoins ont déclaré qu'à leur avis, il s'agissait surtout de changements à la pièce. Cela n'inclut pas les changements apportés aux prestations de compassion.

J'ai une autre question sur l'accès pour les femmes 12 semaines avant la semaine présumée de l'accouchement. Dans le cadre des changements apportés à l'AE, c'est-à-dire la capacité de choisir une période prolongée, avez-vous considéré que cela pourrait éliminer des occasions d'emploi pour les femmes? Si je voulais embaucher des travailleurs, j'accorderais une grande importance à ce détail. En effet, j'embaucherais probablement un homme plutôt qu'une femme en âge de procréer. Avez-vous songé à cela dans le cas des petits employeurs et des petites entreprises?

M. Brown : Les propriétaires de petites entreprises ont certainement formulé des commentaires à cet égard. Plus précisément, la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante nous a communiqué ses préoccupations liées à la période de congé de 18 mois. Seuls quelques employés se retrouvent dans cette situation. Par exemple, deux employés seront peut-être en congé en même temps, et l'un de ces congés créera une situation très difficile à gérer.

Je crois qu'il convient également de noter que l'une des choses dont on a parlé plus tôt et qui faisaient partie des consultations, c'est l'idée de permettre aux travailleurs de revenir au travail et de repartir pendant cette période de 18 mois. C'est l'un des éléments qui ne font pas partie de la proposition budgétaire. On parle plutôt d'un bloc fixe dans la période prévue. Selon moi, il est difficile d'estimer l'impact que cela aurait sur les employeurs dans le cadre de leurs décisions d'embauche.

La sénatrice Stewart Olsen : Merci beaucoup. Je vous suis reconnaissante de vos réponses.

Le sénateur Dean : Merci. Cet après-midi, nous avons appris à quel point ce sujet est complexe. Je vous remercie donc de vos travaux à cet égard. J'aimerais aussi poser deux brèves questions.

Tout d'abord, nous avons entendu parler du choix difficile lié aux périodes de 12 et 18 mois. Cela semble réellement représenter un choix difficile, surtout pour la personne qui choisit la période de 18 mois et qui, au 10e ou au 11e mois, décide qu'elle est prête à retourner au travail. Elle a fait un choix et reçoit des prestations moins élevées. Il semble exister un risque de perte dans ce cas. Étiez-vous d'avis que ce choix offrait une plus grande souplesse? Est-ce plus difficile sur le plan administratif? Pourquoi vous êtes-vous retrouvés avec le choix difficile?

L'autre question, très brièvement, concerne les congés non payés pour les aidants. En effet, dans certains milieux de travail, il sera plus facile de faire ce choix que dans d'autres. Puis-je présumer qu'une partie des améliorations de la section 17 à l'application de la partie III sont liées à cela? Est-ce une hypothèse raisonnable?

M. Brown : Voulez-vous répondre d'abord à la question sur le choix?

Rutha Astravas, directrice, Prestations spéciales, Politique de l'assurance-emploi, Emploi et Développement social Canada (EDSC) : Je serai heureuse de répondre à une partie de votre question. En ce qui concerne la décision difficile, à l'étape de la conception, nous avons examiné ce que font d'autres territoires lorsqu'un choix est offert. Par exemple, certains témoins ont mentionné plus tôt que le Québec offre un choix de plans, et qu'il faut faire son choix au début du processus. Cette décision est irrévocable.

Dans notre cas, nous envisageons de faire la même chose pour plusieurs raisons. Étant donné qu'il est possible de partager les prestations entre les deux parents dans notre plan, les deux parents doivent avoir le même plan. Un parent fait donc le premier choix et au moment où il commence à recevoir les paiements, les deux parents doivent avoir le même plan pour veiller à partager le même nombre de semaines et ne pas être surpayés.

Ce choix difficile entraîne également d'autres conséquences. En effet, des témoins précédents ont indiqué que cela facilite la tâche aux employeurs lorsqu'ils connaissent la période exacte pendant laquelle un employé sera absent. Pendant nos consultations, on nous a précisé qu'il était important que la période de congé de l'employé soit prévisible et connue — il y a la question des congés légaux —, car cela permet aux employeurs de gérer les congés des autres employés.

En résumé, oui, c'est un choix difficile, et une fois le premier paiement reçu, on ne peut pas revenir en arrière.

Le président : Madame Hill ou monsieur Rochon, aimeriez-vous formuler de brefs commentaires sur l'autre section?

Charles Philippe Rochon, gestionnaire par intérim, Normes du travail et Programme de protection des salariés, Direction du milieu de travail, Programme du travail, Emploi et Développement social Canada (EDSC) : En ce qui concerne la section 17, oui. Afin de vous donner un aperçu, la section 17 de la Loi d'exécution du budget propose plusieurs modifications au Code canadien du travail, afin d'améliorer les mesures de conformité et d'application. Cela comprend plusieurs mesures qui auront des effets sur la partie II, Santé et sécurité au travail, et sur la partie III, les normes du travail.

Parmi ces mesures — je ne vais pas toutes les nommer, car je sais que votre temps est limité —, il y aura notamment une protection contre les représailles, ce qui permettra à un employé de présenter une plainte si, dans l'exercice d'un droit prévu dans la partie III, cet employé a été congédié ou rétrogradé ou a subi d'autres représailles. Donc, dans cette perspective, oui, cette mesure concorde certainement avec des protections liées au congé de maternité, au congé parental et au congé de compassion. Il y a également d'autres mesures, notamment le pouvoir d'émettre des ordonnances exécutoires, des avis de violation et des sanctions pécuniaires administratives en cas de violations. Toutes ces mesures aideront à appuyer et à faciliter la mise en œuvre des nouvelles protections ajoutées à la partie III du code.

La sénatrice Petitclerc : J'ai une question. Je ne sais pas si vous pourrez y répondre, mais j'aimerais connaître brièvement le contexte de ces modifications. Différents intervenants nous ont parlé. Nous n'avons toutefois entendu aucun témoignage de femmes ou de mères. Ce sont pourtant elles qui m'intéressent, étant donné qu'il s'agit selon moi d'un choix. Certains nous disent que la mesure compliquera un peu le travail des employeurs, par exemple, mais au bout du compte, j'ai l'impression qu'il s'agit aussi d'un important choix de société lorsque nous offrons des options et une certaine souplesse.

Je me demande si ces décisions ont été prises après les consultations et de quelle façon nous en sommes arrivés là. Quand je pense à tout ce qu'on entend sur la santé et l'attachement lors de la petite enfance, cette mesure semble correspondre énormément à tout cela. Je suis donc curieuse d'en connaître le contexte.

M. Brown : Je vais voir si je peux répondre à la question.

La sénatrice Petitclerc : C'était une grande question.

M. Brown : Les consultations qui ont été menées portaient plus que tout sur la souplesse, et s'attardaient aux façons d'aider les familles en leur offrant une certaine souplesse.

La possibilité d'avoir un congé de 18 mois contribue à obtenir des services de garde abordables. Mais ce n'est pas le seul effet. Par exemple, si le couple peut bénéficier de 18 mois, la mère pourrait en prendre 12 et, le père, 6. Voilà qui donne plus de temps et permet de partager selon différentes combinaisons et permutations.

Je dirais que, dans l'ensemble, les consultations étaient surtout axées sur la souplesse, un thème qui a été sélectionné par le gouvernement. Toutefois, je pense qu'il était très clair lors des consultations que d'autres éléments devaient être abordés mis à part la souplesse, d'après ce que nous avons entendu. Ce n'est pas ce qui se trouve dans le projet de loi pour l'instant, mais vous avez peut-être entendu ces choses plus tôt. Les gens parlent d'élargir l'accès au programme d'assurance-emploi, ou de simplement renforcer les prestations de maternité et les prestations parentales, peut-être en ce qui a trait au montant versé et au taux des prestations. D'autres ont proposé une prestation de paternité propre au père pour encourager les pères ou deuxièmes parents de façon plus générale à participer aux soins dispensés aux nouveau-nés ou aux enfants nouvellement adoptés.

D'autres idées ont été avancées, mais le projet de loi s'attarde vraiment à l'objet des consultations, à savoir la souplesse. En fait, la souplesse correspond aux différentes compositions familiales que nous observons de nos jours par rapport à autrefois. Le milieu du travail évolue aussi, de sorte que les gens peuvent avoir des modèles de travail différents dans lesquels une plus grande souplesse les aiderait à composer avec leurs obligations familiales aussi. J'espère vous avoir aidé à replacer les choses dans leur contexte.

La sénatrice Petitclerc : Oui, merci.

Mme Astravas : Pour compléter la réponse à propos de ce que les mères et les femmes ont dit, lors des consultations, nous avons également recueilli les commentaires de parents adoptifs, de même que de parents de naissances multiples, c'est-à-dire ceux qui ont des jumeaux et des triplets. Ces deux groupes ont dit avoir besoin de plus de semaines de congés et de prestations. Lors des consultations, nous avons appris que malgré les préoccupations relatives au taux de remplacement, certains trouvaient plus important d'avoir du temps étant donné que ce n'était pas possible auparavant.

Le président : Nous allons maintenant changer de sujet et laisser le prochain groupe prendre place. Nous tenons à vous remercier d'avoir clarifié la question et d'avoir été avec nous aujourd'hui.

Chers collègues, nous recevons maintenant deux témoins. M. Shaw va prononcer un discours liminaire, qui portera exclusivement sur la section 14.

Duncan Shaw, directeur, Assurance-emploi, Partie II Prestations et Mesures, Politique et conception des programmes d'emploi, Direction-générale des compétences et emploi, Emploi et Développement social Canada (EDSC) : La partie II de l'assurance-emploi de la Loi sur l'assurance-emploi a pour objet d'aider à maintenir un régime d'assurance-emploi durable à la fois par la mise sur pied de prestations d'emploi pour les participants et par le maintien d'un service national de placement. C'est fait au moyen de la création de programmes d'emploi, qu'on appelle des prestations d'emplois et des mesures de soutien, qui visent à aider les personnes sans emploi au Canada à se préparer à l'emploi, à en obtenir un et à le conserver. Dans les années 1990, l'assurance-emploi relevait surtout du gouvernement fédéral. Depuis les 20 dernières années, les provinces, les territoires et les organisations autochtones ont progressivement pris le relais pour finir par s'en occuper exclusivement depuis 2010.

La partie II de l'assurance-emploi permet de soutenir les prestations d'emploi similaires qui sont offertes par les provinces et les territoires en vertu des ententes sur le développement du marché du travail, et par les organisations autochtones dans le cadre de la Stratégie de formation pour les compétences et l'emploi destinée aux Autochtones. La Loi sur l'assurance-emploi prévoit que seuls les participants peuvent avoir accès à des prestations d'emploi — des programmes comme le Développement des compétences et les Subventions salariales. Dans la loi actuelle, un participant désigne l'assuré qui demande de l'aide dans le cadre d'une prestation d'emploi et qui est un chômeur à l'égard de qui une période de prestations a été établie ou a pris fin au cours des 60 derniers mois. Voilà la définition actuelle d'un participant.

L'été dernier, nous avons réalisé des consultations importantes auprès des parties prenantes à propos du programme de 2,1 milliards de dollars relatif aux ententes sur le développement du marché du travail. À cette occasion, les intervenants, y compris les provinces et les territoires, nous ont dit très clairement que nous devrions essayer d'élargir la portée de ces ententes et d'en augmenter le financement. Voilà pourquoi un financement additionnel de 1,8 milliard de dollars sur six ans a été annoncé dans le budget de 2017 pour ces programmes. De plus, pour répondre à la demande du Conseil de la fédération, c'est-à-dire les premiers ministres qui demandent d'élargir la portée des ententes sur le développement du marché du travail, nous avons élaboré les politiques qui sont devenues la section 14.

La section 14 de la partie 4 modifie la Loi sur l'assurance-emploi afin d'élargir l'admissibilité aux prestations d'emploi, de façon à inclure les chômeurs qui ont versé les cotisations minimales à l'assurance-emploi — le minimum est supérieur au seuil de remboursement des cotisations de 2 000 $ — pendant au moins 5 des 10 dernières années. Elle élargit également l'admissibilité aux services d'aide à l'emploi et aux mesures de soutien — des services comme le counselling d'emploi, l'aide à la recherche d'emploi, les clubs de recherche d'emplois, et ainsi de suite — qui sont actuellement offerts à tous les chômeurs canadiens. Désormais, les outils seront également offerts aux Canadiens qui occupent un emploi, y compris des emplois précaires et à temps partiel, ce qui augmentera considérablement le nombre de personnes pouvant obtenir l'aide des provinces, des territoires ou des organisations autochtones dans le cadre de l'assurance-emploi.

En troisième lieu, la section augmente la souplesse et permet de soutenir la formation parrainée par l'employeur en élargissant les conditions d'admissibilité, dans le cadre de nos partenariats sur le marché du travail, pour inclure les employeurs dont les employés ont besoin d'une aide à la formation pour conserver leur emploi actuel. C'est pour des situations où des entreprises doivent s'adapter aux changements technologiques ou structurels au sein de l'économie. Les définitions des changements technologiques ou structurels seront établies prochainement avec la collaboration des provinces et des territoires.

Compte tenu de ce que nous avions entendu de la part des intervenants, nous pensons qu'il s'agit d'un élargissement considérable de la portée aux termes de la partie II sur l'assurance-emploi. Même si les parties intéressées ont bien réagi au financement supplémentaire pour la formation, il n'y a pas eu beaucoup de réactions sur la question de l'admissibilité, mais les séances d'information initiales des provinces et des territoires ont été très positives.

Pour terminer, ces modifications entreront en vigueur le 1er avril 2018.

Je vous remercie.

Le président : Merci beaucoup.

La sénatrice Stewart Olsen : J'ai deux questions à ce sujet. Quelle est l'incidence de ces mesures sur les travailleurs saisonniers? Au fond, si ces personnes travaillent pendant un certain temps, puis s'arrêtent pendant cinq ans, pourraient-elles tout de même recevoir des prestations? Est-ce bien ce que vous dites?

S'agit-il d'un recul? Nous avons modifié le nom du texte législatif pour la « Loi sur l'assurance-emploi ». Ne revient- on pas maintenant à la « Loi sur l'assurance-chômage »? Je ne veux pas vous mettre sur la sellette, mais je n'ai pas l'impression qu'il s'agit d'un grand bond vers l'avant.

M. Shaw : Pour ce qui est des travailleurs saisonniers, je pense que la modification augmente probablement l'accès de ces travailleurs aux prestations relatives à la formation. Par contre, je trouve essentiel de savoir que les 2,1 milliards de dollars investis dans les ententes sur le développement du marché du travail sont répartis entre les provinces et les territoires. Puisque ces instances doivent se limiter à ce budget, ce n'est pas comme si la somme suffisait à couvrir les besoins en formation; elles doivent donc décider qui elles aideront. Ainsi, la plupart des travailleurs saisonniers n'ont pas accès aux fonds destinés à la formation, car ils sont réservés aux personnes qui ont un plan d'action de retour au travail parce qu'elles ont été déplacées ou effectuent une transition. Je pense bien franchement que peu de travailleurs saisonniers demandent ce genre d'aide, quoi que le Québec et le Nouveau-Brunswick cherchent tous les deux des façons de faire travailler à l'année les travailleurs saisonniers.

Pour ce qui est du changement qui a été apporté en 1996 au nom de la Loi sur l'assurance-emploi, je pense que l'objectif était de mettre l'accent sur l'emploi. Puisque la mesure est offerte à plus de gens qui contribuent à l'assurance- emploi, nous considérons que c'est conforme à l'ensemble du programme.

La sénatrice Stewart Olsen : N'êtes-vous pas en train d'imposer des répercussions énormes aux provinces? Celles-ci ont une somme d'argent donnée. Lorsqu'elles n'en auront plus, c'est le principe du premier arrivé, premier servi qui s'applique. Si elles manquent d'argent et que le programme est en place, elles devront faire appel au gouvernement fédéral. Je n'imagine pas qu'elles puissent décider de ne pas donner d'argent à une personne qui y a droit parce qu'elles n'en ont plus. Avez-vous envisagé cela?

M. Shaw : Bien sûr. Tout ceci est fondé sur des consultations majeures auprès des provinces et des territoires, mais surtout, qui ont aussi été menées par les provinces et les territoires. Nous avons collaboré étroitement pendant des mois pour préparer un rapport de consultation d'envergure. Les provinces et les territoires voulaient plus d'argent, ce qui fait bien sûr partie du budget, mais ils désiraient également avoir beaucoup plus de souplesse sur la façon d'utiliser les fonds. À l'heure actuelle, ils ne peuvent pas se servir comme ils le veulent du montant accordé dans le cadre de l'entente sur le développement du marché du travail, qui est beaucoup plus important que la somme versée dans les programmes du Trésor, comme le Fonds canadien pour l'emploi, les ententes sur le marché du travail visant les personnes handicapées, et l'Initiative ciblée pour les travailleurs âgés.

Voilà qui change la donne et permet aux provinces d'utiliser plus d'argent de l'entente sur le développement du marché du travail pour un bassin élargi, ce qui exerce un peu moins de pression sur ce qui deviendra une nouvelle entente de perfectionnement de la main-d'œuvre, lorsque les prochaines ententes seront signées. Les provinces voulaient plus de souplesse, et alors que le nouveau fonds parvient à maturité, elles auront accès à une hausse de 22 p. 100 dans ce programme. Jusqu'à maintenant, nous trouvons que la combinaison des 22 p. 100 additionnels et de la souplesse accrue est exactement ce que les provinces recherchaient.

Le président : Je pense que ces éléments nous ont été exposés de façon assez complète, et je crois que vous nous avez donné des réponses très claires. Je vous remercie d'être venus aujourd'hui.

Chers collègues, je vais vous demander de rester en place. Nous allons poursuivre à huis clos, et allons recueillir vos commentaires et vos conseils sur notre rapport à l'intention des analystes.

(La séance se poursuit à huis clos.)

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