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SOCI - Comité permanent

Affaires sociales, sciences et technologie

 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie

Fascicule no 32 - Témoignages du 29 novembre 2017


OTTAWA, le mercredi 29 novembre 2017

Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, auquel a été renvoyé le projet de loi C-36, Loi modifiant la Loi sur la statistique, se réunit aujourd’hui, à 16 h 18, pour étudier ce projet de loi.

Le sénateur Art Eggleton (président) occupe le fauteuil.

[Français]

Le président : Bienvenue au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie.

[Traduction]

Je suis Art Eggleton, sénateur de Toronto et président du comité. Je demanderais aux autres membres du comité de se présenter, en commençant ici à ma gauche.

[Français]

La sénatrice Petitclerc : Chantal Petitclerc, du Québec, vice-présidente du comité.

[Traduction]

La sénatrice Cordy : Jane Cordy, de la Nouvelle-Écosse.

La sénatrice Omidvar : Je suis la sénatrice Ratna Omidvar, de l’Ontario.

Bonjour, monsieur le ministre.

Le sénateur Dean : Je suis le sénateur Tony Dean, et je représente l’Ontario.

La sénatrice Frum : Linda Frum, de l’Ontario.

Le sénateur Manning : Je suis Fabian Manning, et je représente Terre-Neuve-et-Labrador.

La sénatrice Bernard : Je suis Wanda Thomas Bernard, et je représente la Nouvelle-Écosse.

[Français]

La sénatrice Mégie : Marie-Françoise Mégie, du Québec.

[Traduction]

La sénatrice Raine : Nancy Greene Raine, de la Colombie-Britannique.

La sénatrice Griffin : Diane Griffin, de l’Île-du-Prince-Édouard.

La sénatrice Seidman : Je suis Judith Seidman, vice-présidente. Je viens de Montréal, au Québec.

Le président : Aujourd’hui, nous tenons notre première séance sur le projet de loi C-36, Loi modifiant la Loi sur la statistique. Nous sommes heureux d’accueillir l’honorable Navdeep Bains, ministre de l’Innovation, des Sciences et du Développement économique, qui nous présentera le projet de loi C-36. Nous accueillons également John Knubley, sous-ministre. Monsieur le ministre, nous vous écoutons.

L’honorable Navdeep Bains, C.P., député, ministre de l’Innovation, des Sciences et du Développement économique : Merci beaucoup, monsieur le sénateur. Je tiens à vous dire que je suis heureux d’avoir à mes côtés le sous-ministre John Knubley, qui nous sert d’expert quant à la teneur du projet de loi. Si vous avez des questions techniques, il se fera un plaisir de vous répondre. Le statisticien en chef comparaîtra après nous également. Vous serez bien servis.

Avant d’entamer mes observations préliminaires, j’aimerais profiter de l’occasion pour vous féliciter de votre nomination au poste de président du comité, et féliciter aussi les sénatrices Petitclerc et Seidman d’avoir été nommées vice-présidentes.

J’ai déjà eu le plaisir de comparaître devant votre comité et je me réjouis à l’idée de travailler avec tous les honorables sénateurs sur les sujets d’actualité. Je tiens notamment à remercier votre collègue, la sénatrice Cordy, qui a parrainé ce projet de loi important au Sénat.

Enfin, j’aimerais remercier les sénatrices Frum, Gagné et Griffin de leurs observations intéressantes exprimées durant le débat en deuxième lecture, observations dont j’ai pris bonne note.

Monsieur le président, comme vous l’avez indiqué, je suis heureux de m’adresser au comité aujourd’hui au sujet du projet de loi C-36, Loi modifiant la Loi sur la statistique.

[Français]

Nous sommes tous d’accord pour dire qu’il est important d’obtenir des statistiques fiables et très précises qui répondent aux besoins des intervenants.

[Traduction]

Les statistiques sont un bien commun. Elles sont utiles aux entreprises, aux organismes sans but lucratif, aux particuliers et à tous les ordres de gouvernement, car elles fournissent de l’information à l’appui des décisions fondées sur des données probantes.

Le gouvernement doit s’assurer que les renseignements statistiques sont de la plus grande qualité possible; or, l’un des critères de la qualité optimale est l’impartialité. La qualité des renseignements statistiques est optimisée lorsque les décisions concernant les opérations et les questions de statistiques ne sont pas soumises au contrôle quotidien du gouvernement. C’est la raison pour laquelle je parlerai surtout sur la codification de l’indépendance aujourd’hui.

Par convention, Statistique Canada est traité comme un organisme indépendant, et les interventions directes du ministre qui en est responsable sont minimes. Toutefois, l’indépendance de l’organisme n’est pas codifiée dans la loi. La décision qui a été prise en 2011 de remplacer le questionnaire détaillé obligatoire du recensement par une enquête à participation volontaire a exposé une vulnérabilité de la Loi sur la statistique. Cette vulnérabilité a permis au gouvernement en place de prendre, sans grande ouverture ou transparence, une décision liée aux statistiques.

Notre gouvernement a rapidement rétabli le questionnaire détaillé obligatoire du recensement pour remédier à la situation. En fait, ce fut l’une de mes toutes premières interventions en tant que ministre de l’Innovation, des Sciences et du Développement économique. Il faut souligner la réaction des Canadiens. Les Canadiens se sont investis de façon incroyable et ont réagi très rapidement au rétablissement du questionnaire.

[Français]

Toutefois, il faut aller plus loin pour que les décisions en matière de statistique soient prises de façon indépendante et qu’elles soient fondées sur des considérations professionnelles.

[Traduction]

Les modifications proposées au projet de loi codifient la convention de longue date concernant l’indépendance de Statistique Canada. Permettez-moi de vous présenter ces modifications et de vous donner des précisions sur certains aspects qui ont suscité des questions pendant le débat en deuxième lecture. Je le répète, je me ferai un plaisir de répondre à vos questions après ma déclaration.

La première modification concerne les pouvoirs d’instruction et les responsabilités. En vertu de la loi, le ministre responsable de Statistique Canada détient l’autorité générale pour ce qui est des décisions concernant les opérations de l’organisme et ses méthodes de collecte, de compilation, de production et de diffusion des renseignements statistiques. Dans la pratique, ces pouvoirs sont délégués au statisticien en chef.

Le projet de loi modifiera la loi de façon à établir officiellement que le statisticien en chef est responsable de toutes les décisions entourant les opérations et les questions statistiques. C’est un point clé qui permettra de renforcer l’indépendance de Statistique Canada et d’harmoniser notre loi ici au Canada avec les principes des Nations Unies et les pratiques recommandées par l’OCDE.

[Français]

Les modifications définissent avec plus de clarté les responsabilités respectives du ministre et du statisticien en chef. Elles comprennent des exigences en matière de transparence et de reddition de comptes envers les Canadiens.

[Traduction]

Par exemple, le projet de loi accorde clairement au statisticien en chef le pouvoir de prendre des décisions concernant les opérations et les questions de statistiques. Cependant, comme les statistiques constituent un bien commun, le projet de loi fait en sorte que le ministre continue de rendre des comptes au Parlement au nom de l’organisme.

Le projet de loi précise également que le ministre conservera le pouvoir d’émettre des directives sur les programmes statistiques, car l’information est d’une importance vitale et les besoins par rapport aux données évoluent constamment au rythme des changements sociétaux et économiques. S’il est vrai que Statistique Canada est doté d’un vaste processus de consultation et de nombreuses entités de consultation qu’il utilise pour cerner les besoins prioritaires en matière de données, l’expérience montre que le gouvernement a un rôle essentiel à jouer.

Toutefois, le projet de loi autorise le statisticien en chef à demander des directives écrites publiques avant de se conformer aux directives ministérielles ou gouvernementales. Le projet de loi confère clairement au statisticien en chef la responsabilité de décider des méthodes de collecte de données, y compris si les enquêtes doivent être de nature obligatoire ou facultative.

Les enquêtes obligatoires peuvent être intrusives, et ceux qui n’y répondent pas sont passibles de sanctions. Ainsi, le projet de loi exige que les décisions prises dans le but de rendre une enquête obligatoire doivent être rendues publiques pour des raisons de transparence. Le projet de loi précise aussi que le ministre doit être avisé de telles décisions avant qu’elles ne soient mises en œuvre.

Si le ministre estime qu’il doit prendre une décision qui concerne directement des questions statistiques, le projet de loi exige que cette décision soit entérinée par le gouverneur en conseil et déposée au Parlement.

[Français]

Comme vous pouvez le constater, le projet permet de protéger l’indépendance et de garantir l’appartenance, la transparence et la capacité de demander des comptes au gouvernement pour les décisions ayant un impact sur les Canadiens.

[Traduction]

J’aimerais aussi vous parler du nouveau conseil consultatif. Le projet de loi prévoit la création d’un nouveau conseil consultatif de la statistique pour remplacer l’ancien Conseil national de la statistique. Le nouveau conseil fournira des avis sur la qualité générale du système de statistiques du Canada afin de s’assurer que ce dernier continue de répondre aux besoins des Canadiens.

Lors du débat en deuxième lecture du projet de loi, des questions ont été posées sur la raison d’être du nouveau conseil. Nous avons aussi pris note des préoccupations au sujet de la représentativité du nouveau conseil et des nominations partisanes qui pourraient être faites.

La raison pour laquelle nous voulons créer un nouveau conseil est simple : la transparence et l’orientation stratégique.

[Français]

L’inclusion dans la loi d’une disposition au sujet du nouveau conseil favorisera la transparence des travaux menés et des conseils donnés. On m’a rapporté qu’il était difficile de savoir qui siège au conseil actuellement.

[Traduction]

Il est très difficile de savoir quels enjeux ont été examinés par le conseil et quels avis il a donnés au statisticien en chef. Ce ne sera plus le cas avec le nouveau conseil. Les membres du nouveau conseil devront fournir des avis sur des enjeux précis touchant à la qualité globale du système de statistiques du Canada, et préparer un rapport sur l’état du système, afin qu’il y ait la transparence et la responsabilisation voulues.

Les 10 membres du conseil seront en mesure de fournir les avis demandés de manière approfondie et stratégique.

Le nouveau conseil doit avoir des objectifs fortement stratégiques, et je m’attends à ce que le conseil fonde ses avis en s’appuyant sur différentes sources, dont le statisticien en chef et les composantes de la structure consultative étendue de Statistique Canada. Je vais vous parler de cette structure consultative dans un instant.

Le nouveau conseil viendra compléter la structure des comités consultatifs déjà en place à Statistique Canada, ce qui comprend sept comités provinciaux et territoriaux, dont le Conseil consultatif fédéral-provincial-territorial de la politique statistique, qui veillent à ce que toutes les provinces et tous les territoires aient leur mot à dire concernant les questions de statistiques.

Il y a également 13 comités consultatifs dans des domaines divers, qui regroupent près de 200 membres de l’ensemble des provinces et territoires, constituant ainsi une représentation fidèle de la société canadienne.

Les membres du nouveau conseil seront nommés par le gouverneur en conseil à la suite d’un processus ouvert et transparent fondé sur le mérite. Ce processus limitera les nominations partisanes.

J’aimerais maintenant vous parler rapidement du mode de nomination du statisticien en chef.

[Français]

Le projet de loi changera aussi le mode de nomination du statisticien en chef. Son mandat ne dépassera pas cinq ans et pourra être renouvelé.

[Traduction]

Cette nomination sera le produit d’un processus de sélection ouvert, transparent et fondé sur le mérite, comme je l’ai indiqué plus tôt, conformément à la nouvelle approche du gouvernement sur les nominations faites par le gouverneur en conseil. Le statisticien en chef occupera son poste à titre amovible, ce qui veut dire qu’il pourra seulement être démis de ses fonctions par le gouverneur en conseil si des raisons suffisantes le justifient. Ce ne sera plus à la discrétion du ministre, mais selon le rendement et le comportement du titulaire. Cela renforcera l’indépendance du pouvoir décisionnel du statisticien en chef.

Pour ce qui est de la suggestion voulant que cette nomination soit approuvée par les deux Chambres du Parlement, car je sais qu’on en a aussi parlé pendant le débat, les modifications proposées dans le projet de loi C-36 cadrent avec la pratique pour les nominations dans les organisations de la branche exécutive du gouvernement. Cette façon de faire est conforme aux pratiques internationales, notamment celles de la Nouvelle-Zélande, de l’Australie et du Royaume-Uni, à titre d’exemple, des pays où les nominations sont également faites par l’appareil exécutif sans l’approbation du Parlement. Il serait inhabituel d’appliquer au directeur adjoint d’un organisme de l’appareil exécutif les mêmes conditions en matière de nomination que celles appliquées aux agents du Parlement, qui assurent des fonctions de surveillance importante et relèvent directement du Parlement.

Je vais souligner brièvement quelques modifications, telles que l’élimination de la peine d’emprisonnement. Comme vous pourrez bien comprendre, cette question a suscité énormément de commentaires pendant le débat sur le formulaire de recensement obligatoire et facultatif. Le projet de loi supprime la peine d’emprisonnement pour les personnes qui refusent de donner suite aux demandes de renseignements obligatoires. Les Canadiens qui ne respectent pas leurs obligations continueront à être passibles d’amendes pouvant aller jusqu’à 500 $.

J’aimerais également vous parler d’un autre sujet qui est survenu pendant le débat, c’est-à-dire la modification qui prévoit le transfert des dossiers du recensement après 92 ans à Bibliothèque et Archives Canada pour tous les recensements de la population menés à partir de 2021. Cela est conforme à notre engagement en matière d’ouverture et d’accessibilité des données. La période d’attente de 92 ans constitue le juste équilibre entre le besoin d’information et le souci de protéger les renseignements personnels des Canadiens.

[Français]

Enfin, le projet de loi comporte des modifications à certains termes de la loi pour tenir compte des avancées technologiques touchant les méthodes de collecte des données. Cela comprend entre autres l’utilisation de questionnaires électroniques plutôt que papier.

[Traduction]

Les modifications prévues dans le projet de loi C-36 feront en sorte que les Canadiens pourront continuer à se fier à l’intégrité et à l’exactitude des données produites par Statistique Canada.

En conclusion, monsieur le président, nous sommes convaincus que les modifications contenues dans le projet de loi C-36 rehausseront et protégeront l’indépendance de Statistique Canada, et favoriseront la transparence et la prise de décisions fondée sur des données probantes.

Je tiens à remercier toutes les personnes et tous les représentants qui prendront le temps de comparaître devant votre comité pour fournir des avis et des observations sur les travaux importants que vous menez dans le cadre de votre examen du projet de loi C-36.

Pour terminer, j’aimerais vous remercier, honorables sénateurs, pour vos réflexions approfondies, et je suis impatient de recevoir vos commentaires concernant ce projet de loi important. Merci beaucoup.

Le président : Merci. Nous allons certes vous faire nos observations et commentaires bien réfléchis, mais commençons par des questions. Nous suivrons notre procédure habituelle lorsque nous sommes saisis d’un projet de loi, c’est-à-dire que nous commencerons par la marraine et la porte-parole, suivies des deux vice-présidentes.

La sénatrice Cordy : Merci beaucoup, monsieur le ministre, d’être venu du côté du Sénat nous parler de votre projet de loi. Quel plaisir de vous accueillir. Je tiens à vous dire que ce fut un réel plaisir de travailler avec vos collaborateurs et l’équipe ministérielle. Ces personnes ont répondu à toutes mes questions de façon très aimable. Je ne suis point experte en la matière, et j’ai posé beaucoup de questions auxquelles ces gens n’ont probablement jamais eu à répondre auparavant.

Je suis ravie de voir que le statisticien en chef sera désormais nommé pour une période de cinq ans, et non à titre amovible par le ministre, ce qui veut dire que le titulaire du poste peut ne pas être d’accord avec le ministre sans se faire licencier pour autant. Il est également bien de voir l’élimination de la peine d’emprisonnement, car c’était une question dont on a souvent parlé au Sénat avant le dépôt du projet de loi.

Lors de la deuxième lecture, on m’a posé une question sur la composition du nouveau conseil consultatif, composition qui me plaît d’ailleurs. J’aime bien l’idée que ce soit un conseil public qui doit déposer un rapport annuel puisqu’auparavant, on ne savait pas à quelle fréquence le comité se réunissait, ni ce qui était à l’ordre du jour, et j’ai l’impression qu’un rapport annuel va nous renseigner sur certains aspects. On dit que l’information publique est le meilleur désinfectant, et cette modification sera sans doute très utile.

On m’a posé une question lorsque je suis intervenue lors de la deuxième lecture, et la question portait sur le conseil : pourquoi seulement 10 membres? Nous avons 10 provinces et 3 territoires, et l’ancien conseil pouvait réunir jusqu’à 40 membres. Pourquoi prendre la décision de faire de ce conseil un petit comité? Les sénateurs ont posé la question, car ils se soucient de la représentation de tout le pays.

M. Bains : Merci de votre question. J’ai tenté d’y répondre lors de ma déclaration liminaire, et je vais souligner certains points. Tout d’abord, merci encore du leadership dont vous avez fait preuve à l’égard de ce projet de loi, et de votre travail au Sénat.

En ce qui concerne la très importante question de la représentation, nous voulons être sûrs qu’il s’agit d’une représentation réelle dans le cadre du processus. J’ai indiqué qu’à l’heure actuelle, nous avons un conseil consultatif fédéral-provincial sur la politique statistique, ce qui veut dire que nous avons déjà un mécanisme en place afin de faire participer les divers territoires et provinces. Il existe 13 comités consultatifs réunissant 200 membres qui représentent toutes les régions du Canada, ce qui donne beaucoup d’occasions aux personnes venant des diverses régions d’être représentées dans le processus.

Si nous avons choisi d’avoir 10 membres par opposition à 40, c’était pour avoir une capacité plus stratégique et ciblée. Comme vous le savez, c’est une tout autre paire de manches que de donner des conseils, de prendre des décisions et d’obtenir le quorum avec un groupe de 40 personnes plutôt que de 10. Nous sommes arrivés à ce chiffre puisqu’il permet d’avoir un meilleur fonctionnement, d’être plus ciblé et de rendre le rapport annuel plus stratégique.

Quant à la représentation régionale, nous croyons que les autres comités déjà en place pourront s’en charger, mais il me semble, au fond, qu’il y avait trop de membres et qu’il n’y avait pas suffisamment de présences lors des réunions. Nous avons maintenant un processus plus rationalisé, plus ciblé, avec une responsabilisation claire.

La sénatrice Cordy : Dans votre discours, vous avez mentionné des suggestions que nous avons entendues lors des discours prononcés à la deuxième lecture, voulant que la nomination du statisticien en chef se fasse moyennant l’approbation des deux Chambres du Parlement. Nous allons tenir une audience au Sénat avant Noël pour accueillir le commissaire aux langues officielles, le vérificateur général et la commissaire au lobbying, et pourquoi pas le statisticien en chef? L’a-t-on déjà invité? Il me semble que vous avez dit dans votre déclaration que cela ne se fait pas dans d’autres pays. On en a d’ailleurs parlé lors de la deuxième lecture. Pouvez-vous nous en dire plus?

M. Bains : Vous avez raison, nous avons effectivement consulté les principes directeurs des Nations Unies relativement à l’indépendance de Statistique Canada, et nous avons regardé ce qui se fait dans des pays comme l’Australie, la Nouvelle-Zélande et le Royaume-Uni, mais nous avons conclu que le poste n’en est pas un d’agent du Parlement, comme le commissaire aux langues officielles, le vérificateur général, la commissaire aux conflits d’intérêts et à l’éthique ou le commissaire à la protection de la vie privée. Nous estimions que ce n’était pas un poste qui exerçait un droit de regard sur le Parlement ou encore devait répondre directement au Parlement; son titulaire répond au ministre, et j’ai expliqué pourquoi. Plus tard, je pourrais rapidement vous toucher un mot sur la responsabilité ministérielle et la façon dont se déroulent les opérations.

Voilà notre raisonnement. Comme je l’ai dit plus tôt, nous sommes d’avis que le poste n’en est pas un d’agent du Parlement et, par conséquent, ne devrait pas être assujetti au même processus.

La sénatrice Frum : J’aimerais continuer dans la même veine, parce que c’est lors de mon intervention à l’étape de la deuxième lecture que j’en ai fait la suggestion. Je comprends bien la distinction que vous faites entre le statisticien en chef et un agent du Parlement, et, comme je l’ai indiqué dans mon discours, j’appuie les mesures que vous prenez afin de rendre le poste, si je reprends vos termes, plus indépendant, plus transparent et plus impartial.

Vous prévoyez notamment que, une fois que le statisticien en chef sera nommé, à condition de bien s’acquitter de ses fonctions, il ne peut être démis et remplira un mandat de cinq ans, à moins qu’advienne une catastrophe. Puisque le poste est maintenant doté de plus de pouvoirs que jamais, ce qui à mon avis est salutaire et fait partie de l’indépendance, il faudrait un contrepoids.

C’est la raison pour laquelle je suis étonnée que vous ne soyez pas d’accord avec ce que je crois être une attente raisonnable de la part des parlementaires, c’est-à-dire qu’il faudrait consulter les parlementaires et obtenir leur approbation, ainsi que celle de tous les chefs des grands partis politiques, afin de s’assurer que le titulaire est réellement impartial. Je vais rapidement vous donner un exemple récent. Un agent du Parlement, qui devait être on ne peut plus impartial, venait en fait d’un milieu extrêmement partisan et a retiré sa candidature, puisqu’on a pu établir que la personne n’était surtout pas impartiale.

Quelles protections existe-t-il maintenant, puisque vous avez rehaussé les pouvoirs associés au poste ainsi que sa permanence? Quelles mesures de protection avons-nous pour assurer l’impartialité du titulaire si nous n’avons pas l’approbation du Parlement?

M. Bains : Bien évidemment, les postes de ce genre feront toujours l’objet d’un examen dans la sphère politique ainsi que dans les deux Chambres. Il y aura sans doute un débat. Si l’on estime que le statisticien en chef est trop partisan ou manque d’impartialité, je suis convaincu que les partis de l’opposition ne manqueront pas de s’exprimer.

De notre côté, nous avons examiné les pratiques internationales et ce qui se fait dans d’autres pays. Je suis toujours le ministre responsable et redevable devant la Chambre, et j’aurai à défendre la nomination si le titulaire n’est pas impartial, s’il y a de la partisanerie. C’est donc une garantie de plus.

Comme vous l’avez dit, la nomination se fait sous réserve du rendement satisfaisant du titulaire. Non seulement la personne doit être impartiale, non partisane, mais il y a également la question du mérite. C’est la raison pour laquelle la nomination se fera par le gouverneur en conseil. C’est un mandat de cinq ans qui peut être renouvelé une seule fois. Le renouvellement ne se fait plus au bon vouloir du ministre. Comme vous avez indiqué à juste raison, cela vient renforcer l’indépendance, mais le contrôle politique et les divers freins et contrepoids existeront toujours.

La sénatrice Frum : Je comprends bien que vous dites qu’il n’existe aucun précédent à l’échelle internationale pour ce qui est de permettre l’approbation parlementaire, qui me semble néanmoins être un processus raisonnable, mais quelles sont les autres raisons qui vous empêchent de retenir une telle démarche?

M. Bains : Ce ne sont pas des hauts fonctionnaires du Parlement. La commissaire à l’éthique, le commissaire à la protection de la vie privée et le vérificateur général rendent des comptes au Parlement. La personne qui occupe ce poste rend des comptes au ministre. Ce n’est pas la même voie hiérarchique ou la même reddition de comptes, et c’est ce qui cause ce décalage.

[Français]

La sénatrice Petitclerc : Merci beaucoup, monsieur le ministre, de votre présentation et de vos commentaires.

On a tous parlé de transparence, d’indépendance et de reddition de comptes. Ma question porte sur l’élément de discrétion ministérielle que comporte ce projet de loi. Ne pensez-vous pas que ce projet de loi devrait préciser les circonstances où cette discrétion ministérielle sera applicable? Dans quelles circonstances une chose serait-elle à ce point importante qu’il devienne pertinent pour le ministre en question d’utiliser sa discrétion? Ne serait-il pas important — peut-être pas de façon exclusive — que ces circonstances soient incluses dans le projet de loi?

M. Bains : Je vous remercie de votre question. J’espère que, la prochaine fois, je pourrai expliquer mes positions en français. Le sujet est technique pour moi. Je vais donc m’exprimer en anglais.

[Traduction]

Nous avons enchâssé deux dispositions très claires. Le ministre est responsable du contenu. Cela signifie essentiellement que nous dirigeons la politique. Quels sont les enjeux que nous souhaitons traiter? S’il s’agit de la question du logement — comme c’était le cas récemment — ou s’il s’agit du tourisme, nous déterminons cela en fonction des domaines sur lesquels nous voulons nous concentrer. Cela revient à Statistique Canada, mais nous avons également cette capacité. Le statisticien en chef et Statistique Canada déterminent la façon de procéder. Ils ont cette disposition.

Comme nous l’avons vu en 2011, lorsque le ministre et le statisticien en chef sont en désaccord — dans des cas précédents, le gouvernement a tenté d’imposer son point de vue en disant que cela découlait en quelque sorte des conseils reçus du statisticien en chef. Ce n’est pas que le statisticien en chef n’est pas prêt à appuyer la position du gouvernement, mais, dans certains cas précédents, il a été faussement représenté, ce qui a créé cette controverse. Mais dans le cas qui nous occupe, on indique clairement que, en cas de désaccord, le ministre doit signaler par écrit que le statisticien en chef a déclaré qu’il y avait un désaccord. Il revient maintenant au gouvernement d’énoncer, dans les deux Chambres, la nouvelle directive ou la nouvelle politique qu’il souhaite appliquer au contenu. S’il y a un désaccord au sujet des questions opérationnelles, il faut l’indiquer par écrit et présenter cela aux deux Chambres.

Je crois que cela répond clairement à la préoccupation que vous avez soulevée, c’est-à-dire que, en cas de désaccord précis entre le gouvernement au pouvoir ou le ministre et le statisticien en chef, cette question sera traitée de façon ouverte et transparente. C’est ce que nous tentons d’éviter.

Je crois toujours que le ministre et le gouvernement sont responsables, et que nous devrions l’être. Par exemple, si nous avons besoin de données sur le logement, car nous tentons de gérer une crise du logement, une situation liée au logement, des difficultés liées aux hypothèques ou un autre enjeu lié au marché du logement, nous pouvons poser cette question. S’il y a un désaccord avec le statisticien en chef, par exemple, comme il a été mentionné auparavant, sur la question de rendre une chose obligatoire ou volontaire, nous devons présenter la question aux deux Chambres et entreprendre un processus du gouverneur en conseil au sein du Cabinet. Je crois que cela permet d’offrir une grande transparence et une reddition de comptes dans le processus et de régler les problèmes potentiels que vous avez soulevés.

La sénatrice Seidman : Merci, monsieur le ministre, d’être avec nous aujourd’hui.

Dans votre exposé, vous avez dit que nous sommes d’accord qu’il est important d’obtenir des renseignements statistiques impartiaux, de grande qualité et qui répondent aux besoins des intervenants, et je suis parfaitement d’accord avec vous. À mon avis, c’est extrêmement important.

Je pense que nous croyons tous qu’il est très important d’avoir des données de qualité sur la santé des Canadiens. J’aimerais donc vous poser une question au sujet d’une annonce faite par Statistique Canada la semaine dernière, c’est-à-dire que l’organisme commencerait à recueillir des données sur la façon dont la marijuana est cultivée, vendue et consommée par l’entremise d’un compte économique sur le cannabis. Selon le cadre du compte économique sur le cannabis, « la légalisation du cannabis devrait éliminer […] le marché illégal du cannabis ». Toutefois, nous savons que ce n’est pas le cas, car le commissaire adjoint de la GRC a récemment dit au Comité permanent de la santé de la Chambre des communes qu’il serait naïf de croire que la légalisation de la marijuana éliminera le marché noir de cette drogue, et que d’autres pays qui ont légalisé la marijuana continuent d’observer la présence d’un marché illégal. Même le premier ministre est revenu sur cette affirmation plus tôt cette semaine, en disant que la légalisation de la marijuana signifiera seulement que le crime organisé fera moins d’argent.

Croyez-vous toujours, comme on l’a laissé entendre dans le cadre publié par Statistique Canada la semaine dernière, que la légalisation de la marijuana éliminera complètement le marché noir?

M. Bains : La collecte de données de qualité et la capacité de prendre des décisions fondées sur des données probantes représentent réellement la source de fierté qui a motivé le rétablissement du questionnaire détaillé obligatoire du recensement. Comme vous l’avez dit, nous examinons les données. Manifestement, lorsqu’il s’agit de la santé, c’est une préoccupation que nous avons tous, surtout en ce qui concerne la marijuana. J’ai deux petites filles — de 10 ans et 7 ans — et je vois le monde à travers leur regard. C’est la raison pour laquelle j’appuie grandement l’approche de notre gouvernement à l’égard du projet de loi C-45, qui fait actuellement l’objet d’un débat, comme vous le savez. L’objectif de ce projet de loi est très clair. Nous voulons protéger nos jeunes et, en même temps, nous voulons empêcher les criminels et les gangs de faire des profits. C’est l’objectif. Toutes les données recueillies contribueront à traiter ces enjeux centraux, et c’est la priorité de notre gouvernement. Je crois qu’il est important d’avoir des données de qualité dans ce débat.

La sénatrice Seidman : Selon le cadre publié par Statistique Canada, on continuera d’estimer l’offre et la consommation de cannabis illégal pendant les deux prochaines années. Des témoignages d’experts et l’expérience d’autres pays nous ont confirmé que le cannabis illégal ne pouvait pas être éliminé, alors pourquoi cesser de recueillir ces données? Si le gouvernement souhaite évaluer sa politique en se fondant sur des données probantes, pourquoi mesurerait-il l’offre et la consommation de cannabis illégal seulement pendant les deux prochaines années?

M. Bains : Comme je l’ai mentionné lorsque j’ai parlé de notre position sur la marijuana, nous sommes guidés par deux principes : protéger nos jeunes et empêcher les gangs et les criminels de faire des profits. La collecte de ces données a pour but de produire des renseignements pertinents dans le cadre de ce débat. Je serai très heureux de communiquer ces renseignements à mes collègues, les ministres de la Santé et de la Justice, et de déterminer si nous recueillons les données appropriées. Si nous pouvons améliorer le processus, nous le ferons.

[Français]

La sénatrice Mégie : Pardonnez ma naïveté, mais j’ai vu qu’on avait supprimé la peine d’emprisonnement pour les gens qui refusent de donner des renseignements. Je me suis dit que, dans les circonstances, ces personnes contreviennent à la loi. Toutefois, il y a les gens qui fournissent de faux renseignements. Or, comment peut-on savoir qu’une personne a donné de faux renseignements? Sur quels critères a-t-on établi les types de renseignements les plus courants pour lesquels les gens seraient susceptibles de mentir?

Concernant la marijuana, par exemple, si on demande aux gens s’ils en fument, ils peuvent répondre non, mais quand elle sera légale, ils pourront répondre oui. Voyez-vous? Comment détermine-t-on qu’ils ont donné de faux renseignements et sur quels types de renseignements ont-ils le plus souvent tendance à mentir?

M. Bains : Vous me posez là une bonne question.

[Traduction]

À mon avis, cette question requiert une expertise opérationnelle en la matière. Je suis heureux que le statisticien en chef prenne la parole après moi. Il pourra expliquer en détail comment on peut différencier, comme vous l’avez mentionné, les données exactes et fiables et les fausses données et comment on peut déterminer, tout d’abord, la façon de les différencier, et deuxièmement, les mesures prises pour corriger les dossiers. Malheureusement, je ne suis pas à jour sur la façon dont cela fonctionne, mais je compte sur le statisticien en chef pour vous en parler.

La sénatrice Griffin : Je vous remercie d’être ici aujourd’hui. Dans la Loi modifiant la Loi sur la statistique de 2005, une disposition modifie la Loi sur la statistique : il s’agit de l’article 2.1. Selon cet article, au plus tard deux ans avant le troisième recensement de la population — donc celui de 2016 —, un comité soit du Sénat, soit de la Chambre des communes, soit mixte, désigné ou établi à cette fin, doit procéder à un examen de la question du consentement éclairé. Ensuite, l’article 2.2 exige la présentation d’un rapport à cet égard.

Nous ne pouvons trouver aucune preuve d’une telle activité ou d’un tel rapport. Je ne détecte aucune malveillance dans cette omission, mais j’aimerais poser quelques questions à cet égard. Pourquoi cet examen obligatoire n’a-t-il jamais été mené? Cela a-t-il eu des répercussions sur la validité du recensement de 2016? A-t-il été compromis en raison de l’omission de cet examen obligatoire? Enfin, à quel moment l’examen obligatoire de la question sur le consentement sera-t-il mené?

M. Bains : Je fais de mon mieux pour suivre la question, sénatrice. J’aimerais seulement obtenir quelques précisions. Parlez-vous de la disposition sur les 92 ans?

La sénatrice Griffin : Non. C’est autre chose.

M. Bains : Mes excuses. Je tentais de suivre et j’ai demandé à mon sous-ministre. Je suis désolé.

La sénatrice Griffin : Je souhaite aborder cette disposition plus tard, mais en ce moment, je veux parler du fait que dans la Loi sur la statistique de 2005, ou dans la modification, on exigeait qu’un examen de la question du consentement éclairé soit mené par un comité du Sénat, un comité de la Chambre des communes ou un comité mixte, au plus tard deux ans avant le troisième recensement.

M. Bains : C’est exact.

La sénatrice Griffin : Je peux diviser la question en plusieurs parties. J’aimerais savoir pourquoi cet examen n’a pas été mené. C’est ma première question.

M. Bains : Cela s’est produit sous le gouvernement précédent, et je ne suis donc pas certain de la raison pour laquelle on n’a pas procédé à cet examen en 2006 et en 2011.

La sénatrice Griffin : Pensez-vous que cela pourrait avoir eu des répercussions sur la validité du recensement de 2016? A-t-il été compromis par l’omission de mener un examen, comme le veut la disposition sur le consentement éclairé?

M. Bains : J’aimerais transférer la question sur la qualité des données et leurs répercussions au statisticien en chef. Je crois qu’il peut parler de la qualité des données et de leurs répercussions de façon plus détaillée. D’après ce que je comprends, la réponse est non.

La sénatrice Griffin : Un examen obligatoire sera-t-il mené, maintenant que vous savez qu’il a été omis? L’examen obligatoire de la question sur le consentement sera-t-il mené?

M. Bains : Oui. Dans le cadre des préparatifs pour le prochain recensement, ce sujet fera l’objet d’une discussion et il fera partie du processus de consultation.

La sénatrice Griffin : Je suis très heureuse d’entendre cela.

J’aimerais revenir sur la disposition des 92 ans. Je crois qu’il y aura une énorme lacune dans les données. J’ai déjà fait partie d’un conseil municipal et nous comptions énormément sur les renseignements fournis par Statistique Canada. Étant donné que trois recensements ne contiennent pas ces renseignements, je crois que les gens feront face à une énorme lacune dans les données. C’est bien de cocher une case, mais le problème, c’est qu’une case non cochée est interprétée comme un « non ».

M. Bains : Oui, c’était le problème. Vous avez raison, mais nous ne pouvons pas revenir en arrière. Vous avez parfaitement raison. À l’avenir, les renseignements seront réellement conçus pour notre société. Nous avons également parlé des soins de santé. Nous avons besoin de données ouvertes et de mégadonnées. C’est la raison pour laquelle nous voulons publier ces renseignements, non seulement pour la qualité des données et des mégadonnées existantes, mais également pour les historiens. C’est la raison pour laquelle nous avons cette disposition sur les 92 ans. Nous ne pouvons pas revenir en arrière, car nous devons respecter l’engagement pris dans le cadre du processus. Je sais que vous avez des antécédents personnels liés à la compréhension de Statistique Canada et du processus. Je crois qu’il y a des liens familiaux, mais vous avez absolument raison. Cela aura des répercussions. Nous en sommes conscients, mais nous ne pouvons pas revenir en arrière et annuler l’engagement que nous avons pris à l’égard de nos concitoyens.

La sénatrice Omidvar : Ma question s’adresse au ministre ou au sous-ministre. J’aimerais connaître votre perception ou la situation réelle en ce qui concerne la relation actuelle entre Statistique Canada et Services partagés Canada. Comme vous le savez, Wayne Smith, l’ancien statisticien en chef de Statistique Canada, a démissionné — et il a dit ce qui suit devant un comité de la Chambre des communes — parce que la relation était intrusive, inefficace et exposée aux risques. Ce sont les mots du statisticien en chef. Pouvez-vous nous décrire les changements ou les améliorations qui ont été apportées à cette relation? Sinon, cette question devrait-elle être abordée dans le projet de loi?

M. Baines : Encore une fois, il s’agit d’une question opérationnelle. Il s’agit de savoir comment le statisticien en chef et Statistique Canada conservent des données de façon sécuritaire et appropriée. Je me fie à leur expertise opérationnelle. Leur mandat énonce très clairement qu’ils doivent faire cela. Notre gouvernement a indiqué clairement que la sécurité des données était absolument essentielle. En effet, il est absolument essentiel de protéger la confidentialité des renseignements de nos concitoyens.

En ce qui concerne la situation opérationnelle, je crois qu’Anil peut vous fournir une mise à jour sur les mesures qui ont été prises, les questions qui ont été soulevées par le statisticien en chef précédent et la façon dont ces questions ont été réglées. Vous avez absolument raison. Nous avons les mêmes préoccupations. Nous voulons non seulement recueillir des données, mais également veiller à ce que ces données soient conservées de façon sécuritaire, afin de protéger la vie privée des gens. C’est ce que j’ai dit au statisticien en chef lorsqu’il s’est joint à nous. Je crois qu’il peut vous donner plus de détails sur certains des progrès accomplis à cet égard.

La sénatrice Omidvar : Merci, mais vous semblez convaincu que les données sont maintenant sécuritaires.

M. Baines : Oui, je le suis, absolument, car je n’ai pas entendu ou observé des problèmes qui indiquent le contraire.

La sénatrice Omidvar : Mais les choses ont changé depuis la déclaration de M. Smith. Je pourrais demander au statisticien en chef de me fournir des précisions sur ces changements.

M. Baines : Vous avez raison. C’est exactement cela. En ce qui concerne la situation opérationnelle — et peut-être que le sous-ministre vous en parlera —, le nouveau statisticien en chef ne m’a communiqué aucune préoccupation liée à la compromission des données.

John Knubley, sous-ministre, Innovation, Sciences et Développement Canada : Notre ministère a travaillé en étroite collaboration avec le statisticien en chef et Services partagés Canada sur plusieurs enjeux, afin d’assurer la sécurité de la relation entre Statistique Canada et Services partagés Canada. Nous avons pris plusieurs mesures pour améliorer la coordination et un protocole d’entente a été signé entre les deux organismes. Je crois que le statisticien en chef parlera des divers éléments liés à cette initiative. Toutefois, je peux dire que nous avons travaillé fort pour solidifier la relation et la rendre plus efficace.

Le sénateur Dean : Je vous remercie d’être ici aujourd’hui. C’est un privilège de discuter avec vous. Je vous félicite de cette initiative qui apporte d’importants changements liés à la gouvernance et des efforts qui visent à rendre l’organisme plus indépendant et transparent.

Ma question concerne les réactions des parties intéressées et de la population. Ce n’est pas nécessairement une question agréable, mais elle est importante. Qu’avez-vous entendu dans le processus d’élaboration de la politique — lorsque ces nouvelles approches ont été élaborées — de la part de la population et des intervenants clés de Statistique Canada? C’est très bien de parler d’une ou deux choses positives et agréables, mais les gens ont-ils dit que vous aviez peut-être été un peu trop loin dans le cas de certains éléments ou pas assez loin dans le cas d’autres éléments et que vous devriez donc pousser les choses plus loin? Quelle a été la réaction? Le gruau est-il juste à point? Certains intervenants ou certaines personnes pensent-ils que vous avez été trop loin ou que vous n’avez pas été assez loin?

M. Bains : J’ai un certain parti pris à cet égard. Je crois que le gruau est juste à point. Pour être tout à fait honnête, je veux éviter de tourner autour du pot. Mon sous-ministre pourrait peut-être dire autre chose. Ce sera une excellente conversation.

Dans notre cas, nous avons immédiatement rétabli le questionnaire obligatoire détaillé du recensement. C’était essentiel. Nous devions veiller à obtenir des données de qualité. Nous solidifions et renforçons l’indépendance de Statistique Canada, et nous en discutons aujourd’hui. Le troisième point, qui n’est pas dans le projet de loi, mais qui fait l’objet d’une discussion, concerne les mégadonnées, les données ouvertes et la modernisation. C’est un point qui n’a pas nécessairement été abordé ici, mais d’autres personnes nous en ont parlé, et nous en parlerons également. Nous avons en quelque sorte créé les trois étapes pour être en mesure de remplir les engagements pris dans le cadre de mon mandat. La première consistait à rétablir le questionnaire obligatoire détaillé du recensement. La deuxième visait à renforcer l’indépendance. La troisième concerne la modernisation des données. Cette étape était absente. C’est une partie de la rétroaction que nous avons reçue et cela sera présenté dans le cadre d’une initiative distincte très bientôt.

Le sénateur Dean : John, est-ce que le gruau est vraiment à point ou se peut-il qu’un pépin, reconnu en cours de route, ait été abordé pendant ces consultations?

M. Knubley : Il faut que je vous dise deux choses. D’abord, la question de la création d’un conseil de la statistique stratégique m’a certainement été posée par les joueurs du secteur, à moi qui suis sous-ministre à l’Innovation. On avait le sentiment du rôle très important que jouait le Conseil national de la statistique pour veiller aux intérêts des utilisateurs de données, particulièrement en milieu universitaire. Dans cette fonction, cependant, il manquait, si vous voulez, la prestation d’un appui et de conseils stratégiques au statisticien en chef. En fait, c’est certains membres de ce conseil qui me l’ont avoué.

Ensuite, en ce qui concerne la modernisation des données et le nouveau monde de l’information dans lequel nous vivons, ça discute ferme, entre les joueurs du secteur, sur la nature du rôle des mégadonnées, de celui de Statistique Canada et sur l’appui à l’emploi et à la prolifération des mégadonnées. C’est un nouveau champ qui s’ouvre à notre tâche, et nous devons voir au-delà des changements actuels.

La sénatrice Raine : Le sujet est très intéressant. Pour décider de la nature des données à rassembler, comment faites-vous? Dans votre discours sur l’indépendance — qui évoque toujours dans notre esprit l’indépendance de l’ingérence politique — comment les utilisateurs de données à l’extérieur de l’administration publique justifient-ils leur collecte? Font-ils pression pour que nous fassions un travail que, normalement, ils font eux-mêmes? Les données accessibles auprès de Statistique Canada sont-elles utilisées par des utilisateurs de l’extérieur, l’industrie ou les universités ou ces joueurs en produisent-ils aussi de leur propre chef? A-t-on confiance en elles? Quelle est leur qualité?

M. Bains : Depuis le retour du questionnaire détaillé obligatoire du recensement, la confiance dans la qualité et la fiabilité des données a augmenté. Voilà pourquoi, à une majorité écrasante, l’industrie, les municipalités et les universités y ont réagi si favorablement.

Nul doute que les rassemblements de données administratives et autres favorisent de meilleures décisions et la qualité de l’information. Dans les universités et ailleurs, on utilise volontiers cette technique. On prend ces données et on les traite plus en profondeur pour augmenter la granularité du sujet qu’on examine.

On a beaucoup confiance dans la qualité de nos données. L’industrie, les universités et les municipalités de partout dans le pays s’en servent à des fins de planification. C’est l’un des sous-produits du questionnaire détaillé obligatoire du recensement. Un bon échantillon et un taux élevé de réponses donnent confiance dans nos données. D’autres données administratives de nos utilisateurs servent à compléter les données de Statistique Canada.

La sénatrice Raine : Y a-t-il échange répété de ces données? S’ils utilisent les données rassemblées par Statistique Canada, la réciproque est-elle vraie, ou est-ce à sens unique?

M. Bains : C’est plutôt à sens unique : Statistique Canada fournit l’information dont ils se servent et qu’ils transforment. Ils peuvent communiquer leurs constatations à Statistique Canada et faire un suivi, mais Statistique Canada a ses propres méthodes et processus en place et il a une grande confiance dans ses données.

La sénatrice Raine : Comme je suis une observatrice de l’extérieur, je m’inquiète, malgré les ordinateurs et les systèmes informatiques qui permettent de rassembler plus efficacement les données, de l’augmentation continuelle des coûts de Statistique Canada, dont j’ignore la cause, mais je soupçonne que nous travaillons gratuitement pour d’autres.

M. Bains : Excellente remarque sur les modalités de collecte de données à partir d’autres sources. J’ai parlé de données administratives. Cela fait partie de la modernisation des données. Posons-nous les bonnes questions? Les données que nous recevons sont-elles uniformes? Quels autres ensembles de données peuvent, pour de meilleurs résultats, compléter celles que nous rassemblons? Cela fait partie de la modernisation des données. Nous devons réfléchir sur de nouvelles bases. Avec l’avènement de l’Internet des objets, la numérisation de plus en plus poussée de la connectivité des données et la prolifération des données ont vraiment transformé, de nombreuses manières, le rôle de Statistique Canada. Cela fait partie de notre prochaine initiative de modernisation des données. Le statisticien en chef pourra en parler longuement. Vous avez raison : nous devons collecter des données plus fiables et utiliser d’autres sources de façon rentable.

La sénatrice Bernard : Merci, monsieur le ministre, pour votre exposé. Revenons à une question posée sur la suppression de la peine d’emprisonnement, une sage décision.

Avant de déployer les stratégies, a-t-on analysé les nombreuses entraves au respect de la loi et envisagé des façons de les supprimer? Je pense à l’analphabétisme, à la pauvreté, à l'itinérance, à l’âge, aux handicaps, à la race, qui, tous, démobilisent des citoyens et les empêchent de remplir le questionnaire de recensement. Ajoutons-y le projet de rendre les questionnaires électroniques plutôt que de les conserver sur support papier. A-t-on fait cet examen des modifications projetées?

M. Bains : Simplement, la réponse est oui. Pour disposer de données fiables et de qualité, Statistique Canada doit faire flèche de tout bois — des plateformes numériques aux entrevues en personne avec les répondants pour les accompagner, comprendre les difficultés économiques, sociales ou autres sur lesquelles ils peuvent buter.

On déploie beaucoup de ressources humaines et d’autres techniques pour rendre possible la participation pas nécessairement très facile de tous les segments de la société dont vous avez parlé. C’est important, parce que, encore une fois, cela concerne l’échantillon de la taille de données que nous voulons rassembler et la qualité des données. Beaucoup d’argent, d’efforts et d’énergie vont à la résolution de ces problèmes.

Le sénateur Manning : Je vous remercie de votre visite. Parlons du conseil consultatif. Pas plus de 10 membres y seront nommés. Si j’ai bien compris, le statisticien en chef en sera membre d’office. Je me questionne sur le processus de nomination et sur les critères que vous appliquerez. La géographie en fait-elle partie? La parité entre les hommes et les femmes? Ce ne sera pas suffisant pour que toutes les provinces et tous les territoires soient représentés. Je me demande quel processus permettra d’assurer l’apport de chacune des parties de notre pays.

M. Bains : Comme je l’ai dit, il existe déjà un conseil consultatif fédéral-provincial-territorial de la politique statistique. Le pays compte 13 comités consultatifs dont le nombre total de membres est de 200. Le gouverneur en conseil intervient dans le processus. Les membres recevront des allocations journalières pour couvrir les coûts de leurs efforts. Le processus sera transparent. Nous publierons de manière transparente les critères de nomination à ce comité et son mandat et nous solliciterons les candidatures.

Vous avez absolument raison : le gouvernement a manifestement réclamé une représentation géographique, la diversité et l’apport de différents points de vue. Je suis sûr, compte tenu du mandat que nous publions, que des candidats incroyables de partout dans le pays auront une bonne chance d’être retenus, qu’ils proviendront de milieux différents et qu’ils posséderont des compétences différentes, pour se concentrer plus intensément et examiner de façon plus stratégique Statistique Canada et son rapport annuel, ce qui, à mon avis, est vraiment important pour la transparence.

Le sénateur Manning : Mais la sélection des membres sera-t-elle arrêtée par le Cabinet?

M. Bains : Oui.

La sénatrice Poirier : Merci, monsieur le ministre, de vous être déplacé. Je tiens à suivre le filon de quelques questions antérieures sur, encore une fois, la composition du conseil. Je comprends les motifs de transparence, tout le monde est d’accord, et c’est bien. Si j’ai bien compris, les membres du nouveau conseil seront indemnisés. Pourquoi n’avez-vous pas simplement modifié le mandat du conseil actuel et conservé sa représentation régionale, ce qui aurait économisé l’argent des contribuables?

M. Bains : D’abord, si on s’arrête aux coûts, on accordera aux 10 membres une allocation journalière très modeste. Ils ne seront pas salariés, pas de salaire annuel, mais ils recevront une allocation journalière. Je tiens à le souligner. Vous avez absolument raison, et nous sommes attentifs à l’impact sur les contribuables.

Ensuite, l’idée d’un nouveau conseil chargé d’une nouvelle priorité stratégique vise à imprimer une nouvelle orientation aux avis qu’il donnera et à s’écarter du conseil antérieur et de sa structure. Nous voulions que, dans ce processus, ce soit bien compris.

Pour répondre à votre question, l’impact sur le contribuable ne sera pas démesuré. Ces spécialistes en la matière donneront des avis judicieux et, en retour, ils recevront une modeste allocation journalière.

La sénatrice Poirier : Je pense que, aussi, et certains de mes collègues en ont parlé, que le nombre 10 soulève des inquiétudes, puisque ça signifie incontestablement que des provinces ne seront pas représentées. On s’en inquiète. Le Canada atlantique est constitué de petites provinces, et on craindrait le choix d’un seul représentant pour toute la région. Quelles seront les conséquences?

M. Bains : Je l’ignore. Il pourrait y avoir quatre membres de l’Île-du-Prince-Édouard. C’est la beauté du processus. La géographie n’est pas le seul critère, sauf votre respect. Les critères sont la possession de certaines compétences techniques, certains antécédents, les connaissances et le mérite. Je suis sûr que le Canada atlantique fournira des candidats incroyables, toutes les autres régions du pays aussi, qui participeront à ce processus transparent.

Je crois que mon sous-ministre veut apporter des précisions. Vous voulez dire quelque chose à ce sujet?

M. Knubley : Seulement sur l’actuel Conseil national de la statistique où ne sont pas représentés une province et deux territoires. Actuellement, les provinces et les territoires n’y sont pas tous représentés.

Ensuite, sur la parité entre les hommes et les femmes : on en compte respectivement 27 et 7. Sur ce point, c’est mal parti.

Le président : Si vous pouvez m’éclairer, je crois avoir lu, quelque part, qu’il existait aussi un conseil consultatif fédéral-provincial-territorial. Donc, les provinces y sont toutes représentées.

M. Bains : Absolument. Je l’ai souligné.

Le président : C’est le bassin qui alimentera cette nouvelle organisation, n’est-ce pas?

M. Bains : Absolument, tout comme les 13 comités consultatifs. Vous avez absolument raison. Il existe une structure fédérale-provinciale-territoriale grâce à ce conseil consultatif de la politique statistique, qui assure l’apport particulier des régions dans le processus d’élaboration des politiques. De plus, 13 comités consultatifs recrutent des membres partout dans le pays.

M. Knubley : Il existe six autres comités fédéraux-provinciaux-territoriaux, notamment de la statistique agricole, du recensement et de la population, de la démographie, de la statistique économique, de la statistique du travail et de la statistique sociale. Il existe donc sept comités fédéraux-provinciaux-territoriaux.

Le président : C’est fini. Je suis désolé que nous n’ayons pas eu la chance pour une seconde série de questions. Monsieur le ministre, monsieur le sous-ministre, merci.

Nous accueillons maintenant le deuxième groupe de témoins. Je suis heureux de souhaiter la bienvenue au statisticien en chef du Canada, M. Anil Arora, ainsi qu’à Andrée Desaulniers, analyste principale à la Division de la gestion de l’information. Monsieur le statisticien en chef, vous avez la parole.

Anil Arora, statisticien en chef du Canada, Statistique Canada : Je remercie le comité de m’avoir convoqué.

[Français]

Aujourd’hui, je suis accompagné d’Andrée Desaulniers, analyste principale à Statistique Canada. Mme Desaulniers est la spécialiste dans les domaines plus techniques au sujet du projet de loi.

[Traduction]

Comme vous le savez, les statistiques et l’intégrité du système statistique national jouent un rôle essentiel dans les sociétés démocratiques. C’est plus vrai que jamais en cette ère de faits dits alternatifs et après l’avènement des données et des mégadonnées d’une multitude de sources pas toutes crédibles.

[Français]

Statistique Canada produit de l’information qui permet aux Canadiens de mieux comprendre notre pays, soit la population, les ressources, l’économie, la société et la culture. Les statistiques sont à la base de la prise de décisions éclairées par vous, nos représentants, de même que par les entreprises, les syndicats, les organismes sans but lucratif et les Canadiens en général.

[Traduction]

Les résultats de qualité du recensement de 2016 et la dernière publication importante, ce matin, des résultats de ce recensement montrent l’importance et l’intérêt des données de qualité pour notre économie et la société.

Nos données informent les Canadiens et jouent un rôle vital dans les décisions fondées sur des données probantes que prennent nos élus, les entreprises, les organisations non gouvernementales et tous les niveaux de la fonction publique. Nos données sont également démultipliées par celles des secteurs sociaux et industriels pour impulser l’innovation et créer des emplois bien rémunérés.

Nous, à Statistique Canada, prenons notre rôle très au sérieux. Ce n’est pas une mince tâche que, en plus d’un recensement quinquennal, la réalisation d’environ 350 enquêtes sur presque tous les aspects de la vie canadienne.

Pour que nos résultats inspirent la confiance, les organismes qui rassemblent des statistiques doivent échapper à toute ingérence. Actuellement, aucune disposition précise de la Loi sur la statistique n’établit l’indépendance de Statistique Canada. Les amendements proposés dans le projet de loi C-36 visent à renforcer l’indépendance de l’organisme pour assurer l’impartialité et l’objectivité permanentes du système statistique national. Les modifications proposées harmonisent la loi canadienne avec les normes internationales promues par les Nations Unies et l’Organisation de coopération et de développement économiques.

Nous devons répondre de nos décisions et de nos actions. Le ministre conservera le pouvoir d’orienter les modifications matérielles introduites dans la portée du programme statistique, mais le statisticien en chef pourra demander, si c’est justifié, des orientations écrites publiques avant de donner suite aux orientations du ministre touchant le programme statistique.

Monsieur le président, plus d’indépendance ne signifie pas travailler dans l’isolement. Statistique Canada s’en est d’ailleurs toujours gardé. Par exemple, nous travaillons en partenariat avec la Société canadienne des postes, pour la distribution des questionnaires du recensement, et avec Services partagés Canada, pour la robustesse de nos infrastructures informatiques. Nous n’élaborons pas nos propres systèmes de traitement de texte ni nos bases de données, mais nous contrôlons effectivement les données et nous les supervisons avec sérieux. Nous avons fait des progrès notables dans la résolution de nos problèmes d’infrastructures informatiques, ce sur quoi je vous informerai volontiers.

En particulier, le projet de loi attribue directement les pouvoirs de décision sur les méthodes et les opérations au statisticien en chef, notamment pour la collecte, la compilation, l’analyse, l’extraction et la publication de renseignements statistiques. Mais si le ministre devait juger qu’il y va de l’intérêt national de prendre une décision qui touche directement des questions de méthode ou d’opérations, cette décision sera désormais autorisée par le gouverneur en conseil et déposée au Parlement.

Le projet de loi C-36 propose aussi de créer un conseil consultatif canadien de la statistique. L’actuel Conseil national de la statistique a beaucoup contribué au travail de Statistique Canada pendant plus de 30 ans. Entre-temps, l’ensemble du système de gouvernance qui nous entoure a considérablement évolué, et il existe maintenant, comme on l’a dit plus tôt, de multiples sources de conseils pour Statistique Canada : tribunes fédérales-provinciales-territoriales, groupes sur les méthodes statistiques et dans divers domaines économiques et sociaux, notamment. Dans l’ensemble, notre système consultatif rassemble plus de 200 spécialistes sur toute une gamme de questions statistiques régionales et sectorielles de notre pays et de notre société.

Le nouveau Conseil consultatif canadien de la statistique se préoccupera donc particulièrement de la qualité globale du système statistique national, notamment de la pertinence, de l’exactitude, de l’accessibilité et du degré d’actualité des renseignements statistiques que nous produisons. Il jouera un rôle consultatif auprès du ministre et du statisticien en chef et il publiera un rapport annuel sur l’état du système statistique national.

Pour ma part, j’accueille avec plaisir la transparence accrue que la nouvelle méthode conférera ainsi que les points de vue et les avis que le conseil offrira. Si nous pouvons améliorer certaines choses, je veux en entendre parler et nous voulons certainement que d’autres en entendent aussi parler.

Selon la loi modifiée, le statisticien en chef sera nommé pour un mandat renouvelable d’au plus cinq ans. Choisi à la faveur d’un processus transparent, il sera inamovible, sous réserve de révocation par le gouverneur en conseil pour motif valable.

Le projet de loi élimine aussi l’obligation d’obtenir un consentement pour transférer à Bibliothèque et Archives Canada les dossiers du recensement après 92 ans pour tous les recensements de la population menés à partir de 2021. Ce changement répond au besoin des historiens et des généalogistes qui se servent de ces importantes données à des fins de recherche. Le délai prévu constitue le juste équilibre entre le besoin d’information et le souci de protéger les renseignements personnels des Canadiens.

J’ai cru comprendre que certains membres du comité pourraient être préoccupés par cet aspect du projet de loi. Statistique Canada comprend que cela représente une perte de données pour les prochains chercheurs et les généalogistes. Toutefois, après avoir demandé le consentement des Canadiens dans les recensements de 2006, de 2011 et de 2016 ainsi que dans l’Enquête nationale auprès des ménages de 2011, il est important de respecter leur volonté pour garder leur confiance et s’assurer qu’ils continueront de collaborer à l’avenir. Une fois de plus, je serai heureux de vous transmettre tous les renseignements supplémentaires que j’ai à ma disposition.

Le projet de loi élimine les dispositions de la loi concernant l’emprisonnement des personnes qui refusent de fournir les renseignements liés aux enquêtes obligatoires ou qui entravent l’accès à ces renseignements. Je pense que les Canadiens s’entendent pour dire qu’il n’est plus approprié d’infliger une peine d’emprisonnement pour ce genre de comportement, que c’est, à vrai dire, démesuré par rapport à l’infraction. Les dispositions relatives aux amendes associées à la même infraction seront maintenues.

Enfin, la loi modifiée contient de petites corrections techniques visant à moderniser une partie du libellé qui ne correspond plus aux pratiques opérationnelles actuelles, ce qui est souvent attribuable à l’utilisation de questionnaires électroniques plutôt que papier.

En conclusion, je peux assurer aux membres du comité que les employés de Statistique Canada et moi continuons de nous investir dans notre travail. Nous cherchons continuellement des moyens innovateurs de protéger la confidentialité de tous les renseignements qui nous sont confiés et de nous assurer que les renseignements que nous diffusons sont à jour et pertinents pour les Canadiens. Nous continuons de nous demander de quelle façon nous pouvons optimiser nos données et nos analyses pour tous les Canadiens.

Ma collègue, Mme Desaulniers, et moi serons heureux de répondre aux questions et aux préoccupations que vous pourriez avoir.

Le président : Merci beaucoup. Chers collègues, je pense que le rythme auquel nous avons procédé la dernière fois pourrait fonctionner de nouveau. Je vais commencer par la sénatrice Cordy, la marraine du projet de loi.

La sénatrice Cordy : Je vous remercie, ainsi que vos collègues à Statistique Canada, du travail que vous faites. Je pense que les Canadiens font confiance à l’information qui provient de Statistique Canada, et c’est à cause des bons employés de l’organisme.

Le ministre nous a dit que ce projet de loi va accroître l’indépendance du statisticien en chef. La nomination se fait à titre inamovible pour un mandat renouvelable de cinq ans plutôt qu’à titre amovible, et les rôles et les responsabilités du ministère et du statisticien en chef sont énoncés clairement. Êtes-vous à l’aise avec le renforcement de l’indépendance du statisticien en chef et du Bureau du statisticien en chef dans le projet de loi?

M. Arora : Premièrement, je pense que vous avez probablement lu, puisque vous avez été saisi du projet de loi, les opinions de nombreuses personnes, et je crois que la vaste majorité des gens s’entendent pour dire que cela fait avancer les choses considérablement. Je pense que même les plus importants critiques et l’ancien statisticien en chef ont dit que c’est un pas dans la bonne direction.

Deuxièmement, lorsque nous regardons les normes internationales des Nations Unies et de l’OCDE, ce qui constitue selon eux un bon cadre législatif pour un service de statistique, nous constatons que ce critère est satisfait. Je pense que la mesure législative dont vous êtes saisis remplit essentiellement tous les critères, que ce soit explicitement ou en principe. Une fois de plus, c’est un grand pas en avant.

Troisièmement, comme vous l’avez vu, il y aura de temps à autre des désaccords ou des opinions divergentes pendant le cycle de vie de la loi proposée. Je crois que les éléments du projet de loi assurent une transparence et une reddition de comptes où il se doit.

Pour toutes ces raisons, j’estime que nous avons considérablement progressé pour ce qui est de l’adoption des pratiques exemplaires internationales et du positionnement de Statistique Canada dans la loi pour l’avenir.

La sénatrice Cordy : Je suis d’avis que le projet de loi énonce plus clairement les responsabilités du ministre et de votre ministère, Statistique Canada. Je suis juste curieuse. J’ai simplifié un peu la question. Quand je lis le projet de loi, je vois que le gouvernement peut vous demander des données sur le marché du travail, sur les femmes entrepreneures au Canada, sur le nombre de naissances et de décès au pays. En revanche, votre ministère est responsable de la méthodologie, de la façon de recueillir les renseignements demandés par le gouvernement. Est-ce une bonne définition des rôles?

M. Arora : Je peux peut-être répondre ou réagir en disant que Statistique Canada a fonctionné ainsi par convention. Il est extrêmement rare qu’un ministre intervienne personnellement en demandant la collecte de données dans un certain domaine. En fait, c’est la présence du statisticien en chef lors des discussions sur les politiques qui explique pourquoi nous sommes nécessaires pour répondre aux besoins stratégiques du pays. En effet, le statisticien en chef et les employés de Statistique Canada restent en contact avec pratiquement toutes les organisations auxquelles vous pouvez penser afin de s’assurer que les activités de l’organisme sont et demeurent utiles pour répondre aux besoins du pays et que les meilleures méthodes statistiques, les meilleures techniques et les moyens les plus efficaces qui soient sont utilisés pour répondre à ces besoins.

En fait, au Canada, nous sommes très chanceux d’avoir un système statistique national. Dans de nombreux pays, le système statistique est très fragmenté. À titre d’exemple, le ministère des Transports et le ministère du Travail recueillent parfois leurs propres données. Nous pouvons nous estimer très chanceux. Au Canada, nous avons un système statistique national qui intègre toutes les données, et la nature intégrée des données nous permet de nous en servir pour vraiment bien comprendre des questions très importantes et interreliées sur les plans social, économique et même environnemental. Comme je l’ai dit, par convention et dans la pratique, nous demeurons au fait des besoins de tous les paliers de gouvernement, des entreprises, des ONG, du secteur privé et ainsi de suite pour continuer d’y répondre.

Le projet de loi sert essentiellement à officialiser la démarche, en disant que la méthodologie ou la science de la statistique, en un sens, devrait être laissée aux experts de Statistique Canada. En cas de lacunes, le gouvernement — et j’emploie le terme dans son sens le plus large — devrait effectivement pouvoir se prononcer, si je puis dire, à son tour.

Le projet de loi prévoit également un deuxième mécanisme qui prendrait la forme d’un conseil consultatif canadien de la statistique chargé d’examiner la qualité de l’information, c’est-à-dire sa portée, et de la comparer à ce qui se fait ailleurs à l’échelle internationale.

Je crois que le projet de loi tente d’officialiser ce qu’on retrouve essentiellement dans la pratique.

La sénatrice Frum : Merci beaucoup de votre présence. Je veux vous poser une question sur un cas précis d’échec de la méthodologie qui a eu lieu dans le recensement de 2016. Je veux savoir ce qui serait fait pour rectifier la méthodologie et de quelles façons le projet de loi C-36 influe sur la capacité à intervenir.

Je fais allusion aux données qui ont été recueillies au sujet de la taille de la population juive au Canada. Comme vous le savez, dans le recensement, on a demandé aux gens d’indiquer leur culture et leur ethnicité, et la population juive au Canada a semblé diminuer dans une proportion de 56 p. 100 entre 2011 et 2016, ce qui est évidemment faux. Le nombre inscrit, qui était auparavant d’environ 370 000 personnes, est maintenant de 147 000 personnes à cause d’un changement de méthodologie.

Pouvez-vous me dire comment le projet de loi réglera le problème? Car le nombre est inexact. Cela m’apparaît comme un exemple de situation qu’une intervention politique pourrait actuellement résoudre. Un parlementaire intéressé, comme moi, pourrait intervenir en allant vous parler, mais ce ne sera peut-être plus possible à cause du renforcement de l’indépendance et de l’autonomie sur le plan méthodologique. Je me demande juste si vous pouvez aborder la question.

M. Arora : Pour situer un peu le contexte, l’ethnicité est évidemment un concept en constante évolution. Je suis né en Inde, et je me définirais donc comme une personne d’origine indienne. Si vous demandez à mon enfant de 15 ans quelle est son origine, sa réponse serait très différente de la mienne, et nous ne parlons que d’une seule génération. Donc, tout d’abord, à cet égard, les choses évoluent constamment.

La question du recensement à laquelle vous faites allusion n’a pas du tout changé, tout comme la méthodologie proprement dite — je vais essayer de clarifier dans une seconde ce qui a changé. Je serai clair à ce sujet.

Donc, au fil du temps, compte tenu de la nature changeante de la façon dont les gens se définissent, nous avons établi pour le recensement une convention selon laquelle les réponses les plus notables du recensement précédent figurent dans les exemples, si l’on peut dire, qui accompagnent les questions.

Dans ce cas-ci, ce qui s’est produit, c’est que le nombre ou plutôt l’identité ne figurait pas parmi les principales origines, et quelque chose d’autre l’a donc remplacée.

La sénatrice Frum : À vrai dire, il n’en était pas du tout fait mention.

M. Arora : On l’a remplacée. Ce que j’avance, c’est que la méthodologie n’a pas été modifiée, pour ce qui est de changer les exemples en fonction du caractère notable des chiffres, si je puis dire, ou des réponses dans le recensement précédent.

Nous savons que les personnes qui se disaient d’origine juive n’ont pas disparu. Nous savons qu’elles se sont définies différemment cette fois-ci. En fait, nous avons cherché à comprendre tout de suite après la diffusion d’une partie des résultats médiatiques. Nous nous sommes adressés aux organisations, qui ont accepté de travailler avec nous pour comprendre ce qui se passe afin que nous ayons une meilleure idée de la façon dont cette identité et les liens des gens avec cette identité changent.

Au bout du compte, c’est une autodéclaration. Nous savons qu’il y a, bien entendu, une certaine incidence dans ce cas-ci lorsque nous avons un exemple. Nous voulons mieux comprendre pour y voir clair et aller de l’avant.

Nous mettons grandement l’accent sur le recensement, qui est un outil formidable. Quand on regarde les statistiques du monde entier, on comprend pourquoi le recensement fait des envieux, mais il ne peut pas répondre à toutes les questions. Dans certains cas, une étude plus approfondie s’impose, et nous entreprenons donc des études supplémentaires de temps à autre. Il y a beaucoup d’autres domaines. Par exemple, de quelle façon nos populations autochtones s’identifient-elles et comment cette mobilité, si l’on peut dire, en matière d’identité change aussi de manière marquée dans notre pays. Nous devons comprendre ce qu’il en est.

La sénatrice Frum : Pour revenir à la façon de procéder avant le projet de loi C-36, encore une fois, on peut imaginer que les organismes communautaires — les organismes juifs dans ce cas-ci — se sont adressés au ministre pour lui présenter ce problème unique alors que la notion de population juive renvoie à une ethnicité, mais aussi à une religion. La question portait à confusion dans cette communauté. Je parle maintenant de l’aspect technique. Avant le projet de loi C-36, on pouvait s’adresser au ministre. Il serait dorénavant inapproprié de le faire en vertu des nouvelles règles. Quel est alors le nouveau processus d’appel?

M. Arora : Si je peux me permettre, j’aimerais juste éclaircir une chose à propos du recensement, à savoir que la loi précédente et celle-ci demeurent cohérentes, dans le sens où Statistique Canada mènent des consultations. En fait, nous menons actuellement des consultations sur le prochain recensement, celui de 2021, et sur les besoins du pays en matière de contenu. En fonction de ce que nous disent les Canadiens, nous procédons à une série d’essais cognitifs, qualitatifs et quantitatifs. Une fois les essais terminés, nous proposons au Cabinet, en un sens, les questions du prochain recensement en fonction des résultats obtenus. En fait, c’est le Cabinet qui décide à quoi ressemblera le contenu définitif du questionnaire du prochain recensement. Dans ce cas-ci, c’est la responsabilité du Cabinet. Les questions mises au point sont, à vrai dire, prescrites et rendues publiques dans la Gazette du Canada. C’est le processus qui était suivi.

La sénatrice Frum : Nous exagérons donc peut-être l’indépendance créée dans le projet de loi si le Cabinet décide encore des questions.

M. Arora : Une fois de plus, pour répondre simplement, la teneur des questions demeure du ressort du gouvernement. Comme le recensement a une incidence sur l’ensemble des ménages du pays et qu’il est obligatoire d’y participer, c’est encore le gouvernement qui décide du contenu.

La sénatrice Seidman : Merci de vous être joints à nous. J’aimerais revenir au conseil consultatif. On a posé beaucoup de questions à ce sujet et essayé de comprendre sa composition. C’est manifestement un conseil important. Comme l’a dit le ministre, il donnera des conseils sur des questions précises concernant la qualité générale du système statistique du Canada, et il préparera un rapport annuel sur son état. J’aimerais vous poser des questions sur la composition et le mécanisme de nomination, si je peux me permettre.

J’ai sous les yeux un graphique qui fait une comparaison avec des comités similaires d’autres pays : l’Australie, la Nouvelle-Zélande, les États-Unis et le Royaume-Uni. Je regarde le nombre de membres à titre comparatif et je veux savoir ce que vous en pensez. En Australie, il y a de 11 à 23 membres, 20 en Nouvelle-Zélande, aucun nombre fixe aux États-Unis et 12 au Royaume-Uni. J’aimerais savoir ce que vous pensez du nombre de 10 membres au sein du conseil et si vous croyez que nous aurons ainsi une représentation adéquate.

M. Arora : Je pense que le ministre a également abordé le sujet en répondant à vos autres questions. Tout d’abord, à l’échelle internationale, comme vous l’avez indiqué, chaque pays a un système de consultation, si l’on peut dire, ou un système de comités consultatifs un peu différent. Dans certains cas, ils n’ont pas les mêmes problèmes de compétence, en un sens, que nous. Il arrive également, comme je l’ai dit, que le système statistique soit fragmenté. Cela dépend donc vraiment de l’entité concernée, comme le Census Bureau, le Bureau of Labour Statistics, le Bureau of Economic Analysis et ainsi de suite. Tout cela pour dire qu’il n’y a pas vraiment de modèle qui nous donne la voie à suivre.

On revient aux premiers principes, à la question de savoir ce que nous voulons dans un système statistique. Nous voulons nous assurer d’avoir de bons conseils représentatifs ainsi que des comités ayant l’expertise nécessaire. Qu’il s’agisse d’un système de comptes macroéconomiques ou de veiller à ce que les petites entreprises soient prises en considération, on veut assurer leur représentation pour qu’elles se fassent entendre dans le système de gouvernance ou le système de consultation.

Je pense que ce qui s’est produit au fil du temps au Canada, c’est que l’ensemble du système de consultation a progressé et évolué. Comparativement au jour où la structure actuelle a été mise en place, nous avons sept comités sur un éventail de sujets au sein desquels l’ensemble des provinces et des territoires sont représentés et très actifs. Ils ont vraiment à cœur leurs domaines respectifs, leurs dossiers et ce qui se produit actuellement. De toute évidence, c’est nous qui avons établi cette structure et fait en sorte que nous avons un système statistique national bien coordonné qui répond aux besoins afin de pouvoir comparer les statistiques provenant des différentes administrations. C’est la même chose pour 13 autres comités qui nous donnent des conseils très approfondis et très techniques dans de nombreux domaines.

Ce que nous disons ici à propos de cette nouvelle façon d’aller de l’avant, c’est que l’accent est porté sur la transparence. Il est question de freins et de contrepoids, de reddition de comptes. Je ne pense que nous ayons besoin d’un autre super comité, si je puis dire, avec une représentation accrue, mais je dirais qu’il y a une lacune dans le système de consultation actuel lorsqu’on regarde tous les éléments présentés dans ce projet de loi. Ce qui manque, c’est un comité consultatif ouvert et transparent pour les Canadiens qui doit commenter publiquement les conseils qu’il donne ainsi que la qualité du système statistique national.

La sénatrice Seidman : Comme suite à ce que vous dites au sujet de la transparence et de l’ouverture, j’aimerais vous interroger sur le mécanisme de nomination des membres du comité consultatif. Je crois comprendre que, par le passé, c’était le statisticien en chef qui recommandait des personnes pour le conseil. Ces nominations seront entre les mains du gouvernement, au moyen du processus de nomination par le gouverneur en conseil. On nous a dit que les nominations seront fondées sur le mérite, mais ma question est la suivante : étant donné l’importance de ce conseil consultatif, le mécanisme — la manière de nommer ces personnes — va-t-il en fait affaiblir le pouvoir du statisticien en chef? Ces nominations se fonderont-elles sur l’expertise? Est-ce qu’il s’agit de spécialistes? Je ne comprends pas ce qu’on entend quand on dit que le processus est fondé sur le mérite, et qu’il est plus ouvert et transparent. On attend quelque chose de très précis des membres de ce conseil. Ont-ils une quelconque expertise?

M. Arora : Je crois que le ministre a mentionné que le projet de loi couvre une partie de cela. Il le fait dans une certaine mesure en précisant la taille et la structure du conseil, son mandat général, ainsi que le processus de nomination des membres. Le projet de loi ne va pas plus loin. C’est le processus qui servira à déterminer les qualifications requises et, de là, il y aura un processus transparent fondé sur le mérite qui garantira la meilleure composition et la meilleure représentativité possible au sein du conseil de sorte qu’il réponde aux besoins de tous les Canadiens. C’est la première chose.

La deuxième, c’est qu’il y a un mécanisme de contrepoids. Nous avons parlé plusieurs fois du mécanisme de contrepoids dans le contexte de ce projet de loi. Le Conseil consultatif canadien de la statistique exerce une fonction de contrôle et d’équilibre pour le ministre ainsi que pour le statisticien en chef. Je crois que ce que nous souhaitons, c’est un système qui permet par moments un second examen objectif garantissant qu’on fait ce qu’il convient de faire.

La sénatrice Petitclerc : Je vous remercie beaucoup de vos observations. Je vais commencer par un exemple précis. Vous avez mentionné l’importance de la collecte de données et la façon dont elles sont utilisées. Au bout du compte, nous voulons qu’elles servent aux Canadiens, aux ONG et aux services publics.

On m’a informée, il y a une semaine, que, en matière de statistiques, il est impossible de trouver des statistiques sur les personnes handicapées de moins de 15 ans. Vous pouvez en trouver beaucoup sur les personnes handicapées ou sur les jeunes, mais pas cela. Pour moi, c’est un exemple de lacune ou de personnes oubliées, et cela a des incidences sur les services, les programmes et, même, le financement.

Ma question est la suivante. Est-ce que ce projet de loi règle cela d’une certaine façon? Je ne pouvais rien trouver, mais j’ai peut-être manqué quelque chose. Ce que vous avez dit me préoccupe beaucoup — que le gouvernement détermine le « quoi », et les statisticiens le « comment ». Cependant, les gouvernements changent, et les groupes jugés prioritaires vont aussi changer. J’essaie de comprendre le processus à savoir qui obtient les données et qui n’en obtient pas, et les raisons de cela.

[Français]

M. Arora : Je vous remercie de votre question. En effet, la ségrégation entre le « comment » et le « quoi » est un modèle pour illustrer, grosso modo, ce qu’on met dans le projet de loi.

[Traduction]

Cependant, le modèle est en réalité un peu plus compliqué que cela. À titre de statisticien en chef, je ne me distance pas du « quoi ». En fait, je m’en préoccupe énormément. En fait, comme on l’a mentionné précédemment, je ne suis pas un agent du Parlement qui exerce une fonction de surveillance, mais je fais partie intégrante de la communauté des sous-ministres et, à ce titre, je suis à l’écoute des besoins en matière de politique, et je prête attention aux lacunes et aux façons de les combler. Je dirais que le « quoi » et le « comment » sont une façon d’illustrer le point, mais je ne pousserais pas cela trop loin.

En ce qui concerne la question des lacunes que vous avez soulevées, nous savons qu’il y en a d’importantes. Nous savons, par exemple, qu’il y a des lacunes concernant tout un éventail d’enjeux liés aux enfants, y compris les handicaps, la santé, la santé mentale et de très nombreuses autres facettes de cela. Je peux vous assurer que nous travaillons avec nos collègues de partout au gouvernement, et même des provinces et territoires, à déterminer la meilleure façon de combler certaines de ces lacunes. Par exemple, nous avons l’Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes, que nous menons régulièrement et qui comporte des modules de données. Nous discutons activement en ce moment des façons de combler certaines de ces lacunes touchant les enfants. C’est, en effet, un enjeu très actuel.

Il y a des lacunes, oui, mais il faut des ressources et il faut établir l’ordre de priorité. Il y a des limites à ce que je peux faire. D’une certaine façon, je dois en fait me tourner vers mes collègues sous-ministres et dire : « Vous devez faire des choix difficiles sur les données qui sont les plus nécessaires et sur celles qui ne le sont peut-être pas tant. » En fait, à Statistique Canada, nous réalisons annuellement pour environ 130 millions de dollars de travail en recouvrement des coûts internes. D’autres ministères s’adressent à nous et disent : « Voici nos besoins. » Ils paient pour que ces lacunes soient comblées.

Alors, vous avez tout à fait raison.

L’article 22 du projet de loi dit : « Voici tous les aspects auxquels Statistique Canada peut et doit toucher », mais le projet de loi ne dit pas : « Vous devez faire les choses suivantes », parce que c’est l’objet d’une conversation plus active avec la communauté des sous-ministres.

La sénatrice Petitclerc : Le pouvoir discrétionnaire du ministre est lié à l’intérêt national. Pensez-vous que le statisticien en chef et l’équipe préféreraient qu’on définisse plus précisément « intérêt national »? Ou est-ce que tout le monde est satisfait de « intérêt national » seulement?

M. Arora : Le projet de loi le dit. Il dit que ce genre d’intervention se ferait dans des circonstances exceptionnelles.

[Français]

La sénatrice Mégie : Je voulais poser une question sur le lien entre Services partagés Canada et Statistique Canada. Une des préoccupations de M. Smith, quand il a démissionné, était qu’il avait l’impression que Services partagés Canada empiétait de façon importante et inadmissible sur l’indépendance de Statistique Canada.

Est-ce parce que les règles concernant les rôles de Statistique Canada et de Services partagés Canada ne sont pas claires, ce qui donnerait peut-être l’impression que l’un empiète sur l’autre? Cela peut jouer sur la confidentialité et la sécurité des données, car ce sont deux instances qui se partagent des informations. Y a-t-il des règles claires pour chacune de ces instances?

M. Arora : Merci beaucoup de votre question. Tout d’abord, M. Smith sera avec vous demain. Vous pourrez lui poser des questions concernant les situations auxquelles il est confronté. Toutefois, je peux parler de notre expérience des 15 derniers mois.

[Traduction]

Il est question de Services partagés Canada et des services qu’ils fournissaient et qu’ils fournissent maintenant. Je sais que cette question a été posée précédemment aussi, alors je vais essayer de parler de la situation actuelle.

Premièrement, je tiens à vous rassurer et à rassurer tous les Canadiens : Statistique Canada a la responsabilité exclusive de veiller à la confidentialité et à la protection des renseignements que nous recueillons, conservons et diffusons au bout du compte. La Loi sur la statistique exprime très clairement cette responsabilité. Quiconque entre en contact avec cette information confidentielle, conformément aux dispositions actuelles, est assermenté en vertu de la loi et s’expose à toutes les amendes et pénalités en cas de violation de ces dispositions.

De par sa nature même, la relation entre Statistique Canada et Services partagés Canada veut qu’ils fournissent le service. C’est comme si j’achète un logiciel — comme WordPerfect, par exemple —, mais que je contrôle le document qui s’y trouve et qu’il n’y a aucun partage de ce document avec Services partagés Canada. Ils ne peuvent diffuser le contenu. En fait, nous avons une série de freins et contrepoids en place, dont la surveillance et ainsi de suite, afin de veiller à ce que ce soit le service — le matériel, le logiciel et le soutien en cas de problème — qui est offert et que leur intervention ne dépasse pas cela.

Au cours des quelque 15 derniers mois, nous avons fait de grands progrès concernant notre déficit d’infrastructure. Oui, il y avait un déficit d’infrastructure, compte tenu de ce que nous voulions accomplir et des ressources techniques nécessaires à cette fin. Je peux vous dire que, au cours de la dernière année à peu près, nous avons augmenté l'espace de travail de 150 p. 100, nous avons quadruplé notre capacité de traitement, nous modernisons notre lieu de travail et notre effectif, et tout cela est fonction de l’infrastructure. Nous sommes très bien connectés avec certaines des pratiques les plus novatrices en matière de solutions de TI qui émergent, notamment l’infonuagique et ainsi de suite.

Cela étant dit, je peux vous garantir que rien de ce que nous faisons ne l’emporte sur la sécurité, la confidentialité et la protection de la vie privée. Je sais que Ron Parker va aussi comparaître devant vous, et il serait bon que vous lui posiez certaines de ces questions aussi.

Le président : Il va falloir écourter les questions et les réponses si nous voulons tout faire dans le temps que nous avons.

La sénatrice Raine : C’est fascinant de pouvoir vous entendre. Ma question porte sur l’évolution du langage autour de l’identité et du genre. Comment allez-vous régler cela en ce qui concerne les formulaires, et serez-vous en mesure d’approfondir cela même avec les formulaires abrégés? Parce que si vous demandez le sexe, et que vous demandez de cocher « homme », « femme » ou « autre », il faudrait qu’une autre fenêtre s’ouvre pour donner d’autres possibilités. Il faudrait qu’« autre » signifie « autre option ».

Il y a plusieurs choses. L’identité, par exemple, est fort importante dans les communautés autochtones; les gens veulent s’identifier, mais leur inscription en vertu de la Loi sur les Indiens n’a pas vraiment cet effet. Ils n’ont pas de carte, mais ils s’identifient personnellement. Ce genre d’information sera très précieux à l’avenir, en particulier dans un pays comme le Canada, qui est si inclusif. Pourrez-vous faire cela — approfondir les réponses à chacune de ces questions?

M. Arora : Sénatrice, merci de votre question. Cela fait partie de nous; cela fait partie de l’identité canadienne.

Je dirais que Statistique Canada est un chef de file mondial concernant le type de travail dont vous parlez. Nous avons réalisé des tests dans le cadre desquels nous avons examiné diverses manières de poser des questions pour que les gens puissent s’identifier de la façon dont ils se voient, comme vous l’avez dit, peu importe que nous parlions de genre et de sexe, ou qu’il soit nécessaire d’écrire la réponse ou de choisir une réponse dans une liste. Nous avons mené des enquêtes qui nous ont démontré que le nombre de possibilités d’auto-identification se situe dans les centaines, dans certains cas. Il arrive qu’une liste déroulante ne soit pas nécessairement la façon la plus efficace, car les gens ont tendance à choisir la première option qui leur est offerte ou à se fatiguer après un moment. Nous travaillons en très étroite collaboration avec toutes les communautés, y compris les communautés autochtones, afin de trouver de meilleures façons d’obtenir de l’information que nous pourrons réellement inclure dans les données que nous avons.

En fait, je peux vous assurer que nous faisons des progrès. Si vous regardez la population autochtone et sa croissance, vous savez que cette croissance n’est pas attribuable qu’à la fécondité. Beaucoup plus de gens s’identifient, et en ce moment, c’est de l’auto-identification — c’est leur choix et il n’y a pas de catégorisation des gens en fonction de ce que nous estimons juste. Nous demandons aux gens de le faire. Nous faisons des tests qui nous amèneront au recensement de 2021. C’est un volet de recherche très important, et nous travaillons avec de nombreux collègues d’Ottawa et des provinces, et même avec des gens de l’étranger pour déterminer comment nous attaquer à ces défis.

La sénatrice Raine : Au cours de la colonisation, quand les Autochtones ont été placés dans des réserves et que le gouvernement de l’époque leur a dit : « Voilà votre chez-vous et voilà qui vous êtes », des nations historiques ont été brisées et se sont en quelque sorte désintégrées dans le processus. L’information qu’on pourrait tirer d’un recensement, en particulier d’un recensement des peuples autochtones, serait vraiment très importante pour eux.

M. Arora : Nous mettons en ligne une enquête postcensitaire appelée l’Enquête auprès des peuples autochtones, qui approfondit beaucoup plus ces questions. Cela va donc au-delà du recensement, comme vous l’avez dit.

La sénatrice Griffin : Vous êtes probablement au fait des publications de M. Bill Waiser. C’est un universitaire qui se préoccupe des lacunes dans les données qui vont découler de la disposition de retrait ou de la case qu’on peut cocher pour se retirer. Que voyez-vous personnellement comme conséquences des lacunes dans les données que causera la capacité de diffuser des données de recensement après 92 ans?

M. Arora : C’est évidemment un enjeu important, maintenant qu’on accorde beaucoup plus d’attention à la généalogie et à la recherche, et qu’on souhaite de plus en plus se comprendre. Ce paysage continue d’évoluer, et je n’ai aucune idée de la façon dont il évoluera à l’avenir, mais je peux certainement voir le chemin à parcourir pour savoir d’où nous venons.

Il y a eu de vigoureux débats des deux côtés. Certains souhaitent permettre l’accès à l’information seulement quand la personne y consent, alors qu’à l’opposé, certains estiment que l’information devrait être accessible par défaut. Je peux vous dire que de nombreux pays en sont aussi encore à débattre de cela.

Ici, ce qui est proposé dans le projet de loi, c’est que, à compter de 2021, l’information soit par défaut mise à la disposition de Bibliothèques et Archives Canada afin qu’elle puisse être consultée par le grand public 92 ans plus tard. La question à laquelle nous devons vraiment répondre, c’est celle de savoir ce qu’il faut faire précisément pour les recensements dans lesquels on a demandé ce consentement, soit les recensements de 2006, 2011 et 2016, ainsi que pour l’Enquête nationale auprès des ménages, le recensement de 2011.

J’aimerais à ce sujet souligner que nous avons été clairs. À l’inverse, à moins qu’on dise très clairement : « Oui, je veux que mon information soit rendue publique dans 92 ans », nous ne le ferons pas. C’est le lien de confiance qui a été établi avec les Canadiens pour ces recensements, et je trouve très important que nous tenions compte de la confiance qu’ils ont accordée à Statistique Canada dans le recensement pour les décisions qui auraient un effet rétroactif. Pour ce qui est à venir, ce que vous avez, c’est la mise de l’information à la disposition du public par défaut.

La sénatrice Griffin : Puis-je revenir à ma question? Si nous n’avons pas ces données dans 92 ans, quelle est l’incidence? Autrement dit, qu’est-ce que Statistique Canada aurait fait de positif pour nous sans cette information dans 92 ans?

M. Arora : Pour ces recensements, il y avait une disposition permettant aux gens de changer d’idée. Ils peuvent revenir et, s’ils n’ont pas répondu, peuvent indiquer un oui ou un non, ou remplacer un non par un oui. Il y a des avenues qui pourraient permettre cela. Si les Canadiens veulent vraiment rendre cette information publique, ils ont cette option.

Le président : Les gens qui nous regardent se demandent peut-être d’où est sorti ce nombre d’années, les 92 ans. Pourriez-vous nous donner une brève explication?

M. Arora : C’est pour une raison technique liée au moment du renouvellement de la Loi sur la protection des renseignements personnels et au moment où le recensement était compromis. La différence entre le moment de l’intégration dans la nouvelle Loi sur la protection des renseignements personnels de la disposition visant à permettre l’accès aux relevés des recensements et les dossiers des recensements dont l’accès avait été bloqué était de 92 ans. C’est de là que cela vient.

La sénatrice Omidvar : Je vais m’en tenir à Services partagés Canada, monsieur Aurora. Vos deux prédécesseurs se sont rendus célèbres par leurs démissions très publiques. M. Smith aurait déclaré qu’il était insatisfait de la relation avec Services partagés Canada.

Je vais poser une question concernant le statut de Statistique Canada à titre de partie prenante de Services partagés. Dans un rapport publié en avril, Statistique Canada a déclaré que de l’information essentielle à la mission et requise par la Banque du Canada et par le ministère des Finances serait retardée à cause de problèmes de TI à Services partagés. Ces problèmes ont-ils été résolus? Pensez-vous qu’il serait temps que nous nous penchions sur la Loi sur Services partagés Canada afin de voir si cela fonctionne bien? Aimeriez-vous voir des améliorations?

Je sais que je vous éloigne du sujet et que je vous fais parler d’une autre loi, mais je veux savoir si les choses se sont vraiment améliorées et si les améliorations se sont produites dans un autre organisme, c’est-à-dire Services partagés Canada.

M. Arora : Désolé de me montrer quelque peu répétitif, mais j’ai foi en la collaboration, tant que nos intérêts sont servis. Or, nos intérêts consistent à faire en sorte que nous disposions des infrastructures dont nous avons besoin pour faire ce que nous faisons de mieux et pour que la confidentialité de nos renseignements ne soit pas menacée.

Je peux vous dire que, au cours des 15 derniers mois, nous avons travaillé fort afin de renforcer la structure de gouvernance de Services partagés Canada. Nous sommes nous-mêmes un meilleur client, étant mieux informés de nos besoins, et je pense que nous avons renforcé notre relation avec cet organisme, pour lequel nous ne sommes pas un simple client, mais, en fait, un partenaire stratégique qui fera équipe avec lui dans l’avenir.

Je considère que cette relation est vraiment constructive. Pour le moment, rien ne nous empêche de faire ce que nous devons faire pour accomplir notre mandat. En fait, je vois de véritables avantages au chapitre de la cybersécurité et de l’expertise du gouvernement fédéral, car l’organisme peut surveiller les menaces, nous avertir et agir de manière proactive pour atténuer ces menaces. Il serait pour nous excessivement coûteux de reconstruire par nous-mêmes ce genre de capacité et d’acquérir cette expertise, alors qu’il existe un centre spécialisé qui nous offre ce service.

La sénatrice Omidvar : Merci.

La sénatrice Bernard : Ces explications sont vraiment fascinantes. Je vous remercie donc de votre exposé et de cette discussion. Je suis consciente que la séance achève, mais je veux reprendre quelques thèmes que certains de mes collègues ont abordés à propos de l’exactitude et du manque de données sur les handicaps et l’identité.

Je songe aux personnes de diverses races; comment pouvons-nous recueillir des renseignements à ce sujet? Comment ces modifications nous aident-elles à cet égard? Une de mes collègues a parlé des populations autochtones; pour ma part, je pensais particulièrement aux personnes afro-canadiennes. Même si vous avez parlé de la déclaration volontaire, il s’agit d’une communauté qui a fait l’objet d’autres désignations depuis les années 1700, et nous éprouvons encore des difficultés à cet égard. À cela s’ajoute l’aspect multiracial. Il n’y a pas vraiment de place pour résoudre cette question.

Cette semaine, à l’occasion d’un atelier organisé à Halifax, j’ai eu une conversation où on a remis en question les données de 2016 sur les personnes africaines en Nouvelle-Écosse. On considérait notamment que la diminution notable des chiffes était attribuable au comptage et à un problème d’exactitude du recensement plutôt qu’à la réalité. Cela se rapproche beaucoup des propos de la sénatrice Frum sur les juifs et de la sénatrice Greene Raine sur les Autochtones. Ce sont des questions complexes. Est-ce que certaines modifications apportées à la loi nous aideront à vraiment résoudre ces questions complexes de manière efficace?

M. Arora : Eh bien, je pense que le projet de loi stipule essentiellement que les statistiques servent à avoir une idée véritable des faits et à évaluer la réalité avec un degré élevé d’exactitude. À dire vrai, je pense que le projet de loi indique que cette tâche revient à Statistique Canada et à ses experts, qui font leur pain quotidien de déterminer comment on peut comprendre le vrai phénomène et ce qu’il se passe vraiment. Voilà, selon moi, ce que fait le projet de loi : il indique que le gouvernement ne devrait pas s’ingérer dans ce dossier pour déterminer les genres de méthodes à employer, si l’initiative est obligatoire ou volontaire, si on recueille un petit ou un gros échantillon, ou même comment on communique l’information ou la met en contexte. Si vous voulez, l’art de la statistique devrait être laissé à l’expert qui s’occupe de la question à longueur de journée.

Quand vous dites qu’il faut comprendre un phénomène, qu’il s’agisse de mesurer une population qui évolue rapidement, sa relation avec son identité et la manière dont cela change d’une génération à l’autre ou autre chose, je pense que c’est de cela dont je parle. Ces phénomènes ne sont pas statiques; donc, les outils et les mécanismes grâce auxquels nous les évaluons ne devraient pas l’être non plus.

Pour en venir au point que vous avez soulevé, je serais plus qu’heureux de travailler avec les personnes qui éprouvent, selon vous, des difficultés, tout comme nous le faisons pour d’autres problèmes. Je serais enchanté de travailler avec eux pour tenter de déterminer comment leur réponse et leur identité ont évolué au fil du temps et de voir comment nous pourrions mieux procéder. C’est ce que nous faisons : nous travaillons en partenariat avec les parties prenantes, car nous voulons comprendre leurs besoins. Nous voulons ensuite nous assurer que nous disposons d’un mécanisme qui tient réellement compte de leurs besoins évolutifs.

La sénatrice Bernard : Vous affirmez que vous seriez plus qu’heureux de travailler avec les communautés à cet égard, par exemple, mais je vais intervenir ici à titre d’universitaire à la retraite. Je sais que, au cours des 30 dernières années, un grand nombre d’universitaires noirs du pays ont tenté d’intervenir pour obtenir de meilleures données, mais ils n’ont pu se faire entendre. Comment ce projet de loi peut-il aider ces gens à faire entendre leur voix dans le cadre du processus dont vous parlez?

M. Arora : Tout d’abord, comme je l’ai expliqué, il y a des consultations qui sont en cours au sujet du recensement. Cependant, comme je l’ai fait remarquer précédemment, le recensement ne constitue pas notre seul outil. Des programmes, des enquêtes et des mécanismes nous permettent de recueillir de l’information. J’encouragerais les gens à se manifester et à nous faire parvenir leurs observations. Ils peuvent utiliser un portail en ligne. Nous sommes là. Nous avons des bureaux régionaux. Les gens peuvent me joindre directement s’ils veulent me parler de leurs problèmes. Nous sommes là pour cela. Nous avons d’excellentes relations avec les parties prenantes du pays, pour la simple et bonne raison qu’ils nous considèrent comme une source indépendante et crédible de statistiques qui fait figure d’autorité dans le domaine. C’est la relation que nous voulons maintenir, entretenir et renforcer. Nous souhaitons être ouverts, et je pense que nous le sommes en grande partie.

Nous voulons comprendre les besoins précis. Ensemble, je pense que nous pouvons voir la nature dynamique des changements et la manière dont les gens s’identifient eux-mêmes. Cela a considérablement changé. Vous savez que la principale réponse que nous obtenons des gens de diverses origines ethniques est « Canadien ». Certains jugent que c’est une bonne chose, alors que d’autres considèrent que beaucoup de données nous échappent. Pourtant, le questionnaire fournit autant de réponses qu’on veut. Nous pouvons présenter l’information de manière mieux adaptée à la réalité. Par contre, je pense que le questionnaire doit être factuel et représentatif, car nous devons évidemment prendre soin de ne pas nous ingérer dans les affaires d’autrui. Selon moi, c’est là que l’art de la statistique et l’objectivité dont nous faisons preuve lorsque nous mesurons une panoplie d’éléments de manière cohérente sont vraiment importantes.

La sénatrice Omidvar : La discussion est fascinante. Je veux parler de l’évolution de la langue qui suit celle de l’identité, car la terminologie change elle aussi. Je peux vous dire que la communauté avec laquelle je travaille n’aime pas le terme « minorité visible ». Ce terme ne convient plus, car, dans bien des communautés, nous ne sommes plus minoritaires. Quel processus utilisez-vous à cet égard? Si le temps manque, vous pouvez peut-être nous faire parvenir la réponse ultérieurement. Je m’interroge sur le processus que vous utilisez pour modifier la terminologie.

M. Arora : Dans le cas présent, nous nous appuyons d’abord sur la Loi sur l’équité en matière d’emploi, où un grand nombre de ces termes sont définis. Nous avons la responsabilité de fournir des renseignements qui montrent comment cette loi, les programmes et les initiatives progressent au fil du temps. C’est toujours un casse-tête de savoir comment la terminologie évolue avec le temps. D’un côté, il ne faut pas toucher à l’uniformité de la définition, car alors on rompt la série et on ne sait plus où on en est. Par contre, on veut suivre l’évolution des choses. Les langues et l’ethnicité font partie intégrante de ce débat.

Le président : Juste avant que je ne lève la séance, je veux éclaircir certaines réponses que vous avez données plus tôt. En vertu du présent projet de loi, les demandes de renseignements envoyées par le statisticien en chef peuvent revêtir un caractère obligatoire ou volontaire, mais nous considérons toujours que le formulaire long de recensement a un caractère obligatoire. Je présume donc que c’est obligatoire, à moins que ce ne soit à votre discrétion?

M. Arora : En vertu de la Loi sur la statistique, le recensement est, de par sa nature même, obligatoire. La question est : qu’est-ce qui constitue un recensement? Comme je l’ai indiqué, c’est le gouvernement qui en décide. La loi stipule actuellement que, si le statisticien en chef juge que les données dont on a besoin ne peuvent être recueillies qu’au moyen d’une mesure obligatoire, il a le droit de pouvoir le dire. En cas de désaccord entre lui et le gouvernement, il peut demander, en un certain sens, au ministre de coucher le tout sur papier. Comme le ministre l’a indiqué, c’est maintenant un processus.

La sénatrice Cordy : Est-ce pour cette raison qu’on appelle cela une enquête auprès des ménages?

M. Arora : Oui.

Le président : C’est bon d’éclaircir ce point.

Vous dites que c’est vous qui décidez du « comment », mais que c’est le Cabinet qui choisit le document du recensement. Dans les faits, donc, n’est-ce pas ce dernier qui détermine le « comment »? Ne s’occupe-t-il que du document du recensement et d’aucune autre de vos tâches?

M. Arora : Le recensement est sans pareil pour les raisons que j’ai expliquées plus tôt, et c’est une décision que prend le gouvernement. Cependant, cela n’empêche pas le statisticien en chef de dire que ces renseignements ne peuvent être recueillis que de manière obligatoire pour des raisons de qualité. Le gouvernement est-il obligé de suivre ce conseil? Non, mais il existe un processus pour déterminer qui est responsable de cette décision.

Le président : Nous remercions M. Arora et ses collègues d’avoir témoigné. Merci beaucoup d’avoir répondu à nos questions. Vous nous avez été d’une aide précieuse.

(La séance est levée.)

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