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SOCI - Comité permanent

Affaires sociales, sciences et technologie

 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie

Fascicule no 32 - Témoignages du 30 novembre 2017


OTTAWA, le jeudi 30 novembre 2017

Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd’hui, à 10 h 31, pour poursuivre son étude du projet de loi C-36, Loi modifiant la Loi sur la statistique.

Le sénateur Art Eggleton (président) occupe le fauteuil.

[Français]

Le président : Bienvenue au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie.

[Traduction]

Aujourd’hui, nous poursuivons notre étude du projet de loi C-36, Loi modifiant la Loi sur la statistique. Avant de présenter nos témoins, nous allons commencer par nous présenter. Je suis Art Eggleton, sénateur de Toronto et président du comité.

La sénatrice Seidman : Judith Seidman, de Montréal, au Québec. Je suis vice-présidente du comité.

[Français]

La sénatrice Poirier : Rose-May Poirier, du Nouveau-Brunswick.

[Traduction]

La sénatrice Raine : Nancy Greene Raine, de la Colombie-Britannique.

Le sénateur Doyle : Norman Doyle, de Terre-Neuve-et-Labrador; je remplace Fabian Manning.

Le sénateur Dean : Tony Dean, de l’Ontario.

La sénatrice Cordy : Jane Cordy, de la Nouvelle-Écosse.

[Français]

La sénatrice Petitclerc : Chantal Petitclerc, du Québec, vice-présidente.

[Traduction]

Le président : Nous avons deux groupes de témoins aujourd’hui. Dans le premier groupe, c’est avec grand plaisir que je souhaite la bienvenue à deux anciens très éminents statisticiens en chef du Canada. Nous avons reçu hier le statisticien en chef actuel et, aujourd’hui, nous recevons deux anciens statisticiens en chef, Ivan Fellegi et Wayne Smith. Nous allons commencer avec M. Fellegi.

Ivan Fellegi, ancien statisticien en chef du Canada, à titre personnel : J’ai fait une déclaration sur le projet de loi C-36 devant le Comité permanent de l’industrie, des sciences et de la technologie dans l’autre enceinte. Puisque la version du projet de loi dont vous discutez aujourd’hui est identique, veuillez m’excuser, mais je soulèverai des points très semblables à ceux que j’ai déjà présentés.

Le projet de loi C-36 est une nette amélioration par rapport à la Loi sur la statistique actuelle, et je suis ravi de le signaler. Or, même si je salue les améliorations, je pense que ce serait une grande perte si on ne tirait pas parti d’une occasion qui ne se présente qu’une seule fois par génération pour intégrer un vrai modèle dans la Loi sur la statistique. J’aimerais vous recommander d’examiner six améliorations positives, dont au moins deux sont essentielles, à mon avis.

Premièrement, je vous suggérerais d’examiner attentivement les Principes fondamentaux de la statistique officielle nationale des Nations Unies. Ils ont été approuvés et le Canada les appuie. C’est un préambule très important qui énonce les raisons pour lesquelles la confiance dans les données est essentielle pour le bon fonctionnement des processus démocratiques et pour lesquelles l’indépendance professionnelle du Bureau national de la statistique est un élément crucial de cette confiance.

Un préambule semblable dans le projet de loi C-36 situe les choses en contexte pour la loi et pourrait jouer un rôle important afin de guider son interprétation future par les tribunaux et d’autres entités. Je vous recommande d’envisager d’inclure un préambule semblable.

Deuxièmement, je pense que la méthode de nomination proposée du statisticien en chef laisse à désirer. C’est une proposition qui requiert des connaissances approfondies des problèmes liés à la qualité des statistiques officielles et de ce qui les rend dignes de confiance, une compréhension des multiples besoins en matière d’information des gouvernements et de la société, et une capacité manifeste de gérer un organisme multidisciplinaire complexe et hautement spécialisé.

Je vous exhorte fortement, si un poste est vacant, à envisager d’exiger la mise sur pied d’un comité de recherche composé d’éminentes personnes qui détiennent les connaissances appropriées pour présenter au premier ministre une courte liste de personnes qualifiées. Ce comité de recherche pourrait être composé de gouverneurs de la Banque du Canada à la retraite, de greffiers du Bureau du Conseil privé à la retraite, de statisticiens en chef à la retraite, du président de la Société statistique du Canada, et cetera.

Le comité de recherche devrait non seulement examiner de manière passive des candidatures pour le poste, mais aussi organiser une recherche active. Le statisticien en chef est un poste hautement spécialisé, et je tiens à dire, fort de mes six décennies d’expérience à l’échelle nationale et internationale, qu’un processus d’examen passif des candidatures sans un volet de recherche ne donnera pas et n’a pas donné par le passé de bons résultats. Je tiens à souligner que, à mon avis, ce sont deux grands aspects que je vous recommanderais d’examiner.

Le nouveau projet de loi proposé confère plus de pouvoirs sur les questions professionnelles au statisticien en chef. Il est d’autant plus important que le titulaire du poste ait les qualifications adéquates. Un comité de recherche composé de membres appropriés devrait remplir cette tâche.

En ce qui concerne le processus de nomination, j’accueille favorablement l’idée de nominations à durée déterminée à titre inamovible avec possibilité de renouvellement, mais je vous suggérerais d’envisager d’autoriser plus d’un renouvellement. Si une personne exceptionnelle occupe le poste, pourquoi devriez-vous écarter la possibilité d’un deuxième renouvellement de mandat?

Quatrièmement, comme je l’ai déjà mentionné, l’idée de conférer au statisticien en chef le pouvoir de gérer les méthodes statistiques qui seront utilisées et le calendrier et les méthodes de dissémination des statistiques est au cœur des changements proposés. Toutefois, à mon avis, le fait que le projet de loi C-36 offre la possibilité que le ministre responsable puisse renverser une décision du statisticien en chef concernant une question de méthodologie constitue une importante lacune. La protection de la transparence proposée dans la version actuelle du projet de loi C-36 n’aurait pas été efficace dans le cadre du recensement de 2011.

Cet aspect de la Loi sur la statistique proposée viole explicitement aussi les Principes fondamentaux de la statistique officielle des Premières Nations, dont le gouvernement du Canada est un signataire principal. Comme je l’ai mentionné, cela laisse la porte grande ouverte à une répétition du questionnaire de recensement complet à participation volontaire de 2011, qui a en fait donné lieu aux amendements proposés actuels dans le nouveau projet de loi C-36.

Cinquièment, le problème est aggravé par le fait que la portée du recensement n’est pas précisée, ce qui laisse la porte encore plus grande ouverte à un gouvernement futur qui optera pour une version abrégée du recensement avec peut-être une version longue du questionnaire à titre volontaire que l’on appellerait un sondage.

Enfin, je vous suggérerais de préciser quelques exigences en matière de compétences pour les membres du Conseil consultatif canadien de la statistique proposé. Je vous suggérerais également d’accroître la taille du conseil. Il doit représenter une variété de disciplines, d’ensembles de compétences, de groupes de clients et de lieux géographiques.

Je vous remercie de l’attention que vous m’avez accordée, et je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.

Le président : Merci beaucoup, monsieur Fellegi. Nous allons maintenant entendre la déclaration de M. Wayne Smith, ancien statisticien en chef.

Wayne Smith, ancien statisticien en chef du Canada, à titre personnel : Merci beaucoup. Avant de faire ma déclaration, je suis conscient que c’est la fin de l’étude de cette mesure législative. C’est la dernière chance, alors je vais concentrer mes observations sur la question qui est, à mon avis, la plus importante.

Le principal objectif du projet de loi C-36 est de fournir au statisticien en chef du Canada et à l’organisme dirigé par le statisticien en chef, Statistique Canada, le niveau d’indépendance professionnelle nécessaire pour protéger la crédibilité des statistiques officielles du Canada, comme Ivan vient de le dire. La production et la dissémination des statistiques officielles du Canada — que ce soit sur l’inflation, le chômage, le PIB ou le recensement de la population — devraient être, et perçues comme telles, exemptes de toute intervention externe inappropriée, que ce soit de la part de politiciens ou d’autres sources.

Le Canada a depuis longtemps une convention pour offrir ce niveau d’indépendance professionnelle à ses statisticiens en chef, et la convention a été grandement respectée par les gouvernements qui se sont succédé. Cependant, la pratique internationale et les recommandations des Nations Unies et de l’OCDE réclament que la protection de l’indépendance du Bureau national de la statistique soit prévue dans la loi. Le gouvernement a le mérite d’intervenir en vue d’en faire une réalité canadienne.

Mes prédécesseurs — notamment M. Fellegi — et moi avons grandement participé à la création de cadres internationaux pour l’indépendance des bureaux de la statistique nationaux. En tant que président de la Conférence des statisticiens européens, j’ai contribué à donner l’élan pour l’approbation des principes des statistiques officielles par l’Assemblée générale de l’ONU. En tant que membre et vice-président du Comité des statistiques et de la politique de la statistique de l’OCDE, j’ai proposé et fourni du soutien à l’élaboration des recommandations en matière de pratiques statistiques du Conseil des ministres. Ces deux documents, conjointement avec la législation nationale d’autres démocraties modernes, ont fourni les points de référence qui devraient être utilisés pour évaluer le projet de loi C-36.

Je vais me concentrer sur une lacune importante dans la mesure législative qui mine fondamentalement son objectif. Le projet de loi C-36, comme Ivan vient de le dire, protège efficacement l’indépendance professionnelle du statisticien en chef et, du même coup, de Statistique Canada, une fois que le statisticien en chef a été sélectionné. Il lui confie un mandat d’une durée déterminée à titre inamovible. Il confère directement au statisticien en chef des pouvoirs sur la façon dont le programme statistique est dirigée, prévoit que toute directive émise au statisticien en chef doit être communiquée publiquement, et cetera.

Là où il y a une lacune, une énorme lacune, c’est dans le processus de sélection du statisticien en chef. Le projet de loi C-36 n’établit aucune disposition, aucune exigence pour le processus de sélection. C’est quelque peu surprenant de la part du gouvernement étant donné que, lorsqu’il était dans l’opposition, il a présenté des projets de loi d’initiative parlementaires qui comportaient un processus clairement établi pour la sélection du statisticien en chef en tant qu’élément clé pour instaurer son indépendance professionnelle.

En ce qui concerne ce projet de loi, le gouvernement a dit qu’aucune disposition n’est nécessaire en raison de sa nouvelle approche aux nominations du gouverneur en conseil reposant sur un processus fondé sur le mérite, mais je crois qu’il est clair que cette nouvelle approche à l’égard des nominations n’est pas légiférée, ne lie pas le gouverneur en conseil ou d’autres postes précis, et ne lie certainement pas les gouvernements futurs.

Le gouvernement dit : « Faites-nous confiance », mais il aurait pu dire la même chose pour n’importe quelle disposition du projet de loi C-36. Le processus de sélection est la disposition la plus fondamentale. Quel est le but de protéger l’indépendance professionnelle du statisticien en chef s’il peut être sélectionné à partir de sa volonté d’obéir aux ordres du gouvernement? Je vous dis que l’approche devrait être axée sur la confiance, mais il faut légiférer.

La réalité du nouveau processus de nomination semble être que les gens peuvent présenter une candidature — mais, si j’ai bien compris, pas à des postes de sous-ministre, ce que le statisticien en chef est considéré être en ce moment —, mais toute transparence ou validation externe de l’application du principe du mérite font complètement défaut à partir de là. Un tel processus inspire très peu confiance que la personne la plus qualifiée sera sélectionnée pour occuper le poste de statisticien en chef.

Ce que je propose aux sénateurs, c’est que, s’ils ne font qu’une seule chose, ils devraient proposer des amendements au projet de loi C-36 pour qu’ils incluent un processus de sélection clair et transparent pour le statisticien en chef du Canada. Ce processus devrait inclure les caractéristiques suivantes.

Il faut dire clairement que le fondement de la sélection devrait être des compétences manifestes et de l’expérience au niveau de la direction dans le domaine des statistiques officielles et dans la gestion de grands organismes.

Il convient de mentionner clairement que le statisticien en chef doit être bilingue.

La recherche des candidats les plus qualifiés devrait être effectuée par un comité de recherche composé de trois personnes qui sont ou ont été des intervenants non politiques dans le système statistique national. Citons notamment des gouverneurs de la Banque du Canada, d’anciens greffiers du Bureau du Conseil privé, des sous-ministres provinciaux ou fédéraux de grands ministères chargés des politiques, le président de la Société statistique du Canada, des vices-présidents des recherches économiques dans des banques à charte, et cetera.

Le comité de recherche devrait proposer une courte liste des trois candidats les plus qualifiés au greffier du Bureau du Conseil privé aux fins d’examen par le gouverneur en conseil.

Même si j’ai des divergences d’opinions sur certains aspects du projet de loi C-36, je partage de nombreuses préoccupations que M. Fellegi vient de soulever. J’appuie également le cadre général visant à assurer l’indépendance professionnelle de Statistique Canada, qui est une question si cruciale que je préfère ne pas l’aborder dans le cadre de mes remarques liminaires. Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions sur n’importe quel autre aspect du projet de loi dans le cadre de mon témoignage.

Je vous remercie de me donner l’occasion d’aborder cet important sujet.

Le président : Merci beaucoup à tous les deux de votre contribution à notre étude. Nous pouvons maintenant passer à la période des questions. Je pense que deux questions par membre devraient nous permettre de respecter l’horaire. Autrement, nous devrons faire les ajustements nécessaires. Nous allons commencer avec la marraine du projet de loi, la sénatrice Cordy.

La sénatrice Cordy : Merci beaucoup d’être ici. Il est toujours bon d’entendre les témoignages de gens qui ont fait le travail et qui ont de l’expertise dans le domaine.

Vous avez tous les deux longuement discuté du processus de sélection pour choisir un statisticien en chef, et vous ne voulez certainement pas d’un candidat qui est motivé par des considérations politiques. Vous avez tous les deux dit très clairement que le poste est très technique. C’est un poste qui doit être occupé par une personne très qualifiée. Nous ne voulons pas d’un statisticien en chef qui ne comprend pas comment recueillir des données d’une manière scientifique. Je vous remercie donc de vos observations à ce sujet.

Je n’ai peut-être pas porté suffisamment attention, mais je ne me souviens pas qu’un statisticien en chef sélectionné par un gouvernement libéral ou conservateur au pouvoir ait été nommé à des fins partisanes. Ceux que je me rappelle avaient tous une vaste expertise dans le domaine.

Est-il déjà arrivé qu’un candidat ait été nommé au poste de statisticien en chef et qu’il n’était pas qualifié? Je n’ai peut-être pas porté suffisamment attention, car je n’ai jamais entendu dire que c’était le cas, peu importe qui formait le gouvernement.

M. Fellegi : Je préfère ne pas donner de noms, mais oui, il est déjà arrivé qu’une personne n’était pas qualifiée, mais pas pour des raisons politiques. Je ne veux pas entrer dans les détails en raison des personnes concernées. Mais oui, c’est déjà arrivé.

En revanche, Statistique Canada jouit désormais d’une excellente réputation. Il est difficile de se rappeler que, à la fin des années 1970, cette histoire faisait les manchettes de nombreux journaux qui dénonçaient des scandales et des erreurs professionnelles et, à l’époque, nous avions besoin d’un statisticien en chef à même de changer la situation.

La seule fois dans l’histoire de Statistique Canada où l’on a mis sur pied un comité de recherche semblable à celui dont M. Smith et moi faisons allusion — et le statisticien en chef n’aurait pas présenté sa candidature, car il était vice-président d’AT&T et touchait probablement cinq fois le salaire que le gouvernement du Canada lui offrait —, le comité a fait appel à sa conscience pour l’encourager à revenir au Canada et à effectuer ce travail de transformation — et Dieu sait qu’il a transformé Statistique Canada.

J’ai des exemples lorsque la méthode actuelle proposée n’a pas fonctionné et lorsque la méthode où l’on a fait appel à un comité de recherche actif a permis de transformer Statistique Canada.

M. Smith : J’ajouterais deux observations. En ce qui concerne un candidat qui aurait clairement été nommé à des fins politiques, je reconnais qu’il n’y en a pas eu. Mais il faut déterminer si la personne choisie était la plus qualifiée parmi les candidats proposés, et je soulèverais certaines questions entourant quelques-unes des nominations qui ont été effectuées par le passé.

Comme je l’ai signalé dans mes remarques, par convention, les divers gouvernements ont, de façon générale, respecté l’indépendance politique de Statistique Canada. Donc, le projet de loi vise à renforcer cette indépendance, plutôt que de corriger un problème flagrant où il y a clairement eu de graves violations.

Pour la même raison qui justifie toutes les autres mesures prévues dans le projet de loi, la mise sur pied d’un comité de recherche est justifiée pour prévenir des violations futures plutôt que corriger les violations passées.

La sénatrice Cordy : Vous avez tout à fait raison de dire que le Canada dispose d’une excellente réputation à l’échelle internationale pour ce qui est de Statistique Canada et des statisticiens en chef que nous avons eu en poste.

Je pense que c’était vous, monsieur Fellegi, qui a parlé de la taille du conseil, que 10 membres, ce n’est pas le nombre adéquat. Nous avons entendu hier les témoignages du statisticien en chef actuel, monsieur Arora, du ministre et du sous-ministre, et leurs observations concernant la taille. Je ne sais pas trop comment on sélectionne le bon nombre — est-ce 10, 11, 15? —, mais ils estimaient qu’il y avait suffisamment de conseils de consultation pour représenter les provinces et les territoires et qu’il y a un certain nombre de conseils de consultation provinciaux et territoriaux pour le statisticien en chef.

La sélection des membres de ce conseil s’apparente à celle du statisticien en chef; vous voulez des gens qui ont des compétences précises. Qu’ils vivent au Yukon, à Toronto ou à Halifax, le lieu géographique n’est pas le premier critère. Le premier critère, ce sont les compétences qu’ils apportent au conseil de consultation pour le statisticien en chef, les renseignements qu’ils doivent posséder, car ils ont une représentation régionale provenant des autres conseils de consultation provinciaux-fédéral. C’est un nombre qui me surprend, le nombre de conseils de consultation qui existent pour le statisticien en chef.

M. Fellegi : Ils ne produisent pas des rapports au Parlement, du moins ces autres conseils de consultation de Statistique Canada. Le nouveau conseil proposé a un rôle de surveillance que les autres n’ont pas. Il fait donc partie d’une catégorie différente, et l’un ne peut remplacer l’autre.

Ce n’est pas ce qui me préoccupe le plus, cependant. Comme je l’ai mentionné, c’est un point que j’ai cru bon de soulever, car je sais d’expérience que Statistique Canada œuvre dans un si grand nombre de domaines différents qu’il sera probablement difficile de mettre sur pied un groupe de consultation qui représente au moins sept des principaux domaines avec seulement 10 membres. Mais ce n’est pas le principal problème.

[Français]

La sénatrice Petitclerc : Ma question est complémentaire à la question précédente. On parle beaucoup — on en a d’ailleurs parlé hier — de transparence et de reddition de comptes, mais surtout d’indépendance. Le point que vous avez soulevé en ce qui a trait à la sélection du statisticien en chef rejoint un peu ce qu’on a entendu en comité, avec le professeur Thomas, si je ne me trompe pas. Selon vous, est-ce que ce que vous proposez comme système de sélection plus spécifique, plus détaillé est en harmonie, en accord avec les Principes fondamentaux de la statistique officielle des Nations Unies ou avec ce qui se fait dans le monde des meilleures pratiques internationales?

M. Smith : Le document Principes fondamentaux de la statistique officielle des Nations Unies est un des deux documents importants qui touchent le Canada. La notion d’indépendance professionnelle est un facteur clé dans ce très important document, qui a été approuvé par le Canada. M. Fellegi a participé à développer ce document, et j’ai participé à son approbation pour l’Assemblée générale des Nations Unies.

L’autre document est la recommandation de l’OCDE. Ce document est très spécifique. Il énumère un grand nombre de critères dans la façon dont le statisticien en chef doit être sélectionné dans chaque pays afin de déterminer si l’agence nationale de la statistique est vraiment indépendante. Le Canada a aussi approuvé ce document. Ce qui est intéressant dans ce document c’est que cela exige, d’une façon périodique, qu’il y ait une évaluation de chaque pays membre. Donc, éventuellement, le comité de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) va jeter un coup d’œil sur les mesures inscrites dans les lois du Canada. Il risque de soulever ce point si le processus de sélection semble absent de la loi. C’est donc très important et c’est appuyé dans les documents de normes internationales.

[Traduction]

La sénatrice Seidman : Merci beaucoup à tous les deux de vos déclarations de ce matin. Vous êtes tous les deux d’anciens statisticiens en chef pour le Canada, et vos témoignages sont très crédibles. Je prends très au sérieux les lacunes du processus de sélection du statisticien en chef que vous avez soulevées. Vous avez tous les deux mis l’accent sur ces lacunes, et je pense que nous devrions prendre au sérieux ce que vous dites.

Vous avez parlé du processus de sélection. Je pense, monsieur Smith, que vous avez précisé les caractéristiques que le processus devrait inclure. Vous avez attiré notre attention sur le fait que le processus utilisé pour sélectionner votre successeur ne correspond au processus qui est défini, ou au manque de processus qui est défini, ou aux principes, devrais-je dire, qui sont énoncés dans le projet de loi actuel.

J’aimerais vous interroger plus précisément sur quelques-unes des caractéristiques que vous avez soulevées dans le processus, mais j’aimerais vous poser une question sur le dernier point, car, vous dites que le comité de recherche devrait proposer une courte liste des trois candidats les plus qualifiés au greffier du Bureau du Conseil privé aux fins d’examen par le gouverneur en conseil. J’aimerais ensuite aborder l’étape finale, qui consiste à déterminer qui, parmi les candidats sur cette courte liste, devrait devenir le statisticien en chef. Ma question pour vous est la suivante : d’après votre expérience, devrait-on élargir la surveillance du Parlement à l’égard de ce processus de nomination au poste que vous avez occupé par le passé? Autrement dit, un mandataire du Parlement devrait-il assurer une surveillance, par exemple, dans le cadre de laquelle les deux Chambres auraient l’occasion de poser des questions et de prendre des décisions?

M. Smith : Je suis très ouvert à cette idée. Il y a un précédent au Royaume-Uni où un comité parlementaire examine la nomination du statisticien national.

J’ai deux préoccupations. L’une porte sur le fait de rendre le processus tellement lent que, si le poste était vacant, ce pourrait être très long avant qu’une personne soit nommée. Mais je serais certainement très ouvert à l’idée et je serais favorable à ce qu’on la porte à l’étape suivante, mais ce serait une idée très difficile à vendre.

M. Fellegi : Je croyais que votre question visait à savoir si, par le passé, on tenait compte de ce facteur, mais ce n’est pas le cas. Le candidat à ce poste, à tout le moins depuis les années 1970, est nommé par le gouverneur en conseil. C’était comme n’importe quel autre sous-ministre. Une personne était nommée et Dieu seul sait de quelle manière.

La sénatrice Seidman : Je vais y revenir. Je vous remercie d’avoir dit qu’il serait possible d’envisager quelque chose de ce genre.

Je reviens maintenant au fait que vous avez tous les deux dit que le processus de sélection échoue lamentablement et que le simple fait de se fier à un concept théorique fondé sur le mérite, sans avoir de véritables critères et de processus défini, est une lacune de taille.

C’est ce que vous avez dit tous les deux. D’après vous, comment devrions-nous amender cette mesure législative pour remédier à cette lacune?

M. Fellegi : Je pense que nous avons tous les deux évoqué un processus éventuel et les types de personnes visées. Dans ce cadre d’expertise, je pense que nous serions très heureux de laisser le soin aux processus de nomination des cadres supérieurs actuels du Conseil privé de nommer les types de personnes que nous avons incluses dans nos listes qui se chevauchent beaucoup et où figurent les experts qui devraient siéger à un comité de la sorte.

La sénatrice Seidman : Monsieur Smith, voudriez-vous que le processus soit bien défini, si je me fie à la déclaration très claire que vous avez faite?

M. Smith : Oui. Un projet de loi d’initiative parlementaire a été présenté à la Chambre à la législature précédente par un député libéral. Il prévoyait un tel processus assorti d’une surveillance considérable : il n’énonçait pas de critères de sélection, ce qui devrait être corrigé. Mais nous pourrions nous en inspirer également.

Le président : Permettez-moi d’apporter un éclaircissement ici. Vous parlez tous les deux d’un comité de recherche composé de personnes compétentes lorsque le poste est vacant.

Savez-vous si dans le processus actuel, et plus particulièrement au cours des dernières années, ces personnes compétentes ont été consultées concernant les nominations effectuées par le gouvernement avant de procéder aux nominations par le gouverneur en conseil?

M. Fellegi : À ma connaissance, non, sauf dans le cas que j’ai mentionné plus tôt où un comité de recherche a été mis sur pied dont les membres examinaient activement un vaste éventail de critères et les types de personnes qui pourraient les satisfaire.

La réussite de ce processus m’amène à vous recommander une telle recherche.

Le président : Ce pourrait être fait dans le cadre des processus actuels.

M. Fellegi : Ce serait possible. Rien ne nous en empêche, sauf dans ce cas-là.

M. Smith : Le processus actuel, dans son fonctionnement actuel, est dirigé par le greffier du Bureau du Conseil privé lorsque le poste est vacant, et le greffier s’appuie sur une grande quantité de renseignements connus du gouvernement sur les candidats dans le cadre du processus de sélection. On ne fait pas que demander à des gens dans une salle : « Quel candidat aimons-nous? » C’est, de toute évidence, un processus beaucoup plus complexe conçu habituellement pour trouver une personne hautement qualifiée — et pas forcément la plus qualifiée, car parfois l’éventail de candidats considérés est trop restreint, de façon générale.

Cela revient encore une fois à la différence entre « ce qui arrive peut arriver » par opposition à « ce qui est légiféré arrive ». En légiférant, on oblige le gouvernement à respecter cette marche à suivre. Si nous nous fions à l’usage, ce que nous avons fait jusqu’à présent, nous nous en sommes assez bien tirés — du moins c’est ce que nous croyons. D’autres ne sont peut-être pas d’accord toutefois.

La sénatrice Poirier : Merci, messieurs, d’être ici.

Monsieur Fellegi, vous avez mentionné dans vos observations — et je sais que la sénatrice Cordy a abordé le sujet — la taille du comité. Hier soir, lorsque nous avons reçu le ministre, nous avons discuté de quelques questions. J’ai soulevé la situation où nous parlions de l’équipe de 10 personnes qui formeraient le nouveau conseil, qui aurait un nouveau mandat et une expertise différente.

J’aimerais savoir si vous pouvez m’expliquer s’il aurait été possible que le Conseil ait eu un changement de mandat et qu’il n’ait pas pu choisir parmi ceux qui étaient là. N’avaient-ils pas le savoir-faire requis à ce moment-là? Selon vous, est-ce que cela pourrait être une possibilité?

M. Fellegi : Je crois que vous avez tout à fait raison. En fait, c’est ce que j’aurais préféré. Le Conseil national de la statistique actuel fonctionne à merveille, et je dis cela en tant qu’ex-membre à titre de statisticien en chef et de membre actuel à titre de statisticien en chef à la retraite.

Le savoir-faire du conseil est très vaste et la collaboration y est très présente. Le Conseil consulte beaucoup et il comprend bien son mandat. Dans la proposition, la seule grande différence est le fait de se rapporter au Parlement, ce qui peut être perçu comme une fonction additionnelle.

Qui plus est, le conseil actuel n’est pas rémunéré. J’ai toujours été très impressionné de voir la motivation de ces personnes exceptionnelles qui venaient régulièrement à ces réunions qui duraient deux jours, deux fois par année, et ce, sans recevoir un seul sou. Leur motivation venait de leur intérêt et de leur engagement à l’égard des statistiques officielles.

La sénatrice Poirier : Nous avons parlé de cela, hier soir, avec le ministre, et il nous a dit que les membres n’allaient pas être rémunérés. On se contentera de leur verser une indemnité quotidienne pour couvrir leurs dépenses. C’est ce que j’ai compris.

M. Fellegi : C’est ce qui se fait maintenant.

La sénatrice Poirier : Deuxièmement, dans le dernier paragraphe de votre exposé, vous dites aussi que le conseil devrait représenter une variété de disciplines, de compétences, de groupes-clients et de lieux géographiques. Hier soir, encore une fois, lorsque j’ai parlé d’un conseil à 10 membres au ministre et que je lui ai demandé comment nous allions garder la représentation régionale, il m’a dit que le nouveau conseil pourrait très bien compter quatre ou cinq membres en provenance de l’île du Prince-Édouard, par exemple. Le conseil va être axé davantage sur le mérite et les compétences. Si j’ai bien compris — et je crois avoir bien compris —, la représentation régionale ne semble pas avoir beaucoup d’importance pour lui. Que pensez-vous de cela??

M. Fellegi : Ce n’est pas l’aspect le plus important, mais c’est quand même important, parce que les perspectives diffèrent beaucoup d’une région à l’autre. L’expérience vécue par les gens de l’île du Prince-Édouard n’est pas la même que celle des gens de l’Alberta. Ce que ces gens des différents coins du pays amènent à la table, c’est une compréhension régionale de ce que sont les grands enjeux publics.

À cet égard, je devrais rappeler que Statistique Canada ne travaille pas que pour le gouvernement fédéral. C’est le bureau national de la statistique. Statistique Canada sert tout autant le gouvernement fédéral que les provinces, les municipalités et les autres groupes d’intérêt.

La représentation régionale n’est pas un aspect sans importance, puisque Statistique Canada a aussi pour fonction de répondre aux besoins des régions.

La sénatrice Poirier : Merci.

M. Smith : J’appuie sans réserve la position prise par M. Fellegi. L’expérience que j’ai eue avec le conseil — et croyez-moi, elle est considérable —, c’est qu’une vaste représentation sectorielle et régionale est importante pour permettre à ce groupe de donner au statisticien en chef le type de conseils dont il a besoin. Le ministre pourra lui aussi bénéficier de cela.

Avec un conseil de moins que 24 membres, il sera difficile de concrétiser cette vaste représentation. Je conviens que le fait de transformer le Conseil national de la statistique actuel en cette entité aurait été un scénario souhaitable, même si ce n’est pas celui qui a été adopté.

Je veux par conséquent affirmer clairement que je suis tout à fait d’accord avec ce que M. Fellegi a dit.

La sénatrice Poirier : Merci.

La sénatrice Omidvar : J’ai deux questions distinctes. Nous pourrions peut-être les faire circuler. Merci à vous deux de votre présence.

Ma question porte sur la sélection du Statisticien en chef. Avec les mesures législatives dont nous sommes saisis, le statisticien en chef sera désormais considéré comme administrateur général de Statistique Canada plutôt que comme représentant du ministre.

Je voudrais savoir s’il y a, au gouvernement, d’autres postes au même échelon et, le cas échéant, si les titulaires de ces postes sont choisis grâce à un processus de sélection comme vous avez décrit ou s’il s’agit plutôt d’une nomination laissée à la discrétion du sous-ministre ou de Conseil privé. Y a-t-il un poste équivalent similaire à celui d’administrateur général de Statistique Canada? Je recherche une forme de cohérence.

M. Smith : Il y a une vaste gamme de pratiques. De façon générale, tous les sous-ministres sont nommés de la même façon.

La sénatrice Omidvar : Exactement.

M. Smith : Pour le président de la Commission de la fonction publique, c’est un peu différent. Pour le gouverneur de la Banque du Canada, c’est très différent parce qu’il s’agit d’une autre sorte d’organisme. Bref, à ma connaissance, je ne connais pas de cas équivalent où l’on aurait utilisé une approche similaire à celle-là.

Avant de démissionner, j’étais très impliqué dans l’élaboration de ces mesures législatives. Je sais très bien que nous avons essayé de trouver des précédents, mais nous n’y sommes pas arrivés. Nous n’avons rien trouvé de semblable à ce que nous visions.

La sénatrice Omidvar : Puisque vous avez cherché des précédents, pouvez-vous nous dire comment des administrations similaires choisissent leur statisticien en chef? En Australie ou au Royaume-Uni, peut-être.

M. Smith : Au Royaume-Uni, il y a un statisticien national, et la sélection du titulaire de ce poste se fait aux termes d’un processus parlementaire. Aux États-Unis, il y en a beaucoup, et ces postes sont pourvus par des nominations politiques, comme tous les postes de cadre.

M. Fellegi : Les nominations doivent obtenir l’approbation du sénat.

M. Smith : Oui, c’est effectivement le cas.

En Australie ou en Nouvelle-Zélande, il y a des approches similaires. Il y a une petite différence pour la Nouvelle-Zélande, mais pour ce qui est du processus, je n’ai pas saisi tout à fait de quoi il retourne. Dans de nombreux autres domaines, il y a une très grande cohésion d’approche à l’échelle internationale, mais ce n’est pas le cas lorsqu’il s’agit du choix du statisticien en chef.

La sénatrice Omidvar : Monsieur le président, y aura-t-il une deuxième série de questions?

Le président : Je vais vous inscrire à la deuxième série. Je ne sais pas si nous allons nous rendre jusque-là, mais je vous y inscris quand même.

La sénatrice Raine : Merci d’avoir accepté de venir. C’est très important pour nous.

Ma question s’adresse à M. Smith. Vous avez dit que l’une des causes de votre démission était le fait que Services partagés Canada nuisait aux activités courantes de Statistique Canada.

Selon vous, le projet loi C-36 maintiendra-t-il le statu quo en ce qui concerne cette relation? Dans la négative, pouvez-vous expliquer comment les choses vont changer? Cette question est-elle encore problématique?

M. Smith : C’est une question qui reste très problématique. Statistique Canada devait confier la composante matérielle de ses opérations en matière de TI à Services partagés Canada. La chose s’est faite sans que Services partagés ait le moindre compte à rendre à Statistique Canada. Le financement et le personnel ont tout simplement été transférés de l’un à l’autre.

Je ne crois pas surprendre qui que ce soit en disant que Services partagés Canada a eu du fil à retordre. Le gouvernement a retenu les services de la firme Gartner pour qu’elle rédige un rapport à ce sujet. Le rapport s’est montré extrêmement critique à l’endroit de ce qui a été fait et pessimiste quant à la capacité de gouvernement de faire ce travail dans l’avenir.

J’ai appris plus tard qu’au moment où je donnais ma démission, le commissaire de la GRC, M. Paulson, écrivait des lettres similaires à Services partagés Canada.

À l’époque, ma préoccupation venait du fait qu’il y avait eu de nombreux retards dans la prestation des services. Il y avait des demandes pour réclamer d’énormes sommes d’argent additionnelles et des avaries répétées en matière d’infrastructure. J’avais l’impression que les choses ne faisaient qu’empirer et j’ai demandé qu’on me redonne le contrôle, car j’avais aussi l’impression que tout cela était incompatible avec l’indépendance de Statistique Canada. Si quelqu’un peut empêcher Statistique Canada de fonctionner ou de disséminer ses données, cela veut dire que ce quelqu’un dispose d’un moyen pour contrôler l’habileté qu’a Statistique Canada de produire et de disséminer, ce qui est précisément ce que le projet de loi cherche à éviter : que quelqu’un situé à l’extérieur de Statistique Canada ait cette sorte d’autorité.

Depuis mon départ, Statistique Canada a transféré 20 millions de dollars en financement supplémentaire à Services partagés Canada pour que ce dernier donne des services pour lesquels il était déjà financé. Cet argent aurait pu être utilisé pour le programme de la statistique. À un moment donné, leur site web a été fermé par Services partagés en raison d’une menace logicielle. L’un des arguments évoqués était qu’il fallait protéger les renseignements personnels alors qu’il n’y avait aucun renseignement personnel à protéger. C’est la raison qu’ils ont donnée pour justifier la fermeture du site.

Ils procédaient à l’entretien d’un climatiseur, mais la chose ne s’est pas faite comme il faut. Cela a causé une panne généralisée du principal centre de données dont dépend Statistique Canada.

Les exemples ne manquent pas. Je sais que mon prédécesseur a dit que cela ne le dérangeait pas, mais mon opinion n’est pas celle d’un simple badaud. Je ne crois pas que le problème a été réglé et je ne crois pas qu’il le sera. Lorsque je pense à Services partagés Canada, je vois une version lente de ce qui s’est produit avec Phénix. L’atteinte de l’état critique prend plus de temps que pour Phénix, mais il n’en demeure pas moins que ces transferts sont en train de miner le fonctionnement de Statistique Canada et d’autres entités à l’échelle de l’administration publique.

La sénatrice Raine : Parle-t-on de cela dans le projet de loi?

M. Smith : J’ai bien peur que non. Le projet de loi contient certains passages qui pourraient faire sourciller si le statisticien en chef du jour devait les évoquer. Ainsi, on y apprend que le statisticien en chef est responsable de toutes les opérations. Eh bien, comme cela comprend les TI, doit-on comprendre qu’il a les pouvoirs voulus pour les rapatrier?

La question est de savoir si, par exemple, une personne nommée grâce au processus de sélection va prendre l’initiative de soulever cette possibilité. Pour l’instant, Statistique Canada incendie les ponts derrière lui à mesure qu’il les traverse. Il est en train de fermer le centre de données sur son site et de passer à un centre de partage des données. Avec ce régime, il devient de plus en plus difficile de reprendre un quelconque contrôle physique sur ce matériel.

Le projet de loi ne déclenche rien en lui-même. Il ouvre la porte, mais je pense que personne ne franchit le seuil. En fin de compte, je ne crois pas que cela va changer quoi que ce soit, à moins qu’il y ait un changement de cap radical de la part du gouvernement.

Le sénateur Dean : Merci. Je vais revenir sur l’observation exprimée plus tôt par le président relativement au concept d’un comité de sélection.

En règle générale, d’après ce que vous nous dites, le processus de nomination ne semble pas avoir trop mal fonctionné. Nous avons un exemple d’une personne qui, outre l’ingérence politique, n’était peut-être pas la meilleure personne pour l’emploi.

Cela dit, je suis absolument favorable aux comités de sélection. J’ai fait partie de comités de sélection et, en tant que directeur principal, je me suis servi de ces comités. Les comités de sélection fonctionnent bien pour ce que j’appellerais le processus de « filtrage » et pour donner de la crédibilité au processus.

Cependant, ces comités ne sont pas à l’abri des partis pris, n’est-ce pas? Ma question s’en vient. Comme pour toutes les autres étapes du processus, les comités de sélection ne sont pas à l’abri des partis pris. Même sans amendement à ce projet de loi, je crois sans hésiter que l’on devrait recourir à des comités de sélection de temps en temps, comme c’est souvent le cas. Tout ce que je dis c’est que lorsque j’étais directeur général, il y a eu des occasions où je n’avais pas besoin d’un comité de sélection ou que je n’en voulais pas parce que j’étais convaincu que cela n’aurait ajouté aucune valeur au processus.

Selon moi, il importe que notre rapport souligne l’importance d’inclure la présence d’un comité de sélection au titre des processus et procédures présidant aux processus de sélection. Pour l’instant, je ne crois pas qu’un amendement soit nécessaire, et ce, pour toutes les raisons que je viens d’évoquer.

Que pensez-vous de ces observations?

M. Fellegi : Comme M. Smith et moi l’avons mentionné, le passé n’est pas un exemple effrayant de ce qui s’est produit. En fait, nous avons un intérêt personnel à défendre lorsque nous affirmons que certains statisticiens en chef étaient très qualifiés lorsqu’ils ont été mis en poste en vertu du processus actuel.

Sauf que la raison d’être fondamentale de cette nouvelle loi, c’est de renforcer l’indépendance de Statistique Canada en confiant — entre autres choses — la responsabilité complète et explicite des enjeux méthodologiques au statisticien en chef. Dans cette optique, il est d’autant plus important que la personne choisie soit dument qualifiée et que le processus de nomination soit transparent.

Il est question de discontinuité, pas de continuité. La continuité n’était pas une mauvaise chose. Si cette modification de la Loi sur la statistique est envisagée aujourd’hui, c’est à cause d’une chose : le questionnaire détaillé de recensement volontaire. En dehors de cela, le système n’a pas été mauvais.

Or, il est maintenant question d’édifier un processus d’indépendance renforcé, et de beaucoup. Dans cette optique, nous soulignons à quel point il est important que le statisticien en chef soit, non seulement dument qualifié, mais aussi perçu comme étant dument qualifié, et qu’il ait la crédibilité voulue pour assumer la responsabilité additionnelle qu’on lui confie.

M. Smith : Je suis tout à fait d’accord avec ce qu’Ivan vient de dire. Le passé semble indiquer que, dans l’ensemble, nous nous sommes bien débrouillés; nous avons commis certaines erreurs quant au choix des statisticiens en chef.

Encore une fois, je pense que la question ici est que, tout d’abord, le fait que nous nous soyons bien débrouillés ne signifie pas que nous avons nécessairement fait de notre mieux. Dans une certaine mesure, un comité de recrutement signifierait que nous avons fait de notre mieux. Ivan a donné cet exemple où le fait d’approcher quelqu’un qui n’aurait jamais pensé à présenter sa candidature nous a permis de trouver un statisticien en chef exceptionnel.

À ce jour, les gouvernements ont, de façon générale, respecté l’indépendance de Statistique Canada. Jusqu’en 2011, les gouvernements ont, de façon générale, reconnu le besoin d’un recensement entièrement obligatoire. Il s’agit d’éviter qu’un jour, quelqu’un dise : « Je suis contrarié par la diffusion des statistiques sur le chômage et par la mauvaise image que cela nous donne. Le statisticien en chef a démissionné; je vais en profiter pour le remplacer par quelqu’un à qui je pourrai dire quoi faire. » Cela risque-t-il de se produire un jour? Je n’en sais rien.

Comme c’est le cas d’autres dispositions qui tentent d’empêcher des choses qui ne se sont jamais produites et dans l’intérêt de la solidification de l’indépendance de Statistique Canada, je crois que le processus de sélection a sa raison d’être et qu’il devrait être enchâssé dans la loi.

M. Fellegi : Si vous me permettez, brièvement, je voudrais dire que cela ne s’est pas produit au Canada, mais dans d’autres pays, oui. Et je ne parle pas seulement de pays totalitaires. C’est arrivé en Argentine, par exemple, où l’on a manipulé l’indice des prix à la consommation pour le ramener au tiers ou au cinquième de ce que les évaluations indépendantes avaient établi. Je pourrais vous citer plusieurs autres exemples. Ce n’est pas comme si cela ne s’était jamais produit dans le monde; cela ne s’est pas produit au Canada.

Le sénateur Dean : Par souci de clarté, sachez que je suis tout à fait d’accord avec tout ce que vous avez dit au sujet de l’importance d’être indépendant, de faire preuve de professionnalisme et de faire en sorte que le processus et le travail du statisticien en chef soient à l’abri des interférences. Tout ce que je voulais dire, c’est que le fait d’exiger la présence d’un comité de sélection n’est pas, en lui-même, une protection contre la moindre des préoccupations que vous et moi pourrions avoir. Merci.

[Français]

La sénatrice Mégie : Je fais suite à la question de la sénatrice Raine, qui était un peu ma question. Vous avez répondu, il me semble que dans le projet de loi il n’y aurait rien pour changer quoi que ce soit dans les relations entre Services partagés Canada (SPC) et Statistique Canada, étant donné que c’est une affaire d’infrastructure, de climatisation, et cetera. Mais étant donné que vous l’aviez indiqué comme réflexion, avez-vous pensé à une piste de solution pour l’avenir et pour le prochain statisticien en chef?

M. Smith : Pour moi, la piste future serait de restituer à Statistique Canada le contrôle. Pas le contrôle physique, mais la gestion de toute son infrastructure informatique, incluant les serveurs et tout cela. C’est la responsabilité de Statistique Canada d’obtenir ces services, de renvoyer le budget qui a été transféré et de négocier une entente avec Services partagés Canada qui renverrait le contrôle entier de la gestion de son informatique à Statistique Canada. Cela implique que Statistique Canada doit avoir l’autorité d’aller ailleurs pour ces services ou de se les fournir elle-même. Cela se trouve même dans le rapport — je ne parle pas de celui de Gardner —, où les mêmes notions sont mentionnées, et où on précise que ce serait bien mieux si Services partagés Canada travaillait sur une base de recouvrement des coûts, si les budgets n’avaient pas été transférés, si les ministères avaient l’option d’employer un fournisseur de leur choix plutôt que d’être obligés d’employer Services partagés Canada.

C’est un changement sous forme d’annexe à la Loi sur Services partagés Canada qui est nécessaire pour accomplir cela. C’est très facile pour le gouvernement de le faire s’il le veut, mais il ne le voulait pas. Même si une loi ouvre une porte, je n’ai pas l’impression que l’attitude du gouvernement a changé. Il maintient le cap pour Services partagés Canada et ne veut qu’aucun ministère se soustraie au portefeuille de Services partagés Canada.

La sénatrice Mégie : Donc, il n’y aurait pas de place du tout dans ce projet-là?

M. Smith : Ce serait difficile de l’insérer. C’est une volonté du gouvernement. J’imagine que ce serait possible de dire, dans la loi, que Statistique Canada doit maintenir le contrôle complet sur toute son activité informatique, mais ce serait un peu bizarre comme mesure.

[Traduction]

Le président : Merci beaucoup. Voilà qui termine la première série de questions. J’ai deux demandes pour la deuxième série. Il ne reste que cinq minutes. Je vais demander à la sénatrice Omidvar et à la sénatrice Raine de poser leurs questions rapidement, puis nous allons demander aux témoins de répondre.

La sénatrice Omidvar : J’ai un cadeau à vous faire : ma question a déjà été posée et on y a déjà répondu, alors je vais m’abstenir.

La sénatrice Raine : Y a-t-il quoi que ce soit dans la loi pour prévenir les interférences lorsque vient le temps de décider si le recensement devrait être obligatoire ou — j’essaie de me souvenir du terme qu’ils ont utilisé l’autre jour — une enquête à participation volontaire?

M. Smith : J’ai participé à la rédaction et à l’étude de cette question. Rien n’a changé dans la loi pour empêcher la même situation de se reproduire en 2021. Les dispositions ayant trait au recensement demeurent sensiblement les mêmes.

La sénatrice Raine : Mais elles relèvent du statisticien en chef?

M. Smith : Non, parce que le contenu du recensement est approuvé par le gouverneur en conseil. C’est ce qui est toujours prévu dans la loi. Rien dans la loi n’établit l’étendue d’un recensement. Il peut comporter 9 questions ou 51 questions. Dans le cas du recensement de 2016, il y avait — sauf erreur — 35 questions obligatoires. Tout le monde ayant reçu ces questions devait y répondre.

À l’avenir, n’importe quel gouvernement pourrait utiliser le même mécanisme que celui adopté en 2011. Le gouvernement avait alors décidé que le recensement compterait neuf questions. Par conséquent, tout le reste tient lieu d’enquête et, à ce titre, la participation peut être volontaire, comme c’est le cas. Ces dispositions sont identiques dans la loi actuelle.

La sénatrice Raine : Les statistiques compilées à partir du questionnaire de sondage sont-elles, pour ainsi dire, valables?

M. Smith : Elles sont valables en ce sens que… l’enquête à participation volontaire menée en 2011 était un projet d’étude statistique parfaitement viable, mais elle ne pouvait atteindre les objectifs d’un recensement, qui consistent à fournir des données de grande qualité sur de petites localités, de petites populations, comme les Haïtiens à Flin Flon, au Manitoba. Autrefois, on parvenait à effectuer ce genre d’estimations. Toutefois, en raison de la baisse des taux de réponse, qui varient beaucoup à l’échelle du pays, nous avons perdu, dans une grande mesure, la capacité de fournir des estimations fiables concernant de petites régions. En fait, dans le cas de 25 p. 100 des petites municipalités, nous n’avons rien publié, faute de données fiables.

En 2016, nous avons obtenu les données les plus fiables jamais vues dans le cadre d’un recensement. Assez curieusement, les taux de réponse étaient remarquablement élevés. Nous décelons déjà une différence. Nous avons des données utilisables et de grande qualité, même pour les petites régions et les petits bassins de population en 2016, ce qui faisait largement défaut en 2011.

La sénatrice Raine : C’était volontaire en 2016?

M. Smith : Non, c’était obligatoire. C’est redevenu obligatoire, et nous avons mis en évidence l’importance de rétablir la participation obligatoire en montrant ce qui pouvait être accompli.

M. Fellegi : Aux termes du projet de loi à l’étude, il y a deux façons dont le recensement volontaire de 2011 pourrait être reproduit. La première est le scénario formulé par M. Smith, à savoir que le gouvernement décide que seul le questionnaire abrégé fait partie du recensement et que tout le reste est une enquête à participation volontaire.

L’autre scénario, c’est que le statisticien en chef décide que ce serait obligatoire parce que, selon lui, du point de vue méthodologique, c’est la seule façon judicieuse de recueillir des données détaillées sur de petites régions; ensuite, le gouvernement renverse la décision du statisticien en chef au moyen d’un processus transparent, comme celui prévu dans le projet de loi C-36, mais il a le pouvoir, toujours en vertu du projet de loi C-36, d’annuler la décision du statisticien en chef sur une question méthodologique.

Il y a donc deux scénarios où un futur gouvernement peut essentiellement répéter le recensement volontaire de 2011.

Le président : Merci beaucoup à tous les deux. Nous vous sommes reconnaissants de nous avoir fait part de vos observations, de vos connaissances et de votre expérience de longue date. C’est très utile pour nos délibérations sur le projet de loi C-36.

Voilà qui met fin à cette partie de la séance, et nous allons accueillir un autre groupe de témoins dans quelques instants.

Nous passons maintenant au deuxième groupe de témoins, qui représentent Services partagés Canada : Ron Parker, président, Sarah Paquet, sous-ministre adjointe principale, Stratégies, et Raj Thuppal, sous-ministre adjoint, Réseaux et utilisateurs finaux. Nous allons entendre leur point de vue sur le projet de loi C-36 concernant la Loi sur la statistique.

Ron Parker, président, Services partagés Canada : Merci de nous donner l’occasion de discuter de Services partagés Canada, de son rôle et de sa relation étroite avec ses clients, dont Statistique Canada.

Comme vous l’avez dit, je suis accompagné de Sarah Paquet et de Raj Thuppal. Ils participent de près au soutien de nos clients.

[Français]

J’aimerais commencer en disant quelques mots sur le mandat de SPC. Nous mettons en place l’infrastructure de la technologie de l’information pour les programmes et les services du gouvernement que les Canadiens utilisent tous les jours.

[Traduction]

Chaque fois que les Canadiens consultent les prévisions météorologiques, franchissent la frontière ou présentent une demande de prestations, Services partagés Canada travaille en coulisses pour assurer la stabilité de ces services.

Le ministère a pour mandat de fournir une gamme de services essentiels aux opérations gouvernementales. Il s’agit notamment de services de courriel, de centres de données, de réseaux, de technologies en milieu de travail, ainsi que de cybersécurité et sécurité de la TI.

Protéger et assurer l’intégrité des systèmes, des réseaux et de l’information contre les cybermenaces constituent une priorité absolue pour Services partagés Canada. Nous travaillons avec nos partenaires en la matière et les organismes fédéraux de sécurité pour protéger les réseaux contre les cyberattaques et assurer la sécurité des données des Canadiens.

Nous bénéficions également de certains partenariats stratégiques, comme le Groupe des cinq, un réseau international du renseignement et de la sécurité, qui comprend les États-Unis, le Royaume-Uni, l’Australie et la Nouvelle-Zélande.

[Français]

Depuis la création de SPC, le gouvernement est en meilleure position pour prendre des mesures rapides, préventives et correctrices sur le plan de la cybersécurité.

[Traduction]

En 2014, nous avons établi un périmètre de protection par l’entremise de notre Centre des opérations de sécurité, qui offre en tout temps des services de protection, de détection, d’intervention et de récupération. Le centre a grandement amélioré notre capacité de réagir aux cybermenaces qui pèsent sur le gouvernement.

Par exemple, le centre a joué un rôle de premier plan en gérant avec succès, plus tôt cette année, une vulnérabilité qui a touché les services informatiques partout dans le monde, y compris ceux des ministères comme Statistique Canada.

Cette vulnérabilité, qui a été découverte en mars 2017, a touché plus particulièrement des serveurs qui utilisaient un logiciel appelé Apache Struts 2. Services partagés Canada a travaillé en collaboration avec le Centre de la sécurité des télécommunications, le ministère de la Sécurité publique, le Secrétariat du Conseil du trésor, Statistique Canada et tous les autres ministères qui sont nos partenaires afin de cerner le problème et de rectifier la situation. Bien que certains services n’aient pas été accessibles pendant de courtes périodes, aucune donnée n’a été perdue ni altérée.

Nous avons pu réagir rapidement, en grande partie, parce que l’infrastructure de TI du gouvernement est gérée selon un modèle d’entreprise intégré plutôt qu’en vase clos, comme c’était la pratique par le passé. Cette approche nous permet d’avoir une vue d’ensemble des réseaux et nous offre la capacité de réagir rapidement aux menaces communes auxquelles font face les ministères et les organismes au sein de notre périmètre de sécurité.

En tant qu’organisation axée sur le service, nous comprenons que nos clients, dont Statistique Canada, nous tiennent responsables des services que nous offrons. C’est pourquoi notre tâche première consiste à comprendre leurs besoins opérationnels et ceux liés à la sécurité en vue d’y répondre.

[Français]

Nous sommes fiers du travail que nous avons réalisé au cours de la dernière année afin de répondre aux attentes de nos clients. Ceux-ci reconnaissent les avantages du modèle d’entreprise, et nos clients témoignent de notre amélioration. Les résultats de notre sondage mensuel sur la satisfaction de la clientèle s’améliorent de façon constante.

[Traduction]

La première fois que nous avons effectué le sondage, nos 42 clients nous ont attribué une note moyenne de 2,8 sur 5. En octobre 2017, nous avons obtenu 3,4. Il s’agit d’un progrès important. Depuis octobre 2016, la note attribuée par Statistique Canada est régulièrement supérieure à la moyenne accordée par les clients. En octobre 2017, c’était de 3,5.

Je tiens à être très clair. L’infrastructure de TI de Services partagés Canada ne touche ou ne compromet d’aucune façon l’indépendance de Statistique Canada ou de toute autre organisation.

Services partagés Canada entretient une relation de travail étroite avec Statistique Canada à tous les niveaux, et nous avons obtenu ensemble beaucoup de résultats. Par exemple, la population canadienne a été en mesure de participer, en nombre record, au recensement de 2016 en faisant usage des services d’infrastructure de TI de Services partagés Canada.

Les services de TI offerts par Services partagés Canada dans le cadre du recensement étaient constitués de centres de données, de réseaux, de systèmes de sécurité et de communications, hébergés dans un centre de données d’entreprise à la fine pointe de la technologie. Il n’y a eu aucun problème d’infrastructure de TI pendant la durée du recensement.

Afin de renforcer nos relations de travail avec l’agence, le statisticien en chef et moi avons pris un engagement commun. Nous avons établi une structure de gouvernance solide entre nos deux organisations, ce qui comprend un comité mixte de sous-ministres pour superviser l’ensemble des projets de technologie de l’information à Statistique Canada.

Le statisticien en chef et moi avons pris la décision délibérée de rassembler les équipes de Statistique Canada et de Services partagés Canada pour travailler de manière intégrée. L’objectif global est de moderniser les services de technologie de l’information sur lesquels l’agence s’appuie pour assurer la prestation des programmes à la population canadienne.

Jusqu’ici, l’équipe a fait augmenter de 150 p. 100 la capacité de stockage mise à la disposition de Statistique Canada et de 400 p. 100 la capacité de traitement, le but étant de répondre aux exigences opérationnelles actuelles et futures de Statistique Canada.

À court terme, entre autres initiatives, nous poursuivrons le travail pour répondre aux besoins croissants du programme de Statistique Canada en augmentant la capacité de stockage et de traitement.

[Français]

Nous répondons aussi aux besoins à moyen et à plus long terme. Nous travaillons pour fermer un vieux centre de données. Nous déplaçons les serveurs vers un centre de données moderne pour accroître la fiabilité et la sécurité.

Nous savons à quel point le recensement est important pour Statistique Canada. C’est pourquoi la planification du recensement de 2021 a déjà commencé.

[Traduction]

De plus, l’agence a cerné une nouvelle exigence pour des solutions en matière d’analyse de données; nous travaillons donc à répondre à ce besoin opérationnel.

Statistique Canada et Services partagés Canada collaborent également à l’élaboration du programme de renouvellement de Statistique Canada. Il s’agit d’un plan intégré qui décrit les besoins de l’agence.

Services partagés Canada collabore également avec les principaux organismes de sécurité, comme la GRC, le Centre de la sécurité des télécommunications, le ministère de la Sécurité publique et le Secrétariat du Conseil du Trésor. Nous travaillons de concert pour nous assurer que le maintien de la sécurité des centres de données — ce qui comprend tant la sécurité matérielle que la sécurité informatique — remplit ou dépasse les exigences du gouvernement du Canada. Cette collaboration est essentielle à la prestation de services sécurisés à la population canadienne.

Je tiens à être clair : Statistique Canada continue d’avoir les pleins pouvoirs sur ses données, comme cela a toujours été le cas.

[Français]

En terminant, je veux vous dire de nouveau que nous prenons très au sérieux les exigences en matière de sécurité et de confidentialité de nos clients. Et ceci continuera d’être notre principale priorité.

Monsieur le président, mes collègues et moi serons maintenant heureux de répondre à vos questions.

[Traduction]

Le président : Merci beaucoup de votre déclaration préliminaire. Vous nous avez expliqué clairement le travail que vous accomplissez et les liens que vous entretenez avec Statistique Canada.

La sénatrice Cordy : Merci infiniment. Nous sommes heureux de recevoir des représentants de Services partagés Canada.

Nous savons que le recensement et les autres données fournies par Statistique Canada permettent de produire des documents fondés sur des éléments probants pour l’élaboration de politiques et de lois au sein du gouvernement. Il est donc extrêmement important que la collecte de ces données se fasse correctement.

Nous avons entendu les deux versions de l’histoire pour ce qui est de la collaboration de Statistique Canada avec votre ministère. Nous avons entendu le témoignage de Wayne Smith. Lorsqu’il a comparu devant la Chambre des communes, il a affirmé que Services partagés Canada traitaient les renseignements confidentiels des répondants selon les modalités et les conditions en vigueur et que cela constituait une violation de la Loi sur la statistique. En fait, il a démissionné en raison du travail mené avec Services partagés Canada.

Pourtant, nous avons entendu hier l’actuel statisticien en chef dire que c’est Statistique Canada — et non Services partagés Canada — qui a la responsabilité d’assurer la confidentialité des données, que Services partagés Canada offre effectivement un service, comme son nom l’indique, et que vous n’échangez pas les renseignements. Il a également dit qu’au cours des 15 derniers mois, de grands progrès avaient été accomplis en matière de technologies de l’information. M. Arora a ajouté qu’il a foi en la collaboration avec Services partagés Canada et que son équipe a renforcé les liens avec le ministère.

Aujourd’hui, vous avez parlé de la relation de travail solide que vous entretenez avec Statistique Canada et que vous travaillez de manière intégrée. Vous avez également évoqué, tout comme l’actuel statisticien en chef, de l’importance de la collaboration.

Pourriez-vous nous dire un mot sur votre expérience en ce qui concerne la collaboration avec Statistique Canada, plus précisément avec le statisticien en chef? La situation s’est-elle nettement améliorée? Y a-t-il bel et bien une collaboration et un excellent environnement de travail? C’est parce que nous avons entendu les deux versions.

M. Parker : Tout d’abord, je dirais que tous les employés de Services partagés Canada qui travaillent sur des projets de Statistique Canada ou qui offrent des services à Statistique Canada prêtent le serment de secret qui est exigé en vertu de la Loi sur la statistique. Ils sont liés par le serment, comme tout autre employé de Statistique Canada. Le statisticien en chef a le pouvoir de les considérer comme des employés de Statistique Canada.

Il ne fait aucun doute que les éléments du serment s’appliquent. Les employés y sont liés. C’est une exigence juridique, et quiconque enfreint le serment est passible de sanctions.

Dans cette perspective — et je reviendrai à la question de la collaboration —, je trouve que c’est là un aspect central de toute relation, car c’est ce qui assure la réussite de n’importe quelle entente organisationnelle. Ce qui compte, c’est le ton donné par les échelons supérieurs et le leadership.

Le statisticien en chef et moi partageons les mêmes objectifs pour nos organisations respectives : offrir les meilleurs services possible aux Canadiens. D’après mon expérience, depuis deux ans et demi que j’occupe cette fonction, si le leadership organisationnel souhaite que la relation fonctionne, le reste de l’organisation agit en conséquence. C’est le message que l’actuel statisticien en chef et moi transmettons à nos équipes. En travaillant dans une équipe intégrée, nous avons obtenu, selon moi, plus de résultats que si nous avions agi seuls.

En ce qui a trait à l’augmentation de la capacité de Statistique Canada, sur le plan du traitement et du stockage, comme je l’ai expliqué — et c’est sans compter plusieurs autres aspects, notamment la mobilité du personnel sur le terrain —, il s’agit d’une expansion énorme. On parle d’une augmentation de 150 p. 100 pour le stockage et de 400 p. 100 pour le traitement — voilà tout un exploit.

Je crois que les avantages sont là, surtout en ce qui concerne la sécurité. J’en ai parlé dans mon exposé. Ainsi, l’avantage d’une surveillance de la sécurité 24 heures sur 24, chaque jour de l’année — c’est-à-dire le suivi, la détection, la capacité d’intervenir rapidement — n’existait pas avant la création de Services partagés Canada. Le périmètre est plus solide, et les mesures de défense le sont aussi.

Il est question ici de TI et de cybersécurité; il est donc inévitable que certains aspects de votre arsenal de défense soient compromis, auquel cas il faut réagir rapidement et efficacement pour colmater la brèche. C’est ce que démontre le modèle. Nous n’aurions pas pu obtenir une protection aussi forte si les ministères exploitaient leurs propres services, car nous avons ainsi une vue d’ensemble de tout le réseau du gouvernement du Canada. Nous pouvons examiner la situation dans son ensemble et déterminer comment régler les problèmes au fur et à mesure qu’ils se présentent.

À mes yeux, sénatrice, il ne fait aucun doute que cette approche fonctionne, et c’est ce que nous constatons parmi l’ensemble de nos clients. Le taux de satisfaction de la clientèle a augmenté considérablement. C’est graduel. Dans le cas d’un changement culturel majeur — et c’est là où nous voulons en venir —, les résultats s’améliorent graduellement, année après année.

La sénatrice Cordy : En réponse à une question posée ce matin, M. Smith a utilisé les mots « Services Canada » et « Phénix » dans la même phrase. Chaque fois que ces deux termes sont utilisés ensemble, cela provoque un frisson partout dans la salle. Pourtant, vous avez dit que la capacité de stockage a augmenté de 150 p. 100. Vous avez ajouté que les périmètres de sécurité et les mesures de défense sont plus sûrs et plus solides que jamais.

Nous avons entendu le même message de la part de M. Arora, qui a témoigné hier devant le comité. Il a dit, comme je crois l’avoir mentionné tout à l’heure, que de grands progrès ont été réalisés au cours des 15 derniers mois.

Je suis consciente, comme vous l’avez dit, que personne ne peut empêcher les atteintes à la sécurité des données, mais ce qui importe, c’est la façon dont on y réagit. Faites-vous confiance, dans la mesure du possible, à votre délai d’intervention et à votre réaction à toute atteinte perçue, du point de vue des périmètres de sécurité et des mesures de défense? Selon vous, est-il préférable que nous travaillions en collaboration avec les divers ministères gouvernementaux au lieu de laisser chacun se débrouiller seul, et estimez-vous qu’une telle approche vous permet ainsi d’intervenir plus rapidement et d’éviter les fuites autant que possible?

M. Parker : Je suis persuadé que la situation s’est nettement améliorée. En fait, quand on va à l’étranger et qu’on parle aux membres du Groupe des cinq, le Canada fait l’envie de cette collectivité en raison de sa visibilité et de sa capacité de s’occuper de cette question à l’échelle du réseau, en tant qu’une entité unifiée. Voilà un aspect essentiel parce que, dans le domaine de la cybersécurité et de la TI, on est aussi fort que le maillon le plus faible.

Un très grand nombre de gens s’entendent pour dire que la sécurité est meilleure. Elle a été rehaussée, mais je ne minimiserais jamais les risques qui existent.

Si je pouvais simplement parler de la comparaison avec Phénix…

Le président : Veuillez toutefois être bref.

M. Parker : D’accord. Nous avons fait face à l’établissement de Services partagés Canada. Tous les facteurs de réussite n’étaient pas réunis au début.

Dans de récentes lettres de mandat, les ministres Qualtrough et Brison ont été chargés de veiller à ce que Services partagés Canada dispose des ressources nécessaires pour satisfaire d’une manière adéquate à tous les besoins du gouvernement du Canada en matière d’infrastructure de TI.

Nous nous attaquons à ces enjeux d’une façon directe et visible. Nous avons mené un grand nombre de consultations à cet égard. De plus, nous avons fait l’objet d’examens externes et, à l’avenir, les ministres feront la promotion de ces examens.

La sénatrice Seidman : Je vous remercie infiniment de votre exposé, monsieur Parker. L’ancien statisticien en chef, Wayne Smith, nous a parlé des problèmes de TI qui affligent StatCan en raison de l’infrastructure fournie par Services partagés Canada.

Par exemple, en juin, un climatiseur qui fuyait a entraîné une panne de 30 heures au centre de données d’Ottawa, et il a été nécessaire de se procurer des pièces de rechange de base aux États-Unis. M. Smith a qualifié cette erreur de négligence exacerbée par du matériel désuet qui relève de votre ministère.

Depuis juin dernier, quelles mesures Services partagés Canada a-t-il pris pour assurer la maintenance de l’infrastructure du centre de données du pré Tunney ou pour la remplacer?

M. Parker : En termes généraux, lorsque la ministre Foote est entrée en scène en tant que représentante du gouvernement, nous avons élevé le caractère critique de l’infrastructure existante essentielle à la mission. Dans le budget de 2016, 383 millions de dollars ont été affectés à la gestion de l’infrastructure existante dont l’état s’est détérioré après avoir dépassé sa durée de vie utile. Nous avons entrepris de remplacer, sur une période de deux ans, une grande partie de l’infrastructure essentielle à la mission, dont du matériel appartenant à StatCan.

En ce qui concerne cet incident particulier, il était attribuable à la fissuration d’un morceau de plastique à la suite d’une période de maintenance. Les ministères sont intervenus rapidement, mais, l’un des principaux problèmes, c’est que l’incident a entraîné une interruption d’urgence du courant qui a fait tomber le centre de données en entier. Il n’est jamais bon que des centres de données manquent de courant. Ce matériel est extrêmement sensible, et il est difficile de le faire redémarrer parce que des pièces sont défectueuses. Nous avons donc commandé les pièces aussi rapidement que possible auprès du fournisseur de matériel, et nous avons effectué les réparations.

Toutefois, d’après moi, le problème fondamental, c’est que le centre de données est extrêmement vieux. Il repose sur une infrastructure désuète. Nous disposons de centres de données d’entreprise à la fine pointe de la technologie où des problèmes de ce genre ne surviennent pas. Ils sont dotés de systèmes ayant recours à des méthodes de chauffage, de refroidissement et d’alimentation en électricité différentes, ce qui les rend beaucoup plus robustes. Notre principale tâche consiste à travailler avec Statistique Canada et à l’aider à transférer ses charges de travail et ses applications dans un centre de données beaucoup plus robuste et à réduire ainsi les risques opérationnels que l’organisation court en raison de l’âge de ces centres de données existants.

La sénatrice Seidman : Je suppose que je m’efforce toujours de comprendre la réponse à ma question. Services partagés Canada a-t-il pris des mesures pour assurer la continuité des services de la façon dont cela peut être fait — bien entendu, il y a toujours des circonstances atténuantes qui échappent au contrôle de qui que ce soit. Toutefois, en ce qui concerne la négligence et le matériel désuet, comment Services partagés Canada réagira-t-il à ces problèmes particuliers et graves?

M. Parker : Eh bien, à ce que je sache, personne n’a fait preuve de négligence. Une pièce d’équipement, un raccord, s’est simplement fissurée à la suite d’une période de maintenance, et c’est là un risque lié au plastique.

En ce qui concerne le remplacement du matériel, nous mettons actuellement en œuvre des programmes visant à remplacer le matériel ancien et désuet. C’est ce à quoi je faisais allusion à propos du budget de 2016. Un cycle de remplacement graduel est en cours. Il se déroule à un rythme toujours déterminé par les ministères parce qu’ils ont des exigences opérationnelles à satisfaire. Ils doivent continuer de fonctionner. Par conséquent, il est nécessaire de respecter ces périodes.

Nous travaillons avec le ministère au remplacement du matériel ou à l’apport de nouveaux équipements et, d’une façon plus fondamentale, nous travaillons avec StatCan à l’élaboration d’un plan visant à lui faire abandonner son ancien centre de données dont l’infrastructure est vieillotte.

La sénatrice Seidman : Je tenais simplement à vous demander comment est évaluée la qualité des services de TI offerts à StatCan par Services partagés. Est-elle évaluée continuellement? Y a-t-il un genre de processus officiel intégré? Si un désaccord survient entre StatCan et Services partagés, y a-t-il un quelconque recours?

M. Parker : Nous avons conclu un ensemble d’ententes opérationnelles qui stipulent les responsabilités de chaque partie. De plus, il y a un niveau de service associé à chaque service offert par Services partagés Canada. Nous nous engageons à atteindre ces niveaux de service, mais nous ne réussissons pas toujours à le faire. Si une panne survient et que la pièce à remplacer n’est pas disponible au Canada, pour quelque raison que ce soit — le fournisseur ne l’a pas en stock —, la panne peut durer plus longtemps. Il va sans dire que nous parlons au fournisseur si nous découvrons que, contrairement aux ententes prises, les pièces qui sont censées être disponibles ne le sont pas.

Oui, il y a des niveaux de service à respecter. Nous menons aussi des sondages mensuels auprès de nos clients afin de déterminer leur degré de satisfaction. Nous recevrons donc continuellement des commentaires à cet égard.

[Français]

La sénatrice Petitclerc : Je vous remercie de vos présentations.

[Traduction]

Sénatrice Seidman, vous m’avez un peu volé ma question. Toutefois, je souhaite approfondir légèrement le sujet et, en conséquence, je poursuivrai dans cette veine.

Je m’efforce de comprendre la nature de la relation qui existe entre Services partagés Canada et Statistique Canada. Pour donner suite à cela, nous avons longuement parlé de l’indépendance et de la transparence dont doit faire preuve le statisticien en chef qui, grâce au projet de loi qui nous occupe, sera plus que jamais responsable des opérations, selon moi.

Si le statisticien en chef, par exemple, n’est pas satisfait de la sécurité, de la prestation des services, de la technologie, de la méthodologie ou de n’importe quoi d’autre fourni par Services partagés, qui est le patron, et quelle est la relation entretenue? Si un problème survient — pas nécessairement un conflit —, quel processus entre en jeu, et comment la résolution du problème fonctionne-t-elle?

M. Parker : Selon moi, cette question comporte plusieurs facettes.

Premièrement, Statistique Canada ne dépend aucunement de Services partagés Canada pour l’établissement de ses méthodes statistiques ou de ses méthodologies opérationnelles. Il s’agit là de son domaine, et l’organisation exerce également un contrôle sur les personnes qui peuvent avoir accès à ses données et sur la façon dont elles peuvent y avoir accès. Tous ces enjeux relèvent uniquement de StatCan.

En ce qui a trait à la sécurité, Services partagés Canada fournit le niveau de sécurité, quel qu’il soit, indiqué par Statistique Canada. Il appartient au client d’indiquer le service qu’il souhaite recevoir, et nous en assurerons ensuite la prestation. À mon avis, le genre d’interdépendance dont vous parlez n’existe pas.

La sénatrice Petitclerc : Qu’en est-il des coûts? Par exemple, si Statistique Canada souhaite mener une enquête ou une initiative et que des coûts sont associés à ces efforts, comment les choses fonctionnent-elles? Je devrais peut-être connaître la réponse à cette question, mais l’organisation peut-elle choisir d’obtenir ses services ailleurs si elle n’est pas satisfaite des coûts que cette initiative lui occasionnera?

M. Parker : Si les ministères souhaitent mener une nouvelle enquête ou offrir un nouveau programme, par exemple, ils consultent en général le Cabinet afin d’obtenir l’approbation de cette enquête. À ce moment-là, une décision de financement est prise. Une partie du travail que nous accomplirions avec StatCan consisterait à dire à son personnel : « Comme vous souhaitez mener une enquête de ce genre, voici ses besoins en matière de TI. » Nous lui fournirions une estimation des coûts à assumer pour ce service. Le projet doit ensuite franchir toutes les autres étapes.

En fin de compte, des fonds sont mis de côté pour financer l’infrastructure de StatCan. Nous recevons et utilisons ces fonds pour contribuer à appuyer ce nouveau programme.

Voilà en quoi consiste le processus. Si le projet est nouveau, il requiert un nouveau financement.

La sénatrice Petitclerc : D’accord.

Le président : Je tiens simplement à clarifier ce que vous avez dit. Par exemple, si StatCan déclare : « D’accord, nous avons élaboré le contenu, et voici la méthodologie. »Certaines choses peuvent avoir changé depuis qu’ils ont consulté le Cabinet ou le Conseil du Trésor, mais, s’ils disent que c’est tout et que vous dites que le projet coûtera 5 millions de dollars, s’ils n’ont pas les moyens de payer ce montant parce que leur budget s’élève à seulement 4 millions de dollars, comment la question est-elle réglée sans compromettre le contenu ou la méthodologie de l’enquête?

M. Parker : Dans cette éventualité, Statistique Canada prendra une décision quant à la nécessité des paramètres opérationnels que l’organisation a présentés précédemment.

En général, des réserves pour éventualité sont intégrées dans ces estimations. Par conséquent, de telles situations ne surviennent pas très souvent. Depuis que je suis au service de Services partagés Canada et que je travaille avec StatCan, je n’ai jamais observé des circonstances où cela s’est produit.

La sénatrice Poirier : Merci. J’avais une question à vous poser, mais, maintenant, j’en ai deux, car je dois donner suite à votre question et à cette discussion.

Disons, par exemple, que vous ne parvenez pas à négocier un montant qui est acceptable ou abordable pour le client. Que se passe-t-il alors? Y a-t-il un autre organisme que StatCan peut consulter afin de déterminer si l’organisation peut obtenir ailleurs le service dont elle a besoin pour mener l’enquête?

M. Parker : Nous faisons preuve de transparence par rapport à l’approvisionnement en infrastructures de TI. Nous expliquons aux clients la source des coûts. Nos chiffres sont donc très clairs.

En ce qui a trait à l’acquisition de matériel, par exemple, nous profitons énormément du fait que nous effectuons des achats massifs au nom du gouvernement du Canada. Les prix qu’on nous présente sont bien meilleurs que ceux que n’importe quel ministère pourrait obtenir par lui-même.

En ce qui concerne la direction que prend la planète, l’un des nouveaux services que nous offrirons permettra au ministère d’avoir accès à des services infonuagiques — des services de calcul et de stockage — offerts par des entreprises comme Microsoft, Google et Amazon. Les ministères auront accès à d’autres fournisseurs de services de calcul et de stockage.

Nous venons d’établir les contrats qui permettront aux ministères de se procurer ces services pour des données non classifiées. De plus, nous élaborerons un processus d’approvisionnement pour les ministères qui utilisent des données ayant une classification Protégé B ou moindre.

Il appartiendra au ministère de décider du service qu’il souhaite utiliser, de ses exigences en matière de sécurité et de l’endroit où il souhaite stocker ses données. Si les données sont de nature très délicate, les ministères pourront envisager d’avoir recours à d’autres mesures de protection. Ils auront une marge de manœuvre générale quant à la façon dont ils obtiennent leurs services.

La sénatrice Poirier : Merci. Revenons à ma question originale. Comme cela a été mentionné plus tôt, M. Arora a parlé hier de la relation qui existe entre StatCan et Services partagés et de la mesure dans laquelle elle s’est améliorée au cours des 15 derniers mois.

En revenant sur votre déclaration préliminaire d’aujourd’hui, on constate que vous avez mentionné à plusieurs reprises cette amélioration, comme le fait que StatCan vous a accordé une cote supérieure à la moyenne. Vous avez parlé de la relation entre les deux groupes, et vous avez parlé des deux organisations et de la manière intégrée qu’elles fonctionnent. Vous avez indiqué à de nombreuses reprises la façon dont tout s’est amélioré et la mesure dans laquelle la relation est amicale. Je vous en félicite. C’est excellent.

Toutefois, dans le monde d’aujourd’hui, même lorsque tout est parfait, il y a toujours des défis à relever. Quel est, à l’heure actuelle, le principal défi urgent que Services partagés doit relever afin de continuer à améliorer sa relation avec StatCan? Quel enjeu en attente doit toujours être réglé?

M. Parker : Les enjeux auxquels nous faisons face en traitant avec Statistique Canada ne diffèrent pas de ceux auxquels nous faisons face en composant avec un vaste éventail de ministères.

En général, je commencerais par la gouvernance. Nous devons mieux planifier la TI dans l’ensemble du gouvernement du Canada. Nous nous concentrons là-dessus, et notre travail avec Statistique Canada s’inscrit en partie dans ce processus plus large. Nous devons avoir une vision à long terme de l’endroit où nous allons, du rythme auquel nous y allons et des exigences en matière de TI.

J’ai mentionné que tous les facteurs de réussite n’étaient pas réunis au moment où Services partagés Canada a été établi. Le problème est en partie lié à la gouvernance, notamment parce qu’aucun processus n’avait été prévu pour gérer la demande. Services partagés Canada est assujetti à une affectation de crédits fixes. Lors de l’établissement initial de Services partagés Canada, aucune disposition n’a été prévue pour accommoder une croissance des besoins, le cas échéant.

En ce moment, nous observons une énorme croissance et une grande demande de services numériques à l’échelle gouvernementale. Par conséquent, cette lacune doit être comblée sur le plan de la gouvernance.

Un autre problème tient à notre capacité de facturer uniformément les nouveaux services, ainsi que les services non prévus dans le cadre de l’affectation des crédits.

Il faut aussi prévoir un vaste éventail de capacités fonctionnelles, comme la capacité de programmer un cycle régulier de remplacement du matériel, comme celui que j’ai mentionné à propos du budget de 2016. Cette lacune doit aussi être comblée.

Dans une certaine mesure, Services partagés a été créé en premier lieu parce que la vérificatrice générale avait observé en 2010 d’énormes lacunes en matière de renouvellement de l’infrastructure de TI. Sa conclusion était qu’aucun ministère n’avait les moyens d’accomplir cela par lui-même. Services partagés Canada a été établi afin d’apporter à l’ensemble des ministères un fondement commun plus économique qui modernise les services et assure leur prestation, et qui améliore la sécurité.

La sénatrice Raine : Merci beaucoup. J’aimerais faire un suivi dans la même veine que celui que les sénatrices Petitclerc et Poirier ont assuré plus tôt.

Je crois comprendre que Statistique Canada est un client de Services partagés Canada, une organisation qui dépend de la facturation de ses clients pour les services qu’elle leur fournit.

Je suis curieuse de savoir comment vous fixez vos prix. Vous avez laissé entendre qu’ils font l’objet de négociations, mais comment le client peut-il obtenir que votre organisation lui révèle comment son argent est dépensé? Manifestement, les ministères n’exercent aucun contrôle sur les coûts facturés par Services partagés Canada, alors qu’ils pouvaient juguler ces coûts lorsqu’ils assuraient la prestation de leurs propres services de données. Maintenant, ils ne peuvent plus le faire.

À mon avis, ils sont réellement forcés d’obtenir ces services auprès d’un véritable monopole. Comment leur rendez-vous compte de la façon dont leur argent est dépensé?

M. Parker : Nous abordons cette responsabilité du point de vue d’une entreprise. Un comité de gouvernance des sous-ministres a été établi, et il examinera notre plan stratégique, notre plan prospectif et les dépenses que nous planifions d’engager. Je leur rendrai des comptes, je tiendrai compte de leurs commentaires, et je rajusterai les plans en fonction des priorités globales établies par l’entreprise.

En ce qui concerne les mesures que nous prenons en ce moment, je pense que nous travaillons avec les clients lorsqu’ils viennent nous expliquer leurs besoins. Nous analysons leurs exigences, et nous les décomposons en petits éléments. Nous leur montrons d’une façon transparente comment nous établissons les coûts de ces petits éléments et comment, dans le cadre de ce processus, nous fixons leur prix.

Comme je l’ai mentionné, à l’avenir, les ministères auront des options. Ils pourront décider à qui ils souhaitent confier la prestation de leurs services, qu’ils désirent faire affaire avec des fournisseurs de services infonuagiques comme Amazon, Google ou Microsoft — ils sont nombreux — ou continuer de recevoir les services dont ils ont besoin auprès de Services partagés Canada.

J’estime que c’est une innovation importante. Et comme les ministères pourront prendre connaissance d’autres prix en vigueur sur le marché, ils pourront mesurer les services offerts par Services partagés Canada à l’aune de ces prix. Je crois que, dans l’ensemble, il s’agit là d’une bonne évolution de la maturité de l’organisation.

La sénatrice Raine : Vous dites que ce fut un monopole, mais que ce ne le sera plus, sauf en ce qui concerne les renseignements classifiés. Pouvez-vous m’expliquer les niveaux de classification dans le contexte de Statistique Canada?

M. Parker : Je vais demander à M. Thuppal de se charger des questions de classification.

Raj Thuppal, sous-ministre adjoint, Réseaux et utilisateurs finaux, Services partagés Canada : En règle générale, il y a deux catégories d’information : l’information désignée, qui est non classifiée, soit Protégé A, B et C, et l’information classifiée, soit confidentiel, secret et très secret.

La plupart des données que traite Statistique Canada entrent dans les catégories Protégé A et B. C’est là que se trouve la majeure partie de l’information, et la plupart des services que nous lui offrons entrent dans ces catégories.

La sénatrice Raine : Des services infonuagiques externes offrent-ils ce niveau de protection?

M. Thuppal : Les contrats que nous avons conclus se rapportent aux données non classifiées. Nous étudierons les autres options en collaboration avec la Direction du dirigeant principal de l’information du Conseil du Trésor et le CST pour voir ce que la prestation de services infonuagiques à un niveau de classification supérieur signifierait.

M. Parker : Nous lancerons l’activité d’approvisionnement pour les services classifiés allant jusqu’au niveau Protégé B offerts par les fournisseurs de services infonuagiques commerciaux. Les contrats stipuleront les exigences en matière de sécurité auxquelles les fournisseurs de services infonuagiques devront répondre pour présenter une soumission.

La sénatrice Raine : Merci beaucoup.

Le président : M. Smith a mentionné le rapport Gartner qui, si j’ai bien compris, était un rapport de consultation. Je pense qu’il se rapportait beaucoup à Phénix. Je ne sais pas ce qu’il avait à voir avec vous. Pouvez-vous expliquer un quelconque lien avec lui?

M. Parker : Dans les faits, il portait sur nous. On a publié un autre rapport Gartner qui concernait Phénix, si bien que deux rapports sont en circulation. Le résumé expurgé se trouve sur le site web du Secrétariat du Conseil du Trésor.

Dans sa première lettre de mandat, le ministre Brison a été chargé de demander qu’on procède à un examen externe indépendant du plan d’avenir de Services partagés, et c’est ce dont il est question. Il a été publié en mai 2017. Je crois comprendre qu’il expliquait ce qui manquait côté facteurs de réussite et façon de les gérer à la création de Services partagés Canada.

Le point principal dans ce rapport était celui de la gouvernance et des priorités à établir en matière d’infrastructure des TI à la grandeur du gouvernement du Canada et d’autres mécanismes pour veiller à ce que les points appropriés soient mis en œuvre.

Les autres aspects portaient sur les services. Le rapport examinait les ressources de Services partagés Canada en ce qui concerne la capacité d’offrir des services à nos clients et la façon de les améliorer.

Un autre aspect du rapport dont il est question porte sur la façon d’offrir des services de rechange si la capacité de Services partagés Canada est limitée. Que faites-vous dans ces circonstances? Alors, à bien des égards, le plan contenait ces éléments, que nous mettons en œuvre.

Le président : M. Smith a signalé que le rapport se montrait assez critique à l’égard de Services partagés Canada. Corrigez-vous des choses sur ce plan? Est-ce que les commentaires que vous venez de formuler en tenaient compte?

M. Parker : Tout à fait.

Le président : Merci.

La sénatrice Poirier : Merci. Comme vous le savez, en ce moment, le comité étudie le projet de loi C-36, Loi modifiant la Loi sur la statistique, qui a été adopté à la Chambre des communes. Ma question porte sur ce projet de loi. Je veux connaître votre opinion sur la manière dont il touche Services partagés Canada. Contient-il des éléments que vous n’aimez pas? En contient-il que vous aimez? A-t-il même quelque chose à voir avec Services partagés Canada?

M. Parker : À mon avis, les points dont nous discutons aujourd’hui n’ont rien à voir avec le projet de loi.

La sénatrice Poirier : Merci.

La sénatrice Raine : J’ai une question de suivi. On nous a dit que la nomination du statisticien en chef est essentielle à la réussite de Statistique Canada.

Vous avez dit que vous deviez traiter la question de la gouvernance. Quel est le rôle du statisticien en chef — son lien — en ce qui concerne la gouvernance de Services partagés Canada?

M. Parker : Le rôle du statisticien en chef n’est pas lié à sa nomination, mais à sa participation aux processus de gouvernance fédéraux qui ont été mis en place pour déterminer les priorités de Services partagés Canada. À mon sens, il ne se rapporte pas directement au processus de nomination décrit dans le projet de loi même. Il faut plutôt déterminer comment la personne travaille au sein du gouvernement du Canada et des mécanismes de responsabilisation.

La sénatrice Raine : Oui, mais si votre processus de sélection n’exige pas ces compétences, vous pourriez vous retrouver avec une relation dysfonctionnelle.

M. Parker : Je pense que ces compétences sont très répandues à l’échelon des administrateurs généraux.

Le président : Merci beaucoup à vous, monsieur Parker, et à vos collègues d’être venus. Vous nous avez expliqué en quoi consistait Services partagés Canada et quelle était sa relation avec Statistique Canada, et nous vous en savons gré.

Cher collègues, nous sommes sur le point de lever la séance, mais nous aurons une réunion du comité directeur après. Ensuite, nous nous réunirons à nouveau mercredi soir. Mercredi et jeudi seront tous les deux consacrés à l’étude du projet de loi C-36.

Sur ce, je déclare la séance levée.

(La séance est levée.)

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