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SOCI - Comité permanent

Affaires sociales, sciences et technologie

 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie

Fascicule no 56 - Témoignages du 3 avril 2019


OTTAWA, le mercredi 3 avril 2019

Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, auquel a été renvoyé le projet de loi C-81, Loi visant à faire du Canada un pays exempt d’obstacles, se réunit aujourd’hui, à 16 h 32, pour étudier le projet de loi.

La sénatrice Judith Seidman (vice-présidente) occupe le fauteuil.

La vice-présidente : Bonjour, et bienvenue au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie. Je m’appelle Judith Seidman, et je suis la vice-présidente du comité. Avant de céder la parole à la ministre, j'inviterais mes collègues à se présenter.

La sénatrice Poirier : Bienvenue. Rose-May Poirier, de Saint-Louis-de-Kent, au Nouveau-Brunswick.

[Traduction]

La sénatrice Eaton : Contente de vous revoir, ministre Qualtrough. Je suis la sénatrice Nicky Eaton, de Toronto.

Le sénateur Oh : Victor Oh, de Toronto.

[Français]

La sénatrice Forest-Niesing : Bonjour et merci de votre présence. Josée Forest-Niesing, du Nord de l’Ontario.

La sénatrice Mégie : Bonjour. Marie-Françoise Mégie, du Québec.

[Traduction]

Le sénateur Manning : Fabian Manning, de Terre-Neuve-et- Labrador.

La sénatrice Dasko : Donna Dasko, de Toronto.

La sénatrice M. Deacon : Bonjour à nouveau. Marty Deacon, de Waterloo.

Le sénateur Kutcher : Bonjour. Stan Kutcher, de la Nouvelle-Écosse.

La sénatrice Omidvar : Bonjour, madame la ministre. Ratna Omidvar, Toronto.

La sénatrice Moodie : Rosemary Moodie, de Toronto.

Le sénateur Munson : Jim Munson, du Canada. J’essaie de détendre un peu l’atmosphère. Tout le monde est si sérieux.

La vice-présidente : Merci.

Nous amorçons aujourd’hui notre étude du projet de loi C-81, Loi visant à faire du Canada un pays exempt d’obstacles, également connu sous le nom de « Loi canadienne sur l’accessibilité ».

Je tiens à informer tous ceux qui sont ici présents que notre séance est interprétée en langue des signes américaine, ou ASL, et en langue des signes du Québec, ou LSQ. Le sous-titrage dans les deux langues officielles est également offert dans la salle du comité. Pour ceux qui nous regardent en ligne, les versions en ASL et LSQ de la diffusion seront disponibles une semaine après chaque réunion sur le projet de loi C-81.

Je souhaite la bienvenue à l’honorable Carla Qualtrough, ministre des Services publics et de l’Approvisionnement et de l’Accessibilité. Elle est accompagnée de trois représentants du Secrétariat de l’accessibilité d’Emploi et Développement social Canada : Benoît Gendron, directeur; Erik Lapalme, analyste principal des politiques; et James Van Raalte, directeur général.

Chers collègues, nous allons commencer par entendre la ministre pendant la première heure. Nous ferons ensuite une pause de quelques minutes et, au retour, nous poursuivrons la séance en posant des questions aux représentants du Secrétariat de l’accessibilité.

Madame la ministre, la parole est à vous.

L'honorable Carla Qualtrough, C.P., députée, ministre des Services publics et de l’Approvisionnement et de l’Accessibilité : Merci, madame la présidente, honorables sénateurs, mesdames et messieurs les membres du comité. Bonjour à tous. Je vous remercie de me donner la possibilité de parler du projet de loi C-81, qui deviendra la « Loi canadienne sur l’accessibilité ». Je tiens également à remercier le sénateur Munson d’avoir parrainé le projet de loi.

Honorables sénateurs, j’aimerais commencer par souligner le caractère transformateur de cette mesure législative. Imaginez passer d’un système qui exige que les personnes en situation de handicap se battent pour profiter de l’inclusion et des accès de base, à un nouveau modèle, pour lequel ces personnes ont été consultées, qui cible et élimine les obstacles de manière proactive et qui applique les droits de la personne pour tous.

[Français]

Il s’agit d’un changement de culture majeur, attendu depuis longtemps, qui reconnaît l’incidence positive de l’inclusion économique et sociale des personnes en situation de handicap.

[Traduction]

Le projet de loi C-81 complète le cadre canadien des droits de la personne. Il ne réduit pas les exigences actuelles en matière de droits de la personne, assurées par la Loi canadienne sur les droits de la personne ou par l’obligation de prendre des mesures d’adaptation. Les employeurs et les fournisseurs de services auront toujours l’obligation d’ajuster les règles, les politiques et les pratiques pour que les personnes en situation de handicap puissent participer pleinement à la société canadienne. Le projet de loi permettra à notre pays de tirer profit des compétences et des talents remarquables de millions de Canadiens handicapés, que l’on a trop longtemps privés de la possibilité d’aider à bâtir notre économie et nos communautés et d’y participer pleinement.

Honorables sénateurs, nous savons que ce projet de loi appartient à la communauté de personnes en situation de handicap. Dès le premier jour où nous avons amorcé son élaboration, le gouvernement a accueilli des personnes en situation de handicap à la table, moi y compris. Nous cherchons à faire en sorte que les politiques, les services et les programmes de l’ensemble du gouvernement soient inclusifs dès le départ. Nous avons prêché par l’exemple avec cette mesure législative en incluant les personnes en situation de handicap à chaque étape. Nous avons notamment entrepris les consultations les plus vastes et les plus accessibles de l’histoire canadienne sur les questions touchant la condition des personnes en situation de handicap. Pour bien des gens, c’était la première fois que la communauté des personnes en situation de handicap était invitée à participer à un processus législatif d’une manière aussi importante. Certains membres de la communauté n’étaient pas certains de se reconnaître ou de reconnaître leurs priorités dans la mesure législative.

Personnes d’abord du Canada, un organisme national représentant les personnes ayant un handicap mental, avait ce genre de réserve. La toute première réunion que j’ai tenue à titre de ministre responsable des personnes en situation de handicap était avec Personnes d’abord du Canada. Les responsables m’ont avoué qu’ils n’étaient pas convaincus que le projet de loi leur serait bénéfique. Lorsque je les ai rencontrés en décembre, après le dépôt du projet de loi C-81 au Parlement, j’étais très heureuse d’apprendre qu’ils croyaient en cette mesure législative et qu’ils s’y reconnaissaient.

Ces personnes et bien d’autres sont devenues de solides militantes du projet de loi après avoir lu la version que nous avons proposée. En fait, je suis extrêmement fière de dire que le projet de loi, qui va devenir la « Loi canadienne sur l’accessibilité », est approuvé et appuyé par un grand nombre de membres de la communauté des personnes en situation de handicap. En réalité, j’ai reçu plus de 1 000 courriels de Canadiens au cours des deux dernières semaines, dans lesquels ils expriment leur appui pour une adoption rapide du projet de loi C-81. Je sais que nombre de mes collègues ont également reçu de tels courriels. De toute évidence, les Canadiens veulent voir ce projet devenir une loi. Ils veulent un Canada inclusif et accessible.

Honorables sénateurs, permettez-moi de vous expliquer certains points importants du projet de loi. Tout d’abord, la mesure législative permettra la mise sur pied de l’Organisation canadienne d’élaboration des normes d’accessibilité, l’OCENA. Cette nouvelle organisation, la première du genre au Canada, élaborera des normes d’accessibilité, c’est-à-dire des pratiques et des exigences techniques généralement acceptées en matière d’accessibilité. Non seulement ces normes façonneront la réglementation, mais elles serviront aussi de ressources pour les gouvernements et les entreprises qui ne relèvent pas de la compétence fédérale. La majorité des membres du conseil d’administration de l’OCENA seront des personnes en situation de handicap. Cela garantira que des personnes qui ont une expérience directe de ces situations auront une influence décisive sur la direction de l’OCENA.

[Français]

L’Organisation canadienne d’élaboration de normes d’accessibilité (OCENA) rassemblera des personnes en situation de handicap, des experts techniques et des représentants de l’industrie qui collaboreront à l’élaboration de normes. L’organisation effectuera aussi des recherches en amont sur les normes d’accessibilité dont nous aurons besoin à l’avenir.

En retour, ces normes serviront de base aux réglementations du gouvernement. Lorsqu’une norme devient un règlement, elle peut être appliquée en amont et être appuyée par des mécanismes de dépôt de plaintes.

[Traduction]

Un nouveau commissaire à l’accessibilité au sein de la Commission canadienne des droits de la personne supervisera la mise en œuvre de l’accessibilité en vertu du projet de loi. Les organismes déjà en place, comme l’Office des transports du Canada et le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes assureront l’accessibilité dans leur secteur de compétence respectif.

Dans le cadre de notre approche pangouvernementale, le projet de loi C-81 s’appuie sur le travail qu’effectuent des organismes de réglementation. S’il est adopté, le projet de loi renforcera leur mandat afin d’assurer l’accessibilité dans leur domaine. On a pu le constater dans la plus récente annonce de l’OTC, à laquelle j’ai assisté, concernant la publication de l’ébauche de réglementation sur l’accessibilité dans le but de faire du système de transport du Canada le plus accessible au monde. À maintes reprises tout au long des consultations, la question des transports a été soulevée comme étant un enjeu clé. C’est pourquoi il s’agit d’un des sept domaines prioritaires établis dans le projet de loi C-81. C’est aussi pourquoi je suis si fière de voir cet engagement de l’OTC de mettre en place la réglementation adéquate en matière d’accessibilité sur le réseau de transport national.

Grâce à cette approche, nous nous assurons que l’accessibilité est la responsabilité de tous et que nous ne pouvons nous permettre de perdre plus de temps avant d’accorder la sanction royale au projet de loi. En fait, ce groupe d’organismes de réglementation se réunit déjà et se prépare à respecter leur mission prévue par le projet de loi C-81.

[Français]

De plus, un nouveau comité dirigé par un sous-ministre a été mis sur pied. Les membres de ce comité sont des représentants de tous les organismes qui ont des responsabilités liées aux plaintes ou à l’application de la loi en vertu du projet de loi C-81. Cela montre l’engagement solide de ces organismes de réglementation à faire en sorte que ce système fonctionne pour les personnes en situation de handicap. Ce comité assurera aussi la collaboration et la cohérence dans le traitement des plaintes et l’application de la future loi, de même que l’harmonisation de la mise en œuvre du projet de loi C-81 dans les différents domaines.

[Traduction]

Honorables sénateurs, vous vous demandez peut-être comment le système fonctionnera en pratique lorsqu’une personne voudra déposer une plainte. Comment savoir quel organisme contacter?

La réponse est simple : les plaignants n’auront pas besoin de se poser la question. Le projet de loi C-81 prévoit un « accès sans fausse route », ce qui signifie que les organismes de réglementation devront collaborer afin d’acheminer rapidement une plainte à l’organisme concerné, sans délai et sans dissuader la personne de déposer une plainte. Résultat : personne ne se verra refuser la possibilité de déposer une plainte relative à l’accessibilité auprès de l’un ou l’autre des organismes de réglementation visés par ce projet de loi.

Nous savons à quel point il est important de rendre des comptes aux Canadiens et nous allons surveiller les progrès réalisés après la mise en œuvre du projet de loi de différentes façons. Les organisations de compétence fédérale devront élaborer des plans en matière d’accessibilité et mettre en place des processus de rétroaction. Un nouveau dirigeant principal de l’accessibilité supervisera l’application générale de la future loi, en plus de surveiller les résultats et tout autre enjeu systémique ou émergent. En informant et en conseillant le ministre, le dirigeant principal de l’accessibilité s’assurera que celui-ci prend des décisions éclairées en matière d’accessibilité.

[Français]

Je suis reconnaissante de la rigueur avec laquelle on a étudié ce projet de loi et des débats qu’il suscite. Le projet de loi vise à corriger des générations d’exclusions. Le débat a permis à des milliers de Canadiens de se faire entendre sur des questions qui n’avaient auparavant jamais été au cœur d’un discours national approfondi. Inévitablement, il y a eu des divergences d’opinions et des différences dans les priorités. Les idées ont fait l’objet de discussions et tous les points de vue ont été pris en compte.

[Traduction]

J’ai la certitude que cette mesure législative en a bénéficié. J’ai aussi la certitude qu’un vaste consensus est demeuré inchangé au cours du processus. Il s’agit d’une occasion qui ne se présente qu’une fois dans une vie : faire avancer les droits des personnes en situation de handicap dans notre pays, éliminer les obstacles systémiques et l’inégalité qui persiste, et insister sur la pleine participation sociale et économique de toutes les personnes en situation de handicap de notre pays.

À l’instar des autres membres de la communauté de personnes en situation de handicap, j’ai hâte de voir les progrès concrets le moment venu. Pour cette raison, nous travaillons déjà à la réalisation d’importants progrès pour la première année suivant l’adoption du projet de loi. Ainsi, nous ouvrons la voie à la création de l’Organisation canadienne d’élaboration des normes d’accessibilité cet été. Des offres d’emploi sont maintenant publiées en ligne en vue du recrutement d’un dirigeant principal de l’accessibilité, de même que des membres et du directeur général de l’OCENA.

Enfin, l’élaboration de la réglementation a débuté. L’OTC a affiché sa première ébauche de réglementation sur l’accessibilité, et le processus de consultation a commencé pour l’élaboration de la réglementation concernant le plan pluriannuel d’accessibilité.

Dans certains cas, c’est lorsque le projet de loi sera adopté que le vrai travail commencera.

[Français]

L’accessibilité continuera d’évoluer à mesure que de nouvelles technologies et de nouveaux enjeux émergeront. Ce projet de loi habilitante met en place les pouvoirs et les structures nécessaires afin d’offrir la flexibilité voulue qui nous permettra de nous adapter, de relever les défis et d’éliminer les obstacles à l’accessibilité, aujourd’hui et à l’avenir.

[Traduction]

Honorables sénateurs, je vous l’assure, il s’agit d’une mesure législative exceptionnelle. Il est essentiel pour les Canadiens, et non pas seulement pour les personnes en situation de handicap, de reconnaître leur rôle en ce qui concerne la Loi canadienne sur l’accessibilité. En fait, tous les Canadiens bénéficieront d’un Canada accessible.

Le projet de loi C-81 présente fidèlement la voix des personnes en situation de handicap. C’est pourquoi je vous prie d’adopter cette mesure législative aussi rapidement que possible pour que nous puissions, en tant que société, commencer à travailler en vue d’atteindre notre objectif principal : bâtir un Canada exempt d’obstacles. Merci de votre aide dans l’atteinte de cet objectif.

La vice-présidente : Merci beaucoup, madame la ministre. Nous passons maintenant aux questions des sénateurs.

J’aimerais rappeler à tous les sénateurs qu’ils ont chacun, comme d’habitude, cinq minutes pour poser leurs questions, et cela comprend aussi la réponse. Nous tâcherons de faire un deuxième tour de table.

Mme Qualtrough : Est-ce un rappel amical qui s’applique à moi aussi, madame la présidente?

La vice-présidente : À peine. C’est subtil, n’est-ce pas? Nous essaierons de faire un deuxième tour de table en présence de la ministre, pour peu que nous nous en tenions à de brèves questions et réponses, et les sénateurs auront également l’occasion de poser des questions aux fonctionnaires durant la deuxième heure.

Le premier à prendre la parole est le sénateur Munson, qui a parrainé le projet de loi au Sénat.

Le sénateur Munson : Merci, madame la ministre, d’être ici aujourd’hui. Nous sommes ravis de votre présence parmi nous. Mes questions seront brèves.

Vous avez parlé des réactions que vous avez déjà obtenues, notamment dans les quelque 1 000 courriels qui vous ont été envoyés. D’abord, une question d’ordre général : estimez-vous que le projet de loi représente bien les résultats des vastes consultations qui ont eu lieu et que les intervenants y adhèrent vraiment?

La reconnaissance des langues des signes semble être un thème récurrent soulevé par les intervenants. Pouvez-vous expliquer pourquoi le projet de loi ne contient pas de disposition à cet égard?

Pouvez-vous aussi expliquer comment le projet de loi C-81 s’inscrit dans la Loi canadienne sur les droits de la personne, surtout en ce qui concerne l’obligation de prendre des mesures d’adaptation? Je crois qu’il y a un peu de confusion à ce sujet. Y a-t-il un risque que le projet de loi diminue les obligations actuelles en matière de droits de la personne que doivent remplir les entités sous réglementation fédérale?

Mme Qualtrough : Merci, sénateur, de vos questions. Je serai très brève. La réponse à votre première question est oui. Je crois sincèrement que le projet de loi représente bien la teneur de nos consultations. C’est ce que m’ont dit des juges en Saskatchewan, des mères à Prince George et plein d’autres gens. Alors, oui, absolument.

Je passe tout de suite à votre troisième question afin d’avoir plus de temps pour répondre à la question sur les langues ASL-LSQ.

La Loi canadienne sur les droits de la personne impose, sans conteste, une obligation de prendre des mesures d’adaptation. Rien dans le projet de loi ne vient changer cette obligation des employeurs, des fournisseurs de services et des fournisseurs de programmes qui relèvent de la compétence fédérale. Il y avait une certaine confusion dans le cas des provinces qui avaient adopté des mesures législatives sur l’accessibilité, et nous avons déployé tous les efforts nécessaires pour éviter d’embrouiller les choses. Toute norme qui sera établie par l’OCENA ne créera pas nécessairement une sorte de défense pour les employeurs, les fournisseurs de services ou les fournisseurs de programmes quant à leur obligation de prendre des mesures d’adaptation à l’égard d’une personne en particulier.

Je dois souligner qu’en tant qu’ancienne avocate spécialisée en droits de la personne, j’estime depuis toujours qu’il est très important de préserver l’obligation de prendre des mesures d’adaptation.

Parlons maintenant des langues ASL-LSQ. Dès le début de cette aventure, j’ai certainement entendu parler de l’importance cruciale que revêtent les langues ASL, LSQ et ISL — la langue des signes autochtone — pour les malentendants du Canada. Je respecte absolument la priorité qu’ils accordent à la communication, ainsi que la signification culturelle des langues ASL, LSQ et ISL. À vrai dire, pour leur accorder le statut de langue officielle, il faudrait invoquer la Charte et, de toute évidence, cela nécessiterait une analyse qui dépasse la portée du projet de loi C-81.

L’importance des langues des signes comme moyen de communication est reconnue dans le projet de loi, comme en témoigne l’ajout des communications à la liste des domaines prioritaires à l’étape de l’étude à la Chambre. Cela dit, je serais certainement heureuse de recevoir tout commentaire que vous pourriez avoir pour trouver peut-être d’autres façons de souligner et de reconnaître l’importance des langues des signes pour les malentendants. J’ai d’ailleurs hâte de voir ce que vous aurez à dire dans votre rapport d’étude.

Le sénateur Munson : Comme vous le savez bien, le Sénat est une chambre de second examen objectif, et nous étudions ces projets de loi avec grand sérieux. Je suis sûr que nous aurons envie d’apporter des amendements à la fin de nos audiences.

En ce qui a trait aux langues des signes et à d’autres aspects du projet de loi, certains intervenants estiment que le projet de loi ne va pas assez loin. Oui, ce sera une première et, oui, nous assistons à un moment historique et tout le reste, mais ce n’est pas suffisant. Seriez-vous ouverte à des amendements?

Mme Qualtrough : Je m’en remets certainement à votre processus et à vos recommandations, mais oui, je veux améliorer ce projet de loi — cette éventuelle loi — pour proposer la meilleure mesure possible.

Le sénateur Munson : Merci. Je crois que mon temps de parole est presque écoulé, alors je vais laisser les autres intervenir.

La vice-présidente : Il vous reste une minute et demie.

Le sénateur Munson : J’attendrai le prochain tour.

La sénatrice Eaton : Merci, madame la ministre. C’est un excellent projet de loi, que j’appuie. Ce qui m’inquiète un peu, et ce sera peut-être laissé entre les mains de l’OCENA, c’est que les définitions pour les mots « handicap » et « obstacle » sont très vagues, et je pense que le mot « accessibilité » n’est même pas défini.

Quelle est la ligne de démarcation entre un handicap et une action positive? Ne serait-il pas préférable d’avoir une sorte de définition qui précise ce qu’on entend par handicap?

Mme Qualtrough : Si vous me le permettez, la définition de « handicap » dans le projet de loi C-81 repose sur la Convention relative aux droits des personnes handicapées des Nations Unies. Conscients de l’existence d’une vaste gamme de définitions, nous voulions, dès le début, utiliser la définition la plus inclusive possible quant à l’étendue des citoyens touchés par cette loi, sans toutefois tomber dans le piège d’en débattre à l’infini tout au long de nos consultations; c’est pourquoi nous avons mis l’accent sur l’élimination d’obstacles. Nous avons également insisté sur l’idée que peu importe votre diagnostic médical, peu importe votre état, peu importe la façon dont vous vous identifiez, si vous souffrez d’une incapacité fonctionnelle et qu’un obstacle vous empêche, d’une manière ou d’une autre, d’être inclus et de participer pleinement dans la société canadienne en raison de votre handicap, nous tenons à éliminer cet obstacle. Par conséquent, nous avons très délibérément...

La sénatrice Eaton : Qu’en est-il des troubles psychologiques?

Mme Qualtrough : Oui, tout à fait, ils sont également inclus. D’ailleurs, l’Association canadienne pour la santé mentale a participé activement à nos consultations. Nous avons entendu des familles d’enfants ayant des problèmes de santé mentale. Nous avons reçu beaucoup de participants de ce milieu, et ils sont certes résolus à être pris en compte dans cette loi.

La sénatrice Eaton : Ne pensez-vous pas que cela risque de détourner l’attention de ceux ayant des handicaps réels et de donner lieu à des abus?

Mme Qualtrough : Personnellement, je n’entrevois pas une telle éventualité parce que le projet de loi met l’accent sur l’obligation d’éliminer les obstacles. Qu’il s’agisse d’un obstacle lié à l’emploi, à l’environnement bâti, au transport ou à la communication, nous évoluons vers un modèle en matière de handicap qui n’est pas axé sur le diagnostic médical. Il met plutôt l’accent sur l’inclusion sociale ou même, dans une plus large mesure, l’élimination d’obstacles; autrement dit, ce qui ne tourne pas rond dans notre système, dans notre société, dans nos politiques, nos programmes et nos structures, ce n’est pas le diagnostic médical d’une personne. Le problème, ce n’est pas que je sois malvoyante; c’est plutôt le fait que je n’ai pas accès à un écran assez grand dans mon bureau pour pouvoir faire mon travail. L’obstacle, c’est mon employeur qui refuse de prendre des mesures d’adaptation, et non pas ma déficience visuelle. Au lieu de jeter le blâme sur la personne ou sur son état, le nouveau modèle essaie de reconnaître que c’est parce que le système ou l’environnement n’est pas inclusif.

La sénatrice Eaton : Merci.

[Français]

La sénatrice Mégie : Merci, madame la ministre, d’être parmi nous. Je continue sur le sujet de l’OCENA. Est-ce cet organisme qui va recevoir les certificats médicaux qui décrivent les handicaps des personnes qui pourraient recevoir des subventions, par exemple?

Mme Qualtrough : Non, l’OCENA sera responsable de la création des normes techniques.

[Traduction]

Il y aura une norme, par exemple, sur les guichets automatiques, sur la façon d’en assurer l’accessibilité et sur les rampes. Il s’agit de créer les normes techniques qui précisent ce à quoi doit ressembler un environnement ou ce qui doit être inclus dans un plan d’accessibilité ou une norme de service à la clientèle. Comment offrir un service à la clientèle de manière inclusive et adaptée dans le contexte d’une entité fédérale? Cela n’aura rien à voir avec l’attestation des handicaps ou ce genre de choses.

[Français]

La sénatrice Mégie : Est-ce qu’il s’agira d’un organisme temporaire? Une fois qu’il aura établi les normes, sera-t-il dissous ou existera-t-il toujours pour effectuer une surveillance de l’application de ces normes?

Mme Qualtrough : Je dirais, les deux.

[Traduction]

Je pense, bien franchement, que cette organisation ne manquera jamais de travail. À mesure que les normes évoluent, nos attentes en matière d’inclusion et d’accessibilité augmentent; ainsi, ce qui est accessible aujourd’hui n’était pas la norme il y a 10 ans et ne le sera pas dans 10 ans. Nous mettrons à jour les normes et nous en créerons et envisagerons de nouvelles. Bref, cette organisation aura du pain sur la planche.

[Français]

La sénatrice Mégie : Merci.

La sénatrice Forest-Niesing : Merci d’être ici, et merci de cette initiative. Évidemment, c’est un projet de loi qui attire énormément d’attention positive et, en général, tous sont très réceptifs à son arrivée. Parmi ceux qui auraient témoigné antérieurement, il y a une préoccupation qui aurait été exprimée quant au fait que l’on n’ait pas inclus les personnes qui ont une déficience intellectuelle et, plus particulièrement, les peuples autochtones. Parmi les personnes autochtones, on sait que ce sont ceux et celles qui souffrent d’un handicap qui sont les moins protégés et, très souvent, les moins accommodés, à l’heure actuelle. Comment réagissez-vous à ces préoccupations?

[Traduction]

Mme Qualtrough : Je tiens d’emblée à vous assurer, à vous et à tout le monde, que la déficience intellectuelle est incontestablement visée par le projet de loi. Nous avons entendu beaucoup de gens ayant une expérience vécue ou de représentants d’organisations, et Personnes d’abord en est un bon exemple, sans contredit. Je ne veux pas avoir l’air mélancolique, mais l’idée que ces gens ne se reconnaissent pas dans le projet de loi me chagrine beaucoup. Cependant, je peux vous assurer, à vous et à eux, qu’ils sont bel et bien pris en compte.

En ce qui a trait à la mobilisation des Premières Nations, dès le départ, EDSC, c’est-à-dire le gouvernement, a financé la participation des organisations des Premières Nations aux consultations afin de veiller à ce qu’il y ait un dialogue continu. Dans le cadre de notre engagement à établir une relation de nation à nation, l’Assemblée des Premières Nations nous a dit haut et fort qu’elle voulait une loi parallèle et indépendante sur l’accessibilité qui répondrait aux besoins et aux intérêts des Premières Nations, une loi distincte du projet de loi C-81. Cela ne signifie pas que nous n’avons pas été inclusifs durant les consultations, mais tout compte fait, nous n’en étions pas encore là. Je crois que cela résume bien les choses.

Nous devons mobiliser les gouvernements des Premières Nations et déterminer à quoi cela ressemblera à l’avenir, mais nous ne voulions pas imposer aux Premières Nations et à leurs gouvernements respectifs quelque chose auquel ils ne souscrivaient pas entièrement. La meilleure façon de décrire la situation, c’est de dire qu’il s’agit d’un travail en constante évolution.

[Français]

La sénatrice Forest-Niesing : Merci. Les provinces qui se sont dotées d’une loi sur l’accessibilité y ont inséré une échéance quant à sa réalisation et à sa mise en œuvre, et quant à l’atteinte de l’accessibilité totale. Quelles sont les raisons pour lesquelles on a décidé de ne pas inclure un échéancier dans le projet de loi C-81?

[Traduction]

Mme Qualtrough : En toute honnêteté, c’est ce qui a suscité l’une des divergences d’opinions les plus difficiles parmi les personnes en situation de handicap en ce qui concerne cette loi et tout ce processus. Certaines d’entre elles croient très sincèrement et très farouchement que nous avons besoin d’une échéance et que nous devons faire une déclaration en disant que le Canada sera exempt d’obstacles ou sera accessible d’ici telle ou telle date.

Il y a un autre groupe de personnes tout aussi passionnées qui croient que l’établissement d’une échéance lointaine donnera aux gens une excuse de tarder à agir et que l’accessibilité étant un concept qui change et qui évolue toujours, nous ne saurons pas à quoi ressemble un Canada exempt d’obstacles puisque notre compréhension de l’accessibilité évolue au rythme des changements technologiques.

Si nous décidions de préciser dans la loi que le Canada serait exempt d’obstacles d’ici 2030, premièrement, je doute que nous puissions y arriver, bien franchement. Deuxièmement, nous ne savons pas ce que la notion de pays « exempt d’obstacles » signifiera d’ici là, ni à quoi cela ressemblera.

J’ai écouté tout le monde, et nous avons tenu compte des divers commentaires. Certains d’entre nous ne sont toujours pas d’accord sur ce point. Nous convenons certes qu’il faut s’efforcer de créer un Canada exempt d’obstacles, mais nous ne nous entendons pas sur la nécessité de fixer une date limite.

Nous nous sommes plutôt employés à mettre les choses en marche. Tâchons d’élaborer le premier règlement d’ici deux ans. Effectuons un examen de la loi cinq ans après l’entrée en vigueur du premier règlement. Créons le conseil d’administration de l’OCENA cet été. Trouvons un local pour cette organisation. Faisons avancer les choses.

Voilà le grand consensus qui semble s’être dégagé. C’est manifestement la position que le gouvernement a fini par adopter.

À vrai dire, selon nos pratiques législatives, il n’est pas d’usage de faire ce genre de déclarations. Le Code criminel ne contient pas de disposition qui dit que nous serons exempts de criminalité d’ici telle ou telle date. La Loi canadienne sur les droits de la personne ne prévoit pas, elle non plus, que nous serons exempts de discrimination d’ici telle ou telle date. Je ne suis pas sûre que d’autres administrations aient trouvé avantageux d’établir ce genre d'échéancier.

Chaque règlement que nous prendrons sera assorti d'un échéancier par conséquent, dès que nous aurons une norme, le règlement précisera la date à laquelle les employeurs devront la mettre en place. Des échéanciers y seront intégrés. Certaines mesures seront prises rapidement parce que nous adoptons une norme existante. D’autres nécessiteront plus de temps parce qu’il s’agit d’une question plus compliquée.

Au bout du compte, après avoir écouté tout le monde, nous avons pris la décision de ne pas inclure d’échéance. Vous entendrez des intervenants qui ne sont pas d’accord avec moi ou avec le gouvernement, mais je vous assure que nous avons mûrement réfléchi à la question. Je respecte leur opinion, mais c’est la conclusion à laquelle nous sommes arrivés.

La sénatrice Forest-Niesing : Merci de cette réponse. Voilà qui est utile pour ma propre analyse de cette question importante.

Le sénateur Oh : Bienvenue, madame la ministre. Je suis, moi aussi, un partisan du projet de loi C-81. Cependant, je crois que le comité peut l’améliorer.

Selon Statistique Canada, le taux d’emploi des Canadiens de 25 à 64 ans en situation de handicap était de 59 p. 100 en 2017, comparativement à 80 p. 100 pour les Canadiens sans handicap. Si nous préconisons un Canada exempt d’obstacles, pourquoi le projet de loi C-81 ne s’applique-t-il qu’au Parlement, au gouvernement fédéral et aux secteurs privés sous réglementation fédérale? Qu’en est-il des personnes en situation de handicap dans d’autres secteurs au Canada, où l’on recrute plus de gens?

Mme Qualtrough : Merci, sénateur, de votre question.

Depuis que je suis ministre, ma principale préoccupation concerne le domaine de l’emploi parce que, selon moi, ce groupe de Canadiens a tant à offrir en matière d’innovation, de talents et de créativité. Je pense qu’il s’agit d’un réservoir de main-d’œuvre inexploité qui vaut son pesant, car nos citoyens en situation de handicap ont beaucoup à offrir au marché du travail.

L’emploi est certainement l’un des sept domaines prioritaires reconnus dans le projet de loi, lequel s’applique à tous les domaines de compétence fédérale. Il ne s’applique pas aux domaines de compétence provinciale. Les provinces ont des lois sur l’accessibilité. Je trouve d’ailleurs encourageant qu’un certain nombre de provinces aient essentiellement mis en veilleuse leur intention de créer des lois provinciales comparables à la nôtre parce qu’elles veulent d’abord en prendre connaissance, puis créer une mesure uniforme sur le plan de l’expérience des Canadiens ordinaires.

Au fond, le projet de loi C-81 prépare le terrain pour une stratégie nationale sur l’intégration des Canadiens en situation de handicap sur le marché du travail ou un appel plus rigoureux pour amener les entreprises et les organisations à passer d'un débat axé sur la sympathie, les besoins et la charité à un débat axé sur l’analyse de rentabilité et les avantages économiques.

Si je peux entrer dans un édifice, alors je peux travailler là-bas. Si je peux magasiner dans un établissement, alors je peux travailler là-bas. Si je peux manger à un restaurant et utiliser les toilettes qui s’y trouvent, alors je peux travailler là-bas. Toutes ces normes seront créées par l’entremise de l’OCENA.

Ce que nous pouvons faire, comme c’est déjà le cas, c’est permettre au gouvernement fédéral de donner l’exemple dans ce domaine. Ainsi, nous avons ce qui me semble être une première — j’aime à dire que tout ce que nous faisons est une première. En effet, les ministres fédéraux, provinciaux et territoriaux chargés de l’accessibilité se réuniront à la fin de ce mois pour avoir ce genre de discussions intergouvernementales parce qu’une bonne partie de ce qui touche les personnes en situation de handicap relève, à vrai dire, de la compétence provinciale.

Puis-je vous donner un exemple? Je sais que le temps presse, mais c’est un point important.

Si vous examinez l’industrie des services financiers, les banques relèvent du fédéral, alors que les coopératives de crédit relèvent du provincial, mais le simple citoyen en situation de handicap qui se rend à l’un de ces endroits ne saurait pas nécessairement faire la distinction entre les articles 91 et 92 de la Constitution. Au bout du compte, nous voulons établir des normes pour les banques — autrement dit, les guichets automatiques, les entrées, les comptoirs de service à la clientèle — qui sont identiques à celles applicables aux coopératives de crédit. Ainsi, lorsque je me rends à une succursale, que ce soit à pied, en fauteuil roulant, ou peu importe, je n’aurai pas une expérience différente du point de vue de l’accessibilité. Cela nécessitera énormément de coordination entre les gouvernements, mais je crois que c’est tout à fait réalisable.

Le sénateur Oh : Nos codes du bâtiment se sont beaucoup améliorés sur le plan de l’accessibilité. Comptez-vous collaborer avec les provinces et leur fournir des conseils sur d’autres travaux ou améliorations?

Mme Qualtrough : Absolument. Au moment d’élaborer les normes, nous serons à l’affût de ce qui se passe ailleurs. Si une pratique exemplaire a déjà été établie dans une autre administration, nous l’adopterons ou nous nous en inspirerons. Si nous pouvons proposer nos normes à d’autres administrations en guise de pratiques exemplaires, nous ne manquerons pas de le faire.

Idéalement, il y aura une harmonisation entre les administrations, de sorte que l’expérience du citoyen soit homogène. C’est assurément mon objectif, et j’invite mes homologues provinciaux et territoriaux à répondre à cet appel à l’action.

Le sénateur Oh : Merci.

La sénatrice Poirier : Merci, madame la ministre, d’être des nôtres et de répondre à nos questions.

Votre projet de loi C-81 propose de créer de nouveaux postes — par exemple, le commissaire à l’accessibilité, le dirigeant principal de l’accessibilité, l’Organisation canadienne d’élaboration de normes d’accessibilité —, et le tout s’accompagne d’un financement de 290 millions de dollars sur une période de six ans. Pourriez-vous nous expliquer quelle proportion de ce financement sera consacrée aux coûts administratifs? Pourriez-vous également dire au comité quels sont les plans en matière de financement et à quoi serviront les fonds?

Mme Qualtrough : Merci. Je vais demander à James de vous donner les détails, mais sur les 290 millions de dollars qui ont été débloqués, un montant de 185,7 millions de dollars est prévu pour établir les nouveaux organismes auxquels vous avez fait allusion, et les autres fonds serviront à bonifier les programmes existants au sein du gouvernement du Canada.

James Van Raalte, directeur général, Secrétariat de l'accessibilité, Emploi et Développement social Canada : Merci, madame la ministre. Merci, sénateurs.

L’Organisation canadienne d’élaboration de normes d’accessibilité aura un budget total d’un peu plus de 90 millions de dollars par année sur cinq ans, en plus d’un financement permanent de 21 millions de dollars.

Le nouveau bureau du dirigeant principal de l’accessibilité, dont la ministre a parlé, recevra 14 millions de dollars sur cinq ans, en plus d’un financement permanent de 3,3 millions de dollars.

À cela s’ajoute le Service canadien d’appui aux tribunaux administratifs, qui soutient la fonction d’application de la loi du Tribunal canadien des droits de la personne. On parle là d’un peu plus de 5 millions de dollars sur cinq ans, soit 1,3 million de dollars par année.

Les pouvoirs accrus de l’Office des transports du Canada représentent 2,5 millions de dollars sur deux ans. L’OTC fera ensuite l’objet d’un examen, qui portera sur ses pratiques opérationnelles.

Quant au financement pour la Commission canadienne des droits de la personne, le gouvernement n’a pas encore été établi ou déterminé le montant à ce stade-ci.

La sénatrice Poirier : Est-ce que cela fait partie des 290 millions de dollars?

M. Van Raalte : Oui.

La sénatrice Poirier : Le projet de loi C-81 n’inclut pas une date butoir pour l’atteinte de la pleine accessibilité, contrairement à différentes lois provinciales en la matière, comme la Loi sur l’accessibilité pour les personnes handicapées de l’Ontario. Cette loi prévoit un échéancier clair pour la pleine accessibilité des Ontariens : le 1er janvier 2025, au plus tard.

Pouvez-vous nous expliquer pourquoi vous n’avez pas établi de date limite dans le projet de loi C-81?

Mme Qualtrough : Volontiers, sénatrice. Comme je l’ai souligné, la question a fait l’objet d’une discussion et d’un débat rigoureux, et parfois de désaccords, au cours du processus d’élaboration du projet de loi. Au bout du compte, nous nous sommes employés à mettre les choses en marche, sans imposer de délai qui, de toute façon, découragerait l’adhésion des organisations. Il s’agissait d’admettre que ce que nous considérons comme accessible aujourd’hui ne conviendra plus dans 10 ans et de savoir, à dire vrai, que le système est loin d’être accessible et exempt d’obstacles.

Nous avons conclu que ce n’était tout simplement pas la bonne manière d’agir. Je ne sais pas si je pourrais vous en dire plus. Au bout du compte, nous avons jugé préférable d’exiger que les règlements et les normes soient mis en place dans un délai de deux ans par chacun des organismes de réglementation et que la loi fasse l’objet d’un examen dans un délai de cinq ans après l’entrée en vigueur du premier règlement, tout en prenant des mesures parallèles pour faire avancer les choses.

La sénatrice Poirier : Ai-je bien compris qu’il y a un engagement à examiner la loi dans cinq ans?

Mme Qualtrough : Oui. Le projet de loi lui-même comprend un engagement à effectuer un examen cinq ans après l’entrée en vigueur du premier règlement. Il exige actuellement que chaque organisation élabore son premier règlement dans un délai de deux ans, ce qui place l’examen de la loi dans sept ans au maximum. Cela dit, si le premier règlement entre en vigueur dans six mois, alors l’examen de la loi aura lieu dans cinq ans et six mois.

La sénatrice Moodie : Merci, madame Qualtrough, de votre exposé d’aujourd’hui. En ma qualité de médecin et de Canadienne, je suis fière du fait que nous soyons des chefs de file dans ce domaine et que ce projet de loi nous portera en tête de peloton en continuant de montrer au reste du monde que les Canadiens comprennent les besoins de personnes en situation de handicap.

Ma question soulève toutefois quelques doutes sur le projet de loi. J’entends des préoccupations quant au fait que le gouvernement et divers organismes fédéraux auront, en vertu de ce projet de loi, un pouvoir considérable d’exempter des organisations d’un certain nombre d’importantes obligations en matière d’accessibilité. Le gouvernement peut même s’exempter lui-même; est-ce exact?

Pouvez-vous nous expliquer dans quelle mesure le gouvernement et les organismes fédéraux peuvent exempter des organisations des obligations en matière d’accessibilité, et pourquoi vous avez jugé nécessaire de les exempter des obligations prévues dans le projet de loi C-81?

Mme Qualtrough : Merci de me poser cette question, sénatrice. Ici encore, ce n’est pas la première fois que j’entends cette préoccupation.

Dans le projet de loi, nous devions composer avec le fait que nous voulions encourager l’innovation — et donc des organisations qui font fort bien les choses — tout en tenant compte de celles qui ne s’en sortent pas aussi bien. En permettant d’accorder des exemptions, on permet aux organisations ayant déjà adopté des pratiques novatrices et comparables aux normes que nous pourrions établir d’obtenir une exemption, puisqu’elles prennent déjà des mesures qui ont les mêmes résultats finaux. Par ailleurs, une organisation qui pourrait avoir besoin d’un peu plus de temps pour atteindre la norme aura l’occasion d’obtenir une exemption pendant une certaine période.

Il ne s’agit pas d’une exclusion ou d’une échappatoire. Les motifs de l’exemption doivent être publiés. Ce n’est pas comme si nous allions exempter des organisations d’être un jour accessibles; il s’agit plutôt de tenir compte du fait que certaines d’entre elles ont des pratiques respectant déjà une norme donnée ou ont besoin d’un peu plus de temps pour respecter la norme établie pour un motif justifiable qui sera rendu public et qui fera l’objet d’un examen triennal.

La sénatrice Moodie : Vous me dites donc que l’organisation fera l’objet d’un examen après trois ans, même si elle obtient une exemption au départ.

Mme Qualtrough : Absolument. C’est pour une raison d’ordre technique.

M. Van Raalte : Les organisations devront présenter une nouvelle demande. Ce n’est pas qu’un simple examen; il faut entreprendre des démarches pour...

Mme Qualtrough : L’exemption expire.

M. Van Raalte : En effet, et les organisations devront faire une nouvelle demande et justifier le fait qu’elles ont encore besoin d’une exemption à cet égard. Le tout devra encore être soumis à un processus d’approbation.

La sénatrice Moodie : Je vous remercie de cette réponse.

La sénatrice Omidvar : Merci, madame la ministre, de comparaître. Je suis, moi aussi, enchantée de voir ce projet de loi. Comme tous les autres sénateurs ici présents, j’ai reçu une foule de courriels de soutien. J’ai aussi entendu des critiques. Puisque vous êtes ici, je pense que ce n’est que justice que vous y répondiez.

Mme Qualtrough : Volontiers.

La sénatrice Omidvar : Vous avez indiqué que ce projet de loi est la première étape d’un processus graduel. Certains critiquent le fait qu’il est inutilement timide. Je vais lire un passage d’un courriel que j’ai reçu au sujet de l’éparpillement et du fait qu’une multitude d’organismes sont responsables de l’application, de l’élaboration de règlements et de la surveillance des plaintes.

Ainsi, d’aucuns craignent que la mise en œuvre et l’application du projet de loi soient moins efficaces, plus compliquées et plus coûteuses, et suscitent la confusion, puisque la prise de décisions, voire les normes, pourraient varier. C’est ce que j’entends quand les défenseurs des droits de la personne font valoir que les personnes en situation de handicap auront beaucoup plus de difficulté à se démêler dans le système, à connaître leurs droits et à faire rectifier les violations.

Je comprends donc l’approche d’« accès sans fausse route », mais je comprends aussi que la désorientation découlant de la variabilité engendrera une confusion totale. Pourriez-vous répondre à ces critiques?

Mme Qualtrough : J’y répondrai avec plaisir. J’ai, moi aussi, reçu ce même courriel, et peut-être plus d’une fois.

La sénatrice Omidvar : Nous l’avons tous reçu.

Mme Qualtrough : Si j’avais une feuille de papier vierge et que je pouvais y élaborer un système à mon goût et de mon choix, il ne serait peut-être pas comme cela. Nous ne sommes toutefois pas partis d’une page vierge, mais avec le système complexe et entièrement fonctionnel du gouvernement fédéral, dans le cadre duquel des organismes de réglementation sont déjà à l’œuvre, des organismes au sujet desquels, soyons honnêtes, nous n’avons pas toujours entendu de compliments, des organismes dont les pouvoirs ont augmenté.

Alors que la conception du système commençait à prendre forme, il est très rapidement apparu que nous devrions potentiellement éliminer l’Office des transports du Canada et le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes de l’équation. Trois organismes de réglementation interviennent dans ce dossier: l’OTC, le CRTC, puis la Commission canadienne des droits de la personne, qui s’occupe du reste. L’OTC se charge des transports, le CRTC, des télécommunications et de la radiodiffusion, et la Commission canadienne des droits de la personne s’occupe de tout le reste. Trois organismes de réglementation entrent en jeu ici. Il serait coûteux d’éliminer l’OTC et le CRTC. D’une certaine manière, cela ferait finalement fi de l’expertise qu’ils ont acquise et du fait qu’ils peuvent certainement s’améliorer et le feront.

Cependant, d’un point de vue très concret, nous entendons dire — comme vous l’entendrez certainement vous-même de la part des organismes de réglementation très tournés vers les questions techniques que sont l’OTC et le CRTC — que l’OTC et la conception des sièges d’avion viennent à l’esprit quand il est question de la conception et de la responsabilité de la sécurité. L’OTC est responsable de la conception des sièges d’avion et des composantes qu’il faut y intégrer, le facteur prédominant étant la sécurité, bien entendu.

Envisageant ce qu’il se passerait si un organisme de réglementation extérieur nous indiquait de quels besoins en matière d’accessibilité il faut tenir compte lors de la conception des sièges, nous avons jugé préférable que ce soit l’OTC qui se charge de prendre en compte de ces facteurs lors de la conception des sièges.

Pour être très clair, les aspects non techniques des activités du secteur canadien des transports relèveront de la CCDP. Ainsi, toute norme relative aux services, à l’emploi ou à l’environnement sera imposée aux VIA Rail, aux Air Canada aux WestJet de ce monde. Quant aux aspects techniques de ces secteurs, ils relèveront des organismes de réglementation concernés.

C’était un compromis, car j’admets que cela rend le système plus complexe pour les plaignants et les utilisateurs finaux. Voilà pourquoi nous avons déployé des efforts et en déployons encore. Il existe des comités. Les dirigeants de l’OTC, de la CCDP et du CRTC se réunissent déjà pour déterminer comment ils collaboreront afin de veiller à ce que tout se passe sans heurt pour les plaignants. Nous savons toutefois que le système est plus complexe. Nous avons adopté une approche sectorielle à titre de compromis, admettant que nous ne partions pas d’une page vierge et tenant compte de la nature complexe et technique du domaine où sont établis ces deux organismes de réglementation.

Je ne doute pas que nous rencontrerons des écueils en cours de route, mais nous en arriverons à un point auquel toutes les plaintes aboutiront au bon endroit. Le dirigeant principal de l’accessibilité et le commissaire principal à l’accessibilité verront à ce que ce soit le cas.

La sénatrice Omidvar : Merci. J’ai trouvé cette réponse fort utile. Permettez-moi de profiter encore de votre présence ici pour vous parler d’une autre plainte.

La vice-présidente : Je suis désolée de vous interrompre, mais votre temps est écoulé. Puis-je vous inscrire au deuxième tour?

La sénatrice Omidvar : Bien sûr.

Mme Qualtrough : C’est ma faute. Je vous présente mes excuses.

La sénatrice Dasko : Madame la ministre, je vous remercie de témoigner. Je me souviens que vous avez passé une journée avec nous l’automne dernier concernant le projet de loi relatif à Postes Canada. Ce fut un jour difficile, mais vous avez survécu.

Mme Qualtrough : Le présent dossier est un peu plus agréable.

La sénatrice Dasko : C’est à espérer, oui. La journée avait été difficile.

J’avais plusieurs questions, dont une a été posée par la sénatrice Moodie et une autre, par la sénatrice Omidvar, mais il m’en reste une autre. Je suppose que j’ai aussi entendu dire, de la part de certaines personnes qui jugent que le projet de loi devrait aller plus loin qu’il ne le fait, que le gouvernement fédéral n’entend pas assumer de rôle accru en ce qui concerne l’affectation de fonds fédéraux à des projets d’infrastructure ou les dépenses dans de nombreux domaines où il finance et élabore des projets. On critique le fait que le projet de loi ne va pas assez loin, faisant valoir que les obstacles ne sont pas là quand les projets sont entrepris. Je suppose donc que c’est au début, avant que le gouvernement fédéral n’accorde des fonds aux projets, que le projet de loi n’en fait pas assez pour que les projets ne comportent pas l’obstacle. C’est une critique que j’ai entendue et j’aimerais savoir ce que vous avez à dire à ce sujet.

La vice-présidente : Si vous me permettez de vous interrompre un instant, madame la ministre, on m’a indiqué que vous deviez partir à 17 h 25. Je me demande si vous pourriez nous accorder quelques minutes supplémentaires pour que nous fassions un tour éclair.

Mme Qualtrough : Je peux rester. Est-ce que la sonnerie d’appel retentit à la Chambre? Pas encore. Oui, je peux rester jusqu’à 17 h 40. Je prends une décision ministérielle.

La vice-présidente : Excellent. Merci.

Mme Qualtrough : C’est un des avantages du poste.

La vice-présidente : C’est formidable. Je vous laisserai maintenant répondre à la question de la sénatrice Dasko.

Mme Qualtrough : Je dirais qu’au bout du compte, nous avons été aussi loin que nous pouvions dans le projet de loi, tout en respectant la sphère de compétence fédérale. James est probablement mieux à même de traiter de la partie technique afin d’expliquer jusqu’où nous pouvons aller. Sachez toutefois que la mesure législative s’appliquera aux politiques et aux programmes fédéraux, mais pas aux transferts financiers comme ceux effectués en santé, puisqu’il s’agit d’un domaine de compétences provincial où nous contribuons au financement, sans que cela nous confère le pouvoir d’imposer des conditions à cet égard, selon ce que je comprends. Je n’explique peut-être pas bien la question. Veuillez m’excuser. C’est une question de sphère de compétence.

Pour que ce soit très clair, le projet de loi transformera le gouvernement du Canada en obligeant chaque ministère et organisme à se doter d’un plan d’accessibilité. Par exemple, mon cabinet en a déjà établi un, ce qui signifie que nous disposerons de politiques et de processus. Nous ne nous procurerons pas d’équipement qui n’est pas accessible.

Le premier ministre a nommé un sous-ministre responsable des services publics accessibles, dont la tâche quotidienne consiste à déterminer comment le gouvernement et son effectif devront être prêts et seront prêts à adhérer à la loi.

Pourriez-vous expliquer jusqu’où nous pouvons aller, je vous prie? Je ne me souviens pas de la teneur du projet de loi.

M. Van Raalte : Je pense que vous avez fait le tour de la question, madame la ministre. Les ministères devront pouvoir présenter des rapports sur leurs programmes, leurs politiques et leurs services, et ce, en consultation avec des personnes en situation de handicap. Ils sont à la table à cette fin. Voilà qui conférera au gouvernement et à la population un point de vue prospectif quant aux plans des organismes, en ce qui concerne notamment les dépenses prévues et les priorités en matière de programmes. Cette approche prospective nous permettra de tenir des échanges. Il faut pouvoir réfléchir aux mesures d’accessibilité incluses dans les investissements.

Mme Qualtrough : Cela dit, sur le plan de la loi, nous avons parallèlement pris un certain nombre de mesures afin d’enchâsser l’accessibilité dans nos nouveaux programmes et nos nouveaux processus. Par exemple, l’accessibilité fait partie intégrante de la Stratégie nationale sur le logement ou du programme d’infrastructure.

J’aime donner un exemple amusant dans le domaine de l’infrastructure. Le transport en commun constitue une priorité pour notre gouvernement. Par le passé, que ce soit par omission ou parce que c’était l’intention, les mesures visant à rendre les autobus plus accessibles ne faisaient pas partie des dépenses admissibles que les communautés pouvaient réclamer afin d’investir dans le domaine de l’infrastructure. Il y a trois ans, nous avons littéralement ajouté une case sur une feuille de papier en indiquant aux communautés qu’elles pouvaient se servir de cet argent pour rendre leurs autobus plus accessibles. Cette année-là, 810 millions de dollars ont été dépensés au chapitre du transport accessible. Le tout s’est fait sans tambour ni trompette, simplement en modifiant le formulaire, et les communautés, admettant l’importance du transport accessible, ont investi dans leurs collectivités.

Je pourrais vous donner une foule d’exemples des mesures que nous avons prises sur les plans des politiques, des programmes et des initiatives du gouvernement dans le cadre de l’élaboration de ce projet de loi afin de rendre la fonction publique plus accessible, et ce, tant pour les personnes qui y travaillent que pour ceux que nous desservons.

La vice-présidente : Sénatrice, je crains que votre temps soit écoulé.

Madame la ministre, il est évident que ce projet de loi vous passionne. Merci.

La sénatrice M. Deacon : Merci beaucoup à toute l’équipe de témoigner aujourd’hui.

Madame la ministre, je vous félicite d’avoir consulté de nombreux groupes du pays et, certainement, d’avoir fait en sorte que les personnes en situation de handicap participent au processus d’entrée de jeu. C’est vraiment essentiel à la réussite des démarches, et je vous félicite d’avoir permis à ces personnes de donner leur opinion dès le départ.

Il ne fait aucun doute que nous pouvons apprendre beaucoup des autres travaux et des autres expériences relatifs à la création d’environnements exempts d’obstacles. Pour ma part, au cours de la dernière décennie, j’ai veillé à ce que tous les aspects de la Loi sur l’accessibilité pour les personnes handicapées de l’Ontario soient mis en œuvre d’ici 2025 sans fonds supplémentaires pour quelque 9 000 employés. Je suis sûre que bien des gens ont tiré des enseignements de cette entreprise. Dans les domaines de l’environnement bâti et des transports, les obstacles, bien qu’imposants, massifs et complexes, étaient aussi très visibles. En fait, ce sont ceux qui ont été les plus faciles à examiner et à éliminer, malgré leur complexité.

Dans les domaines des communications, de l’information, de l’emploi et de la technologie, par contre, les obstacles sont plus invisibles. Ils étaient et sont encore plus difficiles à éliminer. Un des principaux facteurs qui entrent en compte, c’est — on ne s’en étonnera pas — la sensibilisation, l’établissement d’une culture et le changement. Cette culture, c’est ce que les gens comprennent et les aspects avec lesquels ils sont à l’aise ou non depuis des décennies. C’est là un facteur de premier plan.

Je dirais qu’un des éléments très importants de l’expérience ontarienne a été la création d’activités de formation s’adressant à tous les employés, partout où ils se trouvaient et sans égard aux rôles qu’ils jouaient — les 9 000 employés et 60 000 clients, ainsi que les nouveaux employés.

Dans le projet de loi C-81 que nous examinons, la formation comme telle n’est pas explicitement incluse. J’aimerais savoir pourquoi, connaître le raisonnement derrière cela et savoir quelles ont été les discussions à ce sujet.

Mme Qualtrough : Mon plan secret qui ne l’est pas vraiment, dans cette loi, c’est le changement de culture dont vous parlez. Je crois que plus tard, nous verrons cela en rétrospective comme un point décisif pour les droits des personnes handicapées et la façon dont nous parlons des handicaps dans ce pays.

Ce ne sera pas possible si des gens n’ont pas la formation nécessaire pour s’attaquer aux tâches parfois énormes que nous allons exiger d’eux. Nous le savons. La formation n’est pas incluse parce que c’est une composante plutôt horizontale. Il nous faut de la formation dans tous les domaines. Cela ne peut pas se faire en vase clos. C’est la façon dont nous devons préparer les collectivités, les entreprises et les organisations à respecter leurs obligations.

Dans le cadre du PPDS-PH, ou Programme de partenariats pour le développement social — Composante personnes handicapées, les organisations pourront obtenir du financement afin de se soumettre à la loi. À vrai dire, les organisations de personnes handicapées pourront obtenir du financement pour faire ce qu’elles font le mieux, ce pour quoi elles existent, et elles pourront éclairer l’élaboration de ces plans et... C’est une exigence des plans sur l’accessibilité de toute façon. Nous sommes vraiment conscients de cela. Ce n’est pas intégré dans la loi, mais nous savons que nous devons le faire pour réussir et que nous devons étoffer cela.

La sénatrice M. Deacon : Merci. Je pense qu’en y regardant de plus près, il serait possible de trouver un libellé très simple qui éclaircirait cela.

Le sénateur Kutcher : Madame la ministre, je vous remercie de vos réponses très claires et très réfléchies aux questions. Notre tâche est de faire en sorte que le projet de loi soit le meilleur possible. Vous avez donné à entendre, je crois, que nous pourrions approfondir un peu un aspect particulier, soit celui de la langue des signes. J’aimerais donc savoir s’il y a d’autres aspects sur lesquels vous ou votre équipe…

Mme Qualtrough : Est-ce que j’ai le droit de répondre à cette question?

Le sénateur Kutcher : … souhaiteriez que nous nous penchions plus particulièrement dans le cadre de notre étude du projet de loi.

Mme Qualtrough : Je crois qu’il faut une quelconque reconnaissance des langues des signes comme étant la langue première des Canadiens malentendants. Nous avons entendu cela et vous allez l’entendre encore.

Le sénateur Munson a posé une question sur l’obligation de prendre des mesures d’adaptation et a dit que pour éviter toute confusion, cela pourrait être explicite. Je sais qu’il existe des dispositions législatives à ce sujet, et je dirais que la jurisprudence a déjà éclairci ce point. Je crois cependant qu’il pourrait être bon d’explorer cela.

Habituellement, personne ne me pose cette question. Si vous pensez à des améliorations possibles, n’hésitez pas à les explorer. Ce que je souhaite, c’est que le projet de loi soit adopté. Je crois que c’est vraiment un excellent projet de loi et je ne voudrais pas d’entraves à son adoption. Je suis très directe et je vous prie de me pardonner. La communauté a fait du si bon travail que je ressens de façon encore plus marquée l’obligation de réaliser cela pour eux. C’est une occasion unique, et les gens se sont battus longtemps pour que nous ayons cette discussion à l’échelle nationale.

Nous n’allons pas remettre le génie dans la lampe. C’est très excitant. Je suis désolée de ne pas pouvoir vous en dire plus, mais ce sont les deux aspects qui me viennent en priorité à l’esprit.

La vice-présidente : Nous allons essayer de faire un deuxième tour rapide avant votre départ, madame la ministre.

Le sénateur Munson : Merci encore, madame la ministre. La dernière heure a été très instructive.

Les sanctions peuvent atteindre 250 000 $ par violation et par jour, d’après ce que je lis ici, selon la gravité de la violation. Qui allez-vous sanctionner? Est-ce que ce sont les sociétés? Disons, par exemple, que VIA Rail ne se conforme pas.

Comment sanctionnez-vous les ministères? Dites-vous au ministre, au sous-ministre ou à quelqu’un d’autre qu’ils n’ont pas été à la hauteur? Allez-vous par conséquent mettre le gouvernement lui-même à l’amende, ou la personne qui est aux commandes? J’aimerais que vous m’expliquiez cela, je vous prie.

Mme Qualtrough : Je vous remercie. C’est une excellente question. La communauté nous a entre autres indiqué qu’il était très important que le projet de loi ait du mordant. Il fallait qu’il crée une approche systématique à la suppression des obstacles et qu’il fasse passer ce fardeau du particulier au système, mais il fallait aussi qu’il y ait des conséquences importantes et réelles pour les personnes qui ne se conformaient pas — il fallait du mordant. Je pense que c’est ce que j’ai entendu le plus souvent. C’est donc le mordant qu’on a demandé.

Un processus va être amorcé pour amener les gens à se conformer. Ce n’est pas que nous voulions sanctionner tout le monde et mettre tout le monde à l’amende, mais les ministères gouvernementaux seraient mis à l’amende de la même façon que VIA Rail ou mon propre ministère en cas de violation, je présume. L’idée est d’encourager les gens à se conformer, mais également à comprendre qu’il y aura des conséquences pécuniaires et autres en cas de non-respect.

Est-ce que je peux ajouter quelque chose au sujet de l’obligation de prendre des mesures d’adaptation? C’est vraiment important, et c’est un peu une obsession pour moi. Il faut bien faire comprendre aux Canadiens qu’il s’agit d’un principe vraiment important et reconnu par la loi en matière de droits de la personne, dans ce pays. Nous ne proposons rien qui pourrait soustraire quelque organisation que ce soit à son obligation de prendre des mesures d’adaptation pour des personnes en particulier. Une petite entreprise qui se conforme aux normes pourrait dire qu’elle s’est acquittée de ses obligations, et cela pourrait suffire à répondre à son obligation de prendre des mesures d’adaptation. Cependant, il est possible que ce ne soit pas le cas pour le gouvernement du Canada. Il faut que ce soit très clair, et je tiens à le souligner moi-même si je veux arriver à dormir la nuit prochaine : cela n’a aucunement pour effet de soustraire quelque organisation que ce soit à l’obligation de prendre des mesures d’adaptation pour des personnes qui sont handicapées.

Le sénateur Munson : Merci.

La vice-présidente : Il nous reste trois minutes, et j’ai quatre sénateurs qui aimeraient un deuxième tour. N’oubliez pas que les fonctionnaires vont rester et qu’ils pourront répondre à certaines de vos questions.

La sénatrice Forest-Niesing : J’ai une question qui va dans le même sens que les questions du sénateur Munson, mais je peux attendre et laisser mes collègues poser leurs questions. Je peux attendre à la deuxième heure. Merci.

La sénatrice Eaton : Madame la ministre, est-ce qu’un autre pays fait mieux que ce que nous allons faire? Est-ce qu’il y a un autre pays qui nous sert d’exemple?

Mme Qualtrough : Notre voisin du Sud a son Americans with Disabilities Act, qui comporte des dispositions contre la discrimination, aspect qui est couvert au Canada par nos dispositions sur les droits de la personne, ainsi que des normes sur l’accessibilité. Nous avons consacré beaucoup de temps à examiner leur modèle. C’est manifestement un pays qui est structuré différemment, un État fédéral.

Ce que j’espère, dans mon cœur d’athlète de compétition, c’est que cela devienne une norme internationale fondée sur ce que d’autres pays font. Les États-Unis le font depuis 30 ans, mais j’aime à croire que nos dispositions seront meilleures.

La sénatrice Eaton : Merci.

La sénatrice Omidvar : Très rapidement, vous avez parlé de l’existence d'un échéancier; au plus tard au deuxième anniversaire de l’entrée en vigueur, les organismes seront tenus d’avoir pris au moins un règlement. Quelle est cependant la qualité de ce règlement? Est-ce qu’il risque d’être sans conséquence, sur une question mineure qui n’incarnerait pas l’esprit de ce que vous cherchez à proposer?

Mme Qualtrough : Je ne crois pas que la loi garantit cela. Ce que je pense, cependant, c’est que l’OCENA va garantir cela. Cette organisation dirigée par un conseil d’administration composé en majorité de personnes ayant vécu ces expériences décidera des règlements qui sont prioritaires, de ce qui vient d’abord, de qui fait quoi et des priorités. Ce groupe aura la responsabilité de veiller à ce que des règlements de fond soient pris aussi rapidement que possible, compte tenu des priorités qu’il aura établies.

La sénatrice Omidvar : Merci.

La vice-présidente : Je crois que nous avons utilisé tout notre temps. Madame la ministre, je tiens à vous remercier beaucoup d’avoir comparu aujourd’hui et de nous avons fourni des réponses très complètes avec autant d'enthousiasme.

Mme Qualtrough : Je vous remercie de m’avoir invitée. Ce midi, j’ai eu le plaisir de passer du temps avec la Rapporteuse spéciale sur les droits des personnes handicapées de l’ONU. Le moins qu’on puisse dire, c’est que le monde nous observe. Elle est ravie de nos efforts, et je tiens à vous remercier de continuer à travailler avec rigueur à faire de cette loi la meilleure possible.

Dans une heure et demie, je vais comparaître devant le Comité sénatorial des finances, au sujet de Phénix, si jamais cela vous intéresse. Je dis simplement, sans vouloir offenser qui que ce soit, que ce sera le moment fort de ma journée. Je vous remercie beaucoup.

La vice-présidente : Merci. Nous allons suspendre la séance pour cinq minutes, puis nous poursuivrons avec les fonctionnaires du Secrétariat de l’accessibilité, qui vont répondre à nos questions.

Toujours dans le cadre de notre étude sur le projet de loi C-81, nous avons à la table les fonctionnaires du Secrétariat de l’accessibilité. Nous allons poursuivre avec les questions.

Je présume que vous n’avez pas d’exposé à présenter. Vous allez simplement répondre à nos questions. Commençons dans ce cas.

[Français]

La sénatrice Mégie : En ce qui concerne la communication, nous avons parlé du langage des signes plus tôt. Il y a par ailleurs quelque chose dont on n’a pas parlé : les annotations en braille. Est-ce qu’il y a une place pour l’écriture braille dans votre plan?

[Traduction]

M. Van Raalte : Je vous remercie de cette question. On estime que le braille est un format de substitution, aussi bien comme outil de communication que comme outil d’information.

Du point de vue des normes de communication, l’OCENA pourrait intégrer des exigences relatives à l’utilisation du braille. Il y a également dans le projet de loi des dispositions explicites concernant les plans sur l’accessibilité qui doivent être disponibles sous d’autres formes. Sur demande, les personnes qui lisent le braille peuvent obtenir ces publications en braille.

[Français]

La sénatrice Mégie : Est-ce que la technologie de pointe prendra la place du braille? Les gens qui communiquent en braille peuvent utiliser Internet par l’intermédiaire de Bell Canada, au Québec. Pensez-vous que la technologie pourrait prendre la relève?

[Traduction]

M. Van Raalte : Cela démontre bien qu’il faut des dispositions habilitantes et un processus d’élaboration de normes permettant l’adaptation en fonction des progrès technologiques. Il y a une grande variété de formats de substitution et de technologies connexes qui permettent de surmonter de nombreuses limitations fonctionnelles et de nombreux handicaps. Les paramètres précisés dans le projet de loi permettront à l’OCENA et aux organismes de réglementation de tenir compte de cela à l’avenir.

[Français]

La sénatrice Mégie : Merci.

[Traduction]

Le sénateur Munson : Je vous remercie beaucoup d’être restés. J’aimerais poursuivre sur la question des sanctions, car je suis content d’apprendre que les dirigeants des ministères ou autres personnes responsables seraient sanctionnés. Cependant, d’où viendra l’argent? Si vous payez une amende de 20 000 $ parce que vous ne vous êtes pas conformé, de quel argent s’agira-t-il? Il ne va certainement pas sortir de votre poche, si vous ne vous êtes pas conformé.

M. Van Raalte : Prenons mon ministère comme exemple, car je peux m’attaquer à mon propre cas. Disons qu’il y a eu une plainte contre EDSC, qu’il y a des justifications à l’appui de cette plainte, et que la violation est assez grave, sur le plan de la conformité, pour que l’organisme de réglementation décide d’appliquer une sanction administrative pécuniaire. Le sous-ministre de mon ministère serait responsable de cette infraction; le montant de l’amende imposée à mon ministère proviendrait du niveau de référence du ministère et irait au Trésor.

Le sénateur Munson : Cela viendrait de votre propre budget, donc. De l’autre côté, en ce qui concerne le plaignant, pourriez-vous nous parler de l’indemnisation? Il y a plus de conditionnel que d’impératif. Par exemple, le plaignant pourrait avoir une indemnité pour les pertes de salaire, les dépenses additionnelles et ainsi de suite. Pouvez-vous nous parler de cela?

Ce qu’on dit, c’est :

Le montant maximal qui pourrait être accordé en raison de la souffrance et de la douleur subies et de l’acte délibéré ou inconsidéré serait initialement fixé à 20 000 $.

Pouvez-vous nous expliquer cela un peu? Il y a ici « pourrait », mais non « serait ».

M. Van Raalte : Je vous remercie de cette question. On utilise le conditionnel, parce que le plaignant doit faire la preuve des dommages ou des répercussions subis, de manière à obtenir une indemnité. Ce sont des facteurs qui seraient tenus en compte pour établir l’indemnité.

C’est un principe du droit administratif dont le projet de loi tient compte, aussi bien en ce qui concerne les droits du plaignant et du répondant que leurs responsabilités.

Le sénateur Munson : Nous parlons d’échéanciers et d’absence d’échéanciers. Quand nous regardons l’édifice du Centre et l’inaccessibilité de cet édifice depuis 1916, est-ce que le plan relevant de la Loi canadienne sur l’accessibilité est de mettre l’accent sur ce qui se passe chez nous et de mettre en valeur un nouvel édifice du Centre qui sera accessible et exempt d’obstacles? Comme la ministre l’a dit, il est difficile de prédire ce qui va se passer dans deux ans. Nous ne savons pas ce qui se passera dans 10 ou 12 ans.

Pour ce qui est des consultations, je présume que Travaux publics doit faire partie du processus en général, n’est-ce pas?

M. Van Raalte : Je vous remercie de cette question, sénateur. Je vais fonder ma réponse sur les dispositions législatives touchant les plans sur l’accessibilité.

Chaque entité réglementée — et cela inclut les entités du Parlement : le Sénat, la Chambre des communes, l’huissier du bâton noir — sera tenue par la loi de soumettre des plans sur l’accessibilité qui sont tournés vers l’avenir. Ces plans sur l’accessibilité devront être mis à jour régulièrement. Ce sera prévu dans la réglementation. Les plans devront être conçus en collaboration directe avec les personnes handicapées de sorte que leur contribution s’y reflète. La loi comportera des dispositions exigeant la production régulière de rapports concernant ces plans.

Dans votre travail avec les fonctionnaires de Travaux publics qui offrent du soutien au Parlement pour l’environnement bâti, mais également à titre d’organismes qui sont des membres souverains du Parlement, vous serez obligés par cette partie de la loi de tenir ces discussions sur le plan d’avenir pour toutes vos activités, y compris l’édifice du Centre.

Le sénateur Munson : Ce qui n’a pas été mentionné dans le témoignage antérieur, parce que le temps manquait, c’est que le conseil d’administration de l’OCENA établirait des normes, et que la majorité des membres de l’OCENA seront des personnes handicapées. Je félicite le gouvernement pour cela. Je crois que c’est unique. Je sais qu’on voudrait que ce soit plus qu’un seul membre de plus que la majorité, mais je pense que les personnes handicapées sont prêtes à vivre avec cela. Je pense que c’est une première, d’une certaine façon. Est-ce que j’ai raison?

M. Van Raalte : Vous avez raison, sénateur. Ce sera la première institution fédérale établie par la loi à être régie par une majorité de personnes handicapées.

Le sénateur Munson : C’est extrêmement important. Merci.

La sénatrice Forest-Niesing : J’aimerais revenir sur la question des sanctions. La partie 6 prévoit des sanctions pour une personne affectée par le non-respect des dispositions relatives à l’accessibilité. J’ai mes notes sous les yeux. On prévoit une indemnité pour la totalité ou la fraction des pertes de salaire et des dépenses entraînées par la contravention, ainsi qu’une indemnité pour les souffrances et douleurs, ce qui est en soi difficile à mesurer. C’est le mordant dont nous a parlé la ministre Qualtrough.

Est-ce qu’on a pensé à une sanction qui, en plus, tiendrait compte du temps et de l’énergie consacrés au processus? Le chemin à parcourir pour en arriver à une décision définitive et à l’imposition de telles sanctions est très long, et cela peut se traduire par beaucoup de temps, d’énergie, de douleur et de souffrance. Est-ce qu’on envisage cela en ce qui concerne les sanctions, au bout du processus? Est-ce qu’il y a des mesures en place pour accompagner une personne qui doit suivre le long parcours menant au résultat ultime?

M. Van Raalte : Je vais vous donner une réponse en deux volets, car je veux également vous en dire plus long au sujet du processus.

Le processus de traitement des plaintes par suite d’une contravention à une disposition en matière d’accessibilité devrait être beaucoup plus rapide que celui auquel on a recours pour les plaintes de discrimination touchant les droits de la personne. Pour ce faire, il faut que l’on définisse les critères à utiliser par la nouvelle instance chargée de l’application de la loi, le commissaire à l’accessibilité, pour établir que l’on a contrevenu à un règlement. L’obligation d’agir rapidement est d’ailleurs inscrite dans la loi. La situation est différente, même du point de vue du droit administratif, lorsqu’il s’agit de déterminer s’il y a eu discrimination ou non en tenant compte des éléments qui ont été mis de l’avant.

Je reconnais que le processus exigera tout de même un certain temps. La durée du processus sera toutefois prise en compte lorsque viendra le temps d’établir le montant d’une éventuelle indemnisation. Il est bien certain que l’on peut être d’accord ou non concernant le maximum de 20 000 $, mais il faut savoir que celui-ci a été établi sur la base de précédents en la matière au sein de l’administration fédérale.

La sénatrice Forest-Niesing : Merci.

Le sénateur Oh : Merci beaucoup de votre présence aujourd’hui.

Lorsque je voyage, je me dis toujours que le Canada est un pays formidable. Nous nous occupons vraiment des personnes handicapées. Est-ce que nous tenons des statistiques à ce sujet? Combien y a-t-il de personnes handicapées au Canada et comment les fonds sont-ils répartis entre les différentes provinces? Est-ce en fonction du nombre de personnes handicapées ou utilise-t-on d’autres critères?

M. Van Raalte : Disons d’abord que le gouvernement du Canada finance l’Enquête post-censitaire sur les personnes ayant une incapacité. C’est une enquête qui se tient un an après le recensement. La plus récente a eu lieu en 2017 et les premières statistiques ont été rendues publiques le 3 décembre à l’occasion de la Journée internationale des personnes handicapées.

C’est pour nous un outil important qui nous procure une solide base de données pour l’élaboration de nos politiques. Statistique Canada poursuit l’analyse de ces données et publiera des compléments d’information qui faciliteront notre travail.

Par ailleurs, il n’y a pas de transfert aux provinces et aux territoires qui vise expressément les personnes handicapées. Différents mécanismes sont utilisés à cette fin.

Je vais vous donner un exemple. Le gouvernement a établi un nouveau cadre pour les ententes sur le perfectionnement de la main-d’œuvre avec les provinces et les territoires. Ce cadre tient compte de la nécessité d’améliorer les perspectives d’emploi des personnes handicapées. Le financement est établi en fonction de la population de chaque province et chaque territoire, mais il n’y a pas de transfert distinct à ces gouvernements visant uniquement le soutien aux personnes handicapées.

Le sénateur Oh : Je tiens à vous remercier bien sincèrement. Vous avez toujours accompli un excellent travail pour ce qui est de l’architecture et de la conception des édifices, et cela vaut même pour les politiciens qui nous ont précédés.

M. Van Raalte : Merci, sénateur.

La sénatrice Omidvar : Il y a une petite question que j’ai toujours à l’esprit. La ministre nous a parlé longuement des plans sur l’accessibilité que devront élaborer les entités visées par la loi. Il y a également un processus de rétroaction qui est prévu. Nous adoptons de nombreuses lois au Sénat, et je me demande toujours si elles sont vraiment mises en application par la suite. Comment allez-vous vous assurer que l’on ne se contente pas de publier les dispositions réglementaires et de mettre en place le processus de rétroaction requis, mais que ces dispositions sont bel et bien mises en application?

M. Van Raalte : Les exigences prévues dans la loi, et éventuellement dans le règlement, pour ce qui est des plans sur l’accessibilité et des mécanismes de rétroaction sont assorties d’une obligation de rendre des comptes à la population. Il ne s’agit pas simplement d’une reddition de comptes à l’intérieur du gouvernement. Nous voulons que ces documents soient accessibles à tous.

Ce sera différent, par exemple, des rapports sur l’équité en matière d’emploi que les entreprises réglementées doivent présenter au Programme du travail. Pour dire les choses comme elles sont, personne ne voit vraiment les rapports en question. On en fait seulement un résumé qui est publié par Travail Canada.

Les plans sur l’accessibilité devront être rendus publics et consultables sur des supports de substitution, comme je l’indiquais précédemment, afin que les gens puissent demander des comptes aux organisations en question. En outre, le commissaire à l’accessibilité doit être avisé au moment où ces plans sont rendus publics. Le nouveau commissaire devrait pouvoir se servir de ces plans pour définir son cadre d’application de la loi. Les lacunes relevées dans ces rapports sur l’accessibilité pourraient nous permettre d’agir de façon proactive afin d’aider les organisations concernées à se conformer à la réglementation.

Comme je l’ai indiqué, l’autre élément important de ce mécanisme de reddition de comptes est l’obligation de consulter de telle sorte que les personnes handicapées puissent participer à l’élaboration de ces plans. Il ne s’agira pas simplement de cocher une case pour indiquer que des consultations ont été menées. Il faudra préciser dans les plans l’ampleur et la portée de ces consultations. Je rappelle par ailleurs que la loi prévoit un mécanisme de reddition de comptes quant à savoir si les choses se sont passées comme il se doit.

La sénatrice Omidvar : La ministre nous a également exposé les raisons pour lesquelles aucun échéancier n’avait été précisé dans la loi. Par contre, est-il possible que les différentes organisations visées établissent leurs propres échéanciers dans les plans sur l’accessibilité qu’elles vont rendre publics? Est-ce probable ou envisageable?

M. Van Raalte : Vous parlez des organisations chacune de leur côté?

La sénatrice Omidvar : Oui.

M. Van Raalte : Comme la ministre l’a indiqué, des échéanciers seront notamment fixés lorsque nous prendrons des règlements en application de cette loi. Nous accorderons alors aux organisations un délai pour se conformer aux nouvelles règles adoptées. Normalement, on laisse une année à une organisation pour ce faire, mais selon la complexité du nouveau règlement, on peut aussi prévoir un délai de deux ou trois ans. Nous considérons les modèles mis en place par l’Ontario à cette fin. Il se peut également que l’on doive se conformer à un nouveau règlement dès le jour de sa publication. Tout cela sera déterminé dans le cadre du processus de consultation.

Nous souhaiterions certes que ces organisations prennent des engagements en ce sens dans leurs plans sur l’accessibilité, en allant au-delà de ce que prévoit le règlement. On pourrait par exemple s’imaginer une entité qui affirmerait vouloir devenir le chef de file au Canada en matière d’accessibilité dans les transports en indiquant comment elle compte y parvenir et à quel moment, de telle sorte que nous puissions, en notre qualité de clients, lui demander des comptes relativement à ces engagements.

Je crois que la ministre a parlé d’un changement de culture. Nous avons vraiment ici la chance de contribuer à un tel changement en travaillant de concert avec les personnes handicapées pour l’établissement des règlements requis. Ces plans représentent un moyen privilégié de transformer les échanges au sein des organisations quant à savoir ce que l’on entend vraiment par accessibilité et quel genre d’engagement cela va exiger dorénavant.

La sénatrice Omidvar : J’aimerais avoir des précisions au sujet de l’article 15 qui porte sur la collecte de données. Je pense que c’est un aspect vraiment important. Ces données vont être utilisées par différentes entités pour l’élaboration de leurs plans. Croyez-vous que le gouvernement pourrait aussi se servir des mêmes données pour déterminer quels changements sont nécessaires dans une perspective plus générale et se faire une meilleure idée de ce qui nous attend? Il y a en effet différentes tendances qui semblent se dégager au moment où l’on se parle.

M. Van Raalte : C’est effectivement le cas, sénatrice. Sous la direction de mon collègue ici présent, notre organisation collabore avec Statistique Canada pour la mise au point d’une stratégie sur les données et les mesures. Ce travail est bien amorcé. Nous constatons qu’il existe différentes sources de données permettant d’évaluer l’efficacité de cette loi. Je vous ai déjà parlé de l’enquête sur l’incapacité faisant suite au recensement. En mai ou juin prochain, nous allons lancer notre tout premier sondage qui a été élaboré en partenariat avec les représentants des personnes handicapées. Je profite d’ailleurs de l’occasion pour les remercier de la rigueur dont ils ont fait preuve pour que les questions de ce sondage soient adaptées à la réalité des personnes handicapées. Nous avons ainsi pu concevoir un questionnaire accessible au plus grand nombre dans toute la mesure du possible.

Par ailleurs, les plans sur l’accessibilité nous donneront eux-mêmes accès à toute une mine de renseignements, aussi bien qualitatifs que quantitatifs, quant au fonctionnement du système, aux améliorations possibles et aux mesures à prendre pour l’avenir.

La sénatrice Omidvar : Vous travaillez pour Travaux publics?

M. Van Raalte : Non, pour Emploi et Développement social Canada.

La sénatrice Omidvar : Les personnes handicapées comptent pour quelle proportion de vos employés?

M. Van Raalte : Vous parlez du secrétariat ou du ministère dans son ensemble? Disons d’abord que notre organisation prêche par l’exemple au sein du ministère et du gouvernement du Canada. Il serait plus rapide en fait de vous indiquer pour lesquels de nos employés il n’y a pas obligation de prendre des mesures d’adaptation. En effet, la vaste majorité d’entre eux sont eux-mêmes handicapés ou ont un proche qui l’est, une autre considération très importante dans l’orientation de notre travail.

Je transmettrai au comité les chiffres concernant la proportion de personnes handicapées au sein du ministère.

La sénatrice Dasko : Je suis moi-même chercheuse de profession et j’ai également fait partie du comité consultatif sur les conditions sociales de Statistique Canada pendant de nombreuses années, même si cela remonte à un certain temps déjà, et je note certaines choses concernant l’enquête menée en 2017 par Statistique Canada. Au fil des ans, l’évaluation de l’incidence de l’incapacité a causé différents problèmes aux chercheurs. Une enquête pouvait vous indiquer un pourcentage X alors que ce pourcentage était établi à Y par une autre, et ainsi de suite. J’ai aussi eu vent de divergences d’opinions quant aux mesures utilisées pour cette enquête de 2017.

Est-ce que quelqu’un de votre équipe peut nous expliquer les moyens utilisés aux fins de cette enquête pour déterminer s’il y a incapacité? Il est important de savoir comment on en est arrivé au nombre de personnes vivant avec une incapacité au Canada. Je ne sais pas si vous pourriez nous en dire davantage au sujet des mécanismes utilisés pour mesurer l’ampleur de ce phénomène.

M. Van Raalte : Ce n’est pas mon domaine d’expertise. Il y a tout un débat qui fait rage quant à la définition de l’incapacité et à la portée de cette définition.

La sénatrice Dasko : Oui.

M. Van Raalte : Je m’engage à vous fournir une réponse écrite à ce sujet, madame la sénatrice.

La sénatrice Dasko : D’accord.

M. Van Raalte : Nous devrons en discuter avec les gens de Statistique Canada

La sénatrice Dasko : D’accord. Merci.

La vice-présidente : Merci. Il ne semble pas y avoir d’autres questions.

Je tiens à remercier encore une fois la ministre Qualtrough ainsi que tous les fonctionnaires du Secrétariat à l’accessibilité qui ont été présents pendant toute notre séance.

Honorables sénateurs, nous allons accueillir demain M. Sukh Dhaliwal, député de Surrey—Newton et parrain du projet de loi C-376, Loi désignant le mois d’avril comme Mois du patrimoine sikh. Nous entendrons également le sénateur Sabi Marwah, parrain du projet de loi au Sénat. Nous terminerons ensuite notre examen du projet de loi C-376 ainsi que du projet de loi C-252.

Si vous n’avez pas d’autres points à soulever, honorables sénateurs, je vais lever la séance.

(La séance est levée.)

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