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Débats du Sénat (Hansard)

Débats du Sénat (hansard)

1re Session, 36e Législature,
Volume 137, Numéro 10

Le mercredi 22 octobre 1997
L'honorable Gildas L. Molgat, Président


LE SÉNAT

Le mercredi 22 octobre 1997

La séance est ouverte à 14 heures, le Président étant au fauteuil.

Prière.

[Traduction]

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

Les droits de la personne et la communauté des minorités visibles

La confirmation de la décision d'un juge de la Nouvelle-Écosse par la Cour suprême du Canada

L'honorable Donald H. Oliver: Honorables sénateurs, j'attire votre attention sur un jugement rendu récemment par la Cour suprême du Canada. Ce jugement a d'importantes répercussions sur les droits de la personne et sur la communauté des minorités visibles. Il a exonéré de tout blâme le juge Corinne Sparks de la Nouvelle-Écosse. Madame le juge Sparks est la première femme de race noire à accéder à la magistrature au Canada. Jusque-là, elle avait connu une brillante carrière juridique en Nouvelle-Écosse.

Une allégation de «partialité judiciaire fondée sur la race» était au coeur de cette affaire. Madame le juge Sparks a été accusée d'avoir eu une telle partialité quand elle a fait des observations en statuant sur une cause impliquant un adolescent noir et un agent de police. Elle a fait allusion à ses propres expériences quand elle a dit:

[...] les agents de police réagissent quelquefois de façon excessive quand ils ont affaire à des membres des minorités visibles [...]

Il s'agissait dans cette affaire de savoir si un jeune de 15 ans avait délibérément foncé à bicyclette dans un agent de police aux prises avec le cousin du jeune. Dans leurs conclusions, les juges L'Heureux-Dubé et McLachlin ont déclaré:

Le racisme est une réalité pernicieuse. Il faudrait être stupide, suffisant ou ignorant pour ne pas en reconnaître la présence, non seulement chez les individus, mais aussi au sein du système et des institutions.

Les juges McLachlin et L'Heureux-Dubé ont ajouté:

En tant que membre de la collectivité, il lui était loisible de prendre en considération l'existence notoire du racisme dans cette collectivité et d'apprécier la preuve quant à ce qui s'est produit en tenant compte de ce contexte.

L'affaire était délicate en raison de son aspect racial, c'était la confrontation classique entre un agent de police blanc représentant le pouvoir de l'État et un adolescent noir inculpé d'une infraction.

Le juge Sparks se devait d'être sensible aux nuances et aux sous-entendus, et de s'en remettre à son propre sens commun, lequel est nécessairement teinté par son expérience et sa vision du monde.

Selon les deux juges, un être humain est le produit de ses expériences et la seule véritable impartialité possible est celle d'un esprit ouvert. Ils ont dit que le juge Sparks a inévitablement tiré ses conclusions sur des faits et sur ce qui était crédible selon son propre jugement. Ils ont déclaré:

Ce qui nous permet de juger vraiment, de nous écarter de nos particularités et préférences personnelles, c'est la faculté d'ouvrir notre esprit. Nous y arrivons en prenant en considération différentes perspectives. C'est le moyen de sortir de l'aveuglement de notre subjectivité.

La conclusion que nous pouvons tirer de cette affaire, honorables sénateurs, c'est que les juges ne sont pas obligés d'écarter leur expérience de vie personnelle dans les décisions qu'ils rendent, mais ils doivent néanmoins veiller à ne prononcer aucune parole ni poser aucun acte, durant la tenue d'un procès, qui puisse donner l'impression qu'une affaire est déjà réglée ou décidée sur la base de suppositions ou de généralisations stéréotypées.

Cette décision, si on la lit à la lumière du rapport d'enquête sur l'affaire Donald Marshall, est une triste confirmation de la présence du racisme dans le système judiciaire de la Nouvelle-Écosse.

Je connais le juge Sparks depuis de nombreuses années. J'ai plaidé avec elle devant divers tribunaux de la Nouvelle-Écosse. J'ai été heureux d'apprendre qu'elle était la première femme noire à accéder à la magistrature au Canada. Le juge Sparks et moi avons partagé des expériences désagréables et avons ressenti les effets du racisme, qui est répandu répandu à la grandeur du système judiciaire en Nouvelle-Écosse.

Étant moi-même noir, je comprends pourquoi on a accusé le juge Sparks de parti pris et je suis très heureux que justice lui ait été rendue.

Les Nations Unies

La Journée internationale pour l'élimination de la pauvreté

L'honorable Erminie J. Cohen: Honorables sénateurs, je voudrais vous signaler que la cinquième Journée internationale pour l'élimination de la pauvreté a été observée vendredi dernier, le 17 octobre, un peu partout dans le monde et ici au Canada.

Je me permets de faire un bref historique, pour votre information, de la Journée internationale pour l'élimination de la pauvreté et des activités qui y sont liées. En décembre 1992, les Nations Unies ont désigné le 17 octobre journée de sensibilisation au terrible problème de la pauvreté et à la nécessité de prendre des mesures concrètes pour l'éliminer. Suite à l'adoption d'une résolution en ce sens par les Nations Unies, la première Journée internationale pour l'élimination de la pauvreté a été observée l'année suivante, en 1993. Par la suite, les Nations Unies ont déclaré 1996 Année internationale pour l'élimination de la pauvreté mais, comme je l'ai déjà rappelé au Sénat, la majorité des Canadiens et de leurs gouvernements ne l'ont pas observée.

Plus récemment, l'Assemblée générale des Nations Unies a proclamé les années 1997 à 2006 Décennie des Nations Unies pour l'élimination de la pauvreté. Dans la résolution qu'elle a adoptée, l'Assemblée générale a déclaré:

L'élimination de la pauvreté est un impératif éthique, social, politique et économique pour l'humanité.

Je suis sûr que les honorables sénateurs reconnaîtront la vérité fondamentale de cette assertion. Quant à moi, je ne pourrais être plus d'accord.

Il y a de plus en plus de gens qui, sans qu'ils n'aient rien fait pour cela, sont sans emploi ou sous-employés. En même temps, ces gens se trouvent privés de nombreux appuis sociaux dont ils ont besoin par suite d'une terrible réduction des dépenses. Malheureusement, honorables sénateurs, la lutte contre le déficit est devenue une lutte contre les pauvres. Si nous agissons maintenant, il y a tout lieu d'espérer que, d'ici l'an 2000, nous serons en mesure d'améliorer substantiellement le niveau de vie des pauvres au Canada.

(1410)

Le 17 octobre, l'Organisation nationale anti-pauvreté a entrepris sa campagne de pauvreté zéro afin de sensibiliser les Canadiens à ce problème et d'attirer leur attention sur cette question prioritaire et sur le fait que les dépenses sociales doivent être perçues comme un investissement dans les personnes, ce que les dépenses sociales devraient être et ce qu'elles ont été jadis.

J'invite tous les honorables sénateurs à prêter une attention particulière aux chiffres de la pauvreté que publiera Statistique Canada cet automne. Non seulement ces chiffres signalent certaines tendances par rapport aux données des années précédentes, ils peuvent aussi servir de point de référence permettant de mesurer les progrès réalisés tout au long de la Décennie des Nations Unies pour l'élimination de la pauvreté.

Ce qui est plus important, je demande aux honorables sénateurs de ne pas oublier que, derrière chaque chiffre, se trouve une personne qui mérite qu'on lui donne la possibilité de prendre part à la construction de ce grand pays qu'est le Canada.

La Semaine sans violence

Le Défi mondial annuel des YWCA

L'honorable Mabel M. DeWare: Honorables sénateurs, j'interviens pour vous annoncer que nous célébrons cette semaine la deuxième Semaine sans violence annuelle des YWCA du Canada. Du 19 au 25 octobre, les YWCA demandent à tous les Canadiens de vivre sans perpétrer ou observer de la violence et sans participer à des gestes de violence. Je suis convaincue que la plupart d'entre nous pouvons, pendant sept jours, nous abstenir de frapper, pousser ou attaquer physiquement les membres de nos familles, nos amis, nos voisins et nos collègues de travail.

Les YWCA nous rappellent que la violence va bien au-delà des gestes les plus évidents. Par exemple, on peut commettre un geste violent en criant ou en proférant des insultes; on peut participer à de la violence en écoutant des propos racistes ou sexistes et, bien entendu, on peut observer de la violence simplement en allumant le téléviseur ou en allant au cinéma. Une partie du défi que nous lancent les YWCA vise à mieux nous faire comprendre la violence et à nous sensibiliser afin qu'on la reconnaisse sous toutes ses formes. C'est alors seulement que l'on cessera de faire partie du problème et que l'on participera plutôt à la solution.

Honorables sénateurs, la Semaine sans violence des YWCA est une initiative mondiale lancée par le conseil de l'Alliance mondiale des unions chrétiennes féminines en 1995. L'année dernière, elle a été célébrée dans pas moins de 17 pays. Au Canada cette année, 35 YWCA et YM-YWCA organisent des événements et des activités dans leurs collectivités, notamment dans Ottawa-Carleton et à Moncton, Nouveau-Brunswick, ma ville natale. Ces activités de la base illustrent des façons pratiques et durables d'éliminer la violence dans nos foyers, nos écoles, nos quartiers et nos lieux de travail. Elles mobiliseront des milliers de Canadiens qui chercheront des moyens de mettre fin à la violence dans nos collectivités.

Chaque journée de cette Semaine sans violence comporte un thème précis. Le thème d'aujourd'hui, par exemple, est «confronter la violence faite aux femmes». Étant donné que le mois d'octobre est le Mois de l'histoire des femmes, je crois que ce thème est fort à-propos car au moment où nous célébrons la contribution des femmes à notre histoire, nous devons prévenir la violence qui pourrait faire obstacle à leurs futures contributions.

Les honorables sénateurs seront sans doute heureux d'apprendre que le YWCA du Canada regroupe 43 YWCA et YM-YWCA. Ensemble, ils servent 500 000 femmes et leurs familles dans plus de 200 localités. En fait, les YWCA constituent l'organisme canadien qui héberge le plus grand nombre de femmes accompagnées de leurs enfants. De plus, ils offrent des services et des programmes dans divers domaines: santé et bien-être, action communautaire contre la violence faite aux femmes, garde d'enfants, formation professionnelle, leadership des femmes et éducation populaire. Étant ancienne présidente de YWCA, j'ai pu me rendre compte de visu de l'excellent travail qu'ils accomplissent et je puis vous assurer qu'ils jouent un rôle important et efficace dans notre société.

J'invite tous les sénateurs à conjuguer leurs efforts avec ceux de YWCA du Canada afin de mettre fin à la violence. Chacun d'entre nous peut contribuer à améliorer l'existence des familles canadiennes.

L'agriculture

Les lourdes pertes de récoltes en Colombie-Britannique

L'honorable Gerry St. Germain: Honorables sénateurs, je désire attirer l'attention du leader du gouvernement au Sénat et du président du comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts sur la catastrophe agricole en Colombie-Britannique. Dans le nord-est de la province, nous venons de connaître coup sur coup deux années de vaches maigres, et les pertes de cette année seraient de l'ordre de 44 millions de dollars. Les fruiticulteurs de la vallée de l'Okanagan ont été durement touchés par une averse de grêle. Les dommages s'élèventà 30 millions de dollars. L'industrie des fruits et légumes de la partie continentale inférieure, de l'île et d'un peu partout ailleurs a subi des pertes évaluées à plus de 30 millions de dollars.

Je demande aux honorables sénateurs de songer aux conséquences de cette catastrophe. J'ai téléphoné au ministre de la Colombie-Britannique chargé de ce dossier et j'espère avoir sous peu des nouvelles de lui. Je suis d'avis qu'il convient de faire quelque chose face à cette catastrophe qui a durement touché la troisième industrie en importance de la Colombie-Britannique. J'exhorte tous les députés qui le peuvent à sensibiliser la population à cette catastrophe. J'exhorte tous ceux qui sont en mesure de jouer un rôle dans ce dossier à passer immédiatement à l'action.


AFFAIRES COURANTES

Affaires sociales, sciences et technologie

Dépôt du rapport du comité

L'honorable Lowell Murray: Honorables sénateurs, conformément à l'article 104 du Règlement du Sénat, j'ai l'honneur de déposer le premier rapport du comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie concernant les dépenses engagées par le comité durant la deuxième session de la trente-cinquième législature.

Énergie, environnement et ressources naturelles

Avis de motion portant autorisation au comité d'engager du personnel

L'honorable Ron Ghitter: Honorables sénateurs, je donne avis que demain, le jeudi 23 octobre 1997, je proposerai:

Que le comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles soit habilité à retenir les services de conseillers, techniciens, employés de bureau ou autres éléments nécessaires pour examiner les projets de loi, la teneur de projets de loi et les prévisions budgétaires qui lui ont été renvoyés; et

Que le comité soit autorisé à se déplacer à travers le Canada et à l'étranger aux fins de tels examens.

Avis de motion portant autorisation au comité de permettre le reportage électronique

L'honorable Ron Ghitter: Honorables sénateurs, je donne avis que demain, le jeudi 23 octobre 1997, je proposerai:

Que le comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles soit habilité à permettre le reportage de ses délibérations publiques par les médias d'information électroniques, en dérangeant le moins possible ses travaux.

Avis de motion portant autorisation au comité d'étudier des questions relatives à son mandat

L'honorable Ron Ghitter: Honorables sénateurs, je donne avis que demain, le jeudi 23 octobre 1997, je proposerai:

Que le comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles, en conformité à l'alinéa 86(1)p) du Règlement, soit autorisé à étudier les questions qui pourraient survenir occasionnellement se rapportant à l'énergie, l'environnement et les ressources naturelles du Canada; et

Que le comité fasse rapport au Sénat au plus tard le 31 mars 1999.

Affaires étrangères

Avis de motion portant autorisation au comité
de continuer l'étude de la région Asie-Pacifique

L'honorable John B. Stewart: Honorables sénateurs, je donne avis que le mardi 28 octobre 1997, je proposerai:

Que le comité sénatorial permanent des affaires étrangères soit autorisé à étudier et à faire rapport sur l'importance croissante pour le Canada de la région Asie-Pacifique;

Que le comité ait le pouvoir de recourir aux services de conseillers, de spécialistes, d'employés de bureau et de tout personnel qu'il jugera nécessaire pour effectuer les travaux définis dans l'ordre de renvoi;

Que les mémoires reçus et les témoignages entendus sur la question par le comité sénatorial permanent des affaires étrangères durant la deuxième session de la trente-cinquième législature soient déférés au comité;

Que le comité ait le pouvoir de se déplacer à l'intérieur et à l'extérieur du Canada;

Que le comité présente son rapport final au plus tard le 30 octobre 1998 et que le comité conserve les pouvoirs nécessaires à la diffusion des résultats de son étude contenus dans son rapport final et ce jusqu'au 14 décembre 1998.


PÉRIODE DES QUESTIONS

Le multiculturalisme

La violence dans une école secondaire de la Nouvelle-Écosse-Les fonds consacrés à la lutte contre le racisme-La position du gouvernement

L'honorable Donald H. Oliver: Honorables sénateurs, une flambée de violence s'est produite le 2 octobre 1997 pour des raisons raciales à l'école secondaire Cole Harbour, en Nouvelle-Écosse. La situation était tellement grave que l'école a été fermée durant plusieurs jours. Les 950 élèves sont de retour en classe cette semaine, mais des policiers en uniforme patrouillent dans les corridors de leur école pour y éviter les troubles.

Étant donné qu'il existe un budget de 18 millions de dollars pour des subventions qui permettraient notamment de créer des programmes de sensibilisation aux relations raciales dans les écoles, le leader du gouvernement au Sénat peut-il expliquer pourquoi son gouvernement est resté à ne rien faire durant ces terribles événements?

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): J'ai pensé que cette situation préoccuperait tous les sénateurs. Nous étions consternés d'apprendre ce qui se produisait là-bas. Nous avons lu des articles et entendu des témoignages concernant des incidents semblables, mais peut-être pas aussi graves, qui s'étaient produits dans cette même école au cours des années précédentes.

Pour ma part, je suis la situation avec beaucoup d'inquiétude, parce que cela se passe dans ma province natale et j'ai attiré l'attention de mes collègues sur la question. Je ne sais pas si l'on peut blâmer un groupe, organisme ou gouvernement particulier pour ces incidents. Toutefois, je porterai encore une fois les préoccupations de mon collègue à l'attention de ceux que cela pourrait toucher plus directement.

Comme mon collègue a parlé de fonds de plusieurs millions de dollars qui pourraient servir à l'élimination du racisme, je tenterai certainement de lui fournir une réponse plus précise.

Le sénateur Oliver: Le ministre peut-il en parler à la ministre responsable du Multiculturalisme et lui demander de communiquer avec le premier ministre de la Nouvelle-Écosse pour lui offrir l'aide du gouvernement fédéral?

Le sénateur Graham: Je ne manquerai pas de transmettre cette suggestion à mon honorable collègue.

L'Assurance-emploi

La réduction des charges sociales pour stimuler la création d'emplois-La possibilité de négociations avec les provinces-La position du gouvernement

L'honorable David Tkachuk: Honorables sénateurs, il y a eu un changement important dans la perception qu'a le gouvernement des charges sociales telles que les cotisations d'assurance-emploi, le RPC et le RRQ. Il y a quatre ans de cela, plus précisément le 3 octobre 1993, le premier ministre déclarait au Edmonton Journal que le gouvernement fédéral discuterait avec ses homologues provinciaux de la possibilité de réduire conjointement les charges sociales afin de créer des incitatifs supplémentaires à la création d'emplois.

Étant donné que les cotisations combinées de l'AE et du RPC, qui étaient de 5,50 $ par 100 $ de revenu en 1993, passeront à 5,90 $ l'an prochain, le ministre pourrait-il dire au Sénat si de telles discussions ou rencontres avec les homologues provinciaux ont eu lieu?

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je ne peux confirmer absolument que de telles discussions ont eu lieu. Je crois que les consultations à ce sujet se poursuivent entre les autorités fédérales et les autorités provinciales, mais je vais essayer d'obtenir des nouvelles plus fraîches pour mon honorable collègue.

La taille et l'utilisation du surplus de la caisse d'assurance-emploi-La position du gouvernement

L'honorable David Tkachuk: Honorables sénateurs, en octobre 1994, le ministre des Finances a publié une déclaration économique et financière sous le titre «Un nouveau cadre de la politique économique». À la page 24 de ce document, il dit aux Canadiens qu'une charge sociale

[...] fait monter le chômage par rapport à une situation caractérisée par l'absence de charges sociales, ou par des charges sociales moins élevées.

Dans son dernier document, il ne mentionne pas les charges sociales, contrairement à ce qu'il avait fait dans le document de 1994. Par ailleurs, dans la dernière mise à jour économique et financière, il n'est pas question des entrées et des sorties de la caisse d'assurance-emploi prévues pour l'exercice financier en cours, ce que je trouve étrange. C'est peut-être parce que le gouvernement a fait une razzia dans les poches des contribuables canadiens.

Le gouvernement prévoit-il toujours que l'excédent annuel de la caisse d'assurance-emploi sera, selon ses prévisions de l'hiver dernier, de 5 à 6 milliards de dollars cette année, ou atteindra-t-il 7 milliards de dollars ou plus?

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, pour répondre à ce que le sénateur a mentionné plus tôt au sujet des charges sociales, le sénateur sait que le fardeau des charges sociales est moins élevé au Canada que dans d'autres pays, y compris les États-Unis. Sur les pays du groupe des Sept, le Canada et le Royaume-Uni ont le niveau le plus faible de charges sociales en tant que pourcentage du PIB.

Tous les prestataires de l'assurance-emploi commencent avec une fiche vierge. Les prestations reçues avant juillet 1996 ne seront pas prises en compte dans l'application de la règle de l'intensité. En ce qui concerne les montants qui, selon le sénateur, sont contenus dans la caisse, il faudra que je me renseigne davantage sur les détails actuels.

Le budget

Le point en mi-exercice sur le niveau du déficit et des dépenses-La possibilité de réductions d'impôt-La position du gouvernement

L'honorable Terry Stratton: Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. Le ministre Martin n'a pas été avare de données économiques à jour pour cette année et l'année prochaine. Cependant, contrairement à ce qui s'est passé pour les trois mises à jour d'automne que le gouvernement a faites précédemment, cette année, nous n'avons reçu aucune prévision à jour sur le déficit ou sur les dépenses. Bien que le ministre ait dit dans son budget de mars dernier que le déficit s'élèverait à 18 milliards de dollars et qu'il a été ramené à juste au-dessous de 9 milliards, le leader pourrait-il nous dire pourquoi le ministre n'a pas fait de prévision?

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, le sénateur Stratton connaît peut-être ce sujet plus que moi, mais je ne crois pas qu'il soit pratique courante de faire des conjectures sur des prévisions révisées entre les budgets. Qu'on me corrige si je fais erreur.

Le sénateur Lynch-Staunton: Vous avez tort.

Le sénateur Stratton: Honorables sénateurs, j'invite le leader à faire quelques vérifications, car le ministre des Finances a toujours mis à jour les prévisions de déficit à mi-parcours.

Je suis sûr qu'il n'y a pas de déficit prévu, mais plutôt un excédent qui s'annonce à l'horizon. Si un excédent s'annonce, pourquoi le gouvernement ne réduit-il pas les impôts? L'Ontario est en train de réduire de 30 p. 100 le taux de l'impôt sur le revenu. La Nouvelle-Écosse le réduit de 3,4 p. 100, la Colombie-Britannique de 3,8 p. 100, le Nouveau-Brunswickde 10,2 p. 100 et le Québec de 15 p. 100 pour les pauvres. Même l'Alberta fait quelque chose. Le leader du gouvernement aurait-il l'obligeance de me dire pourquoi au fédéral on ne réduit pas les impôts?

Le sénateur Graham: Un petit rappel pour le sénateur: les impôts ont été réduits.

Le sénateur Stratton: Pas récemment.

Le sénateur Graham: Mon collègue dit: «Pas récemment». Les impôts ont été réduits de 2 milliards de dollars en trois ans.

Des voix: Où ça?

Le sénateur Graham: Je vais vous le dire. Ils ont été réduits pour les personnes handicapées, les étudiants et les familles pauvres ayant des enfants.

Le sénateur Lynch-Staunton: Les provinces ont aussitôt occupé cet espace.

Le sénateur Stratton: Je suis sûr que le leader a raison, et je ne le nierai pas, mais je voulais parler de l'ensemble des contribuables. Le compte de l'assurance-emploi enregistre un excédent de 16 milliards de dollars. Le niveau de vie de la plupart des Canadiens est en chute libre. Le taux de chômage se situe encore à 9 p. 100 et, chez les jeunes, il est de 17 p. 100. Pourquoi le gouvernement ne réduit-il pas les impôts pour encourager la création d'emplois?

(1430)

Le sénateur Graham: Le sénateur n'ignore pas que les fondements économiques solides que nous avons posés au cours de notre premier mandat portent fruit à tous égards. L'économie ne fait pas que vivoter, elle prospère. Les Canadiens d'un océan à l'autre ont repris confiance et sont à nouveau optimistes compte tenu de tous les indicateurs économiques positifs que nous avons à l'heure actuelle au Canada.

En fait, nous avons changé ce qu'on pourrait qualifier de cercle vicieux de déficits de plus en plus lourds, de taux d'intérêt élevés, de croissance économique au ralenti et de chômage accru menant à un cercle vertueux de déficits de moins en moins lourds, de taux d'intérêt réduits, de croissance économique marquée et de chômage réduit.

Des voix: Bravo!

La défense nationale

Le remplacement des Hornet F-18 vétustes-La position du gouvernement

L'honorable J. Michael Forrestall: Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat.

Les sénateurs se rappelleront que, pendant un certain nombre d'années, le Canada avait une magnifique machine de combat dans le Hornet F-18. Celui-ci pouvait faire des boucles, s'élever droit dans les airs et vraiment toucher la voûte céleste. Il pouvait faire des tonneaux. C'était une contribution menaçante aux forces alliées.

Le ministre peut-il s'enquérir pour moi des raisons pour lesquelles ce magnifique appareil ne peut désormais plus que décoller, voler en ligne droite, faire demi-tour et atterrir?

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, il y a bien des années, j'ai été premier maître suppléant dans les Cadets de la Marine. Je n'ai jamais réussi à entrer dans le Corps des cadets de l'air.

Blague à part, je ne suis pas sûr que la question de mon honorable collègue appelle une réponse. Il a peut-être lui-même déjà la réponse, car il ne pose jamais une question sans en connaître la réponse à l'avance. S'il a la réponse, peut-être pourrait-il nous la donner.

Le sénateur Forrestall: Les sénateurs seront heureux d'apprendre que j'ai grimpé plus haut que premier maître suppléant. J'ai été confirmé premier maître en titre.

La majorité de nos appareils ont dépassé leur vie «G», qui est une façon de mesurer la vie utile d'un appareil de ce genre. Le leader du gouvernement peut-il nous dire si le gouvernement se propose de mettre en service progressivement un appareil de remplacement ou si, au moins, une révision très rapide de ces appareils est prévue? Nous avons perdu 250 pilotes et nous savons désormais pourquoi: ils n'ont pas d'avion à piloter.

Le sénateur Graham: Honorables sénateurs, je me ferai un plaisir de porter cette affaire à l'attention de mon collègue, le ministre de la Défense nationale, et d'autres personnes compétentes.

Je félicite à nouveau le sénateur Forrestall pour l'intérêt qu'il porte à ce domaine.

L'économie

La relation entre le taux d'inflation et le taux de chômage-La position du gouvernement

L'honorable Mira Spivak: Honorables sénateurs, la semaine dernière, j'ai posé au leader du gouvernement une question à laquelle je n'ai pas eu de réponse directe. Cette question concernait le taux de chômage au-dessous duquel on ne peut tomber, dans l'opinion du gouvernement, sans provoquer une reprise de l'inflation. Ce n'est pas une question théorique, puisque la Banque du Canada a supposé que nous étions menacés d'inflation - alors que le taux de chômage est de 9 p. 100 et le taux d'inflation de 1,6 p. 100, en baisse par rapport au 1,8 p. 100 de la semaine dernière.

L'honorable Paul Martin disait à la réunion du comité des finances, à Vancouver, la semaine dernière:

Il y a une théorie qui veut qu'il existe un point à partir duquel le taux de chômage baissera, mais l'inflation s'accélérera.

Monsieur le président, je pense que c'est vrai et je pense que cela présente un grand intérêt théorique. Cependant, je ne pense pas que cela présente un intérêt pratique, car personne ne sait où se situe ce point...

C'est le genre de chose dont j'accepterais de parler avec des économistes, mais pas dans le but de baser la politique gouvernementale dessus.

Honorables sénateurs, compte tenu de cette déclaration de même que de la décision de la Banque du Canada de hausser les taux d'intérêt quand le taux d'inflation a diminué, et compte tenu enfin du fait que M. Martin a appuyé cette décision, quelle est la politique du gouvernement en ce qui concerne le nombre de travailleurs qu'il est prêt à voir perdre leur emploi à cause de sa lutte contre le dragon virtuel de l'inflation?

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je pense que ni le gouvernement du Canada ni aucun autre gouvernement ne sont heureux et satisfaits quand ils voient que toutes ces personnes qui cherchent activement un emploi et qui sont aptes au travail sont incapables de se dénicher un emploi.

J'ignore quel est le chiffre magique, voire s'il y a un chiffre magique. J'ai entendu des gens dire que 5 p. 100 était le niveau le plus bas en dessous duquel on ne descendra jamais. Je ne pense pas que le ministre des Finances, le ministre du Développement des ressources humaines ou tout autre ministre seraient satisfaits d'un tel taux.

Comme je l'ai déjà dit tout à l'heure, et je le dis en toute sincérité, il semble que les personnes qui sont responsables de la gestion financière du pays sont dans la bonne voie. Il est malheureux qu'à certains égards, les indicateurs économiques ne soient pas aussi bons dans certaines régions du pays, la mienne notamment, comparativement à d'autres.

Toutefois, en réponse à la question du sénateur, je ne pense pas que quelqu'un ait jamais dit quel était ce chiffre, ni qu'il y avait un taux de chômage acceptable.

Le sénateur Spivak: Honorables sénateurs, la réponse du leader me laisse aussi perplexe que la semaine dernière. S'il n'y a pas de chiffre précis, sur quoi se fonde donc la Banque du Canada pour hausser les taux d'intérêt? Il est évident que la Banque du Canada a fixé un seuil en dessous duquel le taux de chômage ne peut tomber sans provoquer une poussée de l'inflation. S'il n'y a pas de risque de poussée inflationniste, pourquoi faut-il donc hausser les taux d'intérêt?

La question est la suivante: sur quel chiffre cette politique est-elle fondée? Il doit y avoir des indicateurs. Si personne ne sait quel est le chiffre, nous sommes vraiment perdus.

Le sénateur Graham: Honorables sénateurs, s'il y a une réponse, je la communiquerai aux sénateurs à une prochaine séance du Sénat.

Les travaux publics

La justification de l'octroi d'un contrat de surveillance météorologique à Moncton à une entreprise de l'extérieur-La position du gouvernement

L'honorable Mabel M. DeWare: Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. Je crois que nos gouvernements ont toujours appuyé les petites entreprises. Je crois que cet appui est à l'origine, en grande partie, de la croissance que nous observons dans notre pays. Nous pensons qu'il est bon de garder les gens dans leurs collectivités.

Or, dans le Ottawa Citizen d'aujourd'hui, on parle d'un chef d'entreprise de Moncton, Jean-Louis Cormier, qui dirige une société locale appelée Global Met Services Inc. Cette entreprise observe les conditions météorologiques à l'aéroport de Moncton depuis un an dans le cadre d'un contrat de 12 mois de Travaux publics Canada. Lorsque son contrat a expiré, M. Cormier a dû soumissionner pour obtenir un nouveau contrat.

Le ministère de l'Environnement lui a signalé que son entreprise accomplissait de l'excellent travail et lui a attribué une note de 98 alors qu'une entreprise d'Ottawa, ADGA Systems International Inc., n'a obtenu qu'une note de 96 en ce qui concerne les compétences permettant à des entreprises de soumissionner.

Après l'étude des soumissions, à Halifax, Jean-Louis Cormier s'est aperçu qu'il avait perdu le contrat par 1,79 $. En effet, la soumission d'ADGA était de 351 744 $ alors que celle de Global Met était de 351 745,79 $. Étant donné qu'il s'agit d'une entreprise locale, qu'elle fait le travail depuis un an et qu'Environnement Canada lui a donné une note de 98, je pensais que le ministère aurait dû au moins accepter de payer le 1,79 $ de différence. Après tout, il s'agit d'un contrat de trois ans et cela ne représente donc, sur trois ans, que 60 cents par année.

(1440)

Le leader du gouvernement pourrait-il demander au ministre des Travaux public s'il croit important d'appuyer les jeunes entrepreneurs dans nos collectivités?

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, j'ai aussi lu, dans le Quorum d'aujourd'hui, un article à ce sujet intitulé «Government may kill small firm to save $1.79».

Le gouvernement actuel, comme devraient le faire tous les gouvernements du reste, veille à ce que l'adjudication de contrats se fasse ouvertement, d'une manière juste et transparente et conformément aux exigences de la demande de propositions. Je sais que, en l'occurrence, le contrat a été adjugé d'une manière ouverte, juste et transparente. Cependant, pour veiller à ce que la population ait confiance dans le système d'adjudication, le gouvernement a demandé à une tierce partie indépendante d'examiner le processus.

Entre temps, le contrat déjà adjugé à la société ADGA sera maintenu.

Le sénateur DeWare: Je pense que la modification d'un contrat d'une telle importance ou même d'une moindre importance coûterait au gouvernement des milliers de dollars. Cette question devrait certainement être réexaminée. Il est honteux d'enlever le gagne-pain d'une entreprise de trois ou quatre personnes, dont le propriétaire est un gars du coin qui habite juste en face de l'aéroport. C'est tout simplement inacceptable.

Le Cabinet du premier ministre

Les nominations libérales au Cabinet du premier ministre et à la Société canadienne des postes

L'honorable Lowell Murray: Honorables sénateurs, j'ai depuis quelque temps l'impression d'être inscrit sur la liste de distribution des documents adressés au caucus libéral de l'Ontario. Je respecte évidemment le caractère confidentiel de ces communications, mais il m'en est parvenu une ce matin du cabinet du premier ministre dont je voudrais parler car elle contient de l'information qui sera bientôt rendue publique de toute façon.

Cette communication annonce la nomination deMme Cate McCready, qui deviendra «notre nouvelle adjointe politique pour l'Ontario» au sein du Cabinet du premier ministre. L'annonce est suivie d'une description de la formation et des titres de compétence de Mme McCready, ainsi que de la nouvelle qu'elle remplace à ce poste un certain M. Lee, qui a récemment accepté de nouvelles fonctions à la Société canadienne des postes.

Je prierais le leader du gouvernement de transmettre nos chaleureuses félicitations à Mme McCready pour sa nomination, de même qu'à M. Lee pour avoir décroché un nouveau poste à la Société canadienne des postes, sûrement grâce uniquement à ses mérites et sans égard à son affiliation politique.

Enfin, pourrait-il dire à M. Carle, le directeur des opérations au cabinet du premier ministre, de continuer à m'envoyer ces cartes et ces lettres?

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Je me ferai un plaisir de transmettre ces félicitations à Mme McCready et à M. Lee.

Je vais aussi alerter quiconque est responsable de la liste de distribution des documents que reçoit le sénateur Murray, et je préviendrai également le Parti libéral de l'Ontario et le Parti libéral du Canada qu'ils peuvent s'attendre à recevoir une généreuse contribution en reconnaissance de la réception d'un courrier aussi important et aussi instructif.

Réponses différées à des questions orales

L'honorable Sharon Carstairs: Honorables sénateurs, j'ai la réponse différée à une question que l'honorable sénateurLeonard J. Gustafson a posée le 1er octobre au sujet des coûts associés à la trousse documentaire intitulée Le Canada... au travail dans les collectivités rurales.

Au travail dans les collectivités rurales

Le coût et le but du document-La position du gouvernement

(Réponse à la question posée par l'honorableLeonard J. Gustafson le 1er octobre 1997)

La trousse documentaire intitulée Le Canada... au travail dans les collectivités rurales, qui renferme des renseignements sur les programmes et services de l'administration fédérale, a pour but d'aider tous les députés et fonctionnaires à mieux répondre aux besoins en information du Canada rural.

Les Canadiens des petites collectivités et des régions rurales n'ont pas accès à l'information aussi facilement que leurs concitoyens des centres urbains. La trousse fait partie d'un programme de communications pangouvernemental que le Secrétariat rural d'Agriculture et Agroalimentaire Canada (AAC) a mis sur pied afin de combler cette lacune.

La trousse, qui représente le fruit du travailde 14 ministères et organismes fédéraux, comprend plus de 100 fiches renfermant des détails sur les programmes, des numéros à composer pour obtenir des renseignements ainsi que des adresses Internet. Ces fiches d'information ont été préparées en fonction des priorités gouvernementales en matière de développement rural: les partenariats avec les collectivités rurales; la jeunesse rurale; l'accès à l'information et au capital; l'amélioration du climat des affaires.

La trousse est offerte en deux versions. Il y a d'abord une version à reliure permanente qu'on peut mettre à jour et qui est destinée aux députés et sénateurs. L'autre version, celle-là à reliure Cerlox, coûte moins cher et a été distribuée à plus de 1 300 points de service fédéraux auxquels les Canadiens ruraux s'adressent pour obtenir des renseignements. Il s'agit notamment des bureaux de développement des collectivités, des Centres de services aux entreprises du Canada, des Centres de ressources humaines du Canada et d'autres points où l'administration fédérale fournit directement des services aux Canadiens des régions rurales. Une version sur Internet est accessible sur le site Web d'AAC et une version électronique circule dans155 foires rurales qui se tiennent un peu partout au pays dans le cadre du Programme des expositions rurales de 1997; environ 10 millions de Canadiens visitent ces foires chaque année.

Au total, il en coûte environ 200 000 $ pour concevoir et produire les versions à reliure permanente, à reliure Cerlox, Internet et CD-Rom de la trousse documentaire. Le maître d'oeuvre, le groupe Innovacom Marketing and Communication, de Hull (Québec), était en concurrence avec deux autres concepteurs et a été choisi pour créer l'«aspect» rural de la trousse, le comptoir de service rural du gouvernement du Canada et la documentation connexe. Le groupe Innovacom a également fourni des conseils pour le choix de la documentation et des fournisseurs.

Le personnel des communications rurales d'AAC s'est chargé de la présentation des versions à reliure permanente et à reliure Cerlox de la trousse. De son côté, le groupe Thane J. Eisener Web Design d'Ottawa a créé la version Internet de la trousse et le site Web rural en plus de produire la version CD-Rom utilisée à l'exposition rurale.

La société Gilmour Printing Services Inc. a décroché le contrat d'impression de la version à reliure permanente de la trousse en passant par le Système d'invitations ouvertes à soumissionner. Les versions à reliure Cerlox ont été imprimées par le Groupe Communication Canada.


Visiteurs de marque

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, j'attire votre attention sur la présence de distingués visiteurs à notre tribune.

Nous avons une délégation du comité des affaires internes du Bundestag allemand, qui est accompagnée par l'ambassadeur d'Allemagne, Son Excellence Sulimma.

Bienvenue au Sénat.


ORDRE DU JOUR

La Société de développement du Cap-Breton

Reconstitution du comité spécial

Permission ayant été accordée de passer àl'article no 2 (Autres affaires) à l'ordre du jour:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Murray, c.p., appuyé par l'honorable sénateur Forrestall:

Que le comité spécial du Sénat sur la Société de développement du Cap-Breton soit reconstitué pour examiner, afin d'en faire rapport, le rapport annuel, le plan d'entreprise ainsi que les rapports d'activité de la Société de développement du Cap-Breton et d'autres questions connexes;

Que le comité ait le pouvoir de faire comparaître des personnes et de produire des documents, d'entendre des témoins, de faire rapport de temps à autre et de faire imprimer au jour le jour documents et témoignages, selon les instructions du comité;

Que les documents et les témoignages recueillis à ce sujet et le rapport déposé au greffier du Sénat le 25 avril 1997 par le comité spécial du Sénat sur la Société de développement du Cap-Breton au cours de la trente-cinquième législature soient renvoyés à ce comité;

Que le comité soit autorisé à permettre la diffusion de ses délibérations publiques par les médias d'information électroniques, de manière à déranger le moins possible les travaux; et

Que le comité présente son rapport final au plus tardle 15 décembre 1997, et que le comité conserve les pouvoirs nécessaires à la diffusion de son rapport final, et ce jusqu'au 30 décembre 1997. (L'honorable sénateur Moore)

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je remercie tout le monde d'avoir si aimablement accepté que cet article soit abordé maintenant.

J'ai eu des entretiens avec le sénateur Murray et d'autres collègues au sujet de cette motion et il semble y avoir un solide consensus pour que nous lui donnions suite.

Je m'en réjouis. Je suis aussi conscient que n'importe qui du rôle crucial que la Société de développement du Cap-Breton continue de jouer dans l'économie de la région et des préoccupations de la population au sujet de l'avenir de l'industrie du charbon dans cette région.

Prenant la parole au sujet de la motion le 7 octobre dernier, le sénateur Murray a rappelé que la direction et les employés avaient travaillé extraordinairement fort pour assurer la réussite des opérations de la société et je suis tout à fait d'accord avec mon collègue. La direction et les employés méritent des félicitations pour les efforts remarquables qu'ils ont déployés à cet égard et ils devraient être encouragés à resserrer encore davantage leur collaboration dans l'avenir.

Je suis également convaincu, comme le disait le sénateur Murray le 7 octobre, que personne ici n'essaie de microgérer la société de développement. Au contraire, la direction, travaillant de concert avec les employés, doit pouvoir compter sur notre confiance et continuer de gérer l'industrie le plus efficacement possible, dans leur propre intérêt et celui des contribuables canadiens.

Nous avons créé en 1996 le premier comité chargé d'examiner le fonctionnement de la Société de développement du Cap-Breton. Ce comité a été reconstitué pour une courte période plus tôt cette année. Nous allons maintenant examiner pour une troisième fois la situation de la société et ses plans d'avenir.

Comme je l'ai dit la dernière fois que j'ai pris la parole à ce sujet, les résidents du Cap-Breton ne veulent pas d'aumônes. Ils veulent la justice et des règles du jeu équitables. Rien n'a changé à cet égard. La réussite économique de la Société de développement du Cap-Breton est cruciale pour la population du Cap-Breton et pour les quelque 1 800 employés de l'entreprise.

Le 3 octobre, le ministre des Ressources naturelles a déposé le rapport de la Société de développement du Cap-Breton pour l'année financière se terminant le 31 mars 1997. Ce rapport fournira une orientation nouvelle et importante au moment où la Société de développement du Cap-Breton dressera son plan d'action pour la réalisation d'un avenir économique que nous souhaitons prospère. Comme je le disais lorsque le comité a été créé pour la première fois en avril 1996, nous devons donner l'assurance à la population du Cap-Breton, comme à tous nos concitoyens canadiens d'ailleurs, que nous sommes sur la bonne voie.

J'engage les honorables sénateurs à appuyer la motion visant le rétablissement de ce comité de sorte qu'il puisse poursuivre les importants travaux qu'il a commencés il y a un an et demi.

L'honorable Sharon Carstairs (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, si je comprends bien, les deux côtés de la Chambre se sont entendus pour que neuf sénateurs fassent partie de ce comité.

L'honorable Lowell Murray: Honorables sénateurs, le leader adjoint du gouvernement a raison. Nous nous sommes consultés et nous avons convenu que le comité se composerait de neuf membres.

Son Honneur le Président: Si aucun autre sénateur ne veut prendre la parole, je vais mettre la motion aux voix.

L'honorable sénateur Murray, appuyé par l'honorable sénateur Forrestall, propose:

Que le comité spécial du Sénat sur la Société de développement du Cap-Breton soit reconstitué pour examiner, afin d'en faire rapport, le rapport annuel, le plan d'entreprise ainsi que les rapports d'activité de la Société de développement du Cap-Breton et d'autres questions connexes;

Que le comité ait le pouvoir de faire comparaître des personnes et produire des documents, d'entendre des témoins, de faire rapport de temps à autre et de faire imprimer au jour le jour documents et témoignages, selon les instructions du comité.

Que les documents et les témoignages recueillis à ce sujet et le rapport déposé au greffier du Sénat le 25 avril 1997 par le comité spécial du Sénat sur la Société de développement du Cap-Breton au cours de la trente-cinquième législature soient renvoyés à ce comité;

Que le comité soit autorisé à permettre la diffusion de ses délibérations publiques par les médias d'information électroniques, de manière à déranger le moins possible les travaux; et

Que le comité présente son rapport final au plus tardle 15 décembre 1997, et que le comité conserve les pouvoirs nécessaires à la diffusion de son rapport final, et cejusqu'au 30 décembre 1997.

Plaît-il aux honorables sénateurs d'adopter la motion?

Des voix: D'accord.

Son Honneur le Président: La motion est adoptée, étant bien entendu que le comité se composera de neuf membres, comme convenu par le Sénat.

(La motion est adoptée.)

La loi sur la marine marchande du canada

Projet de loi modificatif-Deuxième lecture

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorablesénateur Moore, appuyé par l'honorable sénateur Lucier, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-4, Loi modifiant la Loi sur la marine marchande du Canada (responsabilité en matière maritime).

L'honorable Donald H. Oliver: Honorables sénateurs, j'ai eu l'occasion de me pencher sur les observations faites hier par les honorables sénateurs Moore et Angus. Elles soulignent les principales questions qu'on devrait aborder au comité chargé d'étudier ce projet de loi. Nous sommes maintenant prêts à renvoyer ce projet de loi au comité.

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu une deuxième fois.)

Renvoi au comité

Son Honneur le Président: Quand ce projet de loi sera-t-il lu une troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Moore, le projet de loi est renvoyé au comité sénatorial permanent des transports et des communications.)

La Loi sur la preuve au Canada
Le Code criminel
La Loi canadienne sur les droits de la personne

Projet de loi modificatif-Deuxième
lecture-Suite du débat

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Lewis, appuyé par l'honorable sénateur Stewart, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-5, Loi modifiant la Loi sur la preuve au Canada, le Code criminel et la Loi canadienne sur les droits de la personne relativement aux personnes handicapées et, en ce qui concerne la Loi canadienne sur les droits de la personne, à d'autres matières, et modifiant d'autres lois en conséquence.

L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint suppléant de l'opposition): Honorables sénateurs, comme on en a discuté hier, nous souhaitons obtenir une analyse détaillée de ce projet de loi, qui, nous le savons, est entre les mains des fonctionnaires du ministère de la Justice. Je remercie le sénateur Lewis d'avoir accéléré les choses. J'ai reçu un appel ce matin et, au moment où nous nous parlons, ces documents sont acheminés vers mon bureau. Je vais les examiner ce soir et je vais poursuivre mes observations sur ce projet de loi demain.

(Sur la motion du sénateur Kinsella, le débat est ajourné.)

Le discours du Trône

Motion d'adoption de l'Adresse en réponse-Suite du débat

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Forest, appuyé par l'honorable sénateur Mercier, tendant à l'adoption d'une Adresse à son Excellence le Gouverneur général en réponse au discours qu'Elle a prononcé lors de l'ouverture de la première session de la trente-sixième législature.-(4e jour de la reprise du débat).

L'honorable Catherine Callbeck: Honorables sénateurs, c'est avec plaisir que je prends part au présent débat et que je donne mon appui à la motion présentée par le sénateur Forest et appuyée par le sénateur Mercier.

Étant nouvelle en cette enceinte, je dois dire quel honneur c'est pour moi de me trouver ici. Je vous sais gré de l'accueil chaleureux et personnel que vous m'avez réservé.

Bien avant d'arriver ici, je savais parfaitement que le Sénat était connu pour ses discussions animées en matière de politiques d'intérêt public. C'est pour moi un grand honneur d'être aujourd'hui parmi vous. La chaleur de votre accueil me remplit de confusion.

Je m'en voudrais de ne pas mentionner la remarquable contribution de Doris Anderson pendant son court passage au Sénat.

Des voix: Bravo!

Le sénateur Callbeck: Elle a bien représenté l'île et elle continue à travailler avec acharnement pour le bien de tous ses habitants.

Honorables sénateurs, en ce début de session, nous pouvons être fiers du fait que le Canada est beaucoup plus fort aujourd'hui qu'il ne l'était il y a quelques années. Nous avons traversé une période de bouleversements économiques et nous avons fait beaucoup de progrès.

Il y a seulement quelques années, les finances publiques étaient très malades. Aujourd'hui nous sommes sur le point d'équilibrer le budget pour la première fois depuis des décennies. Il y a quelques années, la rapidité de l'évolution technologique affolait beaucoup de Canadiens. Aujourd'hui, non seulement le Canada s'adapte bien à cette ère de nouvelle technologie, mais il est aux premiers rangs à plusieurs égards dans la course au développement technologique.

Durant bien des années, on a cru que les États-Unis étaient le meilleur pays pour faire des affaires en Amérique du Nord, mais une étude a montré que non seulement le Canada se distingue par ses programmes sociaux, mais qu'il est maintenant plus avantageux que les États-Unis comme milieu d'affaires. Cette étude, commandée par l'Agence de promotion économique du Canada atlantique, comparait 42 villes différentes en Amérique du Nord et en Europe. Étant moi-même originaire de la région de l'Atlantique, je suis fière de vous dire que les trois villes où les entreprises ont les coûts les moins élevés sont situées sur la côte Est du Canada. C'est St. John's, à Terre-Neuve, qui arrive au premier rang, suivie de Halifax, en Nouvelle-Écosse, puis de la capitale provinciale de ma province, Charlottetown, à l'Île-du-Prince-Édouard.

De toute évidence, nous avons fait beaucoup de progrès en peu de temps. C'est pourquoi je suis d'accord avec l'affirmation suivante, qu'on peut lire dans le discours du Trône:

Ils l'envisagent (leur avenir) avec un optimisme nouveau. Le fait que nous ayons prouvé que notre pays est capable de se fixer des objectifs ambitieux et de les atteindre nous incite à nous imposer des objectifs encore plus élevés [...]

Honorables sénateurs, nous nous sommes beaucoup améliorés en tant que pays, mais cela n'a pas été sans difficulté. Pour mettre de l'ordre dans nos finances, il a fallu de la détermination et des sacrifices. J'ai été heureuse d'entendre le ministre des Ressources humaines dire que l'amélioration de notre situation financière devrait bénéficier aux Canadiens, de St. John's à Victoria.

Je sais que les gens de l'Île-du-Prince-Édouard ont fait leur part. Nous avons fait des sacrifices et nous avons choisi de croire en un projet qui nous dépassait de beaucoup, ce qui n'est rien de nouveau pour nous. Après tout, c'est chez nous que le Canada a vu le jour.

Aujourd'hui, un bilan meilleur permet au gouvernement de s'attaquer à d'autres enjeux importants. Ainsi, j'ai été très contente d'apprendre, à la lecture du discours du Trône, que le gouvernement s'engageait à explorer des politiques destinées à élargir les possibilités des communautés rurales et à adapter ses programmes afin de refléter les réalités des milieux ruraux du Canada.

Cet engagement est d'une importance particulière pour l'Île-du-Prince-Édouard. Il montre que nous avons un gouvernement qui est sensible aux besoins des régions rurales. Cela fait savoir qu'aucune région ne sera laissée pour compte alors que le pays progresse.

L'Île-du-Prince-Édouard a beaucoup changé depuis son entrée dans la Confédération en 1873, mais nous avons encore du chemin à faire. Nous continuons à avoir besoin de l'aide du gouvernement fédéral pour parvenir à l'auto-suffisance. Les habitants de ma province ne s'attendent pas à ce que le gouvernement fédéral en revienne aux grands programmes de dépenses. Ils savent que cette époque est révolue, mais ce qu'ils espèrent, c'est la collaboration et un appui du fédéral pour les aider à devenir plus indépendants.

J'ai été heureuse de constater que le discours du Trône parlait de partenaires et de partenariat avec les gouvernements, les entreprises et les groupes communautaires. C'est très important pour l'Île-du-Prince-Édouard.

Récemment, la province a fait de grands progrès économiques. Cela a été possible grâce à un niveau élevé de collaboration entre les entreprises, les établissements d'enseignement et les gouvernements.

(1500)

Les habitants de l'île ont toujours été fiers du fait qu'ils habitent un des plus beaux endroits du continent et qu'ils bénéficient d'une qualité de vie exceptionnelle. Venez nous voir au plus fort de l'été - le paysage est spectaculaire. La première chose qui frappe, ce sont les falaises rouges à l'horizon puis, au-delà, aussi loin que porte le regard, des champs cultivés de couleur verte ou dorée. C'est d'une rare beauté. Les visiteurs qui arrivent sur l'île sont immédiatement conquis et c'est pour cela qu'ils reviennent année après année.

Il n'en reste pas moins que le taux de chômage à l'Île-du-Prince-Édouard continue d'être élevé, et trop de nos jeunes doivent continuer de s'expatrier pour trouver du travail. La plupart de ceux qui partent aimeraient bien y retourner et, comme a dit quelqu'un, ils y retournent toujours, ne serait-ce qu'en pensée, en esprit ou par la mémoire.

J'ai été heureuse de pouvoir lire dans le discours du Trône que le défi immédiat du gouvernement sera, de concert avec d'autres intervenants, d'assurer une insertion réussie des jeunes dans le monde du travail, de faire en sorte que les jeunes qui veulent continuer à apprendre aient accès à l'éducation, et qu'une seconde chance soit offerte à ceux qui ont trouvé difficile de se faire une place dans le monde du travail.

Tous les leaders de l'île que j'ai connus se sont consacrés à la tâche de promouvoir la croissance économique afin que tous les habitants de l'île puissent y vivre et bien vivre. Aujourd'hui, comme les honorables sénateurs peuvent le constater, le monde entre dans une nouvelle ère, et les horizons économiques n'ont jamais été si vastes. Le discours du Trône y fait allusion quand il parle de la technologie qui fait s'estomper les vieilles contraintes que nous imposaient le temps et les distances et qui permet aux individus comme aux collectivités d'accomplir aujourd'hui des choses autrefois impensables.

Un vent d'optimisme souffle actuellement sur ma province, l'Île-du-Prince-Édouard. Les entreprises innovent et se modernisent et les exemples des effets positifs de la nouvelle technologie se multiplient. Le nouveau pont de la Confédération jeté au-dessus du détroit de Northumberland relie maintenant notre île à la terre ferme. Les avantages n'ont pas tardé à se faire sentir. Les exportations sont à la hausse et notre industrie touristique, qui n'a jamais été aussi florissante, a accueilli cet été un million de visiteurs.

Grâce à nos usines de transformation des aliments, qui sont des plus modernes, nous sommes aujourd'hui une province agricole plus compétitive. D'exportatrice de matières premières partout dans le monde, notre île est en passe de devenir un centre de transformation des aliments. L'économie de mon île est de plus en plus diversifiée, surtout depuis que nous nous sommes lancés dans l'aérospatiale et les télécommunications.

En un mot, l'Île-du-Prince-Édouard fait des progrès, tout comme le reste du Canada d'ailleurs, mais il reste encore beaucoup de chemin à faire. Voilà pourquoi le discours du Trône, avec son insistance sur l'innovation, la création de partenariats et les possibilités pour tous, revêt une si grande importance.

Honorables sénateurs, en terminant, je tiens à dire combien je suis fière de siéger dans cette enceinte et combien je suis fière de mon pays et de ma province. Soyez assurés que je suis très consciente des grandes traditions de cette enceinte où nous siégeons. Je me réjouis d'avance d'avoir l'occasion de travailler avec vous et d'assumer mes fonctions à l'approche de ce qui promet d'être un siècle palpitant pour le Canada.

L'honorable Thérèse Lavoie-Roux: Honorables sénateurs, j'interviens aujourd'hui pour traiter du discours du Trône et je désire me concentrer sur deux sections du discours où le gouvernement, à mon avis, a soulevé plus de questions qu'il n'a fourni de réponses. Je parle des extraits qui visent les enfants et les soins de santé.

Tout d'abord, je dirais que la section du discours du Trône intitulée «Investir dans nos enfants» devrait plutôt s'appeler «Investir dans les familles». Le gouvernement ne cesse de se désoler du sort des enfants pauvres, mais semble oublier le rôle de la famille. Les enfants sont pauvres parce que leurs parents sont pauvres; leurs parents sont pauvres parce qu'ils sont en chômage ou sous-employés et que leur revenu disponible diminue sans cesse. Bon nombre d'entre eux se retrouvent dans cette situation parce qu'ils sont insuffisamment instruits ou parce qu'ils n'ont pas eu l'occasion d'acquérir des compétences appropriées. D'autres ne peuvent tout simplement pas se trouver de travail parce qu'il n'y a pas d'emplois pour eux. Il est notoire que les taux de pauvreté augmentent et fléchissent suivant les taux de chômage, mais le gouvernement actuel a fait bien peu pour redresser la situation.

Je me sentais un peu mal à l'aise pendant la période des questions, car on semblait tout à coup se réjouir de tous les emplois qui ont été créés et qui sont en réalité, en grande partie, des emplois temporaires. Les emplois créés l'ont été essentiellement grâce au programme de rénovation des infrastructures, qui ne crée que des emplois temporaires.

Des emplois ont aussi été créés grâce à la ratification de l'Accord de libre-échange. On se rappelle la position qu'avait adoptée le gouvernement actuel au sujet de l'Accord de libre-échange. Selon lui, cela allait être une pagaïe monstre et il a fait l'impossible pour le faire rejeter. Voilà ce qui s'est passé.

On dit «se péter les bretelles». Nous savons que le bilan du gouvernement en matière d'emploi n'est pas aussi reluisant que ce qu'il aimerait faire croire à la population.

Il convient de noter que le gouvernement actuel, au cours de son premier mandat, a essentiellement fermé les yeux sur le problème de plus en plus aigu de la pauvreté des familles ayant des enfants. En fait, en 1995, on a dénombré 110 000 enfants de plus qui vivaient dans la pauvreté. Le gouvernement n'a vraiment aucune raison de se vanter de ce bilan. Au même moment, le gouvernement a réduit de 40 p. 100 les transferts aux provinces pour les programmes sociaux et plusieurs provinces ont dû réduire les prestations d'aide sociale en conséquence.

Dans le budget préélectoral de 1997, le gouvernement a annoncé qu'il augmenterait de 600 millions de dollars le supplément du revenu gagné et la prestation fiscale pour enfants, deux prestations qui devaient, en deux ans, être réunies en une seule. Il a aussi, quoique un peu tardivement, rétabli une partie du financement du Programme d'action communautaire pour les enfants. En 1994, il avait réduit de moitié le financement de ce programme, qui devait subir une autre compression massive en avril dernier, avant que le ministre des Finances n'annonce, dans le budget, que le financement ne serait pas réduit après tout.

Enfin, le dernier discours du Trône a annoncé une augmentation d'au moins 850 millions de dollars des dépenses fédérales au titre de la prestation fiscale pour enfants au cours du présent mandat du gouvernement. En vertu de ce plan, les provinces, avec l'approbation d'Ottawa, devraient réduire les prestations d'aide sociale aux familles d'une somme équivalente. Cependant, rien ne garantit que les provinces utiliseront l'argent ainsi économisé pour soulager la pauvreté des familles et rien ne garantit que cet argent sera consacré à la formation et à l'emploi, deux secteurs qui en ont bien besoin.

Honorables sénateurs, cela m'inquiète. Il s'agit d'une somme considérable. Nous sommes tous en faveur de l'aide aux familles pauvres et aux enfants pauvres, mais quels paramètres serviront à garantir que l'argent ne sera pas perdu dans des programmes mal définis?

(1510)

Il ne suffit pas de donner plus d'argent aux gens. C'est un élément important, mais il faut aussi tenir compte des autres problèmes qui accablent les familles d'aujourd'hui pour...

[Français]

Il faut intervenir au bon endroit et non pas selon le caprice du moment. Les ministres provinciaux responsables de la politique sociale sont inquiets eux aussi. Ils s'interrogent notamment sur les partenariats annoncés dans le domaine des soins à domicile, de l'assurance-médicaments et du chômage chez les jeunes, trois domaines de leur ressort.

On ne peut que les comprendre, après avoir vu le gouvernement décider unilatéralement il y a deux ans de réduire les paiements de transferts sociaux aux provinces de plus de six milliards de dollars. Le gouvernement pense-t-il vraiment créer des liens étroits dans le domaine de la politique sociale?

Je veux revenir sur la question de la famille. Jamais la famille n'a été aussi perturbée qu'à notre époque. Les divorces sont courants et les familles monoparentales abondent. Près de la moitié des familles monoparentales au Canada vivent dans la pauvreté et le nombre de familles biparentales pauvres augmentent. Vous avez sans doute vu la semaine dernière des statistiques de Statistique Canada selon lesquelles, au Québec, un enfant sur trois vit dans une famille divorcée avec tout ce que cela peut représenter de problèmes pour l'adaptation de ces enfants et leur niveau de vie. Pour l'ensemble du Canada, un enfant sur cinq vit dans une famille brisée.

On ne peut pas faire abstraction de cela quand on doit remettre de l'argent. Il faut des objectif précis, définir des paramètres et surtout des critères d'évaluation pour savoir ce qui va résulter de tout cet argent. C'est quand même beaucoup d'argent, deux fois 840 millions de dollars ou à peu près.

Les familles ne font pas qu'élever les enfants. Le vieillissement de la population et la réduction des services de santé communautaires les obligent de plus en plus à prendre soin de leurs aînés. Comme les gens vivent plus longtemps, la durée des liens familiaux s'en trouve prolongée considérablement. Il n'est pas rare que parents et enfants passent 50 ans ensemble. Il s'ensuit que beaucoup de familles comptent plus de parents âgés qu'auparavant, ce qui est problématique pour plusieurs familles biparentales où les deux parents ont un emploi. Qu'elles soient monoparentales ou biparentales, les familles doivent donc composer avec une triple responsabilité: le travail, les parents âgés et les enfants.

Il faudrait que le gouvernement exerce un leadership plus fort en créant une politique de la famille. Il pourrait être le leader sans toucher aux compétences provinciales qui prévoient des congés pour responsabilité familiale, des congés sans traitement, et cetera.

Répondre aux besoins de la famille, c'est aussi réagir aux nouveaux enjeux dans le domaine de la santé.

[Traduction]

La notion d'assurance-médicaments est bonne en théorie, bien que, à mon avis, nous n'avions pas besoin d'une commission sur la santé au coût de quelque 15 millions de dollars pour nous le dire. Cependant, cette notion manque de substance, et le rôle du gouvernement fédéral y est flou.

Quinze pour cent des Canadiens n'ont aucune sorte d'assurance-médicaments. Les plus fréquemment touchés sont les travailleurs pauvres qui gagnent un revenu trop élevé pour être admissibles aux programmes provinciaux d'assurance-médicaments, mais insuffisant pour adhérer à un régime privé d'assurance et ceux qui occupent des emplois où un régime privé d'assurance n'est pas offert.

Beaucoup de preuves montrent que plus le revenu est faible, moins on est en bonne santé. Je crois que ce fait est reconnu non seulement au Canada, mais dans divers autres pays. Par conséquent, le groupe qui ne possède aucune assurance-médicaments est susceptible d'avoir un besoin beaucoup plus grand de médicaments.

À l'heure actuelle, les diverses provinces exploitent une mosaïque de programmes qui portent sur différents segments de la population. Ces programmes offrent une assurance à environ 43 p. 100 de la population, mais certains d'entre eux exigent des franchises tellement élevées qu'ils font pratiquement en sorte que certaines personnes n'en retirent aucun avantage. Cette situation illustre l'énorme travail que le gouvernement doit entreprendre pour créer un régime national.

La promesse de négocier un programme national d'assurance-médicaments avec les provinces pour offrir gratuitement des médicaments d'ordonnance à tous les Canadiens a été faite précipitamment et par intérêt politique. Le premier ministre a admis n'avoir aucune idée du coût d'un programme national d'assurance-médicaments et le gouvernement n'a révélé aucun projet pour mener à bien une entreprise aussi complexe.

Il ne fait aucun doute que façonner la politique sociale et sanitaire représente un défi. Une population vieillissante, le développement socio-économique, des changements dans la structure et les valeurs familiales, les progrès de la technologie, une maîtrise accrue sur les naissances, les décès et les maladies sont autant de facteurs qui contribuent à l'élaboration de la politique sociale. Cependant, la pauvreté signifie bien plus que des déclarations de revenu et un revenu insuffisant.

L'emploi, l'éducation, les capacités fondamentales de lecture et d'écriture et la formation constituent des priorités qui sont inextricablement liées à une population en meilleure santé. Ce qu'il faut, ce sont des décisions gouvernementales qui créeront des programmes qui s'attaqueront à la cause profonde de la pauvreté et qui viendront en aide aux familles canadiennes dans leur quotidien.

[Français]

En terminant, je voudrais simplement faire une mise en garde au gouvernement. Le gouvernement s'est gargarisé de projets conjoints en partenariat avec les provinces - heureusement que j'ai appris le mot alors que j'étais à Québec, je trouvais difficile de le dire au début.

Je vais simplement citer un extrait du journal Le Devoir où il est dit:

[...] l'atteinte éminente du déficit zéro à Ottawa semble avoir réveillé les vieux démons libéraux en faveur d'une intrusion fédérale dans le domaine de l'éducation et de la formation [...]

On pourrait ajouter «dans le domaine de la santé». Vous savez que les compétences provinciales en matière d'éducation, particulièrement au Québec, sont sacrées à cause de tout leur caractère culturel. On ajoutait aussi dans cet article que, s'il faut en croire les priorités du ministre des Finances et du dernier discours du Trône, les libéraux n'auraient toujours pas appris qu'ils peuvent faire leur part sans pour autant empiéter sur les compétences provinciales.

Si je fais cette mise en garde au gouvernement, même si c'est fait avec de bonnes intentions, c'est qu'il faut bien se rappeler que le respect des compétences est extrêmement important et délicat. Je suis certaine que le gouvernement, pas plus que l'opposition, ne veut pas alimenter la ferveur nationaliste au Québec et donner plus d'arguments pour prétendre que le fédéral ne fonctionne pas. Tout ce qu'ils essaient de faire, c'est toujours d'empiéter sur les compétences du gouvernement provincial.

En résumé, honorables sénateurs, je veux qu'on réfléchisse sérieusement. Je ne suis pas opposée à ce projet; je me pose cependant des question sur la façon dont l'argent des enfants pauvres sera dépensé et les conditions dans lesquelles cette distribution d'argent se fera. On a parlé d'un crédit d'impôt selon le nombre d'enfants et le revenu familial. Quels sont les objectifs que l'on veut atteindre? Qui veut-on viser en particulier? Comment allons-nous en évaluer les résultats? C'est beaucoup d'argent.

J'aimerais mettre le gouvernement en garde, eu égard à l'empiétement possible des compétences provinciales. Cette mise en garde s'impose pour que le pays continue de fonctionner d'une façon sereine et avec le plus d'efficacité possible, et pour limiter au minimum toutes ces querelles de juridiction qui coûtent très cher, ne permettent pas de construire et sont souvent cause de destruction. C'est un grand mot mais c'est important d'y réfléchir soigneusement.

L'honorable Roch Bolduc: Je voudrais, honorables sénateurs, prendre quelques minutes de votre temps pour vous faire part de certaines de mes réflexions sur le discours du Trône.

Je le ferai sous l'angle suivant: compte tenu des perspectives envisageables sur l'économie mondiale dans lesquelles s'insère notre réalité canadienne, dans quelle mesure les postulats sous-jacents au discours du gouvernement sur cette réalité sont-ils corrects, et les rôles de l'État qui s'en dégagent sont-ils pertinents pour les prochaines années?

Autrement dit, et plus concrètement, quel diagnostic le gouvernement dresse-t-il de nos forces et de nos faiblesses en cette fin de siècle tournée vers la mondialisation, et quelles interventions propose-t-il dans ce second mandat comme thérapeutique aux maux qui nous assaillent?

J'acquiesce d'abord à un certain nombre d'énoncés de ce discours. Par exemple, le Canada est vu dans le monde entier comme un exemple de réussite. En second lieu, nous possédons, comme société, beaucoup d'actifs: une population relativement instruite, une société ouverte et démocratique, des institutions économiques favorables à un régime d'entreprise libre, le respect de la règle de droit dans l'économie de marché, une fédération enrichie par la diversité de ses composantes, l'usage de deux langues qui ouvrent des fenêtres sur plusieurs pays de la planète, une fonction publique honnête et compétente, des acquis sociaux qui sont le reflet d'un sens certain du partage, et ainsi de suite.

[Traduction]

(1520)

Cela dit, je ne peux toutefois être d'accord avec le gouvernement quand il dit avoir remis de l'ordre dans les finances publiques. Il prend ainsi tout le crédit des efforts qui ont permis le succès du Canada à cet égard. Je voudrais faire deux observations qui aideront à considérer le discours du gouvernement avec une certaine objectivité.

D'abord, ce n'est pas le gouvernement actuel, mais bien son prédécesseur qui a maté l'inflation et fait baisser les taux d'intérêt. C'était une tâche ingrate, mais nous avons eu le courage de nous y attaquer. Cependant, c'est le gouvernement actuel qui en récolte les bénéfices. Je suis ennuyé d'entendre

certains ministériels dire que c'est eux qui ont remis de l'ordre dans les finances publiques du Canada. De toute évidence, ils n'ont pas l'humilité de reconnaître le désastre financier qu'ils ont provoqué entre 1970 et 1984, quand ils ont haussé les dépenses gouvernementales d'environ 14 p. 100 par an en moyenne pendant 15 années d'affilée. Il n'est pas étonnant que le gouvernement conservateur ait hérité d'un tel dégât. Quand on pense que la dette a décuplé en l'espace d'une dizaine d'années, on comprend pourquoi les conservateurs ont dû acquitter des frais d'intérêts aussi élevés. Quand nous sommes arrivés au pouvoir en 1984, nous avons hérité d'un déficit de plusde 38 milliards de dollars. C'était le legs de ces gens qui, aujourd'hui, ont le front de dire que nous avons mal géré le pays.

Bien sûr, nous n'avons pas éliminé le problème au cours des neuf années qui ont suivi, mais si la dette s'est alourdie, ce n'était pas tellement à cause de nos dépenses, mais bien à cause des frais de service de la dette. Ces frais ont monté en flèche à cause des folles dépenses des gouvernements libéraux en place de 1970 à 1984.

Et puis je me demande comment l'ordre a vraiment été remis dans les finances publiques. Pour y répondre, il faut tenir compte de cinq facteurs. Premièrement, la réduction des taux d'intérêt qui, comme je viens de le souligner, est le fait du gouvernement précédent. Deuxièmement, l'augmentation des recettes gouvernementales, qui est attribuable à des hausses fiscales ciblées et bien dissimulées. Troisièmement, la légère croissance économique qui a permis de réduire un peu le chômage. Quatrièmement, le gouvernement fédéral a refilé aux provinces les coûts de l'enseignement postsecondaire, des soins de santé et de l'aide sociale. Cinquièmement, d'autres dépenses du gouvernement fédéral ont diminué par suite de l'élimination d'emplois dans la fonction publique, même si certaines de ces économies ont été annulées par la hausse des coûts des pensions. Les libéraux ont déplacé les chiffres d'une colonne à une autre, c'est un vieux truc.

Le ministre des Finances et le président du Conseil du Trésor savent que mon explication est la bonne. S'ils ont bien fait leur travail - et je ne dis pas le contraire - ils savent aussi qu'il reste beaucoup de pain sur la planche. Lorsqu'un pays accuse une dette équivalant à 73 p. 100 de son PIB - à 100 p. 100 si l'on compte la dette provinciale - il n'y a pas lieu de pavoiser. En fait, le Canada est le troisième pays, après l'Italie et la Belgique, à avoir la dette la plus élevée en proportion du PIB. N'est-ce pas un record dont nous ne voulons pas?

Par conséquent, je demande aux gestionnaires financiers actuels et futurs du Canada de s'engager à réduire ce fardeau de 2 p. 100 par année pendant dix ans au moins. Espérons qu'une spirale inflationniste ne viendra pas étouffer de telles intentions.

Je demande aux sénateurs de ne pas oublier non plus que la dette de 600 milliards de dollars ne tient pas compte d'autres obligations financières bien réelles. Citons notamment les garanties de retraite pour les fonctionnaires et le Régime de pensions du Canada qui, comme nous le savons, aura besoin d'ici sept ans d'une injection égale à 5 p. 100 de nos recettes. Cela aura une incidence énorme sur les habitudes de consommation des contribuables canadiens. Je suis scandalisé de voir qu'une entente conclue à la hâte par des gouvernements a passé à peu près inaperçue dans l'opinion publique.

Le gouvernement espère sans aucun doute que cet énorme impôt sera éclipsé dans les années à venir par une réduction progressive de l'impôt sur le revenu. Je tiens à rappeler aux Canadiens qu'il en résultera au bout du compte qu'ils seront les gens les plus taxés au monde avec les Scandinaves et les Hollandais. Je crois que nous battons les Français à cet égard. Comment concurrencer nos voisins du sud si notre fiscalité est d'environ 25 p. 100 plus lourde que la leur?

On n'a toujours pas débattu la question de savoir si la participation à un régime de retraite devrait être obligatoire ou optionnelle, si la gestion d'un tel régime devrait être publique ou privée et quelles devraient être les options d'investissement des cotisations. Rien n'est prévu à cet égard. Le gouvernement croit pouvoir résoudre le problème en créant un organisme indépendant de gestion des fonds, une espèce de caisse de dépôt. Ce n'est pas une structure qu'il nous faut, mais une politique et la politique d'investissement est inconnue. Je n'aurais jamais cru qu'une décision aussi cruciale pour les Canadiens serait dissimulée dans une entente bureaucratique intervenue pendant les vacances d'été, alors que les radios et télévisions nationales et publiques du Canada étaient obnubilées par le 25e anniversaire de la visite en sol canadien d'un ancien prince français. Cela en dit long sur la façon dont les médias choisissent l'information à diffuser et le genre de sujets sur lesquels ils ont concentré leur attention au cours des mois d'été.

[Français]

Le gouvernement énumère, dans le discours du Trône, un certain nombre de défis du XXIe siècle. Je suis assez d'accord avec les objectifs concernant la croissance économique, l'emploi, la sécurité urbaine, l'importance de l'éducation et la lutte à la dépendance sociale.

Je suis content, honorables sénateurs, de voir que le gouvernement est devenu libre-échangiste. Là aussi, l'objectivité m'oblige à corriger le texte du gouvernement et à dire que notre gouvernement conservateur a ouvert la voie, courageusement, et que le gouvernement actuel a fini par y voir clair et se déclarer, mais a posteriori, favorable en principe au libre-échange. Mais je ne me plaindrai pas si les responsabilités du gouvernement ouvrent les yeux des dirigeants et les rendent vertueux.

Avant que l'orgueil ne monte à la tête de certains, je voudrais toutefois signaler aux autorités en place leur ambivalence quant à la réallocation des ressources que l'on s'apprête à planifier pour les prochains budgets.

Dans le discours du Trône, on parle d'utiliser l'excédent budgétaire de 1998 vraisemblablement de la façon suivante:50 p. 100 pour satisfaire les «besoins» sociaux et économiques des Canadiens, 25 p. 100 à la réduction de la dette et 25 p. 100 à la réduction des impôts. De son côté, le ministre des Finances, récemment, a semblé rajuster le tir.

Je reconnais bien dans le discours du Trône, honorables sénateurs, la bonne vieille recette social-démocrate du gouvernement Trudeau.

Après tant d'erreurs si coûteuses, j'aurais pensé qu'on aurait enfin compris. Or, il semble que, dans certains milieux, on n'apprendra jamais.

Le gouvernement, comme il y a 20 ans, postule encore qu'il peut mieux faire que les citoyens et les provinces en allouant nos ressources publiques. À moins qu'à défaut de priorités véritables, le gouvernement n'essaie encore de faire plaisir à tout le monde.

Le gouvernement emprunte le vocabulaire socialiste - vous savez, les socialistes sont formidables pour cela: tous les six mois, au lieu d'avoir une idée, ils ont un mot nouveau et le mot devient à la mode dans les journaux - et les mots dont ont parle ici sont «investissement stratégique». Le gouvernement, encore une fois, se prétend plus fin que le monde ordinaire, non seulement en ce qui concerne les enfants de familles monoparentales, les enfants à l'état d'apprentissage scolaire, les malades dépendants du système de santé et les chômeurs: même M. Manley se croit plus fin que les investisseurs, les académiques, les gestionnaires de la recherche et du développement dans nos entreprises. Ce n'est pas le manque d'arrogance qui le caractérise, celui-là. Pendant ce temps, il distribue des fonds, entres autres, aux professeurs d'université pour multiplier des textes sur les bons choix stratégiques en recherche et en technologie. S'ils savent si bien comment choisir les gagnants, pourquoi n'investissent-ils pas leur argent dans ces entreprises?

Mesdames et messieurs du gouvernement, un peu d'humilité. Nous devons payer une partie de notre dette durant ces bonnes années qui ne dureront pas indéfiniment. Avant tout, diminuons les cotisations de l'assurance-emploi et remettons un peu d'argent aux contribuables en diminuant les impôts sur le revenu, c'est-à-dire l'impôt des particuliers et l'impôt des compagnies. Je vous garantis que les contribuables sauront bien où sont leurs vraies priorités. Car, faut-il le rappeler, nous sommes parmi les sociétés les plus taxées du monde industrialisé et cela heurte notre compétitivité. Comme dans le cas de la dette, il s'agit aussi d'un triste championnat qui explique en partie notre haut taux de chômage.

(1530)

Je dis cela, honorables sénateurs, avec la conviction d'être pertinent, car même si le gouvernement parle de collaboration avec neuf premiers ministres en matière de politiques sociales, je veux rappeler ici que 25 p. 100 des Canadiens ne sont pas représentés à la table dans cette modernisation de l'union sociale canadienne parce que depuis 50 ans, de Taschereau à Bourassa, le Québec a toujours dit face aux intrusions nationales à cet égard: «Mêlez-vous de vos affaires!»

Chez nous, ces octrois fédéraux ciblés sont perçus comme de la provocation. Pour l'amour du ciel, ce n'est pas le temps de donner des arguments à ceux qui veulent défaire le pays.

Si le gouvernement veut s'attaquer au chômage, qu'il pousse les provinces à libérer leur commerce interprovincial, et à ce sujet, le gouvernement pourrait faire plus que ce qu'il fait présentement: qu'il diminue les impôts sur le revenu, qu'il se débarrasse des règlements qui «enfargent» les entreprises et pèsent sur l'économie, par exemple, par la rigidité du marché du travail. Cela est connu de tous. Pourquoi l'Europe réussit-elle moins bien que les États-Unis? La raison à cela est que le marché du travail est trop rigide. C'est la même chose quand on compare l'Angleterre à la France et à l'Allemagne. Donc, le gouvernement nous présente une vision social-démocrate et centralisatrice comme il y a 20 ans. Le gouvernement veut encore jouer aux transferts, à la redistribution paternaliste et arbitraire puisqu'il cible ses octrois.

Autrement dit, l'État connaît mieux que nous notre propre bien. On dirait que le gouvernement a deux sortes de fonction publique pour l'aviser, au-delà de la compétence et de l'impartialité que je reconnais aux cadres d'exécution de la fonction publique.

Deux sortes, dis-je, et je parle des hauts fonctionnaires: l'une, celle des finances et de la Banque du Canada qui prêche au ministre des Finances la prudence et la modération; l'autre, celle des autres ministres, y compris même le président du Conseil du Trésor, car son président a dit qu'ils en avaient fini des grosses compressions, mais on en reparlera au prochain budget. Celui-là prêche l'introduction de nouveaux programmes, de nouvelles dépenses, des recettes qui pourtant se sont révélées inefficaces dans le passé. L'arbitrage du Conseil privé n'est pas évident dans tout cela. Y a-t-il des séparations d'où découlent des familles monoparentales? Allouons de l'argent pour les enfants, voilà une réponse assez simpliste, à mon avis, de la part du gouvernement.

J'ai déjà été fonctionnaire et j'avais un ministre qui était médecin. Les gens venaient lui rendre visite lorsqu'ils avaient un problème, et il donnait toujours le même remède, la même pilule: une petite subvention ici, une petite subvention là pour régler le problème.

Peut-être que, si l'on jouait sur les incitatifs à garder les ménages ensemble, ce serait mieux que de «garrocher» de l'argent. Dans le cas des jeunes écoliers, y a-t-il un problème de décrochage? Attribuons des fonds, dit le gouvernement libéral. Toujours le même remède: plus d'argent.

Je vous rappelle que le Canada alloue à l'éducation un pourcentage de son PIB supérieur à celui de presque tous les pays de l'OCDE. En fait, je pense qu'avec la Suisse et la Suède, le Canada est le pays qui attribue le plus d'argent à l'éducation par rapport à notre PIB. S'il y a un problème d'inefficacité scolaire, ce n'est pas dû à un problème d'argent. Au Québec, nous avons étudié cet aspect de la question, et les fonds alloués à l'éducation ne sont pas le problème. Premièrement, nous avons un monopole public et nous n'avons pas de concurrence dans le système: les parents n'ont pas d'autre choix que d'envoyer leurs enfants n'importe où. Deuxièmement, c'est aux provinces de se pencher sur ce problème et, troisièmement, le remède fédéral n'est pas, de toute façon, le bon.

Même chose vis-à-vis les entreprises. En vertu de quoi le gouvernement gérerait les risques mieux que les banques? Un sondage récent de The Economist sur les rôles futurs de l'État et un autre sondage sur les universités et l'administration des fonds de recherche sont pourtant éloquents à ce sujet.

À force de faire intervenir le gouvernement - regardez les budgets des ministres, on en est encore à 105 milliards de dollars de dépenses, et leur pouvoir de réglementation-, le Canada, dans l'indice de liberté économique de J. Gwartney et de Bob Lawson, en est rendu au 14e rang à cause du poids excessif des gouvernements et de la réglementation croissante des lois du travail fédérales-provinciales.

J'incite donc le ministre des Finances à être courageux et à donner les coups de barre que je lui ai proposés et qui constituent, à mon avis, l'intérêt public de l'ensemble de la société canadienne.

[Traduction]

(1530)

L'honorable Mary Butts: Honorables sénateurs, c'est avec l'hésitation d'une néophyte que je prends la parole devant vous, mais mon souci pour les pauvres au sein de notre pays prospère, et surtout pour les femmes, les enfants et les jeunes chômeurs, me donne le courage de parler.

J'y suis aidée également par le fait qu'on m'a rappelé plusieurs fois mes antécédents professionnels dans la gauche et mes antécédents familiaux dans la droite: où donc alors pourrais-je me situer sinon au centre? Et enfin, les rappels que je n'ai que deux ans à siéger ici m'incitent à me dépêcher.

Je dois dire également qu'après une longue carrière d'études et d'enseignement dans les domaines des sciences politiques, de la Constitution canadienne, du gouvernement canadien et de l'identité canadienne, je ne me sens pas complètement perdue. Je voudrais simplement faire deux remarques découlant du discours du Trône. Tout d'abord, il est généralement reconnu qu'un discours du Trône est un exposé des principes généraux qui guideront le Parlement alors qu'il entame une nouvelle session, un exposé des tendances et des valeurs qui serviront d'indicateurs pour la session qui commence. C'est exactement ce que fait le dernier discours du Trône. Il parle plus particulièrement de la nécessité de renforcer les communautés locales au sein du village global, et des possibilités de les faire progresser au moyen de partenariats et par la coopération. Le discours fait ce qu'il est dans sa nature de faire.

Deuxièmement, la plus grande contribution que notre institution puisse apporter à ce que le discours appelle la «cohésion sociale», c'est de donner l'exemple de ce partenariat et de cette cohésion dans notre travail ici.

Je me rappelle que, durant mes années d'études et d'enseignement, certaines des meilleures ressources dont nous disposions étaient les études très précieuses émanant du Sénat, des études sur la pauvreté, les médias, les ressources naturelles, l'éducation et ainsi de suite. Toutes ces études ont enrichi la recherche de nombreux étudiants. Nous pouvons nous aussi donner aux futurs étudiants le fruit de notre expérience et de nos délibérations. La 36e législature est dans une position enviable pour améliorer ces études et en produire de nouvelles pour le nouveau millénaire.

Comme le leader du gouvernement l'a dit, nous avons rétabli la confiance. Mais, avant de discuter comment nous allons dépenser les excédents budgétaires, nous devons chercher le moyen le plus efficace d'assurer le meilleur rendement à la population. Comme un grand pionnier du mouvement Antigonish aimait à le dire, nous devons donner corps à nos idées. Par exemple, une aide accrue a été promise aux étudiants et pour les bourses d'étude. Excellente nouvelle. Il nous faut maintenant assurer la transition entre l'université et le marché du travail.

Dans ma région tout au moins, bien des diplômés d'université sont dans la rue. Comment pouvons-nous élaborer des plans pour que les études ouvrent les portes du marché du travail sans que les étudiants aient à passer par l'aide sociale? Comment veiller à ce que les mères et les pères seuls aient le temps et le soutien communautaire nécessaires pour faire des études? Pouvons-nous essayer de voir comment, dans d'autres pays, on a instauré un roulement entre équipes de travailleurs et groupes d'étudiants, comment les sociétés peuvent constituer leur propre fonds de formation pour recycler les travailleurs en période de ralentissement?

Au lieu de réclamer le prolongement de la stratégie du poisson de fond pour aider nos pêcheurs, ne pourrions-nous pas trouver un moyen plus efficace d'assurer un emploi durable aux jeunes ex-pêcheurs qui pourraient utiliser d'autres talents dans divers secteurs de production?

(1540)

Bref, j'ai hâte que nous entamions des échanges constructifs pour concrétiser les idées énoncées dans le discours du Trône. Mettons à profit le magnifique capital d'expérience et de compétences que nous avons ici. Faisons appel à notre sagesse, à notre soif de vérité pour faire retrouver aux personnes qui ont été marginalisées la sécurité d'un gagne-pain, pour redonner aux jeunes l'occasion d'utiliser leurs connaissances pour produire, pour rendre aux travailleurs des collectivités côtières la dignité de gagner leur pain quotidien.

Enfin, reprenant un passage du discours, je souhaite que la divine providence nous guide dans nos délibérations.

[Français]

L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint suppléant de l'opposition): Honorables sénateurs, je désire appuyer ce que le sénateur Bolduc a dit. Vous dire que j'ai été impressionné par le contenu du discours du Trône serait vous mentir. Ce discours du Trône est semblable aux autres discours du Trône que nous a servis ce gouvernement. Cela n'est guère encourageant, surtout en ce qui concerne les relations entre le gouvernement fédéral et les provinces.

Un des thèmes qui est toujours présent dans le discours du Trône est, sans conteste, celui d'établir de meilleures relations avec les provinces. On nous a servi des expressions à la mode comme «le gouvernement ne peut agir isolément», «la coopération est essentielle». On nous promet que le gouvernement fera tout en son pouvoir pour réussir. Mais chaque fois, je suis déçu.

Pour ne citer qu'un exemple, dans le premier discours du Trône, en 1994, le gouvernement promettait de collaborer «avec les provinces afin de trouver conjointement des solutions novatrices aux difficultés budgétaires auxquelles tous sont confrontés». Le résultat, on le connaît. Dans son premier budget, le gouvernement a coupé unilatéralement ses transferts aux provinces en matière d'éducation, de santé et de bien-être social de 1,5 milliard de dollars.

Le montant total des coupures dans les transferts aux provinces s'élève à plus de 6 milliards de dollars pendant son premier mandat. Même si le gouvernement a annoncé que le plancher était de 12,5 milliards de dollars annuellement, la réalité est que les transferts vont continuer à diminuer.

Vous comprendrez que je demeure sceptique quand je lis, dans le dernier discours du Trône:

[...] la coopération est essentielle à notre réussite comme pays. Plus que jamais, les Canadiens veulent que leurs gouvernements travaillent en partenaires.

Je m'attendais à un peu plus d'audace de la part du gouvernement, plusieurs propositions ayant été faites dans le but de mieux gérer notre interdépendance. Ne jouons pas à l'autruche, notre pays est gouverné selon les méthodes des années 60 et non pas en fonction des années 90, c'est-à-dire par des conférences des premiers ministres qui n'aboutissent presqu'à rien, sauf à un pelletage de responsabilités ou à des réductions des transferts d'argent, donc à une déresponsabilisation des gouvernements et à la confusion la plus totale pour les contribuables qui se demandent qui fait quoi.

Honorables sénateurs, la voie de l'avenir repose sur la cogestion de la fédération. Pour adhérer à cette idée, il faut du courage, du leadership et, comme je le disais plus tôt, de l'audace. C'est ce qui manque à ce gouvernement.

Le style de gestion que nous avons nous donne des résultats qui ne sont pas acceptables aujourd'hui. Les programmes n'atteignent pas leurs objectifs, les doubles emplois persistent et les taxes et la dette augmentent. C'est également ce que le vérificateur général a observé il y a deux semaines.

J'espérais des initiatives concrètes dans plusieurs domaines. Ne serait-il pas normal de renforcer la légitimité de l'union sociale canadienne en mettant le pouvoir fédéral de dépenser au service d'objectifs et de normes communes minimums et codécidés?

Ne serait-il pas normal de renforcer l'union économique en dotant le pays d'un code de conduite codécidé pour assurer la libre circulation des biens, des services, des capitaux et des personnes, de même qu'une harmonisation des politiques fiscales et budgétaires des divers gouvernements?

Nous vivons dans un monde de globalisation et d'interdépendance, un monde où les gouvernements réduisent leurs dépenses et doivent faire des choix.

L'approche que je vous propose est certainement préférable à celle d'un gouvernement fédéral qui exerce unilatéralement son pouvoir de dépenser pour faire appliquer des normes. Je propose que les provinces et les territoires soient directement intéressés et partagent, avec le gouvernement fédéral, la responsabilité de l'application. Plus solidaires les unes des autres, toutes les parties tendront à dégager une voie commune des enjeux pancanadiens.

Cette approche de cogestion mettrait l'accent sur l'union économique et sociale. Le discours du Trône n'en parle pas. En lieu et place, nous avons un gouvernement fédéral qui s'implique de plus en plus dans des champs de compétence provinciale. Après avoir coupé unilatéralement ses transferts aux provinces, voilà le gouvernement fédéral qui arrive en sauveur, essayant de régler les problèmes qu'il a lui-même créés.

Je tiens à préciser que l'époque où le partage des pouvoirs était découpé au scalpel tire à sa fin. C'est pourquoi seule une cogestion de la fédération pourrait faire entrer le Canada du bon pied dans le XXIe siècle. Il y a encore beaucoup de gens qui reprochent au gouvernement fédéral d'intervenir directement dans des champs de compétence provinciale exclusive et je les comprends. Le bilan de ce gouvernement en matière de cogestion est inexistant.

(1550)

En somme, que le gouvernement fédéral se retire des champs de compétences provinciales exclusives où rien ne justifie sa présence et où il crée du double emploi est justifiable. Mais dans les domaines provinciaux reliés de près à l'union économique et sociale, comme la santé et l'éducation, il y a nécessité aujourd'hui de reconnaître une place légitime aux bons et fructueux usages du pouvoir fédéral de dépenser.

Cela doit cependant se faire en cogestion. Or, le partenariat proposé par le gouvernement dans le discours du Trône ne répond pas du tout à cela. Il ne permet pas de bâtir des relations constructives entre Ottawa et les provinces.

Honorables sénateurs, afin de susciter un nouvel esprit de coopération entre Ottawa et les provinces, le gouvernement aurait pu adopter cette proposition de créer un pacte canadien. La création d'un tel pacte aurait eu pour effet de favoriser la santé, l'éducation et de stimuler le marché du travail et de resserrer l'union économique et sociale.

Puisque je parle d'éducation, vous me permettrez d'exprimer le souhait que le sénateur Fairbairn poursuive ses efforts en faveur de l'alphabétisation.

Donc, cela signifierait la création d'un secrétariat du pacte canadien dont les représentants fédéraux, provinciaux et territoriaux s'adonneraient à la négociation et veilleraient à l'amélioration des services essentiels. C'est ce mécanisme de cogestion qui pourrait régler beaucoup de nos problèmes.

Ceux qui veulent plus de détails sur cette proposition trouveront plus d'information dans le programme électoral de notre parti.

Il faut prendre de nouveaux moyens pour permettre aux provinces et aux territoires de participer plus directement aux décisions qui les touchent. Ainsi, le gouvernement fédéral sera un meilleur reflet de notre diversité et aidera à resserrer les liens qui nous unissent. Le Canada sera fort dans la mesure où il conjuguera les atouts de ses différentes parties. Nous vivons dans une fédération et non dans un régime unitaire.

La situation dans laquelle se trouve le pays réclame une solution beaucoup plus systématique que ne pourrait l'être un accord intervenant entre les gouvernements fédéral et provinciaux sur un certain nombre de sujets disparates.

Seule la volonté de nos leaders des deux ordres de gouvernement de s'élever au-dessus des mesquineries traditionnelles et d'atteindre un état d'esprit propre à la créativité et à l'innovation peut rendre possible une solution systématique. Ceux qui, à partir de la crise et de l'impasse politique desannées 1860, créèrent le Canada l'avaient d'ailleurs compris.

[Traduction]

L'honorable Pat Carney: Honorables sénateurs, d'abord, je voudrais féliciter nos nouveaux sénateurs, les sénateurs Callbeck et Butts, pour leurs premiers discours au Sénat. Ces discours montrent qu'elles viennent au Sénat avec des objectifs et des convictions. C'est un honneur pour le Sénat que de les accueillir en son sein. Je leur souhaite donc la bienvenue parmi nous et je les félicite de leur excellent départ dans nos débats.

Madame le sénateur Butts a parlé des collectivités côtières de sa province, et l'ex-première ministre, de l'avenir de sa province insulaire. Je viens d'une île de l'autre côte. Si je souscris à leurs objectifs, je ne partage pas leur optimisme quant à l'avenir de certaines de nos agglomérations côtières. Et c'est à cause des effets néfastes du plan Mifflin pour la pêche au saumon du Pacifique. Voici ce m'a écrit une femme de French Creek qui s'adonne à la pêche:

Nombre d'entre nous en ont assez des promesses restées lettre morte dans cette saga qui se poursuit. Nous nous sommes rendus jusqu'ici malgré un courant très fort - le gouvernement fédéral.

Je rappelle aux sénateurs l'histoire de ce programme.Le 29 mars 1996, Fred Mifflin, qui était alors ministre des Pêches et des Océans, a annoncé la Stratégie de revitalisation du saumon du Pacifique, mieux connue sous le nom de «plan Mifflin», même si l'amiral Mifflin lui-même n'aimait pas ce titre. Ses principales caractéristiques étaient une réduction de 50 p. 100 de la capacité de la flottille commerciale de pêche au saumon, l'émission de permis visant l'utilisation d'un seul engin et d'une seule zone, et le cumul des permis.

Cependant, puisque l'effort de pêche demeurerait le même, le plan Mifflin ne contribuait en rien à la conservation des stocks. Il est important de le souligner parce qu'une bonne partie des coûts de ce plan aurait pu être amortie s'il avait contribué à conserver la ressource. Mais ce n'est pas le cas.

Ce plan s'accompagnait de nombreux désavantages. Les opposants les plus énergiques soutenaient qu'il éliminerait les plus petits pêcheurs et les flottilles des collectivités côtières pour concentrer la pêche aux mains de grandes entreprises situées dans les zones urbaines. On a vu que ces craintes étaient justifiées. Le plan a fait perdre leur gagne-pain à de nombreuses personnes et a durement frappé les collectivités situées le long de nos 25 000 kilomètres de côtes.

Peu de temps après la publication du plan, le premier ministre Clark a rendu public un document intitulé «Fisheries Renewal BC», document qui présentait la réaction du gouvernement provincial à l'initiative fédérale et qui dénonçait massivement le plan Mifflin.

En septembre 1996, Ottawa et la Colombie-Britannique ont annoncé la création d'un groupe formé de trois membres et chargé d'examiner le plan. Ce groupe a tenu des audiences dans des collectivités situées tout le long de la côte, afin d'étudier les répercussions à court et à long terme que le plan pouvait avoir sur les collectivités côtières, sur les individus et sur la concentration des entreprises. Il devait aussi proposer des correctifs et des améliorations au plan.

Le groupe a rendu public son rapport final intitulé «Des lignes entremêlées» à la fin de l'année. Le rapport préconisait l'adoption d'un certain nombre de mesures, dont l'octroi de fonds pour la remise en valeur de l'habitat du saumon, le versement d'indemnités pour les engins faisant double emploi, de même que la tenue d'un vote à l'échelle de la flottille et par secteur sur le cumul de permis. Les préjudices causés par le plan semblent toutefois irrévocables: la tenue du vote est en effet prévue pour novembre, mais bon nombre ont dû quitter l'industrie et ceux qui sont restés ont emprunté des milliers de dollars pour cumuler des permis. Ils deviennent indélogeables du système.

Pour citer encore la pêcheuse de French Creek:

C'est une situation sans issue. Nous n'avons pas les moyens de sortir du système, mais nous n'avons pas accès au crédit nécessaire pour y rester. Veuillez nous aider ainsi que les autres qui sont devant le même dilemme.

En octobre 1996, la commission de protection des emplois de la Colombie-Britannique a publié son rapport final, intitulé «Fishing For Answers», qui révélait que 7 800 emplois directs avaient été perdus à cause de la piètre saison de pêche au saumon en 1996 et du plan Mifflin. De plus, on estime à 19 500 le nombre d'emplois indirects qui ont été perdus.

Ces statistiques peuvent être confirmées par une analyse économique, honorables sénateurs, ainsi que par des visites dans les collectivités touchées. J'étais dans une de ces collectivités durant le week-end de l'Action de grâce. Il y avait 11 bateaux de pêche au quai et, de ce nombre, un seul avait rapporté un revenu raisonnable parce qu'il avait un permis de pêche au hareng, une activité encore lucrative. Les dix autres avaient rapporté très peu d'argent. Un de ces bateaux avait pêché seulement six jours au cours des deux dernières années. Évidemment, cela a des répercussions sur le revenu de ces familles.

Ce sont les collectivités isolées qui ont été le plus durement touchées par ces pertes d'emplois. Il s'agit souvent de collectivités autochtones qui ont très peu d'autres possibilités d'emploi à part la pêche. Par exemple, Ahousat, une collectivité autochtone située sur la côte ouest de l'île de Vancouver, a perdu environ 46 p. 100 de ses emplois, soit près de la moitié. Kyuquoit, une collectivité composée de familles blanches et de familles autochtones, a perdu environ 35 p. 100 de ses emplois.

Andy Erasmus, de Masset, sur les îles de la Reine-Charlotte, a écrit au sujet de l'impact de ces mesures sur sa collectivité et, si le temps le permet, je voudrais lire un extrait de cet article parce qu'il décrit mieux que je ne pourrais le faire ce qui se passe dans ces collectivités:

En novembre 1996, devant ces sombres prévisions, le ministre Mifflin a annoncé que son gouvernement dépenserait 30 millions de dollars ou «quel que soit le montant nécessaire» pour aider les pêcheurs déplacés de la Colombie-Britannique. Par conséquent, beaucoup de pêcheurs ont vendu leurs permis et leurs engins au gouvernement dans le cadre d'un programme de rachat, laissant la pêche en échange de la promesse que des fonds seraient disponibles pour qu'ils puissent se recycler en vue d'occuper de nouveaux emplois. D'autres personnes ont également été touchées, notamment les travailleurs à terre et les hommes de pont sur les bateaux vendus dans le cadre du programme de rachat, qui, à cause de la flotte réduite, ont perdu leur emploi.

Imaginez que vous cédiez votre bateau contre une promesse de recyclage et que vous appreniez ensuite qu'il n'y avait pas de programme de recyclage. Imaginez que vous sachiez par ailleurs que le gouvernement a dépensé 1,9 milliard de dollars en programmes d'adaptation sur l'autre côte. Si l'on tient compte des deux programmes précédents, le gouvernement fédéral a dépensé 3,4 milliards de dollars en programmes d'adaptation. Imaginez qu'on vous dise qu'il n'existe aucun programme d'adaptation pour la côte Ouest. Vous comprendrez alors que les pêcheurs aient éprouvé de l'amertume et du mécontentement et qu'ils aient eu l'impression que le Canada n'était pas là pour les aider.

(1600)

Le Centre communautaire de développement des pêches ou CCDP a été créé en tant qu'organisme sans but lucratif pour gérer le fonds de 18 millions de dollars créé pour permettre une gestion à court terme de la crise. C'est la solution trouvée par le gouvernement. C'était le programme de dépenses de «l'amiral Mifflin». Il a créé un fonds d'urgence de 18 millions pour recycler les pêcheurs déplacés. Bien entendu, ce fonds s'est révélé tout à fait insuffisant et est maintenant complètement tari. Le Centre communautaire de développement des pêches compte actuellement entre 4 200 et 5 000 inscrits. La caisse est vide mais ni le ministère des Pêches et Océans, ni le ministère du Développement des ressources humaines n'ont annoncé de mesure d'aide.

Le Centre communautaire de développement des pêches propose maintenant de lancer un programme de formation et de perfectionnement de trois ans, qui coûterait entre 250 millions et 375 millions de dollars. C'est ce qu'il en coûterait réellement pour dispenser une vraie formation conduisant à de vrais emplois.

Nous ne voulons pas répéter sur la côte Ouest les erreurs de la Stratégie du poisson de fond de l'Atlantique, ou LSPA, qui a coûté 1,9 milliard de dollars et n'a pas réussi à recycler les pêcheurs déplacés de la côte Est. La question fondamentale est qu'il y a des emplois sur la côte Ouest, notamment ceux créés par la revitalisation des rivières à saumon et des forêts où on a pratiqué la coupe à blanc, ou encore les emplois liés à la gestion des bassins hydrographiques. Il s'agit cependant d'emplois techniques qui requièrent des compétences techniques et une formation technique. Ce ne sont pas des emplois créés pour la forme. Ces emplois existent et pourront être occupés lorsque les fonds de formation promis aux pêcheurs et aux travailleurs à terre seront fournis par le gouvernement fédéral, dont relèvent les pêches. Le moment est venu d'honorer cet engagement.

Le centre, qui est chargé de définir les besoins, souligne que le CCDP ne demande pas au gouvernement fédéral de transférer 375 millions de dollars à cet organisme. Au lieu de cela, il demande que les budgets de programmes appropriés au ministère du Développement des ressources humaines soient dotés de ressources suffisantes pour financer le programme de trois ans et que ces fonds soient affectés expressément au programme de transition dans le secteur des pêches de la côte ouest. Le CCDP, qui est déjà en place, jouerait un rôle de coordination et veillerait à ce que tous les projets de formation et d'acquisition d'une expérience professionnelle assurés aux travailleurs des pêches déplacés soient bien conformes à toute une série de critères rigoureusement appliqués au niveau de la conception du programme et des évaluations, et que ces critères soient établis de concert avec l'organisme gouvernemental compétent.

Honorables sénateurs, le CCDP propose qu'une sorte de secrétariat soit créé à partir du personnel existant des organismes gouvernementaux comme le ministère du Développement des ressources humaines, le MPO, et le gouvernement de la Colombie-Britannique, et que le CCDP améliore la prestation des services, précise les obligations au sujet des comptes à rendre et évalue les résultats du programme. Autrement dit, les gens sont-ils formés? Font-ils l'affaire? Le travail est-il fait?

Le CCDP propose qu'une série de critères soit établie en partenariat avec le gouvernement fédéral et que l'on rende compte de ces critères tous les six mois. L'affectation de fonds au cours du programme de trois ans dépendrait du processus d'évaluation. C'est un moyen de veiller à l'efficacité du programme. Si les critères d'évaluation ne sont pas satisfaits, aucune somme ne sera versée les six mois suivants, jusqu'à ce qu'ils le soient. En cas de difficultés sérieuses à satisfaire aux critères d'évaluation pendant deux périodes visées consécutives, le cabinet examinera le programme et décidera s'il y a lieu ou non de le maintenir. C'est une façon de veiller à ce que les contribuables ne dépensent pas près de 2 milliards de dollars pour rien.

Il y a un dernier point dont on devrait tenir compte lorsqu'on pèse les avantages d'un programme de transition efficace de trois ans pour l'industrie de la côte Ouest. C'est le plan Mifflin qui est à l'origine de cette crise, et non l'inverse. L'économie en Colombie-Britannique est très différente de l'économie dans les Maritimes. La côte ouest de la Colombie-Britannique, ce n'est pas le Cap-Breton. Il y a là beaucoup d'emplois durables et de possibilités d'emploi à exploiter, dans les localités côtières, lorsque la formation est disponible.

À Terre-Neuve, où habitent 70 p. 100 des participants à la LSPA, les possibilités d'affaires sont passablement plus rares qu'en Colombie-Britannique. La Colombie-Britannique a la chance d'avoir une économie relativement dynamique, qui peut absorber le problème causé par les milliers de travailleurs déplacés du secteur des pêches grâce à un programme bien coordonné, qui établit des liens entre les nouvelles possibilités à exploiter et les formations offertes.

Honorables sénateurs, pour ceux qui croient que la Colombie-Britannique est riche et n'a donc pas besoin d'aide, qu'elle peut continuer à injecter de l'argent dans les coffres du gouvernement, je précise que la dernière saison de pêche au filet maillant a rapporté, selon les premières indications, des recettes brutes de 8 000 $ sur la côte nord. Dans le sud, les recettes brutes se sont élevées à 16 000 $. Une fois les dépenses payées, il reste environ 2 000 $ au pêcheur moyen pour la saison. J'ai vérifié avec des familles de pêcheurs dans différentes localités, et ces chiffres sont à peu près exacts. Dans le cas des travailleurs à terre sur la côte Nord, leur revenu moyen n'a été que de 3 000 $ pour la saison. Nous ne pouvons pas attendre des localités où46 p. 100 des emplois ont disparu qu'elles continuent dans ces circonstances.

J'ai ici une lettre du maire de Masset, Andy Erasmus, qui dit ceci:

Je vous écris du village de Masset, sur les îles de la Reine-Charlotte, qui compte environ 1 500 habitants. Les dernières années n'ont pas été bonnes pour la collectivité.

En 1994, nous avons appris que le gouvernement fédéral envisageait des compressions à la Station des Forces canadiennes Masset. Cela signifie le départ de plusde 300 habitants et la perte des emplois qu'ils occupaient. En outre, quelque 60 employés civils de la SFC Masset ont été congédiés depuis. Même si c'était un dur coup, les gens de mon village se sont serré les coudes. Ils ont formé des comités et des organisations pour soulager les conséquences de ce revers économique. Après tout, Masset avait toujours été un village de pêcheurs, et nous pouvions nous en sortir.
En 1995, le gouvernement fédéral a encore frappé. Il ne devait pas y avoir de pêche de saumon quinnat, dont l'espèce est menacée, au large de nos côtes en 1996. Mais ce n'était pas le pire. Nous avons tous constaté qu'il nous fallait faire notre part pour qu'il reste encore des stocks de saumon pour les générations à venir. Il existait d'autres solutions de rechange qui auraient pu être tout aussi intéressantes pour notre collectivité. Ainsi, l'année dernière, la pêche au filet maillant (par opposition à la pêche à la senne) du saumon sockeye à destination de la rivière Skeena aurait pu procurer du travail à nos pêcheurs, à nos travailleurs côtiers, et du même coup une flotte d'une centaine de petites embarcations se serait alors arrêtée à Masset, qui pour faire le plein d'essence, qui pour faire ses provisions, qui pour prendre un café au restaurant du coin. Nous savions d'expérience [...] qu'une telle pêche n'aurait d'aucune façon mis en danger les stocks de chinook. Mais le ministre des Pêches nous a refusé l'autorisation. Cette décision, conjuguée avec l'infâme plan «Mifflin», a contraint la société British Columbia Packers à fermer son usine de transformation de Masset en février de cette année.
Puis, alors que tout le personnel civil de la SFC Masset et une bonne partie des pêcheurs étaient mis au chômage par le gouvernement fédéral, nous avons appris la fermeture du bureau d'Emploi et Immigration...
Alors qu'on en avait tellement besoin. Et le maire d'ajouter:

Bien des gens qui n'avaient jamais connu le chômage n'ont plus pour tout recours que l'aide sociale et une ligne «1-800» toujours occupée.

(1610)

Comme si cela ne suffisait pas, Petro Canada, dont 20 p. 100 des intérêts appartiennent à la population canadienne, a décidé de fermer sa station de carburant à Masset.

C'est logique, si la flotte de pêche est immobilisée.

Son Honneur le Président: Honorable sénateur Carney, le temps qui vous est imparti a expiré. Demandez-vous l'autorisation de continuer?

Le sénateur Carney: Oui.

Son Honneur le Président: Est-ce d'accord, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

Le sénateur Carney:

Sans cette source de carburant, il est inimaginable qu'un bateau de pêche, ou tout autre navire, fasse escale à Masset. Sans cette source de carburant, Masset, et spécialement la flotte de pêche commerciale de Masset, n'a aucun espoir de s'en sortir. Moi-même, je travaille pour une petite usine de transformation du poisson qui est sur le point de disparaître du fait de cette décision. Une autre grosse compagnie pétrolière s'est dite intéressée à desservir la région de Masset à partir d'une autre localité, mais seulement une partie du temps et trop tard pour que les crabiers restent à Masset, et a indiqué qu'elle n'était intéressée que si la municipalité prenait en charge la moitié des frais initiaux, ce que nous ne sommes pas en mesure de faire. Nous sommes quasiment pris en otage sous couvert d'une décision d'affaire [...]

Nous avons d'autres problèmes, dont certains sont causés par le gouvernement fédéral [...]

Nous sommes tous conscients du fait que les finances publiques doivent être assainies. Compressions et rationalisation sont des mots très à la mode par les temps qui courent. Je me demande pourtant ce qui restera de notre pays une fois les finances assainies. Chacune des situations décrites plus haut est difficile pour un petit village comme Masset; ensemble, elles ont un effet dévastateur. Si une raffinerie de pétrole ou une usine de transformation du poisson ferme à Vancouver, les gens ont d'autres options. Mais lorsque cela arrive dans un petit village isolé comme Masset, c'est un coup mortel non seulement pour l'économie, mais également pour l'esprit de la collectivité et de tous les habitants [...] Déménageons-nous tous à Vancouver ou Toronto? Être Canadien doit signifier plus que cela et les petites localités comme Masset font vraiment partie du tissu social de notre nation.

Sénateur Carney, si vous pouviez faire quelque chose pour nous aider à traverser la dure épreuve à laquelle nous sommes confrontés en grande partie à cause des actions du gouvernement fédéral, je suis persuadé que les habitants de Masset vous en seraient éternellement reconnaissants.

Je fais part de ces craintes au Sénat pour obtenir l'appui de mes collègues à une stratégie de transition industrielle pour les gens dans des endroits comme Masset.

L'honorable Donald H. Oliver: Honorables sénateurs, lorsque le Gouverneur général est arrivé sur la colline du Parlement en landau, le 23 septembre, un vent royal a soufflé sur Ottawa. Les attentes étaient élevées. On s'attendait à une annonce importante. Pendant 54 minutes, Son Excellence a lu le discours du Trône dans notre Chambre rouge historique. À la fin, plutôt qu'à un tonnerre d'applaudissements, on n'a eu droit qu'à un signe poli de la tête, solennel, reconnaissant qu'enfin le discours était terminé.

Le discours a été une énorme déception non seulement pour ce qu'on y disait et comment on le disait, mais, chose plus importante, parce qu'il n'abordait pas des questions sur lesquelles on aurait dû se pencher. Comme je n'ai pas le temps de parler de tout ce qui me préoccupe, je vais donc m'en tenir à trois questions qui me tiennent à coeur, à savoir les minorités visibles, les questions de justice et l'éducation.

Dans le discours du Trône, on a parlé de trois des quatre principaux groupes cibles, soit les femmes, les handicapés et les autochtones, mais on n'a absolument rien dit du quatrième groupe cible, les minorités visibles. Le gouvernement fédéral a déclaré que ces quatre groupes avaient besoin de mesures spéciales, mais le discours du Trône n'en renfermait aucune pour les minorités visibles.

Dans le discours du Trône, on disait du Canada que c'était une société ouverte et démocratique dans laquelle nous avions appris à composer avec nos différences et notre diversité. Si seulement c'était vrai. Le premier ministre devrait peut-être lire quelques études préparées par certains ministères. Ainsi, le mois dernier, les Forces armées canadiennes ont publié une étude effectuée par les professeurs John Berry et Rudy Kalin de l'Université Queen's sur l'attitude de nos troupes face à la diversité multiculturelle et les programmes d'équité et sur leur moral. Il s'agit d'un rapport troublant, qui montre que 47 p. 100 seulement des membres de la Force régulière et 60 p. 100 des membres de la Force de réserve appuient le concept du multiculturalisme. Il montre aussi que trois militaires sur dix ne sont pas disposés à accepter plus de membres des minorités dans leurs unités. J'ajouterai que 4,5 p. 100 seulement des militaires disent appartenir à une minorité visible.

Même le ministre de la Défense nationale n'admet pas qu'il existe un problème. La semaine dernière, il a formé un comité qui, sous la présidence de l'honorable Willard Estey, observera les Forces armées canadiennes. Ce comité étudiera la question du racisme dans les forces. Malheureusement, le ministre de la Défense a choisi de ne pas inclure un seul membre d'une minorité visible dans ce comité.

J'ai été heureux d'entendre aujourd'hui le leader du gouvernement au Sénat nous annoncer qu'il a fait part de cette préoccupation aux autorités compétentes et qu'il compte bien que cette grave omission sera corrigée.

Le premier ministre devrait peut-être lire certaines études menées par notre ministère de l'Immigration, comme celle de Douglas Palmer sur l'attitude des Canadiens face à l'immigration. S'il avait seulement parcouru des yeux ces rapports, il saurait que les mots « nous avons appris à composer avec nos différences et notre diversité » laissent un doute raisonnable assez considérable.

Compte tenu du style de leadership du premier ministre, qu'on peut résumer par le principe «la tête dans le sable, on ne voit rien qui cloche», le gouvernement continue de ne pas voir les graves problèmes raciaux dans ma province, la Nouvelle-Écosse, et le Grand Toronto. Comme de nombreux sénateurs le savent déjà, dans la conclusion de son rapport, M. Douglas Palmer écrit que les Torontois manifestent plus de racisme que les gens des autres régions du pays. Il définit les résidents de Toronto comme les plus intolérants du Canada. Il souligne que cette constatation est troublante étant donné que Toronto abrite le plus grand nombre d'immigrants appartenant à des minorités ethniques. Malgré cela, le gouvernement refuse d'admettre qu'il existe un problème.

Il faut se demander pourquoi ils veulent cacher ces rapports sur l'immigration. Pourquoi ne veulent-ils pas qu'on les lise? Il a fallu au Ottawa Citizen deux mois et une demande en vertu de la Loi sur l'accès à l'information pour obtenir un exemplaire de ces rapports. J'ai demandé un exemplaire le 8 octobre et je ne l'ai pas encore reçu. Je devrai peut-être, moi aussi, présenter une demande en vertu de la Loi sur l'accès à l'information.

Où était le gouvernement avant les récents épisodes de violence raciale survenus à Cole Harbour, en Nouvelle-Écosse? Comment peut-il rester sans rien faire lorsqu'une école secondaire est tellement envahie par la violence qu'elle doit fermer temporairement ses portes? Comment le premier ministre peut-il refuser de voir que des élèves doivent se rendre à l'école sous la protection de gardes postés dans la cour et à chaque étage de l'école? Enverriez-vous vos enfants à l'école dans une telle situation? J'ai demandé, lors de la période des questions d'aujourd'hui, pourquoi la ministre responsable du multiculturalisme n'avait pas offert son aide pour tenter de trouver une solution au problème. Nous n'avons encore reçu aucune réponse favorable à cette requête.

Selon la ministre du Multiculturalisme, un des grands objectifs de son ministère est d'instaurer la justice sociale en éliminant les obstacles à l'atteinte de l'égalité. Son ministère dispose d'un budget de subventions d'environ 18 millions de dollars, destiné notamment à la sensibilisation des écoliers aux relations interraciales. Pourquoi notre gouvernement ne peut-il pas intervenir et travailler de concert avec le gouvernement provincial pour trouver des solutions à ces questions?

Blye Frank a récemment produit un rapport contenant73 recommandations pour le compte du conseil scolaire d'Halifax. Celui-ci a besoin d'environ 400 000 $ pour faire face efficacement à la situation. Pourquoi notre ministre responsable du multiculturalisme n'offre-t-elle pas à la Nouvelle-Écosse de l'aider à trouver cet argent?

On lit ceci dans le discours du Trône:

Le défi de l'avenir consistera à veiller à ce que personne ne soit oublié dans la marche en avant de notre pays. L'avenir appartient aux sociétés [...] dont la population est en bonne santé, dont les enfants sont bien préparés à faire leur apprentissage, et à celles qui ont pour objectif d'assurer une qualité de vie élevée à tous leurs citoyens.

Comment pouvons-nous assurer une qualité de vie élevée si l'on permet que le racisme perdure? Comment les jeunes enfants qui appartiennent aux minorités visibles peuvent-ils être bien disposés à apprendre si la couleur de leur peau est un obstacle à leur avancement?

Je reconnais que les Canadiens veulent une société juste où tous partagent, une société tolérante et très diversifiée, pourtant tout me laisse croire que ce ne sont là que des mots creux dans le discours du Trône. Nulle part il n'est dit qu'il faut prendre des mesures concrètes pour atteindre l'objectif; nulle part il n'est présenté de plan permettant d'instaurer une égalité de fait entre tous les Canadiens.

Si l'on en juge par l'inertie du gouvernement, telle qu'illustrée par le discours du Trône, les Canadiens forment une belle grande famille multiculturelle, mais je ne le crois pas. Le discours passe rapidement sur le fait que le taux de chômage est trop élevé. Il ne dit rien des stratégies d'emploi du ministre de l'Industrie,M. Manley, qui ont lamentablement échoué. Il ne dit rien des torts causés aux familles du Canada atlantique par la réforme de l'assurance-chômage de l'ex-ministre Young.

On lit aussi ceci dans le discours du Trône:

Les Canadiens regagnent confiance en leur avenir et en celui du pays. Ils l'envisagent avec un optimisme nouveau.

Pourtant, il n'est nulle part fait état de plans visant à aider les provinces atlantiques à surmonter leurs problèmes économiques graves. Le premier ministre a récemment déclaré ceci:

Je ne veux pas qu'il y ait deux économies au Canada, une avantagée et une défavorisée, une à l'ouest de l'Outaouais et une à l'est de l'Outaouais.

Pourtant, c'est le type d'économie qu'il a créée avec ses réformes de l'assurance-emploi et ses décisions désastreuses au sujet des pêches de l'Atlantique.

(1620)

Le premier ministre ne s'occupait pas de nous avant les élections et il ne s'est pas ravisé. Il ne regrette pas les dommages qu'il a provoqués dans la région atlantique et, récemment, on rapportait qu'il avait dit qu'il ne regrettait pas que «les mesures de réduction des dépenses aient frappé durement les Canadiens de la région de l'Atlantique». Il a reconnu que le Canada atlantique avait supporté une part disproportionnée des réductions de dépenses de son gouvernement.

Les Canadiens de la région de l'Atlantique n'ont pas besoin de la charité, ce qu'ils veulent, c'est que le gouvernement reconnaisse qu'il y a un problème. Ce dont nous avons besoin, c'est d'investissements ciblés pour aider les secteurs en croissance, comme la technologie de l'information et le tourisme. Le régime fiscal pourrait être aménagé pour inciter de nouvelles industries à s'installer dans l'est.

Le discours du Trône parle de questions juridiques, mais il y manque deux éléments clés. Le premier concerne les droits des victimes. D'après mon expérience personnelle, nos tribunaux, dans l'interprétation de la Charte des droits et libertés, sont allés trop loin dans la protection des droits des accusés par rapport au manque de protection des droits des victimes. C'est la victime qui a souffert. C'est la victime qui a perdu quelqu'un ou quelque chose ou qui a été blessée, pas l'accusé. Nous avons besoin de mesures législatives protégeant les victimes de crimes car, dans la majorité des cas, elles n'ont rien fait de répréhensible.

Nous ne devrions jamais revoir des cas comme celui de Clifford Olson procédant au contre-interrogatoire des familles des victimes de ses meurtres, pour voir quel avait été l'effet du crime sur elles. De plus, je pense que les dispositions du Code criminel sur le harcèlement criminel ne vont pas assez loin. J'ai plusieurs amis dont les familles sont harcelées et, prochainement, je présenterai un projet de loi pour modifier le code en conséquence.

L'enseignement postsecondaire est d'importance vitale pour le Canada. Le gouvernement doit faire davantage pour les étudiants de familles à faible revenu, car beaucoup de ces étudiants terminent leurs études avec des dettes énormes. Lorsqu'il a pris la parole dimanche dernier, à Halifax, lors de la cérémonie de remise des diplômes d'automne, le président de l'Université Saint Mary's a déclaré que cette dette se chiffre entre 20 000 $ et 25 000 $ pour un diplôme de premier cycle. Il a fait appel aux gouvernements pour qu'ils trouvent des moyens créatifs de renoncer à une partie de la dette des étudiants, notamment de ceux dont les besoins sont les plus criants.

Au Sénat, nous avons tendance à mener une vie à l'abri des soucis, mais je demande aux sénateurs d'imaginer ce que ce serait d'avoir environ 23 ans, de sortir de l'université sans avoir encore trouvé un emploi, mais en ayant déjà accumulé une dette de plus de 25 000 $, voire davantage, si l'on possède un diplôme d'études supérieures. Le gouvernement doit agir pour faire en sorte que les plans de remboursement soient raisonnables. Par ailleurs, il est crucial que le gouvernement collabore avec les provinces pour limiter les augmentations annuelles des frais de scolarité, augmentations que nos programmes de prêts ne compensent pas.

Il y a une autre tendance inquiétante qu'il faut examiner, car elle se répercute directement sur les étudiants de familles à faible revenu. Il s'agit de la pratique que suivent actuellement certaines universités et qui consiste à exiger habituellement un paiement direct de quelque 1 500 $ à la mi-août, avant que l'étudiant ne reçoive son premier paiement de prêt étudiant. Cette situation est particulièrement pénible pour les familles à faible revenu qui ont du mal à se nourrir et à payer le loyer. Un bon nombre de ménages canadiens ne disposent pas de ce montant. Le gouvernement doit collaborer avec ses partenaires des provinces pour trouver une solution à ce problème.

En outre, certaines universités insistent désormais pour que les étudiants aient un ordinateur. L'Université Acadia, en Nouvelle-Écosse, procure à chaque étudiant un ordinateur portatif moyennant des frais, et tout le campus est organisé de façon à inciter les étudiants à examiner et a maîtriser les plus récentes technologies de l'information. Cependant, notre programme de prêts aux étudiants ne permet pas à l'étudiant d'incorporer le coût de ce matériel d'une importance cruciale. Le gouvernement doit agir rapidement pour répondre à cette préoccupation.

De nombreuses propositions ont été faites au sous-comité sénatorial sur l'enseignement postsecondaire au Canada, entre autres, la nécessité de mettre sur pied des programmes coopératifs et des programmes de stages. J'exhorte le gouvernement à collaborer étroitement avec ses partenaires des provinces, les établissements d'enseignement et le secteur privé pour améliorer et accroître les programmes dans ce domaine. Je l'exhorte également à créer davantage de bourses spéciales pour les étudiants défavorisés ou handicapés.

Bien des jeunes Canadiens ont besoin qu'on leur donne la chance d'améliorer leur sort. Bon nombre d'entre eux ont abandonné leurs études et sont peu susceptibles de réussir à l'avenir. Il faut absolument offrir à ces jeunes une deuxième chance, leur donner accès à l'enseignement, leur faire apprécier leur culture, leur donner en exemple des modèles positifs qui peuvent les aider à devenir des membres productifs de notre société. Il existe déjà de nombreux centres qui peuvent être utilisés à cette fin et qui comptent sur un bon noyau de bénévoles et de leaders. Je pense notamment au Black Cultural Centre, situé à Dartmouth, en Nouvelle-Écosse. Ce qui manque, c'est le financement nécessaire pour que ce beau projet se réalise. J'attends avec impatience de voir les dépenses que le gouvernement est disposé à engager dans ce domaine.

Nous avons été en mesure de constater les répercussions positives que les industries de l'information ont eues dans notre pays, y compris la croissance considérable de l'emploi dans le secteur de la haute technologie et dans le domaine du développement des nouvelles technologies. De nombreuses collectivités n'ont ni les ressources financières ni l'assiette fiscale nécessaires pour fournir aux étudiants les ordinateurs, la technologie de pointe et les logiciels dont ils ont besoin. Pourtant, l'informatique peut grandement profiter aux localités isolées. Grâce à Internet, les gens peuvent communiquer immédiatement avec toutes les régions du globe. Du confort de leur foyer, ils ont littéralement accès à une mine d'information. À mesure que les télécommunications gagnent en importance, nos jeunes ont de moins en moins de raisons de déménager au centre de nos grandes villes où la vie coûte cher. Les télécopieurs, les téléphones sans fil, les ordinateurs et Internet leur permettent de travailler à partir de chez eux. Le gouvernement fédéral doit collaborer avec les provinces pour que les Canadiens de toutes les régions, rurales ou urbaines, aient des chances égales et un accès égal à cette technologie.

Le gouvernement a fait part de son intention de consacrer un milliard de dollars à l'organisation d'une grande fête pour célébrer le début d'un nouveau millénaire. Ne serait-il pas préférable, pour montrer ce qu'est vraiment le Canada, de ne pas consacrer tout cet argent à une seule célébration, mais d'en dépenser une bonne partie pour garantir que tous les Canadiens, peu importe leur race, leur langue, leur culture ou leur religion, soient vraiment égaux?

Enfin, je remarque que les sénateurs libéraux aiment bien citer les discours de sir Wilfrid Laurier. Ils le font si souvent que je suppose que ces discours présentent leur vision du Canada. Le premier ministre a terminé son discours du Trône en citant l'ancien premier ministre libéral quand il a dit que:

[...] le XXe siècle serait celui du Canada et de son développement.

En terminant, je rappelle que, le 15 août 1911, ce mêmesir Wilfrid Laurier, qui était alors premier ministre, écrivait au ministre de l'Intérieur:

[...] il est par les présentes ordonné ce qui suit: Pour une période d'un an à compter d'aujourd'hui, l'entrée au Canada est interdite à tout immigrant de race noire, race jugée inappropriée, compte tenu du climat et des exigences du Canada.

Une voix: Honte!

(Sur la motion du sénateur Carstairs, le débat est ajourné.)

Le Code criminel
La Loi sur le droit d'auteur

Projet de loi modificatif-Deuxième lecture

L'honorable P. Derek Lewis propose: Que le projetde loi C-220, Loi modifiant le Code criminel et la Loi sur le droit d'auteur (fruits d'une oeuvre liée à la perpétration d'un acte criminel), soit lu une deuxième fois.

- Honorables sénateurs, il me fait plaisir de proposer la deuxième lecture du projet de loi C-220. Il s'agit d'une mesure d'initiative parlementaire visant à modifier le Code criminel et la Loi sur le droit d'auteur à propos des fruits d'une oeuvre liée à la perpétration d'un acte criminel.

Comme vous vous le rappellerez peut-être, plus tôt cette année, le projet de loi C-205 d'initiative parlementaire, qui était exactement le même que le projet de loi C-220 actuel, a été adopté à l'unanimité à l'autre endroit et a été envoyé au Sénat. Il y a fait l'objet d'un débat de deuxième lecture les 17 et 22 avril, a été lu une deuxième fois et renvoyé à notre comité des affaires juridiques et constitutionnelles. Malheureusement, avant qu'on ne puisse l'étudier en comité, le Parlement a été dissout et le projet de loi C-205 est resté en plan au Feuilleton.

Le projet de loi C-220 dont nous sommes maintenant saisis a été présenté à l'autre endroit le 30 septembre dernier, a été adopté à l'unanimité à toutes les étapes le 1er octobre et nous a été envoyé pour la première lecture le 2 octobre.

Je n'ai pas l'intention de répéter ce que j'ai dit le 17 avril, lors du débat en deuxième lecture du projet de loi C-205, mais je voudrais souligner les principaux aspects du projet de loi actuel.

(1630)

Honorables sénateurs, il existe dans notre common law un principe bien établi selon lequel un criminel ne devrait pas tirer profit de son crime. C'est pourquoi la plupart des gens trouvent extrêmement choquante la situation actuelle où des criminels peuvent écrire à propos de leurs crimes et bénéficier financièrement de la vente de pareils écrits. La mesure à l'étude vise à remédier à cette situation.

Bien que le Code criminel comporte déjà des dispositions prévoyant la saisie et la confiscation des produits de la criminalité, ces dispositions ne couvrent pas à l'heure actuelle le cas d'un profit tiré de la création par un criminel d'une oeuvre fondée sur la perpétration d'un acte criminel pour lequel il a été condamné. Le projet de loi propose donc de modifier le Code criminel afin de faire porter la définition de «produits de la criminalité» sur les gains ou avantages qu'une personne déclarée coupable d'un acte criminel ou sa famille tire d'une oeuvre fondée sur l'acte criminel pour lequel elle a été condamnée. La modification soumettrait ces gains aux dispositions actuelles du Code criminel relatives aux perquisitions, aux fouilles, aux saisies et à la détention des produits de la criminalité.

Une autre modification proposée au Code criminel ajouterait une disposition selon laquelle, lorsqu'une personne est déclarée coupable d'une infraction qui peut faire l'objet d'un acte d'accusation, la peine prononcée contre elle est réputée comporter une ordonnance du tribunal assujettissant la personne déclarée coupable et toute oeuvre liée à l'infraction à un nouvel article de la Loi sur le droit d'auteur. Ce nouvel article, proposé dans le projet de loi, stipule que le droit d'auteur sur l'oeuvre qui autrement appartiendrait à la personne déclarée coupable est dévolu à Sa Majesté.

Je dois souligner que les dispositions du projet de loi n'empêchent pas un criminel de créer une oeuvre ou de collaborer à la création d'une oeuvre inspirée de l'infraction, mais elles l'empêchent d'en tirer profit. Elles ne vont donc pas à l'encontre de la liberté d'expression.

Je le répète, ce projet de loi et celui qui l'a précédé ont été adoptés à l'unanimité à l'autre endroit. Certains diront peut-être qu'il n'a pas été étudié assez à fond. À cela je réponds que le projet de loi C-205 a fait l'objet d'un long débat à l'autre endroit, à l'étape de la deuxième lecture et en comité. Plusieurs objections ont été soulevées en comité. Cependant, comme je l'ai dit le 17 avril, au moment de la deuxième lecture au Sénat, on y a répondu de manière satisfaisante, et le projet de loi a été adopté à l'unanimité à l'autre endroit. Il a aussi été étudié ici en avril dernier, à l'étape de la deuxième lecture.

Honorables sénateurs, ce projet de loi recueille un soutien considérable auprès de certains organismes intéressés. Par contre, d'autres organismes ont soulevé des objections semblables à celles exprimées au comité de l'autre endroit. De toute manière, j'estime que ces questions peuvent être réglées en comité.

J'exhorte donc les honorables sénateurs à appuyer le projet de loi pour que le comité puisse en faire un examen approfondi.

[Français]

L'honorable Michel Cogger: Honorables sénateurs, je me joins d'emblée aux commentaires faits par notre collègue le sénateur Lewis. Au mois d'avril, après son exposé, j'avais d'ailleurs appuyé sa motion. Je veux profiter de l'occasion pour féliciter le député de Toronto qui a eu cette excellente initiative. On sait tous qu'en tradition parlementaire, il est très rare de voir un projet de loi privé recevoir l'assentiment de la Chambre, et ce n'est pas mince, l'assentiment unanime de la Chambre des communes. Je pense que l'auteur doit en être félicité.

Le projet de loi revient devant nous aujourd'hui. S'il a reçu l'assentiment unanime de la Chambre, il ne faut pas conclure pour autant qu'il soit tout à fait dénué de controverse. Je voyais dans un article de journal récent que, par exemple, l'éminent avocat Clayton Ruby mettait en doute le principe même du projet de loi, y voyant une mesure qui visait à régler un problème qui n'en était pas un.

Il a peut-être raison. Pour ma part, je ne suis pas prêt à accepter cela. Il faut peut-être féliciter justement l'auteur du projet de loi de vouloir apporter une solution à un problème avant qu'il ne naisse. On imagine que ce débat, s'il était dans l'actualité plutôt que dans un monde hypothétique, serait certainement entouré ou enrobé d'une grande dose de problèmes émotifs et personnels.

Il suffirait qu'un des criminels les plus tristement célèbres de notre pays, un Olson, un Bernardo ou une Homolka conclue une entente avec un producteur de télévision pour imaginer facilement les problèmes à venir.

La controverse ou les questions sérieuses qui sont posées viennent également des auteurs du Canada. Ils expriment des réserves sérieuses qui méritent d'être considérées. Ils ont des points de vue qui méritent d'être entendus. Ces gens s'inquiétaient récemment du fait que le projet de loi ait connu un séjour si rapide à la Chambre des communes.

[Traduction]

Vous aurez sans doute lu des articles publiés récemment dans le Globe and Mail qui contestaient l'opportunité du projet de loi et qui dénonçaient plus particulièrement ce qui pourrait être interprété ou considéré comme une restriction de la liberté d'expression.

Dans sa sagesse, la Chambre des communes a décidé de ne pas renvoyer le projet de loi à un comité. En fait, elle l'a adopté à l'unanimité d'un coup, un après-midi de la présente session. Nous sommes maintenant saisis du projet de loi. Encore une fois, le Sénat peut faire ce que la Chambre des communes omet malheureusement trop souvent de faire, à savoir examiner à fond un projet de loi. Nous pouvons entendre des témoins, leur donner la chance d'exposer leur point de vue, et faire rapport à la Chambre sur les mérites du projet de loi. Ce faisant, nous pourrons atteindre l'équilibre nécessaire et possible entre une liberté d'expression non entravée et la révulsion qu'inspire à tous les Canadiens la possibilité que des gens profitent de la criminalité.

Il y a suffisamment de sagesse dans la présente assemblée et parmi les témoins pour établir un bon équilibre. J'estime que le projet de loi a du bon à bien des égards. Je suis très respectueux de la Charte, qui assure la liberté d'expression à tous les Canadiens. À ma connaissance, elle n'assure pas la liberté de faire de l'argent.

Par conséquent, honorables sénateurs, je propose que le projet de loi soit renvoyé au comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles.

(1640)

Son Honneur le Président: Honorable sénateur Cogger, la pratique veut que le parrain du projet de loi propose la motion de renvoi une fois que tous les sénateurs voulant participer au débat ont terminé.

Le sénateur Cogger: Honorables sénateurs, je retire ma motion.

Son Honneur le Président: Y a-t-il consentement unanime?

Des voix: D'accord.

L'honorable Raymond J. Perrault: Honorables sénateurs, je serai bref. Je partage entièrement les sentiments exprimés par le sénateur Cogger et certainement par le parrain du projet de loi.

Il y a quelques années, la Colombie-Britannique a été le théâtre d'une horrible série de meurtres impliquant des jeunes. Ces meurtres étaient l'oeuvre du monstrueux tueur en série Clifford Olson. Au début de son incarcération, il a réussi à faire sortir clandestinement de la prison où il était détenu les détails graphiques de la façon dont il avait tué toutes ses victimes. Il avait trouvé, aux États-Unis, un éditeur qui était prêt à publier tous ces détails sordides, et il avait un complice qui l'aidait à faire parvenir ses notes à l'éditeur. Il a été appréhendé durant sa démarche en vue de décrire, contre rémunération, les crimes abominables qu'il avait commis.

Par la suite, M. Olson a écrit à des députés. Je suis de ceux qui ont reçu sa lettre. Il disait: «En tant que citoyen canadien, j'exige qu'on me donne les adresses de tous les députés, à la maison et au bureau». Je peux vous dire que je n'ai pas appuyé cette demande. Toutefois, je crois savoir qu'il a fait le coup à un certain nombre d'autres personnalités publiques.

Récemment, on a eur la preuve qu'Olson était un maniaque de la publicité, et nous avons besoin de ce projet de loi pour empêcher que ce genre de chose ne se produise de nouveau à l'avenir.

Je terminerai en disant que M. Olson, qui, évidemment, a fait énormément parler de lui récemment - il aime que les médias lui accordent autant d'attention - réclame depuis longtemps qu'on lui permette de côtoyer les autres détenus. Il a dit qu'il se sentait seul. Nous devrions accéder à cette demande, honorables sénateurs. Je crois que cela pourrait être très intéressant.

L'honorable John G. Bryden: Je serai bref, moi aussi, honorables sénateurs. J'ai une intuition - que je ne saurais décrire autrement que comme une appréhension - au sujet de ce projet de loi. Je crois comprendre pourquoi l'autre endroit veut le faire adopter rapidement. Comment pourrait-on expliquer aux électeurs de sa circonscription que l'on s'oppose à pareille mesure pour quelque raison que ce soit? Je crains toutefois qu'en adoptant précipitamment cette mesure, on porte atteinte à un principe plus général, celui de notre liberté d'expression. En essayant de contrôler quelques individus malveillants et désaxés de notre société, nous risquons, au bout du compte, de rendre notre société moins libre, moins tolérante et moins démocratique.

Comme c'est à l'étape de la deuxième lecture que l'on examine les principes des projets de loi, je soulève cette question à titre de mise en garde. Il reste à savoir si ce projet de loi respectera la Constitution et s'il sera jugé acceptable par la Cour suprême du Canada. Ce n'est pas notre rôle de le déterminer. Ce qui m'inquiète, contrairement à ce qu'a dit John Stuart Mill, que je n'ai pas lu depuis longtemps, c'est la question de savoir si, en adoptant pareil projet de loi, on ne s'engage pas sur un chemin qui débouchera sur une forme de censure et de sanction qui serait plus appropriée dans un autre type d'État.

L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint suppléant de l'opposition): Honorables sénateurs, je partage l'opinion exprimée par le sénateur Bryden. Il me semble que les parlementaires ne devraient pas répugner à examiner un projet de loi qui nous amène à nous demander s'il est compatible avec la Charte des droits et libertés. Il me semble inacceptable de nous en remettre aux tribunaux pour qu'ils tranchent ultimement la question, et je serais mal à l'aise si cela devenait pratique courante.

Trois grandes institutions au Canada protègent les droits et libertés des Canadiens, les droits et libertés de tous, puisque les droits mentionnés dans notre Charte des droits et libertés sont conférés à tous. Il n'y a que trois droits de la Charte qui se limitent aux citoyens canadiens: le droit de libre circulation, le droit à l'instruction dans la langue de la minorité et le droit de vote. Ce qui est merveilleux à propos de tous nos autres droits, c'est qu'ils sont garantis à tous par la Constitution.

L'une des trois institutions qui protègent nos droits et en font la promotion est l'appareil judiciaire, et, en dernière analyse, je ne doute pas que, quand ce projet de loi aura force de loi, les tribunaux l'analyseront pour savoir s'il est compatible avec la Charte.

Cependant, deux autres institutions servent à protéger nos droits et à en faire la promotion, y compris ceux qui figurent dans notre charte constitutionnelle. La deuxième est le Parlement et les assemblées législatives. Le Parlement et les assemblées législatives revêtent une très grande importance pour la protection de nos droits démocratiques, civils, politiques, sociaux, économiques et culturels.

La troisième institution, à mon avis, c'est le peuple, notamment les gens regroupés dans des organismes non gouvernementaux, que l'on appelle parfois des groupes de pression ou d'intérêts. Telle était la merveille qu'Alexis de Tocqueville a cru voir quand il a visité l'Amérique à l'époque - la pléthore d'organisations bénévoles. Cela était un élément clé de la santé de la démocratie en Amérique.

Ce genre de projet de loi soulève inévitablement de graves questions liées aux droits de la personne et aux droits garantis par notre charte constitutionnelle. Je ne pense pas que nous devrions, en tant que parlementaires, répugner à examiner le projet de loi par rapport à ces droits. Je le dis en toute franchise, la hâte - voire la hâte indécente - avec laquelle le projet de loi a été étudié à l'autre endroit témoigne de l'influence qu'exerce la presse sur la rectitude politique applicable à différentes questions de temps à autre.

Je me réjouis que les sénateurs soient d'avis que le comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles devrait étudier très attentivement ce projet de loi, et je suis en faveur de cela moi aussi.

L'honorable John B. Stewart: Est-ce que je peux poser une question au sénateur? En supposant que, d'après lui, le projet de loi n'enfreint pas les droits des Canadiens garantis par la Constitution, est-il favorable alors au principe du projet de loi?

Le sénateur Kinsella: S'il répond aussi à plusieurs autres critères.

Le sénateur Stewart: Il vous faudra voter avant d'évaluer ces critères.

Le sénateur Kinsella: Je veux certainement voir s'il respecte le critère des droits établis dans notre charte constitutionnelle. Toutefois, je veux aussi voir s'il respecte les critères de nos engagements, en vertu du Pacte international relatif aux droits civils et politiques des Nations Unies, que le Canada a signé en 1976. Autrement dit, je ne m'intéresse pas seulement à nos droits de la personne établis en vertu de la Constitution canadienne, mais aussi à nos obligations à l'égard des droits de la personne à l'échelle internationale.

Je comprends bien sûr qu'on puisse limiter les droits. La question de la limitation ne me dérange pas. En fait, la limitation est même un principe reconnu dans le Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Si ce projet de loi en respecte les critères, je serai satisfait, mais il peut y avoir d'autres éléments que je ne veux pas évaluer trop rapidement.

L'honorable Richard J. Doyle: Honorables sénateurs, je crois que c'est dans les années 60 qu'Isabel Lebourdais a écrit son livre sur Steven Truscott, qui relate son procès et sa condamnation pour meurtre. Par la suite, l'affaire Steven Truscott a été réexaminée par la Cour suprême du Canada, et l'intéressé a bénéficié d'une libération anticipée. Cela n'aurait pas été possible si cette loi avait été en vigueur au Canada.

Si l'on remonte encore quelques années en arrière, pensons que M. Dreyfus serait encore en prison si telle avait été la loi en France.

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu une deuxième fois.)

Renvoi au comité

Son Honneur le Président: Quand lirons-nous ce projet de loi une troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Lewis, le projet de loi est renvoyé au comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles.)

La Sécurité et les services de renseignement

Création d'un comité spécial-Ajournement du débat

L'honorable William M. Kelly, conformément à l'avisdu 1er octobre 1997, propose:

Qu'un comité spécial du Sénat soit créé pour entendre des témoignages et étudier certaines questions concernant les opérations de renseignement de sécurité du gouvernement du Canada;

Que le comité examine dans quelle mesure les recommandations du rapport du comité spécial sur le terrorisme et la sécurité publique (juin 1987) et le rapport du comité spécial sur le terrorisme et la sécurité publique (juin 1989) ont été mises en oeuvre par le gouvernement du Canada, et fasse rapport à ce sujet;

Que le comité examine la valeur de l'examen ou du contrôle exercé par le gouvernement du Canada sur l'appareil de sécurité et de renseignement, y compris sur chacune des structures des ministères qui effectuent des opérations de sécurité et de renseignement ou qui en ont le mandat, et présente des recommandations à ce sujet;

Que le comité examine la coordination intragouvernementale et intergouvernementale liée au mandat du gouvernement du Canada en matière de renseignement et de sécurité, et présente des recommandations à ce sujet;

Que le comité examine le mandat général et la capacité générale d'évaluer les menaces de l'appareil de sécurité et de renseignement du gouvernement du Canada et des divers éléments qui le composent, et présente des recommandations à ce sujet;

Que le comité soit composé de sept sénateurs, devant être désignés à une date ultérieure;

Que le comité ait le pouvoir de faire rapport de temps à autre, de convoquer des personnes, d'exiger la production de documents et de pièces, et de faire imprimer au jour le jour les documents et témoignages qu'il juge à propos; et

Que le comité présente son rapport final au plus tardle 15 avril 1998.

-Honorables sénateurs, certains d'entre vous se souviennent peut-être qu'en 1986 et en 1989, j'ai eu l'honneur de présider deux comités spéciaux sur le terrorisme et la sécurité publique. Le rapport du premier comité a été déposé en juin 1987. Ce comité examinait une série d'organismes du gouvernement du Canada investis d'une forme de mandat de renseignement de sécurité. Il étudiait la coordination et le contrôle de ces organismes. Il portait aussi sur les grandes questions et les dangers que présentait la menace du terrorisme pour les Canadiens et les intérêts canadiens.

Le deuxième comité, formé trois ans plus tard, a essentiellement examiné la mesure dans laquelle le gouvernement a donné suite aux questions et aux recommandations formulées dans le premier rapport. Si vous le permettez, je vais présenter brièvement le contexte historique de l'établissement de ces comités et de leurs travaux.

Le Canada venait de connaître une série d'attentats terroristes au milieu des années 80. Il y avait eu des attentats terroristes au haut-commissariat des Bahamas et à l'ambassade de Turquie à Ottawa. Un diplomate truc avait été brutalement assassiné à Ottawa et on avait tenté d'assassiner un ministre du Panjab en Colombie-Britannique.

Il y avait eu un certain nombre d'incidents impliquant des groupes de défenseurs des droits des animaux, des groupes de militants anti-avortement et d'autres groupes canadiens. Il y a eu aussi le tragique écrasement d'un avion d'Air India, qui, à ce jour, reste inexpliqué.

L'objectif du premier comité était d'étudier ces incidents afin de déterminer ce qui s'était produit et pourquoi; de tenter d'évaluer la nature et l'étendue de la menace terroriste au Canada; d'évaluer notre état courant de préparation; et d'identifier les lacunes et les problèmes. Le but était d'aider le gouvernement et notre appareil de renseignement de sécurité à cesser de simplement réagir à la menace terroriste, et de prévoir davantage les attentats.

L'argument était qu'il ne fallait pas attendre que des explosions et des écrasements d'avions se produisent pour agir. Nous voulions prévoir les risques et nous préparer à l'avance.

Les membres du comité étaient très fiers de leur premier rapport. Ce dernier constitue d'ailleurs toujours une étude en profondeur de la menace terroriste qui pesait sur le Canada à cette époque. Ce rapport était visionnaire et il expliquait que nos services de renseignement de sécurité se préoccupaient à l'époque des groupes terroristes internationaux opérant à partir du Canada, mais qu'ils n'accordaient pas suffisamment d'attention à la menace que constituaient les groupes terroristes d'origine canadienne. Depuis, nous avons constaté que certains d'entre eux ont pris de l'importance.

Ce rapport a aussi été le premier à identifier et à examiner la douzaine d'organisations qui, au sein du gouvernement fédéral, exerçaient des fonctions liées au renseignement de sécurité. C'était la première fois que l'existence et le mandat de certaines de ces organisations étaient divulgués publiquement. Les auteurs du rapport ont étudié certains aspects ou problèmes qui ont eu des répercussions sur notre capacité de réagir aux incidents terroristes et aux menaces terroristes visant le Canada et les Canadiens.

Le deuxième comité a été créé à la suite du détournement d'un autocar survenu en avril 1989, qui a commencé à Montréal et qui s'est terminé ici, sur la colline du Parlement. Cet incident a illustré certains problèmes de compétence et de gestion de crise qui avaient été signalés dans le premier rapport et il nous a fait demander dans quelle mesure les réformes que nous avions proposées avaient été mises en oeuvre. Je parle ici de luttes internes.

Depuis sept ans, il n'y a eu aucun incident terroriste important au Canada. Nos organismes responsables du renseignement de sécurité, notamment le SCRS et la GRC, méritent nos félicitations pour cela. Cependant, il ne faudrait pas pour autant conclure que nous sommes à l'abri du terrorisme. Il suffit d'examiner les actes terroristes qui ont été commis ailleurs pour comprendre la nature et la gravité de cette menace.

Depuis sept ans, le monde a été victime d'importantes attaques terroristes menées contre des cibles gouvernementales et civiles. L'attentat à la bombe du World Trade Center a été l'oeuvre de militants musulmans. Ils voulaient détruire le World Trade Center, le plus grand édifice à bureaux du monde. S'ils avaient réussi, quelque 30 000 personnes auraient été tuées ou blessées, et cela aurait été l'acte terroriste le plus dévastateur à ce jour.

À Tokyo, une curieuse secte religieuse a fait exploser dans le métro, pendant les heures de pointe, des bombes contenant un gaz neurotoxique mortel; il y a aussi eu l'horrible attentat à la bombe que la milice patriotique a perpétré dans un immeuble fédéral d'Oklahoma City.

(1700)

Dans ce contexte, il est important d'examiner notre propre système du renseignement de sécurité. Notre système de sélection des immigrants n'est pas parfait et des menaces à la sécurité peuvent s'y glisser. Notre société multiculturelle est un terrain fertile pour les groupes terroristes internationaux qui veulent lever des fonds. Il arrive encore que des agents provocateurs étrangers infiltrent des groupes d'émigrés au Canada, afin de fomenter des troubles liés aux conflits dans leurs pays d'origine.

On a débattu de l'efficacité des mécanismes existants d'examen et de surveillance dans le cas d'organisations telles que le SCRS, et de la nécessité de mettre au point des mécanismes de ce genre pour d'autres organisations, dont le CST. Par contre, on n'a pas tenu compte du fait qu'une dizaine d'organisations du renseignement de sécurité fonctionnent à l'intérieur de ministères fédéraux, ou y sont affiliées, et y opèrent sans le moindre examen ou la moindre surveillance par un tiers. Il faut aussi se rappeler que la surveillance suppose au départ une décision d'aider les organisations responsables de notre sécurité à accomplir leur travail, de voir à ce qu'elles aient les ressources nécessaires pour y arriver. Trop souvent, à cause de ce que j'appellerais une mauvaise presse, la surveillance signifie «il se passe quelque chose de croche, voyons un peu ce que c'est et trouvons les coupables.» C'est très improductif.

Depuis cinq ou six ans, la contrebande d'alcool, de tabac, d'armes à feu, de drogues illégales, de cartes de crédit et d'immigrants illégaux atteint des sommets au Canada. Un nombre croissant de preuves établissent que ces éléments de contrebande sont de plus en plus contrôlées par des éléments du crime organisé, des terroristes et diverses organisations, ce qui constitue une menace à la sécurité du Canada, des Canadiens, de nos voisins et de nos alliés.

Le démantèlement de l'Union soviétique, la fin de la guerre froide et l'apparition d'un nouvel ordre mondial ont fondamentalement modifié la nature des menaces à la sécurité du Canada et du monde entier. Des armes nucléaires sortent des établissements militaires des anciens pays membres du Pacte de Varsovie, sont écoulées sur le marché international et se retrouveront bientôt - si ce n'est déjà fait - entre les mains de terroristes ou d'autres criminels. En août, la police de l'Albanie a découvert une quinzaine de missiles surface-surface et surface-air dans des tunnels près de la frontière grecque. Les autorités croient qu'on les gardait là en attendant la réception d'un paiement à la suite duquel on les aurait fait entrer clandestinement en Grèce pour les acheminer ensuite à leur destination finale.

Avant l'établissement du nouvel ordre mondial, la plupart des groupes terroristes comptaient sur l'appui de certains États. L'effondrement du parrainage par les superpuissances a forcé les groupes terroristes à chercher des fonds ailleurs. Ainsi, on assiste à une croissance marquée du narcoterrorisme, alors que les organisations terroristes collaborent avec les cartels de la drogue. Les organisations terroristes fournissent l'organisation militaire et les troupes, tandis que les cartels fournissent l'argent, et le mélange est explosif.

À la suite de la dissolution des services antisubversion au sein du bloc soviétique, un grand nombre d'espions sont sans travail. Depuis l'effondrement de l'Union soviétique et l'assouplissement idéologique de certains autres États communistes, le marxisme a cessé d'être le principal fondement idéologique du terrorisme et a été remplacé par l'intégrisme religieux et la paranoïa de l'extrême droite.

L'espionnage économique grandit de façon exponentielle alors que les pays membres de l'ancienne Union soviétique et d'autres cherchent des moyens de devancer leurs concurrents sur le plan technologique et en matière de croissance économique en piratant la technologie et d'autres secrets provenant des gouvernements et des entreprises du monde industrialisé. Nos services du renseignement doivent donc non seulement s'attaquer aux formes traditionnelles d'espionnage, mais également à ce nouveau type d'espionnage économique pernicieux et très dangereux.

Honorables sénateurs, il est temps de nous pencher à nouveau sur cette question pour voir si nous réussissons à bien prévenir les menaces à notre sécurité auxquelles nous sommes confrontés, si notre appareil de renseignement s'est ajusté au nouvel ordre de l'après-guerre froide. Il n'y a aucune raison de croire qu'il n'en est rien, mais je pense qu'il est temps pour nous de réexaminer la question. Le moment est venu de nous pencher à nouveau là-dessus pour voir si nos organismes de renseignement coordonnent leurs activités pour obtenir les meilleurs renseignements disponibles au moindre coût possible, sans chevauchement. Il faut également s'assurer que toutes les organisations qui font partie de notre appareil antisubversion respectent la vie privée des gens, ainsi que leur droit à l'application régulière de la loi et à la justice naturelle. Il faut vérifier si les luttes internes qu'on a relevées en 1987 sont maintenant choses du passé. Je n'ai aucune raison de croire que ce n'est pas le cas, mais je pense qu'il est temps de réexaminer la question et de voir aussi si nous avons bien cerné les menaces à notre sécurité et si nous sommes en mesure d'y répondre de façon efficace pour protéger les citoyens et les intérêts canadiens.

Honorables sénateurs, je vous assure que ce n'est pas une chasse aux sorcières. C'est un chemin que nous avons parcouru à deux reprises et que nous connaissons très bien. Il ne s'agit pas de partir avec l'idée en tête qu'il y a des choses à corriger. Je pense simplement que nous avons le devoir de nous assurer, comme nous l'avons déjà fait, que toutes les mesures sont bien en place pour nous garantir la sécurité à laquelle nous sommes en droit de nous attendre.

(Sur la motion du sénateur Carstairs, au nom du sénateur Hays, le débat est ajourné.)

Banques et commerce

Autorisation au comité d'examiner la situation du régime financier

L'honorable Sharon Carstairs (leader adjoint du gouvernement), au nom du sénateur Kirby et conformément à l'avis donné le 21 octobre 1997, propose:

Que le comité sénatorial permanent des banques et du commerce soit autorisé à examiner, afin d'en faire rapport, la situation actuelle du régime financier du Canada;

Que le comité soit habilité à permettre le reportage de ses délibérations publiques par les médias d'information électroniques, en dérangeant le moins possible ses travaux; et

Que le comité présente son rapport final au plus tardle 10 décembre 1998.

(La motion est adoptée.)

(Le Sénat s'ajourne à 14 heures demain.)


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