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Débats du Sénat (Hansard)

Débats du Sénat (hansard)

1re Session, 36e Législature,
Volume 137, Numéro 50

Le jeudi 26 mars 1998
L'honorable Gildas L. Molgat, Président


LE SÉNAT

Le jeudi 26 mars 1998

La séance est ouverte à 14 heures, le Président étant au fauteuil.

Prière.

[Traduction]

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

La prévention des accidents chez les enfants

L'honorable Sharon Carstairs (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd'hui pour attirer votre attention sur la publication de l'ouvrage For the Safety of Canadian Children and Youth: From Injury Data to Preventative Measures. L'objectif de ce nouveau livre publié par Santé Canada le 23 mars 1998 est de prévoir et de prévenir les accidents chez les enfants. C'est le premier ouvrage de ce genre au Canada. On trouve dans un même document des données provenant de diverses sources canadiennes sur les décès, les hospitalisations et les visites aux urgences consécutifs à des blessures ou des empoisonnements.

Honorables sénateurs, les taux de décès et d'hospitalisation chez les moins de 20 ans, en raison de blessures, sont en baisse, mais les blessures sont toujours la principale cause de mortalité dans cette classe d'âge et elles sont responsables de 17 p. 100 des hospitalisations d'enfants. De nombreuses blessures se produisent encore dans des situations considérées comme sûres. Par exemple, plus d'un cas de blessure sur cinq se produit à la maison.

La plupart des chapitres du livre ont été rédigés par des spécialistes du domaine et traitent de certains types de blessures. L'auteur présente et analyse les données sur les accidents chez les enfants. À mon avis, l'aspect le plus important de cet ouvrage est qu'il sensibilise aux causes de blessures chez les enfants en identifiant les risques et qu'il recommande des mesures pour prévenir les accidents.

Honorables sénateurs, même si ce livre est avant tout destiné aux professionnels de la prévention, les renseignements qu'il contient sont importants pour tous les Canadiens car, malheureusement, la majorité des accidents sont prévisibles et peuvent être empêchés.

Bien que la plupart d'entre nous soient à un âge où nous avons des petits-enfants plutôt que des enfants, c'est un bon livre à lire pour protéger nos petits-enfants.

M. John MacPhee

Le gagnant du prix d'excellence de YTV pour la cornemuse

L'honorable Catherine S. Callbeck: Honorables sénateurs, je tiens à signaler à la Chambre le fier exploit d'un jeune cornemuseur de l'Île-du-Prince-Édouard qui figure parmi les 16 jeunes Canadiens qui ont été récompensés lors de la neuvième cérémonie annuelle de remise des prix d'excellence de YTV. Cet insulaire est John MacPhee qui, à l'âge de 17 ans, a récolté des prix pour sa performance musicale à des concours tenus dans les Maritimes et aux États-Unis. Plus de 1 300 candidatures ont été proposées en vue de la cérémonie de remise des prix d'excellence de YTV cette année, et John est le premier cornemuseur à jamais avoir remporté ce prix.

Élève de 12e année, ce lauréat d'un prix d'excellence de YTV excelle dans la musique de cornemuse écossaise classique. De plus, il joue de la petite cornemuse des Basses-Terres d'Écosse, du saxophone alto et baryton, du flageolet et du piano, en plus de faire ses travaux scolaires et de se livrer à diverses activités parascolaires.

Honorables sénateurs, je suis fière de vous informer que ce jeune insulaire fréquente le College of Piping and Celtic Performing Arts de Summerside, à l'Île-du-Prince-Édouard, qui est dirigé par le chef d'orchestre Scott MacAulay. Cet établissement est devenu l'institut international par excellence pour ce qui est de l'étude de la grande cornemuse écossaise et des autres arts d'exécution celtiques. Il reçoit des étudiants de partout dans le monde. Chaque année, il en vient de la Nouvelle-Zélande, de Hong Kong, de Singapour, de l'Allemagne, des État-Unis et, bien entendu, de l'Écosse. Le collège a acquis une telle réputation que les enfants des anciens champions du monde d'Écosse viennent à Summerside pour y perfectionner leur art.

Honorables sénateurs, j'espère que vous voudrez bien joindre vos voix à la mienne pour féliciter John MacPhee de son prix, ainsi que Scott MacAulay, du succès du College of Piping.

Le Québec

La réduction des services de soins de santé en anglais

L'honorable Dalia Wood: Honorables sénateurs, les services de soins de santé en anglais au Québec sont de nouveau menacés. Lorsque je vous ai parlé de cette question la dernière fois, le gouvernement du Québec n'avait pas encore approuvé les plans d'accès aux services de soins de santé en anglais qui lui avaient été soumis par les conseils de santé régionaux qui se disaient inquiets du niveau des services en anglais recommandé. Beaucoup de gens prétendaient que le bilinguisme institutionnel était répandu dans les hôpitaux au Québec et que les plans d'accès allaient sérieusement compromettre la capacité des Québécois de travailler en français. Les plans ont été retournés aux conseils de santé régionaux pour qu'ils les reconsidèrent, accompagnés d'une lettre qui disait:

 

Je vous rappelle qu'une fois adoptés, les services indiqués dans votre programme deviennent un droit pour les utilisateurs anglophones.
Ce n'est pas étonnant que certains conseils se soient sentis obligés de réduire les services même si le ministre a officiellement déclaré que ce n'était pas l'intention du gouvernement du Québec.

La Gazette de Montréal d'hier nous informe que les habitants anglophones de la région de Saint-Maurice pourraient aussi voir les services en anglais réduits jusqu'à concurrence de la moitié. Compte tenu de la lettre que je vous ai lue, beaucoup d'établissements ne sont pas prêts à garantir des services en anglais.

La Gazette d'aujourd'hui nous informe que le conseil de santé de la région de Mauricie-Bois-Franc avait voté à l'unanimité de n'exiger d'aucun établissement qu'il assure des services en anglais. Les Québécois anglophones de la région devront compter sur la bonne volonté des employés pour se voir assurer des services auxquels ils ont légalement droit.

Avant l'intervention du gouvernement du Québec, 17 établissements assuraient des services en anglais dans cette région. À présent, aucun ne le fait. Les Québécois anglophones de la région de Saint-Maurice seront obligés dorénavant d'aller à Montréal, à 142 kilomètres de distance, pour se voir garantir des services dans leur langue. Tout cela parce que, aux yeux du gouvernement du Québec, le droit des gens de travailler en français l'emporte sur le droit des Québécois anglophones de recevoir des soins de santé dans leur langue. C'est totalement inacceptable.

Je demande aux sénateurs d'appuyer la requête de la minorité anglophone afin qu'on leur assure des soins de santé dans la langue qu'ils comprennent et où ils se sentent à l'aise. On ne fait pas de la politique au détriment des hôpitaux. La vie d'êtres humains est en jeu.

(1410)

Le Bluenose

Le soixante-dix-septième anniversaire de son lancement à Lunenburg, en Nouvelle-Écosse

L'honorable Wilfred P. Moore: Honorables sénateurs, j'aimerais parler d'un événement très important qui s'est produit il y a 77 ans aujourd'hui. Le 26 mars 1921, la goélette Bluenose a été mise à l'eau dans les chantiers de la Smith & Rhuland à Lunenburg, en Nouvelle-Écosse. Elle a été conçue par William J. Roué, un architecte naval autodidacte de Halifax. Elle est alors devenue une embarcation de pêche en haute mer et s'est taillé une place de choix dans notre coeur et dans le bagage historique des Canadiens, étant reconnue comme la «Reine de l'Atlantique Nord» après avoir remporté toutes les courses dans lesquelles elle a représenté le Canada contre les États-unis pour le très convoité trophée international de la pêche.

Son capitaine, Angus Walters, de Lunenburg, est entré dans la légende. J'aimerais rendre hommage au capitaine Walters et à tous les hommes qui ont navigué avec lui sur le Bluenose. L'équipage, le navire et son concepteur représentent l'excellence à la fois au niveau des études navales, de la construction maritime et du matelotage, que ce soit pour la pêche ou pour la course. Si ces hommes n'avaient pas fait ce qu'ils ont fait, la légende du Bluenose ne serait pas née et on n'aurait certainement jamais vu naître un Bluenose II.

J'aimerais mentionner tout particulièrement les membres toujours vivants de l'équipage original du Bluenose, soit: Don Bailly, le capitaine Perry Conrad, Robert Cook, Paul Crouse, Robert Crouse, le capitaine Ellswork Greek, Clement Hiltz, le capitaine Matthew Mitchell, Merrill Tanner et Paul Wentzell, tous de Lunenburg, ainsi que Harold Rafuse, de Bridgewater, Clyde Eisnor, de Mahone Bay, John Carter, de Halifax et le capitaine Claude Darrach, de Herring Cove. Ces Néo-Écossais sont vraiment des champions.

Il est également important de souligner aujourd'hui qu'au cours de l'été prochain, la Société canadienne des postes émettra un nouveau timbre en l'honneur de William J. Roué, reconnaissant ainsi son génie concepteur. La réplique du Bluenose, le Bluenose II, quittera cet été son port d'attache de Lunenburg se dirigeant vers le sud, traversera le canal de Panama et se rendra ensuite en Colombie-Britannique. Elle restera dans les eaux canadiennes de la Colombie-Britannique pendant près d'un mois, terminant ainsi sa tournée nationale d'une durée de deux ans.

En terminant, comme vous le savez, le gouvernement du Canada a annoncé la semaine dernière divers projets prévus pour célébrer le millénaire. Un de ces projets est «Grands Voiliers 2000», qui sera l'événement nautique de cette année, au Canada, alors que plus de 100 grands voiliers du monde se réuniront à Halifax, qui a toujours été un port hospitalier pour les permissionnaires. Le Bluenose II participera à cet événement qui attirera des dizaines de milliers de visiteurs en Nouvelle-Écosse. Tous les sénateurs ont, sans doute, reçu une invitation pour cet événement qui se déroulera à Halifax du 19 au 24 juillet de l'an 2000. Je vous recommande cet événement historique et je vous invite à faire vos projets de vacances dès maintenant.


Visiteurs de marque

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, je vous signale la présence à notre tribune d'un groupe d'enseignants des États-Unis qui sont en voyage d'études à Ottawa. Ces enseignants sont accompagnés par M. John Preston, du Programme des études canadiennes et de M. William Metcalfe, de l'Université du Vermont.

Bienvenue au Sénat.

Les honorables sénateurs se rappellent, sans doute, que ce groupe nous rend visite au moins une fois par année. L'hôte, cette année, est l'honorable sénateur Prud'homme, qui a suivi les traces d'un ancien sénateur qui accueillait ce groupe chaque année. Je suis très heureux qu'il soit à notre tribune également. Il s'agit de notre ancien collègue, le sénateur Heath Macquarrie.

Des voix: Bravo!

Le Sénat

Hommage à un page démissionnaire

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, je voudrais également signaler au Sénat qu'un de nos pages, Terrence Schmaltz, qui vient de la Colombie-Britannique, nous quitte aujourd'hui. C'est sa dernière journée au Sénat, du moins en tant que page. Il s'est fait engager par un sénateur.

Terrence m'a envoyé une lettre dont je vais vous lire un passage:

Enfin, je voudrais remercier tous les sénateurs et tous les employés du Sénat pour la patience et la gentillesse dont ils ont fait preuve durant mon séjour au Sénat en tant que page.

Terrence a été parmi nous pendant deux ans.


AFFAIRES COURANTES

La Loi sur les petites entreprises

Projet de loi modificatif-Rapport du comité

L'honorable Michael Kirby, président du comité sénatorial permanent des banques et du commerce, présente le rapport suivant:

Le jeudi 26 mars 1998

Le comité sénatorial permanent des banques et du commerce a l'honneur de présenter son

DIXIÈME RAPPORT

Votre comité, auquel a été déféré le projet de loi C-21, Loi modifiant la Loi sur les prêts aux petites entreprises, a, conformément à l'ordre de renvoi du mercredi 25 mars 1998, étudié ledit projet de loi et en fait maintenant rapport sans amendement.

Respectueusement soumis,

Le président,
MICHAEL KIRBY

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi une troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Carstairs, la troisième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

 

Le Budget des dépenses pour 1998-1999

Présentation du rapport provisoire sur le Budget principal des dépenses du comité des finances nationales

L'honorable Anne C. Cools: Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de présenter le quatrième rapport, qui est un rapport provisoire, du comité sénatorial permanent des finances nationales concernant l'examen du Budget principal des dépenses déposé au Parlement pour l'exercice financier se terminant le 31 mars 1999.

Je demande que le rapport soit imprimé en annexe aux Journaux du Sénat d'aujourd'hui pour qu'il fasse partie du compte rendu permanent du Sénat.

Son Honneur le Président: La permission est-elle accordée, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

(Le texte du rapport figure en annexe des Journaux du Sénat d'aujourd'hui, p. 555.)

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand étudierons-nous le rapport?

Le sénateur Cools: Honorables sénateurs, avec la permission du Sénat et nonobstant l'alinéa 58(1)g) du Règlement, je propose que le rapport soit étudié plus tard aujourd'hui.

Son Honneur le Président: Permission accordée, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

(La motion est adoptée et l'étude du rapport est inscrite à l'ordre du jour de la présente séance.)

L'ajournement

L'honorable Sharon Carstairs (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, avec la permission du Sénat et nonobstant l'alinéa 58(1)h) du Règlement, je propose:

Que, lorsque le Sénat s'ajournera aujourd'hui, ce soit à mardi prochain, le 31 mars 1998, à 14 heures.

Son Honneur le Président: La permission est-elle accordée, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

Son Honneur le Président: Plaît-il aux honorables sénateurs d'adopter la motion?

(La motion est adoptée.)


PÉRIODE DES QUESTIONS

Les pêches et les océans

L'effondrement de l'industrie de la pêche au Canada atlantique-La responsabilité des hauts fonctionnaires du ministère-La position du gouvernement

L'honorable Donald H. Oliver: Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat.

Dans son rapport, le comité sénatorial permanent des pêches recommande la mutation de hauts fonctionnaires du ministère des Pêches et des Océans à l'extérieur de ce ministère, en raison du rôle qu'ils ont joué dans l'effondrement de la pêche sur la côte est. Seuls les membres libéraux du comité n'ont pas appuyé cette recommandation.

Le leader du gouvernement au Sénat partage-t-il l'avis de ces libéraux ou appuie-t-il la recommandation du comité qui demande que ces cadres supérieurs soient mutés à l'extérieur du ministère et tenus responsables de leurs actes?

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, il ne conviendrait pas que je commente la mutation de fonctionnaires.

Le rapport du comité permanent des pêches fournira au gouvernement fédéral un outil précieux qui lui permettra de régler de nombreuses questions touchant à la pêche au Canada atlantique.

(1420)

Le sénateur Oliver: Honorables sénateurs, j'ai une question complémentaire. Les députés libéraux membres du comité ont recommandé que le ministre démontre sa volonté de restaurer la confiance entre le ministère des Pêches et des Océans et les pêcheurs. Par contre, ils s'opposent au transfert des bureaucrates. Cela veut dire qu'ils ne seront pas tenus responsables de l'effondrement des pêcheries.

Est-il plus important de protéger la carrière de quelques bureaucrates que de rendre justice aux habitants du Canada atlantique, dont la carrière a été ruinée par les mauvaises décisions de ces mêmes bureaucrates?

Le sénateur Graham: Honorables sénateurs, mon honorable ami sait que le Règlement de la Chambre des communes exige du gouvernement qu'il fournisse une réponse détaillée au rapport du comité; je suggère donc que nous attendions la réponse du gouvernement.

Les relations canado-américaines

Le harcèlement de citoyens canadiens à destination des États-Unis par des douaniers et des agents d'immigration américains-La position du gouvernement

L'honorable Norman K. Atkins: Ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. Récemment, les médias font état d'un problème inquiétant. Selon un certains nombre de plaintes, les agents américains de prédédouanement se comportent de façon agressive et brutale à l'égard des voyageurs canadiens. Les postes de prédédouanement constituent un aspect important des voyages aux États-Unis, étant donné que, dans de nombreux aéroports américains, il n'y a pas de douaniers ou d'agents d'immigrations. Néanmoins, il est inacceptable que des voyageurs canadiens soient harcelés et intimidés par des douaniers américains qui refusent de les laisser entrer, les soumettent à des fouilles à nu, leur confisquent leurs titres de voyage et leurs effets personnels et les mettent en détention sans raison valable. Il est également inacceptable que des voyageurs soient ainsi maltraités dans leur propre pays sans avoir aucun recours officiel évident.

Je demande donc au leader du gouvernement au Sénat dans quelle mesure le gouvernement surveille-t-il la situation en ce qui concerne les mauvais traitements dont peuvent être victimes les voyageurs canadiens dans les aires de prédédouanement des aéroports, et comment y réagit-il?

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je conviens avec le sénateur qu'une telle conduite est inacceptable. Le gouvernement du Canada surveille constamment ces situations. Si le sénateur Atkins a des renseignements précis à présenter au Sénat ou à porter directement à mon attention, je serais très heureux d'en faire part au ministre responsable.

Les pêches et les océans

La diminution des stocks sur la côte ouest-La fermeture possible de la pêche et une aide compensatoire aux pêcheurs-La position du gouvernement

L'honorable Gerry St. Germain: Honorables sénateurs, j'ai également une question à poser au leader du gouvernement au Sénat à l'égard de la pêche. Étant donné qu'on a récemment annoncé que, comme les stocks ne se sont pas reconstitués, la pêche au saumon sur la côte ouest est pratiquement décimée, le ministre sait-il quelles mesures correctives le ministère prendra? La côte ouest est maintenant aux prises avec une situation semblable à celle qui s'est produite sur la côte est: les fonctionnaires et tous les experts ont autorisé la poursuite de la pêche jusqu'à un tel point que tous les poissons ont disparu de la côte est.

Je ne voudrais pas être obligé de dire un jour que les sénateurs de la côte ouest n'ont pas demandé au gouvernement et aux décideurs de fermer entièrement la pêche sur la côte ouest, au besoin, pour épargner les diverses espèces qui sont gravement menacées de disparition. Ce sont le saumon coho et diverses autres espèces dont les stocks diminuent. Leur existence même est menacée en ce moment. Le ministre a-t-il des renseignements sur la situation?

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, le problème est grave sur les deux côtes du Canada.

Comme le sénateur le laisse entendre, il est bien évident que la saison 1998 sera difficile pour la pêche au saumon sur la côte ouest. Cela découle d'une survie médiocre des espèces marines, de conditions océaniques changeantes et de la diminution constante des stocks de saumon coho en Colombie-Britannique.

À cause des inquiétudes qu'inspire la conservation du saumon coho, il faudra imposer d'autres restrictions dans toutes les zones de pêche au saumon en 1998. Je ne sais pas si une interdiction systématique a été envisagée.

Le sénateur St. Germain: Honorables sénateurs, j'ai une question complémentaire à poser au ministre.

En cas d'interdiction, prévoira-t-on une aide pour le secteur des pêches du Pacifique? Offrira-t-on aux pêcheurs une aide semblable - et si possible supérieure - à celle qui a été offerte sur la côte Est? Le ministre transmettra-t-il mes préoccupations au ministre concerné et aux membres du Cabinet, de manière que certains d'entre nous soient prêts à examiner la possibilité d'une interdiction systématique, dans l'intérêt à long terme de la pêche?

Le sénateur Graham: Honorables sénateurs, pour ce qui est de l'interdiction éventuelle de la pêche, le ministre des Pêches, M. Anderson, suit de près l'ensemble de la situation. Pour ce qui est de l'aide qui pourrait être accordée, je sais aussi que le ministre du Développement des ressources humaines travaille en étroite collaboration avec le ministre des Pêches et des Océans, afin de déterminer l'aide susceptible d'être accordée aux pêcheurs des deux côtes canadiennes du fait de la situation catastrophique avec laquelle ils doivent composer.

Les affaires étrangères

Les troubles dans des villes de la Corée du Nord-Les ramifications concernant les obligations issues de traités avec la Corée du Sud-La position du gouvernement

L'honorable J. Michael Forrestall: Honorables sénateurs, j'ai moi aussi une question pour le leader du gouvernement au Sénat.

Ces dernières semaines, nous entendons de plus en plus souvent parler d'affrontements entre la police et des unités militaires dans la capitale de la Corée du Nord. De l'avis de certains, cela pourrait fort bien être le prélude à une sorte de mutinerie ou de soulèvement.

Le leader du gouvernement au Sénat peut-il nous dire si le gouvernement a pris note de cette situation et peut-être nous expliquer quelle est actuellement l'état des choses en Corée du Nord? Si je demande cela, c'est que j'ai une question complémentaire au sujet des plans d'urgence que le Canada peut avoir ou ne pas avoir.

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je peux répondre un oui catégorique à la question de mon collègue. Le gouvernement surveille de près la situation en Corée du Nord. Si je peux communiquer de nouveaux renseignements à mon collègue, je me ferai un plaisir de le faire le plus tôt possible.

Le sénateur Forrestall: Honorables sénateurs, étant donné que l'un des scénarios - peut-être le principal scénario - pour la Corée du Nord consiste à attaquer militairement la Corée du Sud, que la Corée du Sud est un important partenaire commercial du Canada et que la situation est grave dans cette péninsule, quelles sont nos obligations à l'endroit de la Corée du Sud, en vertu des traités en vigueur, advenant un conflit de ce genre, compte tenu des autres dispositions prises concernant tant la Corée du Nord que la Corée du Sud?

Le sénateur Graham: Honorables sénateurs, je ne connais pas précisément les obligations prévues dans nos traités, mais je me ferai un plaisir de fournir rapidement une réponse complète à mon collègue.

Le solliciteur général

La mort d'une mère et de son fils tués par balles par des agents de la GRC sur la réserve de la nation Tsuu T'ina, en Alberta-L'ouverture d'une enquête indépendante-La position du gouvernement

L'honorable Willie Adams: Honorables sénateurs, je veux interroger le leader du gouvernement au Sénat au sujet de l'incident qui s'est produit dans une réserve indienne qui se trouve tout près de Calgary.

Nous déplorons cet incident. Nous pensons aux autochtones et, surtout, à la mère et à son fils qui ont été tués par la GRC. D'après ce que j'en sais et ce qu'on a dit dans les médias, les autochtones aimeraient qu'on fasse une enquête indépendante. J'espère que le gouvernement appuiera l'idée d'une telle enquête au sujet de ce qui s'est produit dans cette réserve.

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je remercie le sénateur de sa question. Je suis sûr que tous les sénateurs se joignent à moi pour exprimer leur consternation et leur sympathie: nous regrettons ce qui s'est passé et nous voulons exprimer nos condoléances aux familles touchées.

Je sais que les autorités provinciales ont déjà entrepris une enquête approfondie. Quant à savoir si une enquête indépendante sera effectuée, je transmettrai à mes collègues la question soulevée par le sénateur pour déterminer si une telle enquête indépendante serait de compétence fédérale ou provinciale.


(1430)

ORDRE DU JOUR

Projet de loi sur la gestion des ressources de la vallée du Mackenzie

Deuxième lecture

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Forest, appuyée par l'honorable sénateur Fitzpatrick, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-6, Loi constituant certains offices en vue de la mise en place d'un système unifié de gestion des terres et des eaux de la vallée du Mackenzie et modifiant certaines lois en conséquence.

L'honorable Gerry St. Germain: Honorables sénateurs, je suis heureux de participer aujourd'hui au débat en deuxième lecture du projet de loi C-6, Loi sur la gestion des ressources de la vallée du Mackenzie.

L'étude à l'étape de la deuxième lecture porte sur le principe ou l'objectif général d'un projet de loi. Lorsqu'un projet de loi est adopté en deuxième lecture, c'est que nous en avons approuvé le principe. Le projet de loi C-6 est ce genre de projet de loi dont il est facile d'appuyer le principe général, mais difficile d'accepter les dispositions de mise en oeuvre du principe.

Le projet de loi C-6 a une longue histoire derrière lui. Il est le résultat de deux ententes sur la revendication territoriale globale dans les Territoires du Nord-Ouest. Le 22 avril 1992, l'ancien gouvernement progressiste-conservateur signait une entente sur la revendication territoriale globale avec le peuple Gwich'in. En septembre 1993, il signait un accord semblable avec les Déné et les Métis de la région du Sahtu. Le projet de loi dont nous sommes saisis est semblable à un projet de loi qui avait été déposé par le gouvernement précédent et qui a expiré au Feuilleton après le déclenchement des élections générales en juin 1997. Il vise à mettre en oeuvre certaines dispositions de ces accords.

Avant de poursuivre mon discours, je tiens à signaler aux honorables sénateurs et à tous les groupes qu'entendra le comité sénatorial permanent des peuples autochtones au sujet de ce projet de loi que je suis tout à fait en faveur de l'autonomie politique des autochtones. Ayant grandi à l'extérieur de Winnipeg et ayant établi des contacts dans les milieux autochtones au cours de ma carrière, je comprends aussi bien que n'importe qui la plupart des frustrations et des aspirations de la communauté autochtone du Canada.

Cela dit, je puis difficilement accorder un appui sans réserve au projet de loi C-6, par lequel le gouvernement tente de créer un paradis de la bureaucratie et du favoritisme dans l'Arctique canadien. Ce projet de loi crée quatre nouveaux tribunaux administratifs qui seront chargés de gérer la planification des eaux, des ressources et de l'utilisation des terres dans la vallée du Mackenzie.

Premièrement, le projet de loi crée un office d'aménagement territorial dans chacune des régions visées par les accords, l'accord de Gwich'in et l'accord du Sahtu. Chaque office comptera cinq membres: deux représentants des Premières nations, deux personnes nommées par le gouvernement et le président nommé par les membres. Les deux offices compteront donc quatre personnes nommées par le gouvernement, et peut-être même six.

Le projet de loi crée également l'Office des terres et des eaux de la vallée du Mackenzie, qui délivrera des permis d'utilisation des terres et des eaux à des fins d'aménagement dans la vallée du Mackenzie. Cet office pourra compter jusqu'à 17 membres, dont deux groupes permanents régionaux de cinq membres chacun dans chaque district. Au moins sept membres seront nommés par le gouvernement fédéral ou territorial.

Enfin, l'Office d'examen des répercussions environnementales comptera un minimum de sept membres et au moins la moitié seront nommés par le gouvernement. Cet office aura le pouvoir de recommander au gouvernement d'accepter, de rejeter ou de modifier les propositions de développement.

Nulle part le projet de loi ne précise les critères à employer pour nommer les membres des offices. Il n'y a pas non plus de repères pour juger des compétences de ces membres.

Honorables sénateurs, d'après ma lecture du projet de loi, les personnes ainsi nommées n'auront de compte à rendre à personne, en somme. Ce n'est pas sans rappeler l'Office d'investissement du Régime de pensions du Canada, actuellement étudié de près par le comité sénatorial permanent des banques et du commerce. Les perspectives de favoritisme dans la nomination des membres de l'Office de l'investissement sont menaçantes et elles le sont encore plus dans le cas des offices créés par le projet de loi C-6.

Je comprends la nécessité de protéger l'environnement et les écosystèmes du Nord de tout développement perturbateur ou anarchique, mais il n'est sûrement pas nécessaire de créer tous ces offices avec leur appareil bureaucratique au moment où le gouvernement et l'industrie essaient de simplifier leurs procédures. Un seul office aurait certainement suffi pour s'occuper de la planification et du développement dans la vallée du Mackenzie, un office qui aurait même pu compter un ou deux représentants de l'industrie. Cette solution aurait été plus pratique du point de vue des délais, de la prise de décisions et de la cohérence.

Un seul office chargé des fonctions de ces trois, quatre ou cinq offices pourrait fixer des critères de compétences pour les membres en fonction des tâches à accomplir. Il pourrait compter des membres représentant l'industrie, les autochtones, le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest et le gouvernement fédéral. S'il y avait un seul office, il y aurait une seule bureaucratie. Ce qu'on nous propose ici est un dédale administratif qui obligera à multiplier les demandes et les procédures. En fin de compte, cela découragera le type de développement qui créera des emplois intéressants et permanents et des débouchés pour les habitants du Nord.

Honorables sénateurs, j'ai une autre réserve bien plus importante à formuler relativement à ce projet de loi, et elle concerne le territoire auquel le projet de loi s'applique. Ce projet de loi vise à mettre en oeuvre certaines dispositions de l'accord sur les revendications territoriales globales de la nation Gwich'in. Deux groupes autochtones de cette région ont obtenu un règlement pour leurs revendications territoriales. Toutefois, d'autres revendications territoriales demeurent sans règlement. Les groupes dont les revendications territoriales n'ont pas été réglées s'inquiètent parce qu'un certain nombre de structures établies par ce projet de loi s'appliquent à leurs territoires. Je fais allusion, honorables sénateurs, aux territoires n'ayant fait l'objet d'aucun règlement jusqu'à maintenant. En fait, c'est cette application extra-territoriale du projet de loi qui a fait l'objet de la plupart des objections soulevées devant le comité permanent des affaires autochtones de la Chambre des communes.

La nation Deh Cho, dont le territoire s'étend au sud du Sahtu, a déclaré:

 

[...] nous sommes préoccupés par le fait que l'État se livre à un amalgame et veut adopter cette loi, qui a des répercussions sur notre territoire, sans l'accord de notre peuple [...]
Nous nous devons d'indiquer, pour mémoire, que nous n'avons jamais accordé notre consentement, pas plus implicite qu'effectif, à cette loi. Et nous ne consentons pas non plus à ce processus.
Le problème, c'est que l'Office des terres et des eaux de la vallée du Mackenzie, de même que l'Office d'examen des répercussions environnementales, régissent toute la vallée du Mackenzie. Cela comprend non seulement les terres du peuple Deh Cho, mais aussi celles du peuple Dogrib, des nations du traité no 8 et du peuple Inuvialuit.

La plus forte opposition à ce que leur territoire soit inclus dans l'application de ce projet de loi vient de la nation Akaitcho, Dénés, dont le territoire s'étend sur 100 000 miles carrés. Ces Dénés n'ont pas cédé leurs terres, et n'ont pas l'intention de le faire. En fait, ils ont essayé de conclure un accord de coexistence avec le gouvernement du Canada, mais n'ont pas encore réussi.

Tous les sénateurs reconnaissent la relation spéciale que les peuples autochtones entretiennent avec leur territoire. Ils estiment que la terre leur a été donnée ou confiée par le Créateur. C'est une relation que l'on ne perturbe pas à la légère, mais le projet de loi dont nous sommes saisis contrôle la planification et le développement de terres n'ayant pas fait l'objet d'un accord de revendication territoriale. Ceux d'entre nous qui ont voyagé et qui ont travaillé avec la population de cette région savent qu'on ne soulignera jamais assez l'importance de la terre pour ces peuples autochtones.

(1440)

La réponse du gouvernement, c'est que le projet de loi renferme une disposition de non-dérogation. Oui, oui. Le paragraphe 5(2) stipule que le projet de loi ne porte pas atteinte à la protection des droits existants des peuples autochtones du Canada découlant de la Constitution.

Cette disposition soulève deux inquiétudes. Premièrement, elle se trouve non pas dans la partie prescriptive du projet de loi, mais seulement dans sa partie interprétative. Deuxièmement - et c'est l'argument des Dénés -, la disposition de non-exemption ne s'applique qu'aux droits existants et, tant qu'un accord de revendication territoriale n'est pas signé, le gouvernement fédéral ne reconnaît pas ces droits.

Il doit exister une façon plus simple et moins susceptible de provoquer la confrontation de mettre en oeuvre les deux ententes dont il est question ici. Nous devrions trouver une solution qui ne compromettrait pas les droits des autochtones qui n'ont pas signé d'accord de revendication territoriale. Pour ma part, c'est l'aspect principal auquel il est nécessaire et souhaitable de s'attaquer au cours des audiences du comité chargé d'étudier ce projet de loi.

Honorables sénateurs, nous pouvons certainement envisager l'établissement d'un office de développement de la vallée du Mackenzie dans un projet de loi qui ne touche pas un autre territoire que celui qui est visé par des accords de revendication territoriale déjà conclus.

Je suis d'avis que le comité sénatorial permanent des peuples autochtones devrait prendre le temps nécessaire pour étudier à fond ce projet de loi et chasser ces inquiétudes de la manière la plus efficace et la plus rapide qui soit.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, je dois informer le Sénat que, si l'honorable sénateur Forest prend la parole maintenant, son discours aura pour effet de clore la deuxième lecture de ce projet de loi.

L'honorable Jean B. Forest: Honorables sénateurs, je remercie le sénateur St. Germain pour ses observations. Les préoccupations qu'il porte à l'attention du Sénat ont déjà été exprimées au comité établi par la Chambre des communes. Nous les avons certes examinées et je peux assurer au sénateur que nous les examinerons encore au comité sénatorial.

S'il y a deux grands conseils pour la vallée, c'est que l'un s'occupera de l'incidence environnementale et l'autre, de l'utilisation de la terre et de l'eau. Autrement dit, ils ont chacun leur fonction.

Je rappelle aussi aux sénateurs que les peuples dont les revendications territoriales n'ont pas été réglées ont le droit d'être représentés au conseil. En fait, une disposition du projet de loi prévoit d'ailleurs que, lorsque leurs revendications auront été réglées, le projet de loi pourra être rajusté en conséquence.

Honorables sénateurs, nous examinons toutes ces préoccupations. Cependant, je remercie le sénateur de les avoir portées à l'attention du Sénat et je suis sûre qu'elles seront analysées à fond au comité.

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu une deuxième fois.)

Renvoi au comité

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand lirons-nous ce projet de loi une troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Forest, le projet de loi est renvoyé au comité permanent des peuples autochtones.)

Projet de loi maritime du Canada

Deuxième lecture

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur De Bané, c.p., appuyée par l'honorable sénateur Lucier, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-9, Loi favorisant la compétitivité du réseau portuaire canadien par une rationalisation de sa gestion, prévoyant la création des administrations portuaires et l'aliénation de certains ports, régissant la commercialisation de la Voie maritime du Saint-Laurent et des traversiers et des questions connexes liées au commerce et au transport maritimes, modifiant la Loi sur le pilotage et abrogeant et modifiant certaines lois en conséquence.

L'honorable W. David Angus: Honorables sénateurs, je prends la parole pour ajouter quelques observations à celles que les sénateurs Forrestall et Bryden ont déjà faites cette semaine au sujet du projet de loi C-9.

Je voudrais lire au long le titre officiel du projet de loi car il est éloquent et révélateur. Le voici:

Loi favorisant la compétitivité du réseau portuaire canadien par une rationalisation de sa gestion, prévoyant la création des administrations portuaires et l'aliénation de certains ports, régissant la commercialisation [...]

... quoi que cela veuille dire ...

 

[...] de la Voie maritime du Saint-Laurent et des traversiers et des questions connexes liées au commerce et au transport maritimes, modifiant la Loi sur le pilotage et abrogeant et modifiant certaines lois en conséquence.
Le projet de loi succède au projet de loi C-44, qu'on a laissé mourir brusquement au Feuilleton ici au Sénat, au scandale largement répandu et exprimé dans le monde maritime canadien, lorsque le Parlement a été prorogé le 27 avril 1997 alors que le gouvernement se dépêchait - prématurément et de façon si inconvenante - de déclencher des élections avant d'avoir mené à terme, de façon responsable, l'adoption de mesures d'initiative ministérielle importantes.

Une voix: C'est honteux!

Le sénateur Angus: Cet opportunisme politique grossier de la part du dernier gouvernement libéral, s'ajoutant à la gestion maladroite et inepte de son programme législatif, a contribué à garder dans les limbes juridiques un secteur clé du monde canadien des transports maritime, dont les usagers et les exploitants des ports du Canada, de son système de pilotage et de la Voie maritime du Saint-Laurent et tous ceux qui en ont besoin, après avoir été litéralement contraints à se plier à l'ultimatum du gouvernement et de ses bureaucrates leur enjoignant de se préparer en vue de la mise en application de la nouvelle loi dès le printemps 1997.

Ces Canadiens et d'autres utilisateurs de notre réseau de transport maritime sont maintenant, une fois de plus, consternés et placés dans un vide juridique semblable. Leurs espoirs d'avoir la mesure législative de remplacement, le projet de loi C-9, en place pour l'ouverture de la Voie maritime du Saint-Laurent en 1998, qui, soit dit en passant, honorables sénateurs, a lieur aujourd'jui, ont été réduits à néant une fois de plus.

Quand le système législatif, le Parlement, laisse ainsi tomber les contribuables canadiens, cela n'améliore certes pas l'image du gouvernement ou de n'importe lequel d'entre nous en tant que législateurs. La confusion, des dépenses inutiles et importantes et l'instabilité sont des conséquences permanentes et tout à fait claires pour les gens touchés.

Essentiellement, le projet de loi C-9 renferme la mesure habilitante nécessaire pour mettre en oeuvre la politique maritime nationale qui se fait attendre depuis trop longtemps, et qui, j'ajouterais, a été généralement bien accueillie Certains d'entre vous étaient peut-être ici, il y a cinq ans, lorsque j'ai formulé mes premières observations au Sénat. Je réclamais à l'époque une politique maritime nationale pour notre pays.

Le ministre des Transports, Doug Young, a annoncée à grands bruits cette politique en décembre 1995. Comme l'ancien titre du projet de loi le laisse entendre, les éléments fondamentaux de cette politique comprennent la commercialisation - l'expression fantaisiste de Doug Young pour désigner la privatisation - la mise en place de mesures de réduction des coûts et la rationalisation des opérations des trois éléments clés de notre réseau maritime national complexe. Je veux parler du réseau portuaire, de la Voie maritime du Saint-Laurent et du système de pilotage maritime.

L'idée, si je comprends bien, est de créer quelque 15 administrations portuaires indépendantes, des APC, et de céder ou de fermer des ports qui sont coûteux et ne sont plus utiles. En plus de prévoir une restructuration en profondeur du réseau portuaire et du système qui l'alimente, chose pour laquelle je crois comprendre qu'on a déjà procédé à des préparatifs importants et à une mise en oeuvre préliminaire, le projet de loi va entraîner des changements importants au niveau de la main-d'oeuvre, des pertes d'emplois, et un changement radical de la structure des sociétés.

En ce qui concerne la Voie maritime, le projet de loi C-9 ouvrira la voie à la privatisation de son administration, de sa gestion et de ses opérations, mais non de sa propriété ou de ses principaux coûts permanents d'immobilisation, qui demeureront la responsabilité du gouvernement.

Honorables sénateurs, les dispositions de ce projet de loi qui portent sur la prétendue commercialisation de la Voie maritime du Saint-Laurent, sont importantes et d'une grande portée. Comme nous le savons tous, la Voie maritime est une grande voie navigable internationale qui a été construite dans les années 50, dans le cadre d'un merveilleux projet conjoint des gouvernements canadien et américain. Lorsqu'elle a ouvert, en 1959, on l'a présentée comme une des grandes réalisations techniques de tous les temps, rivalisant avec le canal de Panama et le canal de Suez. C'était certes un excellent exemple de l'esprit de collaboration qui marque nos relations avec nos voisins du sud.

(1450)

Je ne suis pas opposé par principe à la privatisation ou commercialisation de la partie canadienne de la Voie maritime du Saint-Laurent. Cependant, mon instinct me dit qu'une telle mesure devrait être prise en collaboration avec nos partenaires américains si l'on veut que l'opération porte fruits.

La Voie maritime a fait les manchettes ces derniers temps. Il semblerait que le gouvernement ait révisé sa politique au sujet de la Voie maritime depuis que cette mesure a été rédigée il y a deux ministres de cela. Il n'est plus aussi clair que la privatisation soit la chose à faire ni que cette méthode aurait l'appui du gouvernement.

On dit dans des journaux aussi respectables que le Wall Street Journal et d'autres du secteur maritime que les États-Unis ne sont pas en faveur de la privatisation de la partie canadienne de la Voie maritime. Je pense qu'il y a des discussions sur les objections des États-Unis et qu'un groupe de travail a été constitué pour examiner la collaboration entre les États-Unis et le Canada en ce qui concerne la Voie maritime et les Grands Lacs.

Nous devrions savoir où en sont les choses avant d'adopter le projet de loi C-9. Je suis d'accord avec le sénateur Forrestall et le sénateur Bryden que le comité sénatorial permanent des transports et des communications devrait se pencher sérieusement sur cette question.

Le système de pilotage, qui avait été totalement réorganisé il y a quelques décennies, en même temps qu'on procédait à d'autres changements, est devenu un problème épineux et excessivement coûteux, tant pour le gouvernement que pour le transport maritime, en particulier dans le Saint-Laurent et la région laurentienne.

La mesure législative proposée contient des modifications constructives et hautement souhaitables. Les retards dans la mise en oeuvre sont particulièrement frustrants pour les exploitants qui doivent composer avec la situation actuelle encore une autre saison. Cette saison s'est d'ailleurs ouverte aujourd'hui, avec le même système par trop rigide.

Par bien des aspects, le projet de loi C-9, anciennement le projet de loi C-44, plaît aux milieux maritimes des régions touchées qui l'approuvent et l'attendaient depuis longtemps. De façon générale, ce projet de loi a tendance à représenter la modernisation, le progrès et la rationalisation de lois et de règlements archaïques et dépassés qui empêchaient l'industrie maritime, une industrie importante au niveau national et international, d'être à la pointe et de fonctionner.

Honorables sénateurs, cette mesure législative pose deux problèmes. Premièrement, elle est mal conçue, elle manque d'équilibre et elle présente de grosses lacunes techniques, comme l'ont si bien fait remarquer les sénateurs Forrestall et Bryden au cours du débat de mardi. Par ailleurs, certaines de ses dispositions, notamment en ce qui concerne la Voie maritime, sont peut-être déjà dépassées et désuètes en raison du changement de politique et d'autres circonstances, comme l'attitude de nos partenaires américains sur la Voie maritime du Saint-Laurent. Deuxièmement, cette mesure législative revient pour la deuxième fois à cette Chambre, deux ans et demi après l'annonce de la «nouvelle» politique maritime nationale par Doug Young.

Le 25 avril 1997, le comité sénatorial permanent des transports et des communications faisait rapport au Sénat du projet de loi C-44, deux jours avant le déclenchement des élections. Je ne puis dire exactement combien approfondie a été l'étude en comité, mais je sais que ce projet de loi a été renvoyé à cette Chambre sans amendement le 24 avril, après que la motion du sénateur Cochrane, demandant que d'autres groupes et individus soient invités à comparaître devant le comité, ait été rejetée. Peut-être que si le Parlement avait disposé de deux ou trois jours de plus en avril dernier, peut-être que si le gouvernement avait retardé d'un tout petit peu sa honteuse tactique pré-électorale, on aurait pu éviter la colère, les protestations et la frustration exprimées par les utilisateurs à l'époque. Mais de l'eau est passée sous les ponts - ou dans la Voie maritime.

Le problème aujourd'hui est que nous faisons face à un nouveau dilemme. Augmentons-nous l'impatience et la frustration des consommateurs canadiens et des personnes touchées dans l'industrie maritime et les industries connexes en retardant encore l'adoption de ce projet de loi de sorte à pouvoir l'examiner en profondeur, tenir des audiences et des consultations qui auraient pu et auraient dû avoir lieu avant sa rédaction? Je crois comprendre qu'à ce stade, la grande majorité des personnes touchées aimeraient voir ce projet de loi adopté malgré ses lacunes et ses imperfections. C'est là un triste commentaire.

Les honorables sénateurs doivent se rappeler que le projet de loi C-9 contient des dispositions substantielles et de grande portée. C'est un projet de loi complexe. Certaines de ses dispositions ont un caractère litigieux et continuent de soulever des protestations de la part de communautés voisines, de ports régionaux et d'autres groupes qui craignent de subir des répercussions économiques négatives si le projet de loi C-9 est adopté sous sa forme actuelle. Notre dilemme est le suivant: allons-nous améliorer le projet de loi et en faire une mesure plus équilibrée, soumettant ainsi les Canadiens à des contraintes de courte durée qui déboucheront sur des avantages à long terme, ou allons-nous plutôt précipiter l'adoption du projet de loi? Il y a peut-être une autre solution.

Honorables sénateurs, il doit être bien clair pour tous que ce projet de loi répond à un besoin urgent et que de nombreux Canadiens l'attendent. Cela ne doit cependant pas nous faire oublier l'obligation qui est la nôtre de faire un examen adéquat et critique du projet de loi, ce qui veut également dire tenir des audiences, si nécessaire, et proposer des amendements constructifs et appropriés, au besoin.

Aussi, je recommande que le projet de loi C-9 soit renvoyé immédiatement au comité sénatorial permanent des transports et des communications et que nous demandions au comité de l'étudier en priorité ou de lui faire franchir toutes les étapes rapidement. Je souhaite que le comité puisse faire une étude soignée et complète du projet de loi en avril et mai, de manière à pouvoir faire rapport au Sénat et permettre au Parlement de l'adopter avant les vacances d'été.

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu une deuxième fois.)

Renvoi au comité

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi une troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Carstairs, le projet de loi est renvoyé au comité sénatorial permanent des transports et des communications.)

Projet de loi de crédits no 3 pour 1997-1998

Troisième lecture

L'honorable Anne C. Cools propose: Que le projet de loi C-33, Loi portant octroi à Sa Majesté de crédits pour l'administration publique fédérale pendant l'exercice se terminant le 31 mars 1998, soit lu une troisième fois.

(La motion est adoptée et le projet de loi, lu une troisième fois, est adopté.)

La Loi sur les télécommunications
La Loi sur la réorganisation et l'aliénation de Téléglobe Canada

Projet de loi modificatif-Troisième lecture-Motion d'amendement-Ajournement du débat

L'honorable Marie P. Poulin propose: Que le projet de loi C-17, Loi modifiant la Loi sur les télécommunications et la Loi sur la réorganisation et l'aliénation de Téléglobe Canada, soit lu une troisième fois.

- Honorables sénateurs, je suis heureuse de parrainer le projet de loi C-17. Ce projet de loi apporte à la Loi sur les télécommunications et à la Loi sur la réorganisation et l'aliénation de Téléglobe Canada des modifications qui permettront au Canada d'honorer les engagements pris par traités envers l'Organisation mondiale du commerce.

Le projet de loi C-17 modernisera le cadre législatif et réglementaire du Canada en l'adaptant aux nouvelles réalités du marché libéralisé des télécommunications mondiales.

Honorables sénateurs, ce projet de loi a fait l'objet d'un examen en profondeur du comité sénatorial permanent des transports et des communications. Le comité a constaté que l'industrie appuie fermement ce projet de loi technique qui a été bien conçu.

Honorables sénateurs, le savoir-faire de l'industrie canadienne des télécommunications de pointe place le Canada en première ligne du secteur de la technologie. Nous sommes également à l'avant-garde de la libéralisation de la concurrence. Le projet de loi nous permettra de tirer profit de nos connaissances technologiques et de trouver de nouveaux marchés. Je vous demande respectueusement d'appuyer cet important projet de loi.

L'honorable Donald H. Oliver: Honorables sénateurs, dans les observations que j'ai formulées à la Chambre à l'étape de la deuxième lecture du projet de loi C-17, j'ai exprimé mes préoccupations à l'égard de la mise en place d'un régime de licences pour les fournisseurs de services de télécommunication internationale. Le principe sous-jacent est explicité dans les articles 1, 3 et 7 où le gouvernement laisse entendre qu'il faut se protéger contre toute conduite anti-concurrentielle des monopoles étrangers de connivence avec des entreprises de revente canadiennes qui seraient leurs filiales. Les éventuels contrevenants seraient les monopoles de téléphone de pays qui ne sont pas signataires de l'Accord sur les télécommunications de base, un codicille de l'Accord général sur le commerce des services, aussi appelé GATS.

À l'époque, j'avais affirmé que la mise en place d'un régime de licences aux fournisseurs de services ne pouvait que donner lieu à une réglementation excessive et superflue qui, au mieux, créerait plus de problèmes que de solutions. Il n'y a aucune politique d'intérêt public qui puisse justifier qu'un tel régime de licences soit administré par le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes, le CRTC.

Malgré ces réticences, j'espérais qu'un examen plus approfondi à l'étape de l'étude en comité permettrait de jeter un peu plus de lumière sur les motivations qu'Industrie Canada et le CRTC dissimulent derrière le projet de loi. J'espérais également qu'à la suite de discussions franches avec le gouvernement et les intervenants de l'industrie, leurs connaissances de première main et les avis des experts atténueraient la plupart de mes préoccupations.

Je suis au regret de vous dire qu'il n'en est rien. Mes conclusions initiales n'ont pas changé. Dans l'ensemble, les explications qu'Industrie Canada, le CRTC et les représentants de l'industrie ont fournies aux audiences du comité n'étaient absolument pas satisfaisantes. Ainsi, quand on a demandé aux hauts fonctionnaires d'Industrie Canada et aux représentants du groupe Stentor si le CRTC pouvait exercer une contrôle direct sur les propriétaires d'installations et un contrôle indirect sur les entreprises de revente, relativement à toute conduite considérée anti-concurrentielle par la réglementation actuelle, la réponse a été un «oui» catégorique. Les deux parties ont toutefois nuancé leurs réponses à la suite d'un récent cas, soit l'offre de tarifs préférentiels de fin de communication faite par Hong Kong Tel à sa filiale, une entreprise de revente, offre bonifiée par rapport à celle de ses concurrents. J'ai beaucoup fait état de Hong Kong Tel à l'étape de la deuxième lecture.

Industrie Canada a déclaré que «tout le monde trouvait que le processus était long, laborieux et pas terriblement efficace». Pour sa part, le groupe Stentor a dit que dans le cadre du régime actuel imposé par le CRTC:

 

[...] toutes les entreprises dotées d'installations [...]
... se retrouveraient ...

 

[...] prises dans la situation de Hong Kong Telecommunications et seraient [...] coincées dans la prochaine. Étant donné qu'il est très difficile de s'en prendre aux revendeurs, nous sommes les joueurs qui doivent couper les liaisons à un revendeur infâme comme Hong Kong Telecommunications et cela nous pose un sérieurx problème de relations publiques.
Toutefois, honorables sénateurs, le ministère de l'Industrie et Stentor exagèrent la pertinence de l'affaire Hong Kong Tel relativement au problème de concurrence qui nous occupe. En fait, l'affaire Hong Kong Tel n'avait rien à voir avec un comportement abusif et anti-concurrentiel. Il s'agissait d'une société canadienne affiliée à une entreprise étrangère de télécommunications en position de monopole qui contournait les restrictions du CRTC en matière d'acheminement, lessquelles interdisaient aux entreprises canadiennes de télécommunications de se livrer à la concentration de leur trafic canadien en se servant des dispositifs de commutation de leurs affiliés étrangers avant de l'acheminer vers sa destination finale. C'étaient donc les restrictions en matière d'acheminement, elles-mêmes de nature anti-concurrentielles puisque entravant le transport efficace des signaux, qui étaient à l'origine du problème.

Ce qu'il faut pour régler ce problème, c'est une réglementation moindre et non plus de règlements comme le propose le projet de loi C-17. En fait, en décembre dernier, le CRTC a jugé bon de supprimer les restrictions en matière d'acheminement; il n'y aura donc plus de raison pour que ce genre de problème ré-apparaisse dans l'environnement international des télécommunications rendu concurrentiel grâce au GATS.

Quoi qu'il en soit, la lenteur avec laquelle l'affaire Hong Kong Tel a été réglée s'explique par le temps qu'a pris la phase de la communication de la preuve dans le cadre de l'enquête du CRTC, qui portait sur deux questions principales. Premièrement, qu'a fait exactement la société Hong Kong Tel? Et, deuxièmement, comment s'y est-elle prise?

Ce qui est intéressant dans le témoignage d'Industrie Canada et du CRTC devant le comité, c'est qu'ils ont négligé de nous informer que la phase de la communication de la preuve se retrouve dans tous les régimes réglementaires. Autrement dit, dans le cadre d'un régime de licences administré par le CRTC, dès réception d'une plainte de comportement anti-concurrentiel, ce dernier devra commencer son enquête en procédant à une réunion aux fins de la communication de la preuve; par conséquent, le projet de loi C-17 n'accélérera pas le processus réglementaire et le régime de licences ne présente aucun avantage par rapport au régime réglementaire actuel.

Examinons de plus près les conséquences de l'ordonnance du CRTC qui a obligé B.C. Tel à mettre un terme à la sous-location de la ligne téléphonique internationale de Téléglobe à Hong Kong Tel, mettant ainsi fin aux tarifs réduits que les consommateurs canadiens obtenaient du revendeur Hong Kong Tel. Par la suite, les consommateurs de Hong Kong Tel ont dû se rabattre sur Téléglobe ou quelque autre revendeur qui louait les installations de Téléglobe comme fournisseur de leurs services. Ces clients ont donc dû payer les tarifs téléphoniques beaucoup plus élevés qu'imposait Téléglobe, et c'est de cela dont se plaignaient les clients de Hong Kong Tel: les prix monopolistiques de Téléglobe étaient trop élevés.

Il est donc trompeur de dire que ces consommateurs étaient contrariés au sujet de la question de savoir qui fournit le service téléphonique international et comment le CRTC met fin aux services du revendeur malhonnête. Autrement dit, les Canadiens ont goûté aux fruits de la concurrence, mais leurs fonctionnaires les ont laissés tomber par la suite, car ces derniers les ont obligés à retourner à l'ère des prix monopolistiques favorisée par la réglementation du CRTC semée d'embûches.

De toute évidence, les arguments concernant une période prolongée de résolution et les dommages secondaires infligés aux propriétaires d'installations canadiennes par le cadre actuel de réglementation du CRTC sont des faux-fuyants.

Pour passer à l'applicabilité de la Loi sur la concurrence dans un dossier qui porte essentiellement sur la concurrence, on a dit au comité que la loi ne s'appliquerait pas, car cela constituerait une application extraterritoriale. Notamment, dans le cas d'un monopole étranger de services de télécommunication qui offre à son revendeur canadien affilié des taux de fin de communication favorables par rapport à ceux des concurrents, cela pourrait-il constituer une discrimination par les prix, ce qui, comme chacun le sait, est une infraction aux termes de l'alinéa 50(1)a) de la Loi sur la concurrence? Cela pourrait-il constituer un abus de position dominante, infraction aux termes des articles 78 et 79 de la Loi sur la concurrence? Et cela pourrait-il constituer des prix déraisonnablement bas, infraction criminelle prévue à l'alinéa 50(1)c) de la Loi sur la concurrence?

Ce sont là des questions que j'ai posées à bon nombre des témoins qui ont comparu devant le comité. Ils y ont répondu un «oui» sans équivoque, mais il y aurait un problème de sphère de compétence dans certaines circonstances.

Le Bureau de la concurrence a confirmé que, lorsque le Canada n'a pas conclu d'entente de coopération bilatérale avec d'autres pays sur l'application de la politique antitrust, l'application extraterritoriale de la Loi sur la concurrence est ultra vires.

Nous disposons maintenant de tous les éléments du processus de prise de décision qui a mené Industrie Canada à conclure que le régime de réglementation actuel du CRTC et la Loi sur la concurrence étaient tous les deux insuffisants pour permettre de réglementer la conduite potentiellement anticoncurrentielle des compagnies de téléphone monopolistiques étrangères opérant au Canada par l'intermédiaire d'un revendeur affilié. Le gouvernement du Canada cherche donc à établir un nouveau régime de réglementation par voie de licence pour les fournisseurs de services de télécommunication internationale.

Cependant, les calculs motivant la décision gouvernementale sur l'application appropriée de l'outil d'intervention publique sont à mon avis viciés pour deux raisons. Tout d'abord, l'analyse de rentabilité effectuée par le ministère de l'Industrie ne reconnaît pas les désavantages d'un régime de réglementation par voie de licence qui ne tient pas bien compte de ce critère par rapport à la probabilité de comportement prédateur par les compagnies étrangères de téléphone monopolistiques, probabilité d'ailleurs très faible comme l'expérience le montre. En fait, en proposant un tel régime de licence réglementaire, le gouvernement du Canada se battrait avec des fantômes, comme je l'ai déjà souligné à l'un des témoins.

(1510)

Il est clair que les fonctionnaires d'Industrie Canada n'ont pas reconnu les grands risques que comporte une guerre prédatrice et par conséquent le peu de chances qu'une telle conduite insouciante se produise dans le futur marché concurrentiel des télécommunications internationales. Il y a maintenant plus de cent ans que le Canada a adopté sa première loi antitrust et au cours de toutes ces années, seuls quelques cas de pratiques déloyales de manipulation prédatrice des prix ont été punies par les tribunaux. Ce n'est pas un hasard. Les pratiques prédatrices sont extrêmement rares sur le marché, précisément parce qu'elles comportent énormément de dangers. Ce sont des pratiques quasi suicidaires pour les entreprises en faute.

Deuxièmement, la décision d'Industrie Canada de favoriser le chevauchement du régime d'attribution de licence du CRTC découle d'une mauvaise méthodologie qui se fonde sur une analyse en vase clos de chacun des deux instruments économiques. Lorsqu'on les examine de manière isolée, le régime de réglementation actuel du CRTC et celui de la Loi sur la concurrence peuvent tous deux sembler inadéquats. Là-dessus, les intervenants de l'industrie font presque l'unanimité, mais lorsqu'on les prend comme des instruments économiques complémentaires plutôt que comme des substituts, l'organisme chargé de la réglementation et celui chargé de l'exécution de la politique sur la concurrence, appuyés par leurs cadres législatifs respectifs, suffisent à la tâche. D'ailleurs, si l'on tient compte des désavantages d'un système de licences et de la possibilité de collaboration entre le CRTC et le Bureau de la concurrence, qui devrait être plus facile aujourd'hui compte tenu de la réorganisation du bureau au sein d'Industrie Canada, il est probable qu'un cadre directeur plus cohérent, plus efficace et plus efficient émergera.

Honorables sénateurs, du côté des désavantages, disons que les systèmes de licences ont été l'outil privilégié de bien des cartels. C'est sous un régime restrictif de licences que les monopoles trouvent à faire leur miel. Même aujourd'hui, au moment où le CRTC entame ses audiences sur l'élaboration des règles d'émission des licences, Téléglobe et d'autres entreprises ont demandé qu'il y ait des rapports détaillés sur les tarifs et qu'ils soient rendus publics et soumis à l'évaluation des intervenants. Pour certains, cela semble banal, mais, pour d'autres, cette requête n'a rien d'étonnant, car le système demandé faciliterait les accords de manipulation des prix au sein de ce segment de marché.

Enfin, peu importe si la raison d'être d'un régime d'attribution de licences est excellente, elle peut être l'objet d'une subversion, puisqu'il est possible d'utiliser ce régime comme une arme stratégique pour bénéficier d'un avantage sur le marché, en faisant une allégation non fondée contre un rival important. Il serait nettement préférable pour le Canada de se passer d'un régime qui inciterait des concurrents à s'engager dans des activités pouvant leur être profitables, mais qui seraient socialement nuisibles.

Bref, la Loi sur la concurrence est la mesure d'intérêt général la plus appropriée pour s'attaquer à ces pratiques abusives et anticoncurrentielles de monopoles qui existent dans des pays avec lesquels le Canada a conclu un accord bilatéral de collaboration antitrust. En ce qui concerne les monopoles des autres pays, le régime de réglementation actuel suffirait, s'il permettait aux télécommunicateurs propriétaires des installations d'interrompre le service au revendeur canadien affilié à un monopole étranger. C'est précisément ce qui s'est produit dans le cas de Hong Kong Tel.

Cet encadrement permettrait le passage sans problème d'un monopole à un environnement concurrentiel. Le régime de réglementation existant est donc le système le plus efficace, comme l'a expliqué le représentant du groupe Stentor qui a témoigné devant le comité en disant:

 

J'aimerais aborder le concept de l'attribution de licences aux entreprises de télécommunications. Même s'il s'agit d'un concept très répandu dans le monde, l'attribution de licences est un phénomène relativement nouveau au Canada. Il est vrai que, dans sa première version déposée à la Chambre des communes, l'avant-projet de la Loi sur les télécommunications envisageait un régime d'attribution de licences. Mais on a eu la sagesse, à notre avis, de retirer ces dispositions du projet de loi en faveur d'une substitution de l'autorité directe sur les entreprises canadiennes de télécommunications. L'autorité directe conférée au Conseil de rendre des ordonnances à l'endroit des fournisseurs de services de télécommunications est une mesure efficace, peu coûteuse et dont les délais d'exécution sont rapides. Cette mesure constitue un instrument propre à rendre des ordonnances bien adaptées aux circonstances particulières s'appliquant à un fournisseur de services donné.
Ainsi, les outils et les recours accordés au Bureau de la concurrence, tel qu'énoncé dans la Loi sur la concurrence, et au CRTC, tel qu'énoncé dans la Loi sur les télécommunications, sont tout ce qu'il faut pour remédier à ce qui est essentiellement un problème du domaine de la concurrence pendant la période de transition du monopole à la concurrence.

Comme le groupe Stentor l'a clairement reconnu aux audiences du comité:

M. Mulder: Il est vrai, comme vous le dites, que les règlements visant l'industrie peuvent, avec le temps, être intégrés à une loi sur la concurrence d'application générale. Cela fait partie du processus et nous l'acceptons. Reste à savoir quand et en vertu de quelles règles [...]

 

De manière générale, la meilleure chose à faire, c'est d'utiliser l'organisme de réglementation actuel qui comprend bien l'industrie et qui peut y intervenir sans délai [...] Avec le temps, ces questions devraient être réglées à l'échelle nationale et internationale en vertu de la Loi sur la concurrence, comme on le fait dans le secteur de l'énergie ou des transports ou dans tout autre secteur de l'économie.
Honorables sénateurs, en insistant sur le nouveau régime de réglementation et de délivrance de licences, Industrie Canada ne fait que se battre contre des fantômes. Le régime de licences proposé est excessif et redondant.

Motion d'amendement

L'honorable Donald H. Oliver: Par conséquent, je propose, honorables sénateurs, que l'on modifie le projet de loi C-17 en supprimant ses articles 1, 3 et 7 pour que le reste de ce dernier passe rapidement à la sanction royale.

Les amendements se lisent comme suit:

 

Que le projet de loi C-17, soit modifié:
1. à l'article 1,
a) à la page 1, par la suppression des lignes 4 à 12;
b) aux pages 1 à 12, par la substitution, aux numéros d'article 2 à 24, de ceux d'article 1 à 23 respectivement et par le changement des renvois qui en découlent.
2. à l'article 3,
a) à la page 1, par la suppression des lignes 22 et 23;
b) à la page 2:
(i) par la suppression de l'intertitre précédant la ligne 1,
(ii) par la suppression des lignes 1 à 42;
c) à la page 3, par la suppression des lignes 1 à 15;
d) aux pages 3 à 12, par la substitution, aux numéros d'article 4 à 24, de ceux d'article 3 à 23 respectivement et par le changement des renvois qui en découlent.
3. à l'article 6, page 4, par la substitution, aux lignes 32 et 33, de ce qui suit:
«46.5 (1) Le Conseil peut enjoindre à toute personne qui fournit des services de télécommunication de base».

 

4. à l'article 7,
a) à la page 5, par la suppression des lignes 7 à 16;
b) aux pages 5 à 12, par la substitution, aux numéros d'article 8 à 24, de ceux d'article 7 à 23 respectivement et par le changement des renvois qui en découlent.
(Sur la motion du sénateur Carstairs, le débat est ajourné.)

Le Budget des dépenses pour 1998-1999

Présentation du rapport provisoire sur le Budget principal des dépenses du comité des finances nationales

Le Sénat passe à l'étude du quatrième rapport, un rapport provisoire, du comité sénatorial permanent des finances nationales concernant l'examen du Budget principal des dépenses déposé au Parlement pour l'exercice se terminant le 31 mars 1999.

L'honorable Anne C. Cools propose: Que le rapport soit adopté.

- Honorables sénateurs, je voudrais remercier les sénateurs d'en face d'avoir donné le consentement unanime pour l'étude de ce rapport aujourd'hui.

Comme les députés le savent, c'est un rapport provisoire, mais il n'en est pas moins approfondi. Il vise à faciliter l'étude du projet de loi C-34 et à accorder des crédits provisoires au gouvernement. Le comité poursuivra son examen du Budget principal des dépenses dans les semaines qui viennent et en fera rapport au Sénat.

(La motion est adoptée, et le rapport est adopté.)

Projet de loi de crédits no 1 pour 1998-1999

Deuxième lecture

L'honorable Anne C. Cools propose: Que le projet de loi C-34, Loi portant octroi à Sa Majesté de crédits pour l'administration publique fédérale pendant l'exercice se terminant le 31 mars 1999, soit maintenant lu une deuxième fois.

- Honorables sénateurs, je prends la parole à l'étape de la deuxième lecture du projet de loi C-34, Loi portant octroi à Sa Majesté de crédits pour l'administration publique fédérale pendant l'exercice se terminant le 31 mars 1999. Quand il aura eu la sanction royale, le projet de loi C-34 sera connu sous le nom de Loi de crédits no 1 pour 1998-1999. On le qualifie aussi de projet de loi de crédits provisoires. Il permet l'obtention de crédits pour le premier trimestre de l'exercice financier qui commence, c'est-à-dire pour avril, mai et juin 1998.

Honorables sénateurs, le Budget principal des dépenses fait état des dépenses que le gouvernement se propose de faire au cours de l'exercice financier 1998-1999, qui commencera dans quelques jours, soit le 1er avril 1998. Le Budget principal des dépenses de 1998-1999 a été présenté à l'autre endroit le 26 février. Il a ensuite été présenté à notre Chambre le 18 mars 1998. Il a été renvoyé au comité sénatorial permanent des finances nationales. Notre comité s'est réuni le 25 mars 1998 pour l'étudier. Dans le cadre de cette étude, notre comité a entendu M. Ovid Jackson, secrétaire parlementaire du président du Conseil du Trésor. M. Jackson était accompagné de fonctionnaires du Secrétariat du Conseil du Trésor. Ensemble, ils ont répondu aux questions des sénateurs siégeant au comité. Le comité a adopté un rapport provisoire, que le Sénat a adopté il y a un moment.

Honorables sénateurs, le gouvernement tâche d'améliorer la qualité de l'information fournie au Parlement dans les documents budgétaires. Le processus budgétaire permet d'obtenir une information plus détaillée au sujet des dépenses que le gouvernement projette d'engager. Il permet aussi de vérifier à quel point le gouvernement a respecté ses prévisions.

Honorables sénateurs, le Budget principal des dépenses se divise en quatre parties, intitulées I, II, III et IV. La partie I donne un aperçu général des dépenses fédérales. C'est un sommaire des principaux éléments du Budget principal des dépenses. La partie II, surnommée «livre bleu», est un document à l'appui de la Loi de crédits. On y énumère en détail les ressources dont chaque ministère et organisme aura besoin au cours de l'exercice. On y précise aussi les pouvoirs de dépenser et les sommes à prévoir aux fins des crédits. Pour le nouvel exercice financier 1998-1999, la partie I et la partie II sont réunies en un seul volume. La partie III est constituée de 80 volumes où sont exposés les plans de dépenses de chacun des ministères et organismes du gouvernement fédéral. Ces volumes seront disponibles d'ici la fin du mois. La partie IV du Budget principal des dépenses sera disponible à l'automne et décrira les résultats obtenus en regard des prévisions énoncées dans la partie III.

Honorables sénateurs, depuis 1993, le gouvernement a exercé une discipline louable pour contrôler les dépenses fédérales. Cela a eu pour résultat de créer un gouvernement fédéral plus efficace, qui réussit mieux à fournir des services de qualité aux Canadiens. Les dépenses du gouvernement fédéral, en proportion du produit intérieur brut, ont été réduites de 16,6 p. 100 en 1993-1994 à 12,4 p. 100 en 1997-1998. En somme, les dépenses du gouvernement fédéral reviennent à ce qu'elles étaient pendant la période d'après-guerre des années 40.

Honorables sénateurs, le budget de février 1998 du ministre Paul Martin prévoit des dépenses de 148 milliards de dollars. De ce total, 43,5 milliards seront consacrées au service de la dette publique, soit une diminution de 2,5 milliards par rapport aux prévisions de 46 milliards de l'année dernière, et 104,5 milliards iront aux dépenses de programmes, dont 103 milliards, ou 71 p. 100, serviront aux dépenses législatives. Les trois ministères les plus importants quant aux prévisions de dépenses sont le ministère des Finances, avec 62,8 milliards; le ministère du Développement des ressources humaines, avec 25,3 milliards; et le ministère de la Défense nationale, avec 9,4 milliards.

Le gouvernement a introduit dans la fonction publique un profond changement culturel, dont l'implantation prendra plusieurs années, afin de moderniser la fonction de contrôleur. Cela est essentiel pour l'efficacité de la fonction publique et l'obligation du gouvernement de rendre des comptes au Parlement. Le gouvernement transforme la fonction de contrôleur, d'étroite et spécialisée qu'elle était, en une fonction qui cherche à intégrer l'information financière et non financière sur le rendement. La fonction moderne de contrôleur mettra l'accent sur les résultats, la responsabilité et la gestion du risque. Au cours des dernières années, le gouvernement a modifié le rôle de la fonction publique. En même temps, plusieurs initiatives nouvelles appuieront le personnel dynamique, motivé et flexible qui constituera la fonction publique de demain. Le nouveau Système de classification universelle au sein de la fonction publique donnera une mobilité accrue aux fonctionnaires, réduira les coûts et simplifiera les systèmes de rémunération et de dotation en personnel. Le secrétaire parlementaire du président du Conseil du Trésor nous a dit que la négociation collective est une composante importante de l'arsenal gouvernemental pour favoriser de bonnes relations de travail. Il nous a dit que le gouvernement avait déjà signé sept conventions collectives.

Honorables sénateurs, Le projet de loi C-34 dont vous êtes aujourd'hui saisis et qui est connu sous le nom de projet de loi de crédits provisoires vise à autoriser le gouvernement à dépenser 14,7 milliards de dollars entre le 1er avril et le 30 juin 1998. Le projet de loi C-34 vise à demander au Parlement de nouveaux fonds pour couvrir les dépenses gouvernementales, y compris mais pas seulement les dépenses liées à la tempête de verglas de 1998 et aux problèmes informatiques que pose l'an 2000. Le niveau des dépenses gouvernementales prévues pour l'année d'après est moins élevé que ce qui avait été prévu en avril dernier pour l'exercice se terminant le 31 mars 1998. Le gouvernement se montre encore résolu à contenir les dépenses publiques en réduisant deux années de suite le coût du gouvernement. De tels efforts sont dignes non seulement de notre approbation et de notre appui, mais encore de nos éloges. Encore une fois, je tiens à remercier le ministre Paul Martin pour son excellente gestion financière.

Honorables sénateurs, le nouvel exercice financier débutera dans quelques jours. Comme nous étions assujettis à une nouvelle contrainte de temps, nous avons eu très peu de temps pour examiner le projet de loi C-34. L'adoption du projet de loi C-34, du projet de loi de crédits provisoires, est nécessaire à la poursuite des affaires du gouvernement. Toutefois, le comité sénatorial des finances nationales va continuer d'étudier et d'examiner le Budget principal des dépenses dans les prochaines semaines et vous fera rapport de ses conclusions. Je remercie tous les membres des deux côtés de notre comité d'avoir appuyé ce projet de loi de crédits provisoires.

Honorables sénateurs, je vous exhorte à adopter le projet de loi C-34.

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu une deuxième fois.)

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand lirons-nous ce projet de loi une troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Cools, la troisième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

Projet de loi sur la responsabilité de l'industrie du tabac

Deuxième lecture-suspension du débat dans l'attente de la décision du Président-Recours au règlement-Report du débat

L'ordre du jour appelle:

Motion de l'honorable sénateur Kenny, appuyée par l'honorable sénateur Nolin, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-13, Loi constituant la Fondation canadienne de responsabilité sociale de l'industrie du tabac et instituant un prélèvement sur cette industrie.-(Décision du Président)

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, cette affaire est inscrite à mon nom dans l'attente d'une décision. Hier, on m'a demandé si j'étais disposé à entendre de nouveaux exposés à ce sujet et, avec l'accord du Sénat, j'ai accepté.

Le sénateur Cools a dit souhaiter intervenir, et je suis disposé à l'entendre maintenant, avec la permission du Sénat. J'ajoute cependant que je voudrais rendre ma décision la semaine prochaine, parce qu'il y aura ensuite un ajournement de deux semaines. Je veux bien entendre d'autres points de vue, mais je devrai mettre le point final à un moment donné pour pouvoir achever la préparation de ma décision.

L'honorable Anne C. Cools: Votre Honneur, je n'ai presque rien entendu de ce que vous avez dit, mais je crois comprendre que vous êtes prêt à entendre de nouvelles interventions et de nouveaux échanges au sujet du projet de loi du sénateur Kenny.

(1530)

Son Honneur le Président: Avec l'accord du Sénat.

Le sénateur Cools: Vous voulez dire dès maintenant et non plus tard? Je voudrais bien parler de la question, mais il m'est impossible de le faire aujourd'hui.

Son Honneur le Président: Je voudrais rendre ma décision la semaine prochaine, comme je dois le faire en toute justice pour le Sénat. L'affaire est en délibéré depuis un bon moment. La semaine prochaine, il y aura un ajournement de deux semaines. Je suis prêt à entendre des interventions maintenant, mais certainement pas plus tard que mardi prochain, ce qui me laisserait mercredi et jeudi pour terminer ma décision.

Le sénateur Cools: Votre Honneur, je vous remercie de votre considération et de l'occasion qui m'est offerte. Malheureusement, je serai en déplacement avec le comité mixte spécial sur la garde et le droit de visite des enfants la semaine prochaine. Je suis sûre que les sénateurs auraient été d'accord, mais je ne pourrai pas prendre la parole la semaine prochaine. Je comprends par ailleurs l'urgence de la décision. À regret, je renonce à intervenir.

Son Honneur le Président: L'affaire reste donc inscrite à mon nom, et j'espère pouvoir me prononcer mercredi ou jeudi prochain.

(Le débat est reporté.)

Le Code criminel

Projet de loi modificatif-Deuxième lecture-Ajournement du débat

L'honorable Anne C. Cools propose: Que le projet de loi S-12, Loi modifiant le Code criminel (détournement de la justice), soit lu une deuxième fois.

- Honorables sénateurs, je prends la parole à l'étape de la deuxième lecture du projet de loi S-12 que j'ai présenté et qui s'intitule Loi modifiant le Code criminel (détournement de la justice). Le projet de loi S-12 correspond au projet de loi S-4 qui avait été présenté lors de la dernière législature, qui avait été adopté à l'unanimité à l'étape de la deuxième lecture et qui était examiné par un comité au moment de la dissolution du Parlement en avril dernier, en vue des élections fédérales. Le projet de loi S-12 propose de modifier la partie IV du Code criminel du Canada, intitulée: «Infractions contre l'application de la loi et l'administration de la justice», de manière à ce que se rende coupable d'une infraction l'avocat qui, dans une procédure judiciaire:

a) hors de la présence du tribunal, fait une déclaration publique qu'il sait fausse ou dont il a omis, par des précautions raisonnables, de vérifier la fausseté;

b) engage ou poursuit des procédures qu'il sait principalement motivées par le souci d'intimider ou de léser un tiers;

c) trompe sciemment le tribunal ou participe à un tel agissement, ou encore invoque des documents faux, trompeurs, exagérés ou incendiaires.

Honorables sénateurs, le projet de loi S-12 est la solution parlementaire que je propose pour dissiper les ténèbres dans lesquelles nous avons été précipités dernièrement. Je veux parler plus précisément des méfaits, des tromperies et des fraudes dont ont été victimes les tribunaux parce que certains avocats ont recours à de fausses allégations dans le cadre de procédures judiciaires. Certains avocats se rendent coupables de méfaits lorsqu'il ont recours à de fausses allégations pour léser quelqu'un en vue d'en tirer un avantage pour leurs clients dans le cadre d'un litige et lorsqu'ils se prévalent de leurs privilèges à titre d'avocat pour se soustraire à toute poursuite civile ou pénale.

Il arrive souvent que la fausse allégation prenne la forme d'une fausse accusation d'agression sexuelle à l'endroit d'un enfant lorsqu'un parent allègue faussement que l'autre a agressé sexuellement leur enfant. Dans une affaire qui est survenue en Ontario et qui mettait en cause un ministre anglican, le révérend Dorian Baxter, le juge Somers a dit que le recours à de fausses accusations était l'arme par excellence dans les procédures visant l'obtention de la garde d'un enfant.

Mon projet de loi S-12 a été inspiré par le comportement douteux de certains avocats et par l'indécision du Barreau qui hésitait à s'attaquer au problème. Le projet de loi S-12 se veut une réponse à l'arrêt que la Cour suprême du Canada a rendu dans l'affaire Casey Hill c. Église de scientologie de Toronto. Inquiète de cet arrêt et de l'arrêt concernant révérend Baxter, j'ai étudié attentivement la question et, avec le concours du meilleur rédacteur-légiste de notre pays, j'ai rédigé mon propre projet de loi. J'ai déjà à maintes occasions abordé ces questions au Sénat, notamment le 13 juillet 1995, lorsque j'ai commenté le rapport intitulé: «Ontario Civil Justice Review» portant sur l'arrêt concernant le révérend Baxter, le 23 novembre 1995, lorsque j'ai traité de l'arrêt Hill c. Scientologie, le 26 mars 1996, de même que le 28 octobre 1996, lorsque j'ai abordé le projet de loi S-4.

Le projet de loi S-12 a trait essentiellement au déroulement des procédures judiciaires et au comportement de certains avocats qui abusent du système. Il soulève de grandes questions. Premièrement, le code de conduite des avocats, leur comportement professionnel et le devoir qui leur est fait, en tant qu'auxiliaires de la justice, de respecter les principes de l'intégrité, de la vérité et de la justice elle-même. Deuxièmement, l'obligation du Parlement envers les tribunaux et les juges de les protéger contre les propos mensongers, les déclarations trompeuses, l'utilisation de faux-fuyants et la subornation de témoins qui pourraient entacher les procédures judiciaires. Le Parlement doit respecter le principe qui sous-tend l'administration de la justice, c'est-à-dire la vérité elle-même. Il doit établir que la production de documents trompeurs ou frauduleux n'entre pas dans le mandat d'un avocat et que les avocats ont le devoir de respecter les principes de vérité et d'intégrité devant les tribunaux. Je renvoie les sénateurs à un article fort à propos, publié en 1997 par l'avocat Marvin Huberman dans le volume 76 de la Revue du Barreau canadien et intitulé: «Integrity Testing for Lawyers: Is It Time?». Me Huberman écrit:

 

Cela ne veut pas dire qu'il ne s'agit que d'un problème de perception. Le comportement professionnel des avocats pose problème, et la situation peut être liée à un problème fondamental d'intégrité. Un examen du recueil des décisions disciplinaires du Barreau suffit pour constater l'étendue des problèmes.
Il conclut en disant:

 

De toute évidence, il faut faire quelque chose pour rehausser l'image des avocats. La vérification de l'intégrité pourrait être utile à cette fin. Elle pourrait servir à déterminer les avocats qui ont des lacunes dans ce domaine.
Un peu partout au pays, les gens pensent que la magistrature et le Barreau doivent faire quelque chose pour améliorer le déroulement des procès et les pratiques de certains avocats.

Honorables sénateurs, j'ai déjà cité dans des discours le rapport d'examen de la justice civile en Ontario, réalisé en 1995 par le juge Blair, concernant les mensonges rencontrés dans les causes de droit familial et la crise que traverse le système de justice civile en Ontario. J'ajoute à cela le rapport du groupe de travail chargé de l'examen de la justice civile au Manitoba, publié en 1996. Mis sur pied par Rosemary Vodrey, alors ministre de la Justice du Manitoba, et présidé par David Newman, député à l'Assemblée législative du Manitoba, ce groupe de travail rassemblait les juges de la Cour du Manitoba Guy Kroft, Gerald Mercier et Jeffrey Oliphant. Le chapitre 3 de ce rapport, intitulé: «La Division de la famille de la Cour du Banc de la Reine», traitait du recours à de fausses accusations dans des procès civils. On y lit ceci:

 

Le groupe de travail a entendu des histoires d'horreur à propos des conséquences traumatisantes pour l'accusé, la famille immédiate et les enfants qui étaient victimes de fausses allégations malveillantes formulées par un parent uniquement pour obtenir la garde exclusive de l'enfant ou encore l'abolition ou la réduction du droit de visite de l'autre parent, ou simplement pour punir l'autre parent.
Plus loin:

 

Quand on découvre que de fausses allégations ont été formulées, il faut imposer des sanctions sévères et efficaces pour décourager cette conduite. [...] Bien sûr, les avocats ne doivent jamais aider leurs clients à faire de fausses allégations et devraient être sur leurs gardes pour ne pas être dupes des clients peu scrupuleux et pour éviter de devenir l'instrument de telles manoeuvres.
Ce phénomène qui consiste à utiliser agressivement l'arme préférée au cours des procès en matière de garde d'enfants est bien documenté. Ce phénomène est l'oeuvre du diable en personne. Le parent terrorisé par de fausses allégations d'exploitation sexuelle des enfants ou accusé d'avoir commis à l'endroit des enfants quelque acte terrible et répugnant restera profondément marqué par une telle accusation. De fausses accusations sont utilisées par un parent pour blesser et détruire l'autre parent sur le plan émotif, afin de briser sa relation avec l'enfant. Cette technique est surtout utilisée dans les procès civils, parce que la norme de preuve y est moins sévère qu'au criminel. C'est une toute nouvelle découverte au nombre des formes de violence et de mauvais traitement à l'égard des enfants. C'est aussi la dernière vague en matière de violence et de harcèlement au civil - se servir des tribunaux pour causer du tort à l'adversaire dans les procès civils.

Aujourd'hui, je ne peux pas traiter de l'énorme fardeau financier que nos concitoyens assument personnellement et que nous assumons collectivement par l'intermédiaire du Trésor public, ni des conséquences émotives et psychologiques pour les victimes, surtout les enfants, mais ces conséquences sont énormes, de même que les conséquences sociales.

J'avais cité dans des discours précédents des jugements et des juges. J'avais cité les juges dans l'arrêt B(D) and B(R) and B(M) c. Children's Aid Society of Durham Region and Marion Van den Boomen de 1994, en Ontario, concernant le révérend Baxter; l'arrêt Lin c. Lin de 1992, en Colombie-Britannique; l'arrêt Plesh c. Plesh de 1992, au Manitoba; l'arrêt Paterson c. Paterson de 1994, en Saskatchewan, et l'arrêt Allen c. Grenier de 1996, en Ontario.

(154)

Voici d'autres cas de fausses accusations de sévices sexuels envers des enfants. Dans l'affaire Pott c. Pott, dont la Cour du Banc de la Reine du Manitoba a été saisie en 1997, le juge Jewers a statué ce qui suit:

Dans tous les cas, rien ne permet de conclure, même en appliquant la norme de preuve moins stricte en matière civile, que le père ait jamais commis des sévices sexuels contre sa fille Cheryl.

Il s'agit d'un autre cas de fausses accusations multiples et à répétition. Le juge Jewers ajoute:

La mère, qui avait subi ou prétendument subi des sévices sexuels, avait à diverses reprises accusé son père, un frère et une soeur de l'avoir agressée sexuellement [...]. Elle avait présenté à la police de la ville de Winnipeg sept plaintes d'agression sexuelle impliquant quelque 11 personnes, dont une seule a été poursuivie et acquittée.

Le juge Jewers déclare également:

Compte tenu des antécédents sexuels de la mère et du fait que le premier cas d'agression a été divulgué dans un contexte de conflits conjugaux constants entre la mère et le père, on ne peut exclure la possibilité que la mère ait influencé Cheryl, directement ou indirectement, pour qu'elle accuse son père d'agression à son endroit.

Honorables sénateurs, je précise que les affaires que je vais citer utilisent les initiales des noms des enfants en cause, afin de les protéger. Je vais maintenant parler de l'affaire P.(G.L.) c. P.(J.M.) portée devant la Cour suprême de la Colombie-Britannique en 1990. Dans son jugement, le juge Rowles déclarait ce qui suit:

Avant que la date du procès ait été fixée, la mère avait fait des allégations d'agressions sexuelle et physique du père à l'endroit de ses enfants.

Le père est G.L.P. et la mère J.M.P.

 

G.L.P. a obtenu un droit de visite sous surveillance. Deux psychologues ont observé le père quand il se trouvait avec les enfants.
Le juge Rowles ajoute:

D'après son témoignage à l'audience pour examiner le droit de visite, il m'a semblé que J.M.P. était soit obsédée par l'idée que G.L.P. agressait ses garçons ou, pour une raison ou l'autre, qu'elle était déterminée à empêcher G.L.P. de voir ses enfants.

L'attitude de la mère, notamment au sujet du droit de visite de G.L.P., peut constituer un grave risque de préjudice affectif pour les garçons, en particulier le plus âgé.

Honorables sénateurs, l'affaire suivante est l'affaire L.B. c. R.D, portée devant la Division provinciale de la Cour de justice de l'Ontario, dans laquelle le juge Patrick Dunn a déclaré ce qui suit:

L'opposition de Mme L.B. au sujet du droit de visite est également survenue dans un contexte d'allégations d'agression sexuelle qu'elle avait faites à l'endroit de M. R.D. en novembre 1995 et de nouveau en mars 1996. La Société d'aide à l'enfance a enquêté au sujet des deux allégations et a conclu qu'aucune ne pouvait être vérifiée.

Le juge Dunn ajoute:

 

[...] L.B. a tenu un langage obscur; elle a mal interprété les faits et a même tenté de tromper la police... L.B. a paru présenter un témoignage tout à fait intéressé, manipulateur et visant à discréditer R.D. et ses qualités de parent et de personne [...]
Une autre atteinte sérieuse à la crédibilité de L.B. est survenue après qu'elle eut signé une fausse déclaration le 5 janvier 1995 [...]. Cette déclaration était censée venir de N.T., la mère de L.B [...]. Dans sa déposition, L.B. a admis qu'elle avait elle-même rédigé et signé la lettre à la place de sa mère.

Le juge Dunn a conclu:

L.B. s'est fait justice elle-même en refusant sans cesse l'accès. Ce faisant, elle a privé son enfant d'un droit que cet enfant avait de garder le contact avec son père. [...] Son mépris du processus juridique et son mépris de la nécessité pour cet enfant de voir son père méritent d'être punis.

À la suite de 41 refus d'accès et violations répétées des ordonnances de la Cour, et pour d'autres raisons qu'il a énumérées dans son jugement, le juge Patrick Dunn a condamné la mère de l'enfant, Lisa Barbosa, à 60 jours de prison pour outrage au tribunal.

Honorables sénateurs, je passe maintenant à l'affaire Martha Metzner c. Louis Metzner, une affaire jugée, en 1993, par la Cour suprême de la Colombie-Britannique. Il s'agissait de fausses allégations non pas d'agression sexuelle contre un enfant, mais de mauvais traitements infligés à un enfant. Le juge Preston a déclaré:

Depuis qu'elle a décidé de quitter son mari, Mme Metzner a utilisé de façon inappropriée son contrôle sur Kate et Jamie à ses propres fins dans le cadre de ce litige. Cela a été particulièrement évident dans le cas de Kate, lorsqu'elle a prétendu que M. Metzner avait infligé des mauvais traitements à Kate, pour faire en sorte qu'il soit forcé de quitter le domicile conjugal...

Le juge Preston a poursuivi ainsi:

Le sergent Armstrong, du Service de police de West Vancouver a interrogé Mme Metzner le 8 janvier 1990. Les notes du policier montrent qu'elle lui a dit qu'il n'y avait pas eu de violence dans le passé et que M. Metzner n'avait jamais frappé ni elle ni les enfants. Il a également noté dans son journal: «Martha a déclaré que son avocat lui avait dit que ce serait suffisant pour le faire sortir de la maison, car il refusait de partir.»

En 1997, à la Cour d'appel de la Colombie-Britannique, le juge McEachern a cité le juge Preston, en déclarant:

«Le juge a précisé qu'il a été frappé de voir jusqu'où elle était prête à aller pour nuire à la réputation de son mari et que, selon lui, il est probable qu'elle continue d'essayer d'empêcher les enfants d'avoir accès à leur père et de miner leurs relations avec lui si elle le peut.» La manifestation la plus évidente de cette attitude de la part de l'épouse était l'incident Kate mentionné par le juge qui présidait la cause, lorsqu'elle a persuadé Kate de faire de fausses allégations, sur lesquelles elle est revenue plus tard, selon lesquelles son père lui avait infligé des mauvais traitements.

Honorables sénateurs, au coeur du problème, il y a la mauvaise utilisation de l'immunité accordée aux avocats en tant qu'auxiliaires de la justice. Cette immunité, absolue ou relative, y compris en ce qui concerne les relations entre l'avocat et son client, protège les avocats contre des poursuites criminelles et civiles pour des déclarations non assermentées faites dans le cadre des délibérations du tribunal et dans des documents judiciaires.

Cette immunité découle de la prérogative de Sa Majesté et elle est accordée aux avocats lorsqu'ils sont admis par Sa Majesté en tant qu'auxiliaires de la justice. Cette immunité n'appartient pas en propre aux intéressés. Les auxiliaires de la justice détiennent ces privilèges en fiducie de Sa Majesté. La souveraine leur accorde cela pour servir l'intérêt public dans le domaine de la justice. Ce privilège fait partie de la protection de la souveraine pour les procédures suivies pour obtenir la vérité et parvenir à la justice elle-même. Le privilège de Sa Majesté ne peut pas servir à étouffer la vérité ou à faire un déni de justice.

Honorables sénateurs, le projet de loi S-12 n'impose aucune norme nouvelle aux avocats. Il maintient et réaffirme leur code d'éthique ordinaire. Le libellé du projet de loi emprunte au code de déontologie du Barreau du Haut-Canada,. Il élève au rang de texte législatif une norme qui n'est pas encore officielle. Le projet de loi S-12 codifie ce code et ces normes et en fait une loi.

Honorables sénateurs, le projet de loi S-12 trouve sa source dans l'affaire opposant Hill à l'Église de scientologie, qui a duré 11 ans et coûté des millions de dollars. En septembre 1984, l'Église de scientologie et ses avocats ont entamé des procédures pour outrage au tribunal contre Casey Hill, procureur de la Couronne qui avait participé à l'enquête sur l'Église de scientologie. Le procureur Casey Hill est devenu juge depuis.

En novembre 1984, le juge Cromarty a jugé que les allégations de cette église contre Casey Hill étaient sans fondement. Cette cause terrible est célèbre pour ses coûts excessifs, sa durée exceptionnelle et la mesquinerie de l'Église de scientologie, qui a eu recours à plusieurs avocats et a mené une campagne interminable pour détruire Casey Hill. Ses accusations persistantes, téméraires et déraisonnables portées contre Casey Hill, en dépit des décisions judiciaires les dénonçant comme fausses, étaient scandaleuses.

Les juges Griffiths, Catzman et Galligan ont révélé dans la décision de la Cour d'appel de l'Ontario rendue en 1994 le comportement méprisable de l'Église de scientologie et de ses avocats. Ils ont dit à propos de cette église:

Elle a maintenu ses procédures injustifiées pour outrage contre Casey Hill tout en sachant dès le 27 septembre 1984 que sa principale allégation était fausse. Elle a caché la fausseté de l'allégation à la cour, à Casey Hill et à l'avocat dont elle avait retenu les services pour intenter les poursuites pour outrage.

Cet avocat est M. Manning. Les juges ajoutent:

L'avocat de l'Église de scientologie laisse entendre que les accusations non fondées d'outrage au tribunal contre Casey Hill ont été portées sur les conseils, mal avisés, des avocats de l'église, et que par conséquent ces accusations ne devraient pas constituer une preuve de malveillance particulière de la part de l'Église de scientologie contre Casey Hill.

Enfin, un jugement de la Cour suprême du Canada de 1995 confirmait la décision de la Cour d'appel de l'Ontario en faveur de Casey Hill et lui accordait les dommages et intérêts les plus élevés dans l'histoire des poursuites au Canada.

Au sujet d'une lettre méchante et menaçante écrite par l'avocat de l'Église de scientologie, M. Clayton Ruby, à Casey Hill, le juge Peter Cory disait:

Il y a lieu de signaler qu'à l'époque où la lettre a été écrite, Clayton Ruby était conseiller de la Société du Barreau et vice-président du comité de discipline de la Société du Barreau.

La lettre laissait supposer la possibilité que soit instituée, d'une part, une procédure disciplinaire devant la Société du Barreau du Haut-Canada, et d'autre part une action pour outrage.

Honorables sénateurs, le projet de loi S-12 est une réponse législative à une maladie moderne. Cette psychopathie dans la politique interne de nos tribunaux exige des études et des mesures de la part des politiciens et des parlementaires. Même si je pense sincèrement que les avocats et les privilèges des avocats doivent être protégés, et que la majorité des avocats sont des professionnels honnêtes, il y a une minorité qui tente de détourner la justice et qui doit être sanctionnée.

J'invite les sénateurs à appuyer le projet de loi S-12.

(Sur la motion du sénateur DeWare, au nom du sénateur Kinsella, le débat est ajourné.)

Régie interne, budgets et administration

Adoption du dix-septième rapport du comité

Le Sénat passe à l'étude du dix-septième rapport du comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration (Budget 1998-1999-comité mixte spécial sur la garde et le droit de visite des enfants), présenté au Sénat le 25 mars 1998.

L'honorable Sharon Carstairs (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, je propose que le rapport soit adopté maintenant.

(Sur la motion du sénateur Carstairs, au nom du sénateur Rompkey, le rapport est adopté.)

Adoption du seizième rapport du comité

Le Sénat passe à l'étude du seizième rapport du comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration (Budget 1998-1999-comité mixte spécial sur la garde et le droit de visite des enfants), présenté au Sénat le 25 mars 1998.

L'honorable Sharon Carstairs (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, je propose que le rapport soit adopté maintenant.

(Sur la motion du sénateur Carstairs, au nom du sénateur Rompkey, le rapport est adopté.)

Le Sénat

Les préoccupations des Albertains-Interpellation-Suite du débat

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur l'interpellation de l'honorable sénateur Ghitter, attirant l'attention du Sénat sur les préoccupations des Albertains à l'égard du Sénat en tant qu'institution, à savoir: son efficacité, son utilité et sa perennité; d'autres modes de sélection de ses membres; la nature de sa représentation régionale et, plus particulièrement, le désir que toutes les provinces soient représentées par un nombre égal de sénateurs; la durée du mandat de sénateur; le rôle qu'un Sénat réformé pourrait jouer au plan national; les pouvoirs qu'il conviendrait qu'il exerce, en harmonie avec la Chambre des communes.-(L'honorable sénateur Di Nino).

L'honorable Consiglio Di Nino: Honorables sénateurs, je vous remercie du privilège que vous me faites en me permettant d'intervenir à ce propos. Mon intervention durera probablement plus de 15 minutes, aussi j'espère que vous me permettrez de poursuivre.

Je me joins à nos collègues qui ont pris part à ce débat entamé par le sénateur Ghitter. Le sénateur Gigantès pense que le sénateur Ghitter n'a pas dûment réfléchi à cette question avant de la porter à l'attention de cette Chambre. Personne ne s'en étonnera, je ne suis pas d'accord avec lui.

Le sénateur Ghitter a fait de l'état du Sénat aujourd'hui une analyse qui incite à la réflexion. Je ne suis pas d'accord avec lui sur tous les points, mais nous devrions le féliciter de son interpellation qui nous incite nous, occupants de la Chambre rouge, à cet examen introspectif qui devrait déboucher sur des recommandations concrètes et de fond en vue de la réforme de cette institution.

Les critiques généralisées dont le Sénat a encore une fois fait l'objet - cette fois à cause des absences du sénateur Thompson - ne doivent pas être prises à la légère, même si l'outrage et la condamnation étaient en grande partie sans fond et étaient plutôt une réaction instinctive. Andrew Thompson a servi de paratonnerre sur lequel s'est porté le mécontentement de la population. Il est devenu un symbole de ce que beaucoup de gens considèrent, à tort ou à raison, un sénateur typique. Son comportement répréhensible et ses actions irresponsables ont déshonoré cette institution.

Cela est aggravé du fait que, comme le sénateur Murray l'a mentionné dans les remarques qu'il a faites avant que le Sénat n'ajourne pour le congé, nous sommes tous, à divers degrés, complices du terrible comportement d'Andrew Thompson. Nous sommes restés trop longtemps aveugles, muets et inactifs. Nous avons considéré ses absences comme faisant partie de la façon de procéder ici. Cela doit changer.

Honorables sénateurs, cela fait longtemps que je veux que la question de la réforme du Sénat soit discutée en profondeur par ceux qu'elle touche intimement. Depuis mon arrivée, en 1990, nous avons abordé le sujet de temps en temps, plus particulièrement pendant la période qui a précédé le référendum sur l'accord de Charlottetown. À ma connaissance, il n'y a jamais eu de débat à grande échelle. Cette interpellation sera peut-être l'occasion d'exposer enfin la question au grand jour.

L'institution du Sénat est en difficulté. Tournés en ridicule, nous sommes devenus l'objet de la colère du public et d'un manque de compréhension de sa part. Un grand nombre d'entre nous ne semblent pas vouloir s'en apercevoir. Nous vaquons à nos occupations sans prêter attention à la rancoeur qui nous entoure ou en espérant qu'elle finira bien par disparaître un jour. De toute évidence, cela n'est pas prêt d'arriver.

J'aimerais qu'il soit clair que je ne considère pas être un spécialiste en matière de réforme sénatoriale. Je ne prétends absolument pas avoir toutes les réponses, ni même la première, et peut-être n'ajouterai-je rien de nouveau à ce qui a déjà été dit. Ce que je veux aujourd'hui, c'est plus provoquer la réflexion et le dialogue qu'offrir des réponses absolues. J'espère que grâce à cette interpellation, nous pourrons avoir une discussion constructive et pertinente sur la question dont nous sommes saisis. J'espère également que cette discussion ne sera pas entachée de ce sectarisme politique extrême qui enlève tant de sa valeur au débat parlementaire en tant qu'instrument pour bâtir un consensus et en tant que moteur de changement.

Le sectarisme politique est un mal nécessaire dans une démocratie parlementaire, mais il peut aller trop loin, particulièrement au Sénat. Le Sénat devrait renoncer à cette façon de fonctionner. Il y a tant de choses que nous pouvons accomplir sans perdre notre énergie à nous attaquer les uns les autres sans autre raison que le fait que c'est toujours comme ça que cela s'est fait.

Le compte rendu indique qu'il n'y a pas si longtemps, le Sénat était beaucoup plus un endroit de réflexion où avaient lieu des débats raisonnés et des échanges courtois et polis.

Honorables sénateurs, il y a un certain nombre d'années, l'un de nos anciens collègues, le sénateur Eugene Forsey, a fait un discours exposant certaines de ses idées sur le sujet de la réforme du Sénat. Selon lui, il y avait deux types de réforme: les réformes réalistes et les réformes irréalistes. La première renfermait des propositions comme modifier le nombre des sénateurs, passer à un Sénat élu - c'est-à-dire dont les membres seraient nommés par leur province - et renégocier le pouvoir du Sénat.

Forsey a déclaré que ces propositions constituaient une perte de temps. Il a dit qu'elles avaient à peu près autant de chances d'être adoptées qu'il en avait de devenir archevêque de Canterbury. La raison à cela, c'est que chacune nécessitait une modification de la Constitution, et cette tentative n'était tout simplement pas envisageable. Forsey estimait qu'il était préférable d'apporter des modifications qui ne demandaient pas de toucher à la Constitution.

Je ne mentionnerai pas toutes ses propositions, mais l'une d'elles consistait à nommer les sénateurs pour un mandat déterminé. Une deuxième modification proposée visait à autoriser tout sénateur ayant atteint l'âge de 65 ans et ayant 15 années de service à prendre sa retraite en bénéficiant d'une pension complète, comme les juges sont autorisés à le faire. Une troisième proposition visait à obliger tout sénateur qui n'assistait pas à au moins le tiers des séances du Sénat pendant deux années de suite à quitter son siège. D'autres propositions consistaient à abolir l'exigence de propriété et les 24 divisions sénatoriales du Québec à accorder au Sénat le pouvoir de révoquer des règlements, et à créer des caucus régionaux multipartites.

Je mentionne ces propositions car, outre qu'elles traduisent clairement et avec à-propos la pensée d'un ancien sénateur sur la question, elles représentent des points de vue qui peuvent être étudiés et débattus. J'ai bon espoir que tous les sénateurs mettront leurs réflexions et leurs propositions sur papier et les soumettront aux fins de discussion, car je crois qu'il y va de la survie du Sénat.

C'est dans cette optique que j'ai décidé de prendre la parole et de présenter mes réflexions sur ce dossier qui s'éternise.

(1600)

Certes, je ne prétendrai pas connaître aussi bien la Constitution que bon nombre de mes collègues, mais j'ai beaucoup réfléchi à la réforme du Sénat ces dernières années. J'en suis venu à quatre grandes conclusions. Les voici, sans ordre particulier: premièrement, pour réussir, la réforme du Sénat doit avoir l'appui de ceux qui sont les plus directement touchés; deuxièmement, un Sénat élu est préférable à un Sénat nommé; troisièmement, l'idée d'un Sénat à représentation égale est inacceptable; quatrièmement, la réforme du Sénat ne peut se faire sans réforme parlementaire.

Honorables sénateurs, la réforme du Sénat, à tous égards, n'est pas chose facile. Le Sénat est une institution; il a des pouvoirs, des traditions, des prérogatives bien à lui. On peut en dire autant de la Chambre des communes, de la Cour suprême, de la fonction publique et des gouvernements provinciaux. Ensemble, ces institutions forment un système de relations de pouvoir qui façonnent le cadre juridique, politique et constitutionnel de notre pays. Dans ce système, toute chose et tout le monde a sa place. Quand on tente de modifier le statu quo, de renforcer un pouvoir ici, d'en affaiblir un autre là, cela ne passe pas inaperçu. Ces initiatives suscitent réaction et opposition. Autrement dit, le changement ne se produit pas dans le vide. Les accords de Charlottetown et du lac Meech en sont des exemples patents.

Dans le cas du Sénat, y a-t-il un premier ministre qui céderait volontiers aux provinces cet outil de favoritisme qu'est le pouvoir de nommer des sénateurs? Est-ce qu'un premier ministre libéral accepterait de nommer des conservateurs au Sénat? Est-ce que la Chambre des communes s'empresserait d'adopter une loi autorisant ou encourageant le Sénat à utiliser plus souvent son imposant pouvoir de désaveu? Est-ce que les premiers ministres provinciaux seraient heureux de voir des sénateurs élus usurper leur rôle de porte-parole des provinces à Ottawa?

Toute réforme du Sénat - et par «réforme», j'entends des changements fondamentaux et pas un simple rafistolage - doit tenir compte de certaines questions extrêmement importantes. Ainsi, dans quelle mesure les changements apportés modifieront-ils les pouvoirs et les prérogatives des personnes et des institutions touchées par la réforme? Ces personnes seront-elles d'accord, les institutions pourront-elles vraiment s'adapter? Ces questions sont importantes.

Les honorables sénateurs ne doivent pas oublier non plus que les changements ne se produisent pas par miracle. La clef dans ce domaine reste le consensus. Les députés, les sénateurs et tous ceux qui seront touchés par la réforme du Sénat doivent d'abord s'entendre avant de songer à vendre l'idée aux Canadiens. Si nous ne sommes pas nous-mêmes convaincus, si nous n'avons pas la volonté politique de mener ce dossier à bien, nous perdons notre temps.

La deuxième conclusion à laquelle je suis arrivé, en ce qui touche la réforme du Sénat, est que malgré tous les arguments contraires, je demeure persuadé qu'il est préférable que les sénateurs soient nommés plutôt qu'élus. Si les sénateurs étaient élus, le Sénat en viendrait à faire double emploi avec la Chambre des communes, ce qui est loin d'être souhaitable.

Je suis d'avis qu'un système parlementaire de gouvernement, ayant une représentation majoritaire quel que soit le parti représenté majoritairement à la Chambre, a toujours tendance à donner trop de pouvoirs au premier ministre. Cela mène à une forme de dictature. Un Sénat élu ne ferait qu'ajouter à ce pouvoir, particulièrement si la majorité appartenait au même parti que le premier ministre et opérait selon les règles ordinaires de la discipline de parti.

Un Sénat élu ajouterait très peu au processus de la politique gouvernementale parce que les sénateurs auraient le même programme politique que leurs collègues de la Chambre des communes, qu'ils subiraient les mêmes pressions de la part des groupes d'intérêts et qu'ils passeraient une bonne partie de leur temps à s'occuper de leur réélection.

Si la majorité des sénateurs n'étaient pas du parti au pouvoir, comme ce serait certainement souvent le cas si les élections n'avaient pas lieu au même moment dans les deux endroits, j'ai bien peur que le Parlement serait souvent coincé dans une impasse en raison de la solidarité du caucus et de la discipline de parti.

N'oublions pas que quelles que soient leurs prises de position publiques, les partis politiques se préoccupent d'abord et avant tout d'être élus et réélus. La victoire a ses avantages, mais il y en a bien peu à perdre. Je ne veux pas sous-entendre par là que les gens briguent une change publique parce qu'ils en retirent des avantages personnels, loin de là. Tout ce que je veux dire, c'est qu'un système qui fait place à l'opposition entraîne une forte concurrence et une rivalité parce que les partis et leurs membres tentent de gagner les électeurs à leurs points de vue.

Je peux presque entendre les arguments qu'on ne manquera pas de m'opposer, affirmant que des représentants nommés manquent de légitimité. Est-ce vraiment le cas? Et si oui, pour qui?

Nous, les sénateurs, nous disons trop souvent que nous n'avons aucune légitimité. C'est un argument intéressant. Il est facile à défendre et difficile à contrer. Cependant, je ne suis pas convaincu que cet argument ait beaucoup poids aux yeux des Canadiens ordinaires, de ceux qui ne sont pas des agents des médias à la recherche de sujets faciles à présenter sous un mauvais jour. Je ne parle pas non plus des groupes d'intérêts particuliers qui sont mécontents de quelque chose et font de grandes déclarations pour attirer l'attention. Ces deux catégories de personnes utilisent l'argument de la légitimité comme si c'était là une vérité qui tombait sous le sens.

Je ne vois aucun lien évident entre une nomination et un manque de légitimité. Les membres de notre magistrature sont nommés, pourtant, ils sont très respectés et ne manquent pas de légitimité. Pourquoi en irait-il autrement des sénateurs? À vrai dire, ce n'est pas un problème de légitimité que nous avons, mais d'image.

Honorables sénateurs, le Sénat compte des représentants de toutes les régions du Canada et de toutes les couches de la société. Nous ne formons pas une élite, quoique certains d'entre nous soient plus riches que bien des Canadiens, mais ce n'est pas la majorité. Nous sommes des Canadiens moyens qui occupons des fonctions de sénateur. La plupart d'entre nous travaillent très fort. Vous et moi le savons, mais le public, lui, ne le sait pas.

Pour la population, nous avons échoué lamentablement. Par notre silence, nous avons laissé aux autres le soin de nous définir. Par conséquent, notre crédibilité et notre popularité sont à leur plus bas. C'est dû en partie à l'impression très répandue que le Sénat n'est rien d'autre que le paradis des âmes damnées des partis politiques. C'est en partie attribuable à nous-mêmes, qui dénigrons constamment notre institution pour réaliser des gains politiques. Rappelez-vous les débats sur le libre-échange et la TPS. Cependant, la principale cause de notre situation peu enviable, est, à mon humble avis, notre peur d'affronter ceux qui nous dénigrent. Cette peur naît de la conviction injustifiée que, n'étant pas élus, nous n'avons pas le droit de nous faire entendre. Rien ne saurait être plus éloigné de la vérité. Rien ne saurait être plus dommageable pour les intérêts de notre institution et des Canadiens.

Honorables sénateurs, je ne suis pas ici aujourd'hui pour présenter des excuses au nom du Sénat ni pour tenter de cacher ou de justifier nos travers. Nous ne sommes pas parfaits, nous faisons des erreurs. Cependant, le gouffre qui existe entre l'impression que les Canadiens ont du Sénat et la réalité s'élargit dangereusement. Il faut faire quelque chose, et il faut que ce soit nous qui le fassions. Nous devons définir le problème, étudier les options et adopter une stratégie. Nous ne pouvons pas rester à ne rien faire en nous contentant d'espérer que la population finira un jour par nous accepter. Nous devons gagner le respect des Canadiens. Pour y parvenir, nous devons examiner soigneusement notre institution, y changer ce que nous devons et pouvons y changer tout en exprimant nos préoccupations au sujet des changements qui nécessitent des modifications constitutionnelles. Nous devons mieux nous faire connaître par le public canadien, le sensibiliser à nos réalisations et lui faire comprendre notre dévouement pour le Canada.

Honorables sénateurs, la troisième conclusion à laquelle m'a conduit ma réflexion sur la réforme du Sénat, c'est qu'un Sénat où chaque province disposerait d'un nombre égal de représentants est inacceptable pour moi en tant qu'Ontarien; cela n'a pas l'ombre d'une chance. On a déjà dit bien des choses à ce sujet, mais en majeure partie, cela avait davantage à voir avec la représentation régionale qu'avec l'égalité des provinces. L'idée que toutes les provinces sont égales me paraît acceptable sur le plan constitutionnel ou théorique. La formule de modification, par exemple, stipule qu'il faut sept provinces dont la population confondue est égale à la moitié de la population du pays entier pour ratifier une modification à la Constitution. En ce sens, toutes les provinces sont égales. Je puis accepter cela. Je ne puis cependant accepter que la représentation au Sénat repose sur un nombre égal de sénateurs pour chaque province. Je ne puis pas davantage accepter que l'Ontario ait un nombre de sénateurs égal à ceux de l'Île-du-Prince-Édouard, que les Québécois ne pourraient accepter que leur province ait le même nombre de représentants que la Saskatchewan. Cela ne pourrait pas se faire. Je suis en faveur d'une représentation plus équitable au Sénat, mais pas d'une représentation égale.

Ma quatrième conclusion a trait à la façon dont se fera la réforme du Sénat. Je crois fermement qu'une réforme de notre institution ne peut pas se produire isolément ni qu'elle se produira ainsi. Pour réussir vraiment, une réforme importante du Sénat doit s'inscrire dans un effort plus vaste de réforme de notre système parlementaire tout entier. Cela, parce que le Sénat n'existe pas dans le vide. Les changements apportés à son rôle et à ses pouvoirs se répercuteront ailleurs sur les gens et les institutions. Le succès ne viendra que grâce à un consensus et à une volonté de changement.

Cela m'amène à la question évidente: quel genre de réforme parlementaire devrait-on chercher à réaliser? Doit-on rajuster les pouvoirs des deux Chambres du Parlement? Doit-on élargir le rôle de la Cour suprême et des provinces, et le processus fédéral de prise de décisions? Doit-on adopter un système américain de séparation des pouvoirs? Doit-on concevoir un système complètement différent, fondé sur notre propre histoire et notre géographie?

(1610)

Pour paraphraser mon collègue, le sénateur Kinsella, quelle que soit l'avenue que nous empruntions, il nous faudra respecter quatre principes directeurs. Le premier est la démocratie libérale. Toute réforme du Sénat doit être conforme aux principes fondamentaux de notre Constitution. Le deuxième principe est le gouvernement responsable. La réforme ne peut pas comprendre des pouvoirs qui aillent à l'encontre du principe voulant que le gouvernement du jour doit rendre des comptes aux représentants élus de la Chambre des communes. Le troisième principe est le fédéralisme. Toute réforme doit respecter les règles et les précédents qui constituent notre régime fédéral. Le quatrième principe est le bicaméralisme. La réforme du Sénat devra tenir compte du fait que notre Parlement prévoit deux représentations: une représentation nationale à la Chambre des communes et une représentation fédérale au Sénat.

Honorables sénateurs, je voudrais aborder deux autres points avant de proposer certaines de mes idées sur la façon de réformer le Sénat. Le premier a trait à l'assiduité. Je n'ai rien d'exceptionnel à ajouter au débat, mais je voudrais présenter une observation.

Nous savons tous que ce n'est pas l'assiduité au Sénat qui fait le sénateur et que ce n'est pas non plus un indice exact de la qualité ni de la valeur de la contribution d'un sénateur. Certains sénateurs passent beaucoup de temps dans leurs provinces respectives à aider les électeurs, à soulever des questions, à participer à des débats et à des tribunes publiques, à enseigner et à faire d'autres choses du genre. Ces sénateurs sont considérés comme absents et leur absence est critiquée. À mon sens, on a tort la plupart du temps - pas toujours, mais très souvent - de reprocher aux sénateurs de manquer d'assiduité, en autant du moins que je connaisse mes collègues des deux côtés du Sénat. Bien sûr, il y a des sénateurs qui sont absents parce qu'ils parcourent le pays avec des comités sénatoriaux. Comme ils font leur travail ailleurs qu'ici, ailleurs qu'à Ottawa, on les considère comme absents, comme l'était vingtaine de sénateurs qui n'étaient pas ici pour voter au sujet du sénateur Andrew Thompson, il y a deux semaines.

Il y a aussi des sénateurs qui s'absentent occasionnellement pour des raisons autres que strictement sénatoriales.

Son Honneur le Président suppléant: Honorables sénateurs, je voudrais signaler au sénateur que ses 15 minutes sont écoulées.

La permission est-elle accordée pour que le sénateur continue?

Des voix: D'accord.

Le sénateur Di Nino: Honorables sénateurs, je vous remercie de votre indulgence.

Cela pose un problème plus délicat, du moins à première vue. Quand un sénateur assiste à une réunion ou à un congrès à l'extérieur d'Ottawa pendant que le Sénat siège, et que cette réunion ou ce congrès porte sur sa profession ou ses intérêts principaux, il est clair que le sénateur en cause ne participe pas à des activités sénatoriales. À strictement parler, c'est vrai. Toutefois, la question de savoir si le sénateur mérite d'être critiqué dépend largement du point de vue que l'on a sur les activités en cause, notamment si l'absence n'est pas directement liée à une question d'intérêt personnel. Ce ne sont certes pas des activités sénatoriales, mais si la présence à celles-ci se traduit par la création d'emplois, la réalisation d'investissements ou une meilleure compréhension ou coopération, cela ne devrait-il pas compter, ou est-ce que c'est ouvrir la porte aux abus?

Autrement dit, nombre d'entre nous jouent une variété de rôles. Nous sommes sénateurs, gens d'affaires, défenseurs des droits de la personne, médecins, banquiers et éducateurs. Si l'un d'entre nous est appelé à aller quelque part pour prononcer un discours à titre de sénateur ou de médecin, le sénateur en cause devrait-il décliner l'invitation par peur des critiques? Si un sénateur est appelé à diriger une délégation de gens d'affaires ou d'universitaires à l'étranger pour conclure des ententes commerciales ou forger des liens universitaires, ce sénateur devrait-il refuser d'y aller parce que le registre du Sénat le considérera comme absent?

Ces sénateurs ne devraient-ils pas plutôt soupeser le bien qu'ils peuvent faire ailleurs contre ce qu'ils peuvent accomplir en restant au Sénat? Ne devrait-on pas leur faire davantage confiance à cet égard? Ne vaudrait-il pas mieux les croire sur parole? Je m'empresse d'ajouter qu'il s'agit d'absences occasionnelles et spéciales, et non d'absences à long terme et répétées.

J'ai une dernière observation à faire. Malgré toutes les critiques et les commentaires sarcastiques que j'ai entendus de la part de certains membres des médias et de l'autre endroit au sujet de la présence au Sénat, je n'ai pas encore entendu qui que ce soit exiger que les présences soient prises à la Chambre des communes. C'est peut-être une question que le leader du gouvernement au Sénat pourrait poser à ses collègues du Cabinet.

L'autre remarque que je veux faire concerne aussi notre emploi du temps à titre de sénateurs. Pour parler sans détour, disons que nous passons beaucoup de temps à faire du travail politique. Nous travaillons au nom de nos partis respectifs. Comme tous les députés, nous passons beaucoup de temps à tenter d'améliorer les chances de réélection des partis que nous représentons. Certains voient là quelque chose de répréhensible. Le sénateur Tkachuk a essuyé des critiques, l'automne dernier, parce qu'il a admis avoir dépensé une somme considérable pour des déplacements à titre de coprésident de la campagne électorale, mais, à ma connaissance, aucune critique n'est venue de l'autre endroit.

Fait à signaler, notre collègue, le sénateur Taylor, aurait dit qu'il mêlait occasionnellement les fonctions politiques officielles et les affaires de son parti, mais qu'il n'aurait jamais eu le courage de l'avouer directement, comme l'a fait le sénateur Tkachuk. Si j'aborde cette question, ce n'est pas pour dénigrer le sénateur Taylor, loin de là. Je veux simplement mettre en lumière ce qu'on nous reproche parfois. Nous faisons tous du travail politique. Cela fait partie de notre vie et de nos fonctions. Nous ne devrions pas essayer de camoufler cela. Nous ne devrions pas essayer de le nier. Nous devrions être très francs sur nos activités. Pourquoi pas? Nous sommes membres de partis politiques et nous devons assurer leur maintien. En ne reconnaissant pas que nous faisons du travail public ou politique, nous ne faisons qu'accroître le cynisme de la population à notre endroit. Nous prêtons le flanc à des critiques injustifiées. Cependant, tant que nous serons honnêtes, que les règles seront claires et que nous nous y conformerons, je pense que les Canadiens comprendront cela et l'accepteront.

Honorables sénateurs, je voudrais maintenant vous faire part de certaines mesures que je prendrais pour réformer le Sénat.

Nous devrions commencer par nous pencher sur le mode de nomination. Comme vous le savez sans doute, c'est là un des sujets qui nous vaut le plus de critiques. Pour surmonter le problème, je propose que les sénateurs soient nommés par un organisme indépendant et impartial. Cet organisme pourrait comprendre, par exemple, des juges en chef de différents tribunaux fédéraux, provinciaux et territoriaux. On pourrait aussi faire appel à un groupe de compagnons de l'Ordre du Canada. L'un ou l'autre groupe aurait pour mandat de choisir pour siéger au Sénat des gens de différents domaines et d'origines diverses, des milieux universitaires et ouvriers, du monde politique, du milieu des affaires et de toutes les conditions sociales - des femmes et des hommes qui ont quelque chose à apporter à l'ensemble des Canadiens.

Dans mon Sénat réformé, la durée du mandat des sénateurs serait d'au plus, disons, sept ou dix ans, et certaines nominations pourraient être de plus courte durée si un mandat complet n'est pas nécessaire. J'y reviendrai dans un instant.

Quant à la rémunération, je propose un traitement raisonnable ou une indemnité journalière, plus le remboursement des dépenses, comme les frais de transport et d'hébergement, conformément aux lignes directrices du Conseil du Trésor.

Je ne me contenterais pas de limiter la durée du mandat des sénateurs, je pense que le nombre de sénateurs pourrait, lui aussi, être grandement réduit et la réorganisation qui s'ensuivrait rendrait la représentation des régions plus équitable. Personnellement, je crois que, à l'heure actuelle, il suffirait pour représenter efficacement toutes les régions de 66 sénateurs permanents, que je répartirais ainsi. Il y aurait un nombre maximal de 15 sénateurs par province, peu importe l'accroissement de la population, ce qui nous permettrait d'atteindre l'objectif de rendre notre institution plus équitable. Pour l'instant, je proposerais 15 sénateurs chacun pour l'Ontario et le Québec, neuf pour la Colombie-Britannique, sept pour l'Alberta, trois chacun pour le Manitoba, la Saskatchewan, le Nouveau-Brunswick, la Nouvelle-Écosse et Terre-Neuve, deux pour l'Île-du-Prince-Édouard, un pour le Yukon, un pour les Territoires du Nord-Ouest et un autre pour le Nunavut.

De plus, le Gouverneur général, sur les conseils de l'organisme des candidatures, nommerait pour une période déterminée un certain nombre de sénateurs temporaires qui seraient chargés de diriger des études ou des examens précis ou d'y participer. Il y aurait au plus dix sénateurs temporaires en tout temps. Chacun serait nommé en fonction de ses compétences dans un domaine particulier, peu importe sa province de résidence. Il ne serait pas pratique de respecter le principe de la représentation régionale dans le cas des sénateurs temporaires, puisque de nombreuses questions n'ont de véritable incidence que sur des régions particulières.

La présidence serait assurée par alternance par des sénateurs des diverses régions et la sélection du Président se ferait dans le cadre d'élections périodiques, disons tous les deux ans.

Le nouveau Sénat continuerait d'examiner les mesures législatives d'initiatives ministérielles, mais il n'aurait qu'un veto suspensif de six mois. Il aurait également le pouvoir d'examiner toutes les nominations politiques importantes faites par la Chambre des communes, le première ministre et le Cabinet. De plus, le Sénat, grâce à l'aide de spécialistes, pourrait diriger des commissions royales d'enquête. Cela permettrait de réaliser de grandes économies. Nous avons déjà les locaux, le personnel, le matériel, ainsi que les agents et les installations de recherche nécessaires. Nous pourrions nous en servir au lieu de créer de nouvelles structures chaque fois qu'une commission royale d'enquête est mise sur pied, comme c'est le cas actuellement.

Je crois également que le pouvoir d'enquête du Sénat pourrait être élargi afin que notre institution puisse examiner toutes les grandes questions nationales et internationales, comme le libre-échange, l'éducation, l'avortement, l'euthanasie, ainsi de suite. Je pense que tous sont d'accord pour dire que nous sommes particulièrement efficaces lorsque nous menons des études ou des enquêtes. Nous avons des compétences que, souvent, l'on ne trouve pas à la Chambre des communes. Nous avons aussi plus de temps pour étudier des questions en détail, à l'abri des médias. La partisanerie intervient fréquemment, mais je pense que si nous donnions suite aux recommandations prônant la création de comités régionaux transcendant les partis politiques, nous pourrions éviter, ou à tout le moins réduire, cette partisanerie.

(1620)

Puisque nous discutons du Sénat en tant qu'organisme d'enquête, il convient de mentionner le rôle joué par celui-ci au cours des dernières années relativement à la modification et à la révision des mesures législatives du gouvernement. À plusieurs reprises, le Sénat a été appelé à corriger des projets de loi imparfaits qui étaient arrivés ici en provenance de l'autre endroit. Ces mesures législatives imparfaites n'étaient pas uniquement le résultat d'un travail mal exécuté ou d'un manque de professionnalisme de la part du gouvernement, même si cet aspect entrait en ligne de compte. Ce qui est beaucoup plus grave, c'est que ces projets de loi étaient le résultat d'une opposition faible et inefficace, plus intéressée à scinder le pays en deux ou à organiser des spectacles de mariachis qu'à faire son travail correctement. La combinaison de ces deux facteurs a fait que le Sénat est devenu le seul intervenant dans tout le Parlement capable de corriger efficacement des mesures législatives imparfaites. On aura tout vu!

Mentionnons à titre d'exemples les lois sur la révision des limites des circonscriptions électorales, les projets de loi C-18, C-69 et C-42, la Loi sur les juges et, plus récemment, le projet de loi C-220. J'aimerais prendre un moment pour vous lire quelques remarques faites par des députés de l'autre endroit. La ministre de la Justice dit maintenant que si elle avait une autre occasion de voter sur ce projet de loi, elle s'opposerait à celui-ci. Mme Fry, la secrétaire d'État responsable de la situation de la femme, a dit:

Je ne pense pas que je voterais en faveur du projet de loi. Le problème est complexe et nous essayons d'appliquer une solution simpliste.

Un autre député de la Chambre a dit:

Je dirais que la Chambre s'est fourvoyée.

Je pourrais citer d'autres déclarations, mais je vais plutôt résumer en disant: «La Chambre des communes s'est fourvoyée, mais pas nous.»

L'autre question dont nous sommes saisis est celle de la Commission canadienne du blé, question dont traite le projet de loi C-4 et au sujet de laquelle notre comité aura sûrement des commentaires intéressants à faire dans les semaines à venir.

Honorables sénateurs, on ne saurait passer sous silence le rôle que joue le Sénat quand il s'agit de porter à l'attention des Canadiens des questions importantes comme les accords concernant l'aéroport international Pearson, l'industrie du charbon au Cap-Breton et le système scolaire de Terre-Neuve. Au Sénat, ces questions et d'autres affaires que le gouvernement s'était empressé de balayer sous le tapis ou des mesures qu'il avait fait adopter à la hâte au Parlement ont fait l'objet d'un examen plus approfondi qu'à l'autre endroit.

Le dernier changement que je préconiserais se rapporte à la façon dont les sénateurs représentent les Canadiens. À l'heure actuelle, le Sénat est principalement composé de politiciens de carrière et d'anciens députés venus soit de l'autre endroit, soit d'assemblées législatives provinciales. Dans la plupart des cas, depuis une douzaine d'années en tout cas, ces gens dont je suis ont trop souvent joué un rôle qui se résume, dans sa forme la plus simple, à faciliter l'adoption des mesures législatives du gouvernement au pouvoir. Je crois que nous sommes tous d'accord pour dire que cela a fait du Sénat une institution qui a abdiqué dans une grande mesure son rôle de protecteur ou de représentant des diverses régions du pays ainsi que des minorités. Afin de renverser cette tendance, je propose de regrouper les sénateurs par région plutôt que par parti. Cela aurait pour effet de modifier considérablement le rôle que nous jouons ici. Au lieu d'être de simples représentants de nos partis respectifs, nous nous acquitterions de la tâche de sénateurs, qui consiste à défendre les intérêts des régions et des minorités, nous servirions de ponts assurant la liaison entre nos régions et leurs assemblées législatives et le gouvernement fédéral.

Honorables sénateurs, je me rends compte que beaucoup d'idées que j'ai soulevées aujourd'hui sont controversées. Certaines exigeraient des changements constitutionnels qu'on ne peut, je crois, espérer à court terme. Nous devrions donc envisager de chercher des moyens d'effectuer des changements sans qu'il soit nécessaire de modifier la Constitution.

Le temps ne me permet pas de fournir des détails pour étoffer mes différentes propositions. Toutefois, je n'ai pas l'intention de présenter un projet de réforme détaillé. D'autres, beaucoup mieux informés que moi, ont déjà étudié la question. Ce que j'espère, c'est bâtir sur leur contribution, ajouter mes idées aux leurs, stimuler le débat, provoquer l'élan qui conduira à l'action.

J'ai dit au départ que je n'avais pas toutes les réponses. Les remarques que je fais ici aujourd'hui le prouvent. Si je n'ai pas toutes les réponses, je ne m'en intéresse pas moins sincèrement au bien-être de cette institution et, plus particulièrement, à la santé de notre démocratie. Le Sénat a un important rôle à jouer dans la vie et la politique canadiennes. Cependant, des changements sont nécessaires afin de nous permettre de nous acquitter correctement de notre rôle de surveillant du gouvernement du jour. Ultimement, le Sénat devrait devenir le dépositaire, le lieu de rassemblement de ce que le Canada a de meilleur et de plus brillant à offrir, des hommes et des femmes qui se rassemblent dans le but exclusif de servir les intérêts des Canadiens.

En même temps, le Sénat doit devenir nettement moins partisan. Il doit se concentrer davantage sur les problèmes et s'attacher à protéger et à promouvoir les intérêts des régions plutôt que des partis. À mon avis, le rôle politique du Sénat devrait, dans une plus grande mesure, revenir à la Chambre des communes, où se livrent les plus grandes batailles partisanes, et cette Chambre devrait se consacrer à peaufiner les lois, à les améliorer et, si possible, à veiller à ce que toutes les lois adoptées par le Parlement du Canada le soient dans l'intérêt des Canadiens.

Enfin, honorables sénateurs, nous devons avoir le courage de reconnaître que la situation est devenue désagréable et insoutenable. Notre popularité et la confiance de la population dans notre institution ont chuté à des niveaux dangereux. Nous devons réagir immédiatement. Si j'étais médecin, mon conseil serait simple. Je dirais: «Sénateurs, guérissez-vous vous-mêmes.» Il faut faire participer la population à l'exercice. Les Canadiens doivent avoir voix au chapitre. Il faut crever l'abcès. Nous ne devrions pas avoir peur et nous ne pouvons pas avoir peur de défendre cette institution. Si les Canadiens veulent que le Sénat change, qu'il en soit ainsi, mais dirigeons le changement au lieu de le subir. Ce ne sera pas facile, les grandes réformes le sont rarement, mais je suis convaincu que qui veut la fin trouvera les moyens. Nous avons la volonté de changer. Tentons maintenant de trouver les moyens.

L'honorable Philippe Deane Gigantès: L'honorable sénateur acceptera-t-il de répondre à une question?

Le sénateur Di Nino: Avec plaisir.

Le sénateur Gigantès: Les sénateurs sont nommés par le gouverneur en conseil. Ce comité, dites-vous, fera des suggestions et ce sera au gouverneur en conseil, c'est-à-dire au premier ministre et à son Cabinet, de décider de tenir compte de ces suggestions. Ai-je bien compris?

Le sénateur Di Nino: Il est évident, je le répète, que je ne suis pas certain d'avoir toutes les réponses, mais permettez-moi de vous faire part de mon point de vue sur cette question. Je crois que le gouverneur en conseil ne devrait pas procéder aux nominations. Je le répète, à mon avis, les nominations devraient être la prérogative du Gouverneur général sur la recommandation d'un comité indépendant impartial; un organisme qui évaluerait les besoins du pays à ce moment-là et recommanderait, en fonction de cela, des canditats au poste de sénateur qui pourraient remplir ce rôle dans l'intérêt des Canadiens. On enlèverait ainsi aux nominations tout aspect politique.

Le sénateur Gigantès: Cela est bien beau, cher collègue, mais que faites-vous de la Constitution?

Le sénateur Di Nino: Je crois avoir précisé très clairement qu'un certain nombre de mes recommandations exigeraient des modifications constitutionnelles et je suppose qu'à court terme, ce serait impossible. Je ne fais qu'offrir des propositions aux fins d'étude et de débat. Si nous avons vraiment le sentiment, ou si les Canadiens croient fermement, qu'il faut examiner ces questions, alors, comme nous l'avons fait dans le passé, nous pouvons apporter des modifications constitutionnelles si nous avons la volonté de le faire.

Le sénateur Gigantès: Que ferez-vous des premiers ministres provinciaux qui demanderont ce qu'ils obtiendront en retour pour accepter cela, comme cela s'est produit dans le passé?

Le sénateur Di Nino: C'est très intéressant.

Honorables sénateurs, j'apprécie vraiment le temps supplémentaire qu'on m'a accordé et je ferai probablement une déclaration à ce sujet, car je voudrais vous remercier comme il se doit. Je sais que j'ai peut-être abusé de mon privilège.

J'aurais aimé parler plus longuement d'un certain nombre de ces questions d'une façon qui aurait pris une demi-heure, dans chaque cas, et une des questions qui se posent est de savoir comment un premier ministre provincial réagirait face à une institution élue appelée Sénat. Dans quelle mesure les pouvoirs et le rôle du premier ministre, pour ce qui est des relations entre les provinces et le gouvernement fédéral, seraient-ils touchés par cela? J'ignore la réponse, mais c'est une excellente question.

Le sénateur Gigantès: Malheureusement, je ne souhaite pas prolonger votre temps de parole davantage, parce que mes collègues aimeraient bien rentrer chez eux. Nous pourrions peut-être poursuivre cette discussion, vous et moi, en déjeunant.

Le sénateur Di Nino: Honorable sénateur Gigantès, si c'est vous qui payez, vous pouvez compter sur moi.

Le sénateur Gigantès: C'est une observation typique des conservateurs, cher collègue.

(Sur la motion du sénateur Berntson, le débat est ajourné.)

(1630)

Sécurité et services de renseignement

La création d'un comité spécial

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion, modifiée, de l'honorable sénateur Kelly, appuyé par l'honorable sénateur Prud'homme, c.p.:

Qu'un comité spécial du Sénat soit créé pour recueillir des témoignages et étudier certaines questions concernant la menace du terrorisme pour le Canada et les activités antiterroristes du gouvernement du Canada;

Que le comité examine l'étendue des menaces à l'échelle internationale, et plus particulièrement la menace du terrorisme pour le Canada, et fasse rapport à ce sujet;

Que le comité examine dans quelle mesure le gouvernement du Canada a donné suite aux recommandations du rapport du comité spécial sur le terrorisme et la sécurité publique (juin 1987) et du rapport du comité spécial sur le terrorisme et la sécurité publique (juin 1989), et fasse rapport à ce sujet;

Que le comité examine la capacité du gouvernement du Canada d'évaluer les menaces en ce qui concerne le terrorisme, et présente des recommandations à ce sujet;

Que le comité examine le rôle directeur des ministères et organismes du gouvernement du Canada qui ont des responsabilités antiterroristes, leur état de préparation et le contrôle dont ils font l'objet;

Que le comité examine et évalue le niveau de la coopération internationale entre le Canada et ses alliés relativement à la nature évolutive de la menace terroriste.

Que le comité soit composé de sept sénateurs, devant être désignés à une date ultérieure;

Que le comité ait le pouvoir de faire rapport de temps à autre, de convoquer des personnes, d'exiger la production de documents et pièces, et de faire imprimer au jour le jour les documents et témoignages qu'il juge à-propos; et

Que le comité présente son rapport final au plus tard le 29 septembre 1998.-(L'honorable sénateur Kelly).

L'honorable Sharon Carstairs (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, je crois savoir que si le sénateur Kelly parle maintenant, il va se trouver à clore le débat puisqu'il est intervenu plus tôt. Il veut parler immédiatement après moi, et je n'ai qu'un mot ou deux à mot à dire aux fins du compte rendu.

Lorsque le sénateur a fait pour la première fois cette suggestion au Sénat du Canada, je pense qu'elle a été bien reçue. La seule difficulté que nous voyions de ce côté-ci, c'est que nous ne savions pas exactement quels seraient les paramètres de son étude. Mais nous étions tout à fait d'accord sur la notion de son étude.

Le sénateur Kelly a travaillé très fort avec la direction de ce côté-ci de la Chambre et il en a fait autant, j'en suis sûre, de son côté. Il a également travaillé avec le solliciteur général afin de déterminer la portée exacte du travail confié au comité. Je voudrais que le Sénat sache que son étude a l'appui total de ce côté-ci de la Chambre.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, comme le sénateur Carstairs l'a fait remarquer, si l'honorable sénateur Kelly prend la parole maintenant, son intervention aura pour effet de clore le débat sur cette motion.

Est-ce qu'il y a d'autres honorables sénateurs qui veulent prendre la parole? Sinon, je cède la parole à l'honorable sénateur Kelly.

L'honorable William M. Kelly: Honorables sénateurs, j'ai déposé cette motion visant à créer un comité spécial du Sénat sur la sécurité et le renseignement, en décembre 1997. Comme je l'ai indiqué alors, ce comité aurait pour objet d'évaluer notre capacité de prévenir les mesures ou les activités qui menacent la sécurité du Canada ou de réagir efficacement, si jamais le Canada y est confronté. Ce comité pourrait ainsi bâtir sur les bases importantes que représentent les travaux réalisés par le comité spécial sur le terrorisme et la sécurité publique en 1987 et 1989.

Comme je l'ai dit le 2 décembre, il y a eu beaucoup de changement depuis que le dernier comité sur le terrorisme a fait rapport en 1989. La guerre froide est peut-être terminée, mais nous sommes maintenant confrontés à la perspective d'une prolifération des armes de destruction massive de la part des États délinquants et de groupes terroristes. Nous sommes exposés à un risque nettement plus grand d'espionnage économique. Nous sommes aussi confrontés à la menace grandissante que représente le rapprochement à l'échelle mondiale des organisations criminelles et organisations terroristes, de sorte qu'elles deviendront plus puissantes. Le comité sera appelé à se pencher sur de telles questions.

Certains ont demandé pourquoi la motion propose de créer un comité spécial sur la sécurité et le renseignement plutôt qu'un autre comité spécial sur le terrorisme. La raison est qu'il faut élargir le champ de notre étude, afin d'inclure toutes les principales menaces qui pèsent sur la sécurité de notre pays.

La sécurité d'un pays est importante. Il est donc important que ce comité fasse un examen attentif, objectif et apolitique. Le comité doit avant tout être utile et constructif, il doit aider le gouvernement à devancer les menaces, plutôt qu'à y réagir. L'expérience m'a appris que de tels examens périodiques, s'ils sont exécutés comme il faut, peuvent en valoir la peine.

Honorables sénateurs, depuis que j'ai présenté ma motion, en décembre dernier, j'ai rencontré plusieurs hauts fonctionnaires du gouvernement qui ont des responsabilités ou des connaissances dans le domaine de la sécurité. J'ai rencontré notamment le secrétaire adjoint responsable de la sécurité et du renseignement au Bureau du Conseil privé, le solliciteur général adjoint et, plus récemment, M. Andy Scott, le solliciteur général lui-même.

Pendant ces discussions, j'ai appris que le ministre Scott avait déjà lancé un examen sur la façon dont le gouvernement serait en mesure de répondre à des menaces terroristes contre la sécurité publique et à des actes réels de terrorisme. Il m'a dit qu'il serait heureux que le comité sénatorial procède à l'étude proposée, mais il a suggéré que nous soyons un peu plus précis dans notre motion en ce qui concerne les domaines qui seraient couverts. En conséquence, j'ai modifié la motion originale pour mentionner les domaines qui, selon le ministre Scott, compléteraient le mieux l'examen entrepris par le solliciteur général.

J'ai aussi modifié la motion originale en raison du temps déjà écoulé et je propose maintenant que le comité présente son rapport final en septembre. Cette date butoir permettrait de tenir des réunions pendant l'été.

Honorables sénateurs, je demande au Sénat d'approuver cette motion.

(La motion est adoptée.)

Le Sommet international de la jeunesse contre l'exploitation sexuelle des enfants

Interpellation-Ajournement du débat

L'honorable Landon Pearson, ayant donné avis le 19 mars 1998:

Qu'elle attirera l'attention du Sénat sur les résultats du Sommet international de la jeunesse contre l'exploitation sexuelle des enfants, qui s'est tenu à Victoria, du 7 au 12 mars dernier.

- Honorables sénateurs, il y a deux semaines, 54 jeunes du Canada, des États-Unis et de l'Amérique latine, tous exploités sexuellement au cours de leur enfance, se sont réunis à Victoria pour en parler et se faire entendre. Ceux d'entre nous qui ont entendu leur récit l'ont trouvé poignant et inspirant - poignant en raison du caractère tragique de ce qu'ils avaient à raconter, et inspirant en raison du courage et de la détermination collective dont ils ont fait preuve pour éviter que d'autres enfants ne vivent les mêmes souffrances.

«Sortir de l'ombre» a été une conférence hors du commun, voire unique. Il serait très intéressant de tenir d'autres conférences comme celle-là en Afrique du Sud, en Europe de l'Est et dans plusieurs pays d'Asie, où l'exploitation sexuelle des enfants à des fins commerciales est malheureusement un phénomène généralisé, une activité commerciale illicite qui rapporte des centaines de millions de dollars et qui permet à de nombreuses personnes de profiter des souffrances innommables d'êtres innocents.

L'organisation d'une conférence efficace qui donne la parole à des jeunes qui ont été exploités et marginalisés est une tâche délicate. Le comité de planification dont je faisais partie de même que ma coprésidente, Cherry Kingsley, une jeune femme qui sait trop bien, pour l'avoir vécu, ce que c'est que d'être exploitée sexuellement, avait un défi à relever, celui de créer un cadre sûr et propice qui permette aux jeunes délégués de sortir de l'ombre et d'expliquer leur histoire en toute franchise, en sachant qu'ils seraient écoutés. Avec l'aide de Cherry et de certains de ses collègues du PEERS, le Prostitutes Empowerment Education Recovery Society, nous avons pu, je suis fière de le dire, instaurer un climat propice.

Une fois rendus à Victoria, les jeunes se sont retrouvés dans un milieu agréable et paisible, avec des lits confortables, trois repas par jour et un extraordinaire niveau de soutien pratique et émotif. Nous avions un service d'aide ouvert 24 heures par jour dont le personnel se composait de conseillers et de médecins bénévoles. Nous donnions aux jeunes l'occasion de s'exprimer par les arts, le théâtre, la musique et l'écriture créatrice, avec l'aide de talentueux bénévoles. Les séances plénières et les autres activités étaient toutes adaptées à leurs besoins spéciaux. Le personnel de soutien et les quelques professionnels restaient à l'arrière-plan, et on leur demandait d'écouter seulement.

Les jeunes ont répondu avec une extraordinaire explosion de créativité. Ce qu'ils ont produit était certes pénible et déchirant autant pour nous que pour eux, mais profondément troublant, dans le meilleur sens du mot. Ce qui m'a frappée, c'est qu'ils étaient en colère contre la société pour ne pas avoir protégé ses enfants et pour avoir permis les agressions, qu'ils étaient assez forts pour décrire tout cela et prendre leur place; qu'ils étaient en colère contre la nature prédatrice du métier, de l'auto-satisfaction irréfléchie et souvent brutale des clients, et contre la rapacité et la cruauté des autres exploiteurs.

Avant de venir à Victoria, ces jeunes avaient tous pris part à des groupes de discussion non officiels, mais soigneusement structurés. En fait, c'est comme cela qu'ils ont été choisis. Les groupes de discussion tant nationaux qu'internationaux ont fait état d'un certain nombre de thèmes récurrents dans les expériences de vie des enfants et des jeunes qui se prostituent. Je n'ai pas l'intention de raconter leurs histoires personnelles, mais vous ne serez pas surpris d'apprendre que la plupart d'entre elles parlent de pauvreté et d'agressions.

(1640)

Pour certaines des jeunes filles, c'est une grossesse prématurée qui les a menées dans la rue. Pour d'autres jeunes, autant les filles que les garçons, l'absence d'un foyer familial, une faible estime de soi ou des problèmes de drogue ou d'alcool en ont fait des proies faciles pour les proxénètes. Un certain nombre d'entre eux ont mené une double vie parce que seulement une toute petite partie de la prostitution a lieu dans la rue. Presque tous ont fait part d'un manque d'instruction et de formation, y compris du manque de connaissance des droits de la personne et la plupart d'entre eux n'avaient personne à qui parler.

On peut trouver un résumé des discussions des groupes nationaux et internationaux, ainsi que la déclaration, le plan d'action et d'autres documents relatifs à la conférence sur mon site Web: sen.parl.gc.ca/lpearson.

C'est là le bagage que les jeunes gens ont apporté avec eux à Victoria, le matériel sur lequel ils ont fondé leur déclaration et leur plan d'action, un document qu'ils ont entièrement préparé par eux-mêmes. Cherry et les huit jeunes délégués qui ont accepté de travailler à la rédaction du document ont travaillé un soir jusqu'à quatre heures du matin et le lendemain, jusqu'à trois heures. Ils sont sortis les yeux un peu brouillés et ont brillamment présenté le produit fini à un groupe de politiciens du gouvernement fédéral, du gouvernement de la Colombie-Britannique et du Brésil, ainsi qu'à d'autres représentants politiques et fonctionnaires internationaux. Nous étions tous très émus de leur présentation et déterminés à leur répondre. Le gouvernement fédéral offrira une aide pour la tenue d'un suivi au niveau international, qui touchera principalement les jeunes de l'Amérique latine. Le gouvernement de la Colombie-Britannique a annoncé une somme de 3 millions de dollars pour des maisons d'hébergement. D'autres engagements ont été pris, dont un engagement personnel de chacun d'entre nous.

Honorables sénateurs, veuillez écouter leurs propres paroles.

Trop souvent, nos voix ont été ignorées. Ici, à ce sommet, nous sommes unis et nous parlons d'une voix forte. Cette déclaration est l'expression unie des enfants victimes d'exploitation sexuelle. Nous venons de tous les secteurs de la société et nous avons de nombreuses histoires à raconter. Écoutez notre voix.

Déclaration.

Nous, les représentants des enfants victimes d'exploitation sexuelle, qui sommes réunis à Victoria, au Canada, au Sommet international de la jeunesse contre l'exploitation sexuelle des enfants, qui a pour thème «Sortir de l'ombre», déclarons ce qui suit:

Nous déclarons que l'expression enfant prostitué ne doit plus être employée. Ces enfants sont victimes d'exploitation sexuelle et tout langage ou expression qui leur fait référence doit tenir compte de ce fait.

Nous déclarons que l'exploitation sexuelle des enfants à des fins commerciales est une forme de sévices et d'esclavage.

Nous déclarons que tous les enfants ont le droit d'être protégés contre toutes les formes de sévices, d'exploitation et de menaces de sévices, de préjudices ou d'exploitation.

Nous déclarons que l'exploitation commerciale des enfants ne doit plus pouvoir constituer une activité rentable sur le plan financier.

Nous déclarons que tous les enfants ont le droit de connaître leurs droits.

Nous déclarons que la lutte contre l'exploitation sexuelle des enfants doit constituer une priorité mondiale et que les pays doivent non seulement exiger des comptes de leurs voisins mais rendre compte eux-mêmes.

Nous déclarons que les gouvernements sont obligés d'adopter des lois qui reflètent le principe de la tolérance zéro à l'endroit de toutes les formes de sévices et d'exploitation des enfants.

Programme d'action

Notre programme d'action repose sur nos convictions. Nos convictions sont le fruit de ce que nous avons vécu. Pour comprendre comment ces actions s'appliqueront, vous devez comprendre nos convictions et les expériences de vie qui nous ont conduits à ces convictions.

Nous croyons que l'éducation est indispensable à notre combat contre l'exploitation sexuelle des enfants.

Nous croyons que les voix et l'expérience des enfants victimes d'exploitation sexuelle doivent être entendues et être au centre du développement et de la mise en place de mesures. Nous devons avoir les moyens de nous aider nous-mêmes.

Nous croyons que nous avons le droit d'accéder aux ressources nécessaires pour aider les enfants victimes d'exploitation sexuelle et pour répondre à leurs besoins très variés.

Nous croyons que tous les enfants peuvent être victimes d'exploitation sexuelle, qu'ils soient garçons, filles ou transsexuels.

Nous croyons que les lois doivent protéger les enfants victimes d'exploitation sexuelle et non plus les traiter comme des criminels.

Nous croyons que nous sommes tous responsables de nos enfants, mais ce n'est pas notre responsabilité exclusive. Les gouvernements, les collectivités et la société dans son ensemble doivent être tenus responsables de l'exploitation sexuelle des enfants.

Je ne vais pas poursuivre la lecture du programme d'action, mais je vous invite instamment à le lire.

Honorables sénateurs, l'achat et l'utilisation du corps d'un enfant à des fins sexuelles est un acte abominable et une profanation de l'esprit humain. Nous devons tous faire ce que nous pouvons pour réduire cette pratique déplorable. Je sais que vous êtes tous occupés, nous le sommes tous, mais je vous exhorte à lire la déclaration et le programme d'action et à réfléchir aux paroles des jeunes délégués. Je vous assure que vous ne verrez plus jamais du même oeil les jeunes qui sont engagés dans la prostitution et les personnes qui achètent leurs faveurs sexuelles.

L'honorable Consiglio Di Nino: Honorables sénateurs, je voudrais dire quelques mots du fond du coeur sur cette question dont j'ai déjà parlé un peu par le passé.

Le sénateur Pearson, ses collègues et toutes les personnes qui ont participé à ce sommet méritent nos félicitations. L'exploitation des enfants canadiens est un problème tragique et énorme que, trop souvent, nous occultons. C'est tragique et déplorable. Nous ne voulons pas voir la réalité en face. J'ignore pourquoi, mais il semble bien que nous ayons peur de nous attaquer au problème.

L'honorable sénateur sait que, au départ, je souhaitais participer. Cela ne devait pas être, malheureusement. En présentant mes félicitations, je souhaite que le Sénat ne mette pas fin au débat aujourd'hui. C'est un problème auquel nous les Canadiens devons faire face, sinon dans notre intérêt, du moins dans celui de nos enfants. Encore une fois, félicitations, et poursuivons le travail.

(Sur la motion du sénateur DeWare, le débat est ajourné.)

(Le Sénat s'ajourne au mardi 31 mars 1998, à 14 heures.)


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