Aller au contenu
Séances précédentes
Séances précédentes
Séances précédentes

Débats du Sénat (Hansard)

Débats du Sénat (hansard)

1re Session, 36e Législature
Volume 137, Numéro 128

Le jeudi 15 avril 1999
L'honorable Gildas L. Molgat, Président


LE SÉNAT

Le jeudi 15 avril 1999

La séance est ouverte à 14 heures, le Président étant au fauteuil.

Prière.

[Traduction]

Visiteur de marque

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, je voudrais signaler la présence à notre tribune d'un visiteur de marque. Le Dr Fathi Arafat est président de la Société du Croissant-rouge de la Palestine et président de l'Académie palestinienne des sciences et de la technologie. Notre distingué visiteur, le Dr Arafat, est ici à titre d'invité de l'honorable sénateur Prud'homme.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je souhaite au Dr Arafat la bienvenue au Sénat.


[Français]

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

L'Hôpital Montfort d'Ottawa

L'honorable Jean-Robert Gauthier: Honorables sénateurs, la communauté franco-ontarienne se voit encore bafouée dans ses droits les plus élémentaires. Cela fait maintenant près de deux ans que l'administration de l'Hôpital Montfort négocie avec la Commission de restructuration des services de santé de l'Ontario.

J'emploie le terme «négocier» en sachant fort bien qu'il n'y a pas eu de discussion proactive mais plutôt que la commission s'est indignement traîné les pieds et laisse perdurer une situation difficile pour notre communauté. C'est de bonne foi que le conseil d'administration de l'Hôpital Montfort a participé au processus de consultation à la demande même de la commission.

La réponse de la commission aux propositions soumises par l'Hôpital Montfort a été rendue quelques jours avant la première date de comparution, qui était alors prévue en janvier dernier. Or, la commission n'a pas formulé de réponse en tant que telle, mais a plutôt demandé d'autres informations pouvant justifier la proposition déjà présentée. Les soupçons que le processus de négociation était futile se concrétisaient.

Devant la lenteur du processus, les parties ont accepté de mandater une tierce partie indépendante et neutre, afin que cette dernière détermine une fois pour toutes les besoins de l'hôpital pour le maintien de son programme d'enseignement en Ontario français.

Suite à de très nombreuses consultations auprès des différents intervenants impliqués et d'autres hôpitaux offrant des programmes d'enseignement semblables, le docteur Jacques Frénette, qui occupe le poste de président du Collège des médecins de famille du Canada, en est arrivé à la conclusion que les demandes initiales de Montfort ne pouvaient soutenir un programme d'enseignement viable et crédible à long terme. Il faudrait donc le bonifier.

Les demandes initiales de Montfort étaient en fait une position commune de l'Université d'Ottawa, de l'Hôpital d'Ottawa et de l'Hôpital Montfort, qui déterminaient que le minimum requis devait comporter un service d'urgence intégral, avec soins intensifs et 72 lits de soins aigus - comprenant les 22 lits déjà alloués par la commission en juillet dernier. Sans ce minimum de services, l'hôpital ne peut remplir adéquatement sa mission d'enseignement.

La crise de Montfort entre maintenant dans une phase décisive. Étant donné que la commission a demandé de nouveaux délais afin d'analyser de nouveaux documents, le conseil d'administration n'a d'autre choix que de passer de la parole aux actes. Cette semaine, nous nous sommes présentés en cour.

(1410)

Ce qui est au coeur du débat, ce n'est pas la possibilité de «tirer la couverte de notre bord», mais plutôt d'assurer un strict minimum à la communauté francophone de l'est ontarien et ce, en terme d'institution essentielle à sa survie.

L'enseignement et la santé font partie des assises minimales au maintien et au développement d'une communauté, et nous n'y faisons pas exception. Or les délais encourus par un débat juridique font en sorte qu'il est difficile à la fois de recruter de nouveaux membres et de conserver le personnel en place. Comme l'illustrait le procureur de Montfort, l'hôpital est en train de se vider de son sang et on empêche toute transfusion pour le garder en vie.

La cour divisionnaire de l'Ontario, lundi passé, a considéré que le processus administratif n'étant pas terminé, il serait inutile que le système judiciaire y soit mêlé. Je considère, par contre, que la cour a servi un avertissement sérieux en accordant une dernière chance à la commission pour qu'elle accouche enfin d'une solution tout en lui enjoignant de ne prendre aucune décision quant au fonctionnement et aux effectifs actuels de Montfort. Rien ne changera tant que la question sera devant les tribunaux.

Honorables sénateurs, nous sommes en droit de nous attendre à une décision, pour ou contre, mais sachons où nous nous situons.

[Traduction]

L'Île-du-Prince-Édouard

Tignish-Les célébrations du bicentenaire

L'honorable Catherine S. Callbeck: Honorables sénateurs, l'Île-du-Prince-Édouard est formée de nombreuses collectivités petites, certes, mais fières et superbes. Vous connaissez tous bien sûr la capitale, Charlottetown, et le rôle primordial et historique qu'elle a joué lors de la naissance de notre magnifique pays. Vous savez tous également que plusieurs sondages nationaux ont placé Summerside en tête de liste des villes du pays pour ce qui est de la qualité de vie et des affaires.

Une municipalité célèbre cette année son bicentenaire. Il s'agit de Tignish, qui est située à l'extrémité occidentale de l'Île-du-Prince-Édouard. Plus de 35 comités travaillent actuellement à l'organisation des diverses manifestations et activités, dont le clou sera le festival des fondateurs, qui se dérouleront durant tout l'été.

Les cérémonies du bicentenaire souligneront l'arrivée en 1799 de huit familles fondatrices acadiennes et raconteront les 200 ans d'histoire et de développement de cette collectivité.

Je suis fière de la façon dont la communauté de l'Île-du-Prince-Édouard est, à bien des égards, un reflet de l'ensemble du Canada. La réunion de nombreux groupes ethniques et culturels en une communauté étroitement unie fait de Tignish comme du Canada des endroits remarquables.

Outre les aspects historiques des célébrations, les membres de la communauté font des choses très concrètes, dont beaucoup survivront longtemps aux fêtes du bicentenaire. La communauté compte beaucoup sur une amélioration de son infrastructure, l'aménagement d'un parc, la publication de livres historiques et, sans doute l'aspect le plus impressionnant de tous, la construction d'un centre patrimonial et culturel à Tignish, dont la communauté pourra bénéficier pendant de longues années.

La promotion du bicentenaire a évidemment une importance capitale. À cette fin, les organisateurs de la communauté travaillent avec les organisateurs du prochain sommet francophone de Moncton. Ils sont en train de créer une page Web qui fera la promotion de l'événement et ils utiliseront également d'autres méthodes de publicité plus traditionnelles, comme la publication de brochures régionales, des activités promotionnelles, des galeries à l'intention des visiteurs, et ainsi de suite.

Je félicite la population de Tignish, qui s'apprête à célébrer cette date marquante de son histoire. J'espère que tous les Canadiens s'empresseront de se rendre dans cette communauté durant les célébrations de son patrimoine, de son histoire et de son avenir.

[Français]

L'Assemblée parlementaire de la Francophonie

Mission de la section Amérique en Louisiane

L'honorable Rose-Marie Losier-Cool: Honorables sénateurs, un des buts du Sénat est d'assurer une représentativité régionale à travers le Canada. En tant que sénateur représentant les francophones en situation minoritaire, et surtout les Acadiens, je suis convaincue que ce but du Sénat est essentiel pour tous les Canadiens et Canadiennes. Si on éditait toutes les déclarations faites par les sénateurs sur les intérêts de leur région, on aurait un magnifique manuel d'histoire et de civisme pour la population canadienne.

Faisant partie d'une délégation parlementaire francophone, j'ai bien réalisé ce rôle de représentante régionale tout récemment lors d'un voyage en Louisiane. Cette mission, organisée par la section Amérique de l'Assemblée parlementaire de la Francophonie, avait pour but de rencontrer les parlementaires louisianais de langue française ainsi que les organismes francophones de Lafayette et de Baton Rouge. Comme toute rencontre d'une délégation parlementaire, il y a eu des réunions d'échanges sur des sujets économiques, technologiques et politiques.

Toutefois, je fus invitée en tant que sénateur acadien à visiter les archives du Centre catholique de Baton Rouge. C'est avec joie mais surtout beaucoup d'émotion que j'ai pu voir et toucher des registres paroissiaux qui se trouvaient dans l'église de Grand Pré lors du Grand Dérangement de 1755. À cette époque, cette paroisse s'appelait Saint-Charles-aux-Mines. Ces registres datant de 1707 à 1748 furent transportés secrètement, cachés dans des taies d'oreiller, au-delà des vents et des mers et surtout à des milliers de kilomètres. Un jour, ces registres furent trouvés - à l'intérieur de ces taies d'oreiller - dans une vieille église près des bayous. Ces registres sont désormais gardés précieusement sous clé aux archives du Centre catholique de Baton Rouge. Néanmoins, c'est avec une permission spéciale que j'ai eu le privilège de voir, de toucher et de lire ces précieux documents, qui contiennent un total de 2 444 entrées: 1 414 baptêmes, 557 mariages et 272 enterrements.

C'est avec un pincement au coeur que je voyais les noms de ces Acadiens, des Robichaux, des Comeaux, des Bilodeaux, des Thibodeaux - avec un X - et même un curé Prud'homme en 1712. Ce curé n'était pas Acadien!

J'étais accompagnée par le ministre de l'Éducation, de la Culture et des Affaires acadiennes de la Nouvelle-Écosse, M. Wayne Gaudet. On souhaiterait qu'éventuellement, ces registres reviennent à Grand Pré, en Nouvelle-Écosse, parce que comme le dit la chanteuse Angèle Arsenault: «À Grand Pré, c'est là que tout à commencé».

En Louisiane, on trouve des Cadjins, nom dérivé de «Acadians», en anglais, et raccourci à «Cadians» et, finalement, appelés Cadjuns. Les Acadiens de la Louisiane veulent être appelés Cadiens et non la dérivation américaine de Cadjuns. Le deuxième Congrès mondial acadien se déroulera à Lafayette et dans les villes environnantes les 14, 15 et 16 août 1999.

Plus de 10 000 Acadiens et Acadiennes, des Cadjuns et Cadjunes sont attendus aux célébrations culturelles et sociales, ainsi qu'aux nombreux rassemblements de familles qui promettent d'être dignes des meilleurs «fais-dodo» de la Louisiane! Honorables sénateurs, comme disent les Cadjuns de la Louisiane: «Laissez le bon temps rouler!»

[Traduction]

Les anciens combattants

Le rôle du Bataillon noir pendant la Première Guerre mondiale

L'honorable Calvin Woodrow Ruck: Honorables sénateurs, en 1938, le capitaine A.F. Duguid a écrit, sous l'autorité du ministre de la Défense nationale, l'histoire officielle des Canadiens durant la Grande guerre. Dans son ouvrage de 400 pages, il décrit brièvement, de façon laconique et erronée l'expérience des volontaires noirs, en écrivant qu'ils ont été refusés.

Un critique pour le moins indulgent dirait que le capitaine Duguid a mal fait ses recherches puisqu'il a oublié les 500 hommes et plus qui ont servi dans le bataillon de construction no 2, connu sous le nom de Bataillon noir du Canada. Ces hommes ont servi leur pays et méritent notre reconnaissance. Il leur a cependant fallu attendre jusqu'en 1982 pour l'obtenir, lorsque le gouvernement du Canada a érigé un monument au bataillon dans la ville de Pictou, en Nouvelle-Écosse.

Chaque année, le deuxième samedi de juillet, nous retournons à Pictou pour rendre hommage à ces hommes qui ont servi leur pays en dépit d'énormes difficultés.

L'histoire militaire canadienne, et en particulier le rôle qu'y ont joué les Noirs, mérite d'être mieux étudiée et mieux connue. Les hommes qui ont servi ont fait leur devoir et nous, leurs descendants, méritons la même reconnaissance que tous les autres Canadiens qui vivent dans ce magnifique pays qu'on appelle le Canada.

Nous continuerons d'aller à Pictou rendre hommage à ces hommes. Nous savons que les conditions se sont améliorées. Beaucoup de jeunes font maintenant partie des forces militaires. Certains ont été élevés au rang de lieutenant-colonel. Il n'y a pas bien longtemps, il n'aurait jamais été question d'avoir un officier noir. À présent, il y en a.

Nous aimons ce pays. En cas de guerre, nos hommes et nos femmes seront prêts à revêtir l'uniforme pour se porter à la défense de ce pays que nous appelons le Canada. Ils en seront capables.


PÉRIODE DES QUESTIONS

L'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord

Le conflit en ex-Yougoslavie-L'appui donné à la proposition de paix allemande-La position du gouvernement

L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint de l'opposition): Honorables sénateurs, je voudrais poser une question au leader du gouvernement au Sénat. Le gouvernement du Canada appuie-t-il la résolution proposée par l'Allemagne concernant la tragédie du Kosovo?

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Oui, honorables sénateurs, nous sommes en train de consulter nos alliés au sujet de cette proposition qui doit satisfaire à toutes nos conditions pour constituer une solution viable.

Le sénateur Kinsella: Le leader a dit que le Canada tient des consultations. Ce que j'essaie de déterminer, c'est si le Canada a ou non sa propre opinion à ce sujet, s'il poursuit certains objectifs.

Le Canada appuie-t-il la résolution en tant que pays souverain ou ne fait-il que consulter les autres pays?

Le sénateur Graham: Le Canada voit d'un bon oeil la proposition de paix de l'Allemagne, qui est la dernière d'une série de propositions destinées à mettre un terme au conflit.

Les affaires étrangères

Le conflit en ex-Yougoslavie-Le rôle du Canada dans la recherche d'une solution-La position du gouvernement

L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint de l'opposition): Honorables sénateurs, dans cette terrible tragédie sur le plan humanitaire et sur le plan de la sécurité internationale, le Canada semble vraiment se contenter de suivre. Ma question s'adresse au leader du gouvernement. Le Canada a-t-il des initiatives créatives ou nouvelles qu'il va présenter et essayer de faire accepter à une tribune internationale, notamment au Conseil de sécurité, dont il est membre, ou à l'Assemblée générale, au sein de laquelle il a joué, sous le gouvernement Pearson, un rôle de premier plan?

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Les honorables sénateurs savent que le Canada a discuté avec vigueur de cette question devant le Conseil de sécurité des Nations Unies et en est venu à la conclusion, à l'instar de tous les autres pays membres, qu'il y serait impossible d'adopter une résolution à cause du droit de veto de la Russie et de la Chine.

Cependant, comme je l'ai signalé hier, le Canada s'attaque activement à cette question sur d'autres fronts, notamment au moyen de la lettre que le premier ministre a envoyée au président Eltsine. Le premier ministre est en communication téléphonique constante avec le président des États-Unis ainsi qu'avec les dirigeants des autres pays de l'OTAN.

Le sénateur Kinsella: Honorables sénateurs, un examen des comptes rendus des Nations Unies au cours des dernières semaines nous apprend que le Canada n'a parrainé aucune résolution, que ce soit au Conseil de sécurité ou à l'Assemblée générale, en vue de prendre l'initiative dans la recherche d'une solution à cette horrible tragédie.

Le leader du gouvernement pourrait-il nous préciser où est cette résolution canadienne dont nous ne pouvons trouver aucune trace aux Nations Unies?

Le sénateur Graham: Honorables sénateurs, je n'ai pas dit que le Canada avait présenté une résolution. Le Canada a parrainé et mené des discussions avec ses homologues du Conseil de sécurité des Nations Unies. Je sais également que le ministre Axworthy s'est entretenu avec le ministre russe des Affaires étrangères pas plus tard qu'aujourd'hui, à midi, pour relancer des initiatives précédentes. Il est clair que le Canada joue un rôle actif pour ce qui est de prendre des initiatives constructives dans le but de résoudre ce terrible problème dans cette région du monde.

La défense nationale

Les forces de l'OTAN en ex-Yougoslavie-Le déploiement des troupes terrestres-Le nombre de militaires envoyés

L'honorable J. Michael Forrestall: Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement.

Au sujet de la mission dans le cadre de l'OTAN, le leader du gouvernement a confirmé, en réponse à une question qui lui a été posée mardi, l'envoi d'une force composée d'un bataillon d'infanterie tactique, d'un escadron de reconnaissance et d'un escadron d'hélicoptères. S'il maintient sa déclaration de mardi, nos troupes basées à Edmonton, le Princess Patricia, le Lord Strathcona's Horse, le 408e Escadron d'hélicoptères et divers éléments de soutien sont actuellement à l'entraînement en prévision d'un tel rôle. On a dit aux responsables de la formation des observateurs pour le Kosovo à Kingston qu'il se pouvait qu'un maximum de 2 000 militaires soient envoyés. Cette information venait de l'état-major du J3 responsable de la planification et des opérations au Kosovo.

Le ministre serait-il assez aimable pour nous dire si un plus un égalent vraiment deux?

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, un plus un n'égalent pas 2 000, comme mon collègue semble le dire. J'ai dit hier, comme je l'ai d'ailleurs dit à plusieurs autres occasions, que le Canada envisage d'envoyer, à des fins de maintien de la paix - et j'insiste sur les mots «maintien de la paix» -, de 500 à 800 militaires, et non 2 000, comme le laisse croire mon collègue.

Le sénateur Forrestall: Le ministre peut-il au moins confirmer que c'est l'état-major du J3 qui est responsable de la planification? Je peux me tromper.

Le sénateur Graham: La décision finale est prise par le chef d'état-major de la défense, qui formule une recommandation à l'intention du ministre de la Défense, qui à son tour en discute avec le premier ministre et le Cabinet.

Le sénateur Forrestall: C'était inutile.

Le patrimoine canadien

Le projet de loi sur les services publicitaires fournis par des éditeurs étrangers-La possibilité d'amendements-La position du gouvernement

L'honorable Donald H. Oliver: Ma question porte sur l'article intitulé: «Ottawa étudie des solutions de rechange dans l'éventualité d'un échec du projet de loi C-55», paru dans le National Post de jeudi. Les sénateurs conservateurs du Comité permanent des banques et du commerce, du Comité permanent des transports et des communications et du Comité permanent des affaires juridiques et constitutionnelles ont assisté aux premières séances portant sur le projet de loi C-55 dans l'édifice Victoria, avant-hier soir, pour entendre la ministre du Patrimoine canadien, l'honorable Sheila Copps, défendre cette initiative du gouvernement. D'après l'article, la ministre aurait pris «un ton de défi». Toujours selon l'article, «elle a juré que le gouvernement ne reculerait pas et pressé les sénateurs d'adopter le projet de loi.»

Le National Post suppose toutefois que, si le gouvernement continue d'échouer dans ses tentatives de négociation, il pourrait en fin de compte devoir abandonner les efforts qu'il déploie depuis 30 ans pour empêcher la publication d'éditions dédoublées de périodiques américains au Canada et subventionner plutôt les éditeurs de périodiques canadiens pour les indemniser d'un manque à gagner considérable à cause des recettes de publicité allant aux éditions dédoublées des périodiques étrangers.

Lors de son témoignage, la ministre Copps a dit que ses fonctionnaires examinaient nombre de solutions de rechange à l'adoption du projet de loi, comme l'octroi de subventions et la délivrance de permis. Le leader du gouvernement nous dirait-il si le projet de loi sur lequel le Sénat votera en troisième lecture sera le projet de loi C-55, dont un comité sénatorial est saisi actuellement, ou sa version considérablement amendée et remaniée?

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, des sénateurs très compétents siègent au Comité sénatorial permanent des transports et des communications, notamment la distinguée présidente de ce comité, le sénateur Bacon.

Pour autant que je sache, la séance de mardi soir, lors de laquelle le comité a entendu la ministre du Patrimoine canadien et ses fonctionnaires, s'est très bien déroulée. Je crois que la ministre a déclaré que le Sénat est maître de ses décisions, comme les membres du comité sont maîtres des leurs, et qu'ils doivent agir en conséquence.

Toutefois, si les sénateurs souhaitent examiner le projet de loi à fond, je suis sûr que tous les membres du comité voudront entendre toutes les personnes qui ont communiqué avec le greffier, les membres ou la présidente du comité pour manifester leur désir de comparaître ou de présenter des observations écrites au sujet du projet de loi. Je suis certain que tous les Canadiens qui souhaitent intervenir devant le comité, qu'ils appuient ou non le projet de loi, s'attendent au respect absolu de la procédure régulière.

On m'a posé des questions de ce genre au moment du débat de deuxième lecture au Sénat. Ce jour-là, j'ai invité le chef de l'opposition à faire son discours et à renvoyer le projet de loi à un comité.

Si le projet de loi nous revient du comité sans proposition d'amendements, comme je le prévois, nous devrions alors procéder conformément à la procédure régulière. Nous devrions en terminer l'étude avec diligence une fois que tous ceux qui ont manifesté leur désir de se faire entendre par le comité auront été entendus.

Le sénateur Olivier: Honorables sénateurs, l'article parle également de certaines sources qui affirment que les Américains n'ont pas directement écarté une solution qui exigerait que les éditeurs étrangers publient une certaine proportion de contenu original dans les éditions à tirage dédoublé destinées au marché canadien.

Il semble que l'on envisage de substituer l'expression «contenu original» à l'expression «contenu canadien», que les Américains n'accepteront pas. Le ministre pourrait-il nous dire s'il s'agit de simples spéculations ou si ces négociations se déroulent actuellement?

Le sénateur Graham: Honorables sénateurs, je dirais que c'est de la pure spéculation.

Le projet de loi sur les services publicitaires fournis par les éditeurs étrangers-La possibilité d'une adoption rapide

L'honorable John Lynch-Staunton (chef de l'opposition): Honorables sénateurs, en réponse à une question complémentaire, le ministre a présenté sa cause de façon très convaincante mardi soir. Pour calmer l'impatience du ministre de voir le projet de loi adopté sans modification, le sénateur Kinsella a offert, en notre nom, d'abréger les audiences et de faire rapport du projet de loi au Sénat dès la semaine prochaine pour que nous puissions l'étudier en troisième lecture. J'ose croire que le gouvernement répondra à cet esprit de collaboration et démontrera à ceux qui sont visés par le projet de loi qu'il est sérieux et que son projet de loi s'appuie sur des recherches approfondies, est conforme à la charte et résistera aux contestations devant l'OMC. C'est ce que la ministre nous a dit et nous la croyons sur parole.

Adoptons le projet de loi. Pourquoi tenir toutes ces audiences si nous appuyons le concept? Nous appuyons le principe de la protection de notre culture et particulièrement de nos périodiques. Le sénateur Kinsella a suggéré que nous tenions des audiences demain, ainsi que lundi, mardi et mercredi. Nous pourrions alors faire rapport du projet de loi jeudi, l'adopter jeudi après-midi et lui donner la sanction royale jeudi soir. Nous pourrions ainsi montrer aux gens qui sont particulièrement touchés par ce projet de loi que le gouvernement prend au sérieux la question de la protection des périodiques et que nous ne comptons pas affaiblir la mesure proposée. La seule façon de transmettre ce message est d'adopter le projet de loi le plus rapidement possible.

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je suis ravi d'entendre le chef de l'opposition défendre si vigoureusement le projet de loi sous sa forme actuelle. Toutefois, on me dit qu'il y a des témoins, des particuliers et des groupes qui aimeraient comparaître devant le comité.

D'après ce que je comprends de notre façon de procéder, à part de très rares exceptions lorsqu'un projet de loi doit impérativement être adopté avant une date donnée, nous avons toujours permis aux Canadiens de présenter leur point de vue au comité compétent, que ce soit le Comité sénatorial permanent des transports et des communications ou le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles. Nous sommes actuellement saisis de plusieurs projets de loi que l'opposition prend tout son temps pour étudier et pour débattre.

Le sénateur Lynch-Staunton: Et avec raison.

Le sénateur Graham: Je veux parler des projets de loi C-40 et C-43. Il est également question de modifier d'autres projets de loi. Je sais que le sénateur Grafstein a des amendements à proposer à un projet de loi qui lui tient à coeur.

Le sénateur Kinsella: Ce sont de bons amendements.

Le sénateur Graham: Quoi qu'il en soit, le sénateur Lynch-Staunton serait le premier à protester avec véhémence si nous ne donnions pas aux Canadiens l'occasion de se faire entendre.

On me dit qu'il y a plusieurs groupes et des particuliers qui ont exprimé leur désir de comparaître devant le comité en question. Je ne peux pas croire que le sénateur Lynch-Staunton veuille étouffer le débat à l'étape de l'étude en comité. Je m'attends à ce qu'il soit fait rapport du projet de loi sans propositions d'amendement.

Le sénateur Lynch-Staunton: J'espère que le sénateur Grafstein écoutait quand on a dit que tous les témoins devaient être entendus, car il a déclaré au Sénat hier qu'il avait été interrompu à l'étape du comité et que c'était pour cela qu'il présentait ses amendements ici.

Le fait est que ce projet de loi est très spécial. Ce n'est pas un projet de loi ordinaire. Ce qu'il dit, c'est que le Canada se défend et défend ce en quoi il croit. Pour reprendre les propres paroles du ministre: Ne nous laissons pas impressionner. Plus nous attendrons, plus nous aurons l'air faibles. Vous pouvez faire traîner les audiences jusqu'en juin, si vous voulez. Mais, ce faisant, vous dites aux Américains: «Dites-nous ce que vous voulez et vous l'aurez.»

Le sénateur Graham: Honorables sénateurs, j'espère que nous pourrons compter sur le même appui quand le projet de loi sera renvoyé par le comité et que nous passerons à l'étape de la troisième lecture.

Le sénateur Lynch-Staunton: Quand est-ce que ce sera?

Le sénateur Graham: L'une des choses que nous évitons de faire, c'est d'essayer de diriger les activités des comités ou de chacun des sénateurs. À la différence de nos prédécesseurs, nous agissons de façon très démocratique.

La présidence et les membres du comité m'informent que d'autres témoins souhaitent comparaître.

L'état d'avancement des entretiens avec le gouvernement des États-Unis sur les périodiques à tirage dédoublé

L'honorable David Tkachuk: Honorables sénateurs, je voudrais revenir sur la question que le sénateur Oliver a soulevée à propos de l'article paru aujourd'hui dans le National Post. Aux audiences du comité, les sénateurs Lynch-Staunton et Kinsella ont tous deux demandé à la ministre s'il y avait des négociations. Elle a nié avec véhémence, mais elle a dit que des entretiens se poursuivaient. L'article du National Post auquel le sénateur Oliver s'est reporté dit qu'il y a des négociations.

Je demande donc au leader du gouvernement au Sénat s'il y a des négociations, oui ou non. Il semble que les fuites qui viennent du gouvernement et ce que le ministre a dit aux sénateurs mardi soir ne concordent pas.

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je ne suis au courant d'aucune négociation en cours. Je sais par contre qu'il y a des entretiens entre des représentants du Canada et des États-Unis. Je crois qu'ils ont eu lieu le 7, le 8 ou le 9 avril et le ministre a fort justement décrit ces échanges comme des entretiens, et non comme des négociations.

Je n'ai pas lu l'article du National Post auquel mon collègue a fait allusion. Je ne lis pas très souvent ce journal, puisque, il y a quelques semaines, il a présenté de moi un portrait peu flatteur. Ce portrait du leader du gouvernement au Sénat n'était pas très ressemblant.

Le sénateur Tkachuk: Le leader aurait-il l'obligeance d'expliquer la différence entre négociations et entretiens? Y a-t-il un pas à faire pour que les entretiens se transforment en négociations lorsque nous aurons le dos tourné?

(1440)

Le sénateur Oliver: La semaine prochaine!

Le sénateur Graham: Honorables sénateurs, le sénateur Tkachuk et moi pourrions avoir des entretiens sur le fait que Wayne Gretzky joue peut-être ce soir, dans l'uniforme des Rangers de New York, sa dernière partie au centre Corel. Ce seraient non pas des négociations, mais des entretiens. Il y a constamment des entretiens entre les représentants du Canada et des États-Unis. Il peut arriver qu'ils portent sur le projet de loi C-55, mais je peux assurer au sénateur qu'il ne s'agit pas de négociations.

[Français]

L'éducation postsecondaire

La Fondation des bourses d'études du millénaire-La résolution possible des préoccupations du milieu de l'éducation au Québec-La position du gouvernement

L'honorable Jean-Claude Rivest: Honorables sénateurs, j'aimerais revenir sur la question de la Fondation des bourses du millénaire où il n'y a, semble-t-il, ni discussion ni négociation entre le gouvernement canadien et le gouvernement du Québec. Avant l'ajournement de Pâques, nous vous avions fait part des préoccupations de l'ensemble du milieu de l'éducation et en particulier des étudiants du Québec sur cette impasse à propos de ce projet que tout le monde au Québec a dénigré. Ce mauvais projet existe et de l'argent est disponible pour le réaliser.

Est-ce que le ministre pourrait nous faire part des discussions qu'il a eues avec ses collègues du Cabinet?

[Traduction]

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, vous pouvez avoir la certitude que j'ai transmis les observations des deux honorables sénateurs au ministre Pettigrew. Je sais que des négociations sont en cours entre la Fondation des bourses d'études du millénaire et de nombreuses provinces.

Je tiens à préciser de nouveau que la fondation est un organisme indépendant du gouvernement du Canada. Elle a hâte d'amorcer des négociations avec le gouvernement du Québec, afin que les étudiants québécois puissent avoir l'assurance qu'ils profiteront de ces bourses d'études au même titre que les étudiants des autres provinces.

Nous sommes également convaincus que le gouvernement du Québec en viendra à une entente avec la fondation et que les étudiants québécois ne seront pas pénalisés. Je ferai part des préoccupations de mon honorable collègue au ministre Pettigrew et à tous les autres ministres concernés.

[Français]

Le sénateur Rivest: Est-ce que le ministre pourrait informer son collègue, M. Pettigrew, que les étudiants du Québec s'opposent tellement à ce projet des bourses du millénaire qu'ils ont demandé la démission du président de la Fondation des bourses du millénaire, M. Monty, la semaine dernière?

[Traduction]

Le sénateur Graham: Honorables sénateurs, j'ai également vu et entendu les informations. Le sénateur est mieux placé que moi pour le savoir, mais je ne tirerais pas la même conclusion. Je ne crois pas qu'il s'agit d'un groupe qui représente tous les étudiants du Québec. En fait, le gouvernement a entendu beaucoup d'étudiants du Québec qui se réjouissent du programme et qui estiment qu'il s'agit d'un programme formidable pour les jeunes de notre pays. À leurs yeux, c'est un excellent programme qui leur fournit une aide directe du gouvernement du Canada pour leur permettre de parfaire leur éducation.

[Français]

Les affaires étrangères

Les forces de l'OTAN en ex-Yougoslavie-Le maintien des relations diplomatiques avec la Fédération de Russie-La position du gouvernement

L'honorable Pierre Claude Nolin: Honorables sénateurs, le sénateur Andreychuk demandait au leader du gouvernement mardi dernier d'expliquer à cette Chambre quelles étaient les mesures que le gouvernement avait mises en place pour maintenir les contacts et les liens avec le gouvernement de la Fédération de Russie.

Je n'ai pas l'impression que nous avons donné au leader la chance d'élaborer. Je voudrais lui donner cette chance aujourd'hui. Il faut garder en tête que pendant l'époque la plus sombre de la guerre froide, le Canada a toujours entretenu des relations fructueuses avec la Russie. Elles se sont avérées très importantes dans les solutions que nous avons pu trouver depuis la libéralisation des relations entre la Russie et l'OTAN.

Quelles mesures le gouvernement a-t-il mises en place pour assurer le maintien de bonnes relations avec la Russie? Il était fort à prévoir que l'OTAN passe à l'action il y a une vingtaine de jours et entreprenne une campagne aérienne en Yougoslavie.

[Traduction]

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, le sénateur Nolin a peut-être manqué mes observations précédentes et celles que j'ai faites hier, au sujet de la lettre que le premier ministre a adressée au président Eltsine, vendredi dernier. Il y a expliqué la position du Canada, exposé les propositions faites par l'OTAN et exprimé l'espoir que la Fédération de Russie participera à la solution définitive.

Nous sommes très conscients des sentiments de la population russe. Hier, j'ai souligné les relations étroites qu'entretiennent le Canada et la Russie. Quelques minutes avant que le sénateur Nolin n'entre à la Chambre, j'ai dit, en répondant à une autre question, que notre ministre des Affaires étrangères, M. Axworthy, s'était entretenu à midi, aujourd'hui, avec son homologue russe. Nous avons un dialogue très suivi avec ce pays.

[Français]

Le respect par la Russie de l'embargo sur les ventes d'armes à la Yougoslavie

L'honorable Pierre Claude Nolin: Dans ces discussions, que ce soit avec des membres du gouvernement russe ou même avec l'ambassadeur de Russie au Canada, est-ce qu'il a été question de cette vente d'armes entre les Russes et les Yougoslaves, armes qui ont été interceptées en Azerbaïdjan? Est-ce que le gouvernement canadien s'assure que l'embargo sur la vente d'armes à la Yougoslavie est respecté par la Russie?

[Traduction]

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je ne suis pas sûr de la teneur exacte de la discussion. Je suis certain que le ton était cordial, mais j'ignore les détails précis des propos échangés entre le ministre Axworthy et son homologue russe, et s'ils portaient sur la vente d'armes.

Je suis certain qu'au cours de ses entretiens touchant un vaste éventail de sujets, comme le ministre Axworthy le fait habituellement, la question aurait été abordée si elle était pertinente.

[Français]

L'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord

La réunion prochaine des chefs d'État pour discuter du concept stratégique de l'OTAN-La position du gouvernement

L'honorable Pierre Claude Nolin: Le 23 avril prochain, les chefs d'État des 19 pays de l'OTAN vont se réunir à Washington. Le concept stratégique de l'OTAN sera à l'ordre du jour. Il s'agit d'un document politique fort important. L'OTAN a toujours eu un concept stratégique, qui a été modifié au fil des 50 dernières années. Quelle est la position du Canada? Veut-on le maintien du concept stratégique actuel? Quels éléments veut-on inclure dans un nouveau concept stratégique?

[Traduction]

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je crois que le Canada recommandera des modifications au cours des réunions de l'OTAN qui se tiendront à Washington du 23 au 25 avril, mais il serait déplacé de ma part de faire des observations maintenant sur ces propositions.

Les sports

La retraite possible de Wayne Gretzky-La nomination au Temple de la renommée

L'honorable J. Michael Forrestall: Honorables sénateurs, permettez-moi de revenir sur une observation faite plus tôt par le leader du gouvernement. Si c'était ce soir la dernière partie de Wayne Gretzky au Canada, le leader dirigerait-il une délégation de sénateurs là où se trouve ce monsieur pour l'escorter à son entrée au Temple de la renommée au plus tôt?

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, puis-je faire une réflexion? Quand soeur Peggy Butts est arrivée au Sénat, je l'ai présentée comme étant une irréductible partisane des Canadiens de Montréal.

Le sénateur Lynch-Staunton: Bravo!

(1450)

Le sénateur Graham: Honorables sénateurs, j'ai alors dit que les Canadiens seraient à Ottawa le 25 octobre suivant et j'ai invité quiconque avait des billets à les offrir au sénateur Butts. En moins d'une demi-heure, elle avait deux ou quatre billets sur son bureau, le donateur étant peut-être celui qui occupe la banquette à sa gauche.

Je voudrais voir la partie de ce soir. Toutefois, j'ai commencé à en parler trop tard. À ma grande surprise, j'ai constaté que celui que je vais habituellement voir pour cela avait déjà remis ses billets au sénateur Fairbairn. Elle sera donc notre émissaire et elle escortera Wayne Gretzky au Temple de la renommée, arborant pour l'occasion les couleurs de l'Alberta et du Parti libéral.

Les Nations Unies

Les forces de l'OTAN en ex-Yougoslavie-Les démarches auprès de l'Assemblée générale en vue de mettre un terme au conflit-La position du gouvernement

L'honorable Nicholas W. Taylor: Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat et concerne la crise du Kosovo.

Le gouvernement envisage-t-il la possibilité, comme cela s'est fait au début de la guerre de Corée, de déjouer le Conseil de sécurité et d'aller directement à une séance plénière pour obtenir l'approbation de l'ONU?

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, j'ai effectivement posé la question. On m'a assuré que l'exercice serait futile par suite du veto qu'exerceraient tant la Chine que la Russie. Les représentants du Canada en sont venus à la conclusion qu'il serait plus opportun et plus rapide, compte tenu de l'urgence de la situation, de suivre la voie recommandée par nos alliés de l'OTAN.

Les affaires étrangères

Les forces de l'OTAN en ex-Yougoslavie-La possibilité de fournir des armes à l'Armée de libération du Kosovo-La position du gouvernement

L'honorable A. Raynell Andreychuk: Honorables sénateurs, je voudrais demander au leader du gouvernement au Sénat quelle est aujourd'hui la position officielle du gouvernement sur la possibilité de fournir des armes à l'Armée de libération du Kosovo ou aux pays limitrophes? S'il s'agit d'une action unilatérale des Américains, quelle est la position du Canada?

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je ne sais pas si le Canada a une position spécifique sur l'armement de l'UCK. Il n'en a pas été question, à ma connaissance, dans les discussions. J'essaierai cependant d'obtenir une réponse adéquate pour le sénateur.

À propos, le sénateur St. Germain, je crois, a proposé hier qu'on organise des séances d'information pour tous les sénateurs. Je me suis enquis de cette possibilité et j'ai reçu une réponse positive. Il conviendrait que les leaders des deux côtés s'entendent sur la date et l'heure.

Une solution de rechange serait que le président du Comité des affaires étrangères convoque une séance de son comité. Je n'en ai pas discuté avec lui. Le comité pourrait inviter des hauts fonctionnaires d'un ministère ou d'un autre à venir informer tous les sénateurs. Je suis disposé à en discuter dès que possible.

Les forces de l'OTAN en ex-Yougoslavie-Les séances d'information à l'intention des parlementaires-La disponibilité des ministres

L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint de l'opposition): Honorables sénateurs, nous serions certainement heureux que cela se fasse. Je remercie le leader du gouvernement pour les efforts qu'il déploie à cet égard.

Ai-je raison de supposer que des ministres pourraient se rendre disponibles pour une telle discussion?

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je n'ai pas été catégorique pour ce qui est des ministres. Il se peut que, au moment opportun, lorsque des ministres en ont la possibilité, ils se présentent devant le comité.

Ma seule requête, pour le moment, a été que des fonctionnaires du plus haut rang possible soient disponibles, peut-être pas uniquement pour une séance d'information, mais en permanence. Sur ce point aussi j'ai obtenu une réponse positive. Je ne peux pas garantir que nous aurons des ministres dès le départ. Cependant, je crois que nous allons dans la bonne direction.

Le sénateur Kinsella: Honorables sénateurs, nous serons heureux de collaborer avec nos vis-à-vis. Pour nous, il est important que des ministres viennent participer à nos discussions lorsqu'ils sont disponibles. Cependant, nous reconnaissons que la situation actuelle peut entraîner un surcroît de travail pour eux. La présence de ministres nous permettrait d'aborder la politique gouvernementale, ce qui est très difficile à faire avec des fonctionnaires, quoique cela n'enlève rien à l'utilité de rencontres avec ces derniers.

Je remercie le ministre pour les efforts qu'il déploie afin d'obtenir la présence de fonctionnaires, parce que les aspects techniques revêtent aussi une grande importance.

Les Nations Unies

Les frappes aériennes de l'OTAN en ex-Yougoslavie-Les démarches auprès de l'Assemblée générale pour parvenir à un règlement du conflit-La position du gouvernement

L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint de l'opposition): Honorables sénateurs, puisque j'ai la parole, j'aimerais poser une question qui fait suite à celle du sénateur Taylor.

Si j'ai bien compris sa question, le sénateur Taylor demandait si le gouvernement du Canada ferait des démarches aux Nations Unies afin d'obtenir une résolution ou une autre mesure, mais sans passer par le Conseil de sécurité. Si j'ai bien compris le ministre, il a dit qu'une telle démarche serait difficile en raison du droit de veto. Ce veto n'existe pourtant qu'au Conseil de sécurité. C'est pourquoi nous avons dit qu'il serait utile que le Canada entreprenne des démarches innovatrices auprès de l'Assemblée générale. Le ministre peut-il répondre à cette suggestion?

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorable sénateur, je ne suis pas au courant des démarches précises auprès de l'Assemblée générale. Nous appuyons la position présentée par le secrétaire général des Nations Unies. Si je comprends bien, il est actuellement en Europe, prêt à intervenir, comme on le lui a suggéré. Il a exposé sa propre proposition concernant la cessation des bombardements et les conditions qui l'accompagnent. Le Canada appuie cette position.

Le sénateur Roche et d'autres ont demandé si nous essayions d'ouvrir la porte au secrétaire général des Nations Unies pour l'aider dans ses efforts. Je tiens à assurer aux sénateurs que nous faisons effectivement des démarches dans ce sens.

Les frappes aériennes de l'OTAN en ex-Yougoslavie-La possibilité d'une session d'urgence

L'honorable Douglas Roche: Honorables sénateurs, ma question fait suite à la recommandation du sénateur Kinsella concernant l'Assemblée générale. À cause de la gravité de la crise, qui ne cesse d'empirer chaque jour, le gouvernement a-t-il envisagé de demander la tenue d'une session de l'Assemblée générale? Cette dernière ne siège pas actuellement. Toutefois, une session d'urgence pourrait être convoquée conformément aux statuts de cette organisation.

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, à ma connaissance, cela n'a pas été envisagé. Le secrétaire général des Nations Unies a pris l'initiative de se rendre à Bruxelles pour prendre toute mesure qu'un secrétaire général pourrait prendre. M. Annan est très respecté partout dans le monde, et j'espère qu'il jouera un rôle important, peut-être même un rôle de premier plan, dans la recherche d'une solution à cet horrible problème. J'en conclus que le secrétaire général lui-même estime qu'il peut être plus utile s'il est dans cette région du monde que s'il est à l'Assemblée générale des Nations Unies.

Les propositions que le gouvernement allemand a faites à la Communauté européenne sont encore à l'étude. Certains pays ont exprimé des réserves. Cependant, ces propositions sont toujours sur la table.

(1500)

Comme vous le savez, cette résolution concernant l'arrêt des bombardements pendant une période de 24 heures est soumise à certaines conditions. Dans ce contexte, des discussions se déroulent entre les États-Unis et la Russie et entre le Canada et tous ses alliés de l'OTAN.

Je ne sous-estime aucunement la gravité de la situation. Cependant, j'assure tous les honorables sénateurs que, d'après les informations que j'ai obtenues quelques minutes avant d'entrer dans cette salle, la situation reste très grave, mais non désespérée.

Visiteur de marque

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, je voudrais vous signaler la présence à notre tribune d'un visiteur de marque. Il s'agit de M. Barry Gorlick, président de l'Association du Barreau canadien.

Je suis certain que mes collègues me permettront d'ajouter une petite précision: M. Gorlick vient de Winnipeg, dans la grande province du Manitoba.


[Français]

La Journée du droit

Permission ayant été accordée de revenir aux déclarations de sénateurs:

L'honorable Gérald-A. Beaudoin: Honorables sénateurs, je voudrais juste souligner que chaque année, le 15 avril, le Barreau canadien célèbre une journée consacrée au droit. Cette journée commémore l'anniversaire de la Charte canadienne des droits et libertés et célèbre «l'accès à la justice», un thème que j'endosse vivement. Ce thème reflète le droit de tous les Canadiens et toutes les Canadiennes de bénéficier d'un accès égal à l'information sur le droit et les institutions canadiennes.

Des activités éducatives et informatives auxquelles participent des centaines d'avocates et d'avocats ont été organisées à travers tout le Canada par l'Association du Barreau canadien. Elles visent à rendre le droit plus accessible à tous les citoyens canadiens.

Je tiens à souligner que l'Association du Barreau canadien, laquelle représente des juristes à l'échelle du Canada, s'est jointe au ministère de la Justice, ainsi qu'aux législatures provinciales, pour aider le public à connaître notre système judiciaire et nos institutions juridiques.

[Traduction]

C'est la Journée du droit au Canada et toutes sortes d'activités se déroulent. Elles comprennent des courses de bienfaisance, l'aide à titre gracieux, par téléphone, d'avocats spécialisés dans toutes sortes de domaines...

Des voix: Bravo!

Le sénateur Beaudoin: Ces activités présentent un certain intérêt. Elles comprennent également des visites du palais de justice et des audiences publiques du tribunal de la citoyenneté. À Ottawa, on offre des visites de la Cour suprême et de la Cour fédérale.

J'aimerais signaler qu'au cours de l'année, M. Gorlick, de Winnipeg, s'est intéressé à deux sujets importants: l'indépendance de la magistrature et l'aide juridique.

[Français]

J'invite donc mes collègues sénateurs à se joindre à moi pour saluer le président du Barreau canadien et le travail effectué par l'Association du Barreau canadien pour la Journée du droit de cette année.


[Traduction]

ORDRE DU JOUR

Projet de loi sur l'Agence des douanes et du revenu du Canada

Troisième lecture-Motions d'amendement-Ajournement du débat

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Carstairs, appuyée par l'honorable sénateur Bacon, tendant à la troisième lecture du projet de loi C-43, Loi portant création de l'Agence des douanes et du revenu du Canada, et modifiant et abrogeant certaines lois en conséquence.

L'honorable Roch Bolduc: Honorables sénateurs, nous continuons d'avoir de sérieuses réserves au sujet de ce projet de loi. À l'étape du comité, nous avons entendu de nombreux témoins, mais nous n'avons que quelques remarques à faire à ce sujet.

D'entrée de jeu, j'attire l'attention du Sénat sur plusieurs promesses que le ministre a faites lorsqu'il a comparu devant notre comité les 17 et 18 février. Je puis donner l'assurance qu'il en est fait état dans les Débats du Sénat, car nous avons la ferme intention de demander au gouvernement de rendre des comptes à ce sujet.

Je tiens aussi à préciser que je ne soulève pas ces points pour contester l'intégrité du ministre ou du sous-ministre. Cependant, les ministres vont et viennent, tout comme les sous-ministres. Dans un an ou dix ans, la personne qui sera titulaire du portefeuille actuel de M. Dhaliwal ne partagera peut-être pas son avis. Je rappelle aux honorables sénateurs que, sur les 31 ministres et ministres en second que le premier ministre a nommés en novembre 1994, il n'en reste que cinq, y compris le premier ministre, qui exercent encore leurs fonctions d'origine.

Le ministre nous a d'abord dit qu'il continuerait de rendre des comptes. Nous surveillerons la situation de près, car nous craignons que, tôt ou tard, un futur ministre ne fasse valoir le principe d'autonomie et ne se dérobe à ses responsabilités. Nous craignons aussi qu'un ministre qui n'exercera plus une surveillance aussi directe soit condamné à croire sur parole ses collaborateurs relativement à des dossiers auxquels il aurait dû, dès le départ, être directement associé.

Nous ne serons pas les seuls à surveiller l'évolution de la situation. Garth Whyte, de la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante, a dit ceci:

Pour être franc, si la fonction de responsabilisation telle qu'elle est conçue dans le projet de loi ne donne pas les résultats escomptés, le gouvernement le saura rapidement et je suis convaincu qu'il paiera un prix politique élevé si les mécanismes adéquats de responsabilisation ne sont pas en vigueur.

Puis, honorables sénateurs, il y a la question des frais d'utilisation. Divers témoins nous ont dit qu'ils avaient obtenu l'assurance que la question des frais d'utilisation n'était pas sur la table. Nous sommes inquiets parce que les organismes de services spéciaux sont plus portés à recourir à des frais d'utilisation pour boucler leur budget et pour se passer des crédits. Si l'approbation du Cabinet est nécessaire pour imposer des frais, la loi prévoit clairement que l'organisme peut dépenser cet argent. Levon Markaroglu, de l'Association canadienne des courtiers en douane, nous a dit:
Nous sommes un peu sceptiques quant à l'amélioration de l'efficacité du système par l'injection initiale de deniers publics pour la création de l'agence proposée, car celle-ci pourrait répercuter ces coûts sur le secteur privé.
Nous avons également appris, par le témoignage de l'Association des importateurs canadiens, qu'à partir du mois d'octobre, les importateurs assumeront la totalité des coûts de l'exploitation du système en ligne de compensation des transactions des douanes. Or, c'est également au mois d'octobre que l'agence est censée commencer à exercer son activité. Est-ce une coïncidence?

Honorables sénateurs, si le gouvernement veut prélever un impôt, il doit d'abord demander l'autorisation du Parlement. Si cette agence veut imposer des frais d'utilisation, le Parlement n'aura rien à dire. Le Cabinet décidera, selon la bonne vieille formule de l'enregistrement automatique des milliers de décrets chaque année. Les frais d'utilisation équivalent à un impôt par organisme interposé ou par décret du Cabinet.

Owen Lippert, de l'Institut Fraser, a fait remarquer:

Dans la mesure où l'ADRC peut augmenter son propre budget par l'imposition de frais, en procédant à des ventes de biens et en répartissant son budget sur plusieurs années, elle échappe plus ou moins au contrôle du gouvernement.
On nous a promis des économies et une administration fiscale simplifiée. Je réserve mon jugement, car, jusqu'à maintenant, ces économies sont difficiles à voir, les provinces n'ayant montré aucun intérêt pour le système proposé.

Nous ne sommes pas les seuls à être sceptiques. Walter Robinson, de la Canadian Taxpayers Federation, nous a dit:

Jusqu'à maintenant, à notre connaissance, aucune province n'a encore accepté cette agence, ni même exprimé publiquement dans un mémorandum d'intention le désir d'examiner sérieusement les mérites du projet de loi sur l'Agence des douanes et du revenu du Canada (ADRC). L'Association canadienne d'études fiscales a remarqué que l'Ontario et l'Alberta ont de très forts doutes, étant donné que le gouvernement fédéral refuse d'adopter une structure d'impôt sur le revenu des particuliers moins progressive.
Le ministère a préparé une étude montrant que l'ADRC permettra de faire des économies importantes, en particulier en réduisant les coûts d'observation. Cette étude est fondée sur la participation de toutes les provinces au concept de l'ADRC. Je répète qu'à notre connaissance, aucune province n'a accepté.
Honorables sénateurs, le ministre nous a donné l'assurance que «l'équité fera partie des pratiques de l'agence et, aussi, de ses valeurs fondamentales.» Il faut veiller dans ce cas-ci également à ce que la parole du ministre soit respectée par ses successeurs. M. Dhaliwal sera-t-il encore là pour tenir ses promesses après le prochain remaniement du Cabinet? Vous êtes tout aussi à même que moi d'en juger.

La nouvelle agence sera assujettie à la Loi sur l'accès à l'information. Il est notoire que Revenu Canada ne respecte pas bien cette loi. C'est loin d'être un ministère ouvert. En réponse à la question que je lui posais au sujet des retards dans la communication de renseignements au sujet de l'agence, le ministre nous a dit:

En tant que ministère, nous affectons plus de ressources afin d'être en mesure de fournir des renseignements en temps plus opportun.
Honorables sénateurs, cette réponse ne contribue guère à me convaincre que le projet dans lequel nous nous apprêtons à nous lancer permettra d'exercer un meilleur contrôle. Je crois que ce sera plutôt le contraire.

On nous dit que les petites entreprises profiteront du changement en étant en mesure, par exemple, de produire un seul formulaire au lieu de cinq, en tenant pour acquis que les provinces et les administrations locales adhéreront au projet. Nous surveillerons la situation très étroitement, car l'histoire de la bureaucratie nous apprend que la paperasserie a tendance à augmenter, et non à diminuer.

On a aussi promis que les pratiques de l'agence en matière de dotation en personnel seraient examinées régulièrement par la Commission de la fonction publique. Nous surveillerons ici encore cette situation, compte tenu du fait que le projet de loi ne fait aucune mention du principe du mérite et que la Commission de la fonction publique n'aura pas ce qu'il faut pour donner du mordant à son rôle de surveillance.

Enfin, le ministre nous a dit ce qui suit:

Nos fonctionnaires font partie intégrante d'une administration nationale de l'impôt et des douanes qui est sans égal. Je n'ai pas l'intention de leur faire faux bond. La nouvelle agence comprendra des processus d'une rapidité, d'une simplicité et d'une transparence accrues en matière de ressources humaines. Il sera plus facile pour les employés de passer d'un emploi à l'autre. Les postes vacants seront comblés plus rapidement. Le traitement des promotions et des mutations exigera moins de temps. Les possibilités de recours seront plus accessibles et plus efficaces.

Honorables sénateurs, le Syndicat des employés de l'impôt, l'Union Douanes Accise, qui sont les agents négociateurs de 90 p. 100 des employés de Revenu Canada, ont exprimé de graves inquiétudes. J'ai eu l'impression qu'ils ne se fient pas au ministre lorsqu'il affirme qu'il n'a nullement l'intention de leur faire faux bond. Nous trouvons très inquiétant qu'on n'ait pas réussi à convaincre les employés de la nouvelle agence. Ils ont exprimé de sérieuses inquiétudes au sujet de la sécurité d'emploi et de l'absence d'un processus d'appel indépendant pour assurer le respect du principe du mérite.

Le témoignage de deux employés de Revenu Canada, Mme Barbara Stewart et M. Neil Crothal, nous a appris que le gouvernement communique mal avec les employés. Mme Stewart déclarait ce qui suit:

Très peu de renseignements détaillés parviennent aux employés ordinaires. Les gestionnaires de notre bureau ont organisé récemment des séances d'information pour nous donner des mises à jour, mais ils ne nous ont rien dit au sujet de l'agence que nous n'avions déjà lu dans les journaux. Ils n'ont pas pu répondre aux questions sur diverses questions importantes: pourquoi il n'y aurait pas de recours à une tierce partie; que nous arriverait-il après la période de deux années d'emploi garanti prévue dans le projet de loi; pourquoi la direction refuserait de prolonger cette période de deux ans si elle ne voulait pas réduire les effectifs; et pourquoi nous devons devenir une agence vu que l'on pourrait réaliser la plus grande partie, sinon la totalité des changements prévus en conservant la structure actuelle.

Honorables sénateurs, Andrew Jackson, du Congrès du travail du Canada, a parlé d'«accident de relations de travail en puissance».

M. Walter Robinson, de la Canadian Taxpayers Federation, s'est dit préoccupé par cette question et nous a déclaré ce qui suit:

En ce qui concerne les intérêts des employés, j'exhorte les membres de votre comité à examiner sérieusement les objections soulevées par les divers groupes d'employés de Revenu Canada - comme l'Institut professionnel de la fonction publique et le Syndicat des employés de l'impôt. Ces groupes ont exprimé des craintes réelles au sujet de la création de cette super-agence.
Honorables sénateurs, plusieurs autres questions nous préoccupent, notamment le recours de plus en plus fréquent à des agences pour assurer la gestion des systèmes de dotation et de contrôle mis en place au fil des années. À l'étape de la deuxième lecture, j'ai cité le rapport du vérificateur général de l'automne dernier. Je sais que certains sénateurs d'en face ont des réserves au sujet du vérificateur général, mais je crois qu'il vaut la peine de répéter une fois encore le conseil qu'il nous donnait. Voici ce qu'il a dit:
L'insatisfaction au sujet de la gestion des ressources humaines se traduit également par l'intérêt manifesté par les hauts fonctionnaires à l'égard des nouveaux modes de prestation de services. L'un des moteurs de cet intérêt est que les système actuels de dotation en personnel, de classification et de rémunération sont trop lourds et n'offrent pas assez de souplesse. Le gouvernement doit veiller à ce que la course pour «sortir du système» n'empêche pas de le rationaliser.
Honorables sénateurs, quand le gouvernement entend-il rationaliser le système?

Vient ensuite la question des relations fédérales-provinciales. Les avantages que pourrait rapporter cette agence si on peut obtenir un jour l'adhésion des provinces pourraient être perdus si cette agence cherche avec vigueur à conclure des ententes sur la perception des impôts avec les municipalités, au Québec, par exemple.

On doit également garder à l'esprit la question du «dictateur». Alors que la Loi sur la protection des renseignements personnels va s'appliquer à l'agence, le fait demeure qu'il y aura beaucoup de données sur des particuliers concentrées en un endroit. Je fais confiance au ministre et à 99,99 p. 100 de ses fonctionnaires. Cependant, personne ne peut dire avec une totale certitude qu'il n'arrivera jamais que le dossier de quelqu'un soit rendu public de façon malveillante. Cela s'est produit dans le passé, comme nous le savons. En fait, David Flinn, du Syndicat des employés de l'impôt, nous a dit:

À l'heure actuelle, ils sont répartis entre Revenu Canada, les différents services fiscaux provinciaux, les rôles d'évaluation des taxes foncières, etc. Si l'Agence parvient à la totalité de ses objectifs et si Revenu Canada perçoit tous les impôts au Canada, y compris les impôts fonciers, et de toute évidence, c'est l'intention, cela aura pour effet de rassembler en un même endroit une énorme masse de renseignements. N'importe qui pourra vous dire que les chances et les possibilités d'abus augmentent lors du transfert électronique d'une énorme masse de renseignements centralisés.
Honorables sénateurs, l'Association des importateurs canadiens et la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante ont déclaré que le conseil doit avoir les compétences nécessaires pour s'acquitter de son mandat. Nous allons également surveiller cela.

Je crains beaucoup que, lorsque la présidente de l'association libérale de Moncton sera nommée au conseil, on ne s'aperçoive que c'est parce que le Nouveau-Brunswick n'a soumis que son nom. Sa nomination ne sera pas justifiée par ses compétences particulières en matière de fiscalité ou d'administration, mais par ses années de service dans la collectivité.

Au terme d'un mois d'audiences au cours desquelles nous avons entendu le ministre, les syndicats et les gens d'affaires, je n'ai entendu aucun argument prouvant de façon indiscutable que cette agence soit nécessaire. On peut conclure des ententes sur la perception des impôts sans elle. Revenu Canada peut régler ses problèmes de personnel sans elle. Cette agence n'est pas nécessaire.

[Français]

J'irais même plus loin, il s'agit d'un service public vraiment essentiel. S'il y a quelque chose de public et qui doit rester public, c'est le recouvrement des impôts des contribuables. Si l'on doit garder un ministère avec un ministre responsable, c'est précisément dans ce cas que l'on devrait le faire.

[Traduction]

Toutefois, si le gouvernement doit la créer de toute façon, il devrait à tout le moins éliminer certaines des craintes très réelles de ses employés et du public, dont la principale est de la plus haute importance pour la saine administration de finances publiques du pays, à savoir l'application du principe du mérite dans la gestion du personnel au sein de la nouvelle agence.

Honorables sénateurs, l'amendement que je vais proposer vise à garantir que l'embauche, la promotion et le congédiement du personnel de l'agence seront fondés sur le mérite. L'agence ayant essentiellement pour fonction d'assurer un service public, à savoir percevoir les impôts pour financer les programmes auxquels nous tenons, le public est en droit d'exiger que ses employés aient les compétences voulues. C'est le premier critère de sélection des fonctionnaires. On détermine les compétences des candidats en les soumettant à un concours à l'issue duquel les candidats obtiennent des notes supérieures ou inférieures à celles des autres et sont classés selon leur mérite.

Le principe du mérite est une des pierres angulaires de la fonction publique fédérale d'aujourd'hui, qui est vraiment professionnelle et efficace. Avant son avènement, soit avant la Première Guerre mondiale, la fonction publique était le haut lieu du copinage, du favoritisme et de la discrimination. La compétence comptait peu. Des qualités personnelles qui n'avaient qu'un rapport lointain ou inexistant avec les fonctions remplies étaient plus importantes que les aptitudes ou la compétence des titulaires. La religion comptait plus que le sens des responsabilités, l'affiliation politique plus que la conscience professionnelle. Être catholique ou protestant faisait une différence, tout comme être Irlandais, Français ou Écossais, ou conservateur ou libéral, ou le neveu ou le voisin d'un commis principal.

Nous avons relégué ces pratiques à l'histoire il y a déjà des dizaines d'années. La Commission de la fonction publique et la Loi sur l'emploi dans la fonction publique ont mis fin au favoritisme bureaucratique et politique qui caractérisait l'embauche, la mutation, la promotion et le congédiement des fonctionnaires fédéraux.

Les employés de Revenu Canada ont raison de craindre que ce projet de loi ne débouche sur une version moderne, plus subtile, du favoritisme bureaucratique. Je partage leurs inquiétudes. Cette mesure législative concentrerait trop de pouvoirs discrétionnaires sur les ressources humaines entre les mains des cadres supérieurs de l'Agence canadienne des douanes et du revenu. Il faut remédier à la chose. Il ne suffit pas de confier à la nouvelle agence le soin d'élaborer un plan sur les ressources humaines. Il faut l'obliger à fonder ce plan sur le principe du mérite.

Honorables sénateurs, la bureaucratie canadienne est réputée - et étudiée - dans le monde pour son efficacité. Et si nous avons une fonction publique efficace, c'est dans une large mesure parce qu'elle fonctionne suivant le principe du mérite - ce qui compte, en définitive, c'est uniquement la capacité d'un individu de faire le travail qui lui est demandé.

Le projet de loi C-43 met cette noble tradition en péril. Pour le bien de cette agence, de ses employés et du public qu'elle sert, la menace qui plane sur le principe du mérite ne doit pas passer inaperçue à la Chambre. Voilà pourquoi, honorables sénateurs, je propose un amendement.

[Français]

Motion d'amendement

L'honorable Roch Bolduc: Honorables sénateurs, je propose, appuyé par le sénateur Beaudoin:

Que le projet de loi C-43 ne soit pas maintenant lu pour la troisième fois, mais qu'il soit modifié:

a) à l'article 53, à la page 17, par substitution, à la ligne 6, de ce qui suit:

«(2) Les nominations prévues au paragraphe (1), que le personnel ainsi nommé soit recruté à l'intérieur ou à l'extérieur de l'Agence, se font selon la sélection au mérite telle qu'elle est déterminée par concours ou par tout autre mode de sélection du personnel conçu pour établir le mérite des candidats, selon ce que l'Agence considère au mieux de ses intérêts.

(3) Les attributions prévues au paragraphe»;

b) par le changement de tous les renvois en conséquence.

[Traduction]

Son Honneur le Président: Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion d'amendement?

Des voix: Oui.

Des voix: Non.

Son Honneur le Président: Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion d'amendement veuillent bien dire oui.

Des voix: Oui.

Son Honneur le Président: Que les sénateurs qui sont contre veuillent bien dire non.

Des voix: Non.

Son Honneur le Président: À mon avis, les non l'emportent.

L'honorable John Lynch-Staunton (chef de l'opposition): J'imagine que les sénateurs d'en face voudront participer au débat. Sinon, je proposerai l'ajournement du débat au nom du sénateur Stratton, qui a porté un intérêt particulier à ce projet de loi et souhaite intervenir à propos de la motion d'amendement.

Son Honneur le Président: J'ai besoin de la permission du Sénat concernant la motion parce que j'ai déjà demandé le vote.

La permission est-elle accordée, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

(Sur la motion du sénateur Lynch-Staunton, au nom du sénateur Stratton, le débat est ajourné.)

Projet de loi sur l'extradition

Troisième lecture-Motions d'amendement-Ajournement du débat

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Bryden, appuyée par l'honorable sénateur Pearson, tendant à la troisième lecture du projet de loi C-40, Loi concernant l'extradition, modifiant la Loi sur la preuve du Canada, le Code criminel, la Loi sur l'immigration et la Loi sur l'entraide juridique en matière criminelle, et modifiant ou abrogeant d'autres lois en conséquence.-(Décision du Président).

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, hier, le débat sur cet article a été interrompu par des recours au Règlement. Le premier recours portait sur le fait que les motions d'amendement étaient rédigées dans une seule langue. Le problème a été réglé et vous avez maintenant devant vous les motions dans les deux langues. Néanmoins, j'approfondirai mon étude de la question afin de déterminer exactement à quel stade nous devons avoir les motions dans les deux langues officielles de façon à ce qu'à l'avenir, les choses soient bien claires pour tous les sénateurs.

Le deuxième recours au Règlement portait sur les propos de l'honorable sénateur Grafstein concernant certaines informations que lui avait communiquées un juge. Je renvoie les honorables sénateurs à la page 3033 des Débats du Sénat d'hier. Dans la colonne de gauche, au cinquième paragraphe, le sénateur Grafstein, en réponse au recours au Règlement, dit ceci à propos de son argumentation:

«Je dis seulement que c'est accessoire et je retire tout ce que j'ai dit.»

Il répète plus loin:

[...] je me rétracte. Je suis d'accord avec l'honorable sénateur.

Compte tenu de ces faits, j'estime que l'honorable sénateur a retiré ce qu'il a dit concernant le juge Arbour. Nous pouvons donc continuer le débat.

Je le répète, je vais examiner plus à fond toute la question des consultations des juges. La question s'est déjà posée, et je pense que nous devrions bien comprendre le Règlement du Sénat. Je déclare que le débat peut reprendre.

Je signale que le sénateur Grafstein a épuisé ses 45 minutes d'intervention hier. Par conséquent, à moins que les sénateurs ne donnent leur accord, il ne peut pas poursuivre.

Les sénateurs donnent-ils leur accord?

Des voix: D'accord.

L'honorable Jerahmiel S. Grafstein: Honorables sénateurs, j'ai l'intention d'être très bref. Avant de présenter les amendements que j'ai commentés hier, ou de les répéter, je tiens à remercier les leaders adjoints des deux côtés, tous les sénateurs, le Président et en particulier le sénateur Prud'homme et le sénateur Bolduc, qui ont facilité, par leurs interventions, l'ajournement du débat à mon nom afin que je puisse obtenir des versions des amendements dans les deux langues officielles.

Je veux aussi remercier, et je veux qu'on puisse le lire dans le hansard, les deux employés du Sénat qui m'ont aidé à rédiger ces amendements ainsi que le traducteur, qui a travaillé très fort dans un délai très court, pour que ce soit rendu possible. Je remercie tous les sénateurs de leur compréhension ainsi que le personnel du hansard, qui a fait un énorme travail de traduction en raison du fait que j'avais abordé cette question si rapidement au Sénat.

Honorables sénateurs, après l'ajournement de la séance d'hier, je me suis assuré que les greffiers du bureau reçoivent une copie de mes amendements dans les deux langues officielles. En outre, je me suis permis, plus tôt aujourd'hui, d'en faire parvenir une copie au sénateur Beaudoin et au sénateur Bolduc, qui avaient soulevé la question, pour qu'ils puissent avoir une idée du sujet avant que je ne présente les amendements aujourd'hui. Ils avaient soulevé certaines questions.

Je suis disposé à faire la lecture de l'article 44, honorables sénateurs, mais si vous le souhaitez, je m'en abstiendrai, car je crois savoir que tous les sénateurs ont une copie de mes amendements dans les deux langues officielles.

Motions d'amendement

L'honorable Jerahmiel S. Grafstein: Honorables sénateurs, je propose:

Que le projet de loi C-40 ne soit pas lu maintenant pour la troisième fois, mais qu'il soit modifié...

Honorables sénateurs, le premier amendement porte sur l'article 44, aux pages 17 et 18. Le deuxième, qui est plus long, concerne l'article 2, à la page 2, et une nouvelle partie 3, aux pages 2 à 32.

Je suis disposé à lire les amendements en entier. Si les sénateurs le désirent, je m'en abstiendrai et considérerai les amendements comme lus.

[Français]

Son Honneur le Président: Il est proposé par l'honorable sénateur Grafstein, appuyé par l'honorable sénateur Joyal, que le projet de loi ne soit pas lu maintenant une troisième fois, mais qu'il soit amendé de la façon suivante...

Le sénateur Beaudoin: Suffit!

[Traduction]

L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint de l'opposition): Honorables sénateurs, j'ai quelques questions à poser au sénateur Grafstein. Elles concernent l'exposé qu'il nous a présenté.

Dans ses observations, le sénateur Grafstein a attiré notre attention sur une note qu'il a reçue de M. Edward Greenspan. Si le sénateur y consent, pourrions-nous avoir la permission de déposer ce document?

Le sénateur Grafstein: Il s'agit d'une courte note. Je laisse au Sénat le soin d'en décider. Je voudrais certes obtenir au préalable le consentement de M. Greenspan. Je suis disposé à le faire.

La note n'est pas longue. J'y ai effectivement fait référence, mais si cela est convenable, et comme j'ai ouvert la porte à cette possibilité, je me rendrai à la demande du sénateur et mettrai ce document à sa disposition. Je ne l'ai pas en main en ce moment, mais je veillerai à lui en faire tenir copie dès que possible.

Le sénateur Kinsella: Je remercie le sénateur. Si un sénateur cite un extrait d'un document au cours du débat, il est tout à fait normal que ses collègues demandent que le document original soit déposé. Je sais gré au sénateur de sa réponse.

(1530)

La deuxième question a trait aux messages électroniques échangés avec, je crois, madame le juge Arbour. Pourrions-nous obtenir copie de ces messages?

Le sénateur Grafstein: Je ne veux pas revenir ni sur le débat ni sur le rappel au Règlement d'hier, mais permettez-moi de préciser que je n'ai pas parlé de Mme Arbour en tant que juge. J'ai parlé d'elle en tant que procureur, comme l'a fait le ministre au cours de son témoignage devant le comité.

Laissez-moi vous décrire la nature de ces documents. Il s'agit de la demande de renseignements que j'ai adressée à Mme Arbour, de sa réponse et d'une autre réponse que j'ai reçue à la suite d'un autre responsable à La Haye. J'accepterais volontiers d'accéder à la demande de documents de mon collègue. Je m'en remets au Sénat quant à la façon de procéder.

Le sénateur Kinsella: Honorables sénateurs, à la page 3031 des Débats du Sénat du 14 avril 1999, à l'avant-dernier paragraphe de la colonne de gauche, on peut lire:

Il y a une chose curieuse qui s'est produite au cours de la dernière quinzaine de jours, et j'ai décidé d'étudier la question. Le 31 mars, j'ai fait parvenir un courrier électronique à madame le juge Arbour, notre procureur qui s'occupe des criminels de guerre.

Voilà ce qui a incité notre collègue, le sénateur Bolduc, à poser sa question. Fait tout aussi important, pendant ce débat, on a mentionné le témoignage qu'a livré le ministre de la Justice, Anne McLellan, devant le comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles. Après avoir examiné le compte rendu des délibérations de ce comité sénatorial, il a été établi que le ministre de la Justice avait déclaré que Louise Arbour était en faveur de cette mesure.

Sans vouloir susciter une plus vive controverse, il me semble que la situation est confuse et qu'il faudrait rétablir les faits. Comme la question a été soulevée au Sénat, je crois qu'il serait utile d'obtenir copie des documents qui ont été cités pendant le débat d'hier. Je prie donc l'honorable sénateur d'accéder à ma demande.

Le sénateur Grafstein: Honorables sénateurs, j'essaierai de collaborer et de faire parvenir le tout aux greffiers au bureau le plus rapidement possible, d'ici 24 heures.

Le sénateur Kinsella: Honorables sénateurs, cela soulève une autre question. Quand il y a apparence de contradiction dans un témoignage présenté devant un de nos comités, particulièrement lorsqu'il s'agit, comme dans le cas qui nous occupe, d'un témoin aussi distingué que le ministre de la Justice du Canada et procureur général du Canada, je suis persuadé que le ministre serait d'accord pour que l'on clarifie les choses. À première vue, selon ce que nous avons entendu jusqu'à présent, il y a dans le compte rendu de la Chambre une observation selon laquelle le ministre de la Justice et procureur général du Canada aurait dit que madame le juge Arbour a adopté une certaine position, ou qu'elle a une opinion à l'égard de cette mesure législative. Toutefois, un de nos collègues nous a communiqué des renseignements à l'effet contraire, sans qu'il y ait nécessairement contradiction. Il arrive souvent, au cours de la présentation d'un témoignage et d'opinions, que les gens emploient des mots qui embrouillent le message. Quoi qu'il en soit, je crois qu'il faudrait apporter des précisions au compte rendu parce qu'à l'heure actuelle, il semblerait qu'il contienne des témoignages contradictoires.

L'honorable sénateur aurait-il des suggestions ou des recommandations à formuler sur ce qui pourrait être la meilleure façon de procéder? Par exemple, est-il d'avis qu'il est préférable de renvoyer la question au comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, qui serait mieux en mesure d'apporter des clarifications qui aideraient tous les participants, ou peut-être aurait-il une autre suggestion, comme renvoyer la question au comité plénier, par exemple? De toute façon, la question doit être tirée au clair.

Le sénateur Grafstein: De toute évidence, je voudrais que le témoignage du ministre figure dans les documents que je remettrai au greffier. Je crois qu'ils seront explicites. Je doute qu'on puisse affirmer qu'il y ait contradiction. À première vue, puisqu'il s'agit de documents et que nous ne sommes pas revenus sur la question, ces documents parleront d'eux-mêmes.

Quant à l'opportunité de renvoyer la question au comité, j'y ai réfléchi. Je crois que, même s'il peut être intéressant de lire les remarques ou les commentaires dans certains cas, que ce soit le témoignage du ministre ou le contenu des documents se rapportant à Mme Arbour, cette question ne se rapporte que tangentiellement aux modifications de fond que j'ai présentées. Cela ne devrait absolument pas empêcher un sénateur d'étudier les modifications proposées.

Nous avons consacré beaucoup de temps à cette question hier. Dans l'intérêt des Canadiens, puisque j'en suis l'auteur, je propose que nous les étudiions. Je les ai présentées et déposées. D'autres sénateurs voudront peut-être faire des observations, après quoi je proposerais que nous nous prononcions à leur égard. Nous disposons d'assez de renseignements pour que tous les sénateurs puissent prendre une décision éclairée et équitable.

Cela dit, je doute qu'il soit approprié pour les sénateurs d'en arriver à ma conclusion avant d'avoir parcouru les documents que je vais leur présenter. Mais, en ce moment, ayant lu moi-même les documents se rapportant à mes deux amendements particuliers, je pense que, après en avoir discuté, les sénateurs seront en mesure de tirer des conclusions précises. En théorie, ils sont assez simples. Les principes fondamentaux sont très clairs. Il en va cependant autrement du libellé, mais je crois que les questions sont claires. Il ne sert à rien de s'éterniser; je souhaite plutôt que nous arrivions à régler cette question sans délai dans l'intérêt des Canadiens.

Personnellement, je préférerais aller de l'avant avec le débat. Je déposerai les documents promis d'ici 24 heures, et nous pourrons ensuite procéder rapidement au vote. Les principes qui sous-tendent ma position sont très clairs.

L'honorable John Lynch-Staunton (chef de l'opposition): Honorables sénateurs, la question dont nous sommes saisis dépasse de loin le projet de loi. Est-il convenable qu'un ministre consulte un membre de la magistrature et rende sa réponse publique? Son Honneur tranchera sous peu. Nous nous demandons également si les propos de la juge nous ont été correctement rapportés. Le témoignage de la ministre devant le comité, cité par le sénateur Grafstein, est catégorique:

Le procureur en chef Louise Arbour appuie fermement le projet de loi C-40.

Il est très clair que le comité s'est laissé dire que le procureur en chef, Mme le juge Arbour, était en faveur du projet de loi, ce qui lui donne une grande crédibilité. Venant d'une personne ayant autant d'expérience qu'elle, cette opinion ne peut manquer d'influencer l'idée qu'on se fait du projet de loi.

Le sénateur Grafstein nous dit que, lorsqu'elle a été contactée directement, son associé, M. Graham Blewitt, a répondu ceci:

... nous serions malvenus de faire des commentaires sur la façon dont un État décide de s'acquitter de ses obligations.

Autrement dit, le procureur a refusé de se laisser entraîner dans le débat, ce qui est, selon moi, la seule option possible pour un membre de la magistrature. J'estime pour commencer qu'il est tout à fait déplacé de demander l'avis d'un membre de la magistrature et qu'il est parfaitement normal qu'il se soit récusé.

(1540)

La ministre a-t-elle induit le comité en erreur, ou l'a-t-elle mal informé? Qu'est-ce qui a permis au ministre de conclure que Mme Arbour appuyait fermement le projet de loi C-40? Je ne crois pas que nous devrions fermer le dossier tant que nous n'avons pas tiré ces questions au clair. Il se pourrait que Mme Arbour ne soit pas en faveur du projet de loi. Son opinion ne devrait pas entrer en ligne de compte, mais comme elle a été impliquée dans ce débat, nous nous devons de blanchir sa réputation en élucidant cette affaire.

Si madame le ministre a fait une erreur en citant sa lettre, elle devrait le dire avant que nous n'allions de l'avant avec le projet de loi. Quelle que soit la version que le ministre a des événements, qui sont peut-être tout à fait corrects et normaux, nous devons la connaître. Il existe pour le moment une suspicion que les choses ne se sont pas passées comme elles l'auraient dû entre des membres du Cabinet et un membre de la magistrature.

L'honorable Lorna Milne: Honorables sénateurs, j'ai une question pour le sénateur Grafstein. Je suis heureuse que le sénateur ait retiré ses propos d'hier au sujet du juge Arbour. J'estime cependant qu'il y aurait peut-être lieu de rectifier également l'impression qui a été donnée hier au Sénat selon laquelle le ministre de la Justice aurait tout d'abord communiqué de façon tout à fait inadmissible avec un membre de la magistrature et, deuxièmement, aurait induit en erreur le Comité permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, contrairement à ce dont je me souviens.

J'ai vérifié la transcription des délibérations du comité, et la ministre McLellan n'a jamais dit avoir parlé au juge Arbour. Je crois savoir que le ministre McLellan a pris connaissance de la position de Mme Arbour sur le projet de loi C-40 en lisant un article du Edmonton Journal du mercredi 6 mai 1998, à la page 8. Afin de dissiper l'impression que le ministre aurait induit le comité en erreur, je citerai cet article, si je puis me permettre.

Le juge Louise Arbour, juge de la Cour d'appel de l'Ontario qui est actuellement procureur en chef du Tribunal pénal international sur les crimes de guerre, à La Haye, a accusé le Canada de tarder à honorer l'obligation internationale qui est la sienne de traduire les criminels de guerre en justice.

Elle a déclaré mardi qu'elle était heureuse de constater que le Canada pourrait transférer les suspects...

Son Honneur le Président: Honorable sénateur Milne, je regrette de vous interrompre, mais s'agit-il d'une question adressée au sénateur Grafstein?

Le sénateur Milne: Je voulais demander si, oui ou non, le sénateur Grafstein serait disposé à revenir sur ce qu'il a dit, à la lumière des propos rapportés par le Edmonton Journal et des sources du ministre McLellan.

Son Honneur le Président: Nous ne sommes pas loin du simple débat, mais, si vous êtes sur le point de poser une question, je vous invite à poursuivre.

Le sénateur Milne: J'ai quelques éléments à ajouter. Je poursuis la lecture de la citation:

«Il y avait une terrible lacune dans la législation canadienne», a confié Mme Arbour au cours d'une interview accordée dans la capitale australienne, Canberra.

«Le fait d'avoir en place une structure permettra d'éviter ce qui aurait pu être une situation terriblement embarrassante pour un pays comme le Canada.»

Compte tenu de la source des observations du ministre McLellan, le sénateur Grafstein voudra peut-être aussi, je l'espère, revenir sur des conclusions qu'il a tirées hier.

Le sénateur Grafstein: Honorables sénateurs, je serai parfaitement clair. Je remercie le sénateur Milne de soulever la question. Toutefois, je n'ai jamais eu la moindre intention de tirer des conclusions inopportunes de quoi que ce soit à l'égard du ministre McLellan ou de Mme Arbour. C'est pourquoi je me suis immédiatement rétracté lorsque le sénateur Bolduc a soulevé la question, faisant peut-être dire plus à mes observations que je n'en avais eu l'intention. Cependant, je répète au Sénat que ces observations concernant Mme Arbour et le ministre étaient accessoires à l'argumentation et à mes amendements.

Au cours de ses observations, le ministre a qualifié Mme Arbour de procureur, et celle-ci est bien le procureur en chef à La Haye. J'ai alors cru bon de contester le fait que la ministre considère cela comme un fait.

Lorsqu'on lit la correspondance, on peut en arriver à la conclusion que le procureur en chef, en sa qualité de procureur en chef, a décidé de ne pas se mêler de cette question importante. L'affaire demeure accessoire.

Nous pouvons, honorables sénateurs, perdre beaucoup de temps du Sénat et de la population sur cette question, mais je préférerais que nous nous occupions du contenu des amendements.

Je dirai au sénateur Milne que, s'il y a conclusion importune, je me rétracte là-dessus aussi afin que nous puissions passer au coeur du débat.

L'honorable Donald H. Oliver: Honorables sénateurs, ma question s'adresse au sénateur Grafstein. Hier, en faisant l'historique des amendements dont le Sénat est maintenant saisi, le sénateur Grafstein a fait allusion à l'un des criminalistes les plus éminents du Canada, soit M. Greenspan. Le sénateur Grafstein a fait savoir que M. Greenspan avait peut-être des éléments probants et des opinions qui pourraient aider le Sénat à comprendre les amendements que le sénateur Grafstein propose.

Le sénateur Grafstein estime-t-il maintenant que M. Greenspan ne serait pas en mesure d'ajouter quoi que ce soit au débat ni aux questions soulevées par ses amendements?

Le sénateur Grafstein: Non, honorables sénateurs, je ne le crois pas. Je répète que je voudrais revenir, si possible, au contenu des amendements dont je parlais. M. Greenspan n'a pas donné directement son avis sur ces amendements en particulier. Il a exprimé certaines préoccupations d'ordre général, et je les ai soulevées afin de montrer que, parfois, dans cette enceinte, nous facilitons les audiences sans prendre le temps qu'il faut pour écouter tous les points de vue. J'ai bien pris garde dans mes observations de dire aux sénateurs que je ne savais pas si j'étais d'accord ou non avec les propos de M. Greenspan. Cependant, je voudrais les déposer à titre de point de vue différent.

En ce qui concerne la pratique et la procédure, quand d'éminents Canadiens se mettent à la disposition du Sénat, ce dont celui-ci ne peut que profiter, nous devrions faciliter leur témoignage. Cependant, à la lecture de ses observations, j'ai constaté qu'elles ne portaient pas directement sur les amendements dont nous sommes maintenant saisis.

Encore une fois, nous pouvons certes avoir un débat à la fois long et décousu sur cette question, ce qui pourrait être utile pour la pratique future, mais je tiens plus à faciliter ce projet de loi et à m'occuper des amendements et de cette question. Notre intérêt premier et primordial consiste à adopter une loi en matière d'extradition améliorée qui, je l'espère, comprendra mes amendements. Telle est la question dont le Sénat est saisi. Telle est la question que nous devrions discuter.

Je remercie les honorables sénateurs d'avoir écouté si attentivement mes préoccupations. Par la même occasion, je ne veux pas détourner le Sénat de la question primordiale que je lui ai soumise et l'empêcher de se prononcer sur deux problèmes très importants et fondamentaux. J'ai expliqué ces deux problèmes hier. J'espère que les autres sénateurs diront s'ils acceptent ou non ces propositions. Réglons cette question.

Je remercie les sénateurs d'en face d'avoir soulevé ces questions connexes, qui pourraient aussi être des questions de fond. Le sénateur Milne a parlé de la position de Mme Arbour à ce sujet et a expliqué comment l'information a été obtenue. Cette réponse me satisfait. Cependant, je ne veux pas accaparer le comité, qui est débordé, comme l'a laissé entendre le sénateur Milne, en lui renvoyant sans cesse la question.

Je crois disposer de suffisamment d'information. Tous les sénateurs ont maintenant assez d'information, sous réserve de la correspondance que je déposerai, pour pouvoir prendre une décision et régler cette question.

Je remercie les sénateurs d'avoir bien pris en considération la question.

L'honorable A. Raynell Andreychuk: Je voudrais poser une question à l'honorable sénateur. Hier, dans un ordre d'idées un peu différent, le sénateur a dit qu'il avait posé une question à la ministre, relativement au fait que le Canada n'avait pas bien réglé le problème des criminels de guerre, et il a dit qu'il avait reçu d'elle une réponse non équivoque. Il a ensuite parlé des amendements.

(1550)

J'aimerais demander à l'honorable sénateur s'il estime, ou s'il voulait donner l'impression, que, d'une manière ou d'une autre, nous pourrions nous occuper correctement des criminels de guerre si les amendements étaient adoptés. Ce n'était pas la position du comité et ce n'est pas la mienne. Cependant, j'aimerais savoir si vous liez les deux questions.

Le sénateur Grafstein: Honorables sénateurs, je crois que les deux questions sont liées, mais distinctes.

Tout d'abord, je vous explique comment elles sont liées. J'ai soulevé la question du processus accéléré en comité parce que la ministre, lorsqu'elle a été interrogée, a reconnu que le bilan du Canada à l'égard des criminels de guerre n'était pas reluisant. Elle l'a admis. Je crois que cette situation est de notoriété publique et j'ai conclu que presque tout le monde au Canada - en tout cas au Sénat - s'entendait à dire que le Canada ne s'était pas occupé de poursuivre diligemment des criminels de guerre au Canada même. C'est bien connu et, pour moi, c'est un fait indéniable.

Cela étant dit, c'est la situation qui prévalait dans le passé et c'est ce que j'ai tenté de faire valoir brièvement au cours de mon intervention d'hier. Si nous nous tournons vers l'avenir, on voit que, si nous ne pouvons pas nous occuper de poursuivre des personnes soupçonnées d'être des criminels de guerre au Canada, nous pouvons au moins faciliter leur transfert devant un tribunal existant qui pourrait les juger plus rapidement, ce qui servirait mieux la justice. Justice différée est justice refusée. En retardant les poursuites, nous risquons d'être injustes envers les personnes soupçonnées d'être des criminels de guerre. Espérons que nous pouvons tirer des leçons du passé.

L'idée, c'est d'avoir un processus nous permettant de juger plus rapidement les criminels de guerre qui sont venus s'installer au Canada. Après avoir identifié de tels individus, nous appliquerions une procédure régulière, puis nous les remettrions entre les mains d'un tribunal international possédant la compétence, les connaissances et l'expertise voulues pour les juger rapidement et en toute équité, tant pour ces criminels que pour le monde. C'est le but que je recherche. Je crois que j'ai établi clairement la distinction.

Si nous n'avons tiré aucun enseignement du passé, comment pouvons-nous rendre l'avenir meilleur? L'avenir est devant nous et nous devrions agir aussi rapidement et équitablement que nous le pouvons. C'est là ma position, honorables sénateurs. Je remercie mon collègue d'avoir soulevé cette question.

L'honorable Sharon Carstairs (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, je sais que le sénateur Beaudoin voudrait ajourner le débat. Je lui demanderais toutefois s'il serait possible d'ajourner le débat au nom du sénateur Bryden. Je demande cela parce que le sénateur Bryden a demandé la parole pour parler de cette question hier. Le sénateur Grafstein a pris la parole avant lui, et le sénateur Bryden devait suivre. Si on me le permet, je désire ajourner le débat au nom du sénateur Bryden.

L'honorable John Lynch-Staunton (chef de l'opposition): D'accord.

(Sur la motion du sénateur Carstairs, au nom du sénateur Bryden, le débat est ajourné.)

Projet de loi sur la reconnaissance des services de guerre de la marine marchande

Deuxième lecture-Suite du débat

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Forrestall, appuyé par l'honorable sénateur Atkins, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-19, Loi visant à faire davantage reconnaître les services des anciens combattants de la marine marchande du Canada et prévoyant à leur endroit une compensation juste et équitable.-(L'honorable sénateur Carstairs).

L'honorable Sharon Carstairs (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, je cède la parole au sénateur Atkins.

L'honorable Norman K. Atkins: Honorables sénateurs, je suis heureux parler du projet de loi S-19, qui porte sur la reconnaissance des services de guerre de la marine marchande.

À la fin de la Deuxième Guerre mondiale, le Canada avait une flotte marchande de 180 navires et de 12 000 marins. Quatre-vingt navires ont été coulés, 1 509 marins ont été tués, et 198 ont été capturés. La marine marchande a subi un taux de pertes plus élevé que n'importe quel autre service.

Le 19 mai 1941, le gouvernement du Canada a fait la déclaration suivante:

... la marine marchande dont dépend notre commerce maritime est essentiellement, dans les circonstances actuelles, une composante de nos forces combattantes, et la disponibilité des marins marchands, leur formation et leur protection sont essentielles à la conduite de la guerre et nécessaires si nous voulons que les voies maritimes restent ouvertes, ce dont notre succès dans le présent conflit dépend largement.

Après novembre 1942, les marins marchands ont été désignés sous l'appellation officielle de marine marchande du Canada. Après 1942, l'accord multinational leur reconnaissait le statut de prisonniers de guerre.

Les marins marchands étaient assujettis à la loi militaire en vertu des ordonnances de l'Amirauté, et relevaient du juge-avocat général de la marine dans les cas de discipline.

Honorables sénateurs, on estime qu'il reste encore 2 400 anciens combattants de la marine marchande, mais leur nombre diminue rapidement.

Le projet de loi S-19 servira de complément au récent projet de loi omnibus C-61. Le projet de loi S-19 ne prévoit pas de dépenses. Son préambule établit le cadre de référence et concerne le passé. C'est une reconnaissance qui s'est longtemps fait attendre et, à certains égards, ce sont des excuses.

L'article 3 situe l'objet du projet de loi S-19:

... mettre fin à la discrimination législative et administrative dont les anciens combattants de la marine marchande sont l'objet quant aux distinctions, avantages et marques de reconnaissance publique pour services rendus pendant la Première Guerre mondiale, la Seconde Guerre mondiale ou la guerre de Corée, afin qu'il bénéficient à l'avenir d'avantages équitables, semblables à ceux accordés aux anciens combattants des forces armées du Canada.

C'est une déclaration des droits des anciens combattants de la marine marchande qui les mettra à l'abri de la discrimination dans l'avenir.

Honorables sénateurs, le paragraphe 4(1) rendrait invalide toute disposition d'une loi fédérale qui, dans l'avenir,

... prévoit des avantages financiers ou autres pour les anciens combattants des forces armées du Canada, qui ont servi pendant la Première Guerre mondiale, la Seconde Guerre mondiale ou la guerre de Corée ou les personnes à leur charge, sans assurer les mêmes avantages aux anciens combattants de la marine marchande ou aux personnes à leur charge.

Il ne devrait pas y avoir d'anciens combattants de deuxième classe au Canada. Le projet de loi S-19, s'il est adopté, appliquerait les mêmes règles pour tous.

L'article 5 fait en sorte que les anciens combattants de la marine marchande soient invités à participer aux cérémonies de commémoration du jour du Souvenir.

À ceux qui pourraient douter du courage manifesté par nos anciens combattants canadiens de la marine marchande pendant la bataille de l'Atlantique ou des périls et des difficultés auxquels ils ont fait face, je recommande la lecture d'un livre intitulé: Deadly Seas, qui a été écrit par David Jay Bercuson et Holger Hervig. Les descriptions vivantes et factuelles que l'on y trouve dissiperont à mon avis tous les doutes.

Bref, honorables sénateurs, c'est un projet de loi tout ce qu'il y a de plus simple. S'il y a quelques difficultés d'ordre linguistique, on peut facilement y remédier par le truchement d'un amendement à l'étape de l'étude en comité. J'aimerais que le projet de loi S-19 soit renvoyé au comité sénatorial permanent des affaires sociales, afin qu'il puisse être examiné par le sous-comité des affaires des anciens combattants.

(Sur la motion du sénateur Carstairs, le débat est ajourné.)

Privilèges, Règlement et procédure

Étude du neuvième rapport du comité-Suite du débat

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Maheu, appuyée par l'honorable sénateur Ferretti Barth, tendant à l'adoption du neuvième rapport du comité permanent des privilèges, du Règlement et de la procédure (sénateurs indépendants), présenté au Sénat le 10 mars 1999.-(L'honorable sénateur Robertson).

L'honorable Brenda M. Robertson: Honorables sénateurs, comme je n'ai pas l'intention de m'exprimer sur cette motion, je suis disposée à céder la parole au sénateur Kinsella.

L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint de l'opposition): Honorables sénateurs, je propose l'ajournement du débat.

[Français]

L'honorable Marcel Prud'homme: Honorables sénateurs, quand le sénateur Kinsella a-t-il l'intention de procéder à ce débat?

[Traduction]

(1600)

Il sera là et nous n'y serons pas. Nous ne serons pas là et il y sera.

Honorables sénateurs, c'est un rapport complet. Qu'on soit d'accord ou pas, il faudra en tenir compte. Pouvons-nous lui demander quand aura lieu le débat?

Son Honneur le Président: Je suis désolé, sénateur Prud'homme, mais une motion d'ajournement ne peut faire l'objet d'un débat.

Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix: Oui.

Le sénateur Prud'homme: Non.

Son Honneur le Président: Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion d'ajournement veuillent bien dire oui.

Des voix: Oui.

Son Honneur le Président: Que les sénateurs qui sont contre veuillent bien dire non.

Le sénateur Prud'homme: Non.

Son Honneur le Président: À mon avis, les oui l'emportent.

Le sénateur Prud'homme: Avec dissidence.

(Sur la motion du sénateur Kinsella, le débat est ajourné, avec dissidence.)

Sécurité et services de renseignement

Étude du rapport du comité spécial-Motion d'amendement-Suite du débat

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Kelly, appuyée par l'honorable sénateur Beaudoin, tendant à l'adoption du rapport du comité spécial du Sénat sur la sécurité et les services de renseignement, déposé auprès du greffier du Sénat le 14 janvier 1999;

Et sur la motion en amendement de l'honorable sénateur Carstairs, appuyée par l'honorable sénateur Fairbairn, c.p., que le rapport ne soit pas adopté maintenant, mais qu'il soit modifié en retranchant la recommandation no 33; et

Que la recommandation no 33 soit déférée au comité permanent des privilèges, du Règlement et de la procédure pour étude et rapport.-(L'honorable sénateur Andreychuk).

L'honorable A. Raynell Andreychuk: Honorables sénateurs, le sénateur Bryden et le sénateur Kelly ont déjà pris la parole au sujet de ce rapport. Ils ont couvert pratiquement tous les points litigieux. Je voudrais seulement ajouter quelques commentaires et dire que j'appuie ce rapport.

Premièrement, je remercie les membres du personnel pour la patience dont ils ont fait preuve cet été, alors qu'ils ont eu à rassembler une quantité d'informations de nature hautement technique. Ils ont eu beaucoup de travail. Ils s'en sont sortis à merveille et ont très bien servi les membres du comité.

Je remercie aussi les membres du comité pour leur diligence. Nous nous étions attendus à certaines difficultés, vu le sujet. Les questions de politique étrangère sont difficiles, mais les questions de sécurité et de services de renseignement, ce monde abominable dont nous savons si peu de choses, sont souvent plus difficiles encore. Nous étions loin d'imaginer que l'intrigue serait aussi grande entre le président et le vice-président. Cela nous a permis de voir de nos propres yeux comment les choses se passent dans la pratique. Je dis cela en plaisantant, mais finalement, les membres s'y sont pris de façon très diplomatique. Nous avons entendu des témoins et avons rédigé un rapport qui vaut la peine d'être lu afin de comprendre les problèmes auxquels fait face le Canada sur le plan de la sécurité et des services de renseignement. Les recommandations valent la peine d'être mises en oeuvre par le gouvernement et les différents ministères.

Nous avons également une dette de reconnaissance envers tous les responsables. À la différence de certains journalistes et d'autres qui ont dit qu'il est parfois difficile de traiter avec la GRC, le SCRS et d'autres organismes, dont le Bureau du Conseil privé, à ce sujet, les gens à qui nous avons eu affaire ont été francs et directs. Leurs réponses nous ont facilité la tâche. Ils ont passé beaucoup de temps à nous expliquer le processus et nous ont fait part de leur opinion. Je crois qu'ils ont bien servi le Canada à cet égard.

Ce sujet ne se prête pas toujours bien à une discussion ouverte et publique, mais je suis heureuse de dire que les responsables de tous les organismes, et en particulier ceux de la GRC et du SCRS, cherchent des façons et des moyens de communiquer le plus de renseignements possibles aux Canadiens, sans pour autant mettre en péril la sécurité du Canada.

La chose qui m'a le plus troublée a été de constater que ces gens font face à des défis incroyables. Leur sphère d'activité s'est beaucoup étendue. Les criminels s'unissent maintenant aux terroristes et leur champs d'activité, qui est immense, grandit de jour en jour. Cette croissance est due en grande partie aux interrelations de notre monde mais aussi aux progrès technologiques.

Dans le passé, il était difficile de planifier une attaque terroriste sans être sur place, sans avoir des contacts personnels. Aujourd'hui, ces contacts ne sont à peu près plus nécessaires. Quelqu'un peut vivre dans une région isolée du monde et faire financer ses activités à partir d'une autre partie du monde. Il est maintenant possible de presser un bouton, dans un pays quelconque, pour provoquer des explosions et causer des torts considérables aux habitants d'une autre partie du monde encore. C'est pourquoi les enjeux en matière de sécurité et de renseignement ne se limitent plus à une opposition entre ceux que nous appelions autrefois nos ennemis et nos amis. Ils ont pris une envergure mondiale, et nous luttons tous maintenant pour contenir ces éléments criminels.

Le recours à la criminalité pour financer les activités terroristes embrouille la frontière entre ces deux secteurs d'activité, d'où les grandes difficultés auxquelles font face des organismes comme la GRC et le SCRS. Ils ne peuvent plus limiter leurs enquêtes à l'intérieur de leurs sphères d'activité respectives. Les criminels, les trafiquants de stupéfiants et les terroristes ne respectent plus les limites traditionnelles, qu'ils franchissent constamment.

Sans le genre de protocoles et d'accords que nous avons au Canada, il est très difficile pour nos fonctionnaires d'être efficaces tout en continuant de rendre des comptes. Je crois que le rapport aborde en profondeur la question de la responsabilité. Nous exigeons une plus grande reddition de comptes de la part de nos fonctionnaires et nous l'obtenons. Je félicite ceux et celles qui imaginent de nouvelles façons d'informer le public sur ces questions.

Nous savions aussi que sensibiliser la population à la possibilité qu'un attentat terroriste soit perpétré au Canada peut aggraver le problème en inquiétant indûment les gens. Les membres du SCRS et de la GRC se préoccupent aussi de cela. Ils cherchent et trouvent des moyens de publier l'information qu'ils peuvent publier sans créer de tension inutile chez les Canadiens.

Selon l'évaluation générale faite de la situation dans le rapport, nous sommes bien servis et, pour l'instant, le Canada n'est pas la cible de projets terroristes. Le rapport indique toutefois que la situation pourrait changer en quelques minutes. Nous devons donc toujours veiller à avoir en place les meilleures politiques et les meilleures pratiques.

Je veux souligner mon plus grand sujet de préoccupation dans ce rapport. Nous n'avons cessé de réduire, pour des raisons parfois valables, parfois contestables, le financement de nos organismes et de nos ministères qui s'occupent des activités terroristes. Nous avons systématiquement réduit leurs budgets dans nos efforts pour éliminer le déficit ou pour moderniser et rationaliser leurs services. Ma plus grande crainte est que les compressions que nous leur avons imposées continuellement n'aient aussi réduit leur capacité d'action. Il faut comprendre qu'ils doivent faire plus et affronter des situations inédites avec de moins en moins d'argent.

Ces organismes doivent chaque jour faire un choix entre les dossiers sur lesquels ils vont enquêter et ceux dont ils ne peuvent tout simplement pas s'occuper. S'ils se trompent un jour, nous ferons avec eux les frais de cette erreur. J'espère qu'elle ne coûtera pas la vie à des Canadiens ou ne causera pas de trop grandes difficultés à la population. Je demande au gouvernement du Canada de penser sérieusement au refinancement et à hausser les niveaux des contributions destinées tant au SCRS qu'à la GRC, qui sont absolument nécessaires pour permettre à ces organismes de maintenir leurs activités.

(1610)

La GRC a dû composer avec une technologie de plus en plus sophistiquée, qui a nécessité du temps, de la formation et de la compréhension. Elle a été confrontée en même temps au besoin d'assurer un service de police accru. Comment le ministère peut-il décider s'il doit se préoccuper des activités criminelles dans les rues tout en luttant contre les activités terroristes?

Les Américains disent souvent que nous sommes une proie facile, que beaucoup d'activistes qui veulent s'attaquer aux États-Unis se servent du Canada comme d'un tremplin. Je pense que les Américains exagèrent. Qu'on ne s'y trompe pas, c'est un peu vrai quand ils disent qu'il est plus facile d'entrer au Canada. Nous sommes plus accueillants à l'endroit des nouveaux venus dans notre pays. Nous formons une société beaucoup plus ouverte. Nous n'avons pas les mécanismes et les moyens dont disposent les États-Unis pour dépister les activités criminelles. On peut se servir de nous comme d'un tremplin pour certaines activités, et cela s'est produit dans le passé. Nous devrions en être bien conscients. Nous devrions réexaminer la capacité et les ressources de la GRC et du SCRS, pour veiller à ce qu'ils soient en mesure de bien faire leur travail.

Honorables sénateurs, j'ai déjà fait allusion au fait que la sphère d'activités s'était élargie. Je ne peux pas entrer dans les détails, puisque nos audiences se tenaient à huis clos. Toutefois, les méthodes employées par les terroristes se sont multipliées, et il en naît de nouvelles tous les jours.

La capacité de déplacer de l'argent par voie électronique est phénoménale. Les téléphones cellulaires et la machines du futur se perfectionnent sans cesse. Le pistage de ces appareils ne se fait pas de la même manière. C'est un peu un dilemme pour le Canada, parce que la plupart de nos systèmes envisageaient des mesures comme l'obtention d'un mandat de perquisition avant de pouvoir mettre une ligne téléphonique sur écoute ou l'adoption d'une loi qui aurait permis de les mettre sur écoute sans mandat. Mais le téléphone est maintenant un outil désuet, dans bien des cas. Les fonctionnaires de ces organismes utilisent maintenant une technologie bien plus avancée.

Les groupes terroristes sont complexes et composés d'individus dont le niveau d'éducation est très élevé. Nous devons avoir la capacité et les ressources nécessaires pour contrer ces activités. Ce qui est rassurant, c'est que nous sommes conscients de cette évolution, grâce à nos différents organismes spécialisés. Quand nous avons entrepris notre étude, nous nous demandions un peu si ces organismes dominaient bien la situation. Je suis heureuse de dire que oui. Ils restent en contact avec d'autres organismes analogues dans le monde entier. Ils tâchent d'établir les liens qui aideront notre système ici au pays. Il ne manque que les effectifs pour bien accomplir le travail.

Honorables sénateurs, nous devons consacrer des efforts à nos systèmes d'alerte. Nous devons travailler plus intensément, et de façon coordonnée, avec d'autres organismes. Vous trouverez des recommandations à cet égard dans le rapport. Nous pourrons ainsi partager des renseignements, particulièrement avec les autorités américaines, et bâtir un véritable système international qui lutte contre le terrorisme et d'autres activités abominables.

J'aimerais maintenant aborder trois éléments du rapport qui me préoccupent personnellement. Je suis d'avis qu'il s'agit d'un très bon rapport, mais il y a un certain nombre de points qui me préoccupent et j'aimerais vous expliquer pourquoi.

Je commencerai par la recommandation no 13, qui s'énonce ainsi:

Le comité recommande que l'on envisage de modifier la Loi de l'impôt sur le revenu afin que Revenu Canada puisse refuser à un groupe l'enregistrement en tant qu'organisme de bienfaisance, sur la foi d'un certificat fourni par le Service canadien du renseignement de sécurité, qui précise que le groupe en cause constitue une menace envers la sécurité du Canada. Toute modification du genre doit être soigneusement rédigée afin que la décision du Service canadien du renseignement de sécurité puisse faire l'objet d'un examen à la demande du groupe visé, et pour éviter que le certificat ne puisse devenir une monnaie d'échange pour obtenir la coopération de tels groupes.

C'est le point qui me préoccupe le plus. Nous vivons dans une société ouverte dans laquelle nous nous regroupons en groupes et en associations. Bon nombre de nos gens se regroupent sur des bases ethniques, parce qu'ils se sentent en confiance. C'est une façon pour eux d'apprendre à connaître le Canada. Ils trouvent du réconfort les uns les autres à s'occuper de bonnes oeuvres au Canada, ce qui les amène à vouloir s'enregistrer en tant qu'organisme de bienfaisance. Bon nombre de ces organisations ont été infiltrées récemment par des groupes minoritaires qui se servent d'elles pour recueillir des fonds. Ces derniers présentent leur campagne de cueillette de fonds comme étant une oeuvre humanitaire et charitable, mais nous savons qu'ils font une mauvaise utilisation de ces fonds et qu'ils s'en servent tout probablement pour acheter des armes ou se livrer à des activités terroristes.

Nous devons absolument contrer ce genre d'activité dans le secteur bénévole. De même, il est important de préserver l'intégrité de ce secteur et d'éviter de condamner tous ceux qui adhèrent à une organisation à cause des activités de certains d'entre eux.

J'étais catégoriquement opposée à ce que le SCRS puisse retirer le certificat d'enregistrement d'un organisme de bienfaisance au Canada. Je suis d'avis que c'est incorrect. Cela voudrait dire que, si un membre du groupe commettait une activité illégale, tout le groupe en souffrirait et serait condamné. Je ne crois pas que cela soit conforme avec nos efforts en vue d'encourager le bénévolat et la liberté d'association au Canada.

Nous avons conclu que les numéros d'enregistrement devraient être retirés, au moyen d'une modification à la Loi de l'impôt sur le revenu, seulement si de strictes procédures sont mises en place pour assurer l'application régulière de la loi et l'équité, et qu'il faudrait donner à l'organisation l'occasion d'expliquer sa raison d'être et sa façon de fonctionner. La mauvaise conduite d'un ou deux membres ne devrait pas nuire à l'ensemble de l'organisation.

Nous savons aussi que certains membres recourent à l'intimidation. En particulier, parmi les immigrants récents, certains sont victimes d'intimidation de la part d'autres membres qui veulent poursuivre des activités à l'étranger. Ils le font avec habileté et subtilité. Nous ne voulions pas encourager cela.

Même si certains étaient d'avis que le retrait des numéros d'enregistrement pouvait aider, je crois que cela condamne toute l'organisation. Nous devons trouver d'autres mécanismes pour mettre un terme à l'intimidation dont sont victimes les groupes d'immigrants récents et les autres groupes...

Son Honneur le Président: Je regrette de devoir interrompre l'honorable sénateur Andreychuk, mais les 15 minutes dont elle disposait sont écoulées.

La permission est-elle accordée à l'honorable sénateur pour poursuivre ses observations?

Des voix: D'accord.

(1620)

Le sénateur Andreychuk: Merci, honorables sénateurs.

Si vous me permettez de répéter ce que je viens de dire, je crois fermement que nous devons continuer à appuyer la liberté d'association dans ce pays, et que nous devons trouver d'autres moyens de mettre fin aux activités viles et nuisibles d'une infime minorité d'individus dans ces groupes.

C'est dans ce contexte que la recommandation no 13 doit se lire. Nous n'étions pas certains de ce qui devrait se passer et nous ne savions pas quoi écrire; c'est pourquoi nous nous sommes contentés de dire qu'il devrait exister un mécanisme, car notre sécurité doit passer avant tout. Par conséquent, nous devrions avoir la capacité de la protéger. Toutefois, avant qu'on ne prenne une telle mesure, il faudra procéder à un examen complet, et peut-être en confier la responsabilité au ministre et au Parlement. Cela ne devrait pas être laissé à la discrétion du SCRS.

La deuxième recommandation dont je voulais parler est la recommandation no 33. Le comité recommande la constitution d'un comité sénatorial permanent de la sécurité et du renseignement. Son fonctionnement et son mandat sont décrits dans la recommandation et je ne reviendrai pas là-dessus.

Je ne suis pas tout à fait d'accord avec le président et les autres membres du comité. Ce comité est le troisième comité sénatorial qui ait étudié la sécurité et le renseignement au Canada. Il a apporté à ce travail une certaine expertise, mais aussi une fraîcheur et une ouverture d'esprit qui seraient absentes si nous devions institutionnaliser le processus. Le risque existe que ce ne soit fait que pour la forme. Par conséquent, j'estime qu'un examen parlementaire est nécessaire et je pense que l'examen que le Sénat a déjà fait à deux reprises auparavant - celui-ci est le troisième - a bien servi les Canadiens. On a fait un examen poussé, très exigeant pour les fonctionnaires, et qui a couvert tous les aspects de la question, donnant ainsi l'assurance que nous faisons de notre mieux dans ce domaine.

Bien que j'approuve la recommandation concernant la création d'un comité sénatorial permanent, j'estime que nous devrions étudier sérieusement la question de savoir si un comité sénatorial permanent est la seule solution. Existe-t-il une manière plus efficace ou unique de parvenir au même but? J'espère qu'il y aura un débat au Sénat sur la façon de couvrir cette question d'une manière différente.

La troisième observation que je souhaite formuler, c'est que tout le processus d'immigration doit être examiné. Nous n'avons fait qu'effleurer cet aspect de la question dans le rapport. Il est extrêmement important, et nous l'avons souligné dans notre rapport, que tout ce que nous disons au sujet de l'amélioration et du renforcement du processus d'immigration pour empêcher des activités terroristes et pour prévenir l'entrée des auteurs de ces actes au Canada ne soit pas considéré comme une déclaration contre l'immigration et le rôle très important que la plupart des immigrants jouent au Canada. En fait, je devrais dire que c'est la majorité qui fait cela, à quelques exceptions près.

Nous croyons que, si nous pouvions renforcer certains secteurs de l'immigration pour empêcher l'immigration de gens bien connus dans le monde du terrorisme, nous rendrions service à tous ceux qui ont immigré au Canada et continueront de le faire. Ils seraient perçus de façon beaucoup plus positive. Je crois que ces observations et recommandations dans notre rapport visaient cet aspect de la question et non le processus d'immigration dans son ensemble. En fait, je crois que nous tous, en tant que comité, étions fortement en faveur du maintien de l'immigration. Rien dans le rapport ne devrait être perçu comme une affirmation du contraire.

En conclusion, je remercie le sénateur Kelly de son dévouement dans ce dossier. Non seulement n'a-t-il pas ménagé ses efforts dans le cadre de ce rapport, mais il s'est préoccupé de cette question presque quotidiennement, de mois en mois et d'année en année. Ce sont son insistance et sa persistance qui ont rendu ce rapport possible.

Je félicite également le vice-président, le sénateur Bryden, qui s'est assuré que la présidence ouvre le processus à des points de vue contraires. Nous avons eu le type de débat et de discussions qui devaient avoir lieu de façon confidentielle, mais cela s'est également fait de façon très franche et ouverte.

Je crois que le rapport mérite d'être lu. En particulier, j'encourage le gouvernement du Canada à y donner suite. Nous avons des raisons de croire que le gouvernement du Canada est intéressé par ce rapport et prend des mesures pour l'appliquer. Je l'invite à poursuivre dans cette voie.

L'honorable Marcel Prud'homme: Honorables sénateurs, je voudrais remercier mon collègue de son excellente intervention sur une question importante.

Il est bien connu que je me suis vivement opposé à la création du SCRS en 1984. J'ai voté contre la création de cette organisation, car je croyais que c'était une erreur. Même si la GRC avait été accusée de commettre de nombreuses erreurs et si elle avait abusé de son pouvoir, je croyais encore à l'époque que nous aurions dû moderniser la GRC et n'avoir qu'une seule organisation.

Cependant, après avoir assisté à certaines des réunions à titre personnel durant l'été, car je n'étais pas membre du comité, je le souligne, mais en tant que personne qui a appuyé la motion du sénateur Kelly sur cette question, je réaffirme maintenant que nous n'avons pas besoin de deux institutions.

Je vais participer au débat un moment donné. On peut sentir, malgré ce que disent certains, que la collaboration n'est pas aussi étroite qu'elle devrait l'être.

Selon vous, devrions-nous, au cours de notre réflexion, tenir compte du fait que, à cause du refinancement dont vous avez parlé dans votre intervention et de l'insuffisance des budgets, il y a lieu de songer à une seule grande organisation, la GRC, qui serait composée de deux parties, plutôt que de conserver deux entités complètement distinctes?

Le sénateur Andreychuk: Je suis heureuse que vous me donniez l'occasion d'aborder ce point, car je songeais à la même chose.

Malgré tous les défauts de l'ancien système, j'aurais préféré que tout continue de relever de la GRC. Cela dit, le SCRS est maintenant en place. Le temps a passé, et nous avons deux organismes. Les faire disparaître pour créer une seule entité serait pire, pour le Canada, que la situation actuelle.

D'après ce que nous avons vu et entendu et d'après ce que nous avons appris auprès d'autres sources, il existe des difficultés entre les deux organismes. Mais y a-t-il deux ministères qui n'ont pas de mal à travailler ensemble? Y a-t-il deux personnes qui n'ont pas leurs difficultés lorsqu'il s'agit de coopérer? J'estime que les efforts déployés tant par la GRC que par le SCRS, aux plus hauts échelons comme sur le terrain, sont très louables.

Nous avons eu l'occasion d'observer nous-mêmes ce qui se passe ailleurs qu'à Ottawa et dans les administrations centrales. Sur le terrain, le SCRS et la GRC travaillent ensemble. Il est regrettable qu'il y ait des lacunes et qu'il y ait de temps à autre des conflits de personnalité. Ce sont les incidents dont nous entendons parler. Mais j'estime que, dans l'ensemble du système, la coordination s'améliore d'année en année. Il y a des règles et des protocoles à suivre.

(1630)

Il ne faut pas oublier que le terrorisme nécessite l'intervention à la fois du SCRS et de la GRC, sans oublier celle des services de police municipaux et des services d'urgence. Il y a maintenant des protocoles pancanadiens et provinciaux pour coordonner l'intervention en situation d'urgence.

Je ne peux donc que réaffirmer que, même s'il y a encore des progrès à faire, les deux organismes ont beaucoup amélioré leur capacité de travailler en collaboration. Nous devrions faire tout notre possible pour encourager ces efforts au lieu de les inciter à se séparer. Loin d'être constructif, ce serait préjudiciable.

(Sur la motion du sénateur Corbin, le débat est ajourné.)

Le budget de 1999

La déclaration du ministre des Finances-Interpellation-Suite du débat

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur l'interpellation de l'honorable sénateur Lynch-Staunton, attirant l'attention du Sénat sur le budget présenté par le ministre des Finances à la Chambre des communes le 16 février 1999.-(L'honorable sénateur LeBreton).

L'honorable Mira Spivak: Honorables sénateurs, le sénateur LeBreton a cédé sa place afin que je puisse prendre maintenant la parole sur cette question.

Je voudrais souligner certaines lacunes du budget présenté récemment. D'abord, je voudrais faire ressortir que le budget ne met pas fin à la désindexation partielle des taux d'imposition des particuliers et des crédits d'impôt.

Le gouvernement précédent a été le premier à rajuster en partie seulement les paliers d'imposition et les crédits d'impôt en fonction du taux d'inflation annuel. Il a adopté cette mesure de lutte contre l'inflation en 1986 et l'a maintenue pour combattre le déficit, mais cette mesure n'est plus justifiée. La désindexation partielle a cessé d'être utile. Le gouvernement s'en sert simplement pour hausser les impôts sans subir les inconvénients politiques qu'entraîne l'annonce d'une hausse d'impôt.

En second lieu, je voudrais parler de l'absence de mesures dans le budget au sujet des coûts des changements climatiques et de la lutte contre les effets écologiques et économiques de ces changements.

En troisième lieu, je voudrais soulever brièvement la question du silence que le gouvernement continue d'observer quant au besoin d'un programme national de garderies.

La désindexation partielle des taux et des crédits d'impôt - dans le cas du Canada, c'est le fait de limiter les rajustements en fonction de l'inflation seulement si celle-ci dépasse 3 p. 100 - était justifiée comme stabilisateur fiscal automatique durant les périodes d'inflation élevée. Comme c'est le cas des hausses d'impôt, elle enlève de l'argent aux consommateurs, diminue le pouvoir de dépenser et ralentit l'inflation. Plusieurs pays de l'OCDE y ont eu recours. Certains d'entre eux ont complètement abandonné l'indexation.

Au Canada, il ne fait aucun doute que la désindexation partielle est l'un des principaux instruments qui ont permis de réduire le déficit fédéral. Selon le Caledon Institute of Social Policy, l'an dernier, les recettes fiscales du gouvernement fédéral étaient supérieures de plus de 10 milliards de dollars, ou 16 p. 100, au total qu'elles auraient atteint si l'impôt sur le revenu des particuliers avait été pleinement indexé au taux d'inflation au fil des ans.

Les taux élevés d'inflation n'existent plus depuis bien des années. Tout ce qui reste de la désindexation partielle, ce sont les répercussions négatives. La désindexation partielle permet au gouvernement de prélever plus d'impôts chaque année et d'accroître de façon détournée ses recettes. C'est une pratique antidémocratique, qui dissuade les gens de travailler. Elle est d'autant plus injuste qu'elle s'attaque surtout aux contribuables qui touchent les plus faibles revenus.

En période de faible inflation, comme c'est le cas actuellement, bien des gens pensent que la désindexation partielle a peu d'effet sur le revenu après impôt. Pourtant, elle a un effet cumulatif important. Entre 1986 et 1998, le régime fiscal canadien partiellement désindexé n'a été rajusté que de 7,6 p. 100, tandis que, s'il avait été pleinement indexé au taux d'inflation, il aurait été corrigé de 32,9 p. 100.

Qu'est-ce que tout cela a donné? La désindexation partielle a abaissé le seuil à partir duquel les contribuables commencent à payer de l'impôt sur le revenu au gouvernement fédéral. Ce seuil de revenu annuel, qui était de 10 500 $ en 1980, est passé à la somme absolument minime de 7 112 $ en 1998. La désindexation partielle a obligé plus d'un million de travailleurs à faible revenu à commencer à payer de l'impôt. Plus de 1,9 million de contribuables sont passés de la tranche d'imposition inférieure à celle du milieu, à cause du phénomène qu'on appelle le non-ajustement des tranches d'imposition au taux d'inflation. De plus, 600 000 autres contribuables sont passés de la tranche d'imposition du milieu à la tranche supérieure. La désindexation partielle a fait éroder la valeur des prestations fiscales pour enfants, ce qui touche huit familles sur dix. Elle a fait croître le montant de TPS que les membres les plus pauvres de notre société doivent payer en réduisant leurs crédits d'impôt remboursables pour TPS. En fait, elle impose à tous les contribuables, peu importe leur revenu, une augmentation cachée de leur impôt sur le revenu, et ce sont les plus pauvres qui en souffrent le plus.

Permettez-moi de vous donner un seul exemple. Prenons le cas d'un contribuable qui a gagné 25 000 en 1988 et a versé 12,9 p. 100 de son revenu en impôt fédéral, ce qui ne comprend ni les cotisations au RPC ni les cotisations à l'assurance-emploi. Le taux d'imposition qui s'appliquait dans son cas était de 17 p. 100. Dix ans plus tard, le même contribuable, dont le revenu a augmenté au rythme de l'inflation, versait au gouvernement fédéral 14,7 p. 100 de son revenu, soit 441 $ de plus. Cette hausse d'impôt cachée s'est faite de deux manières. D'abord, le crédit d'impôt personnel de base avait une valeur moindre, en dollars constants, en raison de la désindexation partielle. Ensuite, les tranches d'imposition ont diminué en termes réels, faisant passer ce contribuable dans la tranche d'imposition de 26 p. 100.

Les contribuables à tous les niveaux de revenu paient davantage d'impôt, car la valeur de leurs crédits d'impôt a été réduite. Cependant, les plus durement frappés sont les travailleurs pauvres ou ceux qui ont du mal à survivre avec une pension minime. Un contribuable seul qui gagne 10 000 $ par année a vu ses impôts augmenter de 450 p. 100. Ce n'est pas une erreur. C'est une statistique sur laquelle j'ai de la documentation. Par ailleurs, ceux qui gagnent 100 000 $ ou plus ont subi une hausse d'impôt de 6,9 p. 100 en raison de la désindexation partielle. Bien sûr, l'impôt perçu auprès de ceux qui gagnent 10 000 $ par année est peu élevé, mais le pourcentage est énorme.

Nous nous rappelons le tollé suscité chez les personnes âgées lorsque le gouvernement précédent a tenté de désindexer partiellement les prestations de sécurité de la vieillesse. Le gouvernement de l'époque a été sensible à la critique et a retiré cette proposition. Toutefois, la désindexation partielle est demeurée en place comme mesure de lutte contre le déficit, non seulement en ce qui concerne l'impôt sur le revenu, mais également pour ce qui est des prestations pour enfants, des transferts fédéraux aux provinces et du crédit remboursable pour la TPS. L'inflation a été jugulée et le déficit est nul. Il est maintenant temps de mettre fin à la désindexation partielle.

Le discours du budget du ministre des Finances laisse croire que le gouvernement sait ce qu'il fait. Le ministre a annoncé une augmentation de 675 $, à compter de juillet, des revenus que peuvent gagner les contribuables sans payer d'impôt. Il a annoncé cela comme un allégement fiscal qui fait plus que couvrir les effets de l'inflation sur l'exemption de base depuis 1992. Il a également déclaré que le gouvernement voulait que cet allégement fiscal soit permanent et pas seulement temporaire. Il a déclaré que la pire chose que le gouvernement pourrait faire serait d'accorder un allégement fiscal structurel une année pour l'annuler l'année suivante. Je crois que la valeur réelle de ces 675 $ diminuera parce que le gouvernement n'a pas éliminé la désindexation partielle.

Le gouvernement évalue à 1,5 milliard de dollars la diminution de ces recettes qui découlera de toutes les réductions d'impôt qu'il a annoncées dans son budget. Ce qu'il n'a pas dit clairement, c'est que la désindexation partielle fera augmenter les recettes fiscales d'environ 840 millions de dollars, ce qui réduit le coût net des réductions d'impôt d'un notable 56 p. 100. Les allégements fiscaux relativement modestes annoncés dans le budget seront grugés par l'inflation dès l'an prochain. L'impôt sur le revenu diminuera un peu pour recommencer ensuite à augmenter régulièrement. Il est temps que le gouvernement rétablisse la pleine indexation pour le plus grand bien de tous les Canadiens.

Le budget présente une autre lacune. Le gouvernement ne se sert pas de ses pouvoirs pour parer les coûts des atteintes à l'environnement, et en particulier les coûts immenses découlant du changement de climat. Dans le discours du budget, le ministre des Finances évoque le fait que le gouvernement sait que notre climat connaît un certain bouleversement. Il mentionne que le gouvernement a su venir en aide aux victimes des inondations au Saguenay et dans le bassin de la rivière Rouge, et intervenir à l'occasion de la tempête de verglas l'an dernier. Le gouvernement sait fort bien que le climat change.

En ce qui concerne les changements climatiques, Environnement Canada dit que le pays a connu l'an dernier l'année la plus chaude de son histoire, la température moyenne nationale se situant à 2,5 degrés Celsius au-dessus de la normale. La température a dépassé la normale de plus de quatre degrés dans certaines régions de l'Arctique. Cette température moyenne record a été supérieure d'un demi-degré à la température record de 1981, ce qui est énorme dans le contexte d'une science où les records sont normalement brisés lorsqu'il y a écart d'au plus un dixième de degré. Il va de soi que nous savons tous que de grands pans de glace de l'Antarctique tombent dans l'océan.

L'an dernier, le Canada a aussi connu la neuvième année la plus sèche de son histoire. Les précipitations de pluie et de neige ont été inférieures de 2,7 p. 100 à celle des années moyennes. Le niveau d'eau des Grands Lacs a été deux fois plus bas que la normale. Le niveau du lac Ontario a baissé de plus d'un mètre. Environnement Canada dit également qu'il y a de plus en plus de preuves d'un réchauffement planétaire attribuable aux gaz à effet de serre. Il va de soi que les tempêtes, les inondations et autres phénomènes de plus en plus fréquents sont aussi des indices d'un réchauffement planétaire.

Voyez ce que ces événements ont coûté au seul Trésor fédéral: 60 millions de dollars pour les efforts déployés par les forces armées canadiennes au cours de la tempête de verglas; 690 millions de dollars en secours aux sinistrés du verglas de l'Ontario, du Québec et du Nouveau-Brunswick; 170 millions de dollars en secours aux sinistrés des inondations au Saguenay, au Québec; et 87 millions de dollars aux victimes des inondations de la rivière Rouge.

Le secteur des assurances n'ignore pas que le coût des catastrophes naturelles pour tout le monde - secteur privé, secteur public et particuliers - fait plus que doubler tous les cinq ans. On s'attendait à ce que la facture atteigne l'an dernier 3 milliards de dollars.

Que fait-on pour s'attaquer à cette importante question? On crée des tables. Toutefois, ces tables n'assureront en rien que le Canada respectera son engagement de réduire de 6 p. 100 avant l'an 2000 ses émissions de gaz à effet de serre par rapport aux niveaux de 1990. Nous reculons au lieu d'avancer, car nos émissions sont maintenant 13 p. 100 plus élevées qu'elles devraient et, à moins d'un revirement complet de la situation, elles seront 25 p. 100 plus élevées que prévu.

Nous sommes à 11 ans seulement de l'échéance de Kyoto. Il y a 11 ans, un groupe de travail fédéral-provincial-territorial a été chargé de voir si le Canada pourrait atteindre économiquement l'objectif très vivement recommandé à la conférence de Toronto sur le changement climatique. Le groupe de travail en est venu à la conclusion que nous ne pourrions pas réduire nos émissions de 20 p. 100 avant 2005 sans problème économique. Quatre ans plus tard, néanmoins, les candidats libéraux promettaient aux électeurs qu'un gouvernement libéral y arriverait. Voici ce qu'on peut lire dans le premier livre rouge:

Notre priorité immédiate sera d'élaborer, conjointement avec les parties prenantes, un plan visant à atteindre cet objectif. Pour ce faire, nous aurons recours à des incitations économiques [...] ce qui nous permettra de rester compétitifs.

Dans les progrès accomplis jusqu'à maintenant, on nous dit que le gouvernement a créé 16 prétendues tables rondes, consulté 450 spécialistes et constitué un comité directeur national, un comité national de coordination, un secrétariat national et un groupe intégré et qu'il espère avoir un avant-projet de stratégie à présenter en décembre aux ministres fédéral et provinciaux de l'Énergie et de l'Environnement.

Il y a six ans, la Société royale du Canada a produit le rapport Cogger, commandé dans le cadre du Programme des changements à l'échelle du globe. Le rapport résumait 19 études canadiennes importantes produites entre 1988 et 1992, 11 études produites aux États-Unis et sept grands rapports internationaux. De nombreuses études canadiennes quantifiaient les économies d'énergie possibles ou les stratégies de réduction des émissions qui s'autofinanceraient en cinq à dix ans ou qui n'entraîneraient aucun coût net.

Il y a quatre ans, le Climate Action Network, un regroupement de différents organismes non gouvernementaux, a présenté au gouvernement un plan indépendant visant à stabiliser les émissions de gaz à effet de serre - un plan qui était susceptible de créer des emplois et de contribuer à la réduction du déficit. Le plan prévoyait deux mesures économiques: une taxe de deux cents sur l'essence et un programme récompensant les Canadiens qui achètent des véhicules à haut rendement énergétique et imposant ceux qui choisissent des voitures, des fourgonnettes et des camions à faible rendement énergétique.

On nous dit maintenant que plusieurs possibilités seront soumises aux ministres en décembre et qu'ils pourraient donner leur accord de principe à un plan. Ils pourraient s'entendre sur des mesures qui seraient mises en oeuvre immédiatement. Ils pourraient demander des améliorations ou proposer des solutions de rechange, ou encore accepter d'autres stratégies - s'entendre pour examiner la question avec leur gouvernement respectif. Quoi qu'ils fassent, les ministres ne pourront, avant l'an 2000, soumettre un plan à leurs premiers ministres respectifs.

Il n'y a qu'une conclusion à tirer: le sentiment d'urgence reconnu lorsque la conférence de Toronto a été convoquée en 1986 a maintenant complètement disparu; le sentiment d'urgence qui s'est ravivé au Sommet de la Terre de Rio s'est dissipé lui aussi, et le sentiment d'urgence moins vif qui a fait suite à la conférence de Kyoto est maintenant dilué dans une foule de nouveaux comités, de groupes et de rencontres dont on propose la tenue. Il s'agit essentiellement de discussions. Le moment est maintenant venu d'agir.

Je veux simplement faire une observation à ce sujet. Au début de l'an dernier, 25 lauréats de l'Ordre du Canada ont donné de leur temps à un Forum national sur les changements climatiques et ils ont passé plusieurs mois à s'instruire. Ils ont reconnu qu'ils avaient très peu de connaissances sur les changements climatiques avant de commencer. En juin, ils ont livré leur message au premier ministre. Je voudrais vous lire une partie de la conclusion à laquelle sont arrivés ces extraordinaires Canadiens. Ils ont dit ceci:

Nous, membres du Forum national sur le changement climatique, croyons que les changements climatiques auront des répercussions sur la vie de tous les Canadiens. Les décisions prises aujourd'hui [...] auront des répercussions sur nos collectivités, nos enfants et notre avenir. Les changements climatiques, provoqués par l'accumulation des gaz à effet de serre, pourraient entraîner des changements spectaculaires dans les niveaux de la mer, les tempêtes et les températures moyennes. Chaque Canadien a un rôle à jouer dans la réduction des gaz à effet de serre. Le moment est maintenant venu d'agir.
Enfin, honorables sénateurs, je veux parler brièvement de l'autre promesse oubliée depuis longtemps, la promesse d'un programme national de garderies. Au lieu de cela, les Canadiens ont obtenu une révision du régime de prestations pour enfants et, dans le budget de l'an dernier, une hausse importante de la déduction pour frais de garde d'enfants. Quelle que soit l'utilité de ces programmes, cela n'empêche pas qu'on a besoin d'un plus grand nombre de places dans des garderies de qualité. Le coeur du problème est l'offre insuffisante. Des années de réductions par les gouvernements - toutes sortes de gouvernements - des paiements de transfert aux provinces ont fait très mal aux services de garde d'enfants. Cette baisse importante des transferts fédéraux a entraîné une réduction du nombre de places dans les garderies réglementées.

Aujourd'hui, en Ontario, les parents ont de la difficulté à trouver des places dans des garderies réglementées. Ils mettent les noms des enfants non encore nés sur des listes d'attente, qui ne cessent de s'allonger. L'été dernier, à Toronto, le taux de vacance dans les 725 garderies réglementées de la ville est tombé à zéro pour la première fois. Au Québec, un rapport récent révèle qu'on aura besoin de 100 000 nouvelles places - le double du nombre actuel - d'ici six ans. Au cours de la prochaine décennie, les petites-filles et les petits-fils de la génération du baby-boom commenceront à arriver. Le gouvernement du Québec dit qu'il a l'intention de répondre à la demande. Les parents dans les autres provinces risquent fort de ne pas être aussi chanceux. Une situation déjà difficile va empirer, à moins que le gouvernement fédéral n'intervienne. J'espère que le gouvernement et le ministre des Finances reconnaîtront l'absence, dans le budget, de mesures pour traiter de la situation désastreuse des garderies.

Honorables sénateurs, le budget est un plan d'action qui montre ce que le gouvernement à l'intention de faire. Or, celui-ci n'a pris aucune mesure relativement à deux secteurs importants, à savoir les changements climatiques et les garderies. Il ne se passe rien. Sur le plan fiscal, c'est la non-indexation des taux d'imposition. Le moment est venu d'apporter des changements.

(Sur la motion du sénateur LeBreton, le débat est ajourné.)

Les armes nucléaires

La réponse du gouvernement aux demandes et recommandations-Interpellation-Report du débat

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur l'interpellation de l'honorable sénateur Roche, attirant l'attention du Sénat sur l'urgence pour le gouvernement du Canada de dire «non» à la participation à un système de défense antimissiles américain et sur la nécessité pour le gouvernement du Canada de contribuer à la paix en mettant en oeuvre les 15 recommandations du rapport du comité permanent des affaires étrangères et du commerce international intitulé: «Le Canada et le défi nucléaire: réduire l'importance politique de l'arme nucléaire au XXIe siècle».- (L'honorable sénateur Prud'homme, c.p.).

L'honorable Marcel Prud'homme: Honorables sénateurs, je sais que vous êtes fatigués et que vous voulez en finir. Nous connaissons le Règlement. En fait, notre connaissance du Règlement du Sénat s'améliore de jour en jour. J'espère que mes honorables collègues s'en servent. J'espère aussi qu'ils comprennent que le sénateur Roche, le sénateur Wilson et d'autres sénateurs indépendants souhaitent ardemment que cette question soit réglée. Nous avons rédigé des discours relativement à chaque projet de loi et nous allons nous en servir. Ce n'est pas du chantage. Dans certains cas, cela fait cinq ans que l'on fait preuve de gentillesse, mais il n'y a aucun progrès. Je sais que certaines personnes ont des opinions bien arrêtées sur la question. Nous vivons dans une démocratie. Permettez-nous d'exprimer nos vues et de voter sur un rapport qui a du bon sens.

Par conséquent, dans un esprit de collaboration, je demande que le débat soit reporté en mon nom.

(Le débat est reporté.)

(1650)

L'élection du Canada au Conseil de sécurité des Nations Unies

Interpellation-Suite du débat

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur l'interpellation de l'honorable sénateur Roche, attirant l'attention du Sénat sur l'élection du Canada au Conseil de sécurité des Nations Unies pour 1999-2000, et sur la contribution du Canada à la paix, à la sécurité mondiale et au respect des droits humains dans le monde, à l'aube du troisième millénaire.-(L'honorable sénateur Graham, c.p.).

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je voudrais dire quelques mots à propos de l'interpellation du sénateur Roche concernant l'élection du Canada au Conseil de sécurité des Nations Unies.

Premièrement, je voudrais remercier le sénateur Roche pour cette interpellation, qui souligne l'élection du Canada au Conseil de sécurité des Nations Unies pour la sixième fois de notre histoire. Que se soit à titre d'auteur, de parlementaire ou de diplomate, le sénateur Roche aura été, durant une bonne partie de sa distinguée carrière, un internationaliste convaincu, surtout en ce qui concerne le problème du désarmement.

Il convie maintenant la Chambre à méditer sur les grandes responsabilités que notre pays devra assumer au cours de ce mandat de deux ans au sein du Conseil de sécurité. Bien que ce soit un grand honneur pour le Canada d'avoir mérité ce mandat avec une majorité sans précédent, ce qui témoigne des compétences singulières du premier ministre Chrétien, du ministre Axworthy, de l'ambassadeur Fowler et d'autres, il faut bien se rendre à l'évidence que les attentes internationales à l'égard de notre volonté, de notre détermination et de notre ingéniosité nationales se sont accrues considérablement au cours des derniers mois à la suite des événements cataclysmiques qui caractérisent si cruellement la tragédie du Kosovo.

Dans ses observations, le sénateur Roche a dit que les Canadiens devaient faire leurs les espoirs, les craintes, les souffrances et l'anxiété de l'humanité. L'honorable sénateur a soutenu que nous découvririons de multiples façons notre âme nationale en participant à la résolution des immenses problèmes de la planète.

Je crois que, dans les deux cas, les honorables sénateurs peuvent se réjouir du fait que notre participation sur la scène internationale a toujours été à l'image de ce que nous sommes. Lorsque nous nous comparons aux autres pays, nous nous rendons compte que nos valeurs collectives sont le fruit de l'expérience de générations de Canadiens qui ont cru dans la paix et la liberté, le respect des minorités et les droits de la personne. Notre seule diversité culturelle nous permet de tisser de plus en plus de liens aux quatre coins du monde. Les Canadiens sont capables de comprendre les problèmes et les luttes de tous les peuples parce qu'ils ont eux-mêmes des racines un peu partout dans le monde.

Notre présence active au sein de la communauté internationale depuis plusieurs décennies nous a permis de faire connaître, partout dans le monde, nos qualités uniques et, selon certains, précieuses, de multilatéralistes et d'édificateurs, de pionniers des missions de maintien de la paix des Nations Unies et d'autres initiatives semblables. L'élection du Canada au Conseil de sécurité reflète cette histoire et confirme notre réputation excellente et enviable sur la scène internationale. Le premier ministre Chrétien déclarait à ce sujet:

Les pays du monde soulignent ainsi le dévouement et le soutien de longue date du Canada envers les Nations Unies. Cette élection marque une fois de plus une étape marquante de l'histoire dynamique et productive de la diplomatie canadienne.

On a dit que le Canada a atteint sa maturité avec la création des Nations Unies. À cet égard, l'édification de l'ONU a aussi été celle du Canada. Cette relation symbiotique remarquable a enrichi et renforcé la communauté internationale tout autant que les Canadiens eux-mêmes. Dès le début de notre mandat, nous avons apporté avec nous, au Conseil de sécurité, un nouveau programme en matière de sécurité humaine; un programme qui servira de carte routière pour le nouveau siècle, pour la société mondiale dans laquelle la sécurité et le bien-être de l'individu sont des priorités internationales; une carte mondiale pour une société internationale où les normes humanitaires et la suprématie du droit sont les deux moteurs d'un monde nouveau et meilleur.

Les terribles épreuves qui frappent les Balkans et le peuple du Kosovo n'offrent qu'un des aspects des conflits qui font rage aujourd'hui dans le monde. Cette crise n'est qu'un des visages de l'horreur qui sévit actuellement dans le monde, un monde où le nombre de victimes des conflits armés a doublé au cours des dix dernières années, où 80 p. 100 du million de personnes qui meurent chaque année dans des conflits armés sont des civils innocents. Toutes ces personnes ont été les victimes innocentes des pires violations des droits de la personne et du droit humanitaire qu'on ait connues.

Le programme que propose le Canada en matière de sécurité humaine est ambitieux. Il exigera beaucoup de patience et de persévérance. Il exigera également qu'on bâtisse des partenariats et qu'on ait recours à la diplomatie multilatérale pour établir un tissu cohérent d'institutions et de lois centré sur la sécurité et le bien-être de l'individu. Nous serons aidés par certaines des modifications importantes apportées au conseil sous sa forme actuelle; un cadre de changement qui demande de la part du Canada un engagement et un développement continus, un cadre qui a besoin d'un véritable leadership pour réaliser pleinement son potentiel.

Un de ces changements positifs les plus importants réside dans l'évolution du conseil qui se reflète dans l'inclusion récente des questions internes dans la définition des menaces à la paix et à la sécurité internationales. Jusqu'alors, le conseil avait défini ces menaces exclusivement en termes militaires. Nous avons maintenant un aperçu d'un nouveau monde dans le paysage traditionnellement centré sur l'État du Conseil de sécurité. La notion de base de respect de la souveraineté des États qui est au coeur même du pacte des Nations Unies est peu à peu équilibrée par la reconnaissance que la principale préoccupation de la communauté internationale doit être la défense de la sécurité des individus.

Les actions de l'OTAN montrent comment nos institutions régionales et mondiales peuvent répondre aux menaces à l'égard de la sécurité humaine. Ces actions montrent également tout ce qu'on doit faire à l'avenir. Le Canada aurait préféré que le Conseil de sécurité des Nations Unies autorise les opérations contre la République fédérale de Yougoslavie. Nos diplomates ont déployé d'énormes efforts pour parvenir à un consensus au sein du Conseil de sécurité afin de promouvoir la paix et la sécurité dans la région. Cependant, les réalités du pouvoir et l'obstacle posé par le droit de veto, une valve de sécurité importante lorsque les intérêts de superpuissances sont en jeu, ont fait que le recours de l'OTAN aux frappes aériennes est devenu la principale réponse à une décennie d'actes criminels et de violence extrême contre la population du Kosovo.

La réalité du veto, honorables sénateurs, ne devrait pas faire oublier le travail utile que le Conseil de sécurité a joué au cours de cette décennie. Le Conseil de sécurité a lancé 15 nouvelles opérations de paix. Nous avons vu qu'il était plus réceptif à une ingérence dans les conflits civils et internes. Nous avons constaté qu'il était disposé à autoriser des mandats complexes pour des opérations d'édification de la paix d'une grande portée.

Le Canada a déjà adopté une attitude proactive en amenant le Conseil de sécurité à s'intéresser au programme en matière de sécurité humaine et en intégrant la dimension humaine à ses concepts et méthodes. Il y a à peine quelques mois, le Canada était à l'origine d'une assemblée du Conseil de sécurité consacrée exclusivement à la protection des civils. Le secrétaire général présentera bientôt son rapport sur les étapes concrètes que le conseil pourrait prendre pour améliorer son programme en matière de sécurité humaine.

(1700)

La semaine dernière, le sous-secrétaire général de l'ONU chargé des affaires humanitaires a fortement recommandé au conseil d'agir dans l'intérêt des civils, lors de conflits armés, qualifiant de crime contre l'humanité la campagne d'expulsion systématique du Kosovo.

Nous voyons des signes de plus en plus importants que le conseil devra bientôt donner suite aux principes énoncés lors des récents débats, non seulement à cause des remontrances de citoyens du monde très respectés comme Sergio de Mello, mais parce que cela va de soi, étant donné l'opinion mondiale exprimée avec une majorité écrasante.

Nous serions tous d'accord avec l'observation du sénateur Roche voulant que le Conseil de sécurité ait besoin d'une révision majeure de sa composition actuelle, et cela inclut également ses membres qui détiennent un droit de veto. C'est malheureux, mais le fait est que l'Afrique n'a pas de siège permanent, pas plus du reste que l'Amérique du Sud, et que l'Asie, qui abrite la moitié de la population mondiale, a seulement un siège. Une réforme s'impose d'urgence.

Il ne faut pas confondre les efforts en vue de réformer le conseil et la position du Canada en tant que membre non permanent avec notre programme pour les deux prochaines années. Il y a plusieurs années que les Nations Unies étudient la réforme du Conseil de sécurité, son expansion et le recours au veto. Le Canada a pris une part active aux Nations Unies aux discussions tenues à ce sujet au sein du groupe de travail compétent. Comme je l'ai dit, le Canada ne se fait pas d'illusions quant à la possibilité de réformes radicales.

Nous savons tous que nous occupons un siège au Conseil de sécurité à un moment où le conseil perd de sa crédibilité. Au fur et à mesure de l'évolution de notre mandat, nous aborderons les grandes questions de notre temps. Nous façonnerons les alliances, nous établirons un consensus entre États et organes gouvernementaux, et nous ferons preuve du leadership que la communauté internationale attend du Canada, du même type de leadership dont M. Axworthy a fait preuve en ce qui concerne les mines terrestres, le nouveau Tribunal pénal international, les armes et d'autres questions.

Nous continuerons de nous montrer fermes quant à la nécessité d'isoler les causes des conflits avant qu'ils ne se propagent à des sociétés et à des peuples entiers. Nous entendons examiner l'objet et les effets des sanctions, comme nous l'avons fait récemment à l'égard de l'initiative visant l'Iraq. Nous entendons favoriser la participation à des débats informels du Conseil de sécurité d'autres organismes pertinents de l'ONU et de membres qui ne sont pas des États, mais qui sont touchés par des conflits en raison de la nature multidimensionnelle des divers conflits qui sévissent sur la planète.

Nous entendons nous attaquer pendant notre mandat aux problèmes fondamentaux dont le conseil est saisi en faisant valoir nos valeurs et nos intérêts.

Au cours de ce sixième mandat au Conseil de sécurité de l'ONU, nous écrivons un nouveau chapitre de nos relations avec cette institution universelle qu'il faudrait inventer si elle n'existait pas, comme on l'a déjà dit. Nous exprimerons dans ce chapitre toutes nos valeurs nationales et notre compassion, la somme considérable de notre sagesse normative, notre idéalisme pragmatique et nos espoirs pour l'humanité.

Je remercie le sénateur Roche d'avoir lancé un débat qui deviendra des plus importants et des plus exigeants au cours des prochains jours.

L'honorable Marcel Prud'homme: Honorables sénateurs, j'ai une question à poser. Je tiens à conseiller, par expérience, au sénateur Roche, avec qui j'ai siégé pendant de nombreuses années à l'autre endroit et au comité des affaires étrangères, de se méfier des Grecs porteurs de présents. On lui a fait tellement de compliments aujourd'hui que j'hésite presque à parler.

Ma question s'adresse au ministre. L'une des plus grandes contributions que le Canada puisse faire à l'ONU serait d'en appliquer les résolutions. En est-il certaines dont l'application soit importante et d'autres dont la mise à exécution puisse être reportée? J'espère, mais sans y croire, hélas, que le Canada se tiendra debout et appliquera toutes les résolutions des Nations Unies. Mon père m'a toujours dit une chose que la plupart des honorables sénateurs savent déjà, à savoir qu'il ne faut pas appliquer certaines choses et ignorer les autres pour gagner du pouvoir politique ou pour quelque raison que ce soit.

Quand le Canada se tiendra-t-il debout à l'ONU? Compte tenu de l'appui que nous recevons toujours, il suffirait de prononcer le mot «Canada» pour que tout le monde en ait la tête qui tourne. Pourtant, c'est surtout à cause de nous que la première résolution de l'ONU à n'avoir pas été appliquée, la résolution 181 du 29 novembre 1947, ne l'a pas été.

(1710)

Nous, au Canada - et je parle plus précisément de M. Pearson et du juge Rand, de la Cour suprême - avons créé l'article 181, qui affirme qu'il devrait y avoir deux États en Palestine, un pour les Palestiniens et l'autre pour les juifs. Nous étions vraiment très généreux avec la terre des autres. Je respecte cette résolution. Nous n'avons pas poursuivi la question.

Quand le Canada se lèvera-t-il pour affirmer que toute résolution des Nations Unies est importante et que nous ne devons pas nous montrer difficiles, y compris en ce qui a trait aux résolutions ayant trait à Chypre et aux nombreuses résolutions que je rendrai publiques? Ne serait-il pas une bonne idée que le Canada se lève pour affirmer au reste du monde que nous, au Canada, nous appuyons les Nations Unies, et que lorsque nous appuyons une résolution, nous sommes d'avis qu'elle devrait être menée jusqu'au bout?

Le sénateur Graham: Honorables sénateurs, si ce n'était pas là le début de votre discours, cela aurait sûrement fait une bonne ouverture.

Comme je l'ai souligné l'autre jour, je crois que notre dossier auprès des Nations Unies, à partir de l'époque de Lester Pearson et d'autres, est assez éloquent. Je laisse à ceux qui sont sur place le soin de parler au nom du Canada. Il arrive de temps à autre que l'on y invite des parlementaires canadiens.

En ce qui concerne la résolution à laquelle l'honorable sénateur se reporte, je suis certain qu'il sera très éloquent à cet égard quand il fera ses observations.

J'appuie toutes les résolutions qui ont été proposées, en particulier celles que le Canada a parrainées et appuyées dans le passé.

Je recommande à tous les honorables sénateurs que ce sujet intéresse un livre qui reste toujours d'actualité. Il y est question de Canadiens qui ont contribué à l'excellent travail des Nations Unies. Il est publié par Clyde Sanger. D'après l'exemplaire que j'ai reçu de la Bibliothèque du Parlement, il m'apparaît évident qu'il a été lu souvent. En feuilletant ce livre, j'y ai vu plusieurs visages familiers, y compris celui du sénateur Roche, dont la photo date de 1985, je crois, au moment où il était à l'ONU. Il y a une photo de lui et de l'ancien premier ministre Brian Mulroney. Il y a des photos de représentants de plusieurs partis politiques, dont une de l'ambassadeur Stephen Lewis. Je recommande à tous les honorables sénateurs la lecture de ce volume. Je vais le retourner sous peu à la bibliothèque. Je l'ai utilisé comme livre de référence.

J'ai hâte d'entendre les interventions des autres honorables sénateurs dans ce débat.

L'honorable A. Raynell Andreychuk: Honorables sénateurs, j'ai remarqué toutes les fois où l'honorable sénateur a parlé de paix et d'espoir. Il a lié ces mots aux Nations Unies et au rôle du Canada. J'ai écouté son discours attentivement. À la fin, le sénateur a déclaré qu'il vaut la peine de projeter les valeurs des Canadiens à l'étranger.

À mon avis, en travaillant pour le Conseil de sécurité et les Nations Unies, nous ne projetons pas nos propres valeurs, mais bien des valeurs partagées. C'est ce que dit la Déclaration universelle. Je voudrais connaître l'opinion de l'honorable sénateur à cet égard. Dans le discours que j'ai livré au Sénat, j'ai dit que notre rôle consistait à projeter les valeurs universelles, et pas exclusivement les valeurs canadiennes.

Le sénateur Graham: Honorables sénateurs, je ne crois pas qu'il y ait contradiction entre les valeurs canadiennes et les valeurs universelles.

(Sur la motion du sénateur Andreychuk, le débat est ajourné.)

La sécurité en Europe

Interpellation-Suite du débat

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur l'interpellation de l'honorable sénateur Grafstein, attirant l'attention du Sénat sur la délégation de l'Association parlementaire Canada-Europe (OSCE) à la réunion de la Commission permanente de l'Assemblée parlementaire de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE PA), tenue à Vienne (Autriche), les 14 et 15 janvier 1999 et sur la situation au Kosovo.-(L'honorable sénateur Roche).

L'honorable Douglas Roche: Honorables sénateurs, je suis heureux de participer aujourd'hui au débat amorcé il y a quelques jours par le sénateur Grafstein au sujet de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe et de la situation au Kosovo.

Permettez-moi tout d'abord de remercier le leader du gouvernement au Sénat pour les paroles aimables qu'il a eues à mon endroit et pour le discours qu'il a prononcé sur les Nations Unies.

Honorables sénateurs, le monde entier vit des moments angoissants aujourd'hui, surtout les habitants tant du Kosovo que de la Serbie, qui connaissent un sort épouvantable. En cette fin de siècle, nous aimons croire que nous en sommes arrivés à un niveau élevé de savoir-vivre et pourtant, nous assistons à ces horreurs.

Ce n'est un secret pour personne que je suis fermement opposé aux bombardements de l'OTAN. Je ne puis faire autrement. Les honorables sénateurs trouveront peut-être intéressant de savoir qu'il y a au Canada un nombre important de personnes qui sont d'accord avec moi. Les sondages d'opinion révèlent que la majorité des Canadiens sont en faveur des bombardements. Toutefois, sans m'étendre sur la façon dont sont faits les sondages et dont les médias les influencent, je vais me contenter de mentionner les réactions que j'ai reçues depuis 10 jours par courrier électronique, par téléphone, par fax, par lettres et autres. J'ai reçu des centaines de messages. Les réponses, comptabilisées par mon bureau, sont dans une proportion de 70 contre 30 en faveur de ma position, c'est-à-dire contre les bombardements.

Je ne vous présente pas ces chiffres comme reflétant l'opinion publique, car je ne suis pas qualifié pour ce faire. Je me contente de faire part au Sénat de l'inquiétude d'un grand nombre de Canadiens au sujet de cette intervention.

(1720)

Permettez-moi de vous donner deux ou trois exemples tirés de mon courrier. Les Vétérans contre les armes nucléaires, groupe très distingué de Canadiens qui en savent long sur la guerre, m'ont écrit ce qui suit:

Les Vétérans contre les armes nucléaires sont choqués que le gouvernement canadien appuie les attaques aériennes entreprises par l'OTAN contre la Serbie le mercredi 24 mars 1999. Ces attaques n'ont pas l'autorisation du Conseil de sécurité de l'Organisation des Nations Unies.

J'ai reçu un message de Michel Chossudovsky, professeur d'économie à l'Université d'Ottawa, qui écrit ceci:

Preuves à l'appui, j'affirme que les bombardements de la Yougoslavie ne visent pas strictement des cibles militaires et stratégiques, contrairement à ce que prétend l'OTAN. Ils ont principalement pour objectif de détruire l'infrastructure civile du pays ainsi que ses institutions.

À cela, j'ajouterai entre parenthèses que le fait que l'OTAN ait avoué aujourd'hui être responsable du bombardement, hier, d'un certain nombre de réfugiés qui essayaient de se sauver montre seulement que c'est pure folie que de vouloir établir la paix au moyen de bombes.

La troisième communication que j'ai reçue vient de Project Ploughshares, organisation oecuménique pour la paix parrainée par les Églises du Canada. Voici ce qu'affirme Project Ploughshares, qui présente un dossier éminent pour ce qui est de l'analyse des questions entourant le désarmement et le développement:

L'OTAN doit mettre fin à ses bombardements. Non pas parce qu'elle n'a pas l'approbation du Conseil de sécurité. Non pas parce que cela mettrait fin à la tuerie et à la purification ethnique. Non pas parce que l'assaut de l'OTAN ne pourrait pas finir par écraser le régime yougoslave du président Slobodan Milosevic. Et certes pas parce que le Canada et le reste du monde ne devraient pas se mêler de la crise qui se poursuit en Yougoslavie.

Les bombardements doivent cesser parce qu'ils ne réussissent pas à protéger les gens vulnérables de la région ni à assurer leur sécurité. Les bombardements ne fonctionnent pas.

La quatrième et dernière lettre personnelle que je veux citer ici vient de la communauté doukhobor du Canada, qui est bien implantée en Colombie-Britannique. Ses directeurs ont présenté une proposition très touchante et évocatrice qui illustre les profonds sentiments de nombreux Canadiens. Compte tenu de l'accent que met le Canada sur la sécurité humaine et de la réputation du Canada en tant que gardien de la paix et intermédiaire honnête sans intentions cachées, ils proposent d'envoyer au Kosovo les représentants d'une organisation non gouvernementale ni armée qui se disperseraient là où il le faut pour faire cesser les combats. Je ne crois pas que le gouvernement donnera suite à cette proposition. Toutefois, j'en parle ici parce qu'elle reflète les profonds sentiments des Canadiens.

Cela étant dit, honorables sénateurs, l'opinion publique est en général ambivalente et confuse à l'égard de cette question et cela, parce que l'OTAN a la haute main sur la diffusion de l'information. Les Canadiens sont soumis à d'interminables séances d'information par des officiers de l'OTAN qui s'efforcent de toujours faire bonne figure.

Je pense qu'à mesure que les jours passent, bon nombre de Canadiens qui étaient ambivalents ou qui approuvaient les bombardements reviennent sur leur position et reconnaissent qu'il faut faire quelque chose.

Samedi matin, j'ai assisté à une réunion tenue à la bibliothèque municipale de Vancouver, qui a attiré 350 personnes. La salle était pleine à craquer et l'auditoire n'était pas ambivalent du tout. Il a exprimé avec force le sentiment qu'il a que le Canada a tort de permettre à l'OTAN de braver les Nations Unies et de résoudre ce conflit à sa manière.

Nous devrions examiner certaines conséquences de cette guerre - je ne puis utiliser un autre mot pour qualifier les bombardements. Je ne veux pas remettre en question la constitutionnalité des mesures prises par le Canada sans que l'on procède à un vote sur la déclaration de guerre. Je laisse ce soin à d'autres sénateurs qui souhaiteront peut-être aborder la question.

Pour le moment, je me contenterai de dire que les événements tragiques se succèdent, à cause de la guerre. Le commerce en Europe est gravement touché. Tous les pays voisins de la Yougoslavie sont déstabilisés. Le transport par voie fluviale sur le Danube est stoppé en raison du bombardement des ponts. Cela aura des effets non seulement sur la marine marchande, mais également sur l'approvisionnement en biens économiques d'une grande partie de l'Europe.

Hier, l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture a dit que la crise du Kosovo aurait de lourdes conséquences à long terme pour la sécurité alimentaire dans la région. Des milliers d'exploitations agricoles ont été détruites, désertées ou laissées à l'abandon. Le matériel agricole a été volé ou détruit, et il y a eu de lourdes pertes de bétail, ce qui aggrave les problèmes d'approvisionnement pour les personnes déplacées et les autres.

Cette perturbation des échanges, ajoutée à la tragédie humaine, est déjà assez grave. Mais, si on considère les répercussions durables de la désaffection à l'égard des relations internationales, il y a vraiment lieu de s'inquiéter.

Hier, le représentant de la Russie à la Commission de l'ONU sur le désarmement, dont le siège est à Genève, a lancé un avertissement aux 61 pays qui font partie de cet organisme: malgré la noblesse de l'objectif poursuivi, les mesures unilatérales qu'ont prises l'ONU et l'OTAN pour imposer leur volonté par la force militaire à un pays souverain nuiront fatalement au désarmement. La Douma devait ratifier l'accord START II, mais elle a reporté sa décision en guise de protestation contre l'OTAN. On n'arrive pas à enclencher les négociations sur l'accord START III, ce qui retarde l'application de tout le programme de désarmement nucléaire. La conférence de l'an 2000 sur la non-prolifération est menacée. Tout cela, à cause des récents événements.

L'ambassadeur de Russie a déclaré que la paix ne pouvait pas se bâtir sur les souffrances d'un peuple innocent; que l'on ne pouvait parvenir à un règlement réel des problèmes qu'en adhérant strictement au droit international, au premier chef à la Charte des Nations Unies.

Nous avons un débat très intéressant au Sénat sur la nécessité d'examiner les événements en cours à la lumière de la Charte des Nations Unies. Pendant que se déroule ce débat, nous sommes confrontés à une situation d'urgence résultant des bombardements. Hier, les dirigeants des 15 pays de l'Union européenne ont présenté un plan prévoyant placer le Kosovo sous une administration temporaire si Milosevic accepte de retirer ses forces et de permettre aux centaines de milliers de réfugiés albanais de rentrer chez eux. Nous ignorons ce que donnera ce plan européen. Cependant, je dirai que le siège du Canada au sein du Conseil de sécurité l'investit d'une certaine influence. Nous devrions redoubler d'efforts et oeuvrer pour faire accepter ce plan ou un autre plan diplomatique qui permettrait de mettre fin au carnage, aux incidents malheureux et à la destruction - à cette tuerie qui a lieu au nom du règlement de la crise au Kosovo.

Donc, honorables sénateurs, nous arrivons au rôle, en fait, au dilemme, du Canada. Je dirai d'entrée de jeu que je reconnais que le Canada s'efforce de trouver une solution diplomatique. Un peu plus tôt, je suis allé assister à une réunion du comité des affaires étrangères de la Chambre des communes où le ministre des Affaires étrangères, Lloyd Axworthy, prenait la parole. Il a expliqué ce que le Canada faisait. J'applaudis au travail du Canada. Je tiens à le dire tout de suite, car, tout à l'heure, je dirai quelque chose de moins louangeur.

Il va également sans dire que j'appuie les Forces armées canadiennes dans ce terrible dilemme.

Je vois qu'il me reste très peu de temps. Si les honorables sénateurs m'accordaient encore trois ou quatre minutes, je pourrais conclure.

Son Honneur le Président: Est-ce d'accord?

Des voix: D'accord.

Le sénateur Roche: Je vous remercie, honorables sénateurs, de la courtoisie que vous me témoignez.

Cela ne suffit pas. Nous hésitons encore à faire valoir les valeurs chères aux Canadiens. Je connais ces valeurs parce que, à deux occasions depuis deux ans, j'ai été dans toutes les régions du Canada afin de diriger des tables rondes organisées dans 18 villes, tables rondes auxquelles ont participé des centaines de Canadiens, dont de nombreux dirigeants locaux. Je sais qu'il y a un fort courant d'opinion au Canada qui souhaite que le Canada coopère non seulement à la recherche de solutions à ces terribles problèmes mondiaux, mais qu'il joue aussi un rôle de premier plan en faisant des propositions et en insistant pour trouver des solutions qui éviteront la guerre.

En présentant notre travail, nous, Canadiens, sommes prisonniers d'un dilemme. Je pense que nous devrions le reconnaître. Depuis longtemps, le Canada a appuyé les Nations Unies et en a fait la clef de voûte de sa politique étrangère. Dans le discours qu'il a fait tout à l'heure, le sénateur Graham a dressé avec éloquence l'historique de nos intérêts. Le Canada est le trentième pays en importance dans le monde, mais il se classe au huitième rang par rapport au soutien qu'il accorde aux Nations Unies. Cela en dit long sur l'importance que nous prêtons à cet organisme. Dans la politique étrangère officielle de notre pays, nous nous sommes engagés à respecter le droit international établi par les Nations Unies. Nous avons fait cela, d'une part.

D'autre part, nous faisons partie de l'OTAN, une alliance occidentale formée durant la guerre froide pour défendre ses membres contre une attaque d'un autre pays, l'Union soviétique notamment. La guerre froide est maintenant terminée, et l'OTAN se cherche un nouveau rôle. Évidemment, l'expansion de l'OTAN en fait partie.

Que l'on ne dise pas, que l'on n'espère pas, que l'on n'accepte pas que le rôle de l'OTAN, dans la nouvelle ère qui vient de s'amorcer, consistera à sortir de son cadre habituel et à devenir un arbitre politique chargé de régler des différends. Cela, honorables sénateurs, c'est le rôle des Nations Unies. Il y a un conflit au Canada entre suivre les Nations Unies, d'une part, et suivre l'OTAN, d'autre part. Nous éludons cette question depuis un certain temps.

Le conflit est particulièrement évident en ce qui concerne la question des armes nucléaires. Les Nations Unies veulent les éliminer; l'OTAN dit qu'elles sont essentielles. Ainsi, le Sénat doit être félicité pour avoir adressé une motion au gouvernement canadien recommandant que l'OTAN réexamine ses politiques nucléaires, et j'espère que cette motion donnera des résultats.

Cependant, il faut faire plus qu'examiner comment le Canada agira relativement à ses obligations envers les Nations Unies et ses obligations envers l'OTAN quand ces obligations sont en conflit. Honorables sénateurs, elles sont en conflit. Je laisserai de côté les armes nucléaires. Elles commencent à retenir l'attention dans le conflit relatif au mandat changeant de l'OTAN. Quel est le mandat de l'OTAN aujourd'hui? N'avons-nous pas un rôle à jouer dans l'établissement du mandat de l'OTAN?

Il est bien connu que les États-Unis jouent un rôle prédominant dans la détermination du mandat de l'OTAN. Compte tenu de notre association très étroite avec les États-Unis dans une foule d'aspects de notre vie, sans parler de nos relations commerciales, les Canadiens hésitent un peu à parler avec fermeté quand ils voient les États-Unis imposer leur autorité d'une manière qui est incompatible avec les Nations Unies.

Je termine en disant que ce dilemme du Kosovo est en train de mettre brusquement en évidence notre propre dilemme ou notre propre crise en matière de politique étrangère. Nous ne pourrons éluder la question encore bien longtemps. Nous devrons décider quelle est notre principale allégeance. Est-ce envers une alliance militaire qui a été créée pour jouer un rôle important, qu'elle continue de jouer et que j'appuie, ou envers les Nations Unies qui, en vertu du droit international, est l'organisme chargé d'assurer la paix et la sécurité dans le monde?

Il y a un conflit, et je n'irai pas plus loin, mais je dirai que l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe doit participer à la recherche d'une solution au conflit du Kosovo, tout comme le Conseil de sécurité des Nations Unies. Le Canada peut jouer un rôle distinctif dans la recherche d'une solution à ce problème, non seulement à court terme, mais aussi à long terme. Nous pouvons le faire en respectant les valeurs exprimées par le gouvernement canadien en réponse à l'Agenda pour la paix proposé par le secrétaire général des Nations Unies il y a quelques années, lorsque le Canada avait dit qu'il devait y avoir une force d'intervention rapide capable de se déployer rapidement, sous les auspices des Nations Unies, pour aller dans les régions où des conflits semblent se dessiner, réduisant ainsi la possibilité de guerres futures. Si cette suggestion avait été suivie, si nous avions insisté davantage pour faire accepter un nouveau genre de force militaire relevant des Nations Unies, nous ne nous serions pas retrouvés dans la situation où nous sommes actuellement, celle de devoir appuyer l'OTAN, qui essaie de soulager la détresse causée par Milosevic, mais qui, en agissant ainsi, cause des dommages énormes et fait régresser la cause du droit international.

Voici, honorables sénateurs, le dilemme auxquels les Canadiens sont confrontés.

L'honorable Jerahmiel S. Grafstein: Honorables sénateurs, je veux poser une question au sénateur Roche, qui a répondu de façon utile et passionnée à mon interpellation.

Le sénateur nous met non seulement devant un conflit, mais aussi devant un dilemme. Il soulève la question du conflit entre l'OTAN et les Nations Unies et de leurs mandats et rôles différents. Nous sommes membres actifs de ces deux organisations parce que nous croyons autant que quiconque dans le multilatéralisme.

Il me force à me poser une question, après l'avoir entendu exprimer son opposition aux bombardements, que nous partageons tous, et cette question est la suivante: qu'aurions-nous dû faire au début de la présente décennie, lorsqu'a commencé, si vous voulez, la campagne d'épuration ethnique par les Serbes en Croatie? Qu'aurions-nous dû faire de différent dans le cas de l'épuration ethnique en Bosnie, qui a amené l'ONU non seulement à faire des frappes aériennes, mais aussi à envoyer une force armée dans cette région? Je crois que c'était l'UNAFOR.

(1740)

Qu'aurions-nous dû faire lorsque le monde, par l'entremise des Nations Unies, a établi des zones sûres en Yougoslavie et a constaté, après les avoir avalisées, qu'elles n'en étaient pas et que des gens y étaient massacrés? Qu'aurions-nous dû faire lorsque nous en avons pris connaissance?

Il se peut que ce soit ou non exact, mais il y a quelques semaines ou quelques mois, on a signalé que M. Milosevic planifiait son nettoyage ethnique au Kosovo depuis 1989, époque à laquelle il a déclaré que cette province, dont la population était constituée à 10 p. 100 de Serbes et à 90 p. 100 d'Albanais d'origine, serait dépouillée de son gouvernement autonome. Il a dit que les membres du gouvernement albanais de cette province seraient exclus de tous les postes d'autorité. Il a effectivement fait cela. Je crois que cette mesure portait l'appellation d'opération Fer à cheval. Il l'a planifiée avant les bombardements de l'OTAN.

Que faire? Attendrons-nous un autre débat qui s'étendra sur une autre décennie d'ici à ce que les Nations Unies puissent proposer l'excellente idée de recourir à une force d'intervention rapide? Que faisons-nous entre-temps devant la souffrance humaine et le nettoyage ethnique? Je me préoccupe, comme l'honorable sénateur, des subtilités du Parlement à cet égard, ainsi que du droit international, mais que peut-on faire?

En guise de conclusion, je participerai la semaine prochaine à la réunion de l'OSCE en qualité de membre du comité exécutif. Ma principale préoccupation sera de chercher à déterminer comment il se fait que le personnel de soutien de l'OSCE au Kosovo, après le départ des vérificateurs de l'OSCE en prévision de l'intervention de l'OTAN, ont été massacrés. Des gens ayant travaillé pour l'OSCE, qu'il s'agisse d'Albanais ou de Serbes, ont semble-t-il été massacrés. Nous poserons manifestement cette question.

Que peut-on faire lorsqu'on est en présence du mal?

Permettez-moi de remonter dans l'histoire. Le sénateur se rappellera de ce qui suit. Il y avait une chance qu'en...

Des voix: Une question, une question.

Le sénateur Grafstein: Je me demande quelle est la solution de rechange.

Je m'excuse, honorables sénateurs, mais il y a ici une histoire.

L'honorable John Lynch-Staunton (chef de l'opposition): Je suis d'accord. Dans ce cas, parlez de l'interpellation.

Le sénateur Grafstein: Le sénateur pourrait peut-être répondre à cette question, et j'ajouterai ensuite quelque chose.

Durant les années 30, tout le monde espérait que la Ligue des nations créerait une force internationale, par voie de sanctions ou autres, afin de mettre un terme à l'agression. Or, l'Italie a envahi l'Éthiopie.

Le sénateur Lynch-Staunton: Votre Honneur, j'invoque le Règlement. Le Règlement prévoit une période de questions et réponses après le discours d'un sénateur. Le sénateur Grafstein participe au débat sans débattre.

Le sénateur Grafstein: J'y reviendrai plus tard. Ma première question est la suivante: quelle autre solution y avait-il, compte tenu que les autorités yougoslaves avaient fait la preuve qu'elles étaient prêtes à agir rapidement et par la force en envoyant 40 000 militaires et miliciens procéder à l'épuration ethnique du Kosovo? Que fallait-il faire?

Le sénateur Roche: Je remercie le sénateur Grafstein de sa question et de la façon dont il a exprimé ses préoccupations profondes. Il a commencé par demander ce que nous aurions dû faire. Qu'aurions-nous dû faire au Rwanda? Qu'aurions-nous dû faire en Somalie? Que fallait-il faire au Cambodge et dans tous les autres pays du monde où des atrocités ont été commises?

Les Nations Unies et l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe ont déjà répondu à cette question. Nous devons insister sur le renforcement de la diplomatie préventive et le rétablissement de la paix et sur la nécessité de mettre les ressources nécessaires au service de la paix. L'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe possède plusieurs organes par l'intermédiaire desquels elle a entamé un travail historique, notamment par le truchement de la diplomatie, des institutions parlementaires, des organismes de la protection des minorités et des droits de la personne. L'OSCE doit avoir des pouvoirs accrus pour être en mesure de jouer le rôle qu'on lui a confié à l'origine. Cet organisme était responsable des forces classiques prévues par le Traité de désarmement de l'Europe. Si on lui en donne les moyens, il pourra jouer un rôle accru.

Toutefois, comme les Nations Unies, l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe souffre d'un grave problème de contributions financières, en particulier de la part des principaux pays occidentaux, qui ne font pas confiance à sa capacité de prévenir la guerre et d'établir la paix.

Il n'y a peut-être pas de réponse facile à la question du sénateur Grafstein, mais les Canadiens doivent réfléchir à ce qui se passera la prochaine fois. Aurons-nous continuellement recours à des interventions militaires et à des bombardements pour bloquer la route à des despotes et à des dictateurs en puissance? Nous devons bâtir un cadre qui garantira la paix et la sécurité. Ce cadre se trouve dans un programme de paix prévoyant des forces d'établissement de la paix. Si on avait eu des forces d'établissement de la paix pouvant être déployées rapidement, on aurait réglé la question que soulève le sénateur Grafstein.

L'honorable John B. Stewart: Honorables sénateurs, il me semble que le sénateur Roche parle de deux sujets, et je vais opposer ces deux sujets dans ma question.

Il vient de nous dire, en réponse au sénateur Grafstein, que nous aurions dû mettre en place des mécanismes pour faire face au type de problème qui surgit en Yougoslavie et au Kosovo, et que nous aurions dû avoir une force d'établissement de la paix de l'ONU à notre disposition pour se charger de cette opération de maintien de la paix au Kosovo. Eh bien, nous n'avions pas une telle force. Il a probablement tout à fait raison de dire que cela aurait dû être fait, mais ce n'était pas le cas à l'hiver de 1998-1999. Il me semble que, dans ces circonstances, quelque chose d'autre devait être fait.

En affirmant que nous devrions avoir pris ces mesures que nous n'avons pas prises plus tôt, veut-il dire que nous aurions dû nous abstenir d'intervenir à l'hiver de 1998-1999?

Le sénateur Roche: Je remercie le sénateur Stewart de sa question. Ce que je veux dire surtout, c'est qu'on n'a pas utilisé à fond la capacité des Nations Unies de régler la crise au Kosovo. Dans le monde occidental, on a répandu le mythe selon lequel les Russes et les Chinois allaient opposer leur veto à toute résolution. Les Russes et les Chinois auraient opposé leur veto à une résolution prévoyant qu'une alliance militaire occidentale allait être chargée de rétablir l'ordre, mais ils ne se seraient pas opposés à une résolution qui aurait chargé le secrétaire général d'effectuer personnellement des négociations au nom de la communauté mondiale pour parvenir à une solution diplomatique à la crise au Kosovo qui n'aurait pas été imposée par l'Occident.

La raison technique des bombardements est de sauver l'accord de Rambouillet. Or, cet accord est mort et enterré. Nous avons besoin d'un nouvel accord et le secrétaire général des Nations Unies a la capacité d'en obtenir un. Il supplie pratiquement depuis plusieurs jours qu'on lui confie le mandat de jouer un rôle plus important.

La réponse à la question très raisonnable du sénateur Stewart, c'est qu'on n'a pas pleinement utilisé la capacité des Nations Unies de régler la crise au Kosovo, car on était trop pressé d'avoir recours à la force.

Le sénateur Stewart: Honorables sénateurs, je remercie le sénateur de sa réponse. Vous avez dit que le secrétaire général de l'ONU se tient disponible et attend impatiemment qu'on lui confie un mandat. De qui espère-t-il recevoir ce mandat, du Conseil de sécurité ou de l'Assemblée générale?

Le sénateur Roche: Honorables sénateurs, il est intéressant que le sénateur Stewart ait énoncé les deux possibilités dans la même phrase. Selon la Charte de l'ONU, le secrétaire général devrait recevoir ce mandat du Conseil de sécurité.

Mais si l'Assemblée générale tenait une session extraordinaire d'urgence, le poids de l'opinion mondiale commencerait peut-être à presser les membres du Conseil de sécurité de chercher une solution diplomatique. Voilà pourquoi d'autres et moi-même insistons, ici et ailleurs, pour que l'on convoque immédiatement une session extraordinaire d'urgence de l'Assemblée générale afin que l'attention de tous les pays et de leurs médias se porte sur la façon de mettre fin au conflit sans bombardements.

Encore une fois, je pense que le Canada est dans une position idéale pour promouvoir cette idée.

L'honorable Nicholas W. Taylor: Honorables sénateurs, j'aimerais aussi poser une question au sénateur Roche.

Le sénateur Roche pourrait-il expliquer pourquoi il est possible que l'OTAN, qui subit l'impulsion des États-Unis, n'ait pas voulu demander la permission de l'ONU? Cette situation me rappelle l'époque où, beaucoup plus jeune, je ne voulais pas demander à mon père à quelle heure je devais rentrer le soir. Il était préférable d'arriver tard à la maison sans lui avoir posé la question, que d'arriver tard après la lui avoir posée.

Honorables sénateurs, est-il possible que l'OTAN, sachant pertinemment que les Slaves ont un lien avec Moscou en vertu de l'Adriatique, n'auraient pas accepté une offensive aussi musclée? Autrement dit, est-il possible que l'OTAN ait toujours voulu mener cette offensive militaire et n'ait jamais eu l'intention d'amorcer des négociations, de façon à faire l'essai de sa machine industrielle et à renforcer sa position? L'OTAN a sciemment passé outre à l'ONU. Les Américains savent, depuis l'époque du président Truman, une génération plus tôt, qu'ils peuvent éviter les vetos si cela s'avère nécessaire, comme ils le firent dans le cas de la Corée, et passer par la voie d'une session plénière de l'Assemblée générale. Est-il possible qu'ils n'aient pas eu l'intention de passer par les Nations Unies et qu'ils essaient délibérément non seulement de ne pas accorder de fonds à l'ONU, mais aussi de torpiller ses efforts?

Le sénateur Roche: Honorables sénateurs, je remercie le sénateur Taylor de sa question. Tout ce que puis dire en réponse à cette question, c'est qu'il est bien établi que les États-Unis ont dit avoir confiance dans la capacité des Nations Unies de régler les conflits politiques. Toutefois, on sait très bien qu'ils n'ont pas confiance. Le sous-financement des Nations Unies témoigne d'un certain antagonisme et d'une certaine hostilité de la part - non pas de la part du peuple américain, loin de là - mais de la part d'un certain groupe aux États-Unis qui est à la base des décisions politiques qui sont prises aujourd'hui. C'est très regrettable.

Cela me rapelle un problème important pour le Canada - à savoir qu'en essayant d'appuyer les États-Unis - comme nous le faisons depuis longtemps - notre capacité de nous porter à la défense du droit international par l'entremise des Nations Unies risque d'être mise en doute du fait que les États-Unis n'appuient pas les Nations Unies, ce qui met le Canada dans une situation délicate. Les partisans de l'OTAN dans notre pays devraient songer à l'effet que cela aura sur l'appui que nous accordons à l'OTAN, une fois que le public sera obnubilé par cette question.

(Sur la motion du sénateur Andreychuk, le débat est ajourné.)

Les Nations Unies

Le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels-Les réponses récentes à des questions du comité-Interpellation-Suite du débat

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur l'interpellation de l'honorable sénateur Kinsella, attirant l'attention du Sénat sur les réponses aux questions supplémentaires posées par le comité des Nations Unies sur les droits économiques, sociaux et culturels relativement au troisième rapport du Canada sur le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.-(L'honorable sénateur LeBreton).

L'honorable Marjory LeBreton: Honorables sénateurs, c'est le dernier jour avant que cette motion ne soit rayée du Feuilleton. Je serai donc brève.

Je reprends le débat sur l'interpellation du sénateur Kinsella du 24 novembre, date à laquelle il a attiré l'attention du Sénat sur le respect par le Canada de ses devoirs, responsabilités et obligations auxquels il s'est engagé en ratifiant le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.

L'importance de ce débat saute aux yeux de tous ceux qui sont engagés dans la lutte pour les droits de la personne dans le monde. Je vais néanmoins toucher un mot sur ce dossier très important à l'intention des honorables sénateurs.

Contrairement aux droits civils et politiques, les droits sociaux, culturels et économiques sont exécutoires par eux-mêmes. Par cette expression, on entend des droits dont la jouissance n'est pas liée à l'adoption d'une loi par le Parlement. Il n'est pas nécessaire, non plus, que les gouvernements adoptent des mesures particulières pour les faire observer. Prenons, par exemple, les droits de liberté de réunion et d'expression. Une action de la part du gouvernement canadien n'est pas nécessaire pour que les Canadiens puissent jouir de ces droits. Il n'est pas nécessaire d'adopter une loi spéciale ou d'instaurer un programme particulier pour qu'une personne puisse bénéficier de la liberté d'expression. C'est ce qu'on entend par «droits exécutoires par eux-mêmes».

Lorsque ces droits sont violés, il y a des sanctions. En ce qui concerne la liberté d'expression, il y en a qui croient qu'il y a une limite à ce que peuvent dire des journalistes comme Terry Milewski, d'autres du National Post ou Chantal Hébert, par exemple. Nous y reviendrons un de ces jours.

En ce qui concerne les droits sociaux, il n'y a pas de jouissance «automatique» sans l'intervention de divers ordres de gouvernement. Prenons par exemple le droit à une éducation de base prévu dans l'article 13 du pacte international. Ce droit est pratiquement nul si des écoles ne sont pas construites, si des professeurs ne sont pas embauchés, si des programmes d'études ne sont pas élaborés et si les enfants ne sont pas libres d'aller à l'école. Dans ce sens, pour que les gens puissent jouir de ces droits, il faut que le gouvernement en fournisse les moyens.

D'autres droits sociaux, comme ceux énoncés au paragraphe 2 de l'article 10, qui ont trait à la protection particulière accordée aux mères qui travaillent, avant, pendant et après la naissance de l'enfant, sont tout simplement inexistants. De même, si une femme est congédiée par un membre du bureau du Parlement pour des raisons liées à une grossesse, les droits que reconnaît l'article 10 n'ont aucune valeur à moins que le gouvernement ne prenne des mesures pour corriger la situation. Plutôt que de se contenter de voeux pieux à cet égard, le gouvernement doit prendre des mesures vigoureuses qui attestent de son empressement à prendre en compte les défis particuliers auxquels sont confrontées les mères qui travaillent. Il est clair qu'il nous faut renforcer nos moyens de protéger et de faire respecter les droits sociaux au Canada.

Le comité des droits économiques, sociaux et culturels de l'ONU a démontré que le gouvernement s'avance sur un terrain miné en ce qui concerne la protection des droits sociaux des Canadiens quand il a présenté les résultats de son examen du troisième rapport périodique du Canada. Il a signalé que les politiques draconiennes comme l'abolition du Régime d'assistance publique du Canada, l'accroissement de la pauvreté et l'augmentation du nombre de sans-abri dans la couche la plus pauvre de la population, ainsi que des charges sociales trop élevées, créaient des niveaux de pauvreté alarmants et sans précédent dans ce pays.

Ma collègue, le sénateur Cohen, a fait des efforts dont les sénateurs sont bien conscients pour lutter contre le fléau de la pauvreté, efforts qui ont d'ailleurs été reconnus quand le Sénat a adopté à l'unanimité le projet de loi S-11, qui proposait d'ajouter la condition sociale à la Loi canadienne sur les droits de la personne comme motif de distinction illicite. En fait, les Canadiens d'un océan à l'autre ont applaudi aux exhortations du sénateur Cohen pour qu'un certain mode de reconnaissance et d'application des droits sociaux soit inscrit dans la loi. C'est dans ce même esprit que le groupe de travail sur la pauvreté du caucus du Parti progressiste-conservateur a entrepris d'aller rencontrer les Canadiens chez eux en tenant des audiences d'un bout à l'autre du pays.

La solidarité du Cabinet, qui jouit de l'appui d'une majorité de ministériels et de l'appui enthousiaste du Parti réformiste, a eu raison du projet de loi S-11. Nous savons maintenant que leur intérêt pour les droits sociaux est inexistant.

Quand la ministre de la Justice a refusé son appui à ce projet de loi qui visait à éliminer la discrimination fondée sur la pauvreté, il est devenu évident que le gouvernement n'a pas de sens moral.

C'est encore plus choquant quand on voit la ministre responsable des sans-abri voter contre le projet de loi S-11. Elle a complètement trahi son mandat.

Je suppose qu'un des signes les plus clairs du fait que le bilan enviable du Canada en matière de droits de la personne est en train de sombrer, c'est que l'indice de pauvreté des Nations Unies place le Canada au dixième rang des pays industrialisés - le dixième, honorables sénateurs - malgré que notre niveau de vie, notre qualité de vie et notre richesse nationale comptent parmi les plus élevés du monde industrialisé. C'est vraiment gênant, et le gouvernement aurait dû prendre cela comme un avertissement qu'il faut commencer à prendre beaucoup plus au sérieux des projets de loi comme celui du sénateur Cohen.

J'invite mes collègues à participer au débat sur cette question très importante. Le nouveau millénaire approche à grands pas et le Canada se trouve à une croisée de chemins où l'écart entre les démunis et les biens nantis est de plus en plus large. Si nous, parlementaires, ne nous occupons pas de faire avancer le dossier des droits sociaux au pays, la seule chose dont nous pouvons être certains pour l'avenir, c'est que les plus faibles, les plus pauvres et les plus misérables de nos concitoyens ne verront pas leur sort s'améliorer. Nous ne devons pas fermer les yeux et nous en laver les mains. Nous nous ferions des illusions en continuant de croire que nous sommes un pays tolérant et juste.

(Sur la motion du sénateur Forrestall, le débat est ajourné.)

Les travaux du Sénat

L'honorable Sharon Carstairs (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, je crois qu'il y a consentement des deux côtés pour ne pas tenir compte de l'heure.

L'honorable Fernand Robichaud (Son Honneur le Président suppléant): Est-ce d'accord, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

L'honorable Marcel Prud'homme: Je constate qu'il y a consentement des deux côtés, mais les sénateurs indépendants ne comptent-ils pas? J'étais sur le point de demander que nous fassions abstraction de l'heure, pour montrer que je connais un peu le Règlement.

Honorables sénateurs, j'ignore comment cette Chambre désire fonctionner. Nous parlons du Kosovo et de sauver le monde. Or, nous ne savons même pas comment faire appel aux sénateurs qui sont disposés à travailler. Il y a amplement de sénateurs qui ne veulent rien faire. Pour une fois, vous avez trois ou quatre volontaires. Je ne comprends pas pourquoi vous continuez sans cesse de retarder les choses.

Bien sûr, le sénateur Roche et moi sommes d'accord pour faire abstraction de l'heure.

La Société de développement du Cap-Breton

Motion de demande de documents concernant le projet de privatisation-Report du débat

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Murray, c.p., appuyée par l'honorable sénateur Atkins:

Qu'il soit déposé devant cette Chambre tous les documents et dossiers concernant la privatisation éventuelle de la Devco, y compris:

a) les études, les analyses, les rapports et les autres initiatives de politique préparées par le gouvernement ou pour son compte;
b) les documents et les dossiers qui révèlent les noms de tous les consultants qui ont travaillé sur le sujet et les paramètres du contrat pour chacun d'eux, la valeur du contrat et les renseignements concernant la question de savoir si le contrat a fait l'objet d'un appel d'offres;
c) les documents d'information pour les ministres, leurs agents, leurs conseillers, leurs consultants et autres;
d) les procès-verbaux des réunions ministérielles, interministérielles et autres;
e) les communications entre le ministère des Ressources naturelles, le ministère des Finances, le Conseil du Trésor, le Bureau du Conseil privé et le cabinet du leader du gouvernement au Sénat.-(L'honorable sénateur Graham, c.p.).
L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, j'ai l'intention de prendre la parole à ce sujet. Comme le savent tous mes collègues, la Société de développement du Cap-Breton éprouve en ce moment de graves difficultés, particulièrement à la mine Phalen, qui a récemment été la scène d'un éboulement. Je rends hommage aux travailleurs qui tentent de réparer les dégâts et à la direction.

Étant donné l'heure qu'il est, je suis prêt à m'engager à aborder cette question mardi prochain et je demande qu'elle reste inscrite à mon nom.

Son Honneur le Président suppléant: Est-ce d'accord, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

(Le débat est reporté.)

La Sécurité des transports

Autorisation accordée au comité spécial de reporter la date de présentation de son rapport final

L'honorable J. Michael Forrestall, conformément à l'avis du 13 avril 1999, propose:

Que, nonobstant l'ordre adopté par le Sénat le jeudi 25 mars 1999, la date de présentation du rapport final du comité spécial du Sénat sur la sécurité des transports soit reportée au 30 novembre 1999.

Son Honneur le Président suppléant: Plaît-il aux sénateurs d'adopter la motion?

L'honorable Sharon Carstairs (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, j'ai quelques questions à poser à propos de cette motion. Avant de le faire, toutefois, je tiens à remercier le sénateur Forrestall pour le plan de travail qu'il m'a fourni. Celui-ci répond à un certain nombre de questions que je voulais lui soumettre.

Il s'agit ici, honorables sénateurs, d'un comité qui a débuté, en octobre 1996, en tant que sous-comité du comité des transports. Il a déposé un rapport, puis il a été rétabli en tant que comité spécial sous la présidence du sénateur Forrestall. Très franchement, il s'est penché sur un certain nombre de questions très importantes.

Le report demandé par le comité spécial est très long. D'abord, le sénateur Forrestall croit-il que ce report sera le dernier?

Le sénateur Forrestall: Je remercie le sénateur de sa question et de ses observations. J'espère certainement que ce sera le dernier report. Il y a deux ou trois problèmes, comme la prorogation et une ou deux autres choses sur lesquelles je voudrais revenir plus tard au sujet du sort de cette initiative s'il y avait une nouvelle session. Je ne voudrais pas revenir en arrière et reprendre ce qui a déjà été fait.

La fin est proche. Nous sommes maintenant en mesure de déposer avant la fin de juin la composante principale d'un rapport bipartite qui porte expressément sur la sécurité dans les transports aériens. Nous espérons mener à terme le dernier élément de notre étude, qui est un peu plus litigieux en ce sens qu'il se pose des problèmes de compétences interprovinciales et fédérales dans le dossier de la sécurité routière.

Entre-temps, nous nous occuperons cet été, pour qu'il soit prêt au plus tard fin septembre, du rapport sur les chemins de fer, question qui a beaucoup été étudiée ces dernières années, comme les sénateurs le savent. Nous consacrerons aussi une ou deux séances de plus à la sécurité maritime. Nous voulons laisser passer l'été et voir les effets des modifications apportées récemment au sujet des motomarines et autres véhicules de plaisance semblables. Si les résultats ne sont pas au rendez-vous, nous verrons quelle sorte de modification il y a lieu d'apporter. Nous serons en mesure de faire rapport à la mi-novembre ou peut-être même au début novembre, mais il a semblé prudent de fixer le délai au 30 novembre.

La motion ne parle pas des coûts supplémentaires. Je ne présume pas de la question, mais je dois dire, par souci de transparence, que cette étude a été considérable, longue et coûteuse. Nous estimons qu'il faudra encore de 48 000 $ à 53 000 $ pour achever nos travaux.

Nous n'avons pas tout à fait terminé notre budget, mais nous demanderons, dans notre rapport, un montant de cet ordre au comité de la régie interne.

S'il y a d'autres questions, je serai heureux d'y répondre.

Le sénateur Carstairs: Je remercie l'honorable sénateur d'avoir répondu à une question que j'allais poser.

Comme le sénateur Forrestall le sait, ce comité, dans ses deux versions, a coûté au Sénat environ 300 000 $. Personnellement, je pense qu'à la lumière du rapport provisoire que j'ai lu du début à la fin, nous en avons eu pour notre argent.

L'honorable sénateur prévoit-il que cette somme de 48 000 $ à 53 000 $ servira essentiellement à payer les déplacements ou est-ce que la plupart des témoins que le comité compte entendre d'ici la fin de l'étude viendront ici, à Ottawa?

Le sénateur Forrestall: Honorables sénateurs, la majeure partie de ce montant servira à payer les services professionnels, les services d'experts pour confirmer quelques-unes des recommandations que nous faisons au sujet de la sécurité aérienne et de la sécurité dans les aéroports. Vous savez que, au cours de notre vie, nous avons érigé des barrières autour des aéroports pour protéger les gens qui risquent de se heurter aux hélices d'avion. Aujourd'hui, nous faisons le contraire; nous construisons des barrières pour protéger les avions contre les gens.

Nous faisons l'étude d'un milieu complexe, et nous avons besoin d'une aide technique et professionnelle. Nous avons besoin de l'aide de rédacteurs professionnels. Le montant de cette aide constituera le gros du budget. Des déplacements s'imposeront, mais ils seront très limités. Nous comptons envoyer les membres du comité par autocar à Montréal, où nous pourrons rencontrer les dirigeants de l'OACI. Nous nous réunirons avec certains syndicats, comme celui des pilotes de compagnies aériennes et celui des agents de bord, pour recueillir leur point de vue sur la sécurité des appareils.

Les autres postes du budget seront ceux que nous connaissons habituellement. La majeure partie, environ 37 000 $ ou 38 000 $, servira à payer les honoraires professionnels pour la période. Si nous terminons tôt, bien sûr, ce montant sera calculé au prorata.

Son Honneur le Président suppléant: Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix: D'accord.

(La motion est adoptée.)

Projet de loi d'intérêt privé

L'Alliance des manufacturiers et des exportateurs du Canada-Adoption de la motion tendant à réinscrire le projet de loi au Feuilleton

L'honorable James F. Kelleher, conformément à l'avis donné le 13 avril 1999, propose:

Que, par dérogation au paragraphe 27(3) du Règlement, l'article de l'ordre du jour concernant la motion en deuxième lecture du projet de loi S-18, Loi concernant l'Alliance des manufacturiers et des exportateurs du Canada, un projet de loi d'intérêt privé, soit maintenant rétabli au Feuilleton (jour un) aux fins de réinscrire le projet de loi.

- Honorables sénateurs, je propose la motion inscrite à mon nom.

Son Honneur le Président suppléant: Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix: D'accord.

(La motion est adoptée.)

Transports et communications

Autorisation de recevoir une session d'information sur le plan stratégique de la Société Radio-Canada

L'honorable J. Michael Forrestall, au nom du sénateur Bacon, en conformité avec l'avis donné le 14 avril 1999, propose:

Que le comité sénatorial permanent des transports et des communications soit autorisé à entendre la Société Radio-Canada afin de permettre une session d'information concernant son plan stratégique.

(La motion est adoptée.)

L'ajournement

L'honorable Sharon Carstairs (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, avec la permission du Sénat, et nonobstant l'article 58(1)h) du Règlement, je propose:

Que, lorsque le Sénat s'ajournera aujourd'hui, il demeure ajourné jusqu'au mardi 20 avril 1999, à 14 heures.

Son Honneur le Président suppléant: La permission est-elle accordée, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

(La motion est adoptée.)

(Le Sénat s'ajourne au mardi 20 avril 1999, à 14 heures.)


Haut de page