Aller au contenu
Séances précédentes
Séances précédentes
Séances précédentes

Débats du Sénat (Hansard)

Débats du Sénat (hansard)

2e Session, 36e Législature,
Volume 139, Numéro 70

Le mercredi 21 juin 2000
L'honorable Gildas L. Molgat, Président


LE SÉNAT

Le mercredi 21 juin 2000

La séance est ouverte à 13 h 30 heures, le Président étant au fauteuil.

Prière.

[Traduction]

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, je vous signale que j'ai déjà sur la liste les noms de six sénateurs désireux de faire une déclaration. Je vous rappelle que le temps imparti pour ces déclarations est de trois minutes. Je me vois dans l'obligation d'exercer une stricte surveillance de ce temps de parole. J'invite les sénateurs à bien vouloir se conformer à ces directives.

Discours d'adieu

L'honorable Calvin Woodrow Ruck: Honorables sénateurs, mon mandat à Ottawa arrivant à échéance, je tiens à exprimer ma reconnaissance à tous ceux qui m'ont aidé jusqu'ici. Je suis arrivé dans cette institution en ne sachant virtuellement rien du fonctionnement du Parlement. Les années passées sur la Colline m'ont valu une expérience des plus enrichissantes. Mon épouse m'a soutenu tout au long de ces années. Elle a été mon bras droit et elle a fait de l'excellent travail.

J'ai énormément appris au sujet du fonctionnement de l'administration fédérale à Ottawa. Lorsque je n'étais qu'un petit garçon à Sydney, en Nouvelle-Écosse, où j'ai grandi, j'étais déjà conscient de la présence libérale. Pour diverses raisons, beaucoup d'habitants du Cap-Breton étaient d'allégeance libérale. Mais quand il m'était demandé d'indiquer le parti vers lequel allaient mes préférences, j'avais du mal à répondre, puisque j'avais peu d'expérience de la politique.

Mon expérience ici a été très profitable. J'ai rencontré des gens merveilleux qui m'ont bien soutenu. Je formule le voeu que le Parti libéral continue de briller ici, à Ottawa. Ce parti a fait une différence pour la population, et je reste persuadé qu'il poursuivra son action dans le plus grand intérêt de l'ensemble des Canadiens.

Des voix: Bravo!

(1340)

Le Sénat

Les propos d'un candidat à la direction du parti de l'Alliance

L'honorable Marjory LeBreton: Honorables sénateurs, hier, l'édition du 20 juin 2000 du Winnipeg Free Press rapportait que Stockwell Day, candidat à la direction du parti de l'Alliance, s'est essayé de manière choquante dans un discours de faire de l'humour aux dépens du Sénat.

Le sénateur Kinsella: Quelle honte!

Le sénateur LeBreton: Je cite l'article:

(Connaissez-vous l'histoire du sénateur qui fait une crise cardiaque au Sénat? Les services de secours entrent précipitamment et traînent quatre sénateurs hors du Sénat avant de trouver le bon.)

Honorables sénateurs, M. Day trouve cela amusant. Est-ce là l'attitude qu'il aurait en tant que chef du parti de l'Alliance? C'est d'autant plus choquant que M. Day se promène dans tout le pays en prônant les vertus des prétendues valeurs chrétiennes.

Quelqu'un devrait aller voir M. Day et lui dire clairement que les maladies du coeur ne prêtent aucunement à rire et qu'il n'y a rien d'amusant à raconter une plaisanterie sur un cas d'urgence médicale grave survenant dans n'importe quelle organisation, qu'il s'agisse d'une assemblée législative ou autre. L'âge des sénateurs varie en général entre la quarantaine avancée et 79 ans et, de ce fait, ces derniers ne sont pas statistiquement différents des autres Canadiens pour ce qui est des risques de maladie du coeur. Notre estimé collègue, le Dr Wilbert Keon, a consacré sa vie à maintenir en bonne santé et en vie les victimes de maladies du coeur.

Le sénateur Kinsella: Il fait du bon travail!

Le sénateur LeBreton: Ayant vu, dans une salle d'urgence, les médecins sauver la vie de mon propre mari à la suite d'une grave crise cardiaque, je dirais à M. Day que s'il veut débattre les mérites du Sénat, c'est d'accord, nous sommes prêts, mais que ses remarques déplacées, impitoyables, cruelles et trahissant l'ignorance au sujet d'une maladie qui est la première cause de mortalité chez les Canadiens sont impardonnables et ne devraient être tolérées de personne, surtout pas de quelqu'un qui aspire à devenir chef d'un parti politique.

Des voix: Bravo!

[Français]

La journée nationale des autochtones

L'honorable Aurélien Gill: Honorables sénateurs, le 21 juin, jour de la Journée nationale des Autochtones n'est déjà pas une journée comme les autres. Le sens profond de cette journée est on ne peut plus ancien, puisque le 21 juin est un passage naturel, une véritable étape pour la terre, l'atteinte du chemin de la lumière. Autrefois, dans le temps des anciens, nous dansions, nous nous regroupions et nous fêtions. Le début de l'été était le temps de la communauté, de la réunion, là où chacun célébrait sa joie d'être ensemble. Je tiens pour merveilleux et plein de signification le fait d'avoir retenu cette date pour en faire la Journée nationale des Autochtones. Dans l'ancienneté des choses, dans la durée et sur cette terre, nous sommes les premiers Canadiens. Mais qu'il soit dit et répété que notre fête est celle de tous les Canadiens puisque c'est la fête de la réunion, de la lumière et de la solidarité. Les plus anciens Canadiens invitent les plus nouveaux à une fête commune.

J'ai souvent répété qu'il était faux de voir, et de concevoir, un Canada fondé sur deux cultures. Le Canada ne peut se construire sur le principe de notre oubli. Cette fête du 21 juin a donc son importance. Elle inaugure en quelque sorte une séquence, la séquence de ce que nous sommes tous, en tant que Canadiens modernes. Le Canada commence par nous. Les fêtes du Canada commencent par nous. Elles se poursuivent le 24 juin, fête de la Saint-Jean, et se terminent le 1er juillet, fête du Canada. Trois fêtes pour une seule célébration. Être Canadien c'est être Déné, Anishinabe, Siksika, Gwich'in, Mi'Kmeq, Inuit et fiers de nos cultures et de nos identités, à l'aise dans un pays qui s'enorgueillit de notre existence, heureux de constater que notre fête est fêtée par tous. Car j'insiste sur ce point, si la fête d'une identité fondatrice ne sert qu'à nous diviser et à nous isoler, alors je dis qu'il ne faut pas fêter. Nous fêtons le fait d'être ce que nous sommes, au sein d'un ensemble plus grand qu'est notre pays commun. Le 21 juin rappelle à tous les Canadiens qui nous sommes, qui nous avons été, mais surtout ce que nous allons être dans l'avenir de ce pays. Le 24 juin est la fête de tous les francophones de ce pays. Cette journée se fête partout au Canada. Parler français au Yukon ou dans les Territoires du Nord-ouest et y fêter la Saint-Jean, cela est tout à fait magnifique pour notre pays.

La fête de la Saint-Jean, tout comme la fête du solstice d'été, sont pour nous des manifestations de joies communes qui se relient l'une à l'autre, qui éclairent et illuminent. Le 1er juillet complète le triptyque, car la fête du Canada réunit ce qui était déjà reconnu dans les deux premières célébrations en y ajoutant le dernier élément du cercle.

En célébrant les Premières nations le 21 juin, le Canada se donne symboliquement la véritable séquence historique de sa propre fondation.

La Colombie-Britannique

le Refus d'accepter les enfants francophones à l'école élémentaire Queen Elizabeth Vancouver

L'honorable Jean-Robert Gauthier: Honorables sénateurs, hier je vous parlais d'une déclaration faite par Mme Dyane Adam, commissaire aux langues officielles concernant les langues officielles.

Aujourd'hui je vous parle d'un cas spécifique. J'attire votre attention sur un cas traitant de nos jeunes francophones en Colombie-Britannique. Je le fais en anglais parce que l'article que j'ai lu aujourd'hui était en anglais.

[Traduction]

Soixante-dix élèves du primaire de la Colombie-Britannique qui iront à l'école cet automne ne sont pas les bienvenus à l'école élémentaire Queen Elizabeth aux yeux de certains parents anglophones qui disent que ces élèves francophones seront des séparatistes. Comment des jeunes âgés de 11 ans peuvent-ils être des séparatistes?

Je cite le Vancouver Sun du 19 juin 2000:

Alors que certains parents anglophones souhaitent aux élèves francophones la bienvenue à l'école élémentaire Queen Elizabeth, parce qu'ils ajouteront à la diversité, d'autres accusent les nouveaux venus d'être des séparatistes.

Un représentant du conseil consultatif des parents a dit qu'ils peuvent afficher une «attitude dominatrice tenace» et qu'ils sont issus de familles à faible revenu.

Autrement dit, ils sont de langue française et ils sont pauvres.

Les élèves de la maternelle à la 3e année, des enfants de parents francophones, sont scolarisés en français sous les auspices de la B.C. Francophone Education Authority, organisation financée par les deniers publics[...]

L'immeuble qui abrite l'école catholique privée Rose-des-vents étant sur le point d'être démoli, la B.C. Francophone Education Authority cherchait d'autres locaux scolaires à louer dans Vancouver auprès du conseil scolaire.

Je lis toujours des extraits de l'article:

De nombreux parents de l'école Queen Elizabeth se sont dits furieux de ne pas avoir été consultés. Lors d'une assemblée publique tenue la semaine dernière, certains ont dit ne rien vouloir savoir de l'école de langue française et ne pas être d'accord avec le principe de faire de la place pour une école fondée sur l'idée du maintien d'une identité distincte.

Selon l'article, un parent a écrit au conseil scolaire que:

[...] les élèves francophones auront une mauvaise influence sur l'école du quartier ouest, ajoutant, à tort, que les enseignants francophones interdiront à leurs élèves de se mêler aux enfants de langue anglaise.

«Ce comportement séparatiste peut être la marque d'une attitude dominatrice tenace dans les rapports ethniques et quotidiens», écrit Wozny[...]

«De plus, ils sont issus de familles à faible revenu[...] et ils auront très vraisemblablement besoin d'autres formes de soutien.»

Honorables sénateurs, si vous voulez lire l'article au complet, vous le trouverez facilement sur le site Web Parlmedia, dans le Vancouver Sun du 19 juin 2000.

(1350)

Ceux qui refusent l'accès à des enfants francophones en les accusant d'être des séparatistes ou des pauvres devraient avoir honte de leur attitude et de leur comportement. Les Canadiens francophones ne demandent rien de moins ni rien de plus que ce que notre Constitution leur accorde.

Je sais que l'éducation est de compétence provinciale, mais il faut respecter l'article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés, qui a été adoptée en 1982, il y a quelque 18 années, et qui constitue la loi. Tous les enfants devraient avoir le droit à l'instruction dans la langue de leurs parents et dans la langue officielle de leur choix.

Lorsque la commissaire aux langues officielles affirme que les gouvernements sont silencieux et indifférents, elle laisse également entendre qu'il existe au Canada une certaine intolérance à laquelle il faut s'attaquer.

J'espère que le conseil scolaire de Vancouver, qui devra trancher cette question, résoudra le problème le plus tôt possible.

La Journée nationale des Autochtones

L'honorable A. Raynell Andreychuk: Honorables sénateurs, c'est avec grand plaisir que j'interviens pour parler de la Journée nationale des Autochtones. De concert avec nos nombreuses organisations autochtones, le gouvernement du Canada a choisi cette journée, la plus longue de l'année, pour souligner l'énorme contribution que les Indiens, les Inuits et les Métis ont apportée au développement de notre merveilleux pays. En effet, leur contribution a fait de notre pays l'un des plus dynamiques et des plus diversifiés du monde sur le plan culturel.

Les autochtones vivent sur cette terre depuis des milliers d'années. Lorsque les premiers colons européens sont arrivés en sol canadien, ils y ont trouvé des centaines d'autochtones courageux et compatissants, prêts à les accueillir et à leur enseigner ce qu'ils savaient au sujet de la nourriture, de la médecine et de la survie sur cette terre. Cette amitié s'étant malheureusement effritée avec le temps, les peuples autochtones ont dû compter sur leurs langues, leurs pratiques culturelles, leurs croyances spirituelles et leur patrimoine distincts pour unifier et soutenir leur communauté.

Les peuples autochtones ont grandement contribué à l'essor de notre pays. Alors que nous célébrons le solstice d'été de ce nouveau millénaire, réjouissons-nous en cette nouvelle ère de compréhension partagée et de respect mutuel.

On a récemment tenu un concours d'affiches de la Journée nationale des Autochtones pour mettre en lumière les talents artistiques des autochtones et présenter une nouvelle image énergique qui servirait à commémorer cette journée spéciale. Je félicite les gagnants et tous ceux qui ont participé au concours. On a reçu quelque 200 présentations de la part d'artistes autochtones.

Honorables sénateurs, cette journée nous offre une double occasion de nous réjouir. Premièrement, elle permet aux très talentueux Inuits, membres des Premières nations et Métis canadiens, de mettre en lumière leurs talents artistiques et la beauté de leur culture et, deuxièmement, elle nous donne la possibilité de participer aux festivités, de prendre connaissance de leurs expériences et de comprendre leur histoire, ainsi que de cheminer ensemble comme Canadiens.

Honorables sénateurs, je vous invite à vous joindre à moi afin de marquer la Journée nationale des Autochtones et, en particulier, à vous joindre aux autochtones afin d'en apprendre davantage au sujet de ce grand pays que nous appelons le Canada, de la part de ces Canadiens qui étaient ici avant nous.

L'honorable Thelma J. Chalifoux: Honorables sénateurs, il me fait plaisir aujourd'hui de souhaiter à chacun d'entre vous une joyeuse Journée nationale des Autochtones. Elle permet à tous les Canadiens de se rendre compte que les autochtones du Canada forment une partie vraiment importante de la mosaïque qui fait que notre pays est le meilleur au monde.

Le sénateur Kinsella: Ils ne sont toujours pas à la table, cependant!

Le sénateur Chalifoux: Il est dommage qu'un aussi grand nombre de collectivités du Canada n'aient pas la possibilité de profiter de toutes les commodités qu'un si grand nombre de Canadiens tiennent pour acquises. Beaucoup de nos collectivités, situées dans le corridor du centre du Canada, ne bénéficient pas de services médicaux, et nos enfants doivent encore aller à l'école dans des charrettes hippomobiles. De nombreux fléaux sociaux demeurent omniprésents dans ces collectivités. Le taux de chômage s'y situe entre 80 et 90 p. 100, pendant que l'industrie met en valeur toutes les ressources naturelles locales. Les préjugés font que l'on présente les collectivités autochtones en milieu urbain comme des ghettos, tandis que d'autres collectivités ethniques sont perçues comme des attractions touristiques.

J'ai rencontré aujourd'hui une jeune femme et nous avons discuté de la discrimination latente dont font l'objet les autochtones dans le cadre des pratiques d'embauche du gouvernement. Elle a fait une remarque intéressante. Son mari vient de Guyane. Lorsqu'il a postulé un emploi, on lui a accordé le bénéfice du doute. L'employeur éventuel a tenu pour acquis qu'il était bien instruit, ce qui était le cas. Toutefois, on n'accorde presque jamais le bénéfice du doute à un autochtone possédant les mêmes compétences. On tient pour acquis que nos gens sont sans instruction et non fiables.

C'est pourquoi la Journée nationale des Autochtones est si importante. En effet, elle permet à tous les Canadiens de se rendre compte que les autochtones font vraiment partie de la mosaïque canadienne. Il faut que soit souligné l'apport des trois nations autochtones - les Métis, les Inuits et les Premières nations - à ce pays, faute de quoi le Canada ne sera jamais en mesure de se tenir debout, et notre histoire nationale en souffrira.

La Colombie-Britannique

Vancouver-L'École élémentaire Queen Elizabeth-Le refus des parents d'enfants anglophones d'accepter des enfants francophones

L'honorable Marcel Prud'homme: Honorables sénateurs:

«Les gens disent la plupart du temps qu'ils veulent que le Québec continue de faire partie du Canada - qu'ils aiment le Québec», dit Monique Giard, la mère de deux jeunes enfants inscrits pour la rentrée en septembre. «C'est terriblement hypocrite.»

Honorables sénateurs, c'est par cette citation précise que je me proposais de commencer mon intervention sur la question soulevée par le sénateur Gauthier. Si vous voulez en savoir plus, lisez la première page de la dernière édition du Vancouver Sun du 19 juin et vous comprendrez. Avant de vous prononcer sur le projet de loi C-20, peut-être pourriez-vous méditer sur les raisons pour lesquelles les gens arrivent parfois à ce genre de décision.


AFFAIRES COURANTES

peuples autochtones

Les possibilités d'accroître le développement économique des parcs nationaux dans le Nord-Présentation du rapport budgétaire du comité sur l'étude

L'honorable Thelma J. Chalifoux, présidente du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones, présente le rapport suivant:

Le mercredi 21 juin 2000

Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones a l'honneur de présenter son

CINQUIÈME RAPPORT

Votre comité, qui a été autorisé par le Sénat le 13 juin 2000 à étudier, afin d'en faire rapport, les possibilités d'accroître le développement économique, y inclus le tourisme et l'emploi, associées aux parcs nationaux du nord du Canada, en respectant les paramètres des accords existants sur des revendications territoriales globales et d'autres accords connexes avec les peuples autochtones et en conformité des principes de la Loi sur les parcs nationaux, demande respectueusement à être habilité à retenir les services de conseillers, techniciens, employés de bureau ou autres personnes jugés nécessaires, ainsi qu'à se déplacer d'un endroit à l'autre au Canada.

Le budget fut présenté au Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration le mardi 16 mai 2000. Dans son dixième rapport, le Comité de la régie interne a fait la recommandation que 45 411 $ soient libérés pour cette étude. Ce rapport fut adopté par le Sénat le mercredi 7 juin 2000.

Respectueusement soumis,

La présidente,
THELMA CHALIFOUX

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand étudierons-nous ce rapport?

(Sur la motion du sénateur Chalifoux, l'étude du rapport est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

La Loi sur les transports au Canada

Projet de loi modificatif-Rapport du comité

L'honorable Leonard J. Gustafson, président du Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts, a l'honneur de présenter le rapport suivant:

Le mercredi 21 juin 2000

Le Comité permanent de l'agriculture et des forêts a l'honneur de présenter son

TROISIÈME RAPPORT

Votre comité, auquel a été déféré le projet de loi C-34, Loi modifiant la Loi sur les transports au Canada, a, conformément à l'ordre de renvoi du lundi 19 juin 2000, étudié ledit projet de loi et en fait maintenant rapport sans amendement.

Respectueusement soumis,

Le président,
LEONARD J. GUSTAFSON

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand lirons-nous ce projet de loi une troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Wiebe, la troisième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

(1400)

la Conference des Mennonites au Canada

Projet de loi privé modificatif-Présentation d'une pétition

L'honorable Sharon Carstairs: Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de présenter une pétition de la Conférence des Mennonites au Canada, de Winnipeg, au Manitoba. Cet organisme implore l'adoption d'une loi modifiant la loi constituant en corporation morale la Conférence des Mennonites au Canada.

PÉRIODE DES QUESTIONS

Les transports

Différend entre le port de Halifax et Halterm limitée relativement au bail de cette dernière

L'honorable J. Michael Forrestall: Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. Je commence à souhaiter que le collègue cap-bretonnais du ministre soit de nouveau à son siège.

Honorables sénateurs, la réponse que m'a donnée hier le leader du gouvernement au Sénat au sujet de Halterm Limited m'a en quelque sorte consterné. Le ministre avait pris l'engagement ferme, c'est du moins ce que j'ai compris et je lui en ai exprimé ma reconnaissance, de mettre un terme à la querelle opposant Halterm à l'Administration portuaire de Halifax.

En lisant les bleus hier soir, je n'ai pu que conclure que nous en étions au troisième revirement: à l'approbation a succédé la non-approbation, puis de nouveau l'approbation, au gré des événements. En fait, la question n'est pas réglée et il ne semble pas qu'elle le sera. Le ministre sait pourtant que les opérations portuaires sont déterminantes pour le bien-être économique, non seulement de la ville, mais aussi de la province. Ce conflit nuit chaque jour un peu plus à la réputation de la Nouvelle-Écosse auprès des utilisateurs nationaux et internationaux de nos installations portuaires.

Honorables sénateurs, j'ai été quelque peu facétieux lorsque j'ai rappelé un peu plus tôt au leader du gouvernement au Sénat qu'il est le ministre responsable de la Nouvelle-Écosse. Les Néo-Écossais n'ont pas accès au ministre, et les députés non plus. Les sénateurs de ce côté-ci de la Chambre ont donc une responsabilité bien spéciale. Je pose des questions au sujet des hélicoptères Sea King et de Halifax parce que le sénateur Boudreau est la voix des Néo-Écossais auprès du gouvernement canadien.

Le ministre fera-t-il quelque chose pour résoudre le différend qui oppose l'administration portuaire et son principal locataire, la société Halterm? Dans la négative, à quoi pouvons-nous nous attendre?

L'honorable J. Bernard Boudreau (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je suis sensible aux préoccupations du sénateur concernant les répercussions du différend sur la Nouvelle-Écosse et je suis toujours heureux de répondre à ses questions. Comme je l'ai déjà dit, le différend actuel est en grande partie d'origine commerciale. Je crois qu'il est dans l'intérêt de chacun de parvenir à un règlement le plus rapidement possible. Les parties se sont entendues sur certaines lignes de conduite, et j'ai clairement exposé au ministre mon point de vue et celui du sénateur. Pour l'instant, j'espère que le différend se réglera le plus rapidement possible.

Le développement des ressources humaines

La Fondation des bourses d'études du millénaire-La demande de subvention faite par la deuxième troupe de louveteaux de Wellington, en Nouvelle-Écosse

L'honorable J. Michael Forrestall: Honorables sénateurs, le ministre n'a pas pu faire grand-chose au sujet des Sea King. Il n'a pas pu faire grand-chose non plus au sujet du financement de la route 101. Le ministre n'a rien fait, et il continue d'avoir espoir que le conflit impliquant le port se règle. La Devco a été abandonnée à son sort.

Je vais poser une question simple. Le ministre est peut-être au courant de cela, puisqu'il est notre ministre de la Nouvelle-Écosse.

La deuxième troupe de louveteaux de Wellington, en Nouvelle-Écosse, a demandé une subvention du millénaire pour envoyer les enfants et leurs chaperons à Ottawa pour la Fête du Canada de l'an 2000. Ils avaient besoin de 37 000 $ pour faire le voyage. Les enfants de cette petite localité ont réussi à ramasser 31 000 $ eux-mêmes. Il y a déjà sept mois qu'ils attendent une réponse à leur demande de subvention du gouvernement fédéral, mais ils n'ont eu aucune nouvelle. Personne ne leur a demandé pourquoi ils voulaient cet argent supplémentaire. Personne n'a cherché à les aider.

Comme trois ou quatre tentatives en vue d'obtenir une réponse du gouvernement fédéral au sujet de leur demande de subvention ont échoué, et comme il ne reste que neuf jours avant le 1er juillet, le ministre peut-il faire quelque chose au sujet de ce déni de justice? Ce groupe de Wellington, au coeur de la Nouvelle-Écosse, n'a besoin que de 6 000 $.

Le ministre ne semble pas savoir où Wellington est située et il veut se porter candidat dans le comté de Halifax aux prochaines élections. J'espère que non! Je m'excuse de poser cette question au ministre. Mon Dieu!

L'honorable J. Bernard Boudreau (leader du gouvernement): Je remercie le sénateur de ses remarques utiles. J'ai demandé où cette localité était située parce que j'ai présumé que le député de la région aurait voulu porter cette question à l'attention du ministre responsable de la Fondation canadienne des bourses d'études du millénaire. Ou bien il ne l'a pas fait, ou bien il ne l'a pas fait de façon efficace.

De toute façon, le sénateur Forrestall a pris la cause en main, étant donné que le député ne s'en est pas occupé. Je dirai que cette demande montre la grande popularité du programme des bourses du millénaire. Je crois que tous les sénateurs sont au courant du nombre effarant de demandes reçues des diverses régions de la Nouvelle-Écosse. Certains projets très valables n'ont pas été acceptés. Dans le cas de ce projet en particulier, je serai heureux de me renseigner, et peut-être que, ensemble, le sénateur Forrestall et moi-même pourrons faire une partie du travail que le député en question n'a pas fait.

Le sénateur Forrestall: Bien dit! Je l'aurai d'une façon ou d'une autre.

[Français]

Les relations Canada-États-Unis

Les négociations sur l'exemption spéciale prévue dans le règlement sur le commerce international des armes-Demande de précisions

L'honorable Roch Bolduc: Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. Le ministre des Affaires étrangères était à Washington dernièrement pour signer une entente prorogeant de cinq ans l'accord de NORAD. Il a également signé un accord sur l'exploitation des systèmes commerciaux de télédétection par satellite. Est-ce que, suite à ces accords, les difficultés rencontrées depuis un an par nos industriels oeuvrant dans les secteurs de l'équipement de défense et de l'aérospatial seront aplanies?

On parle dans les journaux d'un accès à 80 p. 100 de l'exemption des permis américains d'exportation d'équipement militaire. Or, on parle ici d'un accord sur l'exploitation des systèmes commerciaux de télédétection par satellite. D'après ce que je comprends, l'exportation des produits de technologie à double usage, c'est-à-dire à usage commercial et militaire, n'est pas réglée. Il s'agit d'un type d'industrie au Canada qui représente 5 à 6 milliards de dollars en contrats. C'est majeur. Il y en a dans la province de Québec et ailleurs aussi, entre autres en Ontario. À mon avis, le prolongement de l'accord de NORAD peut avoir deux sens. Un prix de consolation pour le refus de donner l'exemption au Canada - ce qui serait un désastre - ou il s'agirait d'un incitatif de la part des Américains pour tenter de changer le point de vue du gouvernement du Canada en ce qui concerne le système national de défense antimissile.

[Traduction]

(1410)

L'honorable J. Bernard Boudreau (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je ne connais pas très bien l'accord concernant le NORAD. Comme le sénateur l'a dit, le ministre est actuellement à Washington. Je n'ai pas encore eu l'occasion de bénéficier d'une séance d'information sur l'accord que le ministre a signé. Cependant, autant que je sache, l'accord concernant le NORAD est distinct de l'autre problème, qui fait l'objet d'un dialogue soutenu depuis quelque temps.

J'ignore si l'autre accord que le ministre a signé traite expressément de ce problème. Je sais que des discussions sont en cours aux niveaux les plus élevés, y compris entre le président et le premier ministre. La substance de ces discussions a été encourageante, et on a prévu que nous pourrions régler les enjeux concernant l'accès de sous-traitants ou de soumissionnaires canadiens à des contrats de défense américains, et cetera. Je ne sais pas au juste si cette affaire a été réglée. Je me renseignerai et ferai part de ces renseignements au sénateur.

[Français]

Le sénateur Bolduc: Il semble que d'ici le mois de septembre, environ 80 p. 100 des difficultés touchant les permis d'exportation seront réglées. C'est déjà beaucoup. Le 20 p. 100 restant concerne précisément la production des équipements de technologie, utilisables aux niveaux commercial et militaire, qui est de l'ordre de 4 à 5 milliards de dollars de contrats. Je demanderais au ministre de faire l'impossible pour veiller à ce que le gouvernement tente de régler cette difficulté avec les Américains.

[Traduction]

Le sénateur Boudreau: Oui. Je puis assurer à l'honorable sénateur que des discussions sont en cours au sujet de cet élément en particulier. La dernière séance d'information dont j'ai bénéficié - je dois avouer qu'elle remonte à plus de quelques semaines - montrait qu'elles progressaient bien, et on espérait que la question pourrait être résolue au moment opportun.

Les travaux du Sénat

L'honorable Douglas Roche: Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat, mais il peut vouloir la transmettre à son collègue, le leader adjoint. Lundi prochain, le 26 juin, est un jour de congé férié. Comme les sénateurs qui reviendront de l'Ouest mardi ne pourront pas être présents ici avant le milieu de l'après-midi, le gouvernement a-t-il envisagé de commencer la séance du mardi 27 juin à 16 heures?

Le sénateur Kinsella: Lundi n'est pas jour de congé férié en Alberta.

L'honorable J. Bernard Boudreau (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, pour répondre brièvement à la question du sénateur, le leader adjoint du gouvernement demandera la permission de faire une déclaration au Sénat, aujourd'hui, au sujet des travaux du Sénat et du calendrier de ses séances.

Le sénateur Kinsella: Il n'a pas besoin de la permission du Sénat.

Réponse différée à une question orale

L'honorable Dan Hays (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, j'ai la réponse différée à une question que l'honorable sénateur Murray a posée le 13 juin 2000 au sujet de la possibilité de privatiser Énergie atomique du Canada Limitée.

Énergie atomique du Canada limitée

La possibilité de privatisation

(Réponse à la question posée par l'honorable Lowell Murray le 13 juin 2000)

Des représentants du gouvernement étudient la restructuration interne d'EACL selon trois plans: la vente de réacteurs, la recherche nucléaire et la gestion des déchets nucléaires. Aucune décision finale quant à la restructuration n'a été prise. Toutes les options faisant l'objet de discussions prévoient que l'entreprise poursuivra ses activités selon la même structure de gestion, ce qui comprend le maintien du conseil d'administration actuel. La privatisation des activités CANDU d'EACL n'est pas envisagée.

Toutefois, conformément aux décisions que le gouvernement fédéral a prises dans le cadre de l'Examen des programmes de 1995, une partie des activités d'EACL sont en voie d'être privatisées: le Laboratoire de recherches souterrain de Lac du Bonnet, au Manitoba, et la technologie des accélérateurs d'EACL.


ORDRE DU JOUR

Les travaux du Sénat

L'honorable Dan Hays (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, comme le leader du gouvernement l'a signalé, je voudrais faire une déclaration concernant les travaux du Sénat et, par conséquent, je demande la permission de le faire et de pouvoir répondre à toutes les questions que suscitera ma déclaration.

Son Honneur le Président: La permission est-elle accordée, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

Le sénateur Kinsella: Vous n'avez pas besoin de la permission du Sénat.

Le sénateur Hays: Merci. Je m'en souviendrai la prochaine fois.

Honorables sénateurs, nous ajournerons prochainement pour ce qui sera, nous l'espérons, le congé d'été. Comme vous le savez, nous avons encore beaucoup de travail sur la planche si nous voulons compléter l'étude des mesures inscrites au Feuilleton. Je voudrais donc prendre quelques instants pour faire une déclaration à ce sujet et répondre aux questions que pourraient avoir les honorables sénateurs. J'invite en particulier mon homologue, le sénateur Kinsella, chef adjoint de l'opposition, à me demander toutes les précisions qu'il désire.

Premièrement, comme la plupart d'entre vous l'ont pressenti ou le savent, nous siégerons vendredi. Je m'attends à ce que nous siégions aussi mardi, mercredi et jeudi, mais pas lundi, puisque c'est un jour férié au Québec.

Le sénateur Lynch-Staunton: À Ottawa aussi?

Le sénateur Hays: C'est un jour férié également au Sénat. Voilà pourquoi nous ne siégerons pas lundi. Nous devrons obtenir la permission d'ajourner jusqu'à mardi.

Je vais dire quelque chose qui devrait aider l'honorable sénateur Roche. La raison pour laquelle nous devrions siéger à 14 heures mardi est que nous avons beaucoup à faire. J'ai entendu quelqu'un dire ici que lundi est un jour férié au Québec, mais pas en Alberta. Je ne sais pas si la semaine prochaine vous reviendrez de notre province d'origine ou du Québec. Quoi qu'il en soit, nous déciderons le dernier jour où nous siègerons cette semaine de l'heure à laquelle nous reviendrons la semaine prochaine. J'ai pris note de la préoccupation du sénateur et je discuterai de la question avec mon homologue. Nous déterminerons l'heure à laquelle nous reprendrons nos travaux la semaine prochaine, mais pour le moment, je pense qu'il est fort probable que ce soit à l'heure à laquelle la séance débute habituellement le mardi, soit 14 heures.

Cela est dû en partie au fait que les caucus du parti gouvernemental et du parti d'opposition se réunissent normalement ce jour-là à midi. Je me rends compte que, en tant qu'indépendant, le sénateur ne participe pas à ces réunions, mais elles sont importantes pour le bon fonctionnement de cet endroit. On fera rapport demain de plusieurs des projets de loi dont nous sommes saisis et nous passerons à l'étape de la troisième lecture. Par conséquent, d'après ce que je peux voir, il faudra que nous siégions vendredi pour pouvoir faire en temps utile l'étude des projets de loi dont on fera rapport jeudi. Je pourrais les énumérer, mais ils figurent au Feuilleton de toute façon. Juste à titre d'information, honorables sénateurs, il y a, parmi ces projets de loi, le projet de loi C-25, Loi modifiant la Loi de l'impôt sur le revenu, dont le comité des banques nous fera rapport; le projet de loi C-11, sur la Devco, dont le comité de l'énergie fera rapport; et les projets de loi concernant le changement du nom de plusieurs circonscriptions, dont le comité des affaires juridiques fera rapport.

En outre, nous avons encore plusieurs projets de loi à l'étape de la deuxième lecture. Je ne suis pas certain de la manière dont vont se passer les choses à leur sujet. C'est au Sénat d'en décider.

Il y a plusieurs projets de loi qui méritent une mention spéciale, entre autres, le projet de loi C-16, qui en est à l'étape de la seconde lecture. Je ne sais pas jusqu'où nous allons nous rendre. Le parti gouvernemental aimerait voir les choses avancer, mais nous pourrions ne pas avoir l'accord de l'autre côté pour ce faire. Nous aimerions qu'il soit renvoyé au comité cette semaine, voire aujourd'hui. Le projet de loi C-19, portant sur la Cour pénale internationale, est un autre projet de loi que nous aimerions renvoyer au comité aujourd'hui. Le projet de loi C-37 a trait aux allocations de retraite des parlementaires. Nous avons besoin de siéger la semaine prochaine pour déterminer ce que nous en ferons. Nous avons également un projet de loi de crédits, le C-42.

Cela m'amène à l'une des mesures les plus importantes et les plus difficiles dont nous ayons été saisis, le projet de loi C-20. C'est une mesure portant à controverse. Je suis engagé dans une négociation avec mon homologue quant à la façon dont on devrait disposer du projet de loi. Je vais maintenant exposer ma position de négociation. Le sénateur Kinsella interviendra sûrement quand j'aurai terminé pour commenter ce que je vais dire quant à la façon dont j'envisage de traiter le projet de loi C-20.

(1420)

Nous devrions avoir une liste d'orateurs. J'apprécierais que les sénateurs indépendants me préviennent de leur intention ou de leur désir d'intervenir, et le sénateur Kinsella apprécierait sûrement lui aussi d'en être prévenu. Il nous reste quatre ou cinq jours de séance, mais on peut raisonnablement s'attendre à ce qu'un grand nombre de sénateurs veuillent intervenir dans le débat de troisième lecture. Il y aura des amendements, et il est important de bien utiliser le temps dont nous disposons. À cet égard, j'ai l'intention de faire bien attention à la limite de temps de parole de 15 minutes. À l'étape de la deuxième lecture, nous avons prolongé le temps de parole d'une demi-heure, dans la plupart des cas, pour répondre aux questions à la fin des interventions. Après en avoir discuté avec le sénateur Kinsella, j'annonce maintenant à tous les honorables sénateurs que, lorsque la période de 15 minutes prendra fin, on pourra accorder 10 minutes ou, au plus, 15 minutes. Cela est justifiable, car de nombreux sénateurs désirent intervenir et, si nous prenons trop de temps, cela limitera le temps dont les sénateurs disposent individuellement. Si nous devions siéger en juillet, cela n'aurait pas d'importance, mais je ne sens pas de disposition à cet égard.

Je précise aussi que j'ai l'intention de réserver les deux dernières interventions avant le vote au chef de l'opposition et au leader du gouvernement. De nombreux sénateurs veulent être parmi les derniers intervenants ou ont exprimé le désir d'être le dernier intervenant. Je crois toutefois que ce droit devrait être réservé au leader du gouvernement et au chef de l'opposition.

Nous attendons également une décision à l'égard du projet de loi C-20, en ce qui a trait au consentement royal.

Pour ce qui est du vote sur le projet de loi C-20, le gouvernement veut qu'il se tienne avant l'ajournement pour l'été, même s'il faut donner avis et proposer une motion d'attribution de temps. Je n'ai pas l'intention de le faire aujourd'hui.

Le sénateur Lynch-Staunton: C'est honteux!

Le sénateur Hays: Je signale toutefois aux honorables sénateurs que cette possibilité existe. Nous n'hésiterons pas à le faire pour que le projet de loi fasse l'objet d'un vote.

Voilà, honorables sénateurs, ce que je prévois.

[Français]

L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint de l'opposition): Honorables sénateurs, j'aimerais exprimer les remerciements de l'opposition pour ce bref aperçu prophétique. Il est nécessaire de chercher à faciliter l'horaire de tous les sénateurs en commençant avec le projet de loi C-20. Je suis tout à fait d'accord avec le sénateur Hays. Nous savons bien que plusieurs sénateurs ont exprimé leur désir de participer au débat à l'étape de la troisième lecture. Le calcul est très simple, et je pense qu'à partir d'aujourd'hui jusqu'à jeudi de la semaine prochaine, nous pouvons répondre à la demande de tous les sénateurs qui désirent participer au débat en troisième lecture. Nous serions d'un commun accord avec le gouvernement, selon le Règlement, pour désigner jeudi prochain le 29 juin comme étant le jour du vote. Nous savons qu'il est fort probable que des amendements soient présentés en Chambre par différents sénateurs. Si nous pouvons, jeudi le 29 juin, considérer tous les amendements et procéder au vote à l'étape de la troisième lecture, nous sommes prêts, de notre côté, à accepter cette décision. Ce serait aussi très important du point de vue de l'ordre.

Si un honorable sénateur présente un amendement, selon le Règlement actuel, nous devons disposer de cet amendement avant de revenir à la motion principale. Toutefois, si nous sommes d'accord, nous pourrons continuer le débat en présentant les amendements et les sénateurs pourront parler de cet amendement ou de la motion principale tendant à la troisième lecture du projet de loi C-20.

À propos de vendredi prochain, le 23 juin, nous sommes très sensibles à la tradition de respecter la veille de la fête de la Saint-Jean-Baptiste. Pour cette raison, si nous pouvons identifier le travail établi pour vendredi matin, peut-être pourrions-nous siéger jeudi soir afin d'accomplir le travail prévu pour vendredi matin. Bien sûr, sans perturber le travail et le droit des sénateurs de participer au débat.

L'honorable Marcel Prud'homme: Honorables sénateurs, il faut nous rendre à l'évidence que nous pourrions retarder indûment l'étude du projet de loi C-20. Il me semble que les dés sont jetés et que votre proposition est pleine de sens, ainsi que celle du sénateur Kinsella. Pour moi, il est très important que le 29 juin soit la journée où nous disposions de tous les votes.

Je suis du même avis que le sénateur Kinsella, à savoir que les heures que vous voudriez consacrer à votre législation de vendredi pourraient être réparties lors des séances de jeudi de cette semaine, mardi et mercredi de la semaine prochaine, en siégeant plus tard et sans avoir recours au Règlement. Cela pourrait satisfaire le sénateur Kinsella et ceux qui ne veulent pas siéger vendredi.

[Traduction]

Tout le monde est de bonne humeur et veut collaborer avec le gouvernement. De temps à autre, toutefois, il faudrait que le Sénat fasse comprendre à l'autre Chambre que nous n'allons pas travailler à toute vapeur alors que la Chambre des communes s'est déjà ajournée et que les députés ont quitté la Colline du Parlement. Je suis bien content pour eux, mais ils ne devraient pas s'attendre à ce que nous traitions à toute vitesse des projets de lois aussi importants que le projet de loi C-16 sur la citoyenneté. Je m'intéresse aux questions de citoyenneté depuis 35 ans. Bon nombre d'entre nous voudraient prendre part aux audiences du comité sur ce projet de loi.

Mme le sénateur Finestone a pris part, hier soir, au débat sur le projet de loi C-19. Elle n'a toutefois pas pu lire tout son discours parce que nous étions pressés. Or, je voulais vraiment entendre ce qu'elle avait à dire sur la cour internationale.

J'espère que les sénateurs choisiront un ou deux projets de loi auxquels tient vraiment le gouvernement. Nous pourrions les traiter en priorité en signe de collaboration. Le projet de loi auquel tiennent le gouvernement et le premier ministre est le projet de loi C-20. Nous sommes de bonne humeur, et le sénateur Boudreau aussi. Avec deux sénateurs de plus, le projet de loi ne fait plus problème.

(1430)

Je voudrais que les sénateurs des deux côtés de la Chambre haute, notamment les nouveaux sénateurs, inspirent le respect et ne se fassent pas imposer par l'autre endroit le même régime de travail qu'à l'Assemblée nationale du Québec. J'étais là-bas il y a deux semaines, pendant que le Sénat ne siégeait pas, et j'ai été scandalisé par les chiffres. Les députés y siègent moins de trois mois par année et, tout à coup, en une semaine, ils siègent presque tous les soirs jusqu'à minuit. C'est devenu une blague.

Voulons-nous que le Sénat et le Parlement soient tournés en dérision? Je ne le sais pas. C'est à chacun de nous, y compris aux nouveaux sénateurs, qu'il appartient de décider comment nous voulons être traités.

Je n'ai pas encore commencé mon discours sur le projet de loi C-20 et sur l'importance du rôle qui revient au Sénat.

Je ne m'opposerai pas au programme proposé par le sénateur Hays, mais de grâce, n'essayons pas d'adopter à la hâte le projet de loi. Faisons plutôt en sorte qu'il soit examiné intelligemment en comité, par des sénateurs que la question intéresse et qui peuvent ne pas être membres du comité.

Honorables sénateurs, vous connaissez ma position sur la question. Je ne ferai pas de discours sur la non-existence des sénateurs indépendants. Les nouveaux sénateurs ne le savent pas, mais nous sommes des non-entités. Même si nous sommes tous égaux, nous ne pouvons pas faire partie de comités. Nous sommes trop stupides, ignorants ou paresseux, même si on nous voit tous les jours à toutes les séances de comité. Encore une fois, il faut que je surveille ma tension artérielle.

Le sénateur Kinsella a soulevé la question. J'espère que tous les sénateurs examineront attentivement les amendements au projet de loi C-20. Parfois, les amendements peuvent être contradictoires. Voilà pourquoi, à juste titre, le Règlement prévoit qu'avant de décider du sort d'un amendement, on doit en discuter, pour ensuite passer au projet de loi principal, à moins qu'il ne fasse à nouveau l'objet d'un amendement ou d'un sous-amendement.

Je voudrais que les honorables sénateurs soient conscients du fait que nous pourrions être paralysés par des amendements qui pourraient changer totalement le ton de la discussion. C'est à nous qu'il revient d'en discuter. Je dis ouvertement ce que j'ai à dire.

Pour ce qui est du vote, ce serait bien que les négociations se fassent publiquement. Nous sommes tous égaux. Son Honneur m'a répété à maintes reprises que nous sommes tous égaux. C'est comme au sein de l'Église catholique, certains sont plus égaux que d'autres, mais nous sommes tous égaux.

On pourrait peut-être nous faire savoir à quelle heure les ministériels comptent tenir le vote sur le projet de loi C-20. Nous ne voulons pas être pris par surprise. Cela pourrait être fait par les ministériels et l'opposition dans un geste de collaboration.

L'honorable Douglas Roche: Honorables sénateurs, lorsque le sénateur Hays a pris la parole il y a quelques instants, il a fait mention d'un commentaire voulant que je sois Albertain. En ce qui a trait à la question que j'ai soulevée relativement au congé de la Saint-Jean-Baptiste, je dirais tout d'abord que je respecterai avec plaisir l'horaire qui sera établi par la direction du Sénat.

Je voudrais également souligner que je vis à Edmonton, tout près d'une importante collectivité canadienne française qui célèbre activement la fête de la Saint-Jean. Le fait que la communauté canadienne française déborde largement les limites du Québec est une marque de la grandeur de notre pays.

Des voix: Bravo!

[Français]

L'honorable Jean-Robert Gauthier: Honorables sénateurs, le Règlement est assez clair et tout ce que j'ai entendu aujourd'hui, c'est qu'il sera appliqué. Il est écrit qu'une période de 15 minutes est allouée pour les discours, incluant les questions et les commentaires, un point, c'est tout. Est-ce vraiment ce que nous faisons?

Des voix: Non.

Le sénateur Gauthier: Deuxièmement, j'aimerais dire que la Saint-Jean-Baptiste est la fête de tous les Canadiens français. Qui a dit qu'elle était la fête exclusive des Québécois?

[Traduction]

Le sénateur Hays: Honorables sénateurs, je concède aux sénateurs Roche et Gauthier que j'ai fait erreur. Je remercie les sénateurs Kinsella et Prud'homme de leur témoignage d'appui général et de collaboration envers ce qui a été ébauché, tant dans mon énoncé que dans celui du leader adjoint de l'opposition.

Nous verrons ce qui se passera vendredi. Très franchement, j'aurais préféré que nous puissions ajourner plus tôt cette semaine, mais nous n'avons pas pu le faire pour de bonnes raisons. De toute façon, nous ferons ce que nous pourrons au cours de nos discussions en ce qui a trait à la journée de vendredi.

Quant aux commentaires du sénateur Prud'homme, je ne sais pas si je peux faire plus que de dire que j'ai écouté ce qu'il avait à dire, tout comme le sénateur Kinsella d'ailleurs, et que ses commentaires seront pris en compte.

Je reconnais que le sénateur Roche me réprimandait en ce qui a trait à la fête de la Saint-Jean-Baptiste. Je reconnais qu'il sera ici mardi à 14 heures, si c'est le moment où nous devons nous retrouver.

Pour répondre à la question du sénateur Gauthier au sujet de la période de 15 minutes, il nous faudra voir comment le débat se déroulera, mais j'envisagerais la possibilité que nous respections la règle de 15 minutes, avec la modification probable que nous prolongions de 10 ou de 15 minutes au plus. Comme je l'ai déjà dit, il faut faire ce choix par respect pour les nombreux sénateurs qui souhaitent participer au débat. Il est judicieux d'appliquer cette pratique ou cette règle pour que tous aient le temps de se faire entendre.

Le sénateur Robichaud: Vous devriez vous en tenir à 15 minutes.

Le sénateur Gauthier: J'ai une deuxième question à poser au sujet des amendements. Il y en a qui sont inscrits à mon nom. Si j'ai bien compris le leader adjoint, tous les amendements seront reportés, si c'est le terme juste, jusqu'à une journée à déterminer, et ils feront alors l'objet d'un vote. Est-ce que ce sont de nouvelles règles du jeu? D'habitude, lorsqu'il y a un amendement à la motion principale, c'est de l'amendement que nous nous occupons et dont nous disposons avant de revenir à la motion principale. Si j'ai bien compris, nous ne procéderons pas de cette manière. Nous allons mettre les amendements de côté, même s'ils sont importants et peuvent avoir des conséquences importantes pour tout le projet de loi, jusqu'à ce que nous commencions à voter sur eux à une date qu'il reste à déterminer. Est-ce que je décris bien la situation?

Le sénateur Hays: Non seulement vous m'avez bien compris, sénateur Gauthier, mais vous avez également bien compris ce qu'a dit le sénateur Kinsella. Je voudrais faire remarquer que nous avons procédé ainsi à deux occasions au moins depuis que je suis leader adjoint. Ainsi, je prendrai la décision plus tard au cours de la semaine, voire aujourd'hui, mais il semble que votre description de la façon dont nous procéderons soit exacte.

Pour les sénateurs qui voudraient savoir quand le vote se tiendra, cela fera l'objet d'un ordre du Sénat que je présenterais soit au moyen d'un avis de motion, soit avec la permission du Sénat, plus tard cette semaine, je l'espère.

Projet de Loi donnant effet à l'exigence de clarté formulée par la Cour suprême du Canada dans son avis sur le Renvoi sur La sécession du Québec

Troisième lecture-Suite du débat

L'ordre du jour appelle

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Hays, appuyé par l'honorable sénateur Graham, c.p., tendant à la troisième lecture du projet de loi C-20, Loi donnant effet à l'exigence de clarté formulée par la Cour suprême du Canada dans son avis sur le Renvoi sur la sécession du Québec.

L'honorable Joan Fraser: Honorables sénateurs, je voudrais souligner d'abord que ce fut une extraordinaire expérience que de travailler avec le comité spécial qui a étudié ce projet de loi.

[Français]

(1440)

Je voudrais rendre hommage à tous les membres du comité des deux côtés de la Chambre, de même qu'à tous les autres sénateurs - et ils étaient nombreux - qui ont travaillé si fort à étudier ce projet de loi en profondeur, avec sobriété et intelligence. C'était un exemple classique de la contribution du Sénat à la qualité de vie et à l'administration publique de notre pays. J'ai été très fière d'y être associée.

Puisque je parle plus vite en anglais, je vais poursuivre entièrement dans cette langue afin de respecter les limites de temps.

[Traduction]

Lorsque je suis intervenue, à l'étape de la deuxième lecture, j'ai déclaré que, n'étant pas avocate, je suivrais très attentivement et avec intérêt les discussions sur les aspects juridiques du projet de loi. Je reste convaincue que ce projet de loi est essentiellement de nature politique, mais ce n'est qu'une raison de plus d'être aussi sûre qu'on peut l'être qu'il est juridiquement sensé. Ayant écouté les témoins, y compris quelques grands juristes canadiens, je suis convaincue qu'il l'est. Les déclarations des témoins m'ont entièrement persuadée que le projet de loi C-20 est parfaitement constitutionnel, car il respecte l'avis de la Cour suprême ainsi que les rôles constitutionnels du Sénat, de la Chambre des communes, du gouvernement du Canada et, ce qui n'est pas le moins important, des provinces.

J'ai été particulièrement intéressée par certaines questions soulevées au cours de notre débat très informatif à l'étape de la deuxième lecture, et qui ont été reprises en comité. Je voudrais aborder certaines de ces questions. Il y a notamment le droit des peuples autochtones et des minorités linguistiques, le rôle du Sénat, la divisibilité du Canada et les conséquences d'un référendum national avant le début des négociations sur la sécession, si nous devions en arriver au triste jour où la population d'une province - ma province - décidait qu'elle veut se séparer du reste du Canada.

J'aborderai d'abord la question des droits des autochtones. Les représentants des autochtones nous ont déclaré qu'ils préféreraient qu'il soit expressément mentionné dans le projet de loi qu'ils seront présents si un amendement constitutionnel est négocié au moment de la sécession. Là-dessus, j'appuie l'Assemblée des premières nations, qui nous a dit qu'elle aimerait bien obtenir un tel amendement, mais que ce n'était pas essentiel puisque l'article 35.1 de la Constitution garantit déjà que les peuples autochtones seraient présents si leurs droits étaient touchés par les négociations. D'autres témoins ainsi, que le ministre, ont confirmé le poids de cette garantie.

Il est clair que les droits des autochtones seraient touchés si une sécession était négociée. En fait, le projet de loi C-20 précise qu'aucun ministre fédéral ne doit proposer un amendement constitutionnel conduisant à la sécession à moins que les négociations aient couvert les droits, intérêts et revendications territoriales des peuples autochtones. Il est clair que les peuples autochtones seront présents.

La protection des minorités linguistiques est particulièrement importante pour moi. Je suis rassurée de constater que le projet de loi exige que les droits des minorités soient aussi abordés dans le cadre des négociations. La disposition en question ne nous garantit pas une place à la table des négociations, mais elle nous donne un levier puissant pour nous assurer que ces droits seront protégés, et je suis absolument convaincue que nous utiliserons ce levier.

Le sénateur Lynch-Staunton: Vous et Bill Johnson.

Le sénateur Fraser: J'en viens maintenant à un sujet qui a profondément préoccupé de nombreux sénateurs et qui est à l'origine de certains épisodes parmi les plus brillants du débat en deuxième lecture, le rôle du Sénat.

Il m'apparaît évident que le projet de loi C-20 ne prive le Sénat d'aucun pouvoir. Le Sénat n'a jamais eu le pouvoir de protéger des négociations constitutionnelles. Nous ne pouvons donc pas perdre un pouvoir que nous n'avons jamais eu. Notre rôle consiste à intervenir après, une fois que le Parlement est saisi d'une modification constitutionnelle. Nous pouvons alors, si nous le jugeons nécessaire, exercer notre pouvoir de veto suspensif, pour laisser le temps de corriger des erreurs ou pour alerter les Canadiens au sujet des dangers que nous percevons. Il ne faut jamais sous-estimer l'importance de ce grand pouvoir. Cependant, je le répète, le Sénat n'a jamais eu le pouvoir d'opposer son veto à des négociations constitutionnelles avant qu'elles n'aient débuté.

Le sénateur Lynch-Staunton: Ni la Chambre.

Le sénateur Fraser: J'y arrive, sénateur.

Honorables sénateurs, imaginez le résultat si nous avions ce pouvoir de veto. Par définition, nous l'exercerions dans une situation où la population d'une province, ma province, aurait déclaré légalement, démocratiquement et en des termes dont l'Assemblée nationale et la Chambre des communes auraient reconnu la clarté incontestable, sa volonté de faire sécession. Imaginez comment la population du Québec réagirait si le Sénat voulait alors l'empêcher d'entamer des négociations sur la sécession. J'ai posé la question à M. Maurice Pinard, qui est le spécialiste incontesté des questions touchant l'opinion publique au Québec.

Le sénateur Lynch-Staunton: Quelle était la question?

Le sénateur Fraser: Je constate avec plaisir que les sénateurs sont attentifs.

Il a dit que ce genre de division entre le Sénat et l'autre endroit serait désastreuse, qu'elle aurait des conséquences considérables et qu'elle provoquerait une très grave crise. Je crois que M. Pinard a raison. Certains sénateurs ont opposé un argument, et j'invite ici le sénateur Lynch-Staunton à écouter ce que je vais dire.

Le sénateur Lynch-Staunton: Je suis tout ouïe.

Le sénateur Fraser: Certains sénateurs, dont je respecte beaucoup les connaissances et les convictions, ont fait valoir que le fait de conférer ce pouvoir à l'autre endroit, mais pas au Sénat, va à l'encontre du caractère fondamental du système parlementaire bicaméral. Des témoins qui font autorité en la matière ont dit au comité qu'en dépit du fait fondamental que la Chambre des communes est l'assemblée qui jouit de la confiance du peuple et que c'est elle qui a le pouvoir de dépenser, il n'est pas inhabituel que l'une des deux Chambres ait un pouvoir ou une responsabilité que l'autre n'a pas. Il est même arrivé que le Sénat ait une responsabilité que la Chambre des communes n'a pas eue. Le sénateur Kroft faisait remarquer que c'était notamment le cas dans l'ancienne Loi sur le divorce.

On peut également se demander si, en adoptant le projet de loi C-20, on crée un mauvais précédent et si on déclenche une série d'événements qui finiront par réduire les pouvoirs du Sénat. Je ne vois pas comment ce projet de loi, qui traite d'une situation extraordinaire, voire unique, pourrait servir de précédent à quoi que ce soit. Le Sénat garde intact son droit de veto à l'égard des mesures législatives, y compris celles qui sont susceptibles de réduire ses pouvoirs. Comme le professeur Joseph Magnet l'a souligné devant le comité, il est presque impossible pour le gouvernement de mettre en oeuvre une politique importante et substantielle - et certains sénateurs ont cité l'exemple d'un nouveau programme énergétique national - sans devoir légiférer. Notre rôle n'est aucunement diminué. Il était important pour nous d'étudier soigneusement le projet de loi dans ce contexte, parce que nous avons le devoir de défendre le Sénat. Cependant, il m'apparaît clairement que l'adoption de ce projet de loi ne réduit aucunement l'importance du Sénat.

J'en arrive maintenant à la question soulevée avec tant de passion par le sénateur Joyal qui consiste à déterminer si le Canada est indivisible et si, par conséquent, toute la population canadienne doit être consultée par référendum avant toute négociation concernant la sécession d'une province.

Nous avons évidemment tous été touchés par l'éloquence du sénateur Joyal et son raisonnement nous donne peut-être à réfléchir. Bon nombre d'entre nous réagissent d'une façon presque instinctive et veulent croire qu'il existe une garantie que le Canada ne sera jamais divisé. Honorables sénateurs, ce n'est pas le cas. Ce n'est pas la voie qu'a choisie le Canada. Nous ne sommes pas comme les Américains qui, comme le sénateur Kroft l'a si bien fait remarquer hier, ont livré une des guerres les plus sanglantes de l'histoire afin de préserver l'union de leur pays. Il ne faut pas s'y tromper; quand on croit vraiment que son pays est indivisible, on doit logiquement être prêt à aller jusqu'à faire la guerre pour empêcher une sécession, si jamais tous les autres efforts échouent. L'histoire montre que d'autres pays ont appris cette terrible leçon. Le Canada a eu le génie de veiller à ce que l'unité ne fasse pas fond sur la suppression.

Même si nous croyons que moralement le Canada devrait être indivisible, il nous faut admettre le simple fait que la Cour suprême du Canada a jugé que le pays est divisible, dans la mesure où seront respectées des conditions rigoureuses en matière de loi et de démocratie. Tous ceux qui ont comparu devant le comité, même ceux qui désapprouvent l'opinion de la Cour suprême dans le renvoi relatif à la sécession du Québec, conviennent que cette opinion est exécutoire. Elle est désormais inscrite dans la loi du Canada. Nous ne pouvons pas nous y soustraire ni faire comme si elle n'existait pas.

Honorables sénateurs, devrions-nous retourner à la proposition du sénateur Joyal qui veut qu'un référendum national doit avoir lieu avant que ne puissent être entamées des négociations concernant la sécession? Je ne le crois pas.

Premièrement, sur le plan juridique, cela va de toute évidence à l'encontre du jugement de la Cour suprême. Il ne s'agissait pas d'un jugement court, centré exclusivement sur des points subtils. C'était une discussion d'une grande portée consacrée à des éléments fondamentaux d'arrangements nationaux. Voyons à nouveau ce que la cour a déclaré:

Le rejet clairement exprimé par le peuple du Québec de l'ordre constitutionnel existant [...] imposerait aux autres provinces et au gouvernement fédéral l'obligation de prendre en considération et de respecter cette expression de la volonté démocratique en engageant des négociations[...]

La cour a déclaré que le processus de négociation:

[...] qui découlerait d'une décision d'une majorité claire de la population du Québec en faveur de la sécession, en réponse à une question claire[...]

(1450)

La cour a également déclaré:

Un vote qui aboutirait à une majorité claire au Québec en faveur de la sécession, en réponse à une question claire, conférerait au projet de sécession une légitimité démocratique que tous les autres participants à la Confédération auraient l'obligation de reconnaître.

La cour n'a pas dit que les autres participants à la Confédération devraient à négocier, à moins que les autres Canadiens ne le précisent dans leur référendum. Une chose est sûre: si la cour avait cru qu'il était nécessaire de demander l'avis de la population pour entamer des négociations, elle l'aurait dit expressément. Or, elle ne l'a pas fait.

Le sénateur Lynch-Staunton: On ne le lui a pas demandé de le faire.

Le sénateur Fraser: Elle a dit à maintes reprises qu'un vote clair des Québécois à une question claire entraînerait le devoir de négocier.

Honorables sénateurs, s'il y avait en effet un référendum national et que les Canadiens hors Québec, ou même seulement les Canadiens dans l'une des cinq régions auxquelles le sénateur Joyal accorderait le droit de veto, déclaraient qu'il ne devrait pas y avoir de négociations, cela signifierait que le Canada aurait fait abstraction du devoir constitutionnel imposé par la Cour suprême, à savoir qu'il faut négocier en réponse à la volonté claire exprimée par les Québécois. Je dois croire qu'il serait anticonstitutionnel d'ériger cette nouvelle barrière.

Il vaut la peine de citer une autre observation de la Cour suprême:

Le refus d'une partie de participer à des négociations dans le respect des principes et valeurs constitutionnels mettrait gravement en péril la légitimité de ses revendications [...] Ceux qui, très légitimement, insistent sur l'importance du respect de la primauté du droit ne peuvent, en même temps, faire abstraction de la nécessité d'agir en conformité avec les principes et valeurs constitutionnels et ainsi de faire leur part pour contribuer à la préservation et à la promotion d'un cadre dans lequel la règle de droit puisse s'épanouir.

Honorables sénateurs, je crois aussi que, sur le plan politique et moral, ce serait profondément incorrect et ce serait une erreur terrible et tragique d'essayer d'ériger cette nouvelle barrière, c'est-à-dire un référendum national. Quel message lancerions-nous aux Québécois si nous leur disions que, peu importe l'opinion de la Cour suprême, leur propre volonté n'était pas suffisante et que leur destinée dépend aussi de la décision des autres régions du Canada? En faisant cela, nous minerions la confiance que des millions de Québécois ont à l'égard du sens de la démocratie et du franc jeu qui règne au Canada.

Il n'est pas exagéré de dire que l'une des raisons pour laquelle les Québécois n'ont pas senti le besoin de se séparer est la garantie qu'ils avaient que notre fédération démocratique les respecte et ne les retiendrait pas contre leur gré. Il s'agit certainement d'une raison cruciale qui explique pourquoi le mouvement séparatiste au Québec est demeuré si résolument démocratique depuis plus de 30 ans.

Honorables sénateurs, la sécession de toute province, d'autant plus d'une province aussi importante que le Québec, serait une expérience déchirante, beaucoup plus que la plupart d'entre nous ne peuvent l'imaginer, et aurait des conséquences qui se feraient ressentir pendant des siècles. Nous ne voulons pas que cela se produise. Nous voulons protéger les Québécois conte une sécession qui serait réalisée dans la confusion et qui ne serait pas basée sur une volonté incontestablement claire de leur part. Si la sécession devait avoir lieu, le Canada aurait le devoir d'insister sur des conditions équitables, y compris pour les minorités, et de négocier âprement afin de veiller à ce qu'elles soient obtenues. Toutefois, le Canada n'a pas le droit d'empêcher la sécession, que ce soit de façon directe ou en établissant de nouvelles conditions qui la rendraient pratiquement inaccessible.

Il me semble que certains d'entre nous aimeraient que ce projet de loi réussisse l'impossible, à savoir qu'il garantisse que la sécession n'aura jamais lieu ou que, si elle a lieu, tout ce qui nous est cher sera protégé jusqu'au moindre détail. Aucun projet de loi ne peut faire cela. Même si nous pouvions prévoir l'avenir, nous n'avons pas le pouvoir démocratique ou constitutionnel de contrôler tous les événements. Nous ne pouvons pas, par exemple, contraindre le gouvernement québécois à poser la question que nous aimerions qu'il pose. Nous pouvons seulement dire aux Québécois quel genre de question devrait être posée afin de déclencher le devoir du Canada de négocier.

Honorables sénateurs, nous ne pouvons rien faire pour que l'avenir soit tel que nous le souhaiterions. Nous ne pouvons pas demander à ce projet de loi de faire plus qu'il n'est destiné à faire, mais nous pouvons reconnaître que ce qu'il est destiné à faire importe. Si nous en arrivons jamais au jour tragique et agité où le pays sera confronté à une sécession, ce projet de loi aidera toutes les parties à comprendre comment le gouvernement du Canada s'y prendra pour s'acquitter de ses obligations constitutionnelles. C'est tout ce qu'il fait, mais il fait cela. C'est un objectif légitime qu'on cherche à atteindre par des moyens légitimes, et je crois que ce projet de loi mérite notre appui.

Des voix: Bravo!

L'honorable John Lynch-Staunton (chef de l'opposition): Honorables sénateurs, j'aimerais tout d'abord féliciter le sénateur Fraser de la manière dont elle a présidé les 12 ou 13 réunions du comité. Cela n'a pas été chose facile, étant donné qu'il y avait des membres qui avaient le droit de vote et d'autres qui ne l'avaient pas. Le sénateur Fraser a dû intervenir à un certain nombre de reprises, ce qui a agacé nombre d'entre nous, mais elle a fait son travail et elle l'a bien fait. Je l'en félicite.

Son Honneur le Président: Je suis désolé d'interrompre l'honorable sénateur...

Le sénateur Lynch-Staunton: C'est une question.

Son Honneur le Président: Je le comprends, mais il ne reste plus qu'une minute à l'honorable sénateur Fraser pour terminer son intervention.

L'honorable Dan Hays (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, je propose que nous permettions au sénateur Fraser de répondre aux questions pendant cinq minutes supplémentaires.

Des voix: Oh, oh!

Le sénateur Hays: Pendant dix minutes, alors.

Le sénateur Lynch-Staunton: Plus que cela. Elle était présidente du comité.

Le sénateur Cools: Pourquoi pas cinq?

Son Honneur le Président: Quelle est la décision du Sénat?

Le sénateur Hays: Honorables sénateurs, je propose que nous consentions à prolonger de dix minutes la période réservée au sénateur Fraser.

Le sénateur Lynch-Staunton: J'ai beaucoup de respect pour les universitaires que le sénateur Fraser a cités. Cependant, je suis plus impressionné par le témoignage, devant le comité et par écrit, des deux personnes qui ont participé à la campagne référendaire et qui seront appelées à le faire à nouveau. Je veux parler de Claude Ryan et de Jean Charest.

En 1980, Claude Ryan était le chef des forces fédéralistes durant la campagne référendaire. On lui a demandé quelle aurait été sa réaction si le premier ministre Trudeau avait présenté un tel projet de loi. Il a dit qu'il se serait adressé à M. Trudeau et lui aurait dit: «Oubliez cela. Oubliez cela. Nous n'en avons pas besoin.»

Jean Charest qui, s'il est encore là lors du prochain référendum, devra conduire les forces fédéralistes au Québec, et qui a été le personnage clé de la dernière campagne référendaire, a écrit au comité pour dire qu'il fallait oublier cela, que c'était inutile et qu'il s'agissait d'une ingérence dans les affaires du Québec.

Ce que ce projet de loi fait - et c'est ce qui m'inquiète le plus et j'en arrive à ma question - c'est diviser les forces fédéralistes au Québec. Il divise les partis fédéralistes à la Chambre des communes et au Sénat. Il réjouit le Bloc québécois et le Parti québécois. Comment pouvons-nous envisager d'adopter un tel projet de loi alors que cela ira à l'encontre de notre objectif, l'unité du pays, alors que les seules personnes qui l'appuient avec enthousiasme et à l'unanimité sont les séparatistes et que les seules personnes qui s'en inquiètent sont en général des fédéralistes?

Le sénateur Fraser: Honorables sénateurs, je suis au courant des remarques dont parle le sénateur Lynch-Staunton. Je dois dire que j'éprouve un très grand respect à l'égard de M. Ryan et de M. Charest.

En ce qui concerne M. Ryan, je note que la situation juridique était complètement différente en 1980. La Charte des droits et libertés n'existait pas. En fait, la Constitution n'avait pas été rapatriée et la Cour suprême n'avait pas donné son avis dans le renvoi relatif à la sécession du Québec, laquelle décision a changé le tableau. Je crois que ce projet de loi est tout à fait conforme à l'avis donné par la Cour suprême.

Pour ce qui est de M. Charest, il n'y a pas ingérence de notre part. Avant d'avoir pris connaissance du contenu de ce projet de loi, je craignais entre autres que nous ne nous immiscions indûment dans une affaire relevant de la compétence provinciale. En fait, le projet de loi tient rigoureusement compte du rôle et des responsabilités à la fois du gouvernement fédéral et du Parlement fédéral. Même s'il n'est pas de mise au Québec d'admettre que le gouvernement fédéral et le Parlement fédéral ont des rôles et des responsabilités à assumer dans ce dossier, nous en avons. À mon avis, c'est de cela qu'il retourne dans ce projet de loi.

Le sénateur Lynch-Staunton: Ce que je veux dire, c'est comment pouvez-vous appuyer un projet de loi qui divise les fédéralistes et rapproche les séparatistes?

Le sénateur Rivest: C'est là la question à laquelle nous vous demandons de répondre.

(1500)

Le sénateur Fraser: L'opposition existe en démocratie. C'est dans la nature des parlements. Nous débattons avant l'heure. Nous divergeons d'opinion jusqu'à ce que nous parvenions à une conclusion et ensuite nous nous inclinons devant la loi du pays.

L'honorable Noël A. Kinsella (leader adjoint de l'opposition): Honorables sénateurs, je tiens à féliciter le sénateur Fraser et à la remercier de la façon dont a elle a dirigé le comité, et cela, je l'affirme sans réserves. Ce fut un privilège pour moi que d'avoir servi en qualité de vice-président de son comité.

Honorables sénateurs, je viens de recevoir une lettre datée du 19 juin, c'est-à-dire lundi dernier, que le grand chef Ted Moses qui a adressée à la présidence du comité. Je voudrais en donner lecture et demander au sénateur Fraser si elle en a effectivement reçu copie. Voici ce qu'on y dit:

Sénateurs,

Je vous écris au sujet des révélations déconcertantes publiées dans les quotidiens d'aujourd'hui (la Gazette de Montréal, le National Post, et le Ottawa Citizen), concernant une étude prépondérante sur la séparation du Québec, effectuée par le professeur Allan Buchanan, à la demande du Conseil privé, et présentée au gouvernement en 1999.

L'étude du professeur Buchanan est directement liée aux questions abordées par le comité sénatorial spécial et revêt une importance fondamentale pour les autochtones dans le contexte du projet de loi C-20. À ce jour, le Conseil privé a caché de façon déraisonnable cette importante information au comité sénatorial spécial sur le projet de loi C-20 et à tous les autochtones du Canada.

Compte tenu de la nouvelle information divulguée qui concerne directement les autochtones, je demande que moi-même, en ma qualité de grand chef du Grand conseil des Cris (Eeyou Istchee), je sois autorisé à comparaître de nouveau comme témoin devant le comité sur le projet de loi C-20. Bien que nous soyons conscients du calendrier très serré du comité, nous vous transmettons cette demande de toute urgence afin que nous puissions aborder la teneur de cette étude vitale.

Madame le sénateur peut-elle préciser si elle a reçu copie de cette lettre en date du lundi 19 juin et, le cas échéant, indiquer pourquoi celle-ci n'a pas été déposée devant le comité?

Le sénateur Fraser: La réponse est oui, je l'ai reçue. Toutefois, j'ai beau chercher, mais je ne peux dire précisément au sénateur Kinsella à quel moment je l'ai reçue. D'après mes souvenirs, j'en ai pris connaissance uniquement après la fin de l'étude, article par article, du projet de loi. Je ne sais pas si je l'ai vue ce soir-là ou le lendemain. Je ne le sais pas, car un des sénateurs membres du comité ou un des témoins ayant comparu avait évoqué, lundi, ce rapport concernant l'étude du professeur Buchanan. J'ai effectivement consulté les journaux à ce sujet et, bien que je n'aie pas vu l'étude proprement dite, j'ai noté que le professeur Buchanan enseigne non pas le droit, mais bien la philosophie, aux États-Unis, de sorte que je ne sais pas si son interprétation de la Constitution du Canada est assimilable à une certitude.

Des voix: Oh, oh!

Le sénateur Fraser: Il était tout à fait sympathique aux droits des autochtones au Canada et je crois que tous les membres du comité étaient également tout à fait en faveur de cette position de principe fondamental.

Le sénateur Lynch-Staunton: Sauf les deux membres de la collectivité autochtone.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, il ne reste qu'une minute. J'accorde la parole au sénateur Carney.

L'honorable Pat Carney: Honorables sénateurs, je voudrais féliciter le sénateur Fraser in absentia car je ne faisais pas partie du comité. Cependant, comme beaucoup de sénateurs, j'ai suivi le dossier avec intérêt. Je sais bien qu'on a élaboré le projet de loi en songeant au Québec, mais je voudrais demander à l'honorable sénateur s'il s'applique à toutes les provinces du Canada et, si les honorables sénateurs le désirent, j'engloberai les territoires dans cette question, de même que les États autochtones et tous les autres aspects du Canada dont on ne tient pas compte. Si le projet de loi s'applique à tous ces autres aspects du Canada, a-t-on demandé aux témoins de dire comment cette mesure s'appliquerait aux propositions de la part des autres provinces ou territoires ou États autochtones qui désirent négocier un arrangement différent avec le Canada?

Le sénateur Prud'homme: Bonne question!

Le sénateur Fraser: Honorables sénateurs, je vais répondre aussi vite que je le peux. Le projet de loi s'applique clairement à n'importe quelle province. La mesure parle systématiquement d'une province, pas seulement de la province de Québec.

Le sénateur Prud'homme: Ah oui?

Le sénateur Joyal: La définition de province englobe les territoires.

Le sénateur Fraser: Oui, comme me le rappelle le sénateur Joyal, la définition légale de province englobe les territoires. Nous avons eu du mal à attirer des témoins provenant de régions du Canada en dehors du Québec. Un ou deux témoins ont clairement abordé la situation des autres provinces. Nous n'avons pas analysé la question en profondeur, mais nous sommes tous conscients que nous ne parlions pas seulement du Québec. En fait, nous en avons longuement discuté. À mon avis, le projet de loi protège tous les citoyens d'une province contre une sécession qui pourrait se produire par accident, mais il protège aussi leurs droits si jamais la majorité des citoyens de leur province ou de leur territoire décidait de quitter le Canada. Cela me semble particulièrement utile si...

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, malheureusement, le temps accordé à notre collègue est écoulé.

Le sénateur Lynch-Staunton: À la prochaine!

Le sénateur Kinsella: Dix minutes encore!

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, bien d'autres sénateurs veulent avoir l'occasion d'exprimer leur point de vue. Je dois m'en tenir à la permission qui a été accordée, et le temps est écoulé.

Le sénateur Kinsella: Demandez de nouveau la permission du Sénat.

Des voix: Permission! Permission!

Le sénateur Lynch-Staunton: Il s'agit de votre sénateur.

Le sénateur Hays: Honorables sénateurs, si madame le sénateur Fraser désire poursuivre, libre à elle, mais je ne peux lui accorder plus qu'une ou deux minutes supplémentaires.

Elle ne veut pas demander la permission de poursuivre.

Des voix: Dommage!

Le sénateur Hays: Honorables sénateurs, j'appelle le prochain article à l'ordre du jour, le projet de loi C-16.

Son Honneur le Président: Honorable sénateur Hays, j'hésite à vous interrompre, mais un sénateur invoque le Règlement.

L'honorable Jerahmiel S. Grafstein: Votre Honneur, honorables sénateurs, madame le sénateur Fraser est présidente d'un comité spécial très important. Elle a tiré des conclusions des témoignages qu'elle a recueillis. Dans les circonstances, il me semble juste de prendre encore 15 ou 20 minutes pour lui poser des questions...

Le sénateur Cools: Absolument.

Le sénateur Grafstein: ... à titre de présidente du comité pour revoir la substance des témoignages. Il me paraît évident, Votre Honneur, que, si nous voulons que le Sénat tienne des débats sérieux, cette étape est pertinente.

Des voix: Bravo!

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, je regrette, mais ce n'est pas un rappel au Règlement. Le sénateur a peut-être une demande légitime à formuler, mais il ne s'agit pas d'un rappel au Règlement.

Le sénateur Hays: Honorables sénateurs, j'appellerai maintenant...

Des voix: C'est une honte.

Le sénateur Hays: ... le prochain article inscrit au nom du gouvernement, soit le numéro 8, le débat sur le projet de loi C-16.

Le sénateur Lynch-Staunton: On impose la clôture par des voies détournées.

Le sénateur Bryden: Ce n'est pas la foire d'empoigne.

Le sénateur Lynch-Staunton: C'est une honte. C'est la grande volte-face.

Son Honneur le Président: Honorable sénateur, je crois que l'ordre concernant le projet de loi est en suspens pour le moment. Nous sommes dans une impasse. Il faut que quelqu'un prenne la parole, soit au sujet du projet de loi, soit pour proposer l'ajournement du débat.

Le sénateur Hays: Honorables sénateurs, je reprends ma place. J'ai parlé trop tôt.

Son Honneur le Président: Il faut que quelqu'un soit ajourne le débat, soit y revienne.

L'honorable Lorna Milne: Honorables sénateurs, je propose l'ajournement du débat.

L'honorable Gérald-A. Beaudoin: J'ai une question, Votre Honneur, au sujet du projet de loi C-20.

Son Honneur le Président: Je suis désolé. Soyons clairs. Je sais que c'est une question qui suscite de vives émotions, mais voici où nous en sommes. Madame le sénateur Fraser est intervenue à l'étape de la troisième lecture du projet de loi C-20. Maintenant qu'elle a terminé son discours, il faut que quelqu'un d'autre intervienne ou il faut ajourner le débat. On ne peut pas le laisser en suspens. Si quelqu'un veut prendre la parole, je la lui donnerai. Si quelqu'un veut proposer l'ajournement du débat, nous l'ajournerons. Toutefois, nous ne pouvons pas passer au point suivant tant que nous n'en avons pas fini avec celui-ci d'une façon ou d'une autre. On ne peut pas poser d'autres questions au sénateur Fraser parce que son discours et la période des questions et observations sont terminés. Nous en sommes maintenant aux discours ou à l'ajournement du débat.

Le sénateur Milne: Je propose l'ajournement du débat.

Son Honneur le Président: Le sénateur Beaudoin a la parole.

Le sénateur Beaudoin: Honorables sénateurs, j'ai l'intention de parler, mais plus tard. La seule chose que j'aimerais faire maintenant, c'est poser une question.

(1510)

Son Honneur le Président: Sénateur Beaudoin, si je vous y autorise, vous allez perdre votre droit de parole.

Le sénateur Beaudoin: Je ne veux pas perdre mon droit de parole!

Le sénateur Prud'homme: J'invoque le Règlement, Votre Honneur! J'invoque le Règlement! J'invoque le Règlement!

Votre Honneur a dit exactement ce qu'un Président a le droit de dire. C'est très clair. J'ai aperçu deux sénateurs: l'un a proposé l'ajournement du débat, puis le sénateur Beaudoin a pris la parole encore une fois et, ensuite, un autre sénateur s'est levé pour proposer l'ajournement du débat. En toute équité, vous avez rendu la bonne décision. Le sénateur à qui il faudrait donner la parole en ce moment est madame le sénateur Cools, qui a dit qu'elle proposait l'ajournement du débat.

Le sénateur Andreychuk: Le sénateur Milne!

L'honorable Anne C. Cools: Honorables sénateurs, j'invoque encore le Règlement; cela peut durer indéfiniment. Quel est l'objectif ici, retarder le processus? Je pensais que notre objectif...

Son Honneur le Président: Sénateur Cools, à l'ordre, s'il vous plaît.

Le sénateur Cools: Le sénateur Prud'homme vient de prononcer mon nom.

Son Honneur le Président: Honorable sénateur Cools, vous allez perdre votre droit de parole si vous continuez de cette façon.

Le sénateur Cools: Non.

Son Honneur le Président: Quelqu'un doit demander à intervenir dans le débat à l'étape de la troisième lecture du projet de loi C-20, ou alors proposer l'ajournement du débat.

(Sur la motion du sénateur Milne, le débat est ajourné.)

Les travaux du Sénat

L'honorable Dan Hays (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, nous en sommes à l'étude des initiatives ministérielles inscrites à l'ordre du jour et je voudrais passer à l'article no 8, qui prévoit un débat à l'étape de la deuxième lecture du projet de loi C-16. Je crois que le sénateur Beaudoin a l'intention de prendre la parole.

L'honorable Marcel Prud'homme: J'invoque le Règlement, Votre Honneur!

Son Honneur le Président: Le greffier au Bureau peut-il annoncer le point à l'ordre du jour et pourrions-nous avoir le silence, de sorte que les sénateurs puissent l'entendre?

Le sénateur Prud'homme: J'invoque le Règlement!

Son Honneur le Président: Si vous invoquez le Règlement, Sénateur Prud'homme, je vais vous écouter.

Le sénateur Prud'homme: Le leader de la Chambre pourrait-il rappeler qu'hier, nous avons convenu d'ajourner à 15 h 30?

Son Honneur le Président: Honorable sénateur Prud'homme, je regrette, mais il ne s'agit pas là d'un recours au Règlement.

Le sénateur Prud'homme: C'en sera toutefois un à 15 h 30!

Son Honneur le Président: Pourrions-nous, s'il vous plaît, avoir le silence pour pouvoir entendre le point à l'ordre du jour?

Projet de loi sur la citoyenneté au Canada

Deuxième lecture-Suite du débat

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Finestone, c.p., appuyée par l'honorable sénateur Gauthier, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-16, Loi concernant la citoyenneté canadienne.

L'honorable Gérald-A. Beaudoin: Honorables sénateurs, je prends la parole dans le cadre du débat sur le projet de loi C-16.

[Français]

Le gouvernement du Canada a signifié son intention d'abroger la loi actuelle sur la citoyenneté et de la remplacer par une nouvelle loi. Cette dernière, intitulée Loi concernant la citoyenneté canadienne, prévoit de nouvelles mesures en matière d'obtention et de perte de citoyenneté.

[Traduction]

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, je demande que ceux qui estiment qu'il est absolument vital pour eux d'avoir des conversations le fassent à l'extérieur de la Chambre afin que nous puissions entendre le sénateur qui est en train de parler.

Des voix: Bravo!

[Français]

Le sénateur Beaudoin: Un individu pourra acquérir la citoyenneté canadienne dans la mesure où il est âgé d'au moins 18 ans; il répond au critère de résidence, ayant maintenu une présence physique au Canada pendant trois des cinq dernières années; a une connaissance suffisante du français ou de l'anglais; a une connaissance suffisante du Canada et des responsabilités conférées par la citoyenneté, et est capable d'exprimer cette connaissance en français ou en anglais sans l'aide d'un interprète.

Le projet de loi C-16 prévoit aussi la perte de la citoyenneté dans certaines circonstances, notamment lorsqu'il y a non-respect des conditions minimales de résidence. De même, le Cabinet peut révoquer la citoyenneté d'un individu qui l'a obtenue par fraude; le Cabinet peut aussi refuser la prestation du serment de citoyenneté pour des motifs d'intérêt public. Enfin, nul ne peut se voir attribuer la citoyenneté canadienne: s'il est sous le coup d'une ordonnance de probation ou de libération conditionnelle ou est détenu dans un établissement à cet effet; tant qu'il est inculpé pour une infraction commise au Canada ou à l'étranger; tant qu'il fait l'objet d'une enquête menée par le ministre de la Justice, de la GRC, du SCRS ou qu'il est coupable d'une infraction au Code criminel; s'il n'a pas obtenu l'autorisation d'être admis au Canada; et, enfin, aussi longtemps qu'il fait l'objet d'une mesure de renvoi.

N'étant mentionné dans aucun des articles relatifs au partage des pouvoirs, le mot «citoyenneté» entre-t-il dans le cercle de la compétence résiduelle fédérale? Doit-on rattacher la citoyenneté au paragraphe 91(25) de la Loi constitutionnelle de 1867? En 1960, le savant juge Rand écrivait qu'à l'époque de la Fédération, le Canada était un État mais que la citoyenneté se concevait en termes d'allégeance; on parlait de sujets, d'étrangers, d'aubains.

De nos jours, le statut de citoyen est à la fois complexe et important. Comme il n'est pas mentionné dans la Loi constitutionnelle de 1867, il fait donc partie de la compétence résiduelle du Parlement central.

Certaines dispositions du projet de loi C-16, par ailleurs, me semblent difficilement acceptables. Il s'agit de celles qui privent un individu de son droit d'en appeler d'une décision qui lui serait défavorable. C'est ainsi que les articles 22 et 27 du projet de loi C-16 prévoient expressément qu'il n'y a pas d'appel et que la décision est finale.

Le paragraphe 22(3) du projet de loi précise que le décret interdisant d'attribuer la citoyenneté ou la réintégration dans la citoyenneté n'est pas susceptible d'appel ni de contrôle judiciaire. Le refus repose essentiellement sur l'appréciation, par le gouverneur en conseil, de la notion de l'intérêt public.

Le paragraphe 27(3) du projet de loi énonce que la déclaration du gouverneur en conseil selon laquelle l'attribution ou la réintégration dans la citoyenneté porterait atteinte à la «sécurité nationale» n'est pas susceptible d'appel ni de contrôle judiciaire.

Je n'aime pas les clauses privatives. On empêche un individu de faire appel ou de recourir au système judiciaire afin de faire réviser une décision. À la rigueur, je pourrais comprendre que l'on puisse agir ainsi pour des motifs de sécurité nationale. Cela pourrait être considéré comme une limite raisonnable dans une société libre et démocratique.

La clause privative édictée au paragraphe 22(3) du projet de loi C-16, cependant, ne m'apparaît pas acceptable. La notion «d'intérêt public» est trop vague, trop imprécise. La Cour suprême du Canada a déclaré, dans l'arrêt R. c. Morales, que la notion «d'intérêt public» est imprécise au point d'être inconstitutionnelle. Il convient donc de dire un mot de cet arrêt.

L'arrêt R. c. Morales porte principalement sur l'alinéa 11e) de la Charte en relation avec les alinéas 515(10)b), 515(10)a) et 515(6)a) du Code criminel.

(1520)

Rappelons brièvement les faits dans cette affaire. Morales avait été arrêté et inculpé de trafic de drogue. Il était membre d'un important réseau d'importation de cocaïne au Canada. Sa mise en liberté fut refusée. Après une enquête pour cautionnement, Morales a demandé la révision de cette décision, et sa mise en liberté fut alors accordée sous certaines conditions.

L'alinéa 515(10)b) du Code criminel comprend deux motifs susceptibles de justifier la détention d'un prévenu avant le procès: premièrement, sa détention est nécessaire pour assurer sa présence devant le tribunal; et deuxièment, sa détention est nécessaire dans l'intérêt public ou pour la protection ou la sécurité du public. L'arrêt Morales porte sur le second motif, qui lui-même se subdivise en deux parties: l'intérêt public et la sécurité du public.

Selon le juge en chef Lamer, s'exprimant au nom de la Cour, le critère de «l'intérêt public» est incompatible avec l'alinéa 11e) de la Charte, car il autorise la détention d'un prévenu dans des termes vagues et imprécis. C'est son «défaut fatal». Il s'agit d'un cas d'application de la théorie de l'imprécision, et je cite le juge Lamer:

À mon avis, les principes de justice fondamentale ne permettent pas qu'une disposition autorisant l'incarcération laisse une large place à l'arbitraire. C'est d'autant plus vrai dans le contexte de la garantie constitutionnelle contre la privation de liberté sous caution sans juste cause qu'énonce l'alinéa 11e). Puisque la détention avant le procès est une mesure extraordinaire dans notre système de justice pénale, l'imprécision dans la définition des motifs la justifiant peut être encore plus injuste que l'imprécision dans la définition d'une infraction.

Une précision absolue n'est pas nécessaire, mais les termes «intérêt public» laissent une trop large place à l'arbitraire, selon le juge en chef Lamer. Il va même plus loin en affirmant:

Aucune interprétation judiciaire du terme «intérêt public» ne pourrait faire en sorte que cette disposition donne des indications susceptibles d'éclairer le débat judiciaire.

Ainsi, le critère de l'intérêt public à l'alinéa 515(10)b) du Code criminel est incompatible avec l'alinéa 11e) de la Charte canadienne des droits et libertés puisqu'il permet un refus de mise en liberté sans juste cause.

Cette violation ne se justifie pas dans le cadre de l'article 1 de la Charte. Même s'il n'est pas certain que le critère de «l'intérêt public» constitue une «règle de droit», les deux objectifs de l'alinéa 515(10)b) sont suffisamment importants pour justifier la violation de l'alinéa 11e) de la Charte. Mais l'alinéa 515(10)b) ne satisfait pas au critère de proportionnalité, car il n'y a pas de lien rationnel entre cet alinéa et les objectifs de la prévention du crime. De plus, ledit alinéa ne porte pas le moins possible atteinte à l'alinéa 11e) à cause de son imprécision et de sa portée excessive.

Je conclus que le critère de la «sécurité du public» est compatible avec l'alinéa 11e) de la Charte, selon la Cour suprême. Ce critère fournit une juste cause pour refuser la mise en liberté sous caution, conformément à l'alinéa 11e), selon le juge en chef Lamer. Pour revenir au projet de loi C-16 proprement dit, vous comprendrez, honorables sénateurs, que je ne suis pas d'accord avec l'emploi de la notion de l'intérêt public dans le projet de loi, parce qu'il est trop vague.

Il y a lieu de remarquer, par ailleurs, que les tribunaux pourront néanmoins décider d'intervenir malgré l'existence d'une clause privative en cas de violation grave des principes de justice naturelle au cours du processus menant à la décision de refuser la citoyenneté ou la réintégration dans celle-ci. C'est ce qu'enseigne la jurisprudence en matière de droit administratif.

Ne serait-ce que pour ce motif, le projet de loi C-16 mérite un examen attentif et minutieux. Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles me semble l'endroit tout désigné pour faire cet examen.

[Traduction]

L'honorable Anne C. Cools: Honorables sénateurs, je propose l'ajournement du débat.

Son Honneur le Président: L'honorable sénateur Cools, appuyée par l'honorable sénateur Chalifoux, propose que le débat soit ajourné jusqu'à la prochaine séance du Sénat.

L'honorable Dan Hays (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, à mon avis, le projet de loi devrait être renvoyé au comité. Madame le sénateur Finestone est prête à y renvoyer le projet de loi. Madame le sénateur Cools voudrait-elle faire une courte intervention?

Le sénateur Cools: Ce que j'ai à dire prendrait plus de cinq minutes.

L'honorable Marcel Prud'homme: Honorables sénateurs, j'ai l'intention de prendre la parole au sujet du projet de loi, moi aussi. J'ai oeuvré 35 ans dans le domaine de la citoyenneté.

Son Honneur le Président: Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix: D'accord.

(Sur la motion du sénateur Cools, le débat est ajourné.)

Les travaux du Sénat

L'honorable Dan Hays (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, je remarque qu'il est 15 h 27 et que nous sommes tenus d'ajourner à 15 h 30. Je demande le consentement des honorables sénateurs pour que nous passions à la motion d'ajournement et pour que tous les articles inscrits à l'ordre du jour ou au Feuilleton des avis qui n'ont pas été abordés soient reportés.

Son Honneur le Président: Est-ce d'accord, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

(Le Sénat s'ajourne à 14 heures demain.)


Haut de page