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Débats du Sénat (Hansard)

Débats du Sénat (hansard)

3e Session, 37e Législature,
Volume 141, Numéro 27

Le mardi 30 mars 2004
L'honorable Dan Hays, Président


 

LE SÉNAT

Le mardi 30 mars 2004

La séance est ouverte à 14 heures, le Président étant au fauteuil.

Prière.

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

L'HONORABLE GÉRALD-A. BEAUDOIN, O.C., C.R.
L'HONORABLE DOUGLAS ROCHE, O.C.

HOMMAGES À L'OCCASION DE LEUR RETRAITE

L'honorable Madeleine Plamondon: Honorables sénateurs, j'aimerais rendre hommage à deux sénateurs qui quitteront bientôt le Sénat du Canada: l'honorable sénateur Beaudoin et l'honorable sénateur Roche.

Sénateur Beaudoin, je ne reprendrai pas le parcours professionnel extraordinaire évoqué si éloquemment hier dans les hommages de mes collègues, qui vous ont connu plus longtemps que moi. Toutefois, bien que je ne sois au Sénat que depuis six mois, je m'en voudrais de ne pas vous témoigner mon admiration. Chacune de vos interventions accroche l'attention, particulièrement en ce qui a trait aux affaires constitutionnelles. Vos explications sont claires, impartiales et commandent le respect.

J'aurais aimé vous connaître plus longtemps et avoir pu discuter, en particulier, du fragile équilibre entre les droits collectifs et les droits individuels.

Je garderai de vous le souvenir d'un homme accueillant, souriant et consciencieux. Espérons que le Sénat fera appel à votre expertise et à votre crédibilité quand viendra le temps de rédiger un code d'éthique pour les sénateurs.

[Traduction]

Le sénateur Roche était non seulement mon voisin à mon arrivée au Sénat, mais nous étions aussi voisins dans cette enceinte. Sénateur Roche, la première chose qui m'a frappée à votre sujet, c'est votre profond engagement à l'égard de la paix. En ce qui vous concerne, la formule «que vous serviez toujours mieux la cause de la paix», extraite de la prière que les honorables sénateurs récitent avant chaque séance, n'est pas une simple formalité. Elle illustre une foi qui alimente chaque jour de votre existence. Vous songez à la paix, vous écrivez au sujet de la paix et vos discours, au Sénat et à l'extérieur de son enceinte, portent sur la paix. Vous rejoignez tout le monde. Même un chauffeur de taxi qui m'a conduite à la gare m'a affirmé que vous êtes le meilleur porte-parole pour la paix. Il avait lu vos livres, notamment le dernier qui s'intitule Bread Not Bombs. Vous êtes un homme intègre et votre vote est toujours le fruit d'une sérieuse réflexion et reflète votre esprit de tolérance et de justice. Sénateur Roche, vous me manquerez.

LES CHAMPIONS DE HOCKEY UNIVERSITAIRE

FÉLICITATIONS AUX X-MEN DE L'UNIVERSITÉ ST. FRANCIS XAVIER

L'honorable B. Alasdair Graham: Les honorables sénateurs se rappellent sans doute que, la semaine dernière, j'ai rendu hommage aux Ravens de l'Université Carleton qui avaient remporté une éclatante victoire contre les X-Men de l'Université St. Francis Xavier, dans le cadre du championnat canadien de basket-ball universitaire. Je suis certain qu'on me pardonnera de revenir à la scène athlétique intercollégiale aujourd'hui, pour féliciter l'équipe de hockey de l'Université St. Francis Xavier de son emballante victoire au compte de 3-2, en deuxième période supplémentaire à but unique, contre les coriaces joueurs des Reds de l'Université du Nouveau-Brunswick, dimanche dernier. Cette victoire a permis aux X-Men de remporter, pour la première fois de leur histoire, le championnat canadien de hockey universitaire. Pour tous les chanceux qui ont pu assister à la partie, je dois dire qu'elle a été enlevante du début à la fin et qu'elle s'est avérée un nouveau triomphe pour les organisateurs de la ligue athlétique universitaire, particulièrement pour les bénévoles à Fredericton et surtout pour les représentants du comité hôte de l'Université du Nouveau-Brunswick.

J'offre encore une fois nos félicitations à Danny Flynn, entraîneur principal de l'Université St. Francis Xavier et à tous les joueurs de l'équipe gagnante ainsi qu'à ceux des Varsity Reds de l'Université du Nouveau-Brunswick qui ont remporté la médaille d'argent et à ceux des Tigers de l'Université Dalhousie qui ont décroché la médaille de bronze. Nous saluons également le grand mérite de toutes les équipes participantes, en commençant par les grands favoris, en l'occurrence les Golden Bears de l'Université de l'Alberta, les Gee-Gees de l'Université d'Ottawa et les Lions de l'Université York.

Étant donné que je m'intéresse depuis toujours au sport universitaire, j'ai souvent pensé à l'esprit d'excellence qui motive les gens merveilleux qui se dévouent à l'enseignement et qui entraînent nos jeunes à viser plus haut, à fixer leurs yeux sur un rêve à patiner plus vite et plus fort, à rejeter la médiocrité; à comprendre que le véritable concours est toujours entre ce qu'un athlète fait et ce dont il est capable, à toujours faire un petit peu plus que ce qu'on pense possible, à déployer ce petit effort de plus pour aller au-delà de ses limites, à se sacrifier, à s'entraîner et à aimer le sport pour l'amour du sport. Ces gens remarquables sont dévoués aux mots les plus simples et les plus beaux de notre langue: plus vite, plus haut, plus fort — citius, altius, fortius — soit la devise des Jeux olympiques et des merveilleux athlètes de toutes les régions du monde.

LES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

LE PROCHE-ORIENT—L'ESCALADE DE LA VIOLENCE—LA POSITION DU GOUVERNEMENT

L'honorable David Tkachuk: Honorables sénateurs, mes observations font suite à la récente escalade de la violence dans l'État d'Israël. Mes observations concernent la mort du cheikh Ahmed Yassine de l'organisation terroriste Hamas, dont l'objectif est de «récupérer les terres arabes du fleuve jusqu'à la mer». Sur le plan géographique, cela signifie la capture des terres allant du Jourdain, dans le nord d'Israël, jusqu'à la mer Méditerranée, qui borde la partie ouest d'Israël, en traversant tout l'État d'Israël.

En réponse à la nouvelle de la mort de Yassine, le ministre canadien des Affaires étrangères, M. Bill Graham, a déclaré qu'il déplorait l'assassinat. Dans l'édition du 24 mars du Calgary Herald, il aurait dit que cet assassinat était «contraire aux obligations légales d'Israël». À la même occasion, le premier ministre Paul Martin aurait dit:

Les Israéliens ont tout à fait le droit et la responsabilité de se défendre, et c'est ce qui s'est produit...

Il parlait alors de la mort du cheikh Ahmed Yassine.

... mais en même temps, on peut se demander si cela va conduire à la paix et je pense que c'est ce qu'on devra décider.

Qui, selon le premier ministre, devra décider de cela?

Ce qui m'inquiète beaucoup, c'est que nous commençons à constater l'adoption régulière de positions équivoques. Je ne vois pas comment une position équivoque est bonne pour les Canadiens, alors que nous sommes témoins de l'escalade de la violence et de l'augmentation du nombre de morts des deux côtés, dans le cadre de cette guerre. Lorsqu'un ministre du Canada laisse entendre qu'Israël n'a pas respecté ses obligations, je soutiens que le gouvernement n'est pas loin d'approuver les actes terroristes. Lorsque nos médias qualifient le cheikh Yassine de leader spirituel, je ne suis pas d'accord. À mon avis, cela ne fait qu'attiser le terrorisme. Le «spiritualisme» du cheikh Yassine serait considéré comme un blasphème selon les normes du christianisme que j'observe, et j'affirmerais que la foi et les valeurs des autres religions au Canada ne permettraient jamais d'approuver les actes d'extermination qui forment le mandat du Hamas que dirigeait Yassine.

(1410)

Aux actualités diffusées dimanche dernier, le nouveau leader du Hamas, Abdel Aziz Rantisi, qualifiait le président Bush d'ennemi de tous les musulmans et affirmait que Dieu avait déclaré la guerre aux Américains. Je partage le sentiment du ministre Graham et déplore ce genre de tactiques alarmistes utilisées non seulement dans les médias, mais partout dans le monde. J'aimerais bien savoir ce qu'en pense le premier ministre.

Honorables sénateurs, je sais que nombreux sont ceux qui ont posé cette question. Je joins ma voix à la leur. Qui a lancé cette forme de violence terroriste? Combien de temps attendrons-nous encore avant de déclarer que le terrorisme est inacceptable? La guerre israélo-palestinienne est plus qu'un simple conflit pour du territoire. Il s'agit d'une guerre entre l'avenir d'une société civile et un avenir où la société civile n'as pas de place.

Le jeudi 25 mars, les États-Unis ont opposé leur veto à une résolution du Conseil de sécurité condamnant Israël pour l'assassinat du leader du Hamas, le cheikh Yassine. Même si les Nations Unies condamnaient clairement l'implication d'Israël dans le meurtre de Yassine, elles condamnent tout autant les actes terroristes et les gestes précédents du Hamas qui n'étaient pas mentionnés dans la résolution. Parmi les pays en faveur de la résolution, mentionnons la Chine, la France, la Russie et le Pakistan. La Grande-Bretagne, l'Allemagne et la Roumanie se sont abstenues de voter.

Honorables sénateurs, je dirai en terminant que, comme le premier ministre Martin, je crois qu'Israël a le droit de défendre sa souveraineté. Malheureusement, M. Martin n'est pas certain de croire lui-même à cette idée.

L'HONORABLE B. ALASDAIR GRAHAM

HOMMAGE À L'OCCASION DE SA RETRAITE

L'honorable Norman K. Atkins: Honorables sénateurs, j'aimerais, moi aussi, féliciter l'Université St. Francis Xavier qui a remporté la victoire contre l'université du Nouveau-Brunswick le week-end dernier.

La semaine dernière, je n'ai pas pu rendre hommage à mon ami, le sénateur Alasdair Graham, puisque j'étais en voyage avec le Comité permanent de la sécurité nationale et de la défense. Cependant, je profite de cette occasion pour ajouter ma voix à celle des autres.

Certaines qualités de ceux qui servent leur communauté, leur province et leur pays s'appliquent d'emblée au sénateur Graham. Il s'agit de l'amitié, du respect des principes, de la loyauté et de l'engagement. Ce sont des caractéristiques très importantes à mes yeux.

Le sénateur Graham a participé à la vie publique presque toute sa vie. Il incarne l'idéal, la norme du comportement d'un Canadien attentif aux autres. Il est sensible, plein de compassion, dévoué et animé par des principes les plus louables. Il est déterminé à servir son pays, sa collectivité et son parti tout en sauvegardant ses relations personnelles avec ses amis, car il comprend que leurs engagements sont aussi importants. Je ne me souviens d'aucune occasion où le sénateur Graham aurait refusé de relever le défi lorsqu'on lui demandait de servir, quelle que fut la difficulté de la tâche.

En prenant sa retraite, le sénateur Graham met fin à une carrière spectaculaire en politique, mais il ne met certes pas fin à son travail. Son énergie inépuisable lui rendra certainement service dans toutes ses autres entreprises, qu'il s'agisse de travail bénévole à l'Université St. Francis Xavier ou de divers autres projets dans sa collectivité, au pays, ou même sur la scène internationale. Il poursuivra sans doute sa carrière de hockeyeur et trouvera du temps pour continuer à faire de longues randonnées en patins sur le canal Rideau, du moins c'est ce qu'on lui souhaite.

Alasdair est un père et un grand-père fier et dévoué, et ses enfants et petits-enfants ont eu le bonheur de profiter de ses conseils et de sa compréhension. Ils auront maintenant le privilège de passer plus de temps en sa compagnie.

J'offre mes meilleurs voeux à Alasdair et à sa famille et je lui souhaite la meilleure santé possible et le plus grand bonheur pour de nombreuses années.


AFFAIRES COURANTES

LA DÉLÉGATION DU SÉNAT AU ROYAUME-UNI

DÉPÔT DU RAPPORT

L'honorable Dan Hays: Honorables sénateurs, je demande l'autorisation de déposer un rapport concernant les travaux d'une délégation qui s'est rendue au Royaume-Uni, en particulier à la Chambre des lords, délégation que j'ai dirigée et dont les sénateurs Graham et Atkins faisaient partie.

Son Honneur la Présidente intérimaire: La permission est-elle accordée?

Des voix: D'accord.

LA DÉLÉGATION DU SÉNAT EN SLOVÉNIE

DÉPÔT DU RAPPORT

L'honorable Dan Hays: Honorables sénateurs, avec la permission du Sénat, j'ai l'honneur de déposer le rapport de la délégation que j'ai dirigée en Slovénie, dont faisaient partie les sénateurs Kenny et Robertson, qui rend compte des travaux de la délégation en Slovénie.

Son Honneur la Présidente intérimaire: La permission est-elle accordée?

Des voix: D'accord.

LA DÉLÉGATION DU SÉNAT EN ALLEMAGNE

DÉPÔT DU RAPPORT

L'honorable Dan Hays: Honorables sénateurs, avec la permission du Sénat, j'ai l'honneur de déposer le rapport sur les travaux effectués par une délégation que j'ai dirigée et dont faisaient partie les sénateurs Kenny et Robertson, qui s'est rendue en Allemagne, en particulier au Bundesrat de ce pays.

Son Honneur la Présidente intérimaire: La permission est-elle accordée?

Des voix: D'accord.

LA VÉRIFICATRICE GÉNÉRALE

DÉPÔT DU RAPPORT

L'honorable Bill Rompkey (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de mars 2004 de la vérificatrice générale du Canada à la Chambre des communes.

PROJET DE LOI DE CRÉDITS NO 1 POUR 2004-2005

RAPPORT DU COMITÉ

L'honorable Lowell Murray, président du Comité sénatorial permanent des finances nationales, présente le rapport suivant:

Le mardi 30 mars 2004

Le Comité sénatorial permanent des finances nationales a l'honneur de présenter son

SEPTIÈME RAPPORT

Votre Comité, auquel a été déféré le projet de loi C-27, Loi portant octroi à Sa Majesté de crédits pour l'administration publique fédérale pendant l'exercice se terminant le 31 mars 2005, a, conformément à l'ordre de renvoi du jeudi 25 mars 2004, étudié ledit projet de loi et en fait maintenant rapport sans amendement.

Respectueusement soumis,

Le président,

LOWELL MURRAY

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand ce projet de loi sera-t-il lu pour la troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Day, avec la permission du Sénat et nonobstant l'alinéa 58(1)b) du Règlement, l'étude du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la séance d'aujourd'hui.)

L'ÉTUDE SUR LA NÉCESSITÉ D'UNE POLITIQUE NATIONALE DE SÉCURITÉ

DÉPÔT DU RAPPORT DU COMITÉ DE LA SÉCURITÉ NATIONALE ET DE LA DÉFENSE

L'honorable Colin Kenny: Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer le troisième rapport du Comité sénatorial permanent de la sécurité et de la défense, qui traite de la politique nationale de la sécurité au Canada.

Je demande que l'étude de ce rapport soit inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance du Sénat.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand étudierons-nous ce rapport?

(Sur la motion du sénateur Kenny, l'étude du rapport est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance du Sénat.)

LES TRAVAUX DU SÉNAT

ADOPTION DE LA MOTION D'AJOURNEMENT

L'honorable Bill Rompkey (leader adjoint du gouvernement): Avec la permission du Sénat et nonobstant l'alinéa 58(1)i) du Règlement, je propose:

Que, nonobstant l'ordre adopté par le Sénat le 23 février 2004, lorsque le Sénat siégera demain, le mercredi 31 mars 2004, il s'ajourne une fois terminées les procédures de la sanction royale;

Que, si un vote est différé aujourd'hui jusqu'à 17 h 30 demain, le vote ait lieu immédiatement après la sanction royale, lorsque le timbre se sera fait entendre pendant quinze minutes, après quoi le Sénat s'ajournera.

Son Honneur le Président: La permission est-elle accordée, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

(La motion est adoptée.)

(1420)

L'AVANCEMENT DES MINORITÉS VISIBLES DANS LA FONCTION PUBLIQUE

AVIS D'INTERPELLATION

L'honorable Donald H. Oliver: Honorables sénateurs, je donne avis que, conformément à l'article 57(2) du Règlement le jeudi 1er avril 2004:

J'attirerai l'attention du Sénat sur les obstacles qui nuisent à l'avancement des minorités visibles dans la fonction publique du Canada.


PÉRIODE DES QUESTIONS

LES TRANSPORTS

LES ÉTATS-UNIS—LE SYSTÈME DE PRÉINSPECTION DES VOYAGEURS AÉRIENS

L'honorable A. Raynell Andreychuk: Honorables sénateurs, les Canadiens qui s'envolent à destination des États-Unis devront fournir leurs informations personnelles, y compris l'adresse de leur domicile et leur itinéraire de voyage, voire leur date de naissance, à un nouveau programme d'inspection informatique. Les informations seront versées dans des bases de données et vérifiées par recoupement avec les dossiers publics et les banques de données commerciales, comme les listes de consommateurs.

Le gouvernement américain a dit que ce nouveau système — connu sous le nom de Computer Assisted Passenger Pre-Screening System, ou CAPPS II — attribuera ensuite à chacun des voyageurs un numéro ainsi qu'un code de couleur sur le risque qu'il présente pour la sécurité.

L'Union européenne a annoncé qu'elle s'oppose à ce que ses ressortissants aient à fournir leurs données personnelles pour des motifs de protection des renseignements personnels.

Ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. Le gouvernement fédéral se préoccupe-t-il des questions liées à la protection des renseignements personnels et à la discrimination que soulève l'utilisation d'un tel système? Dans l'affirmative, avons-nous communiqué nos préoccupations aux États-Unis et, dans l'affirmative, comment?

L'honorable Jack Austin (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je prends note de la question.

Le sénateur Andreychuk: Comme le sénateur prend note de la question, je voudrais également savoir si le gouvernement canadien fournira ces informations, alors qu'il semble que les lignes aériennes commerciales et les citoyens américains, qui ont communiqué leurs préoccupations au Congrès, n'ont pas encore donné le feu vert au système CAPPS II. Autrement dit, allons-nous fournir les informations lors même que les Américains ne les fournissent pas?

Le sénateur Austin: Je vais vérifier et j'espère pouvoir vous répondre sous peu.

LE SOLLICITEUR GÉNÉRAL

LE RAPPORT DE LA VÉRIFICATRICE GÉNÉRALE—LE SERVICE INTÉGRÉ CANADIEN DU RENSEIGNEMENT DE SÉCURITÉ—LE CENTRE INTÉGRÉ D'ÉVALUATION DE LA SÉCURITÉ NATIONALE—LA PARTICIPATION D'ORGANISMES

L'honorable Michael A. Meighen: Honorables sénateurs, dans son plus récent rapport, la vérificatrice générale déclare que, dans le cadre de la lutte actuelle et cruciale contre le terrorisme, il est absolument indispensable de coordonner les efforts des organismes concernés pour assurer leur efficacité d'ensemble. Elle note également que, dans le cadre de cet effort, l'an dernier, le SCRS a créé le Centre intégré d'évaluation de la sécurité nationale, ou CIESN. Or, sur les dix organismes invités à envoyer un représentant au centre, quatre ont décliné l'invitation, soit le ministère des Affaires étrangères, Citoyenneté et Immigration, le solliciteur général et le Bureau du Conseil privé. La vérificatrice générale elle-même conclut que le centre sera moins efficace sans la participation de ces organisations.

Le leader du gouvernement au Sénat peut-il nous dire quelles mesures sont prises pour assurer la participation de ces organismes gouvernementaux et de ces ministères aux activités du centre? Si, à Dieu ne plaise, aucune mesure n'a encore été prise, pourquoi est-ce le cas?

L'honorable Jack Austin (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, la vérificatrice générale a déposé son rapport à 14 heures aujourd'hui. Je félicite le sénateur Meighen d'avoir déjà de l'information sur le contenu de ce rapport. Malheureusement, je n'ai pas encore reçu d'information à ce sujet et je ne puis donc répondre à la question pour l'instant.

Le sénateur Meighen: Honorables sénateurs, étant donné que le CIESN a été créé au début de 2003, le leader du gouvernement au Sénat a sûrement déjà eu le temps de s'informer des raisons pour lesquelles quatre organismes ont refusé de participer.

Je rappelle que la vérificatrice générale a exprimé aujourd'hui sa surprise, et peut-être aussi son désarroi, devant le refus de quatre importants organismes ou ministères de collaborer avec le CIESN.

En outre, lorsque le ministre s'informera des faits, pourrait-il également chercher à savoir pourquoi, au moment où la vérificatrice générale dépose son rapport, le CIESN n'a toujours pas de mandat? Pourquoi met-on aussi longtemps à donner un mandat en bonne et due forme à cette organisation?

La réponse est peut-être là: l'organisation n'ayant pas de mandat, il est difficile pour certains organismes de voir pourquoi ils participeraient à ses activités.

Le sénateur Austin: Honorables sénateurs, les questions du sénateur Meighen sont fondées sur le rapport de la vérificatrice générale et ses opinions. Je n'ai pas encore eu le temps d'en prendre connaissance.

L'honorable Terry Stratton: Honorables sénateurs, pour quand pouvons-nous attendre les réponses à ces questions?

Le sénateur Austin: Le plus tôt possible.

Le sénateur Stratton: Honorables sénateurs, si le leader lit le rapport aujourd'hui, pouvons-nous espérer obtenir les réponses demain?

Le sénateur Austin: Je ne puis vous donner de réponse précise à ce sujet.

Le sénateur Stratton: Et pourquoi cela?

Le sénateur Austin: Je ne puis dire quand l'information me sera communiquée.

LE RAPPORT DE LA VÉRIFICATRICE GÉNÉRALE—LE 11 SEPTEMBRE 2001—RENCONTRE INTERMINISTÉRIELLE SUR LA SÉCURITÉ ET LE RENSEIGNEMENT—LA PRÉSENCE D'ORGANISMES CONCERNÉS

L'honorable J. Michael Forrestall: Honorables sénateurs, si le sénateur Meighen a pu présenter des renseignements que la vérificatrice générale a jugés assez importants pour nous les signaler, je trouve fort étrange que le leader du gouvernement au Sénat n'ait pas eu droit au moins à une séance d'information organisée par ses collaborateurs. Pour ma part, j'ai pu trouver des renseignements et j'ai même une ou deux questions à poser découlant du rapport qui vient d'être déposé.

Il y a eu ce matin des séances d'information auxquelles pouvaient participer tous les parlementaires, sénateurs et députés. Nous savons quelle direction nous allons prendre jeudi, et le sénateur Austin le sait aussi. Nous allons rentrer chez nous pour préparer des élections générales. Il n'aura donc pas à répondre à ces questions.

Honorables sénateurs, dans son dernier rapport, la vérificatrice générale signale que le gouvernement dans son ensemble n'a pas su évaluer correctement les enseignements tirés des attentats terroristes perpétrés aux États-Unis le 11 septembre 2001. La plupart d'entre nous trouvent ce constat pour le moins renversant.

Le plus consternant, cependant, parmi ses constatations, c'est que lorsque le Comité interministériel de la sécurité et des renseignements a proposé une réunion des chefs d'organismes pour discuter de la riposte aux attentats du 11 septembre, les chefs de la GRC, du SCRS et de Finances Canada ne se sont pas présentés.

Le leader du gouvernement au Sénat pourrait-il expliquer pourquoi les chefs de ces organismes ou ministères, y compris celui qui était aux commandes de Finances Canada à l'époque et qui occupe maintenant le poste de premier ministre, n'ont pas veillé à ce que ces organismes soient correctement représentés à une réunion de cette importance?

L'honorable Jack Austin (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, j'ai déjà répondu à cette question en disant au sénateur Meighen que je n'ai pas encore eu de séance d'information. Il y a peut-être eu une séance préliminaire ce matin, mais j'étais pris par d'autres fonctions gouvernementales et je n'ai pas eu le loisir de me faire informer.

(1430)

L'honorable Terry Stratton: Honorables sénateurs, lorsque nous posions des questions à l'ancien leader au Sénat, madame le sénateur Carstairs, immédiatement après le dépôt du rapport de la vérificatrice générale, pourquoi était-elle si bien préparée à répondre à nos questions alors que mon honorable collègue ne l'est pas?

Le sénateur Austin: Honorables sénateurs, en bref, parce que l'honorable sénateur aime les réponses brèves, je n'en ai pas la moindre idée.

Le sénateur Forrestall: Honorables sénateurs, je me demande à quoi rime cette discussion.

En ce qui concerne la réunion que je viens de décrire, la vérificatrice générale a signalé qu'un document de travail de quatre pages avait été remis et que c'était la seule analyse menée à l'échelle gouvernementale à la suite des attaques du 11 septembre. Aucun compte rendu de la réunion n'a été conservé, et elle n'a mené à aucun plan d'action ni suivi.

Le leader du gouvernement peut-il expliquer pourquoi, en réaction à un événement qui a changé toute la perspective mondiale en matière de sécurité nationale, le gouvernement libéral s'est soucié de produire un document de travail de quatre pages qui n'a abouti à aucun enseignement formel ni à aucun plan de suivi?

Pendant qu'il y est, pourrait-il indiquer à la Chambre si un ancien membre de l'équipe de protection des dignitaires de la Gendarmerie royale du Canada, M. Richard Flynn, de Mississauga, un agent de la GRC à la retraite, était en fait un employé régulier ou contractuel du gouvernement du Canada?

Le sénateur Austin: Honorables sénateurs, j'obtiendrai ces renseignements, que je transmettrai au sénateur Forrestall lorsque je les aurai.

LA SANTÉ

LE RAPPORT DE LA VÉRIFICATRICE GÉNÉRALE—LE PROGRAMME DES MATÉRIELS MÉDICAUX

L'honorable Marjory LeBreton: Honorables sénateurs, j'ai le regret de dire au leader du gouvernement au Sénat que j'ai aussi une question à propos du rapport de la vérificatrice générale. La vérificatrice générale faisant si souvent l'objet des manchettes, on serait porté à croire que lorsqu'elle présente un rapport, quelqu'un s'occupera d'informer le leader du gouvernement de ce qu'elle a dit, même s'il est occupé.

Ma question porte sur un sujet concernant la santé. Le rapport de la vérificatrice générale révèle l'existence de graves problèmes dans le Programme des matériels médicaux de Santé Canada, qui réglemente tout, des appareils IRM aux systèmes d'imagerie ultrasonique en passant par les stimulateurs cardiaques et les défibrillateurs. La vérificatrice générale conclut que le programme n'est pas viable sous sa forme actuelle et qu'il faut le doter de ressources financières et humaines supplémentaires ou entièrement le remanier.

Elle mentionne que, en 1992, un comité d'examen des matériels médicaux avait conclu que Santé Canada ne disposait pas de ressources suffisantes et en avait recommandé l'augmentation. Depuis, les compressions budgétaires et des difficultés dans l'établissement des droits à percevoir ont fait que le financement du programme est actuellement inférieur à ce qu'il était en 1992.

Pourquoi le gouvernement n'a-t-il pas suivi les recommandations faites par le comité il y a deux ans et pourquoi a-t-il permis que ce programme soit si sérieusement sous-financé et sous-équipé?

L'honorable Jack Austin (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je ne peux pas répondre aux questions concernant le rapport de la vérificatrice générale qui a été déposé aujourd'hui à 14 heures, car je n'ai pas eu le temps de me renseigner à ce sujet. Toutefois, je prendrai note de toutes ces questions et je tenterai d'y trouver des réponses à moins que, peut-être, nous n'organisions un débat sur le rapport de la vérificatrice générale, si l'opposition veut en faire le sujet d'une interpellation.

Le sénateur LeBreton: Honorables sénateurs, j'ai une question complémentaire pour le ministre, sur laquelle il pourra réfléchir en prenant connaissance du rapport

Le budget présenté plus tôt ce mois-ci prévoit très peu de fonds nouveaux pour la santé. Le premier ministre a dit la semaine dernière que des sommes supplémentaires seraient mises à la disposition des provinces après la rencontre de cet été, à la condition qu'elles soient liées à l'amélioration des processus d'ensemble du système. Comme l'a fait remarquer la vérificatrice générale, le Programme des matériels médicaux est clairement un exemple de programme dans lequel on doit investir davantage ou que l'on doit remanier afin d'en assurer le meilleur fonctionnement avec des ressources moindres. La viabilité de ce programme sera-t-elle à l'ordre du jour de la rencontre des premiers ministres sur le financement de la santé prévue pour cet été?

Le sénateur Austin: En ce qui concerne l'ordre du jour de la rencontre des premiers ministres qui aura lieu en juillet, je saisirai certainement le ministre de la Santé de cette question.

Quant à la prémisse de la question, le gouvernement a transféré ou est sur le point de transférer aux provinces 2 milliards de dollars à titre d'aide ponctuelle. Le gouvernement investit 665 millions de dollars dans une nouvelle agence de santé publique. Ce sont là des transferts de fonds importants dans le secteur de la santé.

Comme le savent les sénateurs, le premier ministre a dit qu'en fonction de ses discussions avec ses homologues provinciaux, le gouvernement fédéral était prêt à fournir des fonds supplémentaires au titre de la santé, selon certains critères dont les premiers ministres discuteront.

[Français]

LA JUSTICE

LE RENOUVELLEMENT DU PROGRAMME DE CONTESTATION JUDICIAIRE

L'honorable Jean-Robert Gauthier: Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat et traite du Programme de contestation judiciaire.

Le programme a été lancé en 1978 et a pour objectif d'appuyer financièrement les recours en justice qui ont une importance nationale pour les personnes et les groupes qui cherchent à affirmer et à défendre les dispositions constitutionnelles relatives aux droits à l'égalité — article 15 — et aux droits linguistiques — articles 16 à 23 — de la Charte canadienne des droits et libertés.

On se souviendra que le Programme de contestation judiciaire, d'une durée de cinq ans, prenait fin le 31 mars 2003. Afin d'examiner le programme et d'évaluer sa pertinence, le gouvernement l'a prolongé d'un an, c'est-à-dire jusqu'au 31 mars 2004. Le gouvernement a-t-il consulté les communautés de langues officielles dans l'évaluation de la pertinence de son renouvellement? Dans l'affirmative, le gouvernement devra-t-il mettre fin au programme ou encore le renouveler pour cinq ans?

[Traduction]

L'honorable Jack Austin (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, le Programme de contestation judiciaire est l'un des meilleurs programmes du gouvernement du Canada. Il fournit un financement aux causes types de portée nationale visant à clarifier les droits des collectivités de langue officielle minoritaire et les droits à l'égalité des groupes historiquement désavantagés.

Le ministère du Patrimoine canadien a décidé de reconduire l'entente actuelle de trois mois à partir du 31 mars 2004, afin de finaliser certains détails techniques touchant les documents nécessaires à l'examen du programme. Le gouvernement a l'intention de renouveler le Programme de contestation judiciaire pour une autre période de cinq ans, jusqu'en mars 2009.

LA VÉRIFICATRICE GÉNÉRALE

LA COMMUNICATION POSSIBLE DE RENSEIGNEMENTS AUX MÉDIAS SUR LE RAPPORT—LES OBSERVATIONS SUR LA SÉCURITÉ AÉROPORTUAIRE

L'honorable Pierrette Ringuette: Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader au Sénat. Je vais comprendre s'il prend la question comme s'il s'agissait d'un avis. C'est au sujet du rapport de la vérificatrice générale, que nous avons reçu il y a environ 15 minutes.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, on peut poser des questions aux ministres, au leader du gouvernement et aux présidents des comités. Mais le Règlement ne permet pas d'adresser une question au leader adjoint du gouvernement.

Le sénateur Ringuette: Je me suis trompée. Cette question s'adresse au leader du gouvernement.

À neuf heures ce matin, il y avait une séance d'information à huis clos pour les parlementaires au sujet de ce rapport. Nous avons reçu ce rapport il y a 15 minutes. J'aimerais déposer au Sénat un article tiré du Toronto Star et rédigé par M. James Travers, un journaliste très professionnel.

(1440)

Il écrit:

... Non seulement madame Fraser mettra-t-elle en doute l'efficacité du dispositif canadien de collecte de l'information, mais elle révèlera aujourd'hui que les aéroports de notre pays ne sont pas sûrs et que les passeports y font l'objet de contrôles dangereusement déficients.

Pour qu'un article ait pu paraître dans le Toronto Star de ce matin, il fallait qu'il ait été remis avant minuit hier soir. Comment les médias ont-ils pu prendre connaissance du contenu de ce rapport avant l'embargo et avant que le rapport n'ait été présenté au Sénat? A-t-il fait l'objet d'une fuite? Dans l'affirmative, d'où émane celle-ci? Il importe de trouver s'il y a eu fuite et d'où elle émane, car nous pourrions être en présence d'un outrage au Parlement — ce qui, à mes yeux de parlementaire, est une infraction grave. Nous devons faire enquête à ce sujet.

Ma deuxième question se rapporte au même rapport et à l'article dont je viens de citer un extrait. L'article se poursuit ainsi:

... elle révèlera aujourd'hui que les aéroports de notre pays ne sont pas sûrs et que les passeports y font l'objet de contrôles dangereusement déficients.

J'aimerais savoir à quelle expertise s'est livrée la vérificatrice générale pour parvenir à cette conclusion.

L'honorable Jack Austin (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, qui sait comment se produisent les fuites dans les médias? Il serait plus facile de spéculer sur la raison pour laquelle elles surviennent. Je ne suis pas en mesure de répondre à la question de savoir comment l'information a été communiquée au Toronto Star.

Nous devrions vérifier l'exactitude du reportage au regard du rapport de la vérificatrice générale afin de voir dans quelle mesure le rapport s'y retrouve. Comme le sait le sénateur Ringuette, il n'est pas possible de présenter un document durant la période des questions.

En ce qui concerne la sécurité des aéroports, notre propre comité a fait de l'excellent travail lorsqu'il a examiné cette question. Je pense que nous pouvons affirmer avoir fait une contribution marquante à l'ensemble de la question dont sont aujourd'hui conscients le gouvernement aussi bien que le public en général.

Il est toujours difficile de fonctionner dans une société ouverte et transparente tout en tenant compte de nos traditions démocratiques et d'essayer en même temps de ne pas communiquer des renseignements qui pourraient servir à des gens qui voudraient déjouer la sécurité de nos aéroports, de nos ports et d'autres institutions.

C'est un difficile équilibre. Nous cherchons toujours à trouver l'équilibre dans toutes les mesures que nous adoptons.

QUESTIONS AU FEUILLETON

DEMANDE DE RÉPONSES

L'honorable Bill Rompkey (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, hier, le sénateur Lynch-Staunton a attiré mon attention sur des questions inscrites à son nom au Feuilleton depuis un certain temps. Je m'étais engagé à accélérer le processus de réponse si je le pouvais. J'aimerais donc lui faire savoir que je n'aurai peut-être pas de réponse demain, mais que je les aurai certainement vendredi.


ORDRE DU JOUR

LES TRAVAUX DU SÉNAT

L'honorable Bill Rompkey (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, je demande que les affaires du gouvernement soient présentées dans l'ordre suivant: tout d'abord le projet de loi C-4 sur l'éthique, puis le projet de loi C-27 sur le Budget principal des dépenses, puis le projet de loi C-16, le registre des délinquants sexuels.

LA LOI SUR LE PARLEMENT DU CANADA

PROJET DE LOI MODIFICATIF—TROISIÈME LECTURE

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Austin, C.P., appuyée par l'honorable sénateur Rompkey, C.P., tendant à la troisième lecture du projet de loi C-4, Loi modifiant la Loi sur le Parlement du Canada (conseiller sénatorial en éthique et commissaire à l'éthique) et certaines lois en conséquence;

Et sur la motion d'amendement de l'honorable sénateur Bryden, appuyée par l'honorable sénateur Sparrow, que le projet de loi ne soit pas maintenant lu pour la troisième fois, mais qu'il soit modifié:

a) à la page 1, dans la version anglaise, par substitution du titre intégral par ce qui suit:

«An Act to amend the Parliament of Canada Act (Ethics Commissioner and Senate Ethics Counsellor) and other Acts in consequence»;

b) à l'article 2:

(i) à la page 1, par substitution, aux lignes 8 à 25, de ce qui suit:

« 20.1 (1) Sous réserve du paragraphe (2), le Sénat nomme le conseiller sénatorial en éthique par résolution et avec le consentement du chef de chacun des partis reconnus au Sénat.

(2) En cas de vacance du poste de conseiller sénatorial en éthique pour une période de 30 jours de séance, le Sénat nomme le conseiller sénatorial en éthique par résolution, après consultation du chef de chacun des partis reconnus au Sénat.

20.2 Le conseiller est membre en règle du barreau d'une province ou de la Chambre des notaires du Québec.

20.3 (1) Le conseiller exerce ses fonctions à titre inamovible pour un mandat de sept ans, sauf révocation motivée par résolution du Sénat, avec le consentement des chefs des partis reconnus au Sénat.

(2) Le mandat du conseiller est renouvelable pour des périodes d'au plus sept ans chacune.»,

(ii) à la page 2, par suppression des lignes 1 à 33,

(iii) à la page 3:

(A) par suppression des lignes 1 à 9,

(B) par substitution, aux lignes 10 à 13, de ce qui suit:

« 20.4 (1) Le conseiller aide les sénateurs en leur offrant, à titre confidentiel, des avis sur le code de déontologie qu'adopte le Sénat pour ses membres, et s'acquitte des fonctions que celui-ci lui confère.»,

(C) par substitution, à la ligne 33, de ce qui suit:

« 20.5 (1) Le conseiller et les personnes»,

(iv) à la page 4, par suppression des lignes 12 à 19,

(v) dans la version anglaise, par remplacement du terme «Senate Ethics Officer» par «Senate Ethics Counsellor»;

c) à l'article 4, à la page 7, par substitution, à la ligne 8, de ce qui suit:

« 72.06 Pour l'application des articles 20.4,»;

d) à l'article 6, à la page 11, par substitution, à la ligne 31, de ce qui suit:

«d) le»;

e) à l'article 7, à la page 12, par substitution, aux lignes 6 et 7, de ce qui suit:

«membre de l'une ou l'autre chambre ou le commis-»;

f) à l'article 8, à la page 12:

(i) par substitution, aux lignes 13 et 14, de ce qui suit:

«c) dans le cas du Sénat, le prési-»,

(ii) par substitution, aux lignes 27 et 28, de ce qui suit:

«bibliothèque du Parlement et»;

g) à l'article 9, à la page 13, par substitution de l'intertitre précédant la ligne 1, par qui suit:

«SÉNAT, CHAMBRE DES COMMUNES, BIBLIOTHÈQUE DU PARLEMENT ET COMMISSARIAT À L'ÉTHIQUE»;

h) à l'article 10, à la page 13:

(i) par substitution, aux lignes 8 et 9, de ce qui suit:

«ment ou du commissariat à l'éthi-»,

(ii) par substitution, aux lignes 15 et 16, de ce qui suit:

«que du Parlement ou du commissa-»;

i) à l'article 11, à la page 13, par substitution, aux lignes 24 et 25, de ce qui suit:

«Parlement et le commissariat à l'éthique sont»;

j) à l'article 12:

(i) à la page 13, par substitution, aux lignes 37 et 38, de ce qui suit:

«communes, à la bibliothèque du Parlement ou»,

(ii) à la page 14:

(A) par substitution, aux lignes 9 et 10, de ce qui suit:

«nes, à la bibliothèque du Parlement ou au»,

(B) par substitution, aux lignes 21 et 22, de ce qui suit:

«nes, à la bibliothèque du Parlement ou au»;

k) à l'article 13, à la page 14, par substitution, aux lignes 31 et 32, de ce qui suit:

«communes, à la bibliothèque du Parlement ou»;

l) à l'article 14, à la page 15, par substitution, aux lignes 8 et 9, de ce qui suit:

«bibliothèque du Parlement ou le commis-»;

m) à l'article 15, à la page 16:

(i) par substitution, aux lignes 6 et 7, de ce qui suit:

«nes, la bibliothèque du Parlement ou le»,

(ii) par substitution, aux lignes 19 et 20, de ce qui suit:

«nes, la bibliothèque du Parlement ou le»,

(iii) par substitution, aux lignes 26 et 27, de ce qui suit:

«communes, la bibliothèque du Parlement ou»;

n) à l'article 16, à la page 17, par substitution, aux lignes 10 et 11, de ce qui suit:

«bibliothèque du Parlement ou au»;

o) à l'article 17, à la page 17, par substitution, aux lignes 17 et 18, de ce qui suit:

«Parlement ou le commissariat à l'éthique à la»;

p) à l'article 18, à la page 17, par substitution, aux lignes 28 et 29, de ce qui suit:

«ment ou le commissariat à l'éthi-»;

q) à l'article 25, à la page 20, par substitution, aux lignes 22 et 23, de ce qui suit:

«bibliothèque du Parlement ou le»;

r) à l'article 26, à la page 20, par substitution, aux lignes 35 et 36, de ce qui suit:

«la bibliothèque du Parlement et le com-»;

s) à l'article 27, à la page 21, par substitution, aux lignes 28 et 29, de ce qui suit:

«Parlement ou le commissariat à l'éthique.»;

t) à l'article 28, à la page 21:

(i) par substitution, aux lignes 36 et 37, de ce qui suit:

«nes, la bibliothèque du Parlement et le»,

(ii) par substitution, aux lignes 43 et 44, de ce qui suit:

«Commons, Library of Parliament or office of the»;

u) à l'article 29, à la page 22, par substitution, aux lignes 13 et 14, de ce qui suit:

«que du Parlement et du commissariat à»;

v) à l'article 30, à la page 22, par substitution, aux lignes 23 et 24, de ce qui suit:

«nes, la bibliothèque du Parlement et le»;

w) à l'article 31, à la page 22, par substitution, aux lignes 34 et 35, de ce qui suit:

«Bibliothèque du Parlement et au»;

x) à l'article 32, à la page 22, par substitution, aux lignes 43 et 44, de ce qui suit:

«nes, à la Bibliothèque du Parlement, au com-»;

y) à l'article 33, à la page 23, par substitution, aux lignes 19 à 22, de ce qui suit:

«d) le commissariat à l'éthique, représenté»;

z) à l'article 34, à la page 23, par substitution, aux lignes 27 à 30, de ce qui suit:

«c.1) le commissariat à l'éthique, représenté»;

z.1) à l'article 36, à la page 24, par substitution, aux lignes 11 et 12, de ce qui suit:

«du Parlement, du commissariat à l'éthi-»;

z.2) à l'article 37, à la page 24:

(i) par substitution, aux lignes 27 et 28, de ce qui suit:

«Parlement et le commissariat à l'éthique.»,

(ii) par substitution, aux lignes 35 et 36, de ce qui suit:

«communes, de la bibliothèque du Parlement»;

z.3) à l'article 38, à la page 25, par substitution, aux lignes 15 et 16, de ce qui suit:

«membre de l'une ou l'autre chambre ou le commis-»;

z.4) à l'article 40:

(i) à la page 28:

(A) par substitution, aux lignes 4 et 5, de ce qui suit:

«communes, à la bibliothèque du Parlement ou»,

(B) par substitution, aux lignes 17 et 18, de ce qui suit:

«ment ou au commissariat à l'éthique par»,

(C) par substitution, aux lignes 29 et 30, de ce qui suit:

«nes, la bibliothèque du Parlement ou le»,

(ii) à la page 29:

(A) par substitution, aux lignes 2 et 3, de ce qui suit:

«bibliothèque du Parlement ou le commis-»,

(B) par substitution, aux lignes 8 et 9, de ce qui suit:

«la bibliothèque du Parlement ou le commis-»,

(C) par substitution, aux lignes 18 et 19, de ce qui suit:

«communes, la bibliothèque du Parlement ou»,

(D) par substitution, aux lignes 34 et 35, de ce qui suit:

«communes, de la bibliothèque du Parlement»,

(iii) à la page 30:

(A) par suppression de la ligne 4,

(B) par substitution, aux lignes 19 et 20, de ce qui suit:

«thèque du Parlement ou du commissariat»,

(C) par substitution, aux lignes 24 et 25, de ce qui suit:

«bibliothèque du Parlement ou du»,

(D) par substitution, aux lignes 37 et 38, de ce qui suit:

«ment ou du commissariat à l'éthique;»,

(E) par substitution, aux lignes 42 et 43, de ce qui suit:

«ment ou du commissariat à l'éthique,»;

z.5) à l'article 41, à la page 31:

(i) par substitution, aux lignes 22 et 23, de ce qui suit:

«Commons, Library of Parliament and office of the»,

(ii) par substitution, aux lignes 42 et 43, de ce qui suit:

«Commons, Library of Parliament and office of the».

(Conformément à l'ordre adopté le 26 mars 2004, toutes les questions pour disposer de la troisième lecture du projet de loi C-4 seront mises aux voix le 30 mars 2004 à 17 heures.)

L'honorable Jack Austin (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, j'interviens pour parler de la motion d'amendement au projet de loi C-4 proposée par le sénateur Bryden. Vous ne serez pas surpris d'apprendre que j'ai un certain nombre de réserves par rapport à l'amendement proposé. Ces réserves vont de questions concernant certaines dispositions, à d'importantes objections d'ordre constitutionnel et à de profonds désaccords de principe.

Il convient que je réaffirme les éléments clés du projet de loi C-4 selon la présentation faite par les gens qui l'appuient. Le principe du projet de loi C-4 en ce qui a trait au Sénat consiste à désigner un haut fonctionnaire du Parlement qui rende compte au Sénat et fasse rapport au Sénat en vertu d'un code de conduite établi uniquement par le Sénat. L'intégrité fondamentale de ce conseiller sénatorial en éthique est fondée sur l'indépendance, pas seulement l'indépendance partielle comme c'est le cas du gouverneur en conseil, mais la pleine indépendance, c'est-à-dire du Sénat lui-même.

Aux fins de cette indépendance sur laquelle repose pleinement la crédibilité du Sénat, il est essentiel que ni le gouverneur en conseil ni le Sénat n'exerce un contrôle sur la nomination du conseiller sénatorial en éthique. L'article 20.1 du projet de loi C-4 accorde les mêmes pouvoirs au gouverneur en conseil et au Sénat. Chacun d'eux a un droit de veto sur le pouvoir de l'autre. La nomination peut être mise en vigueur par le gouverneur en conseil uniquement sur la base d'une résolution du Sénat. La nomination peut être mise en vigueur par le Sénat uniquement si le gouverneur en conseil est d'accord.

Aux fins de cet équilibre des pouvoirs, il est important aussi que le gouvernement en place ne puisse pas sous-estimer le sens du mot «consultation» de la clause 20.1 en utilisant sa majorité au Sénat pour influencer le processus. C'est pourquoi, le 24 février 2004, j'ai pris l'engagement, au nom du gouvernement, que celui-ci respecterait l'indépendance du Sénat dans le processus de nomination.

L'engagement se lit comme suit:

... je prends l'engagement suivant au nom du gouvernement: avant de communiquer au Sénat le nom d'une personne proposée comme conseiller sénatorial en éthique, le leader du gouvernement au Sénat sera autorisé à consulter de façon officieuse les chefs de chacun des partis reconnus au Sénat et d'autres personnes qui, de l'avis du leader du gouvernement au Sénat, ont la faveur des chefs de tous les partis reconnus, ainsi que le soutien de la majorité des sénateurs du gouvernement et de l'opposition.

À son tour, le gouverneur en conseil s'efforcera, dans toute la mesure du possible, de tenir compte des intérêts du Sénat afin que le conseiller soit perçu comme indépendant et qu'il soit effectivement indépendant dans l'exercice des fonctions qui lui seront confiées par le code que le Sénat décidera d'adopter.

Honorables sénateurs, suite à cette consultation, le Sénat pourrait transmettre au gouverneur en conseil le nom de la personne qu'il propose en suivant la méthode officielle prévue à l'article 20.1. Comme je l'ai mentionné dans mon discours au début de l'étape de la troisième lecture, si, dans l'avenir, un gouvernement ne respectait pas cet engagement, le Sénat pourrait imposer une sanction très sévère, c'est-à-dire refuser d'étudier la résolution approuvant la nomination proposée.

J'ai dit dans des débats antérieurs sur le projet de loi C-4 que j'accueillerais volontiers un élargissement de la résolution décrite à l'article 20.1 était proposée par le leader du gouvernement au Sénat et appuyée par le leader de l'opposition.

Le sénateur Bryden a proposé un changement radical au processus prévu dans le projet de loi C-4. Il a présenté son amendement au Sénat comme une approche de rechange à celle qui est prévue dans la mesure législative. Sa proposition se distingue nettement de celle qui est proposée par le gouvernement et, en fait, de celles qui ont été proposées par des comités parlementaires depuis plus de 10 ans.

(1450)

Honorables sénateurs, la proposition est tellement différente que, selon moi, les amendements contredisent en fait le principe du projet de loi tel qu'il a été adopté ici à l'étape de la deuxième lecture. Permettez-moi de vous citer un extrait d'un rapport unanime déposé par un comité conjoint du Sénat et de la Chambre des communes en juin 1992, soit il y a presque 12 ans. La première recommandation soulignée dans le résumé des recommandations principales de ce comité visait à «créer la fonction distincte de jurisconsulte». Le comité a expliqué ainsi sa recommandation:

Notre comité a entendu de nombreux témoins lui parler de provinces où une personne a été nommée pour conseiller et guider les membres en ce qui concerne l'application de ces principes. C'est d'ailleurs là, semble-t-il, la tendance dans tout le Canada — le Québec a un jurisconsulte; le Nouveau-Brunswick et la Nouvelle-Écosse ont chacune un juge désigné, l'Ontario, la Colombie-Britannique et maintenant l'Alberta ont chacune un commissaire. Dans tous les cas, la nomination d'une personne qui est parfaitement intègre, occupe une place importante dans la collectivité et est dotée d'un solide bon sens qui a été d'un très grand secours à la fois pour les parlementaires et le public.

Nous avons été impressionnés par le fait que ces personnes, et les fonctions que chacune d'elles remplit, aient reçu l'appui unanime des parlementaires qui se sont adressés à elles pour obtenir des conseils, et des journalistes qui ont couvert les travaux des assemblées législatives que ces personnes conseillent.

L'une des principales recommandations que nous faisons dans le présent rapport, c'est la création d'un service semblable pour le Parlement fédéral, y compris les ministres et les secrétaires parlementaires. Pour que ce projet réussisse, il faut trouver la personne qui convient; grâce à une personne intègre, qui a du jugement et qui est respectée par la collectivité, nous sommes persuadés que les parlementaires pourront non seulement essayer de toujours se comporter conformément à la morale, mais également y parvenir.

Honorables sénateurs, je cite un extrait du «Rapport au Sénat et à la Chambre des communes: Teneur du projet de loi C-43 (Conflits d'intérêts chez les parlementaires)», daté de juin 1992, appelé comité Blenkarn-Stanbury. Bien sûr, il s'agit du sénateur Dick Stanbury, qui a siégé au Sénat pendant de nombreuses années et qui apportait beaucoup de sagesse à nos délibérations.

Aujourd'hui, honorables sénateurs, la plupart des provinces et des territoires ont des conseillers en éthique indépendants. Nous faisons partie de la très faible minorité qui n'est pas dotée d'un conseiller en éthique indépendant.

Le projet de loi C-4 ferait en sorte que le Sénat ait enfin un conseiller sénatorial en éthique indépendant. Cependant, les amendements proposés par le sénateur Bryden supprimeraient son indépendance. Nous aurions essentiellement un autre légiste sous un titre différent.

Honorables sénateurs, je voudrais être clair. J'ai toujours pensé que notre légiste nous donne un bon service, mais il est l'avocat du Sénat. Il n'est manifestement pas indépendant ni de nous ni du Sénat.

Comme le sénateur Bryden l'a proposé, le conseiller sénatorial en éthique, dont le titre en anglais deviendrait «counsellor», et j'y reviendrai dans un instant, serait nommé exclusivement par résolution du Sénat. Je reviendrai aussi dans un instant sur cette façon de procéder, qui serait inconstitutionnelle. Je m'en tiendrai pour le moment aux grands principes qui sous-tendent cette approche.

L'essentiel de la proposition du sénateur Bryden est que le conseiller sénatorial en éthique serait nommé par le Sénat, de son propre chef, et cette nomination ne serait soumise à aucun mécanisme externe de freins et de contrepoids. Le Sénat aurait aussi le pouvoir exclusif de révoquer la personne occupant la fonction de conseiller sénatorial en éthique. Le mécanisme de freins et de contrepoids, soit l'intervention du gouverneur en conseil dans les dispositions concernant la nomination et la révocation du conseiller, aux termes du projet de loi actuel, disparaîtrait. Toutes les dispositions régissant le traitement du titulaire, le remboursement de ses dépenses, l'embauche d'adjoints et les dépenses qui se rattachent à son bureau disparaîtraient du projet de loi. La loi n'exigerait plus que le conseiller sénatorial en éthique dresse un état estimatif des sommes à affecter au paiement des frais de son bureau ni que cet état estimatif soit examiné par le Président du Sénat, puis transmis au président du Conseil du Trésor, qui le déposerait devant le Parlement avec les prévisions budgétaires du gouvernement pour l'exercice.

Honorables sénateurs, la conduite et le bureau de cette personne ne seraient plus assujettis à un examen ou à une vérification externe, mais plutôt à un examen interne par les sénateurs exclusivement, ceux-là mêmes que cette personne aurait pour rôle de surveiller. Nous serions les seuls qui déciderions du montant de son traitement, les seuls qui déciderions de sa renomination et les seuls qui déciderions s'il doit faire l'objet d'une révocation motivée. Il ne s'agit pas d'un conseiller en éthique indépendant.

Et ce n'est pas tout. Aux termes de l'article 20.7 du projet de loi C-4, le conseiller sénatorial en éthique remet au Président du Sénat un rapport sur ses activités pour l'exercice. L'amendement du sénateur Bryden abrogerait cet article. Autrement dit, cette personne relèverait de nous exclusivement. Nous contrôlerions son traitement, son mandat, sa renomination et sa révocation possible. Le conseiller n'aurait plus à déposer au Parlement un état estimatif de ses frais de bureau et un rapport annuel sur ses activités pour l'exercice. Je ne vois là ni transparence ni ouverture accrues.

Le sénateur Bryden modifierait le titre anglais du conseiller sénatorial en éthique. Il a expliqué le changement comme ceci:

En employant le mot «counsellor», on signale que ce que l'on recherche en l'occurrence, c'est que le Sénat puisse préserver, à l'intérieur de sa structure, sa capacité d'avoir un conseiller en éthique capable d'aider les sénateurs à respecter les codes de conduite, à faire toutes les choses qui leur incomberont et à déterminer les règles qu'ils se donneront. Il s'agira d'un rôle d'aide, de conseiller. Il ne s'agira pas une entité distincte et indépendante du Sénat.

Je me reporte ici aux Débats du Sénat du 25 mars de cette année, à la page 624. Dans ces mots, on ne prétend même pas que le conseiller sénatorial en éthique proposé aura quelque indépendance que ce soit.

L'amendement proposé par le sénateur Bryden à l'article 20.5 du projet de loi reflèterait ce nouveau statut beaucoup plus limité. À l'heure actuelle, le libellé de l'article prévoit simplement ceci:

Le conseiller s'acquitte des fonctions qui lui sont conférées par le Sénat en vue de régir la conduite des sénateurs lorsqu'ils exercent la charge de sénateur.

En d'autres termes, c'est à nous qu'il incombera de déterminer tous les aspects du rôle de la personne en question.

L'amendement proposé par le sénateur Bryden changerait cela. L'amendement propose:

20.4(1) Le conseiller aide les sénateurs en leur offrant, à titre confidentiel, des avis sur le code de déontologie qu'adopte le Sénat pour ses membres, et s'acquitte des fonctions que celui-ci lui confère.

Je crois qu'on a toujours prévu que l'un des rôles du conseiller serait de fournir des avis confidentiels relativement au code de déontologie. Je me suis demandé pourquoi on devait retirer cela des fonctions que lui confie le Sénat et inscrire cela dans la loi. Je viens de l'école de l'interprétation des lois qui veut que le Parlement n'insère pas des mots ou des expressions sans importance. La seule conclusion, c'est qu'en insérant cela dans la loi, on veut ainsi que ce rôle passe avant tout autre rôle que notre assemblée peut vouloir confier à cette personne. Ainsi, il n'est plus aussi clair que nous pourrions demander à cette personne de faire enquête sur des allégations de conduite répréhensible et de nous recommander des mesures appropriées à cet égard.

J'apprécie le fait que le sénateur Bryden, comme bien d'autres dans cette enceinte, puisse entretenir des idées sur la façon dont le Sénat devrait décider de structurer son code d'éthique et le mettre en application. Toutefois, cette question devrait faire l'objet d'un autre débat. J'estime inapproprié de préjuger de la décision que prendra le Sénat et de modifier cette disposition de façon à donner un rôle en particulier à notre conseiller en éthique pour déterminer et limiter la portée de son mandat.

Les changements que le sénateur Bryden propose d'apporter aux modifications corrélatives du projet de loi m'ont également frappé. Ils m'ont confirmé, sans l'ombre d'un doute, que la proposition du sénateur Bryden diverge radicalement du projet de loi C-4. La première fois que j'ai pris connaissance de l'amendement proposé, j'ai tenu pour acquis que le sénateur voulait tout simplement remplacer, dans la version anglaise, le terme «officer» partout où il figure par «counsellor». Ce n'est pas le cas, honorables sénateurs. Le sénateur Bryden voudrait plutôt supprimer de toutes les lois fédérales le terme «Senate Ethics Officer».

Par exemple, l'article 7 du projet de loi, à la page 12, propose de modifier la Loi sur la Cour fédérale. Le paragraphe 2(2) de cette loi précise que l'expression «office fédéral» — une expression essentielle pour l'établissement de certaines compétences de la Cour fédérale en vertu de la loi — exclut le Sénat et la Chambre des communes ou tout comité ou membre de l'une ou l'autre Chambre. Le projet de loi C-4 ajouterait le conseiller sénatorial en éthique et le commissaire à l'éthique à cette liste. Le sénateur Bryden laisserait la mention de commissaire à l'éthique sur la liste, mais supprimerait toute mention à un conseiller sénatorial à l'éthique.

Les amendements qu'il propose à la Loi sur la gestion des finances publiques, à la Loi sur la saisie-arrêt et la distraction des pensions, à la Loi sur l'indemnisation des agents de l'État, à la Loi concernant l'assistance aux voyageurs qui ne fument pas, à la Loi sur les langues officielles, à la Loi sur les relations de travail au Parlement, à la Loi sur la pension de la fonction publique, à la Loi sur la radiocommunication — même les amendements à la Loi sur la Société canadienne des postes — suivraient le même modèle.

La seule conclusion que je peux tirer concernant les motifs de le faire serait de donner au conseiller sénatorial en éthique un statut inférieur à celui d'un haut fonctionnaire de même rang que le commissaire à l'éthique proposé pour l'autre endroit — pour en faire un employé ordinaire du Sénat dont l'exemption de telles lois est intégrée à la nôtre.

(1500)

Honorables sénateurs, le statu quo ne suffit plus. Les Canadiens s'attendent à plus que cela. Ils s'attendent à une surveillance plus rigoureuse de nos activités. Ils veulent que la personne qui joue ce rôle soit indépendante et ait un rang qui suscite notre respect et le leur. Nous sommes ici pour être au service du public canadien. Nous sommes toujours très conscients de cette responsabilité ainsi que de l'honneur qui nous est fait de pouvoir servir. Je dirais même que peu de sénateurs se dévouent ou se sont dévoués pour le pays avec autant d'empressement et de sens de l'honneur que le sénateur Bryden. Nous ne devons pas, sur ce point, perdre de vue ce que les Canadiens attendent de nous et du Sénat. Le statu quo ne suffit pas. Les Canadiens en veulent davantage et méritent que nous, les parlementaires, leur en donnions davantage.

Dans son intervention, le sénateur Bryden a fait plusieurs allusions à la vérificatrice générale, brandissant cette fonction, selon ce que j'en ai compris, comme un exemple à ne pas suivre. Mais, honorables sénateurs, le public canadien est-il d'accord avec la vérificatrice générale? Je crois qu'il faut répondre à cette question par un oui clair et net. Est-ce que la vérificatrice générale rehausse la crédibilité du présent gouvernement, même si elle le met dans une situation un peu embarrassante? Ici encore, je crois que la réponse est oui. Le public canadien croit-il que nous avons besoin d'un vérificateur général? Encore une fois, je crois que la réponse est oui. Pourquoi voudrions-nous qu'un conseiller sénatorial en éthique soit assujetti à des normes d'un niveau bien inférieur?

Honorables sénateurs, les qualités que notre nouveau conseiller en éthique devrait posséder ont fait l'objet de nombreuses discussions. Selon l'amendement du sénateur Bryden, le nouveau conseiller sénatorial en éthique — que son titre en anglais soit «officer» ou «counsellor» — doit être un membre en règle du barreau de la province ou de la Chambre des notaires du Québec.

Sur un point de principe, puisque je suis moi-même avocat, j'estime que ce poste n'a pas nécessairement à être occupé par un avocat. Je connais un grand nombre de personnes très qualifiées, très compétentes et très instruites qui ne sont pas des avocats et à qui je ferais entièrement confiance. Je tiens aussi à souligner que plusieurs de mes amis avocats dans les Territoires du Nord-Ouest, au Yukon et au Nunavut sont froissés d'avoir été sommairement écartés de cet important poste. Je suis sûr que cela n'a été qu'un simple oubli, mais, de toute évidence, un oubli malencontreux.

Honorables sénateurs, je crois que les amendements proposés devraient être rejetés par principe, étant donné que le Sénat a besoin d'un conseiller en éthique et mérite d'en avoir un qui soit indépendant et qui soit perçu comme tel, et qui occuperait un rang supérieur à celui d'un de nos employés, aussi impressionnants que nos nombreux employés puissent être. Nous avons déjà un excellent légiste, honorables sénateurs. Il ne s'agit pas simplement embaucher un autre conseiller juridique pour le Sénat.

Je ne peux pas quitter ce débat sans signaler les importantes lacunes constitutionnelles de l'amendement proposé par le sénateur Bryden. Le paragraphe 20.1(1) de son amendement stipulerait ce qui suit:

Sous réserve du paragraphe (2), le Sénat nomme le conseiller sénatorial en éthique par résolution et avec le consentement du chef de chacun des partis reconnus au Sénat.

Honorables sénateurs, en vertu de l'article 36 de la Loi constitutionnelle de 1867:

Les questions soulevées dans le Sénat seront décidées à la majorité des voix, et dans tous les cas, l'orateur aura voix délibérative; quand les voix seront également partagées, la décision sera considérée comme rendue dans la négative.

Cette disposition se retrouve dans le Règlement du Sénat du Canada, dont le paragraphe 65(5) dit ceci:

Les questions soulevées au Sénat se décident à la majorité des voix. Le Président peut toujours voter. En cas de partage égal des voix, la motion est rejetée.

L'amendement proposé par le sénateur Bryden exigerait plus que la majorité. Il exigerait en effet une majorité de voix concernant la résolution ainsi que l'avis favorable de quelques sénateurs choisis — les chefs de parti — qui auraient en réalité un droit de veto individuel.

Je comprends que, en vertu du paragraphe 20.1(2), le Sénat aurait le droit de nommer une personne par résolution — c'est-à-dire par majorité simple — si le consentement de tous les chefs de partis reconnus au Sénat n'est pas obtenu, mais cela ne «sauverait» pas la disposition inconstitutionnelle. Il me semble qu'aux termes du paragraphe 20.1(1) proposé, une question surgirait au Sénat et ferait l'objet d'une décision prise plus qu'à la majorité des voix, ce qui est manifestement inconstitutionnel. Toutefois, le même statut de «super vote» pour les chefs de parti serait requis en vertu du paragraphe 20.3(1) proposé par le sénateur Bryden avant que le Sénat ne puisse congédier la personne pour un motif déterminé. Aucune position de repli n'est prévue. Je crois donc que ces propositions soulèvent de sérieux problèmes constitutionnels.

À mon avis, lorsqu'il est précisé dans notre Constitution que les questions soulevées au Sénat doivent être décidées à la majorité des voix, on ne peut pas ajouter une exigence ou une règle selon laquelle cette majorité doit comprendre certains sénateurs en particulier, qu'il s'agisse des chefs de parti, du Président ou de tous les sénateurs d'une province, par exemple. Quand il s'agit de voter dans cette Chambre, nous sommes tous égaux. En vertu de la proposition du sénateur Bryden, nous ne serions pas du tout égaux au moment de voter sur une résolution portant nomination du conseiller sénatorial en éthique.

Comme je l'ai dit à l'honorable chef de l'opposition lorsqu'il a demandé si la prétendue double majorité requise par l'engagement que j'ai pris devant notre assemblée soulevait des problèmes constitutionnels, ma proposition n'exigerait pas de vote. Selon l'engagement que j'ai pris, le consentement des chefs des partis reconnus au Sénat donnerait lieu à une consultation informelle requise par le projet de loi C-4 et non à un vote sur la résolution sénatoriale officielle elle-même.

La proposition du sénateur Bryden soulève un autre problème, honorables sénateurs. Le sénateur Bryden a soigneusement libellé son amendement de manière à obliger le Sénat à nommer un conseiller sénatorial en éthique.

Le paragraphe 20.1(1) proposé stipule:

... le Sénat nomme le conseiller sénatorial en éthique par résolution et avec le consentement du chef de chacun des partis reconnus au Sénat.

Honorables sénateurs, quel recours y aurait-il si le Sénat omettait ou refusait de nommer un conseiller sénatorial en éthique? Je constate que, en vertu du paragraphe (2), le Sénat pourrait adopter une résolution visant à nommer une personne sans le consentement des chefs des partis inscrits. Qu'arriverait-il si le Sénat ne le faisait tout simplement pas? En vertu du projet de loi C-4, si le gouverneur en conseil omettait de nommer quelqu'un conformément aux dispositions prévues, on pourrait le poursuivre afin de l'obliger à agir. Cela relève du droit administratif canadien de base. Mais le Sénat ne peut être poursuivi au motif qu'il a refusé d'adopter un projet de loi ou une résolution. À ma connaissance, il n'y a aucun recours, honorables sénateurs. L'amendement dit «nomme», mais cela n'implique pas une réelle obligation parce qu'il n'existe aucun recours qu'une personne pourrait invoquer pour obliger le Sénat à agir, s'il omet de le faire pour une raison quelconque.

Avant de terminer, je voudrais revenir sur certaines des préoccupations soulevées par le sénateur Bryden et aussi par le sénateur Oliver concernant l'engagement que j'ai pris devant cette assemblée. Ils s'opposent à ce que je me sois servi d'une citation d'un des témoins universitaires qui ont comparu au sujet de ce projet de loi, à savoir le professeur Fabien Gélinas. J'avais souligné que M. Gélinas reconnaissait que le projet de loi donnait clairement le dernier mot au Sénat en matière de nomination. Le sénateur Bryden a aussi reconnu que c'est ce que le professeur avait dit, mais il a fait remarquer qu'il avait par la suite ajouté que c'était le gouvernement et non le Sénat qui avait réellement le dernier mot. Il a dit:

Le Sénat peut bloquer cela s'il dispose d'un pouvoir négatif et non positif.

Je n'ai pas l'intention de m'appesantir sur la question. À mon avis, pouvoir bloquer quelque chose, c'est avoir véritablement le dernier mot. Que ce pouvoir soit dit négatif ou positif, c'est un pouvoir très réel.

Le sénateur Bryden a aussi cité les déclarations de M. Gélinas dans lesquelles celui-ci se demandait si les gouvernements à venir respecteraient cet engagement. Je le répète, honorables sénateurs, tout cela relève de notre pouvoir d'essayer d'instituer le meilleur système possible en ce moment. Je suis certain que cela s'avérera tout à fait réalisable et qu'il s'agit en fin de compte d'une bonne approche. J'ai pleinement confiance dans les Canadiens et je crois qu'ils éliront dans l'avenir des gouvernements qui auront la sagesse de voir les avantages de ce système, malgré le fait qu'il a été conçu par un gouvernement qui n'est pas le leur.

(1510)

Permettez-moi de citer une nouvelle fois pour mémoire la réponse que j'ai donnée la semaine dernière dans cette Chambre au sénateur Comeau. Le sénateur demandait:

Étant donné que des élections vont avoir lieu et que nous n'aurons vraisemblablement pas la possibilité de nommer un nouveau conseiller en éthique, le leader du gouvernement au Sénat — qui n'occupera peut-être plus cette charge après les élections; j'espère que ce sera plutôt celui de mon parti — peut-il confirmer que, si le projet de loi est adopté, il se conformera à l'usage qu'il propose d'établir s'il conserve son poste de leader du gouvernement au Sénat?

Je lui ai répondu:

Honorables sénateurs, il s'agit d'une question hypothétique. Normalement, je n'y répondrais pas, mais je ferai exception dans ce cas-ci.

Si je suis encore leader du gouvernement au Sénat à la prochaine législature, je demanderai au gouvernement de me permettre de renouveler l'engagement que j'ai pris le 24 février. Je serai ravi d'ajouter au précédent que j'ai créé en posant deux fois le même geste

Cela se trouve dans les Débats du Sénat du 25 mars 2004, à la page 617.

Honorables sénateurs, le sénateur Bryden a conclu son intervention en citant un dicton bien connu. Cette citation est la suivante:

Si ce n'est pas nous, alors qui? Si ce n'est pas maintenant, alors quand?

La personne qui a prononcé ces paroles à l'origine était l'éminent et sage rabbin Hillel. Cependant, le sénateur Bryden n'a cité que deux des célèbres trois questions de Hillel. La troisième, qu'il a omise, était la suivante:

Si je ne suis là que pour moi, que suis-je?

Honorables sénateurs, nous sommes ici pour être au service du public canadien. Nous ne pouvons — nous ne devons — pas faire fi de leurs attentes à l'égard de cette assemblée et de nous-mêmes. Ils doivent nous percevoir comme des gens qui ont leurs intérêts toujours présents à l'esprit.

Dans ses remarques de jeudi dernier, le sénateur Bryden a longuement cité un éditorial paru en novembre dernier dans l'Ottawa Citizen pour indiquer que les représentants de la presse comprendraient et soutiendraient ses amendements au projet de loi. Vendredi dernier, le lendemain du jour où le sénateur est intervenu ici, l'Edmonton Journal a pris une position carrément différente au sujet de ce qui se passe depuis quelque temps au Sénat. Cet éditorial concluait en affirmant:

Les sénateurs qui se sont énergiquement opposés au projet de loi ne semblent pas reconnaître la terrible perspective de leur position, ou bien ils ne s'en soucient guère. Les Canadiens pourraient bien se demander pour quelle raison des sénateurs qui n'ont rien à cacher s'opposeraient à la création d'un poste de chien de garde qui aidera à préserver la réputation d'honnête service public du Sénat. C'est certainement un motif suffisant pour appuyer le projet de loi.

Honorables sénateurs, notre capacité d'assumer nos responsabilités constitutionnelles dépend en grande partie de la perception du public, surtout parce que nous ne pouvons pas nous prévaloir d'un mandat électoral direct que celui-ci nous aurait donné. La perception de nos institutions politiques par le public a été mise à rude épreuve dernièrement. Comme je l'ai déclaré dans mon discours en deuxième lecture, nous devons tenir compte du fait que nous sommes un élément clé du système politique qui suscite la désapprobation croissante des Canadiens.

Je sais que l'apport des sénateurs au Canada et aux Canadiens est très grand. Je sais à quel point il est crucial que nous soyons indépendants pour remplir notre rôle constitutionnel dans le système démocratique canadien. Je crois avoir raison de dire que je ne céderai à personne la défense des droits, de l'indépendance et de l'autonomie de cette institution.

Bien que, en vertu de mon titre et de mon rôle je sois le leader du gouvernement au Sénat, je considère que j'ai aussi à jouer le rôle de leader du Sénat au gouvernement, et que je dois défendre nos intérêts et maintenir nos droits et notre rôle dans le système politique et parlementaire canadien.

Honorables sénateurs, permettez-moi de vous rappeler encore une fois la grande quantité de travail qui a déjà été faite en vue d'établir un code de déontologie pour les parlementaires et un bureau indépendant chargé de faire respecter ce code. Ce projet de loi a reçu l'appui de la Chambre des communes à deux reprises et cet appui était massif.

Je crois que ce projet de loi rehausse la crédibilité et la réputation du Sénat. Je crois qu'il est nécessaire que la population canadienne puisse voir que tous ses parlementaires, ici comme à l'autre endroit, agissent toujours d'abord et avant tout dans l'intérêt du public. Ce projet de loi vise à doter le Parlement d'agents indépendants qui pourront nous aider à assumer nos responsabilités au plan éthique et qui pourront garantir aux Canadiens et aux Canadiennes que leurs parlementaires sont respectueux de l'éthique.

Le projet de loi C-4 a été conçu de façon donner à nos concitoyens l'assurance que les parlementaires mettent toujours au premier plan l'intérêt de la population. Ne nous lançons pas dans des modifications qui sèmeraient dans leur esprit un doute à cet égard.

L'honorable John G. Bryden: L'honorable sénateur accepterait-t-il de répondre à une question?

Le sénateur Austin: Non. Je veux entendre d'autres sénateurs sur ce sujet.

Le sénateur Stratton: C'est tout à fait comme la période des questions.

L'honorable Anne C. Cools: Je suggère également aux sénateurs de donner au sénateur Bryden amplement l'occasion de répondre.

Le sénateur Bryden: Je ne veux pas partir une guerre. Croyez-moi, je suis un pacifiste. Je voulais tout simplement dire que c'était un discours superbement articulé.

Le sénateur Austin: Il ne convient pas que le sénateur Bryden passe des observations sur mon discours.

Le sénateur Kinsella: Il a le droit de formuler des observations.

Le sénateur Bryden: Comme on m'a dit l'autre jour, personne ne s'acharne sur un vaincu.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, un sénateur a le droit de présenter une observation ou de poser une question uniquement si le sénateur qui a la parole est disposé à accepter qu'on lui pose une question ou qu'on fasse une observation. Le sénateur Austin a indiqué sans équivoque qu'il n'acceptera pas qu'on lui pose des questions. Je n'ai d'autre choix que de donner la parole à l'intervenant suivant sur ma liste. En temps normal, nous alternerions.

Si le sénateur Corbin veut invoquer le Règlement, je vais l'écouter, mais j'étais sur le point de donner la parole au sénateur Andreychuk de façon à respecter l'alternance entre le gouvernement et l'opposition.

RECOURS AU RÈGLEMENT

L'honorable Eymard G. Corbin: Honorables sénateurs, j'invoque le Règlement. Lorsqu'un sénateur s'asseoit, son temps de parole est écoulé. C'est sa décision. Il ne souhaite plus parler. Notre Règlement prévoit qu'un autre sénateur ne peut poser de questions que si le sénateur à qui il s'adresse accepte d'entendre la question.

Il me semble que, dans le cas d'une observation, l'assentiment d'un sénateur n'est pas requis. Une observation est une observation. C'est l'expression libre et démocratique d'un point de vue. Je ne pense pas que le sénateur qui vient de parler puisse empêcher un autre sénateur de présenter une observation. Cela prête vraiment à interprétation.

Une question, ce n'est pas la même chose. Une observation est dans une classe à part. Il me semble que ceux qui ont conçu ce Règlement avaient précisément cela à l'esprit. On n'impose rien au sénateur qui vient de s'asseoir. L'observation porte sur son discours. Il n'est pas obligé de répondre à l'observation, mais il le serait s'il avait accepté qu'on lui pose une question.

Nous devrions clarifier cette question; sinon, l'article du Règlement est tout à fait illogique, et il faudrait le revoir.

L'honorable Jack Austin (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, j'invoque le Règlement. Aucune disposition de notre Règlement ne prévoit qu'une observation puisse être présentée.

Le sénateur Bryden est intervenu dans ce débat. Si nous permettions une observation, chacun d'entre nous pourrait alors prendre la parole et ce serait la fin du bel ordonnancement des travaux de notre assemblée.

La raison d'être de l'intervention du sénateur Bryden est bien sûr d'essayer de contredire ce que je viens de dire. Il a participé au débat. J'ai maintenant participé au débat. Je crois que d'autres sénateurs ont le droit de participer à ce débat. Le sénateur Bryden est libre de demander à d'autres sénateurs s'il peut leur poser des questions. Ce que le sénateur Corbin a dit, à mon sens, n'a aucun fondement dans notre Règlement.

L'honorable John G. Bryden: Votre Honneur, je vais retirer ma demande de faire une observation ou de poser une question, et peut-être que nous pourrons en finir avec tout cela. Quand quelqu'un refuse de jouer le jeu, il n'y a rien à faire. D'autres sénateurs souhaitent intervenir. Nous avons un vote à 17 h 30. Je ne veux pas faire obstacle au débat. Il y en a d'autres qui ont d'excellentes observations à faire.

Son Honneur le Président: On a fait un recours au Règlement. Je vais essayer de l'entendre et de régler l'affaire le plus rapidement possible.

L'honorable Anne C. Cools: Je suis d'accord avec le sénateur Bryden.

L'honorable Noël A. Kinsella (leader adjoint de l'opposition): Honorables sénateurs, le paragraphe 37(4) du Règlement s'applique à ce rappel au Règlement, sauf erreur. Je cite:

Sauf dans les cas prévus aux paragraphes (2) et (3) ci-dessus,..

Les paragraphes en question stipulent que le leader du gouvernement au Sénat et le leader adjoint de l'opposition ont un temps de parole illimité dans un débat, et que le parrain d'un projet de loi et le premier sénateur qui prend la parole immédiatement après lui peuvent parler pendant au plus 45 minutes. Le paragraphe 37(4) continue:

... aucun sénateur ne parle pendant plus de 15 minutes, y compris les questions ou commentaires d'autres sénateurs que l'intervenant accepte au cours de son intervention.

C'est le sénateur qui vient de parler qui tient la commande du feu rouge ou du feu vert pour les observations ou les questions. Telle est mon interprétation du paragraphe 37(4) du Règlement.

(1520)

Son Honneur le Président: Avant de donner la parole au sénateur Corbin qui aura le mot de la fin, s'il le souhaite, est-ce qu'un autre sénateur souhaite intervenir?

Comme je ne vois personne, je vais donner la parole au sénateur Corbin.

Le sénateur Corbin: Honorables sénateurs, je pense que nous devrions rayer de cet article du Règlement la disposition permettant de faire une observation, si elle ne veut rien dire. Ce que nous faisons, c'est empêcher un véritable échange d'opinions démocratique qui permettrait d'éclairer la lanterne de tous les sénateurs. Tout n'a pas nécessairement été dit après qu'un sénateur a parlé pendant 15 minutes. Dans mon temps, les règles comme celles-ci étaient toujours interprétées dans le sens qu'il s'agissait d'encourager le débat, et non de le limiter, parce que cet endroit s'appelle le Parlement. Parlementer, cela veut dire parler et exprimer son point de vue.

La détermination finale n'arrive qu'au moment du vote. J'ai toujours soutenu une plus grande liberté d'expression. Autrement, cet endroit ne signifie plus rien. Il n'y aurait plus qu'à cadenasser les portes.

Le sénateur Austin: Honorables sénateurs, comme l'honorable sénateur Kinsella le dit, le Règlement ne signifie rien sauf s'il veut dire que la dernière phrase commande le comportement des autres sénateurs, que le sénateur peut accepter au cours de son intervention. Sinon, comme je l'ai dit, nous hériterons d'interminables commentaires politiques sur l'exposé du sénateur — pas dans le contexte d'exposés organisés, mais au cours d'un débat adéquat. Le Règlement est clair. L'accord de l'intervenant, c'est-à-dire moi dans ce cas, serait nécessaire pour autoriser un commentaire.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, j'ai dit que je donnerai la parole en dernier à la personne qui a invoqué le Règlement et je le ferai. Avez-vous quelque chose à ajouter, sénateur Corbin?

Le sénateur Corbin: Non, Votre Honneur, merci beaucoup.

Son Honneur le Président: Je remercie le sénateur Corbin d'avoir invoqué le Règlement et les sénateurs qui ont fait des commentaires sur la décision que devrait rendre le Président sur le rappel au Règlement. J'estime que les commentaires ont été utiles; aussi, je peux trancher l'affaire maintenant.

La règle est assez explicite. Elle a été citée en entier par le sénateur Kinsella. Je ne le referai pas. Je vais plutôt attirer votre attention sur le paragraphe 37(4) du Règlement qui dit ceci:

37.(4) ...aucun sénateur ne parle pendant plus de 15 minutes, y compris les questions et commentaires d'autres sénateurs que l'intervenant accepte au cours de son intervention.

J'ai l'impression que le mot «question» — que «l'intervenant accepte au cours de son intervention» — et le mot «commentaire» — que «l'intervenant accepte au cours de son intervention» ont autant de poids l'un que l'autre. Par conséquent, si le sénateur qui a la parole n'accepte pas d'autres commentaires ou questions, on n'en parle plus.

Je retourne maintenant à ma liste et sur ma liste, il y a le sénateur Andreychuk.

L'honorable A. Raynell Andreychuk: Honorables sénateurs, l'ambiance qui règne ici n'est pas celle dans laquelle j'imaginais prendre la parole. Le Sénat est un endroit pour le débat et le dialogue, pas un endroit où nous devons faire des discours, mais, plutôt essayer de s'influencer et de s'écouter mutuellement et de tenir compte de ce que les autres honorables sénateurs ont à dire. Ce n'est pas faire honneur au mot «consultation» de ne pas avoir un bon débat dans ces lieux.

Je l'ai consigné au procès-verbal, car je crois que nous devrions y réfléchir dans nos travaux futurs. Le Comité du Règlement devrait peut-être en discuter, car cela touche notre comportement et notre attitude les uns envers les autres ici.

Honorables sénateurs, je n'ai pas l'intention de discuter davantage des aspects légaux de ce projet de loi. J'ai pris la parole en comité, et ici, au Sénat, en interrogeant le sénateur Austin et d'autres sénateurs.

Honorables sénateurs, le projet de loi C-4 est le même que celui qu'avait présenté le premier ministre Chrétien lors de la dernière session. Rien n'a été modifié. Le premier ministre Martin l'a présenté de nouveau sans rien y changer, mais sous le titre de projet de loi C-34. Par conséquent, il n'y a rien d'exceptionnel à l'appeler la solution Chrétien-Martin au problème de l'éthique applicable aux ministres, aux députés et aux sénateurs et d'un conseiller en éthique ou commissaire à l'éthique, selon le cas.

L'engagement pris dans le livre rouge de doter le Parlement d'un conseiller en éthique indépendant n'est toujours pas tenu, que l'on adopte le projet de loi C-4 ou non. Dans le cas de M. Wilson, il y a une abondance de preuves qui montrent que la population n'estimait pas qu'il s'agissait d'une fonction indépendante, surtout en raison de la méthode et du fonctionnement de son bureau. Elle n'est ni indépendante sur le plan du droit ni, comme nous l'avons vu à maintes reprises, dans la pratique.

Quel est l'effet du projet de loi C-4? Quelques honorables sénateurs ont affirmé avec justesse que le projet de loi ne fait que nommer un conseiller sénatorial en éthique et que, légalement, la nomination sera effectuée par le gouverneur en conseil. Cela signifie, comme toute personne qui étudie le Parlement le comprendra, que c'est en fin de compte au premier ministre qu'en revient le droit et la responsabilité. Ne vous méprenez pas: peu importe le système qui est mis en place aux fins de consultation, le droit de nommer le conseiller revient en fin de compte au premier ministre.

Pourquoi les honorables sénateurs, ou la majorité des sénateurs d'en face, apparemment, disent-ils qu'il faut accorder ce droit au premier ministre alors que nous ne l'avons pas fait pendant toutes ces années? Ils disent qu'il faut corriger une perception, la perception d'un comportement répréhensible, je suppose, inapproprié et contraire à l'éthique. Cependant, tous ces sénateurs se sont empressés de dire que, bien sûr, il n'y avait pas d'actes répréhensibles ni de comportement contraire à l'éthique dans la réalité et qu'il s'agissait simplement de réagir à la perception de la population.

Honorables sénateurs, je ne crois pas que ce soit le cas. La population n'est pas intempestive à ce point. Elle exige une démocratie véritable et améliorée. Elle veut un Parlement qui fonctionne indépendamment du premier ministre.

Honorables sénateurs, notre système de justice repose sur les faits, sur la primauté du droit et sur le respect de ses règles. Lorsqu'une personne estime qu'elle n'a pas été traitée équitablement, les piliers du droit pénal, entre autres, viennent confirmer que la procédure a été respectée, et ce que nous essayons de faire, c'est de concilier la perception et les faits.

Si je comprends bien, le raisonnement du gouvernement est le suivant: la perception étant ce qui compte, faisons mine de leur donner ce qu'ils veulent, soit un conseiller en éthique indépendant. Comme les faits sont perçus de cette façon, nous réagirons en nous limitant nous aussi à la perception. Aller plus loin signifierait que le conseiller serait indépendant du Sénat et indépendant du premier ministre. C'est ce que je n'ai cessé de répéter ici depuis 11 ans. Il y aurait moyen d'y parvenir en adoptant une loi, en créant un mécanisme autonome de recrutement et de nomination ou en procédant de toute autre façon acceptable qui puisse être proposée.

Le projet de loi C-4 ne contient rien qui puisse convaincre le public que l'indépendance est garantie ou qu'il y a une norme de conduite. Si nous adoptons le projet de loi C-4, le Sénat sera privé de l'indépendance qu'il lui faut pour nommer quelqu'un et, partant, pour rendre des comptes au public. Nous aurons confié ce pouvoir au premier ministre, de manière à renforcer le pouvoir qu'exercent le premier ministre et le cabinet du premier ministre sur un plus grand nombre d'activités du Parlement.

Nous ferons empirer le déficit démocratique au Parlement au moment même où la population souhaite ardemment le rétablissement du processus parlementaire. Ce que fait vraiment le gouvernement aujourd'hui, c'est d'entraver l'action démocratique au Parlement. Pourquoi est-ce que je tiens de tels propos? Examinons un peu les manœuvres politiques qui ont entouré cette mesure.

Pendant la dernière session, le Sénat s'est prononcé massivement en faveur de la modification du projet de loi C-34, après en avoir débattu, afin qu'il y ait une certaine indépendance par rapport au gouvernement et aussi pour redonner au Sénat la responsabilité en matière d'éthique, pour qu'il y ait séparation de l'organe exécutif et de l'organe législatif du Parlement.

(1530)

Qu'a fait le premier ministre Martin? Il a déposé de nouveau tout le projet de loi sans aucune modification, même s'il a promis de s'occuper du déficit démocratique au Parlement et de permettre aux parlementaires de voter librement dans le cas des questions de conscience. Manifestement, les questions d'éthique, de responsabilité, de conduite, de transparence et de démocratie sont des questions de conscience.

Nos gestes, nos attitudes et nos réactions face au public forment les questions morales et légales les plus fondamentales qu'un sénateur aura jamais à trancher.

Le ministre Cotler, lorsqu'il s'est adressé au comité, a parlé de l'ethos démocratique qui est indispensable à un État démocratique. Il n'a guère été question, ni au comité ni à la Chambre, de ce qui caractérise une démocratie par rapport à d'autres formes de gouvernement. Qu'est-ce qui distingue une démocratie des autres régimes gouvernementaux? C'est la primauté du droit et le respect de l'organe législatif en tant qu'entité distincte de l'organe exécutif et de l'organe judiciaire.

Comme tout bon avocat le sait, on dit souvent en droit criminel: «Donnez-moi une cause difficile et je vais essayer de faire aussi bonne figure que possible.» Tout à son honneur, le sénateur Austin a tenté de faire bonne figure avec un mauvais texte de loi en formulant un engagement, sachant très bien qu'il n'a pas de valeur exécutoire.

Honorables sénateurs, dans une démocratie, on ne dépend pas des promesses du premier ministre. On se fie à la primauté du droit. Les Canadiens ne se fient pas aux largesses du premier ministre, mais à l'application de la primauté du droit. Nous ne devrions pas être redevables au premier ministre, pas plus que nous devrions demander que le premier ministre nous consulte. Nous devrions plutôt nous en remettre à la loi et à son respect. Or, honorables sénateurs, telle qu'elle est présentée dans le projet de loi C-4, la loi diminue clairement toute fonction réelle du Sénat. Comme je l'ai affirmé, le projet de loi C-4 n'est qu'un voeu pieux, à savoir celui de tenter d'influencer le premier ministre; il ne nous donne pas un pouvoir décisionnel réel.

Je crois que les Canadiens veulent un code de conduite que les parlementaires devront suivre. Honorables sénateurs, il n'y a pas un traître mot sur l'élaboration d'un code par voie législative. Il y a plutôt des indications inférentielles que les sénateurs seraient responsables de leur propre code, comme c'est le cas de la Chambre des communes. Il n'y a rien dans la loi proposée au sujet d'un code ou du genre de code. Le projet de loi demeure complètement muet sur la façon dont tout cela se fera.

Ce qui est réel au sujet du projet de loi C-4, c'est qu'il offre moins au public, pas plus. Le jour où ce projet de loi sera adopté, nous aurons supprimé l'article 14 de la Loi sur le Parlement du Canada pour le remplacer par rien du tout. Plus particulièrement, pour le public, les modifications consécutives liées à ce projet de loi réduiront l'accès à l'information. Le commissaire Reid a affirmé que cela aurait pour effet de soustraire à l'examen public quelque 2 500 personnes qui sont maintenant assujetties aux lois régissant l'accès à l'information. Honorables sénateurs, il s'agit d'une réduction de l'examen public.

Le sénateur Austin a dit que la question soulevée par le commissaire Reid n'était pas substantielle. Toutefois, honorables sénateurs, la réduction de l'accès est substantielle. Il s'agit de droits que les citoyens ont mis beaucoup de temps à obtenir, morceau par morceau. Maintenant, par l'adoption de ce projet de loi, nous allons éliminer l'accès à l'information qui répond au «besoin de savoir», qui est la marque de la démocratie. Le projet de loi C-4 viendra réduire la capacité des citoyens de savoir ce qui se passe. Nous nous retrouvons avec quoi? La véritable nécessité de rendre des comptes au peuple sera amoindrie. Le contrôle réel sera concentré encore davantage entre les mains du premier ministre.

Ce qui fait peur, c'est que les changements véritables qui s'imposent ne sont pas apportés. Le déficit démocratique grandit davantage parce que le premier ministre utilise le fouet et qu'il ne permet pas aux sénateurs de faire un choix libre. Le sénateur Smith a dit que cela permettait à une majorité de voter contre le gouvernement. Eh bien, nous verrons.

De même, on ne constate ni changement, ni contrôle parlementaire. En fait, aujourd'hui, des hauts fonctionnaires du Parlement sont nommés par le premier ministre après consultation. L'attaque virulente dont a fait l'objet la vérificatrice générale dans cette enceinte jeudi dernier m'a choquée et attristée. Personne ne s'est levé pour faire valoir que la vérificatrice générale, de par son mandat, avait fait son devoir. Je crois que les Canadiens n'en attendaient pas moins d'elle. Pourtant, les parlementaires semblent ne pas se formaliser à l'idée de s'attaquer à la personne même à qui ils devraient rendre compte.

Où les fissures sont-elles apparues en premier? Tout a commencé avec M. Radwanski. Avec les années, les consultations étaient devenues si superficielles et de pure forme que le premier ministre lui-même a en fait nommé M. Radwanski. Nous connaissons la suite. En nommant le successeur de M. Radwanski, M. Marleau a au moins suivi un processus temporaire de nomination en quelque sorte indépendant.

Le commissaire John Reid a proposé de façon très convaincante une nouvelle façon de nommer nos hauts fonctionnaires du Parlement et de perpétuer l'accès aux renseignements personnels et la protection de la vie privée. Cela, a dit le sénateur Austin, n'était pas l'objet du projet de loi C-4; il nous faut discuter d'une façon nouvelle et différente de procéder.

Honorables sénateurs, ce n'est pas une perception, à mon avis; c'est une croyance fondée sur le fait que les gens veulent une plus grande et une meilleure reddition de comptes. Cela aurait été plus convenable si le premier ministre Martin avait dit qu'il croyait en une réforme démocratique et qu'il s'attaquerait au déficit démocratique en déposant un nouveau projet de loi C-4 à l'approche nouvelle, moderne, innovatrice. Mais c'est de ce projet de loi dont nous sommes saisis — le projet de loi du premier ministre Chrétien. Il n'est pas de bon augure de constater que le premier ministre Martin perpétue la façon de faire de son prédécesseur.

Le sénateur Kroft prétend que ceux d'entre nous qui croient qu'un nouveau projet de loi repensé aurait pu être adopté à la Chambre des communes sont dans l'erreur; il prétend que la Chambre n'aurait pas permis son adoption. Honorables sénateurs, je crois qu'aucun parti de l'opposition aurait rejeté, ou aurait pu rejeter, un véritable nouveau projet de loi offrant démarche démocratique, reddition de comptes et transparence. Un tel projet de loi aurait été la preuve du leadership de M. Martin et de son respect pour l'indépendance du Parlement.

Le projet de loi C-4 nous donne une illusion de changement, mais, en réalité, cela revient au même pour le public. Nous avons des perceptions plutôt que de vrais changements fondamentaux. Le Sénat reconnaît que la perception d'indépendance existera encore, mais il en ira autrement dans la réalité.

Honorables sénateurs, avec le projet de loi C-4, notre indépendance par rapport au gouvernement sera mise à l'épreuve en droit pour la première fois depuis plus d'un siècle. Cette situation se présente au moment même où le public met en doute notre légitimité, étant donné que nous sommes nommés dans nos fonctions. Si nous n'adoptons pas au moins l'amendement présenté par le sénateur Bryden, nous donnerons raison à nos critiques. Alors, la volonté et l'autorité du premier ministre sur notre assemblée sera totale et notre marginalité aura été prouvée. Comme l'a dit le sénateur Oliver, notre rôle sera passé de celui de chien de garde à celui de chien de poche.

J'ai lutté pour légitimer les décisions que nous prenons au Sénat comme étant utiles aux citoyens. Ce projet de loi ne sert les citoyens canadiens en aucune manière. Il accroche une corde à notre cou qui nous attache au premier ministre. Voulons-nous faire ce qui est bien ou ce qui est populaire, peu importe que notre assemblée perde son statut?

Le sénateur Bryden n'est pas en train de mettre sur pied un régime vraiment indépendant et moderne. Il cherche à s'assurer que le Sénat continuera à exister. Si nous n'adoptons pas l'amendement présenté par le sénateur Bryden, le Sénat perdra du terrain; nous aurons moins d'autorité et les gens perdront leur droit de regard car, sans l'amendement du sénateur Bryden, le projet de loi C-4 ne répond pas aux attentes du public de nos jours.

(1540)

L'honorable David P. Smith: L'honorable sénateur accepterait-elle que je lui pose une question?

Le sénateur Andreychuk: Mais oui.

Son Honneur la Présidente intérimaire: Honorables sénateurs, je suis désolée, mais le temps de parole du sénateur Andreychuk est écoulé.

Le sénateur Smith: Je me levais pour poser une question. Pourrais-je avoir une prolongation de temps pour poser une question?

Le sénateur Andreychuk: Je répondrai, à la condition que la question soit extrêmement brève.

Le sénateur Cools: Votre Honneur, concernant le rappel au Règlement invoqué il y a quelques minutes, le sénateur Bryden a fait valoir que bien des sénateurs voulaient prendre la parole, et il faudrait peut-être en tenir compte.

L'honorable Herbert O. Sparrow: Madame le sénateur Andreychuk a-t-elle dit qu'elle n'avait pas le temps de répondre à des questions?

Le sénateur Andreychuk: Je demanderais la permission de répondre, tout en reconnaissant que le temps file. J'espère que la question du sénateur Smith sera brève.

Le sénateur Smith: Elle le sera, si j'ai le consentement.

Son Honneur la Présidente intérimaire: La permission est-elle accordée au sénateur Smith de poser une question?

Des voix: D'accord.

Des voix: Non.

L'honorable Jim Munson: Honorables sénateurs, puisque je suis nouveau ici, je ne vais pas me lancer dans un débat d'ordre juridique et constitutionnel sur le projet de loi C-4, mais je comprends un peu l'atmosphère qui règne à l'extérieur de cette enceinte. Mon message sera bref, simple et direct. Nous avons tous entendu les appels en faveur du changement. Dans le contexte de la gouvernance, tous les intervenants ont les mots «transparence» et «reddition de comptes» à l'esprit.

Aujourd'hui, je vais parler en faveur du projet de loi C-4. Il est le fruit d'un engagement de longue date de la part du gouvernement libéral précédent, dirigé par le très honorable Jean Chrétien, qui avait promis de renforcer les institutions démocratiques du Canada et d'accroître la transparence et la reddition de comptes. Bien avant que les manchettes des médias ne réclament plus de transparence dans les règles d'éthique et au sein du gouvernement, le gouvernement libéral avait commencé à apporter des modifications et à présenter des mesures législatives pour améliorer nos institutions démocratiques.

Comme le savent les honorables sénateurs, le projet de loi C-34, précurseur du projet de loi C-4, faisait partie d'un programme d'éthique en huit points qui avait été proposé et qui comportait diverses mesures visant à consolider la démocratie au Canada, notamment une mesure pour limiter le financement politique et certaines modifications à la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes.

Lorsqu'on analyse le projet de loi qui se nomme maintenant C-4, on doit reconnaître qu'il a ses mérites. Pour ce qui est du conseiller sénatorial en éthique, il faut admettre que le projet de loi C-4 respecte les traditions du Parlement et le rôle du Sénat. Si le projet de loi C-4 est adopté, le Sénat déterminera le rôle et les fonctions du conseiller en éthique. Si ce projet de loi est adopté, le Sénat conservera le plein contrôle quant à la discipline de ses membres. Selon moi, la création du poste de conseiller sénatorial en éthique ne limitera aucunement les pouvoirs, les privilèges, les droits et l'immunité du Sénat et de ses membres. Bref, la création du poste de conseiller sénatorial en éthique ne modifiera pas ce que nous faisons et les raisons pour lesquelles nous le faisons.

Que fait donc le projet de loi C-4? Quelles sont les conséquences de la création d'un poste de conseiller sénatorial en éthique? Honorables sénateurs, le projet de loi C-4 est l'occasion pour nous de montrer aux Canadiens que le Sénat n'est pas une société fermée ou secrète. Il montre aux Canadiens que nous prenons notre travail au sérieux et que nous sommes fiers de rendre des comptes aux citoyens que nous servons. Ce projet de loi nous permet de prendre position sur l'obligation morale que nous avons d'être ouverts et transparents pour les Canadiens. On a manifesté de l'inquiétude parce que l'information personnelle fournie au conseiller en éthique serait publique. Nous savons que le conseiller sénatorial en éthique déposerait un rapport annuel au Sénat, mais c'est le Comité du Règlement du Sénat qui décidera de l'information qui fera l'objet d'un rapport et de celle qui sera rendue publique.

Comme bon nombre d'entre vous le savent, y compris mon collègue qui me fait face, en politique, tout est une question de perception. Adoptons le projet de loi C-4 et montrons aux Canadiens que nous sommes une institution dynamique qui est favorable au changement. Montrons aux Canadiens que nous reconnaissons l'évolution de la démocratie et la nécessité pour nos institutions de faire le saut et de relever le défi du changement.

Nous ne devons pas craindre le changement, honorables sénateurs. Nous devons reconnaître les possibilités qu'il offre. Par l'adoption du projet de loi C-4, nous contribuerons à une plus grande ouverture du gouvernement, nous contribuerons à changer la perception que le public a du Sénat, nous réaffirmerons notre rôle et nos responsabilités de sénateurs et nous montrerons aux Canadiens que le Sénat est une institution moderne et pertinente ainsi qu'une partie essentielle d'une démocratie en évolution. En adoptant le projet de loi C-4, honorables sénateurs, nous prenons des mesures pour renforcer cette institution et assurer sa pertinence future.

Son Honneur le Président: Le sénateur Beaudoin est le prochain orateur qui figure sur ma liste.

Sénateur Beaudoin, souhaitez-vous prendre la parole?

L'honorable Gérald-A Beaudoin: Si je peux, je la prendrai, mais je ne veux prendre la place d'un autre sénateur.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, nous devrions normalement alterner entre un orateur du côté du gouvernement et un orateur du côté de l'opposition. C'est maintenant le tour de l'opposition, et on m'a indiqué, Sénateur Beaudoin, que vous souhaitiez prendre la parole, et vous êtes le suivant à figurer sur ma liste. Je vais inscrire le sénateur Comeau sur ma liste.

Le sénateur Beaudoin: Honorables sénateurs, mon système préféré de sélection d'un conseiller en éthique commencerait au Sénat, plus précisément dans un comité spécial du Sénat, et irait ensuite au cabinet du premier ministre. Le processus devrait commencer au Sénat avant de se rendre au premier ministre.

Le comité sénatorial demanderait aux intéressés de présenter leur candidature au poste de conseiller en éthique. Il ferait ensuite une présélection des candidats et dresserait une liste finale, après quoi le premier ministre, qui, bien sûr, est très important dans notre système, choisirait le conseiller parmi les candidats figurant sur cette liste.

Je ne vois rien d'inconstitutionnel dans cette façon de procéder. Je pense que nous pourrions légiférer. Nous sommes un des organes législatifs du système canadien et nous devons faire quelque chose. Nous en avons la chance.

Nous sommes en présence d'un système que nous a expliqué le leader du gouvernement au Sénat, le sénateur Austin. D'aucuns diront que c'est un système fondé sur des conventions et qu'il y a trois éléments dans la proposition du sénateur Austin. Ce système, de toute évidence, peut être adapté et modifié comme nous avons coutume de le voir dans le système parlementaire britannique.

Nous sommes saisis de l'amendement du sénateur Bryden. C'est un amendement de nature législative, et nous avons l'habitude de la proposition selon laquelle une des plus importantes fonctions du Sénat consiste à amender les projets de loi, à les rendre meilleurs.

Le sénateur Oliver et nombre de sénateurs de ce côté-ci s'intéressent à cet amendement et, par conséquent, il est important d'étudier cet amendement législatif.

L'amendement du sénateur Bryden favorise le Sénat. Il est en faveur d'un organe législatif plus fort dans notre système parlementaire. Je le répète, et j'estime que c'est très important, nous devrions avoir pour objectif d'obtenir plus de pouvoirs pour les sénateurs et les députés. J'ai toujours dit que les organes législatifs n'étaient pas assez forts.

(1550)

Nous légiférons en vue d'avoir un meilleur Sénat. Si nous suivons cet amendement, nous légiférons pour un commissaire à l'éthique. C'est très important. Si notre système n'est pas suffisamment fort au sein de notre Parlement, il nous incombe d'être plus forts et, dans la mesure du possible, d'être sur un pied d'égalité avec le judiciaire. Le pouvoir judiciaire est aussi très fort dans notre pays. Je n'ai aucun problème avec cela. Le pouvoir exécutif est aussi très fort, mais le pouvoir législatif ne l'est pas. C'est pour cela que j'aimerais accorder la priorité au Sénat. Le premier ministre n'interviendrait qu'après. Évidemment, c'est important, mais ce qui l'est encore plus, c'est qu'il est essentiel que le premier ministre choisisse le conseiller à partir de la liste restreinte, qui viendrait du Sénat.

Certaines personnes ont dit: «Oui, mais avec l'amendement au projet de loi, le conseiller n'est peut-être pas suffisamment fort.» De toute évidence, il est important que le conseiller à l'éthique soit fort. Cependant, il faut absolument que nous fassions la promotion de nos institutions législatives.

J'aimerais en savoir un peu plus au sujet du système. Je sais que le sénateur Joyal va parler de ce que nous devrions faire au Sénat pour commencer, et comment nous devrions choisir un conseiller au départ.

À mon avis, ce débat est nécessaire. Il survient à une période difficile, mais c'est ainsi. Nous devons le faire. Nous devons envisager un amendement et voter, que nous soyons pour ou contre. Cependant, ce ne sera pas la fin, car nous pouvons choisir une route, une voie. Nous pouvons choisir une voie, mais j'accorde la plus grande importance au fait que cela devrait venir du Sénat.

Honorables sénateurs, il ne fait aucun doute dans mon esprit que nous avons ce pouvoir. Nous sommes en train d'établir le droit en la matière. Parfois, nous manquons d'imagination. L'imagination créatrice est un élément très important du droit constitutionnel et de la Charte canadienne des droits et libertés. Nous devons prendre des risques, car je ne pense pas que ce nouveau poste sera créé en un jour. Il se peut qu'après un certain temps nous devrions étudier plus en profondeur les pouvoirs de ce conseiller.

En résumé, nous devons avoir un bon équilibre. Tout est en place. Les deux régimes sont intéressants, mais je penche en faveur de la voie législative, car je la connais mieux. Encore une fois, au Sénat, nous devrions avoir le courage d'accepter aussi un conseiller qui a le pouvoir.

L'honorable Serge Joyal: Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd'hui dans le débat en troisième lecture sur le projet de loi C-4, après tant d'autres interventions sur le projet de loi précédent, le C-34, après de nombreuses réunions du Comité du Règlement et après un nombre incalculable de discours sur l'opportunité pour le Sénat d'avoir un conseiller en éthique.

J'ai déjà écrit, dans un livre que nous avons publié l'année dernière — le sénateur Murray, moi-même et sept autres distingués professeurs canadiens — que nous devrions avoir un conseiller en éthique au Sénat. Je ne remets en question ni cette idée ni celle de nous faire aider dans l'organisation de nos affaires afin de veiller à ce que les conflits d'intérêts soient écartés. Le Sénat pourrait alors s'acquitter de ses fonctions législatives en toute quiétude pour que ses décisions soient sages et dans l'intérêt de tous les Canadiens.

J'ai déjà pris la parole au Sénat pour débattre d'autres projets de loi dont j'étais personnellement convaincu qu'ils ébranlaient le prestige et les pouvoirs de notre assemblée. Les sénateurs n'ont pas oublié le projet de loi sur la clarté, qui a fait perdre à notre assemblée son pouvoir de décision sur la question clé de l'avenir de notre pays ou, pour parler en termes négatifs, du démembrement de notre pays.

J'ai déjà pris la parole pour débattre d'autres mesures législatives qui nous arrivaient de l'autre endroit et qui faisaient abstraction du Sénat. À l'égard de ces projets de loi, la Chambre des communes s'était arrogée le pouvoir de prendre des décisions et n'avait tenu aucunement compte du rôle constitutionnel de notre assemblée. J'ai pris la parole sur le projet de loi sur la rémunération, et j'ai attiré l'attention des honorables sénateurs sur le danger de payer les présidents et les vice-présidents de nos comités, ce qui risque de nuire à notre indépendance dans l'exercice de nos fonctions. Chaque fois que, après avoir lu un projet de loi, j'en arrive à la conclusion qu'il y a peut-être un risque que notre capacité d'assumer nos fonctions soit ébranlée, j'estime qu'il est de mon devoir d'attirer votre attention sur ce fait.

Aujourd'hui, nous arrivons au terme d'un long voyage. J'ai entendu certains sénateurs dire, ces derniers jours, que l'environnement politique est différent de ce qu'il était l'automne dernier. À l'autre endroit, de nombreux débats ont suivi le dépôt du rapport de la vérificatrice générale. De nombreux commentaires sont publiés dans les journaux chaque fois qu'il y a allégation de faute administrative ou politique à l'autre endroit et, comme le sénateur Munson vient de le dire, la perception est la réalité.

Dans un contexte d'action, nous devrions prendre l'initiative et donner au public ce qu'il réclame. Je ne suis pas certain que le changement d'environnement politique que certains d'entre nous ont décrit est le véritable changement survenu depuis novembre. Pour moi, le véritable changement se situe dans la direction que le nouveau premier ministre veut imprimer au rôle du Parlement.

Je vais citer le premier ministre du Canada. Il y a deux semaines, le 17 mars, M. Martin s'est adressé à la Chambre de commerce de la Ville de Québec et a prononcé un discours écrit à l'avance. Je crois comprendre qu'un discours écrit est une ferme indication des intentions d'un gouvernement. Voici ce qu'a déclaré M. Martin dans ce discours le 17 mars:

Comme je l'ai dit il y a 18 mois, le changement de culture, de façon de faire, sera la mesure de référence de notre succès.

[...]

Disons-le sans détours: au cours des dernières décennies, le cabinet du premier ministre était devenu trop puissant. Et cela, au détriment du processus parlementaire.

Il a poursuivi:

Dans le même esprit de réforme progressiste, nous voulons donner aux parlementaires le droit de revoir la grande majorité des nominations aux postes seniors du gouvernement, incluant ceux à la Cour suprême du Canada.

Honorables sénateurs, la scène politique a considérablement changé depuis novembre en raison des interrogations sur la façon dont le Parlement du Canada fonctionne depuis des décennies. S'il nous faut nous adapter au changement de culture politique et être évalués en fonction de cette mesure de référence, en quoi le projet de loi C-4 permet-il d'y arriver? À mon avis, le point de départ, c'est ce que nos fondateurs nous ont légué comme testament politique. Qu'a dit sir John A. Macdonald au sujet des pouvoirs du Sénat? Je vais citer un extrait du livre du professeur Rémillard:

Une Chambre haute ne serait d'aucune utilité si elle n'exerçait pas [...] le droit de s'opposer à un projet de loi de la Chambre basse, de l'amender ou de le retarder.

Elle doit être une Chambre indépendante [...] car elle n'est utile que comme organe de réglementation, qui considère calmement les projets de lois proposés par la Chambre populaire et qui empêche l'adoption précipitée de mesures législatives mal avisées.

C'est notre rôle et c'est pourquoi nous devons être indépendants. Qu'est-ce que cela signifie? Nous devons être indépendants de la Couronne, de l'exécutif, du Cabinet, du premier ministre et des tribunaux. Ce sont là les deux pôles d'attraction par lesquels notre statut indépendant peut être remis en question.

Honorables sénateurs, personne ne comprend mieux que le sénateur Austin les répercussions du projet de loi C-4. J'ai eu le plaisir de siéger avec lui en cette enceinte et de travailler avec lui à divers titres. Le fin jugement du sénateur Austin lui permet de percevoir ce qui est en jeu dans le projet de loi C-4 et dans sa version précédente, le projet de loi C-34.

Le sénateur Austin a accordé une entrevue qui a été publiée l'automne dernier. Il a déclaré que le projet de loi soulevait d'importantes questions au sujet de l'indépendance du Sénat et de sa capacité de s'administrer lui-même. Il a dit être opposé à la procédure de nomination contenue dans le projet de loi. Le sénateur Austin a dit que, de l'avis d'un certain nombre d'entre nous, le CPM ne devrait pas dresser de listes, interviewer des candidats ni nous faire parvenir des listes de noms pour que nous fassions notre choix.

Honorables sénateurs, j'ai beaucoup étudié cet aspect du projet de loi. Je sais que je ne suis pas en train de divulguer des conversations privées avec le sénateur Austin. J'ai trop de respect pour ses longues années de service dans notre institution et au sein du gouvernement du Canada sous des gouvernements antérieurs. Honorables sénateurs, la question fondamentale est celle du processus de nomination proposé dans le projet de loi.

Je dois reconnaître avec respect que le sénateur Austin a essayé de résoudre le problème lorsqu'il a fait ses déclarations au nom du gouvernement en essayant de trouver des modalités acceptables. Il a essayé d'invoquer les traditions, mais comme les juristes le savent, il ne s'agit pas d'une tradition. Le sénateur Austin a essayé de proposer une orientation pour nos délibérations, et nous sommes tous d'accord là-dessus. Le problème, c'est que nous n'avons pas la garantie que les bonnes intentions du sénateur Austin seront respectées. J'ai essayé de trouver une issue au problème, et je me suis demandé quelles sont les possibilités en dehors d'une simple déclaration d'intention.

Au fil de mes réflexions, honorables sénateurs, je suis tombé sur une solution que je ne vais pas vous proposer. C'est celle que l'Assemblée législative de l'Alberta a adoptée. Il est très étonnant que, pour étudier des problèmes du Parlement du Canada, nous nous tournions vers l'assemblée législative de cette province.

J'en appelle au sénateur Austin. Le mercredi 24 mars, le sénateur Austin a dit, dans une réponse au sénateur Comeau:

Par ailleurs, je ne peux pas parler pour l'avenir. J'ignore qui sera le leader du gouvernement au Sénat d'une autre législature. Cependant, je crois que l'engagement est important et qu'il devrait être suivi de temps à autre.

Une chose qui ne change pas d'une législature à l'autre, c'est la présence du Règlement.

Honorables sénateurs, c'est là un moyen de reprendre le contrôle du processus de nomination, dans la proposition du projet de loi C-4. Il y a deux semaines, ne l'oublions pas, le premier ministre a parlé de redonner des pouvoirs au Parlement en ce qui concerne la nomination de dirigeants et de fonctionnaires aux plus hauts échelons; c'est le Parlement qui devrait mener le processus de sélection et de nomination.

Comment devrions-nous procéder, honorables sénateurs? À mon avis, nous devrions modifier l'article 86 du Règlement du Sénat, portant sur les comités sénatoriaux. Le Sénat devrait avoir une règle stipulant que, lorsqu'une vacance survient au poste de conseiller sénatorial en éthique, le Sénat forme un comité de sélection. Ce comité restreint devrait être constitué pour former les divers comités du Sénat. Il devrait également établir les critères de sélection auxquels les candidats au poste de commissaire à l'éthique devront satisfaire. L'affichage devrait se faire d'un bout à l'autre du Canada. Il faudrait établir un mécanisme pour évaluer les diverses candidatures des personnes offrant leurs services professionnels. Ce processus de présélection devrait être assuré par des fonctionnaires de la Commission de la fonction publique, comme c'est le cas à l'assemblée législative de l'Alberta.

Une fois le processus de présélection terminé, la liste ne devrait plus compter que cinq ou six candidatures. Les membres du comité de sélection recevraient alors en entrevue les candidats éventuels, et le nom d'un seul candidat serait soumis au gouverneur en conseil. Ce dernier aurait alors l'assurance que le processus a été public.

Que voulons-nous? Nous voulons un processus de sélection transparent. J'ai des réserves à propos des mécanismes descendants mentionnés par le sénateur Austin. Qu'est-ce qu'un mécanisme descendant? C'est inscrit dans le projet de loi C-4. Le premier ministre, le Cabinet, le Bureau du Conseil privé et le cabinet du premier ministre soumettent un nom. Les leaders du gouvernement en discutent, espérant arriver à un consensus. Ce n'est pas ce que nous voulons. Ce n'est pas ce que je veux. Au contraire, je crois que le Sénat devrait avoir un comité de sélection pour diriger le processus, de sorte qu'il y ait transparence aux yeux de tous.

(1610)

Pour que la procédure apparaisse transparente en dehors de cette enceinte, il doit y avoir publication dans les journaux. Il doit y avoir une présélection, puis une courte liste, de sorte que, en bout de ligne, nous soyons en présence d'un candidat approuvé suivant une procédure indépendante, fiable et crédible.

J'invite le sénateur Austin, leader du gouvernement au Sénat, à envisager cette approche afin que nous le soulagions de l'odieuse responsabilité d'être l'instrument du gouvernement du moment. Je souhaite l'approche inverse de celle que compte adopter le leader.

Honorables sénateurs, en faisant appel à notre créativité, au Règlement et aux précédents, nous pouvons trouver une solution qui satisfasse à nos préoccupations de maintenir l'indépendance du Sénat par rapport au gouvernement.

Son Honneur le Président: Sénateur Joyal, je suis au regret de vous informer que votre temps de parole est écoulé.

Des voix: Demandez la permission.

Le sénateur Joyal: Honorables sénateurs, je vous demande la permission de conclure. J'ai besoin de trois minutes.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, permettez-vous au sénateur Joyal de finir son discours?

Des voix: D'accord.

Le sénateur Joyal: Honorables sénateurs, je vais conclure rapidement.

L'autre objet de préoccupation, comme l'a souligné déjà le sénateur Austin, c'est notre indépendance à l'égard des tribunaux. Nous ne voulons pas que la procédure soit transférée de cette assemblée aux tribunaux. Nous sommes tous d'accord à ce sujet, en principe.

Le problème que pose ce projet de loi, c'est qu'il contient des éléments soulevant des questions. Ramenons tout cela à un dénominateur commun. Dans son discours, le sénateur Munson a fait allusion aux privilèges. Dans son huitième rapport, le Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre des communes a indiqué que la question des privilèges en jeu relativement à la nomination et au rôle du commissaire à l'éthique est très, très difficile au plan juridique.

Le huitième rapport, rendu public le 8 mars 2004, disait notamment:

Un des principaux écueils est le fait que la plupart des juges et des avocats ne connaissent ni ne comprennent suffisamment bien la nature du privilège parlementaire.

Le sénateur Cools: C'est vrai!

Le sénateur Joyal: Honorables sénateurs, la Chambre des Communes en a conclu qu'il s'agissait d'une question très difficile. La Chambre des communes et la Chambre des lords du Royaume-Uni ont conclu exactement de la même façon à propos des règles d'éthique. La recommandation 123 du rapport de 1999 dit ceci: «Nous recommandons que la loi établisse clairement que le fait de tenir le registre, soit la règle d'éthique, et, par conséquent, les registres eux-mêmes, constituent des délibérations du Parlement.»

Il existe un doute, honorables sénateurs. Même Joseph Maingot, l'expert du gouvernement sur cette question, déclarait la semaine dernière au sujet de l'article 25.5: «Cette précision m'apparaît inutile, car la personne bénéficie déjà d'une protection.»

Cette question constitue un important sujet de préoccupation parmi les experts. Il y a un doute à cet égard.

Honorables sénateurs, je fais de nouveau appel au leader du gouvernement au Sénat, à sa longue expérience et à sa conviction que le maintien de l'indépendance de notre institution est essentiel à son efficacité et à sa crédibilité. Je suis persuadé que, grâce à tous les hommes et à toutes les femmes de bonne volonté présents dans cette enceinte, nous pouvons répondre à ces questions et proposer un système susceptible de répondre à nos besoins, qui offre la qualité de transparence que mérite le public et qui nous donne l'intime conviction que nous avons fait notre devoir.

Son Honneur le Président: Le sénateur Joyal acceptera-t-il une question ou une observation?

Le sénateur Joyal: Il serait discourtois de refuser de répondre à une question du leader du gouvernement au Sénat, Votre Honneur.

L'honorable Jack Austin (leader du gouvernement): Le sénateur Joyal s'est adressé directement à moi. Puis-je répondre en disant, premièrement, que j'apprécie beaucoup le discours qu'il vient de prononcer? Il s'agit d'une contribution remarquable à ce débat.

Deuxièmement, je veux poser au sénateur Joyal la question suivante: n'admettra-t-il pas avec moi que c'est nous, et nous seuls, qui sommes les maîtres des règles que nous nous donnons?

Le sénateur Joyal: Absolument.

Le sénateur Austin: Si vous le reconnaissez, il est certain que le Sénat peut décider à son gré d'ajouter à ses règles un système réciproque compatible avec le projet de loi C-4.

Le sénateur Joyal: Honorables sénateurs, sachez que je reconnais avec l'honorable leader du gouvernement au Sénat l'importance d'étoffer le plus possible les règles afin d'atteindre les deux objectifs que nous visons. Premièrement, nous voulons que cette question reste dans cette enceinte et nous ne voulons pas qu'elle aboutisse devant les tribunaux. Plus nous incluons d'éléments dans notre Règlement, plus les tribunaux seront disposés à reconnaître qu'il est inattaquable.

Je pourrais citer au leader du gouvernement au Sénat de nombreux précédents indiquant que, dès qu'un tribunal constate qu'il existe un règlement, il n'y touche pas. C'est ce que reconnaît le jugement de 1995 concernant le Conseil privé que le leader du gouvernement au Sénat a cité.

En second lieu, plus nous enrichissons le Règlement, plus nous protégeons le Sénat de l'intervention politique de la Couronne. C'est là l'objectif que nous devons viser. Je le répète, l'élément le plus important que nous devons protéger est la transparence. Je ne peux trop insister sur l'importance de recourir au Règlement.

Le sénateur Bryden: Puis-je poser une autre question au sénateur Joyal?

Le sénateur Joyal: Je vous en prie.

Le sénateur Bryden: La méthode que préconise le sénateur Joyal en faisant appel au Réglement est-elle possible avec l'amendement que j'ai proposé?

Le sénateur Joyal: Absolument. À vrai dire, c'est possible dans le contexte du projet de loi C-4. C'est possible également dans le contexte de l'amendement de l'honorable sénateur. Ce serait plus difficile sous le régime du projet de loi C-4.

Le sénateur Oliver: Bravo!

Le sénateur Joyal: Quiconque veut interpréter à sa façon le projet de loi C-4 peut prétendre que le processus va de haut en bas. Nous voulons inverser le système. L'interprétation du projet de loi C-4 tel qu'il est rédigé à l'heure actuelle peut compliquer la tâche de quiconque voudrait uniquement appliquer la loi à la lettre.

Le sénateur Bryden: Honorables sénateurs, je tiens à savoir sans l'ombre d'un doute que le sénateur Joyal appuie mon amendement.

Le sénateur Joyal: En réponse à l'honorable sénateur, à moins que le leader du gouvernement au Sénat confirme aujourd'hui que le gouvernement est prêt à proposer un projet de disposition qui s'ajouterait à l'article 86 du Règlement, il conviendrait de s'en assurer. En d'autres mots, la proposition du sénateur Bryden aurait pour effet de resserrer le système.

Le sénateur Bryden: Honorables sénateurs, le leader du gouvernement au Sénat s'est engagé à bon nombre de choses. S'agit-il là d'un engagement qui devrait être confirmé par écrit? Dans l'affirmative, par qui? Nous voterons dans un peu plus d'une heure.

Le sénateur Comeau: On nous a refusé...

Le sénateur Bryden: Je ne sais pas ce que nous donnera un engagement. Cela veut-il dire que, selon le genre d'engagement que le sénateur Austin prendra, tous les sénateurs devront appuyer l'amendement?

(1620)

Le sénateur Joyal: Honorables sénateurs, j'ai proposé une approche qui permettrait de répondre à certaines des principales préoccupations de bon nombre de sénateurs à l'égard du processus de nomination. Bon nombre de ceux qui ont pris la parole ont exprimé de telles préoccupations. Le sénateur Bryden s'inquiétait aussi et il a proposé un amendement pour y répondre.

J'ai suivi le débat de près. Le meilleur énoncé que j'ai pu trouver de la part du sénateur Austin relativement à l'engagement a été formulé dans la réponse qu'il a faite au sénateur Comeau la semaine dernière. Voici ce qu'on peut lire dans le hansard:

Cependant, je crois que l'engagement est important et qu'il devrait être suivi de temps à autre.

Une chose qui ne change pas d'une législature à l'autre, c'est la présence du Règlement.

Il ne s'agit pas de l'engagement de présenter un avant-projet de Règlement incluant le processus d'élections transparent que je viens de décrire. En tant qu'avocat et que personne ayant du bon sens, je ne peux pas arriver à cette conclusion.

Je demande au sénateur Austin de considérer ce processus. J'estime que c'est un moyen d'apaiser notre inquiétude, lequel est de la compétence de cette assemblée, dans la mesure où cela est compatible avec le projet de loi C-4. Nous ne pouvons pas contredire dans notre Règlement ce qui est déjà énoncé clairement dans le projet de loi. Il y a des limites à ce que nous pouvons faire dans le Règlement. Le Règlement du Sénat ne peut pas contredire le projet de loi. Le projet de loi est le projet de loi. Le projet de loi est la loi. Il y a des limites à ce que nous pouvons faire dans le Règlement. Je n'ai aucun doute qu'avec la proposition du sénateur Bryden, nous pouvons rédiger des règles qui seraient parfaitement compatibles avec sa proposition.

En ce qui concerne le parrainage du projet de loi C-4 par le sénateur Austin, il y a des limites à ce que nous pouvons faire pour conserver la lettre du texte du projet de loi concernant la nomination du conseiller en éthique.

Le sénateur Austin: Honorables sénateurs, le sénateur Joyal s'est encore adressé directement à moi et je voudrais lui répondre de la façon suivante. Premièrement, je ne vois pas le conseiller en éthique jouir d'une indépendance si cette personne est exclusivement créée par cette Chambre. Je voulais le souligner de nouveau au sénateur Joyal.

Deuxièmement, le sénateur Joyal se prononce sur le fait que le gouvernement pourrait ou non présenter un projet de Règlement. En tant que sénateur, j'hésiterai beaucoup à ce que le gouvernement, que je sois le leader ou non, présente quoi que ce soit qui puisse porter atteinte à notre Règlement.

Le sénateur Smith: Absolument.

Le sénateur Austin: C'est la responsabilité de chacun d'entre nous.

Pour faire contrepoids aux commentaires du sénateur Joyal — qui valent ce que vaut n'importe quelle déclaration d'un gouvernement, c'est-à-dire qu'on peut l'accepter ou pas — le gouvernement ne devrait pas intervenir de quelque façon que ce soit dans la création de n'importe laquelle des règles que le Sénat voudrait élaborer visant le recrutement ou la nomination d'un conseiller. Si le Sénat disposait d'une procédure qu'il souhaiterait suivre, cela remplacerait donc l'engagement.

Le sénateur Joyal le sait bien. J'ai collaboré avec lui pour mettre en place des règles concernant le projet de loi sur la clarté quand les dispositions que nous avons cherchées dans la loi n'y étaient pas. Il a pris l'initiative et a fait preuve de créativité.

Je crois que notre Règlement est ouvert et qu'il revient à chacun de nous, mais pas au gouvernement de décider quelles règles devraient s'y trouver.

Son Honneur le Président: Je vais donner la parole au sénateur Joyal, mais avant, je veux simplement mentionner aux honorables sénateurs que, selon l'ordre, nous devons voter à 17 heures. J'ai encore trois intervenants sur ma liste: les sénateurs Comeau, Trenholme Counsell et Di Nino. Si chacun prend ses 15 minutes, nous n'aurons pas le temps de les entendre tous. Je voulais en informer les honorables sénateurs.

Le sénateur Joyal: Sommairement, les honorables sénateurs savent que, lorsque nous avons reçu ce projet de loi, il était accompagné d'un code de déontologie à l'état d'ébauche, lequel devait s'ajouter au Règlement. C'est une ébauche de Règlement. C'est la version préliminaire de ce que pourrait être le Règlement. Nous l'avons présenté au Comité du Règlement. Cela fait deux ans que nous travaillons à cette ébauche de Règlement.

Il y a des limites à ce que le gouvernement peut proposer, mais lorsque l'objectif est clair, nous pouvons effectuer le travail.

L'honorable Gerald J. Comeau: Honorables sénateurs, ma remarque portera principalement sur l'impact du projet de loi sur le Sénat et non sur ce qui pourrait se produire, même si la plupart des dispositions dont nous parlons peuvent s'appliquer également à la Chambre des communes.

Tout d'abord, je précise, pour le compte rendu, que je suis tout à fait d'accord avec l'idée de nommer un responsable de l'éthique indépendant. Je n'aime pas le terme anglais «officer»; j'ai toujours l'impression que je dois montrer mon permis et mon certificat d'immatriculation ou que je dois faire un salut. C'est néanmoins celui qui est utilisé dans le projet de loi.

Nous devons montrer aux Canadiens que nous agissons dans leur intérêt. Si la nomination d'un conseiller en éthique permet d'y arriver, alors nous devons choisir cette voie.

Je rappelle aux honorables sénateurs des détails que nous avons tendance à oublier: c'est le premier ministre qui nommera le conseiller sénatorial en éthique. C'est le premier ministre qui démettra le conseiller de ses fonctions ou qui reconduira son mandat. Et c'est le premier ministre qui fixera son traitement et qui déterminera les hausses ou les baisses de salaire à son endroit, selon le cas.

Par ailleurs, le conseiller sénatorial en éthique nommé a le contrôle total de son budget et peut embaucher des fonctionnaires pour effectuer des tâches liées à sa fonction, selon ce qu'il juge bon. Le titulaire a le pouvoir de mettre sur pied sa propre «police» — et selon moi, c'est le premier ministre qui met sur pied sa propre «police» pour contrôler les parlementaires des deux Chambres. En plus de contrôler ses propres parlementaires, ce qu'il fait assez bien maintenant, il aura le pouvoir de contrôler les parlementaires des partis de l'opposition. En fait, l'exécutif contrôlera le Parlement, contrairement à ce qui devrait se produire dans un système parlementaire d'inspiration britannique comme le nôtre.

Le conseiller présentera un budget au Président du Sénat, lui aussi nommé par le premier ministre qui traite directement avec le Conseil du Trésor. Voilà qui s'écarte catégoriquement des usages actuels, le Comité de la régie interne, et non le Président du Sénat, s'occupant des budgets sénatoriaux.

À propos du Président, j'ai entièrement confiance en notre Président actuel. À vrai dire, s'il devait y avoir une élection aujourd'hui, je crois que je voterais pour lui. Cependant, il faut faire une distinction entre la fonction et le titulaire. Le Président actuel ne sera peut-être pas toujours ici. Nous n'éprouverons peut-être pas toujours la confiance que nous avons dans le titulaire actuel.

Le conseiller se voit conférer les privilèges et immunités du Sénat. Voici un détail intéressant, et tous les sénateurs devraient le savoir — le leader du gouvernement au Sénat est le seul sénateur parmi nous qui détienne un pouvoir réel et qui sera exempté des dispositions de ce projet de loi. Il n'est pas question de lui dans le projet de loi.

Le sénateur Austin: Ce n'est pas vrai. Si le projet de loi est adopté, je relèverai du conseiller sénatorial en éthique à titre de sénateur, et également du commissaire à l'éthique à titre de ministre.

Le sénateur Comeau: Au cas où je l'aurais mal interprété, je vais relire le paragraphe 20.5(4).

Les responsables et les membres du personnel du conseiller à l'éthique bénéficieront de l'immunité en matière civile ou pénale dans l'exercice de leurs fonctions.

Rappelez-vous Ken Starr, aux États-Unis — le procureur de profession et son équipe d'enquêteurs qui se sont attaqués au président des États-Unis de l'époque et qui ont dépensé des sommes folles pour s'en prendre à un seul président. Cela pourrait-il se produire au Canada? Réfléchissez-y. Si l'on a le pouvoir, pourquoi ne pas l'exercer?

Le conseiller en éthique présente son rapport au Président du Sénat — pas au Sénat, à son Président. Là encore, un personnage nommé par le premier ministre recevra les rapports du conseiller en éthique.

Le leader du gouvernement au Sénat, lors d'une session antérieure du Parlement, a avoué que, à sa connaissance, la nécessité de nommer un conseiller en éthique n'existait pas.

(1630)

Dans les observations préliminaires qu'il a faites dans son allocution, le leader actuel a fait allusion à la «perception» au moins quatre fois. Le sénateur Andreychuk y a fait allusion en disant que nous répondons à une perception publique d'un problème plutôt qu'à un problème réel. Il semblerait que le leader du gouvernement au Sénat l'admette. Nous disons aux Canadiens, d'une part, qu'il n'y a pas de problème, mais que, d'autre part, comme ils estiment qu'il y en a un, nous allons le régler.

En fait, les gens mêmes qui se sont livrés ces derniers mois et ces dernières années à des actes de corruption et de blanchiment d'argent ne sont pas assujettis aux dispositions de ce projet de loi. Je demanderais aux sénateurs de découvrir où se trouve le vrai pouvoir à Ottawa. Est-ce le simple député ou le simple sénateur qui le détient? Non. Si les sénateurs veulent savoir où il y a de la corruption, qu'ils suivent les ministres, les hauts fonctionnaires et les chefs de sociétés d'État. En fait, il y a une jolie petite piste à suivre. Qu'ils suivent les lobbyistes; ils les mèneront directement au vrai pouvoir à Ottawa.

Imaginez-vous dans l'opposition au Sénat. Notre nombre diminue; nous sommes maintenant moins d'une vingtaine, alors qu'il y a environ 80 sénateurs de l'autre côté. Imaginez-vous en face d'une vaste majorité de partisans dociles qui adorent le premier ministre, qui attendent tous de voyager à l'étranger au sein d'associations parlementaires, d'obtenir un bureau plus somptueux, peut-être, s'ils se conduisent bien et votent comme il convient, ou peut-être même la présidence d'un comité. L'opposition a raison de ne pas se fier aux bonnes intentions du premier ministre. L'opposition est ici pour faire preuve de vigilance et mettre en doute les actes qui pourraient avilir cette institution. Je crois que les sénateurs du gouvernement devraient faire de même, mais ils semblent négligents sur ce plan.

Encore une fois, imaginez que vous êtes dans l'opposition et qu'on vous présente un projet de loi qui autorise le premier ministre à nommer qui il veut.

Ce pourrait être une Sheila Fraser, une personne en qui nous avons tous confiance mais ce pourrait aussi être quelqu'un qui ferait les quatre volontés du premier ministre. Imaginez ce que ce projet de loi pourrait permettre de faire à un copain du premier ministre, tout dévoué à son maître, s'il avait accès à vos dossiers personnels, à ceux de votre conjointe et, peut-être, si les règles le permettaient, aux dossiers des membres de votre famille. Imaginez un copain du premier ministre, par exemple un Jean Carle ou un Allan Rock, qui jouirait d'une complète immunité et qui s'en prendrait librement à quelque humble sénateur de l'opposition.

Un autre honorable sénateur pourrait se retrouver dans l'opposition et critiquer le premier ministre de l'heure ou son gouvernement. Les sénateurs de l'opposition oseraient-ils remettre en question une personne nommée par le premier ministre et dont le poste, le traitement et le renouvellement de mandat dépendraient du premier ministre? Voilà ce qui pourrait résulter de ce projet de loi, même si certains affirment en se moquant que ce ne serait pas possible.

Honorables sénateurs, aurions-nous pu imaginer que le ministère de la Justice, sous la direction d'Allan Rock, enverrait une lettre aux autorités suisses, alléguant qu'un ancien premier ministre s'était engagé dans des activités criminelles, et que ce ministère aurait eu recours à la GRC pour faire enquête à ce sujet pendant des années, en se fondant sur les affirmations d'une informatrice secrète, Stevie Cameron, qui vouait une haine incroyable à Brian Mulroney?

Honorables sénateurs, aurions-nous pu imaginer que la police nationale effectuerait une descente dans la résidence d'une journaliste, Juliet O'Neill, qu'elle fouillerait dans ses effets privés et personnels, dans sa maison et mettrait ses tiroirs sens dessus dessous, entre autres choses?

Aurions-nous pu supposer qu'un jour, un Canadien, Maher Arar...

Des voix: Oh, oh!

Le sénateur Comeau: J'entends les acclamations des gens d'en face, qui attendent d'obtenir un poste plus intéressant, de plaisants voyages, les meneurs de claque, les inconditionnels du premier ministre.

Aurions-nous pu imaginer que ces adorateurs auraient assisté sans rien faire à l'envoi de Maher Arar dans une chambre de torture en Syrie, sur la base de renseignements fournis par les services de sécurité canadiens?

Aurions-nous pu supposer que la police nationale se serait alliée à la personne nommée par le premier ministre pour essayer d'écraser François Beaudoin, le président de la Banque fédérale de développement, et aurait tenté de détruire sa réputation parce qu'il refusait de se plier à la volonté du premier ministre de l'époque?

Rappelez-vous ce qui s'est passé ici même, l'automne dernier, lorsque le président du Comité du Règlement a refusé d'attendre l'arrivée des sénateurs de l'opposition, qui avaient des responsabilités ailleurs.

Ce projet de loi a pour objet de désarmer et de neutraliser l'opposition, à un moment de l'histoire canadienne où l'on s'en prend de plus en plus aux libertés personnelles des Canadiens et où il est de plus en plus nécessaire de soumettre les finances nationales à un examen approfondi.

Il y a eu le gaspillage de milliards de dollars dans le fiasco de DRHC, de milliards de dollars pour le registre des armes à feu, de centaines de millions de dollars versés à des sociétés proches des libéraux dans le scandale des commandites, et ainsi de suite.

Alors que nous célébrons le 200e anniversaire de la naissance de Joseph Howe, le père du gouvernement responsable au Canada, je me demande comment celui-ci réagirait.

De l'avis de madame le sénateur Cordy, cette bonne Néo-Écossaise, comment Joseph Howe réagirait-il à l'ingérence du pouvoir exécutif dans les affaires de l'assemblée parlementaire?

Nous passons d'une culture de la corruption à une culture de l'intimidation, une culture où l'on intimide l'opposition. Le gouvernement se prête à la politique de la corde raide. Il n'y a absolument plus de sens moral qui tienne. Comme en témoigne ce projet de loi, le pouvoir absolu corrompt absolument. Faut-il se surprendre que l'électorat nous laisse tomber?

Comment appelons-nous une personne nommée par le premier ministre, qui bénéficie d'une immunité contre les poursuites et qui a accès à nos dossiers personnels? Nous appelons ce conseiller «Monsieur». Comment appelons-nous un premier ministre qui détient ce genre de pouvoir? Nous l'appelons «Votre Altesse Royale».

Le son de la dictature retentit plus fort lorsque l'opposition est réduite au silence. D'autres ont résisté à l'intimidation, comme François Beaudoin, Brian Mulroney et Maher Arar.

Certains sénateurs d'en face se moquent d'un individu qui a passé un an dans une prison syrienne.

Des voix: Non, non.

Le sénateur Comeau: Ils rigolent. Voilà le genre de sénateurs d'arrière-ban qui siègent actuellement à cet endroit. Le genre de sénateurs d'arrière-ban qui ont vu...

Son Honneur le Président: À l'ordre, honorables sénateurs. Le sénateur Comeau a la parole.

Le sénateur Comeau: Voilà le genre de personnes qui se sont réjouies lorsque Allan Rock s'est prévalu de tous ses pouvoirs officiels pour s'en prendre à Brian Mulroney. Ces individus en arrière qui attendent avec impatience les beaux bureaux, les voyages ou la présidence de comités. Je leur souhaite bonne chance si c'est tout ce qu'ils attendent.

Un sénateur ou un député d'arrière-ban oserait-il tenir tête à un conseiller sénatorial en éthique qui est à la solde du premier ministre, qui a accès à nos dossiers personnels et qui jouit d'une immunité? Je ne le crois pas. Pas ceux que je vois actuellement à l'arrière.

L'histoire nous a enseigné que pareille police privée peut être dangereuse. Ce n'est pas le droit de vote qui permet d'évaluer à sa juste valeur une démocratie, mais bien le respect et la courtoisie qui sont accordés aux minorités ayant des opinions contraires. Nous, de ce côté-ci, essayons de faire comprendre à la vaste majorité ministérielle que ce qu'il faut, ce n'est pas consulter, mais bien s'entendre avec le leader de notre côté pour adopter un amendement disant que notre consentement sera inscrit dans la loi, non pas accordé sous la forme d'un vague engagement qui pourrait ne pas être tenu dans l'avenir. Je parle de consentement.

J'ai passé 18 ans sur la colline du Parlement. J'éprouve du respect. J'ai siégé du côté du gouvernement et dans l'opposition, et quand je vois les ministériels imposer leur majorité, faire étalage de leur force pour exercer leur pouvoir sur la minorité et lui refuser le consentement qui serait nécessaire dans un projet de loi comme celui dont nous sommes saisis aujourd'hui, je constate l'évidence, à savoir que cette Chambre s'en va à vau-l'eau.

Nous desservons le Parlement en réagissant négativement à la perception d'un problème. Attaquons-nous à la réalité du problème. Une façon de le faire est de chercher à obtenir le consentement du leader de ce côté-ci; je dis bien consentement, et non consultation. Les sénateurs d'en face verraient que les sénateurs de ce côté-ci abordent le projet de loi différemment. Nous ne voulons pas un engagement, nous voulons un énoncé inscrit dans le projet de loi.

(1640)

L'honorable Marilyn Trenholme Counsell: Honorables sénateurs, je crains d'être très terne comparativement au sénateur Comeau. Son allocution a été très truculente.

Je suis heureuse de présenter quelques observations très personnelles en faveur du projet de loi C-4, sans propositions d'amendement, ne craignant aucune conséquence fâcheuse pour moi-même ni pour le Sénat.

Je crois que ce projet de loi est un outil important, un instrument évolutif, espérons-le, dans le défi qui se pose à nous de rassurer, souvent même de convaincre, les Canadiens que les femmes et les hommes oeuvrant au Sénat du Canada servent leur pays avec dévouement et sont animés des idéaux les plus nobles.

Je siège ici tous les jours en compagnie d'autres sénateurs pour lesquels j'ai le plus grand respect. J'ai beaucoup de respect pour le dévouement d'un si grand nombre de mes collègues face aux grands défis que la société canadienne doit relever. Ces défis touchent tous les aspects de l'existence humaine dans notre grand pays et à l'échelle planétaire. J'ai trouvé ici une réserve considérable de talent, d'expérience, de sagesse et de vision comme je n'en avais jamais vu auparavant.

Pourtant, un trop grand nombre de nos concitoyens ont une opinion différente du Sénat et des sénateurs de notre pays. Le fait que le projet de loi C-4 n'ait pas été adopté en 2003 a renforcé leur cynisme à l'égard d'une institution d'une valeur fondamentale pour notre système canadien de démocratie, un système qui doit toujours être un modèle pour le monde.

Le projet de loi C-4 renforce ce système. Il rehaussera la perception qu'a le public du Sénat. Il renforcera notre propre détermination à servir le Sénat du Canada en respectant les normes éthiques les plus élevées.

En votant aujourd'hui en faveur du projet de loi C-4, sans propositions d'amendement, nous dirons à nos compatriotes que leurs sénateurs ne veulent rien de moins qu'une transparence complète et une pleine obligation de rendre des comptes dans tout ce qu'ils font pour le Canada et ses citoyens.

L'honorable Consiglio Di Nino: Honorables sénateurs, je prends la parole en faveur de l'amendement au projet de loi C-4 présenté par le sénateur Bryden et pour ajouter quelques mots d'adhésion au discours exceptionnel que le sénateur Joyal a prononcé sur cette question.

Pour moi, le véritable leadership politique signifie une gouvernance qui est parfaitement transparente, au-dessus de tout soupçon et au profit de la nation et de ses citoyens. Il s'agit d'un leadership exemplaire exercé de la manière la plus positive. Chaque fois qu'un scandale éclate, grand ou petit, c'est sur nous tous, membres des deux Chambres, qu'il rejaillit. Notre réputation à tous en est ternie et les institutions du Parlement en souffrent. Les conséquences pour notre système démocratique sont énormes. La confiance des Canadiens dans le Parlement et les parlementaires est minée. Un nuage sombre plane sur le Parlement et sur ses membres. Ce nuage de soupçon, de méfiance et de mépris jette le doute sur notre réputation à tous.

Je crois également que si les Canadiens nous perçoivent comme n'étant pas tout à fait honnêtes ou nous voient, à tort ou à raison, en train de favoriser nos intérêts personnels ou ceux de nos amis et des membres de nos familles, certains y verront le signe qu'il est acceptable de plier ou même d'enfreindre les règles pour son avantage personnel au détriment de celui des autres.

Nous, à qui l'on a confié le mandat de diriger les affaires du pays et de protéger les intérêts des Canadiens, devons respecter des normes élevées, et à juste titre. Par conséquent, je suis d'accord pour dire que la bonne conduite des parlementaires doit faire l'objet d'un examen indépendant et approprié. La création d'un poste de commissaire à l'éthique à l'autre endroit et de conseiller sénatorial en éthique constitue un excellent premier pas, même si la plupart des parlementaires appartenant aux deux Chambres n'ont ni l'autorité ni l'occasion d'influer sur des situations comme le scandale des commandites ou d'autres abus de pouvoir semblables.

Toutefois, comme on l'a déjà affirmé, la perception devient la réalité, surtout en politique. Je suis certain que tous les sénateurs sont d'accord avec moi sur ce point.

Toutefois, ce qui est en jeu dans ce débat, c'est l'indépendance du Sénat. Les Pères de la Confédération ont créé le Sénat avec tous ses pouvoirs et toutes ses compétences, comme un organe indépendant pour faire contrepoids à l'autre endroit, la Chambre des élus. Ils l'ont fait pour permettre l'analyse, l'examen et, là où la chose est nécessaire, la modification des lois ou des règles qui régissent notre nation.

Au cours des décennies, et en particulier au cours des 20 dernières années, l'indépendance du Sénat a fait l'objet d'attaques de la part de l'autre endroit, des médias et même des Canadiens. À l'occasion, nous avons placé les intérêts politiques au-dessus de notre rôle à titre de Chambre de second regard objectif et de notre rôle comme représentants des régions et des intérêts des minorités.

Ce débat sur le projet de loi C-4 ne porte pas sur l'éthique ou sur le comportement des sénateurs. Nous sommes tous d'accord pour dire que des règles transparentes, efficaces et appropriées régissant notre conduite doivent être établies, et nous en avons déjà.

Ce débat porte sur l'érosion encore plus grande de notre indépendance. Nous sommes, par la Constitution, une Chambre du Parlement indépendante et effective qui doit répondre devant la Constitution et devant les citoyens du Canada. À mon avis, si le projet de loi C-4 est adopté sans amendement, il aura pour effet d'éroder encore davantage l'indépendance du Sénat.

Le conseiller en éthique sera nommé par le gouverneur en conseil, qui fixera aussi sa rémunération. Le gouverneur en conseil pourra congédier le conseiller. Le gouverneur en conseil nommera un conseiller en éthique intérimaire. Bref, le conseiller en éthique devra prêter allégeance essentiellement au gouverneur en conseil.

Prenons le dossier en main et créons un poste de conseiller en éthique qui aura le mandat le plus solide possible, les ressources voulues et l'indépendance nécessaire et qui relèvera de notre institution. Faisons-le nous-mêmes. Le Sénat devrait créer et établir ce poste sans ébranler davantage notre pouvoir et notre autorité. Si nous voulons nous acquitter efficacement de nos responsabilités aux termes de la Constitution, nous devons cesser d'être influencés par le cabinet du premier ministre, par l'autre endroit ou par tout autre organisme de l'extérieur. Nous sommes responsables devant la population du Canada, et non devant le cabinet du premier ministre.

Par conséquent, à mon avis, ce projet de loi est entaché d'une faille fondamentale sur le plan constitutionnel.

Je dois aussi soulever, séparément de cette question fondamentale, un grave problème d'ordre technique qui exige notre attention immédiate. Comme l'a dit publiquement le sénateur Lynch-Staunton, l'article 5 du projet de loi retrancherait commissariat à l'éthique de la liste des institutions qui sont assujetties aux dispositions de la Loi sur l'accès à l'information. Cela voudrait dire que l'information relative au commissariat à l'éthique ne serait pas assujettie aux dispositions de la Loi sur l'accès à l'information, de même que les renseignements non personnels relevant du commissaire à l'éthique sur environ 2 500 titulaires de charge publique.

Le premier ministre a promis plus d'ouverture et de transparence de la part du gouvernement. Il a même demandé au Conseil du Trésor d'envisager d'étendre la portée de la Loi sur l'accès à l'information à toutes les sociétés d'État. En réalité, le gouvernement est en train de soustraire à l'application de la loi le commissariat à l'éthique.

Le premier ministre peut faire la preuve de son engagement envers les principes de l'accès à l'information en déposant un amendement qui retrancherait du projet de loi C-4 cette disposition inacceptable.

Au Comité du Règlement, le 23 mars 2004, le sénateur Austin a qualifié de non pertinent au projet de loi ce problème que pose l'article 5. Au contraire, je crois que le fait de permettre au public d'avoir accès à l'information sur la manière dont le commissaire à l'éthique dirige son bureau va au coeur même d'un gouvernement ouvert et démocratique. Je crois que je parle au nom de tous les sénateurs qui siègent de ce côté-ci et probablement de beaucoup de mes vis-à-vis également quand j'exhorte le gouvernement à respecter les principes d'une plus grande transparence et ouverture en envisageant d'apporter des amendements à ce projet de loi, de manière à s'assurer que le commissaire à l'éthique soit assujetti à la Loi sur l'accès à l'information.

Honorables sénateurs, je vais voter contre ce projet de loi parce qu'il comporte des lacunes fondamentales sur les plans constitutionnel et technique.

L'honorable Terry Stratton: Honorables sénateurs, j'aimerais terminer ce que j'ai commencé. Il me reste 10 minutes, je l'espère.

L'autre jour, j'ai commencé par complimenter le sénateur Bryden pour le travail qu'il a accompli. Il n'était cependant pas au Sénat à ce moment-là. J'aimerais lui réitérer ces compliments aujourd'hui parce qu'il a fait, à mon avis, un travail magnifique.

D'après son amendement, nous ne voulons pas créer une situation qui existe déjà et par laquelle un conseiller en éthique est nommé par le premier ministre. Ce n'est pas une critique contre l'individu, mais il y a dans la population une perception selon laquelle l'actuel conseiller en éthique, Howard Wilson, ne jouit pas d'une haute estime. Ma crainte ou préoccupation, et je crois que c'est le cas de tout le monde ici, c'est que c'est en fait ce que nous créerons aujourd'hui.

(1650)

À l'autre extrême, il y a le gouvernement qui croit que, s'il permet au Sénat de nommer cet individu, il créera de ce fait un poste qui deviendra la créature du Sénat. Autrement dit, nous nous heurtons au même problème, celui de la perception et du fait que la population n'acceptera pas cela parce que la personne nommée serait une créature de cette Chambre. Ce sont là les deux positions.

L'idée du sénateur Joyal d'annoncer le poste publiquement pour que les gens puissent poser leur candidature est intéressante. C'est une idée fantastique, mais à qui seront envoyées les demandes? Qui les étudiera et qui prendra la décision? C'est là le nœud du problème. Le processus d'examen des candidatures doit être transparent. Il importe que la population sache que la sélection à partir de la liste n'est pas le fait du premier ministre ou du Sénat. Il doit s'agir en partie d'un système public, comme dans le cas de la nomination des juges. Le système que nous avons instauré quand nous étions au pouvoir stipule que le juge en chef et deux profanes de chaque province doivent participer. Les avocats peuvent poser leur candidature qui est examinée par le comité provincial. Je crois que, dans ce cas, nous avons désespérément besoin d'appliquer un tel système. Je ne crois pas que le gouvernement doive s'arroger ce rôle, en particulier si nous avons un premier ministre qui tient à surmonter le déficit démocratique, comme il l'appelle. Une situation à la Howard Wilson pourrait surgir de nouveau.

M. Joseph Maingot, un témoin qui a comparu le mardi 16 mars devant notre Comité permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement, a commencé son témoignage en déclarant:

À partir de là, je commencerai par citer, à propos du privilège dans son ensemble, les commentaires de Blackstone, qui remontent à 300 ou 400 ans. Il a déclaré: L'ensemble du droit et des usages du Parlement tire son origine de la maxime suivante: «tout sujet abordé par l'une ou l'autre des chambres du Parlement doit être examiné, discuté, et réglé dans la Chambre à laquelle il se rattache, et pas ailleurs.»

Autrement dit, le Sénat prend ses propres décisions concernant sa gouvernance et il en est de même pour la Chambre des communes.

Je lui ai ensuite posé la question dont le préambule était le suivant:

La question se résume, en réalité, à la nomination. Dans l'article 20.1 du projet de loi, on lit notamment que «le gouverneur en conseil nomme le conseiller sénatorial en éthique par commission sous le grand seau». Le gouverneur en conseil est, en fait, le premier ministre de la Chambre des communes. C'est donc lui qui désigne le conseiller en éthique de cette Chambre-ici.

Si l'on se réfère à l'histoire de la Grande-Bretagne, les deux Chambres sont supposées être indépendantes. Je voudrais souligner l'importance de l'indépendance des deux Chambres et si vous estimez ou non qu'il y ait un conflit dans le fait que le premier ministre nomme un conseiller en éthique à cette Chambre au lieu que ce soit cette Chambre qui choisisse et nomme elle-même un conseiller en éthique.

Je voudrais indiquer au sénateur Austin que M. Maingot a été très bref. Il a dit: «De toute évidence, oui.»

Je passe donc au jour d'audience des témoins. Ce jour-là, quatre témoins se sont présentés devant notre comité: M. Fabien Gélinas, de l'Université McGill; M. Denis Saint-Martin, de l'Université de Montréal; Mme Sharon Sutherland et M. Ian Greene. Je voudrais passer, maintenant, à la question que j'ai posée au cours de cet interrogatoire et je reviendrai à la question que j'ai posée au témoin précédent, M. Maingot. J'ai dit:

Il s'agit d'un premier petit pas dans un processus qui va évoluer. Si c'est un processus qui va évoluer, ne vaudrait-il pas mieux que le Sénat nomme son propre conseiller en éthique de sorte que s'il voulait modifier et accroître la transparence du poste, par exemple, ce serait beaucoup plus facile que de devoir demander au premier ministre de changer les choses?

M. Saint-Martin a répondu ceci:

C'est un point de vue raisonnable et j'y adhérerais. Vous avez tout à fait raison de dire qu'il y aura évolution. C'est un processus évolutif. Je le répète, d'après les cas que j'ai étudiés, je constate que nous apprenons à l'usage. Les choses évoluent constamment.

En résumé, ce que je voulais faire valoir et faire ressortir des témoignages reçus est que ces témoins s'entendent pour dire que les deux Chambres seraient distinctes et que les décisions quant au choix de notre conseiller en éthique relèveraient de notre Chambre.

Pour ce qui est de la transparence, je suis fermement convaincu que nous ne sommes pas allés assez loin. Je suis d'accord avec le sénateur Joyal, à l'effet qu'il devrait y avoir un appel de candidatures, et que l'avis de concours devrait être affiché, mais la vérification doit également être transparente afin que la population comprenne bien et sache vraiment que c'est effectivement transparent et acceptable pour elle. Sinon, nous revenons à la case départ si nous nommons, ou si le gouvernement nomme, un Howard Wilson. Nous en avons eu suffisamment de ces nominations. Nous ne voulons plus des Radwanski de ce monde et cela doit être notre point de départ. Après tout, nous sommes au XXIe siècle. Merci.

[Français]

L'honorable Fernand Robichaud: Honorables sénateurs, je crois que le temps est venu de nous prononcer sur ce projet de loi. Dans un premier temps, nous pourrions affirmer, faits à l'appui, que nous avons bien étudié ce projet de loi. Tous les sénateurs ont eu l'occasion d'exposer leur point de vue.

Dans un deuxième temps, comme si nous n'avions pas eu à notre disposition suffisamment de temps pour étudier ce projet de loi, nous le réétudions de nouveau. Dans ce deuxième temps, autant de soin a été pris par tous les sénateurs, tant par ceux qui appuient ce projet de loi que par ceux qui voudraient y voir des changements.

Pour ma part, je crois que ce projet de loi est bon. Bien sûr, on ne peut que rêver à la perfection. Cependant, si les sénateurs, après un certain temps, voyaient que des changements devraient être apportés, ils pourraient certainement les proposer.

Honorables sénateurs, je n'aurai pas le temps de dire tout ce que j'aimerais dire dans la minute qui me reste, mais nous pouvons souligner que le débat a été sain. Les honorables sénateurs ont eu l'occasion de s'exprimer, tant ceux qui parlaient que ceux qui écoutaient. Nous avons respecté les opinions de tous. Je terminerai en disant qu'il est temps de voter sur ce projet de loi.

(1700)

[Traduction]

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, il est 17 heures. Conformément à l'ordre adopté par le Sénat le 26 mars 2004, je dois interrompre les délibérations afin de mettre aux voix toutes les questions nécessaires pour disposer de l'étape de la troisième lecture du projet de loi C-4.

Le vote porte sur la motion suivante: L'honorable sénateur Bryden, appuyé par l'honorable sénateur Cools, propose: Que le projet de loi ne soit pas lu maintenant pour la troisième fois, mais qu'il soit modifié...

Une voix: Suffit!

Son Honneur le Président: Très bien.

Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion d'amendement veuillent bien dire oui.

Des voix: Oui.

Son Honneur le Président: Que ceux qui sont contre la motion d'amendement veuillent bien dire non.

Des voix: Non.

Son Honneur le Président: À mon avis, les non l'emportent.

Et deux honorables sénateurs s'étant levés:

Son Honneur le Président: Conformément à l'ordre du Sénat, le vote aura lieu à 17 h 30. Convoquez les sénateurs.

(1730)

(La motion d'amendement, mise aux voix, est rejetée.)

POUR
LES HONORABLES SÉNATEURS

Adams Keon
Andreychuk Kinsella
Angus LeBreton
Atkins Lynch-Staunton
Beaudoin Meighen
Biron Merchant
Bryden Moore
Cochrane Nolin
Comeau Oliver
Cools Rivest
Corbin Robertson
Di Nino Sparrow
Eyton St. Germain
Forrestall Stratton
Gustafson Tkachuk—31
Joyal

CONTRE
LES HONORABLES SÉNATEURS

Austin LaPierre
Bacon Lapointe
Callbeck Lawson
Carstairs Léger
Chaput Losier-Cool
Christensen Maheu
Cook Mahovlich
Cordy Massicotte
Day Mercer
De Bané Morin
Downe Munson
Fairbairn Pearson
Ferretti Barth Pépin
Finnerty Phalen
Fitzpatrick Poulin
Fraser Poy
Furey Prud'homme
Gauthier Ringuette
Gill Robichaud
Graham Roche
Harb Rompkey
Hays Sibbeston
Hubley Smith
Jaffer Trenholme Counsell
Kirby Watt—51
Kroft

ABSTENTIONS
LES HONORABLES SÉNATEURS

Banks Lavigne—2

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, le vote porte maintenant sur la motion principale. Il est proposé par l'honorable sénateur Austin, appuyé par l'honorable sénateur Rompkey, que le projet de loi soit lu pour la troisième fois.

Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix: Oui.

Son Honneur le Président: Que les sénateurs qui sont contre la motion veuillent bien dire non.

Des voix: Non.

Son Honneur le Président: À mon avis, les oui l'emportent.

Une voix: Avec dissidence.

Son Honneur le Président: Avec dissidence.

L'honorable Lowell Murray: Honorables sénateurs, je n'ai pas voté parce que j'étais jumelé.

(La motion est adoptée et le projet de loi, lu pour la troisième fois, est adopté à la majorité.)

PROJET DE LOI DE CRÉDITS NO 1 POUR 2004-2005

TROISIÈME LECTURE—SUSPENSION DU DÉBAT

L'honorable Joseph A. Day propose: Que le projet de loi C-27, Loi portant octroi à Sa Majesté de crédits pour l'administration publique fédérale pendant l'exercice se terminant le 31 mars 2005, soit lu pour la troisième fois.

— Honorables sénateurs, le projet de loi C-27 que nous étudions porte sur les crédits provisoires établis à partir du Budget des dépenses dont nous avons pris connaissance il y a quelques temps pour l'exercice commençant le 1er avril 2004 et se terminant le 31 mars 2005. L'étude de la totalité des crédits se fera plus tard au cours de l'année. Selon toute probabilité, nous recevrons la documentation visant la dernière partie des crédits en novembre ou décembre de cette année.

Les honorables sénateurs auront eu l'occasion de consulter le rapport, puisque le Comité sénatorial permanent des finances nationales s'est penché, il y a déjà un certain temps, sur le Budget des dépenses et qu'il nous a remis son rapport. Les honorables sénateurs se souviennent certainement du débat qui a précédé l'adoption dudit rapport.

Selon la pratique, lorsque le Sénat est saisi d'un projet de loi de crédits comme le projet de loi de crédits no 1 à l'étude aujourd'hui, nous nous fions à l'étude effectuée précédemment et au rapport du comité. Les honorables sénateurs sont conscients que le Sénat a cru bon de renvoyer le projet de loi au comité, qui l'a étudié ce matin. Le comité en a fait rapport un peu plus tôt aujourd'hui sans proposition d'amendement et sans observations.

Honorables sénateurs, je n'ai pas l'intention de revoir chaque page du Budget des dépenses.

Le sénateur Forrestall: Je l'espère bien.

(1740)

Le sénateur Day: J'ai pensé qu'il serait bon d'attirer l'attention des honorables sénateurs sur le fait que, dans le Budget des dépenses, au Sommaire général, à la section 21, «Parlement», on prévoit pour le Sénat 73 millions de dollars et pour la Chambre des communes...

Son Honneur le Président: Je suis désolé de vous interrompre, sénateur Day, mais je tiens à signaler qu'il y a beaucoup de bruit au Sénat. Si ceux qui discutent pouvaient poursuivre leurs entretiens à l'extérieur du Sénat, il nous serait plus facile d'entendre le sénateur Day.

Le sénateur Day: Honorables sénateurs, je parle de la rubrique concernant le Sénat. Je pensais que certains sénateurs seraient intéressés de connaître les sommes prévues dans le Budget des dépenses pour le Sénat par rapport aux crédits accordés à la Chambre des communes et même à la Bibliothèque du Parlement. Dans le Budget des dépenses, on prévoit 73 millions de dollars pour le Sénat, 346 millions de dollars pour la Chambre des communes et 30 millions de dollars pour la Bibliothèque du Parlement. Les honorables sénateurs sont donc en mesure de constater que nous continuerons de former une Chambre de second examen objectif qui sait se montrer économe et prudente.

Honorables sénateurs, la réorganisation d'envergure qui a eu lieu en décembre a entraîné certains retards dans la préparation de la documentation d'accompagnement habituelle. La documentation concernant les plans et priorités, c'est-à-dire la partie III du Budget des dépenses, arrivera bientôt, mais elle n'a pas encore été préparée.

La bonne nouvelle, honorables sénateurs, c'est que votre comité demeure saisi du travail à faire en votre nom en ce qui concerne le Budget principal des dépenses. Nous continuerons, sous la direction compétente du sénateur Murray, d'étudier le Budget principal des dépenses pendant toute l'année. Nous prévoyons que nous aurons terminé l'étude du Budget des dépenses et que nous en aurons fait rapport avant la présentation du prochain projet de loi de crédits complet à l'automne.

Le seul autre point que j'aimerais porter à l'attention des sénateurs concerne les frais de la dette publique. Les 183 milliards de dollars prévus pour le présent exercice comprennent 147 milliards de dollars de dépenses de programme, réunissant des dépenses votables et des dépenses qui ont déjà été autorisées en vertu d'autres lois et les frais de la dette publique. Nous jouissons d'un taux d'intérêt très bas et nous dépensons tout de même 36 milliards de dollars pour payer les intérêts sur nos emprunts publics non remboursés. Il est important que les honorables sénateurs gardent ce chiffre à l'esprit, même en période de vaches grasses. Il est important d'être conscients de la possibilité que ce chiffre augmente advenant que les conditions économiques deviennent plus difficiles et que les taux d'intérêt augmentent.

Honorables sénateurs, ce projet de loi de crédits demande des crédits dans différentes catégories qui figurent à la fin du projet de loi, soit neuf douzièmes ou dix douzièmes de l'année. C'est un des points dont nous avons discuté ce matin. La somme totale qui fait l'objet d'un vote à l'heure actuelle est de 50,1 milliards de dollars et j'invite les honorables sénateurs à donner leur appui à ce projet de loi.

L'honorable Anne C. Cools: Honorables sénateurs, j'ai juste une question. L'absence de la partie III est assez inquiétante et j'espère que cela ne deviendra pas une habitude.

De plus, honorables sénateurs, la somme qui figure normalement dans un projet de loi de crédits provisoires représente trois douzièmes du total. Dans le cas présent, si je comprends bien, il semble qu'on demande huit douzièmes ou neuf douzièmes, et jusqu'à la fin de décembre. Sachant que, de toute évidence, nous nous dirigeons vers une période électorale, je n'aurais pas froncé les sourcils beaucoup si la somme allait, disons, jusqu'à septembre. Mais je trouve que décembre, c'est un peu inquiétant.

Honorables sénateurs, ma question pour le sénateur Day, vice-président du Comité des finances nationales, concerne le programme du registre des armes à feu. Comme l'honorable sénateur le sait, le phénomène d'affectation constante de crédits pour le registre des armes à feu ne cesse de causer des ennuis. Ce projet de loi C-27 pour le programme du registre des armes à feu figure dans le Budget principal des dépenses. Auparavant, le gouvernement présentait ses demandes par le biais du Budget supplémentaire des dépenses. Cette fois-ci cependant, tout cela figure dans le Budget principal des dépenses. Le sénateur Day pourrait-il nous dire, premièrement, s'il y a un montant dans le Budget principal des dépenses pour ce projet de loi visant le programme des armes à feu et, deuxièmement, quel est ce montant?

Le sénateur Day: Honorables sénateurs, j'essaie de trouver l'article qui concerne les armes à feu. Si mon collègue pouvait m'indiquer la page, je serai heureux de confirmer les chiffres. Mais je ne l'ai pas encore trouvé et je cherche toujours.

Le sénateur Nolin: Justice Canada.

Le sénateur Forrestall: Directement sous la rubrique «Remplacement des appareils Sea King.»

Le sénateur Day: Je vous remercie.

Le sénateur Cools: Ce n'est pas au ministère de la Justice.

Son Honneur le Président: Pour préciser où nous en sommes, même s'il s'est rassis, le sénateur Day essaie de trouver le renseignement que lui a demandé le sénateur Cools. Je donnerai la parole au sénateur Kinsella dès que le sénateur Day aura terminé sa réponse.

Le sénateur Forrestall: Ne l'a-t-il pas lu?

Le sénateur Cools: J'aimerais que les honorables sénateurs sachent qu'il y a longtemps — cela fait maintenant un an — que le registre des armes à feu est passé du ministère de la Justice au solliciteur général. Le portefeuille du solliciteur général a été remanié lui aussi. C'est un peu curieux. Il s'appelle aujourd'hui le ministère de la Sécurité publique, même la terminologie du solliciteur général sous forme de ministère disparaît, ce qui est grave.

Le sénateur Forrestall: Ils sont très habiles à dissimuler les choses.

Le sénateur Cools: J'ignore à qui appartient ce Budget des dépenses. Voyez-vous, honorables sénateurs, je ne siège plus au Comité sénatorial permanent des finances nationales. Autrement, je peux affirmer que je saurais ce qu'il en est.

Son Honneur le Président: Je pense que le sénateur Day a la réponse.

Le sénateur Cools: J'essayais de faire passer le temps.

Le sénateur Day: Je remercie l'honorable sénateur de nous avoir donné le temps de trouver la réponse dans ce volume. Dans le Budget principal des dépenses, à la page 26-8, sous Solliciteur général, Sécurité publique et protection civile, Centre canadien des armes à feu, Programme ventilé par secteur d'activité, le budget de fonctionnement s'élève à 85,768 millions de dollars, et les paiements de transfert, à 14,5 millions de dollars. Les paiements de transfert sont destinés aux diverses provinces pour les aider à administrer le programme.

Le sénateur Cools: Je remercie le sénateur Day d'avoir su parcourir rapidement ces pages pour y trouver des renseignements. Le sénateur Day murmure que je l'ai bien formé. Merci beaucoup.

Honorables sénateurs, si je peux me permettre, en quelques minutes, je crois qu'il est important que nous sachions que ce programme continue d'être très troublant et préoccupant pour nous et surtout pour ce que j'appellerais le Canada rural. La ministre actuelle qui s'occupe de l'examen — je crois que c'est une ministre associée — s'appelle Albina Guarnieri. Je lui ai donné mon appui et j'ai essayé de l'aider dans la mesure du possible. J'ose espérer qu'au cours des prochains mois, le gouvernement, sachant que ce programme est un sujet de préoccupation, sera en mesure de trouver une solution véritable à ces problèmes qui ont inquiété et affligé les Canadiens.

(1750)

Honorables sénateurs, le projet de loi C-68 a été adopté depuis un bon bout de temps. Je me rappelle très clairement des circonstances. Je me souviens que la situation était exactement la même qu'aujourd'hui, alors qu'un bon nombre d'entre nous, y compris les sénateurs Watt, Adams et Sparrow, avaient essayé de faire adopter un amendement qui allait, selon nous, atténuer les problèmes liés au projet de loi et une partie des troubles politiques à l'échelle du pays. Nous n'avons pas réussi. Et, c'est la vie, le ministre d'alors n'est plus avec nous. Je me permets de dire que si ce ministre nous avait écoutés et avait fait adopter l'amendement, il serait peut-être encore en poste au Parlement et au ministère aujourd'hui. C'est tout ce que je voulais dire.

En outre, honorables sénateurs — et en ce qui me concerne il s'agit d'une remarque impromptue —, je siégeais ici lorsque l'honorable sénateur a proposé la motion en vue de l'affectation de crédits.

J'aimerais revenir au principe en vertu duquel ce projet de loi nous était proposé. Dans notre monde actuel, cela peut sembler risible, mais, à l'époque, le ministre Rock nous a présenté ce projet de loi comme étant un moyen de protéger les femmes contre tous ces méchants hommes. Le projet de loi partait d'un postulat, que je nie totalement, à savoir que les femmes sont des êtres vertueux et sans faute, alors que les hommes sont simplement de sinistres personnages et des types violents toujours prêts à faire du mal ou du tort aux femmes. Le postulat, honorables sénateurs, c'est que les femmes sont d'une façon ou d'une autre, moralement supérieures aux hommes ou que les hommes, d'une façon ou d'une autre, sont moralement inférieurs aux femmes et, s'ils ne sont pas moralement inférieurs, qu'ils laissent gravement à désirer sur le plan de la moralité.

Honorables sénateurs, tout comme ce faux principe a fait des ravages et semé la pagaille dans le pays, je dirais que si nous continuons, ou si le gouvernement continue à agir en se fondant sur ces principes, surtout dans le domaine de la législation du divorce ou du droit pénal, nous continuerons à subir des échecs à cet égard.

Je trouve encourageant que la ministre en poste fasse un véritable effort pour résoudre certains de ces problèmes, et j'anticipe avec intérêt les résultats qu'elle obtiendra.

Je vois que le sénateur Day opine et me sourit. Cependant, honorables collègues, bien souvent, quand nous adoptons des mesures législatives, nous oublions la nature de notre pays.

Honorables sénateurs, je m'empresse toujours de dire que la majorité des Canadiens ne sont pas des professionnels, comme les avocats, les médecins. La plupart sont des manoeuvres, surtout les hommes. Ils travaillent dans la construction, ils sont menuisiers, mineurs de charbon, travailleurs forestiers, et cetera.

Une voix: Des gens d'arrière-ban.

Le sénateur Cools: Nous l'oublions. Beaucoup d'entre eux se sont tournés vers la nature et les activités de plein air pour meubler leurs loisirs. La chasse et le tir à la cible ont beaucoup d'importance pour eux.

Honorables sénateurs, souvent, au nom de la sociologie appliquée, nous leur avons dit qu'à notre avis leur mode de vie est en quelque sorte contestable ou peu souhaitable.

J'ai sous les yeux, honorables sénateurs un article paru dans le National Post du 4 mars 2004. Il est intitulé «Le registre des armes à feu viole les droits des Autochtones dit un juge ontarien rejetant les accusations de possession illégale d'armes». Les honorables sénateurs devraient comprendre que, en fin de compte, ce sera le jugement qui sera passé à l'égard de cet échec qu'est le registre des armes à feu et des 2 milliards de dollars qu'il aura coûté. À ce jour, pas un seul ministre n'est venu expliquer au Sénat pourquoi. Nous parlons de milliards de dollars.

J'ai fait partie du Comité sénatorial permanent des finances nationales et, depuis 1996, immédiatement après l'adoption du projet de loi, les membres de ce comité — pas toujours moi — ont systématiquement posé des questions, mais en vain. Honorables sénateurs, c'est ça le déficit démocratique: l'incapacité du Sénat et de la Chambre des communes d'exiger du gouvernement qu'il rende compte des dollars qu'il dépense.

Honorables sénateurs, souvenez-vous: les hommes et les femmes sont égaux. Les hommes et les femmes sont également capables de faire le bien ou le mal. La vertu, l'altruisme et la moralité ne sont pas l'apanage d'un seul sexe.

L'honorable Noël A. Kinsella (leader adjoint de l'opposition): Honorables sénateurs, si je ne me trompe, je dispose de 45 minutes.

Son Honneur le Président: C'est exact.

Le sénateur Kinsella: Il va donc falloir décider de ne pas tenir compte du temps, ce qui nécessiterait le consentement unanime, à moins que nous ne suspendions la séance à 18 heures et que nous ne revenions à 20 heures.

Je commencerai par souligner que, d'où je viens, 50 milliards de dollars, ce n'est pas rien. Par conséquent, mon collègue, le sénateur Day, devrait comprendre que, pour la majorité d'entre nous, il est difficile de saisir ce que représentent réellement 50 milliards de dollars.

Je tiens à féliciter nos collègues du Comité des finances nationales qui ont étudié ce projet de loi ce matin. Si tous les sénateurs lisent le compte rendu des travaux du comité de ce matin, ils s'apercevront que, dans ces circonstances aussi inhabituelles, nous avons bien fait de renvoyer ce projet de loi au comité. En effet, comme l'ont fait remarquer le sénateur Cools et d'autres, il n'est pas habituel de demander des crédits pour les neuf douzièmes de l'exercice.

À l'étape de la deuxième lecture, l'éminent président de notre comité a souligné la rapidité avec laquelle le projet de loi avait été expédié par les Communes, la Chambre qui est censée tenir les cordons de la bourse. Il revient maintenant aux sénateurs de faire le travail qui aurait dû être fait dans l'autre endroit.

Je désire faire quelques observations et parler de certains sujets qui ont été soulevés en comité ce matin. Je m'excuse de l'heure tardive à laquelle j'interviens là-dessus, mais nous devons faire ce qu'il y a à faire.

Dans mes observations sur le projet de loi, j'aimerais attirer votre attention particulièrement sur le Budget principal des dépenses, lequel est incomplet, comme chacun peut le reconnaître. Je suis convaincu qu'il y a eu beaucoup de rhétorique autour des restrictions financières. Cependant, en examinant les choses de plus près, que réalisons-nous? Nous réalisons que les dépenses ont augmenté considérablement. Ce Budget principal des dépenses est d'environ 16 milliards de dollars, c'est-à-dire de 10 p. 100 supérieur à celui de l'an dernier. Il s'agit d'un budget provisoire, nous ne disposons pas de toutes les données. Cependant, honorables sénateurs, même si ce budget est provisoire, il est déjà de 16 milliards de dollars et représente une augmentation de 10 p. 100 par rapport à celui de l'an dernier.

Si vous soustrayez les frais de service de la dette, vous constaterez que les prévisions de dépenses pour les programmes sont en hausse de 13 p. 100 par rapport à l'année dernière.

(1800)

Son Honneur le Président: Je suis désolé de vous interrompre, mais comme l'a fait remarquer le sénateur Kinsella, il est maintenant 18 heures. Je suis obligé de quitter le fauteuil jusqu'à 20 heures, moment où nous reprendrons nos travaux, à moins que les honorables sénateurs consentent à ne pas voir l'heure.

Êtes-vous d'accord pour ne pas voir l'heure?

Des voix: D'accord.

Le sénateur Cools: Non.

Son Honneur le Président: Le sénateur Cools n'est pas d'accord.

Dites-vous non?

Le sénateur Cools: J'étais sur le point de vous dire ce que j'essayais de dire. Je serais tout à fait disposée à autoriser le sénateur Kinsella à terminer son discours afin que l'on puisse voter sur le projet de loi de crédits, mais rien de plus. Je ne sais pas comment nous pouvons négocier cela.

Son Honneur le Président: Je pense que c'est un non, sénateur Cools.

Sénateur Kinsella?

Le sénateur Kinsella: Je suis disposé à présenter la version abrégée de mes remarques, c'est-à-dire quelques minutes. Je suis d'accord avec la suggestion du sénateur Cools que cela mettrait un terme à l'étude des initiatives ministérielles. Autrement dit, nous ajournerons et poursuivrons demain.

Son Honneur le Président: Il faudrait le consentement unanime. Est-ce d'accord, honorables sénateurs, pour que, lorsque nous en aurons terminé avec le projet de loi C-27, c'est-à-dire lorsque le vote aura eu lieu, tous les autres articles restent au Feuilleton jusqu'à la prochaine séance?

Des voix: D'accord.

Des voix: Non.

Son Honneur le Président: Je reviens à la question. Voyons-nous l'heure ou ajournons-nous jusqu'à 20 heures?

Le sénateur Cools: Nous voyons l'heure.

Son Honneur le Président: Nous devons voir l'heure. Il suffit d'un sénateur qui s'oppose.

Sénateur Comeau, vouliez-vous intervenir?

PÊCHES ET OCÉANS

AUTORISATION AU COMITÉ DE SIÉGER EN MÊME TEMPS QUE LE SÉNAT

L'honorable Gerald J. Comeau: Honorables sénateurs, étant donné que nous voyons l'heure, je demanderais au Sénat d'autoriser le Comité sénatorial permanent des pêches et des océans à siéger à 19 heures, même si le Sénat siège à ce moment-là. Ce soir, nous traitons d'une question extrêmement importante concernant le Nunavut.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, la permission est-elle accordée?

Des voix: D'accord.

(La motion est adoptée.)

LES TRAVAUX DU SÉNAT

Son Honneur le Président: La séance reprendra à 20 heures.

L'honorable Noël A. Kinsella (leader adjoint de l'opposition): Si j'ai bien compris, honorables sénateurs, c'est le sénateur Morin qui n'a pas donné la permission. Je suppose que c'est en raison de la situation concernant le projet de loi C-260. Je peux faire savoir à la Chambre qu'il y a une heure et demie, j'ai reçu la lettre que j'attendais du ministre de la Santé. Si c'est tout ce qui nous retient, je vous dirais qu'il me faudrait moins d'une minute pour lire la lettre du ministre aux fins du compte rendu.

L'honorable Anne C. Cools: Nous pourrons le faire à 20 heures.

Le sénateur Austin: Nous n'y pouvons rien.

Le sénateur Kinsella: Je suggère que, si nous donnons la permission, nous pourrions terminer l'étude du projet de loi de crédits, puis traiter du projet de loi C-260. Il suffirait de seulement cinq minutes.

Des voix: D'accord.

Le sénateur Cools: J'ai dit non.

Son Honneur le Président: Il n'y a pas consentement unanime. Honorables sénateurs, nous reviendrons à 20 heures.

(La séance est suspendue.)

(2000)

La Sénat reprend sa séance.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, le sénateur Kinsella a la parole, mais le sénateur Rompkey souhaite parler.

L'honorable Bill Rompkey (leader adjoint du gouvernement): Si Son Honneur sondait les honorables sénateurs, je crois qu'il verrait que nous sommes d'accord pour poursuivre le débat sur le projet de loi C-27 afin d'en disposer, puis de passer au projet de loi C-260 et de reporter tous les autres articles au Feuilleton jusqu'à la prochaine séance du Sénat.

L'honorable Douglas Roche: Honorables sénateurs, j'ai été distrait et je n'ai pu entendre toute l'intervention du leader adjoint du gouvernement. J'espérais l'entendre dire que je pourrais prendre la parole ce soir au sujet de l'interpellation no 10. S'il confirme que je pourrai en parler ce soir, je serai d'accord avec tout ce qu'il dira d'autre.

Le sénateur Rompkey: Êtes-vous d'accord, honorables sénateurs?

Son Honneur le Président: Il est proposé, honorables sénateurs, et je demanderai un consentement unanime, que nous concluions nos délibérations sur le projet de loi C-27, que nous passions au prochain article, le projet de loi C-260, puis à l'interpellation no 10, puis à la motion d'ajournement. Êtes-vous d'accord, honorables sénateurs à suivre cet ordre des travaux?

Des voix: D'accord.

Son Honneur le Président: Nous poursuivons le débat sur le projet de loi C-27. Le sénateur Kinsella a la parole.

PROJET DE LOI DE CRÉDITS NO 1 POUR 2004-2005

TROISIÈME LECTURE

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Day, appuyée par l'honorable sénateur Phalen, tendant à la troisième lecture du projet de loi C-27, Loi portant octroi à Sa Majesté de crédits pour l'administration publique fédérale pendant l'exercice se terminant le 31 mars 2005.

L'honorable Noël A. Kinsella (leader adjoint de l'opposition): Honorables sénateurs, concernant le projet de loi de crédits provisoires, il a été mentionné que nous y voyons une demande de neuf mois, ce qui est un peu inhabituel. Comme je l'ai indiqué plus tôt dans mon intervention, le comité en fait une étude approfondie. On l'a fait valoir, et je suis donc satisfait.

Son Honneur le Président: Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix: Le vote!

Son Honneur le Président: L'honorable sénateur Day, avec l'appui de l'honorable sénateur Phalen, propose: Que ce projet de loi soit maintenant lu pour la troisième fois. Plaît-il aux honorables sénateurs d'adopter la motion?

(La motion est adoptée et le projet de loi, lu pour la troisième fois, est adopté.)

LA LOI SUR LES PRODUITS DANGEREUX

PROJET DE LOI MODIFICATIF—TROISIÈME LECTURE

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Morin, appuyé par l'honorable sénateur Munson, tendant à la troisième lecture du projet de loi C-260, Loi modifiant la Loi sur les produits dangereux (cigarettes à inflammabilité réduite).—(L'honorable sénateur Kinsella)

L'honorable Noël A. Kinsella (leader adjoint de l'opposition): Honorables sénateurs, j'en ai presque fini avec mon discours sur ce projet de loi. Les honorables sénateurs se souviendront que j'ai lu, pour le compte rendu, une lettre que j'avais envoyée à l'honorable Pierre Pettigrew, ministre de la Santé, au sujet du projet de loi. J'ai reçu, il y a quelques heures la réponse du ministre par télécopieur et j'aimerais que le contenu de cette lettre figure au compte rendu.

Monsieur le Sénateur,

Je vous remercie de votre lettre du 17 mars 2004 au sujet du projet de loi C-260, Loi modifiant la Loi sur les produits dangereux (cigarettes à inflammabilité réduite).

Je salue les efforts de l'honorable John McKay, député, et de l'honorable Yves Morin, sénateur, qui ont porté la question des dommages matériels, des blessures et des décès causés par la cigarette à l'attention de la Chambre des communes et du Sénat.

Les incendies allumés par des cigarettes sont la première cause de mortalité par incendie au Canada. Les statistiques rapportent que, de 1995 à 1999, au moins 14 030 incendies ont été allumés par des cigarettes. Ces incendies ont tué 356 personnes, en ont blessées 1 615 et ont causé pour plus de 200 millions de dollars de dommages matériels. Et pire encore, les victimes de ces incendies sont souvent parmi les plus vulnérables de la société, c'est-à-dire les enfants, les personnes âgées et les personnes pauvres — et aussi les pompiers qui essaient de les sauver.

À la lumière de ces faits, j'appuie l'idée de cigarettes à propension réduite à l'ignition. Santé Canada achève la rédaction du règlement d'application de la Loi sur le tabac qui exigerait une réduction de la propension à l'ignition pour toutes les cigarettes vendues au Canada, de fabrication étrangère ou canadienne, et j'entends approuver la présentation au gouverneur en conseil dès que je la recevrai du ministère. J'ai bon espoir que ce règlement contribuera à réduire les dommages matériels, les blessures et les décès inutiles occasionnés par des incendies allumés par une cigarette.

En ce qui concerne votre question au sujet de changements possibles dans la toxicité de la fumée de cigarette, le règlement doit aborder le problème en exigeant des tests toxicologiques et la présentation de leurs résultats à Santé Canada de façon régulière. Cette exigence aidera à suivre l'évolution de la toxicité dans le temps d'un produit déjà trop bien connu pour causer de nombreuses maladies débilitantes et fatales.

Quant à la question du comportement du consommateur, Santé Canada mène une enquête d'un an pour mesurer le risque que les fumeurs allument des incendies avec des cigarettes. Cette enquête de référence devrait s'achever au début de 2005. En outre, le ministère utilise les données du commissaire des incendies de l'Ontario pour établir le tableau statistique de l'incendie type causé par une cigarette en Ontario. Une fois le règlement pleinement appliqué, Santé Canada pourra faire une analyse comparative. Je crois comprendre que l'adoption du projet de loi C-260 n'aura d'incidence sur aucune de ces études.

Enfin, je dis avec confiance que le projet de loi C-260 ira dans le même sens que les efforts déployés par le ministère pour protéger la santé des Canadiens.

Pour toute autre question se rapportant à la lutte contre le tabagisme, n'hésitez pas à communiquer avec...

La lettre est signée par l'honorable Pierre S. Pettigrew.

Le ministre a dit que le plan d'action du ministère ne sera pas entravé par le projet de loi, que les deux peuvent s'appliquer en même temps. Avec cette assurance que, malheureusement, nous n'avons pu obtenir au comité, là où nous pouvions l'obtenir, et qui est maintenant officielle, il est possible d'appuyer le projet de loi.

Son Honneur le Président: Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix: Le vote!

Son Honneur le Président: L'honorable sénateur Morin, avec l'appui de l'honorable sénateur Munson, propose: Que ce projet de loi soit lu pour troisième fois. Plaît-il aux sénateurs d'adopter la motion?

(La motion est adoptée et le projet de loi, lu pour la troisième fois, est adopté.)

LE RÔLE HISTORIQUE DES FEMMES AU SÉNAT DU CANADA ET LES DÉFIS QUE LES LÉGISLATRICES ACTUELLES ONT À RELEVER POUR FAIRE PROGRESSER LA PAIX ETLA SÉCURITÉ DES ÊTRES HUMAINS

INTERPELLATION—AJOURNEMENT DU DÉBAT

L'honorable Douglas Roche, conformément à l'avis donné le 24 mars 2004:

Qu'il attirera l'attention du Sénat sur le rôle historique des femmes au Sénat du Canada et sur les défis que les législatrices actuelles ont à relever pour faire progresser la paix et la sécurité des êtres humains.

— Honorables sénateurs, au moment où je m'apprête à quitter le Sénat, j'ai réfléchi aux développements politiques les plus importants qui ont marqué les 33 années que j'ai passées dans la vie publique et à ce qui m'a donné le plus d'espoir pour l'avenir. Le rôle de la femme devient de plus en plus important à l'égard des grandes questions de notre temps, en l'occurrence la paix, la sécurité et le développement durable.

Les femmes qui siègent au Parlement du Canada aujourd'hui sont les bénéficiaires directes de l'œuvre de pionnier d'Agnes MacPhail, la première parlementaire canadienne, qui avait été élue dans une circonscription rurale de l'Ontario en 1921. Poser les jalons sur le sentier menant les femmes à la Chambre des communes n'a pas été chose facile. La première fois qu'elle a essayé d'entrer au Parlement pour y remplir ses fonctions, un gardien l'a arrêtée en disant: «Vous ne pouvez entrer là, mademoiselle.» En plus de défendre les intérêts de ses électeurs, Mme MacPhail a fait de la paix une de ses priorités absolues durant les turbulentes années de l'entre-deux-guerres. Elle avait demandé au premier ministre King de créer un ministère de la Paix et au gouvernement canadien de consacrer à l'éducation en faveur de la paix un dollar pour chaque 100 $ qui seraient consacrés à la guerre. Malheureusement, ses propositions n'ont pas été acceptées.

(2010)

Les Cinq femmes célèbres de l'Alberta ont ouvert d'autres portes: Emily Murphy fut la première femme magistrat du Commonwealth; Louise McKinney, élue en 1917, fut la première femme à siéger comme députée au sein d'une assemblée législative dans tout le Commonwealth; Nellie McClung a mené la première campagne en faveur de l'émancipation des femmes en Amérique du Nord; Henrietta Edwards a publié le premier magazine pour femmes du Canada; et Irene Parlby fut la première femme ministre de l'Alberta et elle fut déléguée à la Société des nations à Genève. Ce sont ces Cinq femmes célèbres qui ont demandé et obtenu que le gouvernement du Canada considère les femmes comme des «personnes» aux termes de l'article 24 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique afin qu'elles puissent siéger au Sénat du Canada. Les Cinq femmes célèbres ont maintenant une statue à leur image sur la colline du Parlement.

Quatre mois après l'affaire «personne» de 1929, Cairine Wilson a été la première femme à être nommée sénateur au Canada et elle s'est intéressée ardemment à la sécurité humaine. Madame le sénateur Wilson a défendu les intérêts des réfugiés, et son travail auprès des enfants réfugiés lui a valu des hommages. Elle a été présidente du Comité sénatorial permanent de l'immigration et du travail et représentante du Canada à l'Assemblée générale des Nations Unies en 1949; elle a été la première femme à occuper ces deux postes.

Muriel Fergusson, la première femme à occuper le poste de Président du Sénat, s'est servie de son poste pour faire avancer les droits des femmes et améliorer la condition des pauvres au Canada. Elle a contribué à l'obtention du droit des femmes de siéger sur des jurys, ce qui eut pour effet d'accroître la déclaration d'agressions sexuelles contre des femmes, les victimes n'ayant plus à être jugées par des jurys composés uniquement d'hommes. Elle a bien résumé son point de vue en disant: «Les gens sont mon travail, ma vie en fait. Être au service des gens, penser à ce qu'on peut faire pour eux, c'est cela qui m'a motivée à continuer.» Quelle rafraîchissante attitude vis-à-vis du service public!

Erminie Cohen, que nombre d'entre nous connaissent bien, est un plus récent exemple de sénateur féminin ayant à cœur la sécurité humaine. Son poste de présidente honoraire de la première conférence des pauvres de l'Atlantique en 1996 l'a poussée, comme elle le dit, à publier l'année suivante un livre ayant pour titre Sounding the Alarm: Poverty in Canada, dans lequel elle attire l'attention du public sur les pauvres.

La très révérende Lois Wilson a défendu les droits de la personne au Canada bien avant sa nomination au Sénat en 1998, siégeant au conseil d'administration d'Amnistie Internationale et de l'Institut canadien pour la paix et la sécurité internationales. En tant que sénateur, elle a représenté le Canada dans le cadre d'efforts déployés pour résoudre des conflits un peu partout dans le monde. Le sénateur Wilson a été l'envoyée spéciale du Canada pour le processus de paix au Soudan. En 2000, elle a dirigé la délégation canadienne en Corée du Nord, qui a jeté les bases de l'établissement de relations diplomatiques entre le Canada et ce pays.

Le sénateur Mobina Jaffer a succédé au sénateur Wilson en tant qu'envoyée au Soudan et elle copréside, avec Lois Wilson, le Comité canadien sur les femmes, la paix et la sécurité. Ce comité doit surveiller la mise en oeuvre au Canada de la résolution 1325 du Conseil de sécurité des Nations Unies, qui demande que les femmes puissent participer pleinement et également à la prévention des conflits, aux processus de paix et à la consolidation de la paix.

Le sénateur Jaffer a assisté à la quarante-huitième session de la Commission des Nations Unies sur le statut de la femme, qui a eu lieu plus tôt ce mois-ci à New York, et dans le cadre de laquelle on a réclamé de nouveau une plus grande participation des femmes à la paix et à la sécurité, et on a noté la nécessité pour les hommes de participer pleinement au processus d'élimination des obstacles à l'égalité des sexes.

Le sénateur Sharon Carstairs défend depuis longtemps les intérêts des malades en phase terminale et de leur famille. Ses efforts pour améliorer les soins palliatifs ont conduit à l'annonce récente d'un programme de congés pour les soins prodigués par compassion afin qu'il soit possible pour les membres de la famille de prendre un congé pour s'occuper d'un parent en phase terminale.

À la suite de sa nomination au Sénat en 1994, le sénateur Landon Pearson s'est engagée à être le sénateur responsable de la défense des enfants. Elle a coprésidé le Comité mixte spécial sur la garde et le droit de visite des enfants afin de protéger les intérêts des enfants. Elle s'est prononcée contre le travail des enfants et contre les violations énormes des droits des enfants en temps de guerre.

Le sénateur Joyce Fairbairn concentre ses efforts sur la lutte contre l'analphabétisme au Canada, ce qu'elle appelle la honte cachée de notre pays.

Le sénateur Thelma Chalifoux défend la justice sociale pour les peuples autochtones.

Le sénateur Raynell Andreychuk utilise son expérience judiciaire et diplomatique pour faire avancer les droits de la personne grâce à la promotion de la Cour pénale internationale et aux travaux de l'Action mondiale des parlementaires.

Le sénateur Lucie Pépin ne ménage pas ses efforts pour améliorer la santé et la situation des femmes au Canada et à l'échelle internationale.

Les sénateurs Ione Christensen et Elizabeth Hubley ont approfondi notre compréhension de la situation critique des victimes des mines antipersonnel.

Le sénateur Marjory LeBreton suscite l'appui du public à l'égard d'un durcissement des lois contre les conducteurs en état d'ébriété.

Honorables sénateurs, je pourrais continuer à énumérer la contribution d'autres femmes sénateurs, actuelles et passées, à des questions de sécurité humaine. J'y constate une préoccupation constante à l'égard des gens les plus vulnérables dans notre société. Peut-être ce souci trouve-t-il son origine dans le fait que les femmes elles-mêmes ont eu à lutter pour réclamer l'égalité de droits dans notre société — une lutte qui se poursuit encore aujourd'hui.

Nous n'avons qu'à jeter un regard autour de nous, dans cette enceinte, pour constater que les femmes ne bénéficient pas d'une représentation égale dans les lieux du pouvoir au Canada. Elles n'occupent que 35 p. 100 des sièges au Sénat, ce qui nous place quand même au sixième rang mondial en représentation féminine à la Chambre haute, mais ne confère tout de même pas aux femmes leur juste part de sièges.

Malheureusement, les femmes ne bénéficient pas d'une représentation aussi élevée à la Chambre des communes, où elles constituent moins de 21 p. 100 des députés, ce qui place le Canada au trente-sixième rang mondial. En comparaison, le Rwanda compte le plus grand pourcentage de femmes à la Chambre basse, soit près de 49 p. 100, devant la Suède à 45 p. 100.

Peut-être la deuxième raison pour laquelle les femmes se préoccupent de faire progresser la sécurité humaine est qu'elles vivent l'insécurité différemment de leurs homologues masculins. Ce sont les plus démunis en argent et en pouvoir qui sont le plus directement touchés par les coupes gouvernementales dans les dépenses en santé et en éducation et par la réduction des programmes de soutien au revenu. Ce sont les mêmes qui bénéficient le plus d'un renforcement de la protection des droits de la personne.

Au plan international, les femmes souffrent de façon démesurée des conséquences des conflits, qui tuent aujourd'hui davantage de civils que de militaires. Les guerres s'accompagnent d'une augmentation de la violence faite aux femmes, aussi bien par des factions armées qu'à la maison. La violence sexuelle, documentée, dans les conflits récents en ex-Yougoslavie et au Rwanda, entre autres endroits, est vraiment révoltante.

(2020)

Les femmes, au Canada et ailleurs dans le monde, reconnaissent que la paix est dans leur propre intérêt et elles jouent un rôle de premier plan dans la résolution des conflits. La Voix des femmes canadiennes pour la paix, fondée en 1960, a joué un rôle déterminant dans la promotion du désarmement et la réconciliation pendant la guerre froide. En 1962, ce groupe a été ridiculisé par les médias, qui a traité ses membres d'idiotes parce qu'elles avaient le courage de demander au gouvernement de refuser la présence d'armes nucléaires américaines sur le sol canadien. Les membres de cette organisation et d'autres groupes partageant leurs opinions avaient pourtant raison de manifester leur opposition à ce moment et elles ont également eu raison de s'opposer à la guerre récente en Irak.

En Occident, la Ligue internationale de femmes pour la paix et la liberté avait regroupé quelque 1 200 femmes de nombreux pays, pour protester contre la Première Guerre mondiale. Depuis, cette organisation, qui compte aujourd'hui 37 chapitres dans divers pays du monde continue de défendre les droits de la personne et de prôner le désarmement.

Les Nations Unies ont énergiquement fait la promotion du rôle des femmes en matière de paix et de sécurité. La quatrième Conférence mondiale sur les femmes, qui s'est tenue à Beijing en 1995, s'est terminée par la diffusion de la Déclaration et Programme d'action de Beijing. Cette déclaration, qui visait à habiliter les femmes, reconnaît que la pleine réalisation de tous les droits de la personne et des libertés fondamentales de toutes les femmes est essentielle à l'habilitation des femmes. Cette déclaration a été suivie par l'adoption, en 2000, de la résolution 1325 du Conseil de sécurité, dont je parlais plus tôt. Cette résolution, qui dénonçait les répercussions des conflits sur les femmes, insistait sur l'importance de leur participation, sur un pied d'égalité, à tous les efforts visant à maintenir et à promouvoir la paix et la sécurité.

Honorables sénateurs, après avoir observé la scène mondiale depuis trois décennies, j'ai acquis la conviction que les femmes sont au centre du changement. Lorsque les représentantes des femmes du monde se sont réunies à Beijing en 1995, elles ont affirmé que le leadership exercé par la moitié de l'humanité qui est constituée de femmes vise essentiellement la recherche de la paix et de la sécurité. L'objectif premier de ce leadership est d'assurer l'accès à l'éducation à toutes les filles et à toutes les jeunes femmes des pays en voie de développement. Là où cela s'est produit, et je l'ai vu de mes propres yeux, le développement et le contrôle des naissances ont marqué des progrès spectaculaires. Le plein épanouissement des femmes dans toutes les sociétés et la protection de leurs droits humains sont évidemment primordiaux. L'amélioration de la situation des femmes dans la société est incontestable, en dépit des actes lamentables de discrimination qui continuent d'affliger l'humanité.

Toutefois, je vais plus loin dans mon évaluation du rôle que jouent aujourd'hui les femmes à l'égard de la nécessité d'instaurer une véritable sécurité humaine. Voici le monde dans lequel nous vivons: 2,7 milliards d'êtres humains vivent avec moins de 2 $ par jour; 1,1 milliard d'entre eux n'ont pas accès à de l'eau potable; 800 millions souffrent de la faim; 40 millions sont infectés par le VIH/ sida; 16 millions sont soit des personnes réfugiées, soit des personnes déplacées à l'intérieur de leur pays.

En plus de ce scandaleux déficit social, il existe encore aujourd'hui 34 145 armes nucléaires ayant la capacité de détruire le monde plusieurs fois. Les armes nucléaires ne représentent qu'une fraction des 850 milliards de dollars que les gouvernements du monde consacrent chaque année à leurs forces armées.

Les Objectifs du Millénaire pour le développement, entérinés par le secrétaire général des Nations Unies, Kofi Annan, exigent un minimum de 50 milliards de dollars pour réduire de moitié la pauvreté extrême d'ici 2015, pour faire diminuer la mortalité infantile, pour combattre le VIH/sida et pour élaborer un partenariat mondial pour le développement. Les priorités des gouvernements sont tellement déformées que, à ce jour, ils n'ont promis qu'environ 16 milliards de dollars.

Ces questions liées à la sécurité humaine ne sont pas uniquement l'affaire des femmes; c'est aux hommes et aux femmes d'y voir.

Son Honneur le Président: Sénateur Roche, votre temps de parole est écoulé.

Le sénateur Roche: Je demande aux honorables sénateurs la permission de continuer.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, la permission est-elle accordée?

Des voix: D'accord.

Le sénateur Roche: Je remercie les honorables sénateurs.

J'ai le sentiment que le moment est venu pour ce groupe grandissant et intrépide de femmes législateurs d'exiger que, partout dans le monde, les gouvernements mettent de l'ordre dans leurs priorités et reconnaissent que si nous voulons instaurer la paix et la sécurité humaines dans le monde, nous devons remplacer la culture de guerre par une culture de paix.

Je ne veux pas dire qu'un monde dirigé par des femmes serait nécessairement parfaitement pacifique, mais mon expérience diplomatique et politique me dit que les chances de rendre le monde plus humain seraient améliorées si un plus grand nombre de femmes prenaient part à la prise des décisions au sein des gouvernements. Il est sans doute vrai que toutes les politiciennes n'adhèrent pas à un programme de justice sociale, mais je crois cependant que c'est le cas de beaucoup. Lorsque le nombre de femmes dans la vie publique atteindra une masse critique, je pense que les femmes législateurs s'enhardiront et exigeront de meilleures politiques.

Cette idée a été exprimée avec éloquence par une femme du nom de Jamila, directrice du ministère du Bien-être des femmes en Afghanistan et membre-fondateur du réseau des femmes afghanes, dans le témoignage qu'elle a donné devant le Conseil de sécurité des Nations Unies en 2001. Elle a dit:

J'ai souvent entendu dire que les Afghanes ne sont pas politisées, que la paix et la sécurité, c'est l'affaire des hommes. Je suis ici pour dissiper cette illusion. Depuis les 20 dernières années, le leadership des hommes n'a causé que guerre et souffrances[...] Quiconque cherche des Afghanes prêtes à s'engager en faveur de la paix n'a pas à chercher bien loin.... Lorsque les Nations Unies seront à la recherche de leaders, qu'elles se tournent vers nous.

Les hommes ont mené le bal assez longtemps dans l'histoire de l'humanité et ils ont provoqué une succession de guerres et la pauvreté. L'heure du changement a sonné.

Honorables sénateurs, alors que je m'apprête à quitter cette extraordinaire institution, je vous demande à tous, mais particulièrement à mes collègues de sexe féminin, de dénoncer la faim et le sida, les armes et les grandes injustices qui accablent tant de gens dans le monde. Élevez vos voix pour mettre un terme à la pauvreté, à la violence et à la discrimination. Élevez vos voix en faveur d'un monde sans armes nucléaires. Élevez vos voix en faveur du respect systématique des droits de la personne, dans l'intérêt de toutes les femmes, mais aussi des enfants et des hommes. Laissez les valeurs morales vous guider dans les luttes à venir pour l'obtention d'une véritable paix. Vous vous appuyez sur les assises que celles qui vous ont précédées ont mises en place. Le sort de la moitié de l'humanité repose sur vous. L'avenir vous appartient.

Des voix: Bravo!

Le sénateur Cools: Je propose l'ajournement du débat.

L'honorable Laurier L. LaPierre: Honorables sénateurs, je veux revenir sur ce qu'a dit le sénateur Roche. Dans le contexte du merveilleux discours qu'il a prononcé, je tiens à dire que les francophones n'oublieront jamais l'honorable Marie Thérèse Casgrain et sa contribution à l'avancement des droits et des libertés des femmes du Québec.

(2030)

Non seulement a-t-elle dû affronter des hommes en pantalon, mais aussi des hommes en robe — des prêtres, des évêques, des archevêques et des cardinaux, et même le pape lui-même. Elle l'a fait avec un courage incroyable.

Elle a fait rire d'elle tous les jours, et à la fin de sa vie, elle a vu le résultat de son travail avec l'émancipation de la femme dans la province de Québec, ce qui a constitué une grande réalisation sociale.

Je voulais poursuivre dans la foulée du magnifique énoncé du sénateur.

L'honorable Anne C. Cools: Avant le dépôt de la motion d'ajournement, puis-je poser une question au sénateur Roche?

Une voix: Non.

Le sénateur Tkachuk: Pourquoi?

Le sénateur Robichaud: Le sénateur LaPierre était le dernier intervenant.

Le sénateur Cools: Collègues!

Son Honneur le Président: Nous avons accepté de nous pencher sur cette question. Le sénateur Roche a fait son discours. Le sénateur Cools voudrait ajourner le débat. Il semble qu'elle ait une question à poser et le sénateur LaPierre a fait ce que je considère comme un commentaire sur le discours du sénateur Roche. Notre Règlement le permet.

Le sénateur Cools posera une question et ajournera ensuite le débat.

Le sénateur Cools: Je n'ai pas posé ma question plus tôt parce que je croyais que nous voulions conclure cette séance au plus tôt.

Le sénateur Roche connaît-il le nom de la première femme noire à avoir été nommée à un Sénat dans toute l'Amérique du Nord, le Canada et les États-Unis? Je demande au sénateur s'il le sait. Pourquoi, chaque fois qu'une déclaration est faite à propos des femme ne parle-t-on jamais d'une femme noire?

Le sénateur Roche: Je remercie le sénateur Cools. J'aimerais bien sûr la renvoyer à l'avant-dernier commentaire que j'ai fait ce soir, dans lequel je citais une femme noire d'Afghanistan qui a témoigné devant le Conseil de sécurité des Nations Unies. Je lui ai accordé de l'importance dans mon discours en rapportant la requête qu'elle a faite au monde, par l'intermédiaire du Conseil de sécurité, plaidant pour l'accroissement du rôle des femmes, de toutes les femmes, en vue d'atteindre la paix et la sécurité. C'était une déclaration très forte.

Le sénateur Cools: Je ne me suis peut-être pas exprimée clairement. Quand j'ai dit «noire», je parlais des races négroïdes.

Comment se fait-il que, dans ce pays et dans cette Chambre, régulièrement, chaque fois que des sénateurs se lèvent pour parler des femmes, ils ne mentionnent pas celles qu'à l'époque, vous auriez appelées des négresses? Comment se fait-il qu'on ne fait jamais mention de l'une d'elles? Est-ce parce qu'il n'y a aucune femme noire qui soit digne de mention ou est-ce parce que personne n'y a pensé?

L'honorable sénateur parlait des femmes. Les femmes afghanes ont peut-être le teint foncé, mais dans notre région du monde, lorsque nous disons «noire», nous ne voulons pas dire indienne ou afghane et ainsi de suite. C'est le terme qui a remplacé le vieux terme «négresse» — les races noires sur notre continent.

Je suis juste curieuse. J'écoute ces déclarations sans cesse. Je suis toujours curieuse du fait qu'au milieu des déclarations insistant sur la nécessité de l'amour, de la paix et de l'absence de discrimination, nous commettons sans cesse de la discrimination.

Le sénateur Roche: Je remercie l'honorable sénateur Cools de sa question. Étant donné que je m'approche de la fin de mon mandat au Sénat, je vais lui donner plus qu'une réponse en une seule phrase. Je vais lui donner une réponse en deux phrases.

Quant j'étais un jeune journaliste, avant d'entrer en politique, j'ai fait plusieurs fois le tour du monde. J'ai voyagé à travers l'Afrique, l'Asie et l'Amérique latine. J'ai vu le monde comme il était. J'ai vu ses couleurs, ses religions, ses cultures et ses races.

Ensuite, à une étape plus récente de ma vie, lorsque j'ai commencé à aller aux Nations Unies, il y a environ 30 ans, et je continue de m'y rendre régulièrement depuis, j'ai commencé à m'immerger dans les peuples du monde comme nous les voyons aux Nations Unies. Je peux vous dire, sénateur Cools, que je ne fais plus aucune distinction raciale.

Des voix: Bravo!

Le sénateur Cools: Être aveugle est peut-être un handicap. Je ne parle pas des préférences personnelles. Je parle du phénomène de conceptualisation globale de paix et de sécurité.

Je ferais valoir au sénateur Roche que l'une des raisons, peut-être, de tant d'effusions de sang, de malheur et de terreur dans le monde est que les races européennes n'ont pas été assez respectueuses des races africaines.

Son Honneur le Président: Avant de donner la parole au sénateur Roche, je tiens à rappeler aux honorables sénateurs que le sénateur Roche a indiqué qu'il ne prendrait que quelques minutes. Je pense que la proposition du leader adjoint du gouvernement était que, comme il se fait tard en soirée, nous nous dépêcherions. Je voulais rappeler cela aux sénateurs.

Le sénateur Roche: Je dirais amen à cela.

Le sénateur Cools: Je ne suis pas Afro-Américaine. Je ne suis pas portée sur les «amen».

Le sénateur Roche: Je peux seulement parler du point de vue de ma propre culture. Si madame le sénateur Cools parcourait mes écrits antérieurs, elle y trouverait l'histoire d'un enseignant du Nigeria qui a grandement contribué à mon éducation. J'ai été grandement influencé par cet homme et par d'autres personnes qui m'ont inspiré et m'ont enseigné tout au long de ma vie.

Ce que j'ai appris, c'est qu'il y a de la discrimination dans ce monde. Elle est économique, sociale, raciale et religieuse. Ce n'est pas de la discrimination que j'ai pu constater entre un groupe et un autre en particulier. Ses manifestations sont épidémiques.

Je terminerai sur ces paroles pour ce soir: il nous incombe à tous, peu importe notre origine, de travailler à éliminer la discrimination dont des personnes de toutes les couleurs et de toutes les croyances sont victimes dans le monde aujourd'hui.

Le sénateur Cools: Absolument. Je félicite le sénateur.

L'honorable Bill Rompkey (leader adjoint du gouvernement): L'intervention de la présidence me paraît juste. Nous permettons à certains de poser des questions, mais cela tourne au débat. Nous devons conclure et j'imagine que l'ajournement sera inscrit au nom du sénateur Cools. Elle aura l'occasion de faire valoir les points qu'elle mentionne, mais à une date ultérieure, pas ce soir. C'est l'entente unanime qui a été conclue par les sénateurs des deux côtés.

Le sénateur Cools: L'entente devait s'appliquer une fois qu'on aurait répondu à cette question. Je veux poser une ou deux questions. Si les honorables sénateurs désirent me museler, libres à eux. Cela se produit souvent. Si vous voulez le faire, allez-y.

Je tiens simplement à signaler au sénateur Roche que, selon ma culture — je suis née et j'ai grandi...

Son Honneur le Président: Je désire obtenir une précision. Sénateur Roche, êtes-vous disposé à répondre à d'autres questions?

Le sénateur Roche: Je crois que les sénateurs ont l'impression, ce soir, d'avoir tenu un assez bon débat jusqu'à maintenant.

(Sur la motion du sénateur Cools, le débat est ajourné.)

(Le Sénat s'ajourne au mercredi 31 mars 2004, à 13 h 30.)


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