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Débats du Sénat (Hansard)

1re Session, 42e Législature,
Volume 150, Numéro 36

Le jeudi 12 mai 2016
L'honorable George J. Furey, Président

LE SÉNAT

Le jeudi 12 mai 2016

La séance est ouverte à 13 h 30, le Président étant au fauteuil.

Prière.

[Traduction]

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

L'oléoduc Énergie Est

L'honorable Percy Mockler : Honorables sénateurs, nous devons continuer de promouvoir le projet d'édification nationale que représente l'oléoduc Énergie Est parce qu'il s'agit d'un enjeu dont on ne saurait exagérer l'importance.

Le premier ministre du Nouveau-Brunswick, Brian Gallant, est à Ottawa cette semaine pour rencontrer le premier ministre, M. Trudeau, le leader du gouvernement à la Chambre des communes, Dominic LeBlanc, et divers ministres fédéraux pour discuter avec eux de questions importantes pour le Nouveau-Brunswick. M. Gallant appuie ce projet depuis toujours. Il est conscient que l'oléoduc Énergie Est est essentiel pour créer et pour maintenir des emplois dans notre province et dans l'ensemble du Canada atlantique.

Sénateur Mercer, cet enjeu transcende les considérations partisanes.

Honorables sénateurs, je tiens à féliciter l'ancien premier ministre Brian Mulroney, qui a déclaré que le projet Énergie Est offre à Justin Trudeau une possibilité d'édification nationale.

Je suis aussi ravi de constater que d'anciens premiers ministres du Nouveau-Brunswick, tels que Frank McKenna, Camille Thériault et Bernard Lord, sont d'ardents défenseurs du projet Énergie Est. Je tiens à les féliciter de leur enthousiasme.

[Français]

De plus, je tiens à remercier le leader du gouvernement au Sénat, l'honorable Peter Harder, de sa prise de position d'hier, lorsqu'il a dit ce qui suit, et je cite :

Je serai heureux d'attirer l'attention du gouvernement [...]

[Traduction]

[...] je transmettrai le point de vue du Sénat sur cette question importante.

Outre ce qui a déjà été dit, j'accueille favorablement les commentaires du sénateur Moore et de la sénatrice McCoy, qui disent appuyer le projet Énergie Est dans leur région respective, et je m'attends à ce que le sénateur Harder transmette un message positif à ce sujet au gouvernement du Canada. Il a dit qu'il le ferait.

Des voix : Bravo!

Le sénateur Mockler : Honorables sénateurs, j'exhorte tous les sénateurs à se mobiliser pour appuyer le projet Énergie Est. Je suis persuadé que le gouvernement prendra sa décision en se fondant sur les données scientifiques et en consultant tous les intervenants.

Honorables sénateurs, toutes les autorités de l'Amérique du Nord sont unanimes : l'oléoduc est le moyen de transport le plus sûr pour le pétrole.

J'accueille également favorablement les propos tenus hier soir, au Comité sénatorial des finances, par le premier vice-président de la Fédération canadienne des municipalités, M. Clark Somerville :

Au cours des deux prochaines semaines, nous formerons un groupe qui examinera les principes dont les municipalités doivent tenir compte par rapport aux pipelines.

Nous sommes sur la bonne voie. Unissons-nous pour appuyer ce projet important afin de créer des emplois pour les Canadiens.

Des voix : Bravo!

L'Université de la Saskatchewan

La stratégie de participation des Autochtones

L'honorable Lillian Eva Dyck : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd'hui pour reconnaître la stratégie de participation des Autochtones de l'Université de la Saskatchewan.

En 2012, le collège d'agriculture et de ressources biologiques de l'Université de la Saskatchewan a élaboré une stratégie à l'appui de sa priorité stratégique qui consiste à mobiliser les Autochtones. Le personnel du collège a rencontré des collectivités des Premières Nations de partout en Saskatchewan pour évaluer leurs besoins en éducation postsecondaire. En tout, 75 Autochtones issus de 23 collectivités des Premières Nations

et organismes métis ont contribué à la consultation. En outre, un groupe consultatif autochtone a été formé pour tenir compte de la rétroaction obtenue lors de la consultation dans l'élaboration et la restructuration des programmes scolaires.

Le travail du groupe consultatif autochtone a notamment mené à l'approbation du programme de certificat Kanawayihetaytan Askiy. Kanawayihetaytan Askiy est une expression en langue crie qui signifie « Prenons soin du territoire ».

Ce programme de certificat offert à l'Université de la Saskatchewan intègre les connaissances traditionnelles aux sciences occidentales en mettant l'accent sur la gestion du territoire et des ressources dans les collectivités autochtones. Le programme Kanawayihetaytan Askiy, anciennement appelé programme de certificat de gestion des ressources des peuples autochtones, est un programme spécialement conçu qui vise à couvrir un large éventail de sujets propres à la gestion des terres et des ressources.

Le programme Kanawayihetaytan Askiy permet d'étudier les principaux facteurs environnementaux, juridiques et économiques liés à la gestion des terres et des ressources dans les collectivités autochtones. Il permet aussi aux étudiants d'acquérir des compétences en matière de communications, d'informatique, de gestion du temps, de leadership, de recherche et de gestion de projet.

Le programme vise à promouvoir la consultation des communautés autochtones, et sa vision ainsi que son orientation ont été élargies afin d'inclure les gestionnaires des terres autochtones, le personnel chargé des initiatives visant les terres et le développement économique des Autochtones, les dirigeants autochtones, les jeunes Autochtones des régions urbaines et rurales, les fonctionnaires fédéraux et provinciaux ainsi que les personnes qui souhaitent travailler avec les communautés autochtones.

Depuis l'année scolaire 2006-2007, on compte plus de 200 diplômés du programme de gestion des ressources des peuples autochtones et du programme Kanawayihetaytan Askiy. Je cite le compte rendu de la réunion organisée le 17 décembre 2015 par le comité du conseil universitaire chargé des programmes d'études :

La demande pour des diplômés de ce programme demeure élevée, et presque tous les diplômés ont un emploi ou une confirmation d'emploi dans le domaine de la gestion des terres.

Honorables sénateurs, la stratégie de participation des Autochtones et le programme Kanawayihetaytan Askiy sont des exemples de programmes de réconciliation que le milieu universitaire doit offrir pour répondre aux appels à l'action lancés dans le rapport de la Commission de vérité et réconciliation.

Merci.

Visiteurs à la tribune

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de Young Yeon Cho, qui préside la HanCa Seniors Association, et de membres de cette association. Ils sont les invités de l'honorable sénatrice Martin.

Au nom de tous les sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

(1340)

Le Mois du patrimoine asiatique

L'honorable Yonah Martin (leader suppléante de l'opposition) : Honorables sénateurs, j'aimerais tout d'abord souligner la présence d'aînés de ma famille, qui ont fait un voyage de cinq heures pour être ici aujourd'hui.

Honorables sénateurs, j'interviens à l'occasion du Mois du patrimoine asiatique pour vous parler d'un chapitre peu connu de l'histoire des Canadiens d'origine asiatique : les opérations secrètes de la Force 136.

Le musée militaire sino-canadien de Vancouver a inauguré le 14 mai 2016 une exposition intitulée « Rumble in the Jungle », qui raconte l'histoire de cette force secrète. J'ai hâte de me rendre au musée, situé dans le quartier chinois historique au centre-ville de Vancouver, afin de visiter l'exposition en question. Le colonel Howe Lee, l'un des fondateurs du musée, m'a appris à attribuer une valeur particulière à l'histoire qui a façonné le Canada et chacune de nos vies. Le musée nous permet de découvrir les trésors cachés que sont les chapitres peu connus, voire parfois inconnus, de l'histoire du Canada qui décrivent les contributions inestimables des Canadiens d'origine asiatique. Il est essentiel pour nous de découvrir ces chapitres manquants de notre histoire afin de bien comprendre notre identité de Canadiens et de reconnaître ceux qui se sont battus avec tant d'acharnement pour que nous puissions être libres.

Pour reprendre les paroles du colonel Howe Lee, le musée militaire sino-canadien et les autres musées qui s'occupent de nos archives historiques sont « l'âme de nos communautés ».

Honorables sénateurs, permettez-moi de vous parler de la Force 136. Quelques années avant la fin de la Seconde Guerre mondiale, le service britannique du renseignement a recruté une petite force multinationale dont les agents ont reçu une formation secrète en tactiques de commando et de survie dans la jungle. Ces agents d'élite constituaient l'effectif principal de la Force 136.

Leur mission consistait à être lâchés, en petites équipes, derrière les lignes ennemies en Asie du Sud-Est, à prendre contact avec des groupes de guérilla, et à participer à des activités de sabotage et de collecte de renseignements.

On leur avait dit qu'ils avaient seulement une chance sur deux de survivre à la mission. En fait, on donnait à chaque personne un comprimé de cyanure juste au cas où elle serait capturée. Les gens qui ont survécu à leur mission ont pu raconter les horreurs qu'ils ont endurées : paludisme, moussons, humidité étouffante, fractures.

Les agents de la Force 136 étaient, à bien des égards, l'équivalent des agents doubles que les Britanniques parachutaient dans l'Europe occupée, des gens qui risquaient leur vie pour soutenir des mouvements de résistance et se battre contre l'ennemi, tout en opérant en son sein.

Ce qui rend les intrépides et héroïques agents de la Force 136 encore plus remarquables, c'est que, au moment de leur service pour le Canada, ils étaient des citoyens asiatiques sans patrie, des gens qui étaient nés au Canada, mais qui étaient considérés comme des étrangers sur leur certificat de naissance. Ils n'étaient pas considérés comme des citoyens canadiens à cause de leur ethnie. Le grand nombre d'Asiatiques qui se sont portés volontaires pour servir dans l'armée canadienne durant la Seconde Guerre mondiale l'ont fait pour prouver leur allégeance au Canada, le pays où ils étaient nés et le seul pays qu'ils avaient jamais connu. Même s'ils avaient été rejetés par leur mère patrie, les membres de la Force 136 étaient, malgré tout, prêts à se battre et à mourir pour le Canada.

Honorables sénateurs, j'espère que vous vous joindrez tous à moi pour reconnaître les contributions à notre histoire de ces Canadiens d'origine asiatique et que vous serez tous fiers de ce qu'ils ont fait pour nous donner la liberté dont nous jouissons aujourd'hui.

Des voix : Bravo!


[Français]

AFFAIRES COURANTES

Langues officielles

Budget et autorisation d'engager du personnel et de se déplacer—L'étude sur les défis liés à l'accès aux écoles françaises et aux programmes d'immersion française de la Colombie-Britannique—Présentation du deuxième rapport du comité

L'honorable Claudette Tardif, présidente du Comité sénatorial permanent des langues officielles, présente le rapport suivant :

Le jeudi 12 mai 2016

Le Comité sénatorial permanent des langues officielles a l'honneur de présenter son

DEUXIÈME RAPPORT

Votre comité, qui a été autorisé par le Sénat le mercredi 20 avril 2016 à étudier les défis liés à l'accès aux écoles françaises et aux programmes d'immersion française de la Colombie- Britannique, demande respectueusement des fonds pour l'exercice financier se terminant le 31 mars 2017, et demande qu'il soit, aux fins de ses travaux, autorisé à :

a) embaucher tout conseiller juridique et personnel technique, de bureau ou autre dont il pourrait avoir besoin;

b) s'ajourner d'un lieu à l'autre au Canada; et

c) voyager à l'intérieur du Canada.

Conformément au chapitre 3:06, article 2(1)c) du Règlement administratif du Sénat, le budget présenté au Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration, ainsi que le rapport s'y rapportant sont annexés au présent rapport.

Respectueusement soumis,

La présidente,
CLAUDETTE TARDIF

(Le texte du budget figure à l'annexe A des Journaux du Sénat d'aujourd'hui, p. 475.)

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand étudierons-nous le rapport?

(Sur la motion de la sénatrice Tardif, l'étude du rapport est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

[Traduction]

Droits de la personne

Budget et autorisation d'engager du personnel et de se déplacer—L'étude sur les mesures prises pour faciliter l'intégration des réfugiés syriens nouvellement arrivés et les aider à surmonter les difficultés qu'ils vivent—Présentation du troisième rapport du comité

L'honorable Jim Munson, président du Comité sénatorial permanent des droits de la personne, présente le rapport suivant :

Le jeudi 12 mai 2016

Le Comité sénatorial permanent des droits de la personne a l'honneur de présenter son

TROISIÈME RAPPORT

Votre comité, qui a été autorisé par le Sénat le jeudi 14 avril 2016 à étudier les mesures prises pour faciliter l'intégration des réfugiés syriens nouvellement arrivés et les aider à surmonter les difficultés qu'ils vivent, notamment par les divers ordres de gouvernement, les répondants du secteur privé et les organismes non gouvernementaux, demande respectueusement des fonds pour l'exercice financier se terminant le 31 mars 2017 et demande qu'il soit, aux fins de ses travaux, autorisé à :

a) embaucher tout conseiller juridique et personnel technique, de bureau ou autre dont il pourrait avoir besoin;

b) s'ajourner d'un lieu à l'autre au Canada;

c) voyager à l'intérieur du Canada.

Conformément au chapitre 3:06, article 2(1)c) du Règlement administratif du Sénat, le budget présenté au Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration ainsi que le rapport s'y rapportant sont annexés au présent rapport.

Respectueusement soumis,

Le président,
JIM MUNSON

(Le texte du budget figure à l'annexe B des Journaux du Sénat d'aujourd'hui, p. 483.)

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand étudierons-nous le rapport?

(Sur la motion du sénateur Munson, l'étude du rapport est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

[Français]

La Capitale sécurité financière, compagnie d'assurance

Projet de loi d'intérêt privé—Première lecture

L'honorable Dennis Dawson dépose le projet de loi S-1001 Loi autorisant La Capitale sécurité financière, compagnie d'assurance à demander sa prorogation en tant que personne morale régie par les lois de la province de Québec.

(Le projet de loi est lu pour la première fois.)

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons- nous le projet de loi pour la deuxième fois?

(Sur la motion du sénateur Dawson, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la séance d'après-demain.)

Le Sénat

Préavis de motion tendant à exhorter le gouvernement à prendre les mesures qui s'imposent pour désamorcer les tensions et rétablir la paix et la stabilité dans la mer de Chine méridionale

L'honorable Thanh Hai Ngo : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que le Sénat observe avec inquiétude le comportement de plus en plus hostile de la République populaire de Chine dans la mer de Chine méridionale et exhorte par conséquent le gouvernement du Canada à encourager toutes les parties en cause, et en particulier la République populaire de Chine, à :

a) reconnaître et maintenir la liberté de navigation et de survol garantie par le droit international coutumier et la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer;

b) cesser toutes les activités qui pourraient compliquer ou aggraver les différends, notamment la construction d'îles artificielles, l'extension du territoire terrestre en mer et l'accroissement de la militarisation de la région;

c) respecter tous les efforts multilatéraux antérieurs visant à régler les différends et s'engager à mettre en œuvre un code de conduite contraignant dans la mer de Chine méridionale;

d) s'engager à trouver une solution pacifique et diplomatique aux différends qui est conforme aux dispositions de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer et respecter les ententes de règlement conclues par la voie de l'arbitrage international;

e) renforcer les efforts visant à réduire considérablement les impacts environnementaux des différends sur le fragile écosystème de la mer de Chine méridionale;

Que, de plus, le Sénat exhorte le gouvernement du Canada à appuyer ses partenaires et ses alliés régionaux et à prendre les mesures additionnelles qui s'imposent pour désamorcer les tensions et rétablir la paix et la stabilité dans la région;

Qu'un message soit transmis à la Chambre des communes pour l'en informer.


(1350)

[Traduction]

PÉRIODE DES QUESTIONS

La réforme démocratique

La composition du Comité parlementaire sur la réforme électorale

L'honorable Yonah Martin (leader suppléante de l'opposition) : Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat.

Monsieur le leader, hier, lors d'une conférence de presse annonçant la création d'un comité parlementaire multipartite sur la réforme électorale, la ministre des Institutions démocratiques et le leader du gouvernement à l'autre endroit ont exprimé des points de vue différents quant à la volonté du gouvernement libéral de tenir un référendum à ce sujet. Le leader du gouvernement au Sénat pourrait-il donner aux sénateurs une réponse claire au nom du gouvernement? Le gouvernement libéral tiendra-t-il un référendum afin que tous les Canadiens puissent se prononcer sur les changements proposés au mode de scrutin, l'élément le plus fondamental de toute démocratie? Oui ou non?

L'honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Avant de répondre à la question de la leader suppléante de l'opposition, je tiens à souligner la visite de ses invités. J'aimerais qu'ils soient ici avec nous pour pouvoir leur exprimer toute l'estime que nous avons pour l'honorable sénatrice.

Cette observation ne m'exempte évidemment pas de répondre à la question de la sénatrice, même si je le souhaiterais.

Je puis assurer à l'honorable sénatrice que le gouvernement a à cœur de mener une consultation aussi vaste que possible. La création du comité spécial sert cet objectif. Le gouvernement est résolu à donner aux Canadiens la chance d'être entendus pendant ce processus.

Pour ce qui est de la question précise qui m'a été posée, je chercherai à obtenir une réponse exacte. À ma connaissance, aucun ministre n'a encore indiqué si le gouvernement avait l'intention de tenir un référendum. Le processus a été lancé; nous suivrons son évolution.

La sénatrice Martin : Je remercie le leader de ses gentilles remarques, mais cela ne change en rien mes graves préoccupations au sujet du processus qui est amorcé. En fait, le leader s'est engagé hier auprès du sénateur Carignan et du sénateur Mercer à porter à l'attention du gouvernement leurs préoccupations concernant l'exclusion des sénateurs du comité parlementaire multipartite.

De nombreux sénateurs partagent ces préoccupations. J'aimerais savoir si le leader a communiqué ces préoccupations au cours des 24 dernières heures. Le cas échéant, quelle a été la réponse?

Le sénateur Harder : J'ai en effet communiqué les préoccupations soulevées par les sénateurs au cours de la période des questions.

Quant à la réponse, je puis simplement affirmer que j'ai exprimé les points de vue des sénateurs. Je n'ai pas cherché à obtenir une réponse particulière et je peux garantir à la sénatrice que ce ne sera pas la seule occasion où je communiquerai les préoccupations soulevées au Sénat. Je le ferai chaque fois qu'il le faudra.

La sécurité publique

Le Programme des gendarmes auxiliaires

L'honorable Daniel Lang : Chers collègues, j'aimerais soulever une autre question auprès du leader du gouvernement. C'est une question que j'ai soulevée à plusieurs reprises, et je tiens à attirer l'attention de tous les députés à cet égard.

J'estime qu'il est important que les sénateurs de l'Île-du-Prince- Édouard, de la Nouvelle-Écosse, du Nouveau-Brunswick et d'autres provinces, à l'exception du Québec et de l'Ontario, comprennent que leur Programme des gendarmes auxiliaires fait l'objet d'un examen en ce qui concerne les responsabilités et les pouvoirs. Cela devrait constituer une préoccupation pour toutes les provinces au Canada. Il ne s'agit pas seulement d'une préoccupation du Yukon, et je tiens à le signaler à tous. Les députés souhaiteront peut-être en discuter avec les habitants de leur circonscription lorsqu'ils retourneront chez eux dans une semaine.

J'ai en effet une question et elle a trait à la réponse présentée au Sénat quant aux intentions du gouvernement et des responsables du Programme des gendarmes auxiliaires de la GRC. Dans la version française, on peut lire qu'on entreprendra, à la suite de consultations auprès des partenaires provinciaux et territoriaux, de mettre à jour la politique nationale et les normes de formation du Programme des gendarmes auxiliaires, mais, dans la version anglaise de la réponse, on mentionne que des consultations sont déjà en cours quant aux changements proposés qui ont déjà été apportés au programme.

Ce sont deux réponses totalement différentes. Je me demande si le leader du gouvernement donnerait des précisions au Sénat au sujet de ce qui a été déposé.

L'honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie l'honorable sénateur de l'intérêt qu'il continue de porter à ce dossier et je peux signaler que le gouvernement procède à des consultations afin d'assurer la protection des bénévoles et de répondre aux besoins de la collectivité et qu'il examinera ensuite les politiques et rectifiera le tir s'il y a lieu.

Le sénateur Lang : Chers collègues, il s'agit d'une question cruciale, et je sais que le leader du gouvernement partage mon opinion en ce qui a trait au programme et à son importance. Aux fins du débat public sur l'avenir du programme, cependant, le leader du gouvernement demanderait-il au gouvernement de présenter au Sénat tous les changements dont il a l'intention de discuter avec les provinces et, si les pourparlers aboutissent à des conclusions, les réponses obtenues des provinces afin que nous comprenions bien ce qui se passe?

Le sénateur Harder : Je m'y engage envers les honorables sénateurs.

La réforme démocratique

La réforme électorale

L'honorable Linda Frum (leader adjointe suppléante de l'opposition) : Ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat.

La conception de notre système électoral est fondamentale pour notre démocratie. Vous conviendrez certainement, monsieur le leader, qu'il faut obtenir un mandat légitime pour apporter à un système une modification qui change radicalement les règles de notre démocratie.

Or, le gouvernement de M. Trudeau a faussé le jeu en donnant à un comité dominé par les libéraux le pouvoir d'apporter unilatéralement des modifications partisanes au système électoral du Canada. C'est une grave atteinte à notre démocratie et c'est scandaleux.

Ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. Le premier ministre qu'il sert croit-il vraiment que le gouvernement libéral a le droit d'altérer le système électoral traditionnel du pays sans consulter le peuple canadien par référendum? Pense-t-il que le Parti libéral peut modifier à sa guise la Loi électorale du Canada, afin de perpétuer son propre règne?

Des voix : Bravo!

L'honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question, honorable sénatrice.

Je rappelle simplement aux sénateurs que cette question était un enjeu de la dernière campagne électorale et que le premier ministre a clairement exprimé sa position à ce moment-là. En mettant sur pied un comité spécial, le gouvernement fait en sorte que la période de consultation se déroule selon un processus parlementaire approprié. Le gouvernement a fait savoir de façon extrêmement transparente qu'il ferait appel à de multiples intervenants dans ce dossier important.

La sénatrice Frum : S'il est vrai que le premier ministre a clairement exprimé sa position sur la réforme électorale, pouvez- vous nous dire exactement quels sont ses plans actuels à cet égard?

(1400)

Le sénateur Harder : Honorables sénateurs, je pense pouvoir dire sans me tromper que le premier ministre a fait bien attention de ne pas dire quelle réforme en particulier il appuierait. Il a exprimé son désir de veiller à ce que les prochaines élections ne soient pas tenues selon le système uninominal majoritaire à un tour. Comme il a été élu, il respecte son engagement au moyen du processus que je viens de décrire.

L'emploi, le développement de la main-d'œuvre et le travail

Les travailleurs blessés ou tués en milieu de travail

L'honorable Percy Mockler : Votre Honneur, il n'y a jamais de bon moment pour poser cette question. Même si les gens de Terre- Neuve arrivent toujours une demi-heure plus tard, je tenais à vous souhaiter bon anniversaire.

Honorables sénateurs, en 1991, huit ans après le lancement de la Journée de commémoration par le Congrès du travail du Canada, le Parlement du Canada a adopté la Loi sur le jour de compassion pour les travailleurs, faisant du 28 avril le Jour de deuil national.

Aujourd'hui, le Jour de deuil est souligné dans quelque 100 pays du monde et connu à titre de Jour de compassion pour les travailleurs et de Journée internationale des travailleurs. Chaque année, le 28 avril, nous observons un Jour de deuil national à la mémoire des personnes blessées ou tuées lors d'une tragédie en milieu de travail. Bien qu'il soit important d'honorer leur mémoire, il est tout aussi important d'améliorer la santé et la sécurité au travail afin de prévenir d'autres blessures, maladies ou décès.

Ma question au leader du gouvernement au Sénat est la suivante : quel est le plan du gouvernement, maintenant que le Jour de deuil national est passé, pour veiller à ce que les travailleurs rentrent en toute sécurité à la maison à la fin de la journée?

L'honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : J'aimerais remercier l'honorable sénateur de poser cette question. Avant de lui répondre, même si c'est avec une demi-heure de retard, j'aimerais aussi transmettre mes meilleurs vœux d'anniversaire à Son Honneur. D'après ce que je comprends, au Sénat, les anniversaires sont particulièrement importants.

J'aimerais répondre avec précision à la question de l'honorable sénateur. S'il le veut bien, je vais la prendre en note.

La justice

L'usage de la marijuana à des fins récréatives

L'honorable Lynn Beyak : Honorable sénateur Harder, cette semaine, les Canadiens ont entendu la première ministre de l'Ontario dire que le gouvernement fédéral doit clarifier la loi en ce qui concerne la consommation de marijuana à des fins récréatives. Personnellement, je n'ai jamais compris qu'on utilise le mot « récréatif » en parlant de la consommation de n'importe quelle drogue, mais ça, c'est un autre débat.

La première ministre a parlé de complications concernant les boutiques qui vendent du pot et a dit que les provinces et les villes ne savent pas comment traiter ces boutiques en l'absence de directives d'Ottawa. Nous avons déjà entendu ces commentaires de corps policiers, de villes et de provinces au sujet des messages contradictoires qu'ils reçoivent du gouvernement fédéral.

Pourriez-vous me dire si la ministre a eu des nouvelles à ce sujet? A-t-elle été informée des conséquences qu’entraînent ces activités illégales pour ceux qui en profitent et voudrait-elle s'engager à clarifier la situation dès que possible?

L'honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie l'honorable sénatrice de poser cette question et, comme elle le demande, je vais me renseigner et lui revenir avec cette information.

La réforme démocratique

La réforme électorale

L'honorable Nancy Ruth : Sénateur Harder, je suis enthousiaste à l'idée d'un autre système que le système uninominal majoritaire à un tour, mais j'aimerais vous demander de dire, tant au Bureau du Conseil privé qu'au cabinet du premier ministre, que, à moins que le nouveau système, quel qu'il soit, offre les mêmes avantages indépendamment du sexe et de la race, il est inutile de changer de système.

L'honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question, honorable sénatrice. Je m'engage à transmettre le message.

Le Conseil privé

La participation de représentants du gouvernement à la marche pour le droit à la vie

L'honorable Tobias C. Enverga, Jr. : J'ai une question à poser au leader mais, avant tout, joyeux anniversaire, Votre Honneur!

Monsieur le leader, la vie constitue le droit le plus fondamental de tous les Canadiens. À l'heure où l'on se parle, des milliers et des milliers d'entre eux participent à une marche pour la vie. C'est avec beaucoup de fierté que je me suis joint à mes collègues, les sénateurs Unger et Doyle, à l'extérieur.

Voici ma question : pourquoi n'y a-t-il personne du gouvernement qui prenne part à cette marche pour la vie?

L'honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie l'honorable sénateur de sa question, mais je ne suis pas en position de dire si des représentants du gouvernement ont pris part ou non à l'activité qui se tient sur la pelouse. J'ai bien entendu les participants, bien sûr, mais je ne peux pas vous en dire plus pour le moment.

Les affaires étrangères

L'Éthiopie

L'honorable Don Meredith : Je vous remercie, Votre Honneur, et joyeux anniversaire à vous.

La question que j'aimerais poser au représentant du gouvernement au Sénat porte sur l'Éthiopie. L'aide étrangère du Canada se concentre beaucoup sur la Syrie, le virus Zika et le Moyen-Orient. Or, même si l'Éthiopie est actuellement frappée par la sécheresse, la communauté internationale semble n'en faire à peu près aucun cas, monsieur le représentant. J'aimerais savoir ce qu'a fait le gouvernement du Canada pour aider le gouvernement éthiopien à traverser cette crise qui a coûté la vie à de nombreux Éthiopiens.

L'honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie l'honorable sénateur de sa question. L'Éthiopie semble faire partie des pays enfermés dans un cycle de turbulences qui se répète constamment. Je chercherai avec plaisir à savoir en quoi a consisté la plus récente contribution du gouvernement, mais la situation est grave et elle se répète continuellement; nous devrons donc — tant le Canada que la communauté internationale — revoir nos méthodes d'intervention et privilégier des moyens plus holistiques et mieux adaptés.


ORDRE DU JOUR

Le Sénat

Adoption de la motion concernant la période des questions de la séance du 17 mai 2016

L'honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat), conformément au préavis donné le 11 mai 2016, propose :

Que, pour permettre au Sénat de recevoir un ministre de la Couronne au cours de la période des questions tel qu'autorisé par le Sénat le 10 décembre 2015, et nonobstant ce que prévoit l'article 4-7 du Règlement, lorsque le Sénat siégera le mardi 17 mai 2016, la période des questions commence à 15 h 30, toutes les délibérations alors en cours au Sénat étant interrompues jusqu'à la fin de la période des questions, qui sera d'une durée maximale de 40 minutes;

Que, si un vote par appel nominal coïncide avec la période des questions tenue à 15 h 30 ce jour-là, ce vote soit reporté et ait lieu immédiatement après la période des questions;

Que, si la sonnerie d'appel pour un vote retentit à 15 h 30 ce jour-là, elle cesse de se faire entendre pendant la période des questions et qu'elle retentisse de nouveau à la fin de la période des questions pour le temps restant;

Que, si le Sénat termine ses travaux avant 15 h 30 ce jour-là, la séance soit suspendue jusqu'à 15 h 30, heure de la période des questions.

— Honorables sénateurs, il s'agit de la motion habituelle en ce qui concerne la période des questions; je n'ai rien d'autre à ajouter.

L'honorable Joan Fraser (leader adjointe des libéraux au Sénat) : Le sénateur Harder accepterait-il de répondre à une question?

Le sénateur Harder : Tout à fait.

La sénatrice Fraser : Avons-nous une idée de la personne que nous recevrons mardi?

Le sénateur Harder : Oui, absolument. Pendant la période des questions, hier, j'ai dit que ce sera la ministre d'État de la Petite Entreprise, et ce devrait bel et bien être elle.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée.)

Le Budget des dépenses de 2016-2017

Autorisation au Comité des finances nationales d'étudier le Budget supplémentaire des dépenses (A)

L'honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat), conformément au préavis donné le 11 mai 2016, propose :

Que le Comité sénatorial permanent des finances nationales soit autorisé à étudier, afin d'en faire rapport, les dépenses projetées dans le Budget supplémentaire des dépenses (A) pour l'exercice se terminant le 31 mars 2017;

Que, aux fins de cette étude, le comité soit autorisé à siéger même si le Sénat siège à ce moment-là, l'application de l'article 12-18(1) du Règlement étant suspendue à cet égard;

Que le comité soit autorisé, nonobstant les pratiques habituelles, à déposer auprès du greffier du Sénat son rapport à tout moment où le Sénat ne siégera pas, et que ledit rapport soit réputé avoir été déposé au Sénat.

— Encore une fois, honorables sénateurs, il s'agit de la motion habituelle concernant le dépôt du budget des dépenses. Je recommande au Sénat de l'adopter afin que le comité permanent puisse faire son travail.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée.)

(1410)

Le Code criminel

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénatrice Dyck, appuyée par l'honorable sénateur Eggleton, C.P., tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-215, Loi modifiant le Code criminel (peine pour les infractions violentes contre les femmes autochtones).

L'honorable Scott Tannas : Honorables sénateurs, j'interviens aujourd'hui pour appuyer le projet de loi S-215, Loi modifiant le Code criminel (peine pour les infractions violentes contre les femmes autochtones). Je remercie la sénatrice Dyck d'avoir présenté cette mesure législative et je la félicite du sérieux, de l'éloquence et de la fougue avec lesquels elle a défendu cette cause.

J'étais présent dans cette enceinte lorsqu'elle a fait son exposé sur le projet de loi S-215 et je suis l'une des nombreuses personnes qui ont été profondément émues par ses propos. Elle a parlé de femmes qui ont vraiment été ciblées simplement parce qu'elles étaient Autochtones et vulnérables.

Dans son exposé, la sénatrice Dyck a avancé deux arguments convaincants et très logiques, selon moi, pour justifier l'adoption de cette mesure législative. Premièrement, elle a cité des statistiques tirées d'un rapport de la GRC, que plusieurs d'entre nous connaissent, et qui illustrent clairement que les femmes autochtones sont particulièrement vulnérables. Elle a également ajouté que de nombreuses lois protègent déjà certains groupes de personnes au même titre que le projet de loi S-215 vise à le faire.

Par exemple, le sénateur Runciman a récemment saisi le Sénat d'une mesure visant à protéger les chauffeurs de taxi et d'autobus et d'autres personnes au service du public, et à établir comme circonstance aggravante le fait d'agresser ces personnes.

La sénatrice Dyck a fait mention de l'indifférence de la société. Cette observation me touche particulièrement. J'estime que la société canadienne doit être plus proactive à l'égard de la protection de ses citoyens vulnérables.

Ce projet de loi est une mesure modeste, mais positive que nous pouvons maintenant prendre pour nous dire, à nous-mêmes et aux autres, que cette épidémie de violence à l'égard des femmes autochtones est inadmissible, point. Elle est inexcusable.

Cela m'amène à un sujet délicat dont, selon moi, nous devons discuter dans le cadre de nos délibérations sur le présent projet de loi. C'est de cette façon que nous voulons que le projet de loi — ce qui est ici proposé — soit appliqué et nous désirons qu'il le soit conformément aux principes énoncés dans l'arrêt Gladue.

Permettez-moi d'abord de vous dire ce que le projet de loi de la sénatrice Dyck cherche à accomplir. Dans son allocution, la sénatrice a affirmé que :

Le projet de loi S-215 modifie le Code criminel afin d'exiger que le tribunal, lorsqu'il détermine la peine dans des cas d'agression ou de meurtre, considère comme circonstance aggravante le fait que la victime soit une femme autochtone.

Je suis désolé que le sénateur Baker ne soit pas ici aujourd'hui, car il nous a souvent rappelé, en différentes circonstances et situations, le principe énoncé dans l'arrêt Gladue, lequel dispose que :

En déterminant la peine à infliger à un délinquant autochtone, le juge doit examiner : a) les facteurs systémiques ou historiques distinctifs qui peuvent être une des raisons pour lesquelles le délinquant autochtone se retrouve devant les tribunaux; b) les types de procédures de détermination de la peine et de sanctions qui, dans les circonstances, peuvent être appropriées à l'égard du délinquant en raison de son héritage [...] autochtone[...]

Il exige aussi du juge au procès qu'il obtienne des renseignements concernant l'accusé et qu'il :

[...] pren[ne] connaissance d'office des facteurs systémiques et historiques généraux touchant les Autochtones, et de la priorité donnée dans les cultures autochtones à une approche corrective de la détermination de la peine.

Autrement dit, nous avons devant nous un projet de loi qui propose que les juges considèrent la violence à l'égard des femmes autochtones comme une circonstance aggravante. En revanche, nous avons un principe clair qui énonce qu'il faut tenir compte de circonstances atténuantes lorsqu'on étudie le dossier de délinquants autochtones et qu'on détermine leur peine.

Ces priorités pourraient nettement entrer en conflit, d'autant plus que la vaste majorité des auteurs de crimes violents contre les femmes autochtones sont des hommes autochtones. Nous devons bien y penser.

Je suis d'accord avec la sénatrice Dyck lorsqu'elle dit, dans son discours, qu'elle ne souhaite pas que le principe Gladue soit abandonné au profit de ce qu'elle propose. Je suis tout à fait d'accord. Les deux doivent entrer en ligne de compte.

Je crois qu'il nous revient de le signaler dans le cadre de notre étude de ce projet de loi. Je crois, tout comme vous, je l'espère, qu'il ne faut surtout pas s'imaginer que ce devrait être le contraire, c'est- à-dire qu'on abandonnerait les dispositions de ce projet de loi au profit du principe Gladue.

J'ai l'intention, lorsque le comité entreprendra son étude du projet de loi, de faire des observations allant dans le sens de ce que le sénateur Baker nous dit toujours, à savoir que les tribunaux examinent attentivement nos intentions et lisent nos débats lorsqu'ils veulent comprendre l'esprit des lois que nous adoptons.

En collaboration avec les autres membres du comité et avec la sénatrice Dyck elle-même, j'ai l'intention de rédiger des observations qui illustreront bien cette volonté que nous avons de bien maintenir cet équilibre. En fin de compte, la violence contre les femmes autochtones doit cesser. Il n'est plus question de chercher des excuses.

(1420)

Je termine par quelques observations personnelles. Comme vous êtes nombreux à le savoir, je suis originaire d'une petite ville des Prairies, dans les contreforts des Rocheuses. J'ai été témoin de violences contre des femmes autochtones dans les rues, j'ai vue bien de l'indifférence et j'en ai été moi-même coupable.

Le projet de loi à l'étude est important. Je le répète, nous devons agir dès maintenant. L'enquête sur les femmes autochtones disparues ou assassinées n'a que beaucoup trop tardé, et je félicite le gouvernement d'être allé de l'avant avec cette initiative.

Je tiens aussi à dire quelques mots de Georgina Papin, qui était une travailleuse du sexe à Vancouver et qui a été tuée par ce monstre de Willie Pickton. Georgina a été l'une de ses nombreuses victimes.

Je connaissais Georgina. Elle a grandi dans ma petite ville. Son histoire, je peux vous le dire, a été un drame constant depuis son enfance jusqu'à sa mort. Elle a été très vulnérable durant toute sa vie.

On place beaucoup d'espoir dans cette enquête prochaine, et j'espère pour ma part que nous pourrons trouver les réponses que nous cherchons. Je crois qu'il faut pour cela de la sincérité et une recherche inlassable de la vérité.

Entre-temps, nous pouvons faire un pas, et c'est pourquoi je recommande que nous adoptions le projet de loi pour le renvoyer à un comité. Merci.

Des voix : Bravo!

L'honorable Lillian Eva Dyck : L'honorable sénateur accepterait-il de répondre à une question?

Le sénateur Tannas : Oui.

Le sénateur Dyck : Je vous félicite de votre intervention. Vous avez su aller droit au cœur des choses.

Lorsque j'ai parlé de ce projet de loi à divers endroits, en Saskatchewan, on m'a chaque fois demandé : « Et les hommes autochtones, dans tout cela? » C'est là une considération importante, et je suis heureuse que vous l'ayez abordée dans votre discours.

Selon vous, est-ce l'une des questions que le comité devrait étudier en profondeur, afin d'avoir une compréhension plus juste de l'incidence du projet de loi?

Le sénateur Tannas : Je pense que ce serait utile, en particulier pour nous assurer de fournir les informations nécessaires afin que les juges, les procureurs et les avocats de la défense puissent vraiment comprendre ce que nous voulons faire.

(Sur la motion de la sénatrice Lovelace Nicholas, le débat est ajourné.)

La Loi réglementant certaines drogues et autres substances

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur White, appuyée par l'honorable sénateur Ogilvie, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-225, Loi modifiant la Loi réglementant certaines drogues et autres substances (substances utilisées dans la production de fentanyl).

L'honorable Wilfred P. Moore : Merci, Votre Honneur. Joyeux anniversaire, monsieur.

Honorables sénateurs, j'interviens aujourd'hui, en tant que porte- parole, au sujet du projet de loi S-225, Loi modifiant la Loi réglementant certaines drogues et autres substances (substances utilisées dans la production de fentanyl).

Le sénateur White, qui a été commissaire adjoint de la GRC et qui a dirigé le service de police d'Ottawa, a de l'expérience et des connaissances dans le domaine du commerce de la drogue au Canada, et le projet de loi est le résultat de son intérêt éclairé. Comme le sénateur l'a mentionné, nous sommes aux prises avec une crise de la drogue, au Canada, qui est centrée sur les opioïdes, et plus précisément sur le fentanyl.

Le fentanyl est un opioïde synthétique qui a été créé dans les années 1960. Il est utilisé comme anesthésique et analgésique. Les médecins l'utilisent couramment en raison de ses effets rapides et de courte durée. Le fentanyl est hautement toxicomanogène; il est 100 fois plus puissant que la morphine et 50 fois plus puissant que l'héroïne. C'est ce niveau de puissance qui rend le fentanyl si dangereux lorsqu'il est utilisé à des fins récréatives.

Quelques milligrammes suffisent à tuer un être humain. L'équivalent de deux grains de sel peut être fatal, même pour les consommateurs d'opiacés qui ont une forte tolérance. On raconte que bien des cas de mort par surdose de fentanyl se sont produits parce que le consommateur pensait qu'il s'agissait d'héroïne ou d'oxycodone alors que c'était du fentanyl.

Selon le Centre canadien de lutte contre les toxicomanies, il y a eu au Canada, entre 2009 et 2014, 665 décès dont le fentanyl a été la cause principale ou secondaire. L'Alberta et la Colombie- Britannique ont été le plus durement frappées, mais il semble que la drogue gagne vers l'est, puisque l'Ontario observe une hausse des décès liés au fentanyl. La ministre associée de la Santé de l'Alberta, Brandy Payne, déclare que 274 personnes sont mortes de surdoses de fentanyl en 2015, et 69 autres au cours des trois premiers mois de 2016.

Le fentanyl illégal arrive au Canada sous la forme de pilules ou d'ingrédients appelés « précurseurs » en provenance surtout de Chine. D'après la police, les pilules sont vendues dans les rues par des gangs, avec un profit énorme, ou les précurseurs sont utilisés pour produire les pilules au Canada. Comme je l'ai déjà dit, il n'est pas évident pour le consommateur qu'il prend le produit puissant qu'est le fentanyl, ce qui est l'une des grandes causes de la hausse du taux de décès par surdose et une raison de plus pour bannir cette drogue du marché illégal au plus vite.

La question est cependant plus complexe qu'il n'y paraît au premier abord.

La crise des opioïdes au Canada trouve son origine chez nous, selon bien des experts. Depuis une dizaine d'années, les ordonnances d'opioïdes ont triplé au Canada. Beaucoup de Canadiens qui achètent du fentanyl à l'étranger ou à des laboratoires au Canada ont d'abord connu les opioïdes par le système médical. Le système de santé au Canada, comme aux États-Unis du reste, a prescrit les opiacés d'une façon qu'on ne peut qualifier que d'irresponsable, ce qui nous a menés à la situation terrible que le sénateur White tente corriger en partie au moyen du projet de loi S-225.

Le Dr David Juurlink, médecin au Sunnybrook Health Sciences Centre de Toronto, reprend la même opinion en disant : « Les médecins ont leur part de responsabilité. Il faut y penser à deux fois avant de prescrire ce truc. » Le médecin ajoute que l'excès d'ordonnances d'opiacés est un problème également lié aux pharmaceutiques. Il n'est pas le seul à le croire.

Aux États-Unis, l'administration Obama a mis en place une formation obligatoire pour la prescription d'opiacés, et 11 États sont allés jusqu'à implanter leur propre programme de formation obligatoire. Le gouvernement fédéral des États-Unis a également adopté de nouvelles normes nationales pour la prescription d'analgésiques. En mars dernier, le Globe and Mail disait que les Centers for Disease Control and Prevention des États-Unis exhortaient les médecins à adopter des approches non médicamenteuses du traitement de la douleur chronique et à ne prescrire les opioïdes que parcimonieusement en ne donnant aux patients que de faibles doses au départ et des quantités suffisantes pour quelques jours seulement.

Le Canada n'a pas révisé ses lignes directrices sur les ordonnances d'opiacés depuis 2010. Un examen est en cours dont les résultats sont attendus en janvier prochain. Bien des gens jugent ce retard inadmissible, compte tenu d'un problème de consommation largement admis et en croissance constante, ce qui a poussé certaines provinces à agir elles-mêmes.

Le Globe and Mail signale que les collèges des médecins de la Colombie-Britannique, de la Nouvelle-Écosse, du Nouveau- Brunswick et de Terre-Neuve-et-Labrador n'ont pas attendu les résultats de l'étude canadienne pour prendre des mesures afin de freiner la prescription excessive d'opiacés. Ces provinces se conforment aux lignes directrices des Centers for Disease Control and Prevention des États-Unis, parce qu'il n'existe rien au niveau fédéral chez nous et à cause de l'actuelle crise du fentanyl au Canada. Pour situer la question, disons que les lignes directrices canadiennes sur la prescription d'opioïdes fixent la dose quotidienne maximale à 200 milligrammes. Les Centers for Disease Control and Prevention recommandent que les médecins songent sérieusement à ne pas prescrire plus de 50 milligrammes par jour et à éviter les doses supérieures à 90 milligrammes par jour.

(1430)

Tout cela pour dire que, au niveau fédéral, le Canada tire de l'arrière tandis que les cas d'accoutumance au fentanyl et les cas de surdose de ce produit augmentent.

Le Dr Evan Wood, professeur de médecine à l'Université de la Colombie-Britannique, a écrit ce qui suit dans The Lancet :

Les médecins ont contribué à créer ce problème, mais ils ne peuvent pas le résoudre seuls, car même si le nombre d'ordonnances d'opioïdes était radicalement abaissé, les groupes du crime organisé s'adonnent déjà à la production de pilules d'opioïdes de contrefaçon.

Voilà qui nous amène à l'essence même du projet de loi S-225, par lequel le sénateur White veut aider à combattre l'actuelle crise du fentanyl au Canada. Comme il nous l'a dit, le fentanyl arrive sur le marché des drogues illicites au Canada de deux façons : le détournement de timbres de fentanyl prescrits par ordonnance ou l'entrée en contrebande, depuis l'étranger, de fentanyl ou de ses précurseurs.

Ce sont ces précurseurs que le projet de loi S-225 vise à faire inscrire dans la liste de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances afin de stopper la fabrication de fentanyl au Canada. Comme le sénateur White l'a dit : « Le problème, de nos jours, avec les précurseurs, c'est que, même s'il est illégal de vendre du fentanyl, il n'y a rien d'illégal à vendre les précurseurs qui servent à le fabriquer. »

Je vais citer les noms de ces précurseurs. Leur seul nom est sinistre : chlorure de propionyle; phénéthyl-1 pipéridone-4; aniline; pipéridone-4. Ce sont les produits chimiques bizarres qui tuent nos jeunes. En les inscrivant sur la liste, nous permettrons aux forces de l'ordre de dépister ceux qui produisent illégalement du fentanyl et de savoir d'où viennent ces produits. Si nous rendons les précurseurs illégaux, les forces de l'ordre pourront interrompre leur livraison aux laboratoires illégaux.

Tant que le projet de loi ne sera pas adopté, les efforts de la police se limiteront à des avertissements publics et à des programmes de sensibilisation. Le projet de loi S-225 donnerait beaucoup plus d'ampleur aux efforts visant à maîtriser la situation.

Le nombre de surdoses mortelles de fentanyl dans tout notre pays montre bien qu'il y a là une crise de santé publique. J'estime que cette crise exige une réaction rapide. Jusqu'à maintenant, cette réaction n'a pas eu lieu au Canada. Nous devrions en faire beaucoup plus pour résoudre ce problème. À mon avis, l'adoption du projet de loi S-225 du sénateur White donnerait un moyen précieux d'empêcher cette drogue de tuer encore d'autres Canadiens.

Chers collègues, comme porte-parole chargé de ce projet de loi, je peux dire que je ne crois pas qu'un autre membre de mon caucus souhaite parler du projet de loi.

L'honorable Jane Cordy : Merci. Accepteriez-vous de répondre à une question?

Le sénateur Moore : Certainement.

La sénatrice Cordy : Merci. Soit dit en passant, c'était un excellent discours.

D'abord, le grand public croit que la toxicomanie a tendance à se limiter aux drogues illicites, et nous savons que ce n'est pas le cas. Bien des gens ont une dépendance à des médicaments d'ordonnance et les Canadiens sont, par habitant, au deuxième rang des plus grands consommateurs d'opioïdes, derrière les Américains. Qu'on soit en première ou deuxième place, il n'y a pas de quoi être fier.

Le Comité des affaires sociales, lorsqu'il a étudié les médicaments d'ordonnance, a entendu parler d'un médicament générique, l'OxyContin, qui allait devenir disponible. Je me souviens d'avoir demandé à la sénatrice LeBreton, qui était alors leader du gouvernement au Sénat, pourquoi le gouvernement ne retardait pas l'autorisation de produire ce médicament. Sa réponse? « Nous allons nous en remettre aux provinces. » Or, le gouvernement fédéral est l'un des plus importants fournisseurs de soins de santé, notamment auprès des Autochtones.

Des Autochtones ont comparu devant le comité à titre de témoins et ils ont demandé au gouvernement fédéral de bien vouloir au moins retarder la légalisation de l'OxyContin générique.

Devrions-nous nous inquiéter du nombre de Canadiens qui deviennent dépendants de médicaments sur ordonnance comme le fentanyl et les opioïdes? Vous nous avez donné une description de médicaments auxquels on donne d'autres noms afin que les gens ne sachent pas que le médicament qu'ils ont choisi présente un risque extrêmement élevé de dépendance.

Le sénateur Moore : Je vais essayer de répondre à votre question, dont je vous remercie, madame la sénatrice.

Ces deux dernières années, dans le cadre du Groupe interparlementaire Canada-États-Unis, j'ai assisté à des réunions des gouverneurs aux États-Unis, tant leurs réunions annuelles que leurs réunions d'hiver à Washington. Chaque fois, le premier point à l'ordre du jour était la crise des opioïdes aux États-Unis. Les surdoses de médicaments sur ordonnance font plus de morts que les accidents de voiture. Selon des rapports récents, le chiffre des décès causés par surdose de médicaments sur ordonnance au Canada n'est pas loin.

Aux États-Unis, Purdue Pharma, fabricant d'OxyContin, a modifié sa recette pour éviter que les toxicomanes ne puissent se l'injecter ou le faire fondre.

Nous n'avons rien fait de tel au Canada. Le fabricant a produit un nouveau médicament qui s'appelle maintenant « oxycodone ». Rien de semblable au Canada, et j'ignore pourquoi. C'est un dossier dans lequel nos deux pays devraient agir de concert pour réglementer certains médicaments sur ordonnance, leur fabrication, leur disponibilité et leur prescription.

Au-delà de cela, madame la sénatrice, la situation est extrêmement grave. Nous pouvons faire quelque chose. C'est atroce. Les jeunes ne savent pas à quel point le fendatyl est mauvais. Ceux qui utilisent des précurseurs pour le produire ne savent pas si ce qu'ils obtiennent est fort ou non. Les trafiquants essayent de diluer le produit. Je ne pense pas qu'ils sachent comment s'y prendre ni quel effet le produit aura sur les consommateurs. Les jeunes ne le savent pas. Ils le prennent lorsqu'ils le peuvent et ils deviennent dépendants. C'est pire que la dépendance. Ce n'est pas un produit qui provoque la dépendance. Il provoque plutôt la mort. Nous devons faire quelque chose.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois.)

Renvoi au comité

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons- nous le projet de loi pour la troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Moore, le projet de loi est renvoyé au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles.)

(1440)

Les violations des droits de la personne en Iran

Interpellation—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur l'interpellation de l'honorable sénateur Frum, attirant l'attention du Sénat sur les atteintes flagrantes aux droits de la personne en Iran, en particulier l'utilisation de la torture et le traitement cruel et inhumain des prisonniers politiques incarcérés illégalement.

L'honorable Dennis Glen Patterson : Honorables sénateurs, hier, je parlais du triste sort du défenseur des droits de la personne Arash Sadeghi et de son épouse, Golrokh Irayee, ainsi que de leur malheureuse comparution devant celui qu'on appelle le « juge de la mort », c'est-à-dire le juge Abolqasem Salavati.

Comme les autres prisonniers dont il a été question dans cette enceinte, en lien avec la présente interpellation, Arash et Golrokh n'ont pas eu droit à un procès équitable et n'ont pas eu accès à un avocat ni au cours de leur interrogatoire ni au cours de la procédure judiciaire. La plupart de leurs droits les plus fondamentaux ont été violés pendant qu'ils étaient détenus par les autorités iraniennes.

Le cauchemar d'Arash a commencé il y a sept ans, au cours de l'été 2009, lorsque les autorités iraniennes ont fait une violente rafle au domicile de ses parents et l'ont arrêté. Un mois plus tard, Arash, qui avait fait du bénévolat pour le candidat Mir Hossein Mousavi, à l'occasion de la campagne présidentielle de 2009, a été emmené dans la célèbre prison d'Evin et gardé en isolement pendant de longues périodes. Il a été soumis à des interrogatoires et brutalement torturé psychologiquement et physiquement.

Je voudrais dire un mot sur cette célèbre prison. Elle se trouve dans un secteur résidentiel et commercial de Téhéran. Conçue au départ pour accueillir 320 détenus, elle a été agrandie depuis la proclamation de la République islamique et peut contenir maintenant 15 000 détenus. Elle se trouve juste à côté d'un grand parc avec une maison de thé et un restaurant prestigieux et très fréquentés.

J'ai été étonné d'apprendre hier, dans cette enceinte, que le sénateur Munson s'était déjà rendu juste devant la prison, comme il nous l'a dit. Heureusement, il n'a pas essayé de prendre une photo pendant qu'il s'y trouvait parce qu'il est illégal de prendre des photos devant la prison et aux alentours. Le 23 juin 2003, la photojournaliste canadienne d'origine iranienne Zara Kazemi a été arrêtée pour avoir pris une photo devant la prison, puis elle est morte pendant sa détention d'un traumatisme à la tête causé par une arme contondante. Le gouvernement iranien a déclaré qu'elle avait eu un AVC pendant son interrogatoire, mais les médecins qui ont examiné son corps ont découvert des preuves qu'elle avait été violée et torturée et qu'elle avait subi une fracture du crâne.

Lorsqu'Arash se trouvait dans la prison d'Evin, les autorités iraniennes ont fait une violente rafle dans sa maison une fois de plus, provoquant une crise cardiaque chez sa mère, qui en est morte quelques jours plus tard à l'hôpital.

Honorables sénateurs, unissons-nous pour condamner le régime iranien à cause de ses déplorables violations des droits de la personne et du traitement qu'il réserve à ses citoyens.

Récemment, Arash et Golrokh ont été libérés de prison temporairement sur caution, mais ils risquent d'être arrêtés de nouveau à tout moment, car les autorités les ont déjà convoqués à la prison.

Comme membres du Sénat du Canada, unissons nos voix pour demander aux autorités iraniennes de libérer tous les prisonniers politiques, y compris Arash Sadeghi et Golrokh Irayee.

Merci.

L'honorable Wilfred P. Moore : Honorables sénateurs, je prends la parole pour vous informer de la situation désespérée de deux musiciens, Mehdi Rajabian et Yousef Emadi, et d'un cinéaste, Hossein Rajabian. Ces trois artistes iraniens risquent d'être jetés en prison à tout moment uniquement à cause de leur art. Les groupes de défense des droits de la personne nous préviennent que leur arrestation est imminente; les autorités iraniennes ont transmis leurs dossiers au Bureau de l'application des peines, à la prison d'Evin, à Téhéran. On peut voir tout cela sur le site web iranhr.net.

Les deux musiciens sont des amis qui ont exploité un site web de diffusion en continu de musique populaire, BargMusic. Malheureusement, les autorités iraniennes ont confisqué le site et l'ont fermé, éliminant tout le travail que ces deux jeunes artistes avaient consacré au site. De plus, Mehdi venait de terminer son premier album, et il allait le diffuser en ligne. Mais il n'en a jamais eu la chance, puisque le corps des Gardiens de la révolution islamique a confisqué toute sa musique. D'après des rapports sur les droits de l'homme, l'album racontait l'histoire de l'Iran au moyen de pièces instrumentales que Mehdi jouait sur son sitar. Hossein est le frère de Mehdi. Il venait de terminer la production d'un film intitulé The Upside Down Triangle portant sur le droit de la femme au divorce en Iran.

Les autorités iraniennes ont arrêté les trois hommes en octobre 2013 dans un studio médiatique qu'ils partageaient à Sari, dans la province de Mazandaran, dans le Nord de l'Iran. Ils ont d'abord été emprisonnés au centre de détention de Sari, où ils auraient eu les yeux bandés et auraient été torturés avec des pistolets à décharge électrique Taser. On a fini par les transférer à la prison d'Evin, à Téhéran, où ils ont été maintenus pendant plus de deux mois en isolement cellulaire, sous le plein contrôle des Gardes de la révolution. Pendant cette période d'isolement, Mehdi, Yousef et Hossein auraient subi des heures et des heures d'interrogation, et ils auraient été soumis à des tortures physiques et psychologiques.

Les prisonniers ont été libérés contre une caution de 67 000 $ US chacun. En mai 2015 un tribunal iranien a condamné chacun d'eux à six ans de prison et à une amende totalisant environ 6 600 $ US. Un tribunal d'appel a maintenu les amendes mais ramené pour chacun d'eux la peine à trois ans en prison et à trois ans d'emprisonnement dont l'exécution est suspendue. Ils sont donc toujours tous les trois condamnés à six ans de prison. Le tribunal a justifié la peine de prison par des inculpations bidon comme « insulte aux valeurs sacrées de l'Islam », « propagande contre le régime » et « gains financiers illicites au moyen d'activités audiovisuelles ».

Honorables sénateurs, je m'inquiète beaucoup des effets de la prison et des tortures sur la santé physique et psychologique de ces trois courageux artistes. Je suis consterné par le fait que, en 2016, de jeunes artistes soient persécutés et torturés simplement parce qu'ils ont eu le courage et la volonté d'exercer leur droit fondamental à la liberté de parole et d'expression.

Honorables sénateurs, Hossein Rajabian, pour protester contre les peines de prison illégales qui lui ont été infligées, ainsi qu'à son frère Mehdi et à leur ami Yousef, a placé sur YouTube, où on peut la voir, une version de qualité moyenne de son film The Upside Down Triangle. Je vous exhorte à prendre le temps de regarder le film pour bien voir à quel point il est facile de se faire arrêter et torturer en Iran pour délit d'expression artistique.

J'invite mes collègues à se joindre à moi, comme le sénateur Patterson l'a fait, pour demander aux autorités iraniennes d'annuler les peines de prison et les amendes qui ont été imposées à Mehdi et Hossein Rajabian et à Yousef Emadi.

(Sur la motion de la sénatrice Raine, le débat est ajourné.)

(1450)

[Français]

Le Sénat

Motion tendant à modifier le Règlement du Sénat afin que les rapports législatifs des comités sénatoriaux respectent une méthodologie transparente, intelligible et non partisane—Ajournement du débat

L'honorable Diane Bellemare (coordonnatrice législative du gouvernement au Sénat), conformément au préavis donné le 3 mai 2016, propose :

Que le Règlement du Sénat soit modifié, afin que les rapports législatifs des comités du Sénat respectent une méthodologie transparente, intelligible et non partisane, par substitution de l'article 12-23(1) par ce qui suit :

« Obligation de faire rapport d'un projet de loi

12-23. (1) Le comité saisi d'un projet de loi doit en faire rapport au Sénat; ce rapport fait état de tout amendement recommandé par le comité et doit inclure en annexe les observations de celui-ci sur les sujets suivants :

a) la conformité, de manière générale, du projet de loi à la Constitution du Canada, notamment :

(i) la Charte canadienne des droits et libertés;

(ii) le partage des compétences législatives entre le Parlement et les législatures provinciales et territoriales;

b) la conformité du projet de loi aux traités et accords internationaux signés ou ratifiés par le Canada;

c) le fait que le projet de loi porte ou non atteinte indûment aux minorités ou aux groupes défavorisés sur le plan économique;

d) le fait que le projet de loi a des impacts sur des provinces ou territoires;

e) le fait que les consultations appropriées ont été tenues;

f) toutes erreurs manifestes de rédaction;

g) les amendements au projet de loi présentés au comité qui n'ont pas été adoptés par celui-ci, de même que le texte de ces amendements;

h) toute autre question qui, de l'avis du comité, doit être portée à l'attention du Sénat. »

— Honorables sénateurs, la motion que je vous présente aujourd'hui se situe dans le contexte du débat sur la légitimité du Sénat et de notre travail. Elle vise à accroître la valeur ajoutée de notre étude des projets de loi en comité et à rendre compte de nos travaux de manière plus transparente.

Elle fait suite à une réflexion amorcée dans le contexte d'un discours que j'ai prononcé en septembre 2014 concernant la réforme du Sénat. Je proposais alors que le Sénat établisse par convention une liste de thèmes sur lesquels les comités devraient se pencher au moment de rendre compte, en Chambre, de leur étude d'un projet de loi.

À mon avis, la méthodologie que je présente maintenant, qui est transparente, intelligible et non partisane, nous permettrait de débattre du bien-fondé des projets de loi étudiés en allant au-delà d'une simple posture personnelle ou partisane et au-delà de nos préférences personnelles. Elle vise aussi à atteindre deux objectifs importants afin d'améliorer la valeur ajoutée de notre travail.

Premièrement, elle encadre notre devoir constitutionnel de second examen attentif dans le contexte où le Sénat est une Chambre complémentaire à la Chambre des communes et non une Chambre rivale. Comme l'ont défini les Pères de la Confédération, et comme l'a rappelé à quelques reprises la Cour suprême, le Sénat n'est pas une copie de l'autre endroit. Les sénateurs ne sont pas élus. Nous sommes nommés. Par contre, nos pouvoirs constitutionnels sont immenses. C'est parce que nos pouvoirs sont immenses que nous devons en user de façon responsable, car nous n'avons pas la légitimité de rivaliser avec la Chambre des communes. Nous avons toutefois le devoir d'améliorer la législation qui est adoptée à l'autre endroit lorsque cela nous apparaît utile, mais nous n'avons pas la légitimité de nous opposer à un projet de loi qui est adopté par la Chambre des communes pour la seule raison que nous ne l'aimons pas. Je le répète, cette motion propose des éléments de réflexion pour effectuer une analyse des projets de loi tout en respectant notre mandat.

Deuxièmement, cette motion vise à améliorer le débat en Chambre en obligeant les comités à rendre compte de leurs travaux de manière plus transparente.

Chers collègues, expliquons maintenant cette motion. Actuellement, lorsqu'un comité étudie un projet de loi, le Règlement du Sénat l'oblige à émettre des observations ou des explications uniquement lorsqu'il apporte des amendements au projet de loi, ou encore, lorsqu'il le rejette. Dans les autres cas de figure, à l'exception du projet de loi de mise en œuvre du budget, le comité n'est pas obligé de joindre des observations à son rapport.

Ainsi, lorsqu'un projet de loi est étudié en comité et qu'aucun amendement n'a été accepté, le comité peut simplement déposer au Sénat un rapport qui contient la formule suivante : « Votre comité, auquel a été renvoyé le projet de loi, a, conformément à l'ordre de renvoi, examiné ledit projet de loi et en fait maintenant rapport sans amendement ». Et cela, peu importe si des amendements ont été proposés ou non, mais rejetés lors de l'étude en comité. En effet, lorsque les amendements sont rejetés, le comité rapporte que l'étude a été réalisée sans amendement. Il en est de même lorsqu'une minorité de sénateurs au sein du comité propose de rejeter du projet de loi. Dans ces deux cas extrêmes, le débat se poursuit en Chambre à l'étape de la troisième lecture.

Devant cette absence d'information, les sénateurs qui n'ont pas participé à l'étude du comité doivent poser des questions ou s'en remettre au bon jugement des sénateurs membres du comité qui a fait l'étude. Ou encore, comme le prévoit la pratique ancestrale, les sénateurs s'en remettent au whip de leur caucus et votent selon la ligne de parti.

Par conséquent, lorsque l'ordre du jour législatif est chargé, il est possible que certains projets de loi controversés soient adoptés à l'étape de la troisième lecture sans que l'ensemble des sénateurs n'aient réellement été informés des aspects controversés de ces projets de loi.

En obligeant les comités à annexer à leur rapport des observations sur des éléments essentiels de leur étude, les sénateurs seront mieux en mesure de débattre d'un projet de loi à l'étape de la troisième lecture.

De plus, cela réduirait l'impact de la partisanerie dans le cadre de l'étude des projets de loi. En effet, tant et aussi longtemps que le Sénat sera organisé comme il l'est actuellement et qu'un groupe important de sénateurs participeront au caucus de leur parti d'affiliation, il est loin d'être assuré que les projets de loi recevront l'attention indépendante que nous devons leur accorder, comme l'exige notre rôle.

Cette motion énonce huit éléments qui devraient faire l'objet d'une observation précise, qui pourrait être aussi simple que le libellé « pas pertinent » dans plusieurs cas. Il y a peut-être d'autres éléments qui devraient être ajoutés. Cette motion est évidemment perfectible.

Précisons aussi que la motion vise à proposer l'obligation d'annexer des observations au rapport. Pourquoi annexer des observations au rapport? La raison est simple. Lorsque des observations sont annexées au rapport, elles ne peuvent être modifiées au Sénat. En d'autres mots, elles n'ont pas à faire l'objet d'un débat ou d'un vote. Cependant, cela n'empêche nullement un sénateur ou une sénatrice d'en contester la rectitude lors du débat à l'étape de la troisième lecture. Ces observations permettent d'attirer l'attention des sénateurs sur la nature des discussions que ce projet de loi a suscitées au sein du comité, et non à retarder les discussions par rapport au projet de loi lui-même.

Le premier élément de la liste traite de la constitutionnalité du projet de loi, soit la conformité du projet de loi, de manière générale, à la Constitution du Canada, en ce qui a trait notamment :

(i) à la Charte canadienne des droits et libertés;

(ii) au partage des compétences législatives entre le Parlement et les législatures provinciales.

J'en conviens, nous ne sommes pas des juges de la Cour suprême. Toutefois, nous sommes suffisamment raisonnables pour juger de la probabilité qu'un projet de loi se retrouve devant les tribunaux. Lorsque des juristes et des associations d'avocats témoignent devant un comité et affirment qu'un projet de loi présente des problèmes sérieux au chapitre constitutionnel, il y a de fortes chances que ce projet de loi se retrouve devant les tribunaux. En d'autres mots, le comité qui étudie un projet de loi n'a pas le droit de passer outre cette problématique lorsqu'un seul expert invité affirme qu'il n'y a aucun problème en ce qui a trait à un projet de loi pour lequel le comité a reçu des avis contraires.

En fonction des observations du comité, le Sénat pourra ainsi juger s'il renvoie le projet de loi à un autre comité pour qu'il fasse l'objet d'une étude complémentaire ou s'il prend la chance de l'adopter tel quel ou de l'amender, si cela semble possible. Le Sénat pourra ainsi dire à la population et à l'autre Chambre, « je vous l'avais déjà dit ».

Le deuxième élément traite de la conformité du projet de loi aux traités et accords internationaux signés ou ratifiés par le Canada. Ce critère comprend évidemment les traités signés avec les Premières Nations. Il a pour but d'informer le Sénat de la conformité d'un projet de loi à l'ensemble des traités et accords qui ont été signés. Cela ne signifie pas que nous ne pouvons pas adopter une loi sur laquelle plane le doute de la conformité. Au moins, nous l'aurons fait en connaissance de cause.

Par le passé, nous avons adopté des changements législatifs pour nous conformer à des accords internationaux, malgré l'opposition de certains groupes. Le Sénat a le devoir d'éclairer ces problématiques, même si elles ne sont pas faciles à trancher. Ces questions doivent faire l'objet d'un débat.

(1500)

Le troisième élément est le fait que le projet de loi porte ou non atteinte indûment aux minorités ou aux groupes défavorisés sur le plan économique ou autre. Ce critère fait partie de notre mandat. Nous existons notamment pour empêcher l'exploitation d'un groupe ou d'une minorité par une majorité. C'est un critère sur lequel il peut être difficile de trancher. Toutefois, pour ce critère comme pour d'autres, il existe des références philosophiques généralement acceptées qui peuvent être utiles dans le cadre d'un débat en Chambre.

Prenons l'exemple d'une loi qui vise à accroître le commerce international. Supposons que les bénéfices escomptés de cette loi sont suffisamment importants pour qu'elle mérite d'être adoptée. Supposons aussi qu'elle entraîne des coûts importants pour une minorité ou un groupe donné. Que faire? Selon des principes philosophiques utilitaristes, par exemple, qui soutiennent souvent les analyses économiques conventionnelles, une telle loi pourrait être défendable pour la prospérité du pays si les bénéfices sont supérieurs aux coûts. Toutefois, en s'appuyant sur des analyses qui incorporent des notions de mieux-être ou de bien-être, de telles lois pourraient réduire le mieux-être d'un groupe si aucune compensation n'est accordée à ceux qui encaissent les coûts. Dans des cas de force majeure, le Sénat a peut-être le devoir de s'assurer qu'une telle loi prévoit des compensations nécessaires ou, à tout le moins, de faire des observations.

Le quatrième critère aborde la question des impacts sur les provinces et les territoires. Ce critère relève d'un mandat constitutionnel prioritaire pour lequel le Sénat a été créé. Nous ne pouvons y échapper. Nous sommes obligés de tenir compte des effets de la législation fédérale sur les provinces et les territoires que nous représentons. Cette notion permet systématiquement d'informer la Chambre et la population des impacts régionaux d'un projet de loi fédéral.

Le cinquième élément vise à vérifier si les consultations appropriées ont été tenues. Ce critère parle de lui-même. Le Sénat doit savoir quels sont les groupes qui se sont présentés au comité. Par exemple, il s'agirait très simplement de dresser la liste des témoins clés et, si nécessaire, de faire un résumé de leur témoignage.

Selon le sixième critère, toute erreur manifeste de rédaction doit être corrigée. Honorables sénateurs, c'est la moindre des choses de s'assurer que le projet de loi ne contienne aucune coquille et que les versions anglaise et française soient cohérentes. Malgré cela, il arrive parfois que le texte ne soit pas corrigé.

Le septième critère concerne les amendements aux projets de loi qui ont été présentés au comité, mais qui n'ont pas été adoptés par celui-ci, de même que le texte de ces amendements. Ce critère va également de soi. À l'heure actuelle, le Règlement n'impose pas cette mesure. Ce critère permet d'assurer la transparence des débats du comité, surtout dans un contexte où un caucus de sénateurs contrôle le rapport du comité. Comme je le disais précédemment, les règles actuelles sont telles que seuls les amendements présentés et adoptés par le comité font partie du rapport.

Enfin, le dernier critère propose que toute autre question, selon l'avis du comité, doit être portée à l'attention du Sénat.

Certains d'entre vous diront que cette motion alourdira les travaux des comités. C'est sans doute vrai. Toutefois, je crois que cette transparence accrue améliorera la qualité des débats en Chambre, ainsi que la valeur ajoutée de notre travail. Elle encouragera également des débats plus indépendants et moins partisans. D'autres seront du même avis que le sénateur Joyal qui, en 2014, a soulevé l'idée qu'une telle approche bouleverserait le principe des débats adversaires. J'ai réfléchi à cette approche, et je crois qu'elle n'a pas pour effet d'éteindre tout débat. Bien au contraire, l'approche que je suggère favorise le débat en allant au- delà des affrontements dictés par la ligne de parti. Au lieu que les sénateurs soient simplement pour ou contre un projet de loi, elle leur permet de débattre d'éléments plus pointus et plus précis au sujet de la législation étudiée. Comme l'a d'ailleurs souligné le sénateur Carignan le 12 avril dernier et, hier, le sénateur Housakos, cette approche veille au contrôle de la qualité d'un projet de loi. Elle permet de repérer des lacunes législatives, d'éventuels problèmes constitutionnels, parfois des inexactitudes involontaires, et de proposer des amendements qui améliorent les projets de loi.

Je ne sais pas à quel moment ni si cette motion sera acceptée. J'en appelle toutefois à votre bonne foi, et surtout à votre sens des responsabilités, pour utiliser une telle grille lorsque vous analyserez vous-même les mérites d'un projet de loi. J'invite également les comités à en faire l'expérience dans le cadre de leur étude des projets de loi dont ils sont saisis. En effet, même si cette motion n'est pas insérée dans le Règlement, rien ne nous empêche de nous en inspirer dans la pratique. En outre, on peut lire ce qui suit à la page 147 de La Procédure du Sénat en pratique, et je cite :

Qu'il fasse rapport d'un projet de loi avec ou sans amendement, un comité peut aussi présenter des observations sur ce projet de loi. Les comités ont utilisé les observations comme moyen de commenter un large éventail de questions touchant un projet de loi. Cette pratique concorde avec le rôle traditionnel du Sénat en tant que Chambre de second examen.

En d'autres mots, le Règlement le permet. Cette pratique n'est pas utilisée souvent, mais elle pourrait l'être davantage.

En conclusion, les pouvoirs constitutionnels du Sénat sont très importants. Très peu de Chambres hautes ont de tels pouvoirs dans le monde. À la suite d'une recherche que j'ai effectuée en 2014 avec mon adjoint législatif, je peux vous affirmer que la grande majorité des sénats du monde jouissent d'un veto suspensif et non pas d'un veto absolu, comme c'est le cas au Canada. En fait, seule une douzaine de sénats sur les 80 recensés possèdent un droit de veto absolu.

L'adoption de cette motion permet au Sénat de démontrer que, lorsqu'il adopte un projet de loi, c'est que celui-ci satisfait raisonnablement à tous les critères énoncés pour assurer sa cohérence avec l'ensemble de nos lois et pratiques démocratiques. S'il n'affiche aucun défaut manifeste, à part celui d'être d'une certaine couleur politique, on peut se demander sérieusement si le Sénat a la légitimité de s'y opposer. En outre, si un projet de loi ne répond pas aux attentes raisonnables qu'on peut retirer d'une étude objective, le Sénat et les sénateurs pourront expliquer clairement leur décision à la population canadienne. C'est ce que je vous propose. Je vous remercie.

Des voix : Bravo!

[Traduction]

L'honorable Dennis Glen Patterson : L'honorable sénatrice accepterait-elle de répondre à une ou plusieurs questions?

[Français]

Son Honneur le Président : Je m'excuse, sénatrice Bellemare, mais votre temps de parole est écoulé. Désirez-vous cinq minutes de plus?

La sénatrice Bellemare : Oui, monsieur le Président.

[Traduction]

Le sénateur Patterson : Merci, Votre Honneur.

Je crois que la motion a été présentée le jour même où il a été annoncé que vous étiez l'adjointe législative du représentant du gouvernement au Sénat. Dois-je comprendre que votre motion tendant à ajouter ces huit conditions obligatoires à la charge de travail des comités a reçu la bénédiction et l'imprimatur du représentant du gouvernement au Sénat?

[Français]

La sénatrice Bellemare : Sénateur Patterson, je vous remercie de votre question.

[Traduction]

Monsieur le sénateur Patterson, vous pouvez lire le discours que j'ai prononcé au Sénat le 30 septembre 2014. J'y ai expliqué pourquoi nous devrions adopter cette approche dans l'étude de nos projets de loi. Il y a longtemps que j'ai écrit mon discours. Je veux le présenter depuis longtemps et je me suis dit que ce serait maintenant. Par contre, il n'y a aucun rapport entre ce discours et ma nomination.

Par ailleurs, il y a un lien que vous pouvez y percevoir. Je suis une sénatrice indépendante, sans aucune affiliation, et je prends très au sérieux les fonctions que la Constitution me confie. C'est une approche que j'ai adoptée l'an dernier dans beaucoup d'études. C'est pourquoi je me suis opposée au projet de loi C-377 et j'ai appuyé le projet de loi de Michael Chong, par exemple.

C'est pourquoi j'ai voté comme je l'ai fait sur de nombreux projets de loi, comme celui qui portait sur le pape, même si ce n'est pas du tout ma préférence. Je respecte le pape. Ce n'est pas cela que je veux dire, mais avec tous ces noms, toutes ces semaines, j'avais des réserves.

Cette approche permettrait aux sénateurs d'accomplir leurs devoirs avec probité et prudence, en tenant compte de la Constitution et du fait qu'ils ont été nommés. En effet, les sénateurs ne sont pas élus, ce qui les distingue des députés, mais il reste que leur responsabilité consiste à corriger les projets de loi. Nous n'avons pas fait cela pour le projet de loi C-525 adopté l'an dernier, ce qui m'a indignée, ainsi que les sénateurs Tannas et Wallace, entre autres.

(1510)

Personne n'a expliqué devant le Sénat les amendements que j'avais proposés pour corriger la façon dont le projet de loi était rédigé. Personne n'en a parlé.

Dans bien des cas, et selon mon expérience, les études en comité — bien qu'elles fassent appel à de nombreux experts — ne vont pas au-delà du comité et n'aident pas vraiment le Sénat à tenir un véritable débat à l'étape de la troisième lecture.

Pour ces raisons, j'ai souvent dû m'opposer à tout mon groupe l'an dernier parce que j'appliquais les éléments de ma liste. Je vous invite à faire de même, car c'est de cette façon qu'il faut s'y prendre, selon moi. Je crois que c'est ce que les Canadiens attendent de nous. Ils respectent les juges. Nous ne sommes pas des juges, mais il nous faut néanmoins des critères pour guider l'étude des projets de loi qu'on nous demande d'adopter.

Le sénateur Patterson : La sénatrice soutient que cela nous amènera à étudier les projets de loi avec probité et prudence. Est-ce à dire que, depuis 150 ans, le Sénat examine les projets de loi avec mauvaise foi et de manière négligente?

Par ailleurs, vous présentez cette méthodologie non pas comme un guide utile, mais comme une obligation. Selon moi, évaluer l'impact du partage des compétences législatives entre le Parlement et les législatures provinciales et territoriales, par exemple, alourdirait énormément les travaux des comités. Ce seul sujet fait couler beaucoup d'encre dans les tribunaux depuis de nombreuses années.

En ce qui concerne la conformité aux traités et accords internationaux, n'êtes-vous pas préoccupée par le fait de créer beaucoup de travail supplémentaire pour les comités du Sénat, qui ont déjà bien d'autres obligations lorsqu'ils examinent des projets de loi? Il serait peut-être préférable de proposer que ces lignes directrices servent de modèle à suivre plutôt que de faire en sorte qu'elles constituent une obligation.

La sénatrice Bellemare : En fait, je propose de dresser une liste de contrôle. Lorsque des gens témoignent devant un comité et parlent de l'aspect constitutionnel, il faudrait le signaler dans le rapport. Il n'est pas nécessaire de regarder de près chaque élément de la liste, mais il faut à tout le moins être disposé à inclure ces questions dans le rapport lorsque des spécialistes viennent en parler.

L'honorable Yonah Martin (leader suppléante de l'opposition) : J'invoque le Règlement. La sénatrice Bellemare disposait de cinq minutes. Elle peut en demander cinq de plus. J'ai cru que sa réponse serait brève, mais elle s'est mise à donner des exemples. Si elle veut davantage de temps, elle doit demander le consentement au Sénat.

Son Honneur le Président : Sénatrice Martin, j'ai fait preuve d'indulgence parce que la sénatrice Bellemare avait affirmé que sa réponse serait brève. Je lui accorde plus de temps, puis son temps de parole sera écoulé. Merci d'attirer notre attention à cet égard, sénatrice Martin.

La sénatrice Bellemare : Merci, Votre Honneur.

Je disais donc qu'il s'agirait d'un genre de liste de contrôle. Par exemple, nous avons adopté au cours des dernières années des projets de loi qui ont été renvoyés à la Cour suprême. Des gens en avaient entendu parler, mais cela n'était pas mentionné dans le rapport.

Je ne suis pas ici pour juger. Ce n'est pas du tout cela. Je suis ici parce que je souhaite que nous fassions un meilleur travail. Voilà la différence.

Le Sénat évolue. Nous avons vécu une grande crise, et les Canadiens veulent du changement au Sénat. Ils souhaitent que nos études soient effectuées de façon plus indépendante, moins partisane. Ils ne veulent pas que nous procédions comme l'autre endroit, parce que nous ne sommes pas à la Chambre des communes.

(Sur la motion de la sénatrice Frum, le débat est ajourné.)

(La séance est levée, et le Sénat s'ajourne au mardi 17 mai 2016, à 14 heures.)

 
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