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Débats du Sénat (Hansard)

1re Session, 42e Législature,
Volume 150, Numéro 130

Le jeudi 8 juin 2017
L'honorable George J. Furey, Président

LE SÉNAT

Le jeudi 8 juin 2017

La séance est ouverte à 13 h 30, le Président étant au fauteuil.

Prière.

[Traduction]

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

Le décès de Wade Smith

L'honorable Wanda Thomas Bernard : Honorables sénateurs, j'interviens aujourd'hui pour honorer la mémoire de Wade Smith, un Néo- Écossais d'origine africaine qui était tenu en haute estime comme directeur de l'école secondaire Citadel et qui est décédé le vendredi 2 juin à la suite d'un combat de sept semaines contre le cancer de l'estomac. Il n'avait que 50 ans. Cette perte a bouleversé la collectivité et l'a plongée dans une immense tristesse.

Wade Smith était un enseignant, un entraîneur de basketball, un mentor, un modèle, un mari extraordinaire, un père, un fils, un frère et un ami. Sa carrière dans l'enseignement et son bilan en tant qu'administrateur d'école ont été éblouissants. En tant que modèle exceptionnel, il a été une source d'inspiration pour les jeunes, leurs parents et la collectivité dans son ensemble. Wade a aussi passé d'innombrables heures à travailler auprès de détenus néo-écossais d'origine africaine au sein des divers établissements correctionnels fédéraux du Canada atlantique. Certains détenus étaient d'anciens élèves de Wade et ils avaient toujours hâte à ses visites, car il ne les jugeait pas. Il tentait plutôt de leur servir d'inspiration, ce qu'il a réussi à faire de manière remarquable.

Corey Wright, un ancien élève de Wade et détenu, a dit ce qui suit sur l'influence que Wade a eue dans sa vie : « Il se souciait du sort des autres. Parfois, il n'en faut pas plus pour aider quelqu'un qui traverse une mauvaise passe. »

La communauté africaine de la Nouvelle-Écosse a perdu un leader humble et précieux. Wade Smith a laissé derrière lui un héritage qui lui survivra. Je sais que l'excellent exemple qu'il a donné aux jeunes et à ses concitoyens nous aidera à porter le deuil et à trouver une façon de continuer sans lui.

Honorables sénateurs, je vous invite à vous joindre à moi pour offrir nos plus sincères condoléances à l'épouse de Wade, Sherry Jackson- Smith, à ses fils, Jaydon et Jaxon, à sa mère, Muriel Smith, et à tous les membres de sa famille, aux élèves et aux centaines de citoyens qui pleurent sa perte.

Je vais conclure avec une citation tirée de la conférence TED qu'il a donnée le 27 mars : « Cela n'a jamais été une question de choix pour moi de redonner à la société. J'ai toujours senti que j'avais le devoir de redonner à la collectivité et aux enfants des générations futures. »

Wade Smith, ce fut un honneur de vous connaître.

Honorables sénateurs, je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de rendre hommage à cette incroyable personne. Je pleure aujourd'hui la mort de ce bon et fidèle serviteur, avec sa famille et sa collectivité qui se rassemblent aujourd'hui pour lui dire au revoir.

Des voix : Bravo!

L'exploitation sexuelle des enfants sur Internet

L'honorable Mobina S. B. Jaffer : #PasSurMonÉcran, #NotOnMyScreen.

Honorables sénateurs, j'ai travaillé étroitement avec l'International Justice Mission, une organisation internationale qui mène la guerre contre l'exploitation sexuelle des enfants sur Internet. J'ai participé à des voyages organisés par elle et j'ai vu de mes propres yeux tout le travail qu'elle faisait.

L'exploitation sexuelle des enfants sur Internet est une sorte de traite de personnes à des fins sexuelles, qui expose tous les enfants du monde à d'innombrables prédateurs. De jeunes garçons et filles mineurs, même des tout-petits, sont obligés de commettre des actes sexuels devant une caméra. L'industrie du cybersexe est maintenant une industrie massive au sein de laquelle les jeunes enfants rapportent d'énormes profits.

Honorables sénateurs, je sais que vous êtes d'accord avec moi pour dire que nous n'accepterons jamais l'exploitation sexuelle des enfants sur Internet.

L'International Justice Mission a fait des progrès pour ce qui est de mettre fin au cybersexe. Aux Philippines, plus de 1 275 victimes ont été libérées et plus de 145 personnes s'adonnant à la traite d'enfants à des fins sexuelles ont été arrêtées. Voilà de l'excellent travail, mais il reste encore beaucoup de choses à faire, même au sein de notre propre pays.

Je vais vous parler de Cassie. Cassie fait partie des nombreux enfants enlevés, rendus captifs et coincés contre leur gré dans le monde du cybersexe. Elle a été sauvée par l'International Justice Mission à l'âge de 17 ans, 5 ans après avoir été enlevée. Elle a dit ce qui suit :

C'était très difficile. Je n'arrêtais pas de penser que je voulais mourir en raison de la douleur, mais je ne le pouvais pas. Tous les jours, mon kidnappeur me faisait mal quand je faisais quelque chose qu'il n'aimait pas.

Cassie a été victime d'horribles abus sexuels et actes violents devant une webcam. D'autres enfants se trouvaient avec Cassie, dont le plus jeune n'avait que deux ans. Aujourd'hui, Cassie est en sécurité, mais d'autres enfants dans le monde souffrent toujours de la traite des personnes aux fins du cybersexe. Les pédophiles et les prédateurs d'enfants utilisent Internet pour agresser des enfants dans des maisons.

Il ne fait aucun doute qu'Internet a un côté sombre. Les enfants qui sont victimes de la traite des personnes aux fins du cybersexe n'ont pas l'option de dire non, mais nous le pouvons.

Honorables sénateurs, je vous demande de vous joindre à moi pour sensibiliser la population au cybersexe juvénile dans le monde, et de poser un geste concret en affichant fièrement un autocollant #NotOnMyScreen, ou #PasSurMonÉcran.

On ne peut laisser faire ce crime malveillant et destructif dans quelque pays que ce soit. Mon bureau a fourni des autocollants en français et en anglais à vos bureaux pour que vous les apposiez sur votre appareil mobile et votre ordinateur afin de sensibiliser les gens à la lutte pour mettre fin au cybersexe.

Chaque minute où nous attendons, un enfant se voit forcé d'exécuter des actes sexuels en direct pour la caméra. Ensemble, nous pouvons mettre fin à ce crime épouvantable. Honorables sénateurs, je vous demande de vous joindre à moi pour aider à mettre fin à la traite des enfants aux fins du cybersexe. Je vous invite à apposer les autocollants pour sensibiliser la population à cette cause. #NotOnMyScreen, #PasSurMonÉcran.

L'honorable Wilfred P. Moore

Félicitations pour avoir obtenu le prix de la Fédération des sociétés canadiennes d'assistance aux animaux

L'honorable Elaine McCoy : Je ne m'attendais pas à recevoir cet honneur aussi tôt dans la rotation aujourd'hui. Je suis reconnaissante qu'on me donne l'occasion de prendre la parole dans cette Chambre aujourd'hui pour reconnaître le travail extraordinaire que le sénateur Willie Moore, qui a récemment pris sa retraite, a réalisé au fil des ans, mais particulièrement pour honorer son œuvre dans le domaine de la conservation marine.

Plus précisément, je tiens à souligner le prix que lui a remis, ici à Ottawa, la Fédération des sociétés canadiennes d'assistance aux animaux, il y a environ un mois.

(1340)

Saviez-vous que la fédération a été fondée par un sénateur? Moi, je ne le savais pas, et j'ai cru que ce détail historique pourrait vous intéresser. Le sénateur en question, qui représentait le Nouveau- Brunswick, été nommé par le premier ministre St-Laurent. C'est lui qui a mis sur pied la Fédération des sociétés canadiennes d'assistance aux animaux et créé le prix remis au sénateur Moore. Il a pris sa retraite en 1988.

Sa vie était guidée par la même ardeur et le même attachement pour le bien-être des animaux que notre ancien collègue, le sénateur Wilfred Moore.

Nous sommes sans doute tous ravis que ce dernier ait reçu ce prix, parce que je n'ai sans doute pas besoin de vous rappeler que le projet de loi S-203, qui vise à mettre fin à la captivité des baleines et de divers autres mammifères, a été renvoyé au comité. Nous avons maintenant une raison de plus pour en terminer l'étude au plus vite et le renvoyer au Sénat pour qu'il puisse être mis aux voix.

Revenons plutôt au parcours de l'ex-sénateur Wilfred Moore. Son profond attachement à tout ce qui est maritime ne se limite pas aux seuls mammifères marins, parce qu'on sait qu'il a directement contribué à la remise en état du Bluenose II. Il a aussi milité activement pour la préservation des phares, en plus de fonder l'école des arts de Lunenburg, qui est située sur la côte. Il a servi de témoin au Canada pour la signature de la Déclaration d'Hamilton, qui engage le pays à protéger la mer des Sargasses, qui est essentielle à la reproduction des anguilles, et à en assurer la conservation.

J'invite tous les sénateurs ici présents à se joindre à moi pour féliciter l'ex-sénateur Wilfred Moore de ce prix et pour faire en sorte que son projet de loi franchisse rapidement toutes les étapes législatives.

Visiteurs à la tribune

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de représentants et de membres de plusieurs organismes : l'Association du syndrome d'Usher du Québec; le chapitre ontarien de l'Association canadienne de la rubéole et de la surdicécité; le chapitre néo-brunswickois de l'Association canadienne de la surdicécité; le Centre canadien Helen Keller; la Société nationale canadienne de la surdicécité; l'organe national de l'Association canadienne de la surdicécité; l'Institut national canadien pour les aveugles; l'association des personnes atteintes de surdicécité de Toronto; le Service ontarien de la surdicécité; la maison McInnes des Lions; et, en dernier lieu, le Bureau de la traduction. Ils sont les invités des honorables sénateurs Munson et Martin.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

Le Mois de sensibilisation à la surdi-cécité

L'honorable Yonah Martin (leader adjointe de l'opposition) : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd'hui pour rappeler que le mois de juin est le Mois de sensibilisation à la surdi-cécité au Canada, comme nous en avons décidé par un vote au Sénat en 2015.

Aujourd'hui, j'ai eu l'honneur de présider la troisième réception annuelle donnée sur la Colline du Parlement pour souligner ce mois avec le sénateur Jim Munson, qui avait coparrainé la motion sur le Mois de sensibilisation à la surdi-cécité avec la sénatrice Fraser.

Nous avons rencontré des membres de la communauté des personnes sourdes et aveugles aujourd'hui, et nous les avons entendus parler de certains des obstacles et difficultés qu'ils ont surmontés pour en être là où ils en sont aujourd'hui. Ce sont des gens vraiment remarquables, déterminés à ne pas laisser leur handicap les empêcher d'être productifs et de s'accomplir.

Comme le savent probablement les sénateurs, Helen Keller, peut- être la personne sourde et aveugle la plus connue, est née au mois de juin. Elle était une personne courageuse dont la détermination admirable et l'exemple ont suscité des changements et inspiré le monde entier. La Journée Helen Keller est d'ailleurs soulignée le 27 juin de chaque année aux États-Unis.

Le nombre de personnes sourdes et aveugles au Canada est élevé. Selon Statistique Canada, environ 69 700 Canadiens âgés de plus de 12 ans sont complètement sourds et aveugles ou le sont à divers degrés, ce qui limite leurs activités quotidiennes. Seulement 3 000 d'entre eux ont été identifiés par les organismes qui dispensent des services d'intervenants. Donc, honorables sénateurs, il faut faire beaucoup plus pour les Canadiens sourds et aveugles, et la façon dont nous soulignons annuellement le mois de juin comme Mois de sensibilisation à la surdi-cécité est une bonne initiative en ce sens.

Je me fais un devoir de souligner la contribution de notre ancien collègue, l'honorable Vim Kochhar, qui m'a ouvert les yeux sur l'importance de ces courageux Canadiens qui méritent que nous les reconnaissions. C'est grâce à lui que j'ai eu l'idée de présenter, en collaboration avec mes collègues, la motion que notre assemblée a adoptée à l'unanimité.

Vim Kochhar est l'un des cofondateurs du Centre canadien Helen Keller et des habitations Cheshire du Club Rotary, deux excellents organismes qui offrent des services aux personnes sourdes et aveugles. En fait, les habitations Cheshire seraient les seules au monde où ces personnes peuvent vivre de façon autonome.

Je tiens à remercier la directrice générale du Centre canadien Helen Keller, Jennifer Robbins, les habitations Cheshire du Club Rotary, tous les autres organismes participants, le personnel soignant, les membres des conseils d'administration, les bénévoles et les autres intervenants qui offrent d'excellents services aux personnes sourdes et aveugles.

Honorables sénateurs, il existe dans le monde plusieurs personnes sourdes et aveugles qui ont réussi à surmonter les obstacles qui se dressaient devant elles et à accomplir, comme Helen Keller, des choses extraordinaires. Il faut continuer de sensibiliser la population à cette grande cause, et féliciter les personnes sourdes et aveugles, ainsi que celles qui s'en occupent, de la force, du courage et de la résilience dont elles font preuve au quotidien. Elles sont une véritable source d'inspiration pour toute la population.

Des voix : Bravo!

Visiteurs à la tribune

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de Brad Smith, fils de notre collègue, l'honorable sénateur Larry Smith. Il est accompagné d'Audra Mari. Ils sont, bien entendu, les invités de l'honorable sénateur Smith.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

Le Plan 2014

L'honorable Bob Runciman : Honorables sénateurs, les manœuvres partisanes pourraient compromettre la réalisation du deuxième projet de réhabilitation de milieux humides en importance en Amérique du Nord.

Le Plan de régularisation du lac Ontario et du fleuve Saint- Laurent de 2014 a été approuvé l'an dernier par le Canada et les États-Unis. Il est entré en vigueur le 1er janvier dernier, tout juste avant les pires inondations qui se sont produites au Canada depuis un demi-siècle.

Ce printemps, l'eau provenant de la fonte rapide des neiges et des pluies records que nous avons connues en avril et en mai a englouti et détruit de multiples quais et hangars à bateaux. Elle a surtout endommagé de nombreuses habitations construites le long du fleuve et elle a nui à beaucoup d'entreprises — souvent de petites entreprises saisonnières — des deux côtés de la frontière.

Des politiciens opposés au Plan 2014 profitent de la situation pour prétendre que l'inondation record et les dommages connexes résultent de la mise en œuvre du plan.

Des membres du Congrès de la région de Rochester, dans l'État de New York — où se trouvent les régions inondées de la rive sud du lac Ontario et où de nombreuses maisons sont construites en zone inondable —, pressent maintenant le président Trump de se retirer de l'entente.

Malheureusement, leurs fausses affirmations ont été appuyées par nul autre qu'Andrew Cuomo, gouverneur de l'État de New York, qui a déclaré que la Commission mixte internationale « s'est fourvoyée » en adoptant le Plan 2014. Pour dire les choses carrément, ces politiciens se livrent aux pires hypocrisies.

Il aurait suffi que le gouverneur Cuomo appelle les responsables de la surveillance du niveau de l'eau pour qu'il sache que la mise en œuvre du Plan 2014 n'a eu aucune incidence sur la gestion de la situation jusqu'à présent, ce que mon personnel a confirmé par de fréquentes communications avec les autorités tout au long du printemps.

Les niveaux du lac Ontario et du fleuve Saint-Laurent sont régularisés au barrage Moses-Saunders situé près de Cornwall, en Ontario. On y enregistre des débits records depuis un certain temps. Il ne fait aucun doute que la situation est critique pour beaucoup de riverains, mais distribuer les blâmes et répandre des faussetés à l'instar du gouverneur Cuomo ne fait rien pour arranger les choses.

J'encourage la ministre des Affaires étrangères et les fonctionnaires de son ministère à renseigner leurs homologues sur les faits entourant les débordements du lac Ontario et du fleuve Saint-Laurent et à réaffirmer leur appui envers le Plan 2014.

(1350)

Visiteurs à la tribune

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de Leizyl Sobrinho, présidente du volet gestion de projets du club Toastmasters. Mme Sobrinho et les membres de l'organisation qui l'accompagnent sont les invités du sénateur Enverga.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

Regard neuf sur les questions autochtones

L'honorable Lynn Beyak : Honorables sénateurs, je profite de l'occasion qui m'est donnée pour remercier le sénateur Christmas du formidable discours qu'il a livré mardi et dans lequel il a présenté un modèle convaincant de réflexion avant-gardiste à l'égard des questions autochtones. L'histoire de sa communauté d'origine, Membertou, qui a surmonté les défis auxquels elle était confrontée, est une source d'inspiration pour tous. En fait, nous devrions y voir la preuve que le changement est possible.

J'ai entendu des histoires similaires qui viennent de partout au Canada. À cause de la Loi sur les Indiens, les Autochtones ont été soumis à une dépendance totale mais, aujourd'hui, ils souhaitent sortir de ce carcan. Des témoins de la Saskatchewan, de l'Alberta et de la Colombie-Britannique qui ont comparu devant le Comité sénatorial permanent des affaires autochtones nous ont également fait part de leurs réussites. Certaines sont fantastiques, mais aucune n'est aussi remarquable que celle de la communauté de Membertou.

Dans ma région, il y a eu de la collaboration, comme il y en a eu chez vous, sénateur, pendant des décennies. Nous avons encore des problèmes à régler, mais nous avons également de belles histoires à raconter. Le succès devrait être la norme, non l'exception.

De toute évidence, les choses doivent changer. Les gouvernements ont dépensé des milliards de dollars au fil de nombreuses décennies mais, dans bien des réserves au Canada, il n'y a pas encore d'eau potable ou de logements adéquats.

La méthode actuelle ne fonctionne pas. Dans le cadre du dialogue amorcé pendant le débat sur les pensionnats indiens, les Canadiens d'un océan à l'autre, Autochtones et non-Autochtones, ont affirmé qu'il fallait faire changer les choses. Ils ont signalé que les écoles ne sont qu'un des nombreux enjeux. Comme vous l'avez très clairement exposé, la Loi sur les Indiens constitue le principal problème. Nous devons nous inspirer de la belle réussite de Membertou et continuer sur cette lancée. Nous devons inciter d'autres communautés à opter pour la prospérité et l'indépendance.

Pour reprendre les sages paroles du chef Robert Joseph, que j'ai eu le plaisir de rencontrer, ainsi que sa merveilleuse fille, Shelley, à mon bureau, le mois dernier, nous devrons, tôt ou tard, nous rendre compte que nous appartenons tous au territoire que nous partageons. Le plus tôt nous nous en apercevrons, le plus tôt nous pourrons travailler ensemble et nous monter solidaires les uns des autres.

Je vous remercie, sénateur Christmas, de nous avoir fait découvrir ce modèle extraordinaire.

Le Sénat

Hommages aux pages à l'occasion de leur départ

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je souhaite rendre hommage à deux autres pages qui nous quitteront cette année.

Nicolas Daoust amorcera sa troisième année d'études au baccalauréat en commerce avec spécialisation en comptabilité à l'Université d'Ottawa.

[Français]

Depuis l'âge de 11 ans, il rêvait de devenir page du Sénat et de représenter la communauté franco-ontarienne au sein du Programme des pages.

[Traduction]

Nicolas, qui quittera ses fonctions de premier page adjoint, est reconnaissant d'avoir eu la chance de travailler pendant deux ans comme page au Sénat. Il tient à remercier tous les honorables sénateurs et les employés du Sénat de lui avoir permis de vivre une expérience inoubliable.

Merci, Nicolas.

Des voix : Bravo!

Son Honneur le Président : Après avoir participé pendant trois ans au Programme des pages du Sénat, notre première page, France Svistovski, nous fait ses adieux. France obtiendra son baccalauréat spécialisé en droit et en politique de l'Université Carleton. À l'automne, elle fréquentera la faculté de droit de l'Université Fordham, au cœur de la ville de New York, ce dont elle rêve depuis l'âge de 16 ans. Elle a hâte de représenter le Canada aux États-Unis.

France est extrêmement reconnaissante d'avoir eu la chance de représenter le Manitoba au Sénat, d'abord en tant que simple page, puis en tant que première page, et d'avoir pu ainsi acquérir des connaissances et une expérience qui, selon elle, ont contribué à son acceptation à l'Université Fordham.

Elle aimerait remercier tous les honorables sénateurs, le personnel administratif du Sénat et tout le monde sur la Colline pour l'expérience magnifique qu'elle a vécue. Pour France, ce fut un honneur et un plaisir de travailler avec l'huissier du bâton noir, et elle offre à tous ses collègues pages et à tous les honorables sénateurs ses meilleurs vœux pour l'avenir.

Merci, France.

Des voix : Bravo!


[Français]

AFFAIRES COURANTES

La commissaire aux conflits d'intérêts et à l'éthique

Dépôt du rapport annuel de 2016-2017

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de la commissaire aux conflits d'intérêts et à l'éthique sur l'exécution de ses responsabilités et fonctions en vertu de la Loi sur les conflits d'intérêts en rapport avec les titulaires de charge publique, pour l'exercice se terminant le 31 mars 2017, conformément à la Loi sur le Parlement du Canada.

[Traduction]

La commissaire au lobbying

Dépôt du rapport annuel de 2016-2017

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le neuvième rapport annuel du Commissariat au lobbying, pour l'exercice se terminant le 31 mars 2017, conformément à l'article 11 de la Loi sur le lobbying.

[Français]

La commissaire à l'information

Dépôt du rapport annuel de 2016-2017

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de la commissaire à l'information pour la période se terminant le 31 mars 2017, conformément à la Loi sur l'accès à l'information.

[Traduction]

Le commissaire aux langues officielles

Dépôt du rapport annuel de 2016-2017

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport annuel du commissaire aux langues officielles pour l'exercice se terminant le 31 mars 2017, conformément à l'article 66 de la Loi sur les langues officielles.

L'étude sur les rapports du directeur général des élections sur la quarante-deuxième élection générale

Dépôt du dix-septième rapport du Comité des affaires juridiques et constitutionnelles auprès du greffier pendant l'ajournement du Sénat

L'honorable Bob Runciman : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur d'informer le Sénat que, conformément aux ordres de renvoi adoptés le 1er novembre 2016 et le 2 mars 2017 et à l'ordre adopté par le Sénat le 1er juin 2017, le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles a déposé auprès du greffier du Sénat, le 8 juin 2017, son dix-septième rapport, intitulé Contrôler l'influence étrangère sur les élections canadiennes. Je propose que l'étude du rapport soit inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance du Sénat.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(Sur la motion du sénateur Runciman, l'étude du rapport est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

Régie interne, budgets et administration

Dépôt du quatorzième rapport du comité

L'honorable Leo Housakos : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le quatorzième rapport du Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration, qui porte sur les voyages à l'étranger.

L'Association parlementaire Canada-Afrique

La mission bilatérale du 26 au 31 mars 2017—Dépôt du rapport

L'honorable A. Raynell Andreychuk : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de la délégation canadienne de l'Association parlementaire Canada- Afrique concernant sa participation à la Mission bilatérale en République du Zimbabwe et en République du Botswana, tenue à Harare, au Zimbabwe, et à Gaborone, au Botswana, du 26 au 31 mars 2017.

Modernisation du Sénat

Préavis de motion tendant à autoriser le comité spécial à reporter la date de son rapport final

L'honorable Thomas J. McInnis : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que, nonobstant l'ordre du Sénat adopté le lundi 12 décembre 2016, la date du rapport final du Comité sénatorial spécial sur la modernisation du Sénat relativement à son étude sur les façons de rendre le Sénat plus efficace dans le cadre constitutionnel actuel soit reportée du 30 juin 2017 au 15 décembre 2017.

[Français]

Le Sénat

Préavis de motion tendant à autoriser le Sénat à se former en comité plénier afin d'étudier le rôle de la Direction des communications

L'honorable Pierrette Ringuette : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que :

1. la prochaine fois que les Autres affaires seront appelées après l'adoption de cette motion, le Sénat se forme en comité plénier afin d'étudier le rôle de la Direction des communications;

2. ce comité plénier se réunisse à chaque séance subséquente du Sénat, au début des Autres affaires, jusqu'à ce qu'il ait terminé ses travaux, sans devoir faire rapport de l'état de la question et demander la permission de siéger de nouveau;

3. pendant que ce comité plénier se réunit, les dispositions de l'article 12-33 du Règlement soient suspendues, à condition qu'un sénateur puisse à tout moment proposer que la séance soit levée, cette motion étant mise aux voix sans débat ni amendement, et, si elle est adoptée, le comité lèvera sa séance jusqu'au moment prévu au paragraphe 2 de cet ordre;

4. ce comité plénier entende le président du Comité de la régie interne, des budgets et de l'administration; la directrice des Communications; la directrice des Services d'information; le directeur des Ressources humaines ainsi que tout autre témoin qu'il juge approprié;

5. une fois les travaux du comité terminés, la présidente fasse rapport le plus tôt possible lors de la présentation ou dépôt de rapports de comités au cours des Affaires courantes.

(1400)

[Traduction]

Énergie, environnement et ressources naturelles

Préavis de motion tendant à autoriser le comité à déposer son rapport sur les effets de la transition vers une économie à faibles émissions de carbone auprès du greffier pendant l'ajournement du Sénat

L'honorable Richard Neufeld : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles soit autorisé, nonobstant les pratiques habituelles, à déposer auprès du greffier du Sénat, entre le 15 juin et le 23 juin 2017, un rapport concernant son étude sur la transition vers une économie à faibles émissions de carbone, si le Sénat ne siège pas, et que ledit rapport soit réputé avoir été déposé au Sénat.


PÉRIODE DES QUESTIONS

La défense nationale

L'examen de la politique de défense

L'honorable Larry W. Smith (leader de l'opposition) : Ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat.

Hier, le ministre de la Défense nationale a dévoilé la nouvelle politique de défense du gouvernement. Je pense que nous sommes tous d'accord pour dire que cette politique contient beaucoup d'éléments susceptibles d'avoir une grande importance pour permettre aux Forces armées canadiennes de conserver des capacités fondamentales essentielles dans les décennies à venir.

Néanmoins, le gouvernement devra donner suite concrètement aux intentions qu'il exprime. Par exemple, il reste vague en ce qui concerne la flotte nationale d'avions de chasse. Le document de la politique de défense indique que l'enveloppe du nouveau programme d'avions de chasse a été augmentée pour que l'Aviation royale canadienne puisse en acquérir 88. Pourtant, même si ces appareils sont bel et bien commandés au moment prévu, les militaires n'en prendront pas livraison avant une dizaine d'années. Entre-temps, la durée de vie de la flotte actuelle de CF-18 devra être prolongée, et le gouvernement jongle encore avec l'idée d'acheter au constructeur Boeing des avions de chasse Super Hornet. À moins que ne soit plus le cas.

Premièrement, combien en coûtera-t-il pour prolonger la vie des CF-18 et acheter des Super Hornet, d'après les projections? Deuxièmement, le gouvernement affectera-t-il des sommes supplémentaires à ces programmes, ou le ministère de la Défense nationale devra-t-il les financer à même les niveaux de référence existants?

L'honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie l'honorable sénateur de sa question. Avant de lui répondre, je tiens à souligner la présence de son fils en cette enceinte. Le sénateur s'en réjouit sûrement. Pour ma part, je me réjouis que mon fils ne soit pas ici pour entendre ma réponse.

Je tiens à affirmer aux honorables sénateurs que la déclaration que le ministre de la Défense a faite hier au nom du gouvernement constitue une réponse très progressiste et très robuste à l'évolution des menaces à la sécurité sur la scène mondiale. Le gouvernement a défini de nouvelles priorités à long terme. Comme l'a souligné le sénateur, du fait des changements proposés, les dépenses en matière de défense augmenteront de 70 p. 100 au cours des 10 prochaines années, passant de 18,9 à 32,7 milliards de dollars. On prévoit également que la Force régulière connaîtra une croissance, tout comme les investissements nécessaires à l'acquisition, à l'entretien et à l'augmentation des capacités des CF-18.

Les arrangements provisoires sont en cours de discussion. Le ministre fera une annonce en temps et lieu. Cela dit, la direction générale adoptée par le gouvernement est claire : il faut s'assurer que les engagements en matière de politique concordent avec les engagements prévus dans le budget actuel et les budgets futurs, de façon à concrétiser la politique du gouvernement du Canada axée sur la protection, la sécurité et l'engagement des forces armées.

Le combat contre le groupe État islamique—Le travail en première ligne

L'honorable Larry W. Smith (leader de l'opposition) : Je vous remercie, monsieur le leader.

Le gouvernement rappelle que le Canada doit faire sa part sur la scène internationale. La ministre des Affaires étrangères a déclaré récemment que c'est en faisant notre part que nous avons du poids.

Pourtant, l'une des premières mesures que le gouvernement a prises en entrant en fonction a été de retirer les chasseurs CF-18 de la campagne contre le groupe État islamique. Le gouvernement avait indiqué alors que le Canada ne devrait jouer dans cette campagne qu'un rôle d'appui, et non un rôle de premier plan.

Étant donné, monsieur le leader du gouvernement au Sénat, que le gouvernement semble avoir changé d'avis, est-il prêt à joindre le geste à la parole? Précisément, le gouvernement est-il prêt à revoir sa position et à redéployer les CF-18 canadiens dans la campagne contre le groupe État islamique?

L'honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie l'honorable sénateur de sa question.

Le gouvernement est déterminé — et il le restera — à lutter contre le groupe État islamique. La nouvelle orientation qu'a prise la participation du Canada a fait l'objet d'un débat et d'un accord parmi les alliés qui participent à cette campagne. Les efforts consentis par le gouvernement continuent de faire partie intégrante de ceux que les alliés déploient face au groupe État islamique. Ces efforts prennent de nouvelles formes dans le contexte de la collaboration et au gré de l'évolution de la situation.

Il est important que tous les Canadiens renouvellent leur engagement dans la lutte contre le groupe État islamique. Dans cette déclaration, ainsi que dans ses déclarations antérieures, le gouvernement du Canada affirme être au premier plan de la lutte contre le groupe État islamique, contre Daech, quel que soit le nom qu'on veut lui donner.

L'immigration, les réfugiés et la citoyenneté

Le centre de traitement des demandes de Vegreville

L'honorable Betty Unger : Sénateur Harder, il semble qu'une tendance se dessine dans ce dossier. J'ai posé une question à propos de la fermeture inutile et catastrophique du centre de traitement des demandes de Vegreville, et vous me fournissez des réponses inexactes.

Vous avez dit hier que le ministère de l'Immigration avait des difficultés de recrutement. C'est faux. En fait, le centre avait l'an dernier un effectif de 274 employés, soit l'effectif le plus important au cours des quatre dernières années. S'il en faut plus, il y a des gens qui cherchent du travail à Vegreville.

Vous avez aussi dit que 42 p. 100 des travailleurs atteindront l'âge de la retraite au cours des cinq prochaines années. Encore une fois, c'est faux. Cela semble être la conclusion d'un bureaucrate qui a consulté une feuille de calcul au lieu de parler aux employés.

Vous avez laissé entendre que le déménagement du centre de traitement des demandes nous permettra d'économiser de l'argent. Encore une fois, c'est faux.

Vous avez indiqué que l'établissement actuel est trop petit et qu'on ne peut pas l'aménager en fonction de la croissance du centre. C'est faux.

Je pourrais continuer, mais le temps est compté. Je me contenterai de dire que le gouvernement vous induit clairement en erreur, de même que le Sénat, alors que le gagne-pain d'un si grand nombre de familles et l'avenir d'une ville sont en jeu.

N'êtes-vous pas préoccupé par le fait que le gouvernement vous fournit, ainsi qu'au Sénat, des renseignements inexacts? Pour ce qui est de l'ouverture et de la transparence, on repassera. Vous engagez- vous à demander au ministre d'abandonner cette analyse de rentabilité insensée?

L'honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Non.

La sénatrice Unger : Le gouvernement libéral a la prétention d'être ouvert et transparent, mais c'est un mythe. Vous venez justement de prouver.

Aucune consultation publique n'a été menée auprès des habitants de Vegreville avant que la ville soit soudainement avisée de la fermeture du centre de traitement des demandes. Des bureaucrates ont passé six mois à faire de la planification et des études de cas derrière des portes closes. Pourtant, ils n'ont pas pris la peine de parler aux gens de Vegreville.

Comment cela est-il ouvert ou transparent? Demanderez-vous au gouvernement s'il est disposé à relancer son examen de cet établissement, afin de consulter comme il se doit les habitants de Vegreville pour vérifier les faits?

Je ne crois pas que le refus de répondre soit une réponse.

Le sénateur Harder : En réponse à la question, oui, je transmettrai votre question au gouvernement.

(1410)

Les affaires étrangères

Le rôle international

L'honorable Mobina S. B. Jaffer : Honorables sénateurs, ma question s'adresse aussi au leader du gouvernement au Sénat. Monsieur le leader, je crois que vous êtes la personne la mieux placée pour répondre à cette question, étant donné que nul autre au Canada ne connaît mieux les affaires internationales.

Dans son discours prononcé le 6 juin à la Chambre des communes, la ministre Freeland a affirmé que le Canada doit mener une politique étrangère qui défend la coopération sur plusieurs fronts, notamment en soutenant l'ordre international fondé sur des règles, en investissant dans les forces armées et en renforçant les relations commerciales.

Je remarque que la ministre Freeland a concentré son attention sur nos alliés occidentaux comme l'OTAN, l'Union européenne et nos partenaires de l'ALENA, mais qu'elle a à peine mentionné les deux plus importantes institutions avec lesquelles nous avons toujours travaillé, c'est-à-dire le Commonwealth et la Francophonie. Notre approche a-t-elle changé? La collaboration du Canada avec le Commonwealth et la Francophonie sera-t-elle moins étroite? Quelles sont nos priorités actuelles?

L'honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie l'honorable sénatrice de sa question.

Les institutions multilatérales que la sénatrice a mentionnées ne forment pas une liste exhaustive; elles ne servent que d'exemples de la participation du gouvernement dans ces organisations. La présence du premier ministre au sommet de la Francophonie à Madagascar l'an dernier témoigne certainement de l'engagement du premier ministre et du gouvernement envers la Francophonie. Le soutien et le dévouement de la nouvelle secrétaire de la Francophonie, la très honorable Michaëlle Jean, sont l'expression de l'engagement du Canada à l'égard du multilatéralisme. La situation est similaire avec les chefs de gouvernement du Commonwealth, et le premier ministre continuera, comme toujours, à collaborer avec eux.

Selon moi, l'énoncé de l'excellente politique étrangère de la ministre décrit la participation canadienne appropriée au sein de ces diverses institutions multilatérales, et sa défense vigoureuse du multilatéralisme se trouve au cœur de la politique étrangère du Canada.

La sénatrice Jaffer : J'ai une question complémentaire. Monsieur le leader, je crois que je connais le discours de la ministre presque par cœur. Je suis profondément déçue car, lorsque le nouveau gouvernement a pris le pouvoir, on nous avait dit que le Canada était de retour. Ce discours ne montrait en rien que le Canada était de retour. Il s'agissait d'un discours sur la collaboration du Canada avec ses alliés occidentaux, l'augmentation des effectifs militaires et le commerce. Je suis convaincue qu'il ne montrait pas le retour du Canada, car vous n'avez même pas mentionné l'Union africaine. Nous travaillons énormément avec cette organisation multilatérale, et pourtant, la ministre n'a pas jugé utile de la mentionner. Le Canada est-il de retour?

Le sénateur Harder : Je remercie l'honorable sénatrice de sa question et de l'intérêt continu qu'elle porte à ces questions de politique étrangère.

J'ai fait une lecture différente du discours et, en guise de réponse, j'aimerais citer un passage dans lequel la ministre analyse les défis auxquels les générations précédentes ont été confrontées et la façon dont ces dernières et le Canada ont fait face à l'évolution de ces menaces.

La ministre a déclaré que l'ordre international mis en place par la génération précédente est confronté à deux grands défis, tous deux sans précédent. Quel est le premier de ces défis? Il s'agit de l'émergence rapide de l'hémisphère Sud et de l'Asie :

[...] et [du] besoin d'intégrer ces pays au régime économique et politique mondial d'une façon additive, qui préserve le meilleur de l'ordre qui régnait avant leur croissance et qui tient compte de la menace existentielle des changements climatiques. Il s'agit d'un problème que les nations ne peuvent pas régler en travaillant seules. Nous devons travailler ensemble.

Je me suis concentrée jusqu'à présent sur le développement de l'ordre international d'après-guerre, un processus mené principalement par les puissances de l'Atlantique : l'Amérique du Nord et l'Europe de l'Ouest.

Mais nous reconnaissons que l'équilibre global du pouvoir a considérablement changé depuis, et continuera à évoluer au fur et à mesure que de nouvelles nations prospéreront.

Le discours porte ensuite sur le rôle du G20 et et sur de nouveaux modèles de multilatéralisme — qui sont tous les deux mentionnés — et fait expressément allusion aux pays d'Amérique latine et des Caraïbes, d'Afrique et d'Asie, qui sont en plein essor.

[Français]

Les langues officielles

Le rapport annuel de 2016-2017—Les infractions

L'honorable Claude Carignan : Pour reprendre les propos de la sénatrice Jaffer selon lesquels le Canada « is back », je dirais plutôt que le Canada « is going back », et j'en veux pour preuve deux rapports déposés aujourd'hui en cette Chambre.

Le premier, celui de la commissaire aux langues officielles par intérim, nous apprend que le nombre de plaintes recevables en ce qui a trait à la Loi sur les langues officielles a pratiquement doublé, passant de 550 en 2014-2015 à 1 018 en 2016-2017, et que cette tendance se maintient dans la plupart des provinces et des territoires du pays.

Comment le gouvernement entend-il faire respecter la Loi sur les langues officielles et faire en sorte que le nombre d'infractions commises en vertu de la loi revienne à un niveau acceptable, soit à néant?

[Traduction]

L'honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie l'honorable sénateur de sa question et de son attachement à la cause des langues officielles.

Je tiens à rappeler le dévouement de la ministre responsable des langues officielles, qui s'emploie à améliorer les résultats auxquels le sénateur fait allusion et qui prend acte du rapport qui a été déposé aujourd'hui. Je veux aussi souligner les engagements pris en prévision du 50e anniversaire de la Loi sur les langues officielles, qui visent à se pencher sur le renouvellement de la loi afin qu'elle réponde mieux aux besoins et aux circonstances d'aujourd'hui.

[Français]

La commissaire à l'information

Le rapport annuel de 2016-2017—La transparence du gouvernement

L'honorable Claude Carignan : Un autre rapport a été déposé aujourd'hui, soit celui de la commissaire à l'information du Canada, Mme Suzanne Legault. Je vous réfère à un article du Journal de Montréal, dans lequel on peut lire que la culture du secret continue de régner à Ottawa. L'article dit également ce qui suit, et je cite :

Malgré les promesses « d'ouverture et de transparence » des libéraux de Justin Trudeau, le gouvernement fédéral est aujourd'hui plus opaque qu'il ne l'était lors de la dernière année au pouvoir des conservateurs de Stephen Harper [...]

Dans son rapport annuel déposé jeudi, Suzanne Legault constate un « déclin » de la transparence du gouvernement au moment où les Canadiens s'intéressent davantage à ce qui se trame dans les différents ministères.

Selon le Journal de Montréal, parmi les éléments dont on doit tenir compte pour évaluer la qualité des demandes, la commissaire note ce qui suit :

« En 2015-2016, de façon générale, le rendement des institutions en vertu de la Loi a chuté » [...]

Ainsi, l'an dernier, 24 % des demandes ont été divulguées en totalité, soit une baisse de 3 % par rapport à l'année précédente.

Des « alertes rouges » ont même été octroyées à deux ministères dont le taux de refus oscille autour de 40 %, soit la Défense nationale et Santé Canada.

D'autres passages du rapport de la commissaire à l'information témoignent de la culture du secret et de l'absence d'ouverture et de transparence que l'on observe de la part du gouvernement. Or, le Parti libéral s'est fait élire après avoir promis que le gouvernement allait faire preuve de transparence et qu'il allait prendre des engagements précis et poser des gestes décisifs.

Monsieur le leader pourrait-il nous énumérer les mesures précises que le gouvernement a prises, depuis le début de son mandat, pour faire preuve de plus de transparence, que ce soit au chapitre législatif ou monétaire, ou en termes d'actions concrètes? Car on ne les voit pas, monsieur le Président.

[Traduction]

L'honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie l'honorable sénateur de sa question. Le rapport de la commissaire illustre bien le besoin de renouveler la Loi sur l'accès à l'information et le processus par lequel l'accès est obtenu.

Dans les promesses électorales du parti au pouvoir et les lettres de mandat des ministres respectifs, il s'agissait d'une priorité. Le ministre responsable, le président du Conseil du Trésor, est fermement résolu à ce que cela soit fait. Je m'attends à ce qu'il y ait des annonces très prochainement sur les mesures qui pourraient être adoptées pour assurer le respect des lettres de mandat et des engagements pris pendant la campagne.

(1420)

La santé

Le soutien et le financement en matière d'autisme

L'honorable Jim Munson : Ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat.

Sénateur, je ne pensais jamais avoir à poser cette question — en fait, je préférerais carrément ne pas avoir à le faire. En mars, quand le budget a été déposé, tous ceux qui, comme moi, œuvrent dans le milieu de l'autisme avaient bon espoir, très bon espoir, que le gouvernement approuve le financement demandé pour la mise sur pied du Partenariat canadien pour l'autisme. Il s'agissait d'un montant de moins de 20 millions de dollars sur quatre ou cinq ans, ce qui est relativement modeste quand on pense aux milliards qui sont dépensés. Le projet de partenariat avait été lancé par le gouvernement conservateur et à travers mon travail avec le député conservateur Mike Lake. Un petit budget de 2 millions de dollars sur deux ans lui avait été accordé. Le partenariat, qui a été mis sur pied par l'Alliance canadienne des troubles du spectre autistique, rassemble la grande majorité des groupes du domaine de l'autisme au Canada. Ce partenariat devait amener le gouvernement fédéral à prendre la direction, à l'échelle nationale, des activités liées à la recherche, à la surveillance, aux groupes autochtones, et ainsi de suite, d'une manière qui nous permette de tirer parti de ce qui est déjà en place.

Hélas, il n'y a pas un sou dans le budget. Je ne perds néanmoins pas espoir. Nous continuons tous d'espérer, sincèrement.

Comment envisagez-vous le rôle du gouvernement fédéral par rapport à l'éventuelle direction d'un partenariat avec la communauté de l'autisme?

L'honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Sénateur Munson, je vous remercie de votre question et de vos efforts continus pour défendre les personnes handicapées de façon générale, mais les personnes autistes en particulier.

Comme je l'ai dit en réponse à plusieurs autres questions à ce sujet, le trouble du spectre autistique est grandement préoccupant pour les ministres responsables du dossier. Les Instituts de recherche en santé du Canada disposent de fonds d'environ 8 millions de dollars affectés spécialement à la recherche.

Pour ce qui est du financement dont parle l'honorable sénateur, je vais m'assurer de soulever la question auprès de la ministre responsable. Le gouvernement lance d'autres initiatives, y compris celles qui s'appliquent, de manière générale, aux familles dont un membre est handicapé, comme l'Allocation canadienne pour enfants — mais je comprends ce que vous voulez dire. Je m'efforcerai non seulement de trouver la réponse, mais je vais m'assurer de poser la question avec la même ferveur.

Le sénateur Munson : Je vous remercie de votre réponse. Je crois qu'il ne faut jamais baisser les bras. De plus, il faut se rappeler, sénateur Harder — et je pense que vous comprenez pourquoi je le souligne —, que c'est cette assemblée qui a approuvé un rapport du Sénat, intitulé Payer maintenant ou payer plus tard : les familles d'enfants autistes en crise. Cela fait presque 10 ans maintenant. Depuis, il y a eu quelques progrès graduels, mais c'est le Sénat qui a exhorté le gouvernement — tous les gouvernements — à participer aux efforts. À l'époque, lorsque nous avons fait pression, le gouvernement conservateur a décidé d'agir, en collaboration avec l'Agence de la santé publique du Canada.

Je ne peux que manifester une véritable déception. Lorsque nous avons commencé cette mission, 1 personne sur 150 souffrait d'une forme d'autisme; aujourd'hui, c'est 1 personne sur 68. Le pays vit une crise. Tout le monde a un voisin, un membre de sa famille, une connaissance qui en souffre. Les gens déménagent à l'autre bout du pays pour obtenir de meilleurs services, du Canada atlantique à l'Alberta. Ils contractent une nouvelle hypothèque sur leur maison et, malheureusement, beaucoup de parents divorcent en raison du stress considérable.

Je vous implore de parler aux ministres concernés. J'ai parlé avec les deux et j'espère qu'il y aura une annonce concrète où, encore une fois, que le gouvernement fédéral agira en leader et travaillera avec les provinces, parce que nous ne pouvons plus travailler en vase clos au Canada.

La défense nationale

La souveraineté de l'Arctique

L'honorable Nicole Eaton : Monsieur le leader, j'ai été un peu surprise. J'étais très contente que le ministre Sajjan redonne de la vigueur aux forces armées, parce que je crois qu'elles sont présentement en crise. Ce qui m'a le plus surprise est qu'on ne mette pas l'accent sur le Nord.

Quand on voit la Chine et la Russie construire des brise-glace, le Danemark et les autres qui circulent dans la région, je ne crois pas que les États-Unis nous aient donné l'entière propriété du passage du Nord-Ouest. Cela reste à déterminer. Cependant, il n'y a rien qui mette l'accent sur les Rangers du Nord ou même qui les mentionne; il n'y a rien dans le rapport sur la construction de plus de brise-glace ou sur l'importance du Nord.

Qu'en pensez-vous? Pourquoi tout cela ne se trouve-t-il pas dans le rapport du ministre Sajjan?

L'honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie la sénatrice de sa question. D'après ce que j'ai lu dans le rapport, et d'après le discours et les réponses du ministre, je ne crois pas que tout ça soit absent. Le rapport commence par dire que la défense du Canada et de l'Amérique du Nord, ce qui comprend assurément le Nord, est la priorité du gouvernement du Canada.

L'investissement dans le matériel reflète la capacité à répondre à cette priorité, que ce soit au moyen d'aéronefs ou de navires, mais surtout, de plus en plus, au moyen d'investissements dans l'aérospatiale et les technologies permettant d'accroître nos capacités de surveillance et d'autres capacités avant-gardistes pour défendre les intérêts du Canada et sa souveraineté. Le rapport exprime ainsi l'engagement à axer les ressources sur la défense du pays en faisant évidemment aussi grandement référence au Nord.

Plutôt que de voir un manque d'intérêt, je vois des efforts complets et concrets dans le Nord, notamment à l'aide de nouveaux moyens technologiques, de satellites et d'autres approches modernes de l'utilisation de l'espace.

La réforme démocratique

Le financement électoral

L'honorable Linda Frum : Ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat.

Monsieur le leader, aujourd'hui, le Comité des affaires juridiques et constitutionnelles a publié un rapport qui souligne les importantes lacunes de la Loi électorale du Canada qui permettent aux entités étrangères d'influencer les élections canadiennes. Le commissaire aux élections fédérales et le directeur général des élections reconnaissent que, sous le régime actuel de financement électoral, les tiers peuvent recevoir une quantité illimitée de fonds étrangers, pourvu qu'ils acceptent les fonds six mois et un jour avant la période électorale.

Aux yeux d'Élections Canada, une fois que les fonds étrangers sont réunis avec les fonds canadiens, il n'importe plus que l'argent provienne de la Russie, des États-Unis ou de l'Iran; les fonds peuvent être utilisés pendant une campagne électorale.

Il s'agit d'une échappatoire scandaleuse qui mine notre souveraineté nationale. C'est pour cette raison que j'ai présenté la semaine dernière le projet de loi S-239, Loi visant l'élimination du financement étranger. Ce projet de loi supprimera l'échappatoire, de façon à ce que le processus électoral du Canada appartienne uniquement aux Canadiens. L'objet du projet de loi est maintenant appuyé par le rapport du Sénat qui a été publié aujourd'hui.

Monsieur le leader, ma question est la suivante : le gouvernement du Canada suivra-t-il les recommandations du Comité des affaires juridiques et constitutionnelles et appuiera-t-il le projet de loi S-239?

L'honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie l'honorable sénatrice de sa question. Permettez-moi d'abord de vous féliciter non seulement d'avoir présenté le projet de loi, mais aussi de l'avoir fait progresser aussi rapidement. Il est tout à fait indiqué que Sénat agisse ainsi.

Comme on peut s'y attendre dans le cadre de l'étude normale d'un projet de loi d'intérêt public du Sénat, il existe un processus par lequel le gouvernement détermine s'il appuiera ou non les initiatives parlementaires.

J'ai porté votre projet de loi à l'attention des ministres compétents et je m'attends, lorsqu'ils l'auront examiné et en auront discuté comme il se doit, à pouvoir informer le Sénat de la position du gouvernement. Toutefois, je veux que vous sachiez, et que tous les sénateurs sachent, que c'est une question sérieuse dont le gouvernement, et le ministre responsable, surtout, sont très au courant.

[Français]

La santé

L'aide médicale à mourir—L'examen indépendant

L'honorable Claude Carignan : Ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. L'an dernier, à pareille date, nous étions en plein débat, au Sénat, sur le projet de loi C-14 qui portait sur l'aide médicale à mourir. Ce projet de loi a finalement été adopté avec dissidence et a reçu la sanction royale le 17 juin 2016. Il prévoyait, entre autres, qu'un examen indépendant de certaines questions soit entrepris au cours des mois suivant son adoption. Il est notamment question, à l'article 9.1, des mineurs matures, des demandes anticipées et des demandes où la maladie mentale est la seule condition médicale invoquée.

(1430)

Tout dernièrement, des cas bouleversants de citoyens aux prises avec de lourds problèmes ont été relayés par les médias. Le 19 mai dernier, Mme Véronique Dorval, une jeune femme de Saguenay aux prises avec une maladie mentale grave et à qui l'on a refusé l'aide médicale à mourir, s'est enlevé la vie à Québec dans des circonstances tragiques.

Le 10 mars 2017, un Québécois d'une quarantaine d'années, M. Sébastien Gagné-Ménard, a dû débourser 35 000 $ pour recevoir l'aide médicale à mourir en Suisse, loin des siens.

Le gouvernement Trudeau a discrètement annoncé, le 13 décembre 2016, qu'il a mis en œuvre un processus de révision de la loi et qu'il a mandaté le Conseil des académies canadiennes, un organisme à but non lucratif, pour effectuer des examens indépendants sur ces trois questions particulièrement complexes et délicates. L'organisme devait d'abord discuter de la portée des travaux afin d'élaborer un plan détaillé.

Ma question est la suivante : où en sont les travaux de cet organisme qui agit pour et au nom du gouvernement? En outre, cet organisme a-t-il publiquement divulgué son plan d'étude détaillé?

[Traduction]

L'honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie l'honorable sénateur de sa question. Il a raison de dire que les ministres ont retenu les services du Conseil des académies canadiennes, et je me ferai un plaisir de me renseigner et d'informer le Sénat et le sénateur du fruit de mes recherches.


ORDRE DU JOUR

La Loi canadienne sur les droits de la personne
Le Code criminel

Projet de loi modificatif—Troisième lecture—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Mitchell, appuyé par l'honorable sénatrice Gagné, tendant à la troisième lecture du projet de loi C-16, Loi modifiant la Loi canadienne sur les droits de la personne et le Code criminel.

L'honorable Donald Neil Plett : Honorables sénateurs, je prends aujourd'hui la parole à l'étape de la troisième lecture du projet de loi C-16.

Depuis la dernière fois que j'ai abordé ce sujet, le comité a pu étudier attentivement le projet de loi, notamment grâce à la contribution inestimable des témoins, qui ont su faire valoir leurs arguments avec vigueur.

Étant donné que cette mesure n'a pas été étudiée par la Chambre des communes, j'aimerais commencer par dire que je suis fier de l'excellent travail accompli jusqu'ici par le Sénat. Si je devais résumer en quelques phrases les témoignages entendus, cela ressemblerait à ceci : dans la société canadienne, les personnes trans sont discriminées et marginalisées; cette mesure législative aurait d'énormes répercussions sur les femmes; enfin, l'interprétation qui sera faite du projet de loi et des politiques connexes risque fort de constituer l'atteinte la plus patente de l'histoire canadienne à la liberté d'expression.

C'est sur ce dernier point que je m'attarderai aujourd'hui parce que, chers collègues, on ne peut pas faire comme si ce problème n'existait pas.

Déjà, à l'étape de la deuxième lecture, j'ai attitré l'attention des sénateurs sur ce que j'ai appelé le discours forcé et, au comité, plusieurs témoins ont longuement décortiqué la question, dont des avocats, des constitutionnalistes et une personne trans militant pour la liberté d'expression.

Certains partisans du projet de loi ont tenté de contourner cette question en affirmant qu'il n'y a rien dans le projet de loi qui instaure une sorte de discours forcé. Après tout, le projet de loi ne fait qu'ajouter l'identité de genre et l'expression de genre à la liste des motifs de distinction illicite de la Loi canadienne sur les droits de la personne et du Code criminel.

Toutefois, comme ces partisans le savent, le problème se pose quand on laisse l'interprétation de ces nouveaux motifs à la Commission canadienne des droits de la personne.

La plupart d'entre nous ont une assez grande expérience des projets de loi pour savoir qu'une analyse appropriée ne doit pas se limiter à leur libellé. En tant que législateurs, nous devons, à tout le moins, analyser entre autres la façon dont le projet de loi est susceptible d'être interprété et les répercussions qu'il aura sur les Canadiens.

Comme la sénatrice Jaffer l'a affirmé plus tôt cette semaine, la ministre a elle-même nié les risques d'atteinte à la liberté d'expression en faisant allusion aux dispositions sur les propos haineux dans le Code criminel.

Or, les arguments invoqués au sujet des discours forcés n'ont rien à voir avec les modifications au Code criminel, même si les sénateurs participant aux discussions sur le projet de loi prétendent malhonnêtement que celui-ci vise uniquement à régler le problème de génocide.

Un sénateur, que je respecte énormément, était furieux contre deux témoins qui ont parlé des risques d'atteinte à la liberté d'expression. Il a laissé entendre que l'incitation au génocide contre les personnes trans était parfaitement acceptable à leurs yeux. C'était vraiment épouvantable. J'ai reçu par la suite des lettres de ces deux témoins, dont l'une est une femme trans, qui se plaignaient du traitement que leur avait fait subir ce sénateur, ainsi que des insinuations qu'il avait faites. Ces deux personnes étaient seulement venues témoigner pour parler des répercussions qu'aurait cette mesure législative sur la liberté d'expression.

Je ne peux pas croire que suis obligé de le dire, mais je tiens à préciser clairement une chose : les opposants au projet de loi, y compris les témoins qui ont comparu devant le comité et moi, ne sont pas en faveur de la discrimination contre les personnes transgenres et ne désirent pas promouvoir leur génocide. Cette insinuation est à la fois absurde et insultante.

Toutefois, comme je l'ai dit, il est évident que la ministre ne comprend même pas les préoccupations liées au « discours forcé » qui ont été soulevées à maintes reprises par des juristes qui ont comparu devant le comité. En effet, la ministre a répondu aux questions à ce sujet en faisant référence aux dispositions du Code criminel concernant les propos haineux.

Permettez-moi d'expliquer la situation aux Canadiens qui s'intéressent à la question et qui s'interrogent toujours sur la façon dont le contenu du projet de loi pourrait instaurer un discours forcé. Le projet de loi C-16 s'inspire des lois semblables à l'échelle locale, dont le Code des droits de la personne de l'Ontario. Comme dans le cas de ce code, lorsqu'un nouveau motif de protection est ajouté à la Loi canadienne sur les droits de la personne, les commissions compétentes sont chargées d'établir les politiques et les lignes directrices qui s'imposent.

Il existe une longue liste de politiques fédérales calquées sur celles en vigueur à l'échelle provinciale et ayant fait l'objet d'une interprétation de la part de la commission compétente. L'intention du gouvernement à l'égard du projet de loi C-16 a été énoncée clairement dans les conclusions de l'examen qu'en a fait le ministère de la Justice et qui figurent sur son site web. Le site comprend une section sur des questions et des réponses », dans laquelle le gouvernement dit ce qui suit :

Par exemple, des définitions des termes « identité de genre » et « expression de genre » ont déjà été formulées par la Commission ontarienne des droits de la personne. La Commission a fourni des commentaires et des exemples utiles qui peuvent servir d'orientation pratique fiable. La Commission canadienne des droits de la personne formulera une orientation comparable sur la signification de ces termes dans la Loi canadienne sur les droits de la personne.

Chers collègues, cette déclaration d'intention est on ne peut plus claire. La Commission ontarienne des droits de la personne a publié une politique sur l'identité de genre et l'expression de genre et sur ce qui constitue du harcèlement et de la discrimination, y compris le refus d'utiliser le nom et le pronom personnel approprié qu'utilise une personne pour s'auto-identifier.

Si le projet de loi C-16 est adopté dans sa forme actuelle, on pourrait être accusé de discrimination si, dans le cadre d'une sphère d'activité visée par le code fédéral, on s'adresse à une personne en n'utilisant pas le pronom qu'elle a choisi ou qu'elle privilégie.

Comme l'a déclaré Jared Brown dans son analyse juridique, « [...] dans le cas où vos croyances personnelles ou religieuses ne reconnaissent pas les genres au-delà des simples sexes masculin et féminin (c'est-à-dire la non-reconnaissance des identités sexuelles non binaires, de genre neutre ou autres), vous devez toujours utiliser les pronoms non binaires, de genre neutre ou autres requis par des personnes non binaires ou de genre neutre, de crainte que vous soyez considéré comme agissant de manière discriminatoire. »

Les pronoms auxquels je fais allusion comprennent des mots comme iel, yol, ils, et cetera, mais la liste s'étire à l'infini puisque les pronoms désignent les 70 et quelque genres recensés jusqu'à maintenant. Les pronoms sont donc à la seule discrétion de la personne non binaire ou non conformiste.

(1440)

Ces termes ne figurent même pas encore dans le dictionnaire. Cela modifie toutefois la langue au moyen d'une loi, ce qui veut dire que la langue est maintenant régie par l'État.

Honorables sénateurs, tout cela est répréhensible dans un pays libre. Lorsque Jared Brown a témoigné devant le comité au sujet de la liberté d'expression, il a dit ceci :

C'est une question fondamentale. Nous savons tous que l'alinéa 2b) de la Charte prescrit que chacun a la liberté fondamentale de pensée, de croyance, d'opinion et d'expression. Nous savons tous que le gouvernement a réussi à restreindre la liberté d'expression avec le temps, mais qu'arriverait-il si le gouvernement, au lieu de restreindre ce que chacun peut dire, prescrivait ce que chacun doit dire? Autrement dit, plutôt que d'inscrire dans la loi on ne peut diffamer une personne, par exemple, le gouvernement dirait : « Quand quiconque aborde tel sujet, comme le genre, il doit utiliser tel groupe de mots et s'appuyer sur les théories approuvées par le gouvernement. »

La jurisprudence américaine définit clairement ceci comme faisant partie du discours forcé qui va à l'encontre de la Constitution. Honorables sénateurs, la Cour suprême a dit que, au Canada, toute chose qui force une personne à exprimer des opinions qui ne sont pas les siennes est une peine totalitaire et, par conséquent, est étrangère à la tradition des pays libres comme le Canada.

Certains partisans prétendent qu'il s'agit d'un faux-fuyant, affirmant, par exemple : « Le professeur Jordan Peterson ne se retrouverait jamais devant les tribunaux en raison de sa position sur le spectre des sexes ou pour avoir omis d'utiliser des pronoms de genre neutre. »

Sauf votre respect, c'est tout simplement faux. Tout d'abord, le professeur Peterson a dit dans sa première vidéo qu'il n'utiliserait pas les pronoms iel ou ille, car il considère qu'ils font partie d'une idéologie linguistique d'avant-garde.

Les services juridiques de l'Université de Toronto — et non un simple membre de l'administration — lui ont fait parvenir deux lettres le sommant de mettre fin à ses déclarations publiques et de se rétracter, car, selon eux, il contrevenait à la fois aux règles de conduite de l'université et aux dispositions du Code des droits de la personne de l'Ontario.

M. Peterson a dit ceci devant le comité :

[...] cela a confirmé la déclaration que j'avais faite dans la vidéo, c'est-à-dire que l'acte de réaliser cette vidéo était probablement déjà illégal.

Comme M. Peterson avait critiqué publiquement la politique ontarienne, la Commission ontarienne des droits de la personne s'est sentie obligée de préciser sa politique sur l'utilisation des pronoms. Elle a même déclaré ce qui suit :

Le refus de désigner une personne trans par le nom de son choix ou par un pronom personnel qui correspond à son identité sexuelle, voire le fait de mégenrer une personne de façon délibérée, est susceptible de constituer une forme de discrimination.

Que se passe-t-il, selon vous, lorsque le Tribunal des droits de la personne juge que le comportement d'une personne est discriminatoire? Ce tribunal peut imposer diverses sanctions, pécuniaires ou autres. Parmi les sanctions non pécuniaires possibles, mentionnons l'obligation de présenter des excuses, les ordonnances imposant le secret, les ordonnances de non-publication et l'obligation de suivre des séances d'information et de sensibilisation.

Si un intellectuel contestataire refuse de se conformer à ces ordonnances déplorables et rétrogrades, il risque de se voir imposer une peine d'emprisonnement. En fait, le refus de s'y conformer a déjà donné lieu, tant au niveau provincial que fédéral, à des peines d'emprisonnement. C'est absolument scandaleux, et c'est d'autant plus consternant qu'il est question, dans ce cas-ci, d'un domaine inexploré qui ne se fonde pas sur des caractéristiques immuables, mais plutôt sur des notions socioconstructivistes sur le spectre des sexes.

Pour ma part, je sais pourquoi je serais peu disposé à suivre des séances de sensibilisation obligatoires, mais j'ai tout de même demandé à M. Peterson de m'expliquer pourquoi un intellectuel contestataire et un professionnel de la santé comme lui refuserait de suivre une telle formation. Sa réponse est très éclairante :

Je suis tout à fait contre l'idée de suivre une telle formation. En fait, je refuserais catégoriquement sous toute condition de la suivre, et ce, pour de multiples raisons. La première raison, c'est que le débat scientifique sur la soi-disant accusation de préjugé implicite lié à la perception n'a pas encore abouti [...]

Il a ajouté ce qui suit :

[...] Ensuite, il s'agit de savoir où se trouvent les preuves selon lesquelles la formation contre les préjugés inconscients fonctionne. Il n'y a aucune preuve à cet égard, et les seules indications qu'on peut obtenir laissent croire qu'elle a en fait l'effet contraire, car les gens n'aiment pas comparaître devant un comité de rééducation qui modifie arbitrairement leurs perceptions fondamentales [...]

Honorables sénateurs, la langue évolue selon son usage et la pertinence des mots dans la société contemporaine. Pensons au terme « Ms. » en anglais, qui est né du besoin de régler un problème manifeste. Beaucoup de femmes souhaitaient ne pas être définies selon leur état matrimonial et voulaient avoir l'option de ne pas le voir révélé sans raison. Il s'en est suivi une évolution sociale naturelle qui s'est reflétée éventuellement dans la langue. Cette évolution n'a pas été imposée par la loi.

Pour tenter de mettre en doute le bien-fondé des politiques, certains sénateurs ont invoqué d'autres dispositions de l'incohérent Code des droits de la personne de l'Ontario, encore moins précises que celles que j'ai lues. Les contradictions dont est truffée la politique font d'elle un argument peu solide, d'autant plus que les indications les plus détaillées ont été formulées après que Jordan Peterson ait commencé à attirer l'attention du public.

Sur ce point, Brenda Cossman, professeure à l'Université de Toronto et partisane du projet de loi C-16, a dit ceci durant son témoignage devant le comité :

[...] le mauvais usage d'un pronom peut donner lieu à des poursuites devant les tribunaux des droits de la personne et les cours de justice.

Le professeur en droit Kyle Kirkup, un autre partisan du projet de loi, a répondu ceci lorsqu'on lui a demandé si une personne qui insiste pour qu'on la désigne avec un pronom non traditionnel pourrait faire entendre sa cause par la Commission des droits de la personne. Je le cite :

Nous n'avons pas eu d'affaire sur le sujet, mais je dirais absolument...

Honorables sénateurs, on a beaucoup parlé de la notion de respect au comité. Le respect ne s'impose pas par voie législative, honorables sénateurs. Le respect se mérite. Il est ridicule de laisser entendre que c'est harceler quelqu'un que de refuser de l'appeler par le nom qu'il s'est fabriqué pour qu'on le désigne.

L'expert constitutionnel Jay Cameron a déclaré ce qui suit à ce sujet :

Dans notre société, qui est une société libre et juste, nous n'obligeons pas les gens à faire preuve de respect. Il n'incombe pas au gouvernement de nous obliger à nous respecter mutuellement. Il n'y a aucune jurisprudence qui dit que je dois respecter une personne ou qu'elle doit me respecter. Je suis un avocat. Je n'oblige pas les gens à m'appeler « maître », « Monsieur Cameron » ou « avocat-procureur ». S'ils refusent de m'appeler par ces titres, je n'ai aucun recours juridique contre eux. Même chose pour un médecin, un professeur, un chevalier ou un sénateur.

Toujours sur la question du respect, le professeur Peterson affirme :

Je dirais que l'idée même que la désignation d'une personne au moyen d'un terme qu'elle n'a pas choisi peut lui causer un tort irréparable au point où des recours judiciaires sont justifiés, y compris en invoquant une violation potentielle des codes relatifs aux propos haineux, plutôt que de considérer cela comme une forme d'impolitesse, donne une idée de la mesure dans laquelle la culture de la victimisation a pris racine dans notre société.

On n'accorderait pas non plus de traitement particulier à ceux qui, pour des raisons personnelles ou intellectuelles, s'opposent à la théorie sur le continuum de l'identité sexuelle ou au constructivisme social. Même si la science est largement favorable à ce point de vue, au point où la théorie du constructivisme a été pratiquement réfutée, la loi ne tiendrait pas compte de celui-ci. La loi et l'interprétation future qu'on en fera ne s'intéresseront qu'aux défenseurs de la théorie sociologique fausse et contradictoire du continuum infini de l'identité sexuelle.

(1450)

Cette théorie s'appuie sur l'hypothèse selon laquelle le sexe, l'orientation sexuelle et l'identité de genre sont autant de facteurs qui évoluent de façon indépendante et qui n'ont donc aucune incidence les uns sur les autres.

Il existe bien des raisons légitimes de ne pas vouloir employer le langage idéologique de la neutralité de genre, et aucune d'entre elles n'est attribuable à une vision régressive, rétrograde ou ignorante.

Gad Saad, professeur de biologie évolutive, a dit au comité que des connaissances fondamentales de la biologie évolutive, notamment l'existence de différences scientifiquement démontrables entre les hommes et les femmes, sont déjà perçues comme des micro-agressions et des exemples de violence systémique dans certains campus universitaires.

En tant que scientifique et universitaire, il est vivement préoccupé par l'idée qu'on force les gens à employer un langage neutre, ce qui équivaudrait à adopter passivement cette théorie.

De façon similaire, Theryn Meyer a dit ce qui suit au comité :

En tant que femme trans, je profite de la liberté d'expression que ce formidable pays m'accorde pour préconiser la tolérance et la compréhension de mes semblables, et pour explorer les meilleures façons de négocier l'intégration de mes frères et sœurs transgenres dans la société.

Elle a ensuite dit ceci :

La raison pour laquelle je suis ici, c'est que j'ai constaté directement les motivations idéologiques sans précédent derrière les termes employés, leur utilisation et la façon dont on les définit.

Nous devons nous demander si les bienfaits de ce projet de loi l'emportent sur ses inconvénients. J'estime que la réponse va de soi, puisque la Commission canadienne des droits de la personne a affirmé que les personnes transgenres sont déjà protégées par la Loi canadienne sur les droits de la personne, et puisque le projet de loi risque de porter atteinte de façon outrancière à la liberté d'expression.

Cependant, je sais qu'il y a des membres de la communauté transgenre qui estiment que l'adoption de ce projet de loi représente la dernière pièce manquante du régime plurijuridictionnel du Canada en matière de droits de la personne. Il y a aussi bien des gens qui voient dans ce projet de loi un geste symbolique par lequel le Canada reconnaît la légitimité d'accorder aux personnes transgenres un traitement équitable au regard de la loi.

Bien que ces buts soient louables, ils ne règlent pas le problème auquel nous sommes confrontés. Nous n'avons pas, au Sénat, les ressources nécessaires pour définir les politiques et les lignes directrices connexes, mais nous pouvons préciser l'intention du Parlement. Comme le sénateur Baker l'a souvent souligné, les tribunaux font constamment référence au Sénat lorsqu'il s'agit de déterminer l'intention du Parlement. Dans le cas présent, nous avons le devoir de clarifier notre intention car, si nous ne le faisons pas, les discours forcés deviendront assurément une réalité à l'échelon fédéral une fois le projet de loi adopté.

Les témoins nous ont suppliés d'apporter un amendement. La ministre a elle-même déclaré que le projet de loi n'avait pas pour but d'instaurer des restrictions aux discours. Par conséquent, le gouvernement ne devrait avoir aucune réticence à accepter un amendement à cet effet; il devrait même l'accueillir de bon cœur.

Voici un échange qui a eu lieu lors de l'étude au comité. Le sénateur Pratte a dit ce qui suit à Bruce Pardy, un professeur de droit de l'Université Queen's :

[...] rien n'est prévu dans la loi qui oblige l'utilisation de pronoms ou de noms. Rien dans la mesure législative ne prévoit cela.

M. Pardy lui a répondu ceci :

Vous semblez interpréter la loi comme si elle n'oblige pas l'utilisation de certains termes et ne devrait pas le faire. Tout ce que je dis, c'est que c'est une possibilité en raison du contrôle que la commission a, et il y a une façon simple de s'assurer que votre objectif et le mien sont atteints, et c'est d'incorporer un amendement très simple qui énonce ce que vous venez de dire.

Faisons ce qui s'impose pour rendre notre intention claire.

Avant de terminer, je souhaite mentionner quelques situations qui m'ont grandement déçu lors de l'étude au comité.

J'ai déjà dit qu'un sénateur avait répondu, avec colère, que les témoins acceptaient l'idée d'une incitation au génocide ciblant les personnes transgenres. Je souhaitais toutefois ajouter quelque chose.

Le comité a entendu des témoins qui ont exprimé de graves préoccupations en ce qui concerne l'interprétation du projet de loi par la Commission canadienne des droits de la personne, surtout en ce qui a trait au fait de forcer les personnes qui n'approuvent peut- être pas cette théorie des genres à utiliser un langage neutre.

J'avais le sentiment que le comité ferait une grossière erreur en n'incluant pas d'observation à propos des préoccupations très graves soulevées à l'égard du discours forcé.

Certains distingués membres du comité ont fait valoir que nous ne voulions pas insinuer que les arguments invoqués par les six spécialistes qui ont exprimé ces préoccupations étaient crédibles ou valables.

J'ai trouvé cela fascinant. La personne qui a fait valoir ce point n'était même pas présente à la réunion sur le discours forcé. Ce qui est encore plus étonnant, c'est qu'aucun sénateur n'a pu avancer un seul argument pour contester ces affirmations. Cela en dit long.

L'argument du sénateur Joyal contre l'inclusion de mon observation n'était pas l'absence de préoccupations valables, mais plutôt le fait que si nous ajoutions une observation chaque fois que nous avions de graves réserves, nous aurions trop d'observations. Pour sa part, le sénateur Mitchell a justifié son opposition en soutenant qu'une telle observation ajouterait foi aux préoccupations sans faire de même pour les partisans du projet de loi.

Comme je l'ai dit alors, l'adoption du projet de loi sans amendement par le comité est un assez bon indicateur du fait que le témoignage des partisans de la mesure législative a été entendu. Cette drôle de tentative de berner les Canadiens à ce sujet est troublante, c'est le moins que l'on puisse dire.

La semaine dernière, j'ai demandé au sénateur Harder pourquoi la page web du ministère de la Justice qui faisait un lien entre le projet de loi C-16 et les politiques répréhensibles de l'Ontario avait mystérieusement disparu une fois que les préoccupations de M. Peterson ont commencé à attirer l'attention. Je suis impatient de savoir pourquoi, et à la demande de qui, la page a été retirée. Comme l'a fait remarquer un témoin, cette page était vraiment la vraie menace.

Cette préoccupation n'est pas hypothétique, contrairement à ce que plusieurs tentent de suggérer. C'est une préoccupation concrète. Comme nous le savons, de nombreux partisans reconnaissent que c'est exactement comme cela que le projet de loi sera interprété. Ils semblent convaincus que de donner le contrôle du libellé au gouvernement est une bonne idée. C'est ce qui se passe en ce moment à l'échelle provinciale. Si l'on se fie à la déclaration du gouvernement et au fait que les politiques de droits de la personne reflètent en général ce qui se fait dans les provinces, nous avons toutes les raisons de soupçonner que l'interprétation sera similaire à l'échelle fédérale.

Tout ce que nous avons à faire, c'est de préciser clairement nos intentions.

Le sénateur Joyal a demandé au professeur Bruce Pardy son avis sur le fait de laisser les tribunaux décidés si le projet de loi enfreint la liberté d'expression, plutôt que de proposer un amendement apportant une clarification, il a dit ceci :

[...] votre objectif n'est pas clair. Le projet de loi vise-t-il à imposer l'utilisation de certains termes? Certains disent que ce n'est absolument pas le cas. Si c'est votre intention, dites-le; le texte doit traduire l'intention. Pourquoi vous en remettre aux tribunaux pour établir les lois du pays? Vous êtes le corps législatif, alors légiférez.

Chers collègues, les Canadiens nous regardent. Il y a une raison pour laquelle des milliers de personnes ont suivi les audiences au comité sur le discours forcé en direct et que plus de 400 000 personnes les ont regardés sur YouTube depuis. Les Canadiens sont préoccupés, engagés et attentifs. Ils nous écoutent aujourd'hui. En fait, au cours de mes huit années au Sénat, je n'ai jamais vu un tel engagement de la part de Canadiens de toutes les allégeances politiques qui sont inquiets pour leur liberté d'expression et préoccupés par le précédent que le projet de loi établit. J'espère que vous appuierez l'amendement si vous pensez, comme moi, qu'il faut envoyer un message fort à la Commission canadienne des droits de la personne pour lui faire comprendre que la prise de mesures de protection explicites pour les personnes transgenres par voie législative ne doit pas pour autant obliger les Canadiens à employer un vocabulaire qui s'oppose à leurs opinions ou à leurs idées.

Je conclus en vous lisant un dernier commentaire que le professeur Pardy a fait au comité :

[...] le fait d'obliger les gens à utiliser certaines expressions est l'atteinte la plus flagrante à la liberté d'expression, et la liberté d'expression est probablement la liberté la plus importante que nous avons. On veut mettre des mots dans la bouche des citoyens et les menacer de les punir s'ils ne se conforment pas. Lorsque la liberté d'expression est restreinte, on peut à tout le moins se taire. Dans ce cas-ci, on veut forcer les gens à tenir des propos auxquels ils ne souscrivent pas.

Motion d'amendement

L'honorable Donald Neil Plett : Honorables sénateurs, je propose donc l'amendement suivant :

Que le projet de loi C-16 ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu'il soit modifié, à la page 2, par adjonction, après la ligne 2, de ce qui suit :

« 2.1 La même loi est modifiée par adjonction, après l'article 4, de ce qui suit :

4.1 Il est entendu que rien dans la présente loi n'a pour effet d'obliger quiconque à utiliser un mot ou une expression donnés correspondant à l'identité ou à l'expression de genre d'une personne. ».

Merci.

(1500)

L'honorable Chantal Petitclerc : Le sénateur accepterait-il de répondre à une question?

Le sénateur Plett : Très volontiers.

La sénatrice Petitclerc : Merci beaucoup, sénateur Plett. Je crois devoir poser cette question parce que votre discours m'a beaucoup touchée.

Comme je me déplace en fauteuil roulant depuis 35 ans, j'ai été désignée de très nombreuses façons. On m'a appelée personne handicapée, personne ayant une déficience, infirme. Lorsque j'allais en France, on m'appelait « invalide ». Maintenant, quand je vais en France, on dit de moi que je suis « moins valide », ce que je n'aime pas du tout. Je peux cependant vous assurer que je n'ai jamais poursuivi personne en justice, parce que je savais que personne n'avait délibérément cherché à me dire des choses blessantes ou discriminatoires.

La meilleure réponse à cela m'est venue de mon ami Rick Hansen. Nous avions eu une discussion et, à un moment donné, il a dit : « Pourquoi les gens ne nous appellent-t-ils pas tout simplement Rick ou Chantal? »

Pourquoi essayons-nous de compliquer des choses très simples quand nous avons toujours la possibilité d'appeler quelqu'un simplement par son nom?

Le sénateur Plett : Merci beaucoup, sénatrice Petitclerc.

Je dois vous dire que je suis tout à fait d'accord avec vous. Toutefois, d'après la Commission ontarienne des droits de la personne, le projet de loi m'imposera de donner aux gens des désignations avec lesquelles je suis en complet désaccord.

Je veux bien m'abstenir de vous appeler d'une façon que vous n'aimez pas. Je soutiens cependant que ce projet de loi m'obligera — non dans votre cas, mais dans le cas des personnes transgenres — à les désigner de la façon qu'ils m'ordonneront d'utiliser, et ce ne sera pas « il » ou « elle ».

Si le projet de loi me disait d'appeler « mademoiselle » une personne qui s'identifie comme femme, je n'y verrais pas d'inconvénient. J'ai toujours appelé Theryn par son nom. Theryn est une femme transgenre avec laquelle j'ai des relations très cordiales. Je l'appelle Theryn, et je pense que c'est parfaitement acceptable. Le sénateur Pratte l'a dit à quelques reprises.

Toutefois, ce projet de loi m'imposera de dire à une personne « iel » ou « ille » si c'est ce qu'elle veut. C'est à cela que je m'oppose.

Ce n'est pas une atteinte à la liberté d'expression, c'est du discours forcé, ce qui est le contraire.

Sénatrice Petitclerc, je suis tout à fait d'accord avec vous. Si vous voulez que je vous appelle « sénatrice Petitclerc », je dois vous respecter et utiliser cette désignation.

Son Honneur le Président : Le sénateur Mitchell a la parole pour la suite du débat sur l'amendement.

L'honorable Grant Mitchell : Merci beaucoup. Je voudrais aborder quelques-uns des points que le sénateur Plett a utilisés pour justifier son amendement, avec lequel je suis en profond désaccord.

Il fonde essentiellement ses arguments sur ce qu'ont dit trois témoins, l'avocat Brown, l'avocat Pardy et le professeur de psychologie Jordan Peterson. Dans chacun de ces cas, le témoin a présenté les mêmes arguments que le sénateur Plett. Dans chaque cas, cependant, il n'y a pas eu un seul exemple montrant que leurs préoccupations s'étaient concrétisées dans le monde réel. Même si ces dispositions existent dans 12 administrations du pays, elles n'ont jamais dépassé le stade de l'hypothétique.

M. Peterson s'est beaucoup inquiété de la perte possible de son emploi et du fait qu'on pourrait l'obliger à désigner des gens par « iel » ou « ille ». J'ai lu les lettres qu'il a reçues. Je n'y ai pas vu qu'il était menacé de perdre son emploi. On lui demandait seulement de faire attention et de traiter ses étudiants avec respect. Il a toujours sa salle de classe, qui m'a l'air d'être une tribune de la liberté d'expression. L'Université de Toronto lui a donné une autre pièce où il a pu discuter avec Mme Cossman. J'ai bien impression que c'est une bonne place pour la liberté d'expression. En fait, il a été invité au Sénat, qui est l'un des endroits les plus publics du pays, où il a pu dire tout ce qu'il voulait. Il faut croire que sa liberté d'expression n'a pas été particulièrement restreinte.

Il n'a jamais dit que l'un de ses étudiants l'a obligé à lui dire « iel » ou « ille ». Comme je suis le père d'enfants qui sont allés à l'université et que j'ai moi-même été étudiant, je me demande si un enseignant ne souhaite pas toujours créer un environnement respectueux et accueillant pour ses étudiants. Il a dit que si on le lui demandait d'une façon respectueuse, il serait disposé à utiliser ces pronoms.

Le second point que je veux aborder, c'est l'idée que nous changeons le discours ou obligeons les autres à adopter des mots contre leur gré. Je donnerai plus de détails à ce sujet, mais j'ai été frappé par le fait qu'environ 45 p. 100 des sénateurs sont des femmes parce qu'il y a près d'un siècle, une très importante affaire est allée devant les tribunaux, qui ont, en fait, imposé une forme de discours forcé : ils ont dit que le mot « personne » ne désigne pas uniquement les hommes et qu'il englobe, en fait, les hommes et les femmes. N'est-il pas curieux que près de 40 p. 100 des personnes qui se trouvent dans cette salle sont ici justement à cause de cette initiative relative aux droits?

Le sénateur Plett parle de construction sociale. Il est très difficile de comprendre les arguments avancés par les témoins qui ont utilisé ce terme. Je dirai cependant que chacun des témoins a essayé de prouver que le projet de loi n'avait pas sa raison d'être en disant que, d'une façon ou d'une autre, il se fondait sur une construction sociale. Qu'est-ce qu'une construction sociale? Cela n'est rien de réel.

Si quelqu'un adopte une construction sociale voulant qu'il n'aime pas les personnes transgenres et que cela l'autorise à les traiter d'une manière discriminatoire, à les battre, à les harceler ou à les intimider, alors cette construction sociale est tout à fait réelle. Et c'est de cela que traite le projet de loi. Il accorde des protections et des droits et un certain sens d'égalité et d'adaptation à tous, y compris des gens comme Brown, Pardy, Peterson et d'autres que nous acceptons dans nos vies presque tous les jours sans nous poser de questions. Lorsque nous combattons, c'est pour d'autres que nous le faisons.

Ce projet de loi est une mesure de défense des droits des autres. La grande ironie, c'est que, ce faisant, nous renforçons les droits de tout le monde. C'est ainsi que les droits de la personne sont appliqués. Ce n'est pas un jeu à somme nulle. Il y a dans le pays des personnes transgenres qui ont absolument besoin de notre aide et de la protection que peut leur assurer ce projet de loi.

Je suis fondamentalement opposé à l'amendement du sénateur Plett. Pour moi, le projet de loi C-16 n'impose en aucune façon l'utilisation de mots ou de pronoms particuliers. Il impose simplement à tous d'éviter de se comporter d'une façon discriminatoire ou de harceler une personne pour l'un ou l'autre des motifs interdits dans certains environnements, par exemple au travail et lors de la prestation de services publics.

(1510)

Les mots comptent. Nous avons bien compris cela. Chacun de nous sait d'une façon absolue que même les mots les plus bénins peuvent faire du mal s'ils sont utilisés d'une façon inappropriée ou pernicieuse, car ils sont alors assimilables à du harcèlement. Les mots les plus bénins peuvent nuire s'ils ne sont pas utilisés d'une manière respectueuse. Si des mots comme « chérie » ou « mon ange » sont utilisés au travail pour rabaisser une personne ou la traiter avec condescendance, nous savons tous que c'est absolument inacceptable. Si quelqu'un voulait rabaisser une personne transgenre, un moyen très efficace et particulièrement nuisible de le faire consiste à s'adresser à elle comme si elle n'avait pas changé de sexe, en disant systématiquement « il » à une femme ou « elle » à un homme contre son gré. Ce serait du harcèlement, qu'il s'agisse ou non d'une personne transgenre.

Si, par ailleurs, quelqu'un se sent incapable de dire « elle » à une femme parce que cela est incompatible avec ses valeurs, il lui suffit de l'appeler par son prénom. Comment est-il possible, dans notre société réputée pour son respect, sa décence et son ouverture, que la possibilité assez lointaine — et même hypothétique — d'avoir à appeler une personne par son prénom puisse être considérée comme une bonne raison de s'opposer à l'adoption de protections dont l'un des groupes les plus vulnérables, les plus aliénés et les plus harcelés de notre société a désespérément besoin?

En ajoutant cet amendement spécial ou cette disposition spéciale du sénateur Plett aux deux nouveaux motifs prévus dans le projet de loi C-16, nous aurions recours, en fait, à une technique qui n'est utilisée pour aucun autre des motifs interdits dans la législation sur les droits de la personne ou le Code criminel.

Par exemple, nous n'avons pas prévu une liste précisant ce que les chefs religieux peuvent dire. Nous ne le faisons pas parce que les définitions de la liberté de religion suffisent amplement. Nous avons au Canada un régime avancé dans le domaine juridique et le domaine des droits de la personne. Nous avons des institutions et des tribunaux tout à fait capables de déterminer les paramètres des motifs protégés dans notre législation et pour gérer les conflits qui peuvent se produire entre eux. Les tribunaux ne le font pas dans l'abstrait, comme nous le faisons ici dans le cadre du débat. Ils agissent en fonction de cas, de contextes et de faits précis en discutant spécifiquement de ces cas, contextes et faits. Ils l'ont fait très souvent avec un grand succès pendant des décennies. C'est l'une des raisons pour lesquelles nous avons obtenu des résultats remarquables au chapitre des droits de la personne.

Je veux établir un fait. La Loi canadienne sur les droits de la personne est une mesure qui évolue avec la société. C'est une loi réparatrice, et non punitive. Elle a pour objet de combattre la discrimination, non de punir des gens.

Je dis à ceux qui s'inquiètent de la liberté d'expression que chacun de nous jouit déjà d'une importante protection législative de notre liberté d'expression. Bien sûr, le discours est une forme d'expression. Toutefois, en s'opposant au projet de loi C-16, on nie aux personnes transgenres la protection de leur liberté d'expression de genre. Si quelqu'un s'oppose au projet de loi C-16 sur cette base, il dit en réalité : « Je veux que ma forme d'expression soit protégée, mais je ne veux pas que telle autre personne obtienne la protection de sa propre forme d'expression. »

La vraie grandeur de l'expérience canadienne des droits de la personne réside dans le fait que ce n'est pas un jeu à somme nulle et que la liberté d'expression d'une personne ne s'exerce pas au détriment de celle d'une autre personne. Il en ira de même avec l'application des dispositions du projet de loi C-16. Nous cherchons une solution respectueuse et polie. Nous n'avons tout simplement pas besoin de cet amendement. Notre expérience générale des droits de la personne et les deux codes que le projet de loi C-16 renforce en particulier ont bien servi les Canadiens et ont amélioré fort considérablement l'esprit de communauté, le respect et la vie de chacun d'entre nous.

Aujourd'hui, avec ce projet de loi, nous étendons ces droits à plus de gens et, ce faisant, nous renforçons les droits de tous les Canadiens. Nous pouvons être des chefs de file mondiaux à cet égard.

Des voix : Bravo!

Le sénateur Plett : Le sénateur Mitchell accepte-t-il de répondre à une question?

Eh bien, sénateur Mitchell, vous avez passé 10 minutes à défendre mes arguments. Vous prenez position en faveur de la liberté d'expression, à laquelle je ne me suis jamais opposé. J'appuie la liberté d'expression. Dans ma réponse à la sénatrice Petitclerc, j'ai appuyé à 100 p. 100 cette liberté.

Il ne s'agit pas ici de liberté d'expression, mais de discours forcé. Vous avez utilisé l'analogie de l'utilisation du terme « personne ». Je ne crois pas que quelque loi que ce soit m'oblige à dire de vous que vous êtes une « personne ». Je peux dire que vous êtes un homme; je peux dire de la sénatrice Petitclerc qu'elle est une femme, une dame. Je ne suis pas obligé de dire de vous que vous êtes une personne. Je ne vois pas d'où vient cette thèse. Je voudrais que vous m'expliquiez le lien avec le projet de loi à l'étude.

Vous dites que nous pouvons appeler les gens par leur prénom. Tout à fait d'accord. J'ai dit dans mon intervention que j'avais une excellente relation avec Theryn Meyer, et je suis heureux d'employer à son endroit un prénom féminin. Elle se dit femme, et je n'ai rien contre cela.

Je m'élève contre l'obligation qu'on voudrait me faire d'utiliser des noms et des prénoms qui ne figurent même pas dans le dictionnaire. On ne peut pas inventer des mots, simplement, et m'obliger à les employer à l'égard de certaines personnes. Vous dites que nous pouvons simplement les désigner par leur prénom. Je suis d'accord, mais le projet de loi ne le dit pas.

Ainsi, monsieur le sénateur Mitchell, je ne vois pas très bien pourquoi vous n'appuieriez pas l'amendement, car je ne m'élève pas contre les droits des personnes transgenre ni contre la protection qu'on veut leur accorder.

Je vous le demande, monsieur le sénateur Mitchell, où, dans mon intervention, ai-je dit que nous ne devrions pas être respectueux? Qu'est-ce que l'utilisation du terme « personne » a à voir avec mes propos? Ce n'est pas un terme obligé.

Je m'en tiendrai là pour l'instant. Je poserai peut-être une autre question, mais je vous invite à répondre.

Le sénateur Mitchell : Monsieur le sénateur Plett, il me semble, mais je dois me tromper, que vous n'êtes pas au courant de l'affaire « personne ». C'est à cette affaire que je me reportais. Chose curieuse, c'est grâce à la victoire remportée dans cette affaire par le grand-père de la sénatrice Nancy Ruth que celle-ci peut siéger parmi nous. Avant cette affaire, le terme « personne », utilisé dans ce contexte, puisque tous les termes sont employés dans un certain contexte, ne désignait que les hommes. Après cette décision, nous étions obligés, dans ce contexte, d'employer ce terme pour désigner à la fois les hommes et les femmes. Cela n'a rien de particulièrement neuf. En réalité, cela fait partie intégrante de ce que nous sommes, de la nature de notre institution.

Vous avancez une autre supposition qui me semble hypothétique, comme si le ciel allait nous tomber sur la tête. Oui, peut-être. Je travaille de près avec la communauté trans et des personnes trans depuis probablement cinq ans, et je n'ai jamais entendu dire que quiconque ait demandé à qui que ce soit d'employer les termes « iel » ou « ille ». Je m'attends à ce que la majorité d'entre nous vive le reste de ses jours sans que quiconque lui demande d'employer ces termes.

Si, d'aventure, cela arrivait, le groupe des droits de la personne de l'Ontario dont vous parlez souvent a dit que, si vous ne voulez pas employer ces mots, vous pouvez simplement dire « ils » ou encore, si vous ne voulez pas dire « ils », vous pouvez employer le prénom. Je dirai sur un ton un peu léger que, au Sénat, si on oublie le nom d'un collègue, nous pouvons toujours dire, du moins en anglais, « senator ».

Si on en arrivait au point où quelqu'un veuille se faire appeler « iel » ou « ille », ce qui demeure fondamentalement hypothétique, comment se fait-il que vous supposiez que le tribunal se prononcera en faveur de cette personne et contre l'autre partie? Là encore, c'est purement hypothétique. Lorsque je considère le tort, le mal qui sont faits aux personnes trans au quotidien...

(1520)

Son Honneur le Président : Excusez-moi, monsieur le sénateur Mitchell, mais votre temps de parole est écoulé. Un ou deux autres sénateurs ont une question à poser. Demandez-vous un peu plus de temps?

Le sénateur Mitchell : Bien sûr.

Son Honneur le Président : Encore cinq minutes?

Des voix : D'accord.

Le sénateur Mitchell : La douleur que ces personnes ressentent est si importante, si profonde, qu'il est presque embarrassant — je ne veux pas prendre un ton agressif — de laisser entendre, en un sens, que les Canadiens qui sont, nous le savons, fondamentalement respectueux, conciliants, accueillants, demanderont aux tribunaux de se prononcer sur une question comme celle du « iel » et du « ille ». Autant prétendre que le ciel va nous tomber sur la tête. Ce n'est vraiment pas à la hauteur de notre débat, et cela ne constitue pas un argument contre le projet de loi.

Vous faites valoir un autre point sur lequel le sénateur Baker revient constamment : les tribunaux se reportent à nos travaux et nous citent, mais pas nécessairement parce qu'ils ont besoin de parler d'un amendement ou de le citer. Ce n'est pas comme si vos propos et vos arguments ne figuraient pas au compte rendu, ou comme si la Cour suprême et les autres tribunaux ne prenaient pas connaissance des délibérations. C'est cela qu'ils regardent et qu'ils citent. Oui, c'est une autre façon de faire valoir votre point de vue, mais cela peut avoir des conséquences non voulues et il se peut que ce ne soit pas très bon en droit, car cela ne s'emploie pas ailleurs. En fait, ce serait intrinsèquement de la discrimination de recourir à ce type de disposition pour préciser un motif dans le cas particulier de personnes trans, alors que, dans les deux codes, aucun autre motif n'est précisé de cette façon.

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je sais qu'un ou deux autres sénateurs veulent poser une question, mais si vous posez une question, posez-la. Si vous voulez faire une déclaration, participez au débat et utilisez vos 15 minutes de temps de parole. Si vous avez une question à poser, allez droit au fait.

L'honorable George Baker : Est-il exact que, dans toutes les provinces et dans tous les territoires sauf un, cette même modification de la Loi sur les droits de la personne est en vigueur et s'applique depuis une décennie dans certaines provinces sans qu'aucun problème n'ait surgi? N'est-il pas exact que certains des témoins qui ont comparu au comité se plaignaient, en fait, de lois provinciales et de problèmes qui ne se sont pas manifestés depuis 10 ans, pendant que ces lois s'appliquaient déjà?

Le sénateur Mitchell : Oui, 12 provinces et territoires sont dotés de ces dispositions. Presque une dizaine ont ajouté l'expression et l'identité de genre, et trois ont prévu l'identité de genre. Il n'y aucun exemple de ce problème.

Le sénateur Plett a parlé de Gad Saad, qui s'inquiète beaucoup du projet de loi, craignant qu'il n'ait des effets dans sa classe, sans savoir que, depuis 2010, le Québec a, dans sa loi, les motifs d'identité et d'expression de genre, et que ces dispositions s'appliquent à sa classe. Il n'a jamais été aux prises avec le problème qu'il pense devoir affronter si le projet de loi est adopté, alors que ce projet de loi ne s'appliquera pas à sa classe ou à cet aspect de sa vie. Ce fut là un témoignage inepte et dépourvu de toute pertinence.

Son Honneur le Président : Nous reprenons le débat sur l'amendement.

L'honorable Marilou McPhedran : Puis-je poser une question au sénateur Plett?

Des voix : Non.

Son Honneur le Président : Je suis désolé, mais c'est trop tard, madame la sénatrice McPhedran.

La sénatrice McPhedran : Puis-je réagir?

Son Honneur le Président : Voulez-vous participer au débat sur l'amendement?

La sénatrice McPhedran : Oui, merci, je vais parler de l'amendement.

Je voudrais aborder le sujet selon un point de vue particulier, à la lumière de mon expérience pendant une certaine période de ma vie. J'ai été commissaire en chef des droits de la personne dans une province et membre du Tribunal canadien des droits de la personne, qui est chargé d'interpréter la Loi canadienne sur les droits de la personne. J'ai quelques observations à formuler au sujet de l'amendement proposé.

Voici la première. Selon des sondages réalisés depuis 2013 au sujet du symbole qui incarne le mieux le fait d'être canadien, les deux symboles qui arrivent en tête, presque à égalité, sont la Charte et le drapeau.

Toute cette idée d'une Charte des droits et libertés au Canada, à laquelle correspondent des codes semblables à l'échelle provinciale et territoriale, et qui assurent des protections à quiconque habite au Canada, est un élément central de notre être.

Je voudrais vous livrer rapidement quelques réflexions sur certaines décisions qui ont été rendues au Canada, car des thèmes qui se rattachent directement au point que l'amendement fait ressortir y reviennent constamment.

Je dois aussi faire remarquer que ceux qui, à ma connaissance, sont intervenus pour appuyer diverses versions de l'amendement et ceux que le sénateur Plett a mentionnés en proposant l'amendement ont tous des privilèges et un certain pouvoir dans notre société. C'est un élément très pertinent.

L'amendement est présenté, commenté et proposé selon le point de vue d'un homme doté de privilèges et d'un certain pouvoir. Les exemples qui nous sont donnés pour appuyer l'amendement et nous persuader de son bien-fondé sont également ceux d'hommes qui ont tous un poste qui leur confère des privilèges et un pouvoir : un professeur titularisé, le rédacteur d'un important média d'information, des avocats et un sénateur.

Il existe une énorme différence entre ce qui est décrit comme un discours forcé et un discours qui est remis en question à cause de son contexte et de son impact.

Ce sont là, chez nous, des éléments de jurisprudence très importants en ce qui concerne le discours dit « haineux ». Si vous avez un ami qui est noir, un collègue de travail qui est chinois ou coréen, ou encore si vous fréquentez des gens d'une race différente de la vôtre et si vous décidez d'employer un terme horrible, comme « nègre » ou « youpin », vous exercez votre liberté d'expression. Certes, votre comportement blessant, irrespectueux et discriminatoire peut avoir des conséquences sociales, mais il est hautement improbable que vous puissiez soutenir avec succès qu'il s'agit d'un discours forcé. Il est aussi fort peu probable que, même si on vous met en cause en raison de ces propos, vous soyez considéré comme censuré.

Il est également ridicule que, dans les témoignages invoqués à l'appui de l'amendement, on prétende que des gens risquent de se retrouver en prison parce qu'ils n'utilisent pas un certain pronom.

Dans la jurisprudence canadienne relative au discours haineux, que cette jurisprudence se situe à l'échelle provinciale, territoriale et nationale, il a toujours fallu tenir compte de l'impact, des conséquences et du contexte.

Nous devrions nous détourner légèrement de ces hommes de privilège et de pouvoir qui refusent que quiconque remette en question leur utilisation de la langue. Il faut s'interroger sur l'impact et situer les faits dans leur contexte.

(1530)

Lorsqu'on veut censurer des discours haineux ou dénoncer les conséquences de ces discours, quelles qu'elles soient, nous avons dans ce pays une jurisprudence qui montre qu'il faut une preuve des dommages causés. C'est tellement difficile à faire que le fait de négliger d'employer le pronom adéquat ne satisfait à la norme d'aucune des décisions dans lesquelles il y a eu un quelconque degré de censure dans ce pays.

Nous avons là un amendement proposé, en raison d'une perception de privilège et de pouvoir dans notre société, pour permettre de dire ce que veulent dire les personnes qui sont dans ces positions de pouvoir et de privilège. C'est une fabrication pour ce qui est des causes judiciaires réelles portant sur les discours haineux entendues chez nous, qui se seraient appuyées sur des dispositions existantes qui figuraient dans la Loi canadienne sur les droits de la personne et existent encore à l'échelon provincial.

J'aimerais simplement demander à mes collègues au Sénat de réfléchir mûrement à la différence considérable entre inclinations personnelles et responsabilité de ne pas porter préjudice à autrui par le langage employé, en particulier pour ceux et celles, parmi nous, qui sont dans une position de pouvoir et de privilège.

J'aimerais donc inviter chacun d'entre nous à s'abstenir d'appuyer cette manifestation particulière de pouvoir et de privilège.

Des voix : Bravo!

Le sénateur Plett : Accepteriez-vous de répondre à une question, sénatrice?

La sénatrice McPhedran : Bien sûr, sénateur.

Le sénateur Plett : Je vous remercie. Je comprends bien, sénatrice, vos sentiments à l'égard des hommes privilégiés; ils ressortent assez clairement des remarques que vous avez faites au début.

Mettriez-vous Theryn Meyer, une femme transgenre, dans la même catégorie? Elle fait partie elle aussi des personnes qui sont venues témoigner et elle a soutenu M. Gad Saad, M. Peterson, l'avocat qui est venu ici et d'autres professeurs. Theryn Meyer est- elle dans la même catégorie que le reste de ces personnes?

La sénatrice McPhedran : J'aimerais préciser que je répondais, sénateur, aux exemples que vous avez choisi d'utiliser dans vos arguments en faveur de votre amendement. C'est pourquoi j'ai fait remarquer que les hommes ont un privilège de pouvoir, mais j'inclurais toute personne occupant une position de pouvoir et de privilège qui aurait le sentiment de pouvoir utiliser le langage qu'elle veut à cause de sa position de pouvoir et de privilège.

L'honorable Linda Frum : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd'hui au sujet de l'amendement du sénateur Plett au projet de loi C-16, Loi modifiant la Loi canadienne sur les droits de la personne et le Code criminel en ajoutant les termes « identité de genre » et « expression de genre » aux motifs de discrimination illicite.

Que l'on soit favorable ou opposé à ce texte législatif, je sais que, dans cette Chambre, nous sommes unanimes à estimer que l'hostilité et la discrimination à l'égard des transgenres sont totalement inacceptables et ne peuvent pas être tolérées dans une société juste et bienveillante comme la nôtre.

L'intention de ces mesures législatives est de protéger les droits des transgenres et des non conformistes sexuels. Je crois que c'est une bonne intention parce que personne dans notre pays ne devrait se sentir en danger à cause de son genre ou de son identité sexuelle.

Bien que l'intérêt et l'efficacité de ces dispositions ne fassent pas consensus chez les transgenres, les gais, les lesbiennes et les féministes, beaucoup de gens sont convaincus que ces mesures législatives sont nécessaires pour protéger leurs droits.

Pour cette raison, j'ai voté en faveur de ce projet de loi lors de l'étude article par article au comité.

À ceux et celles qui croient que le projet de loi C-16 leur donnera une plus grande sécurité et les protégera davantage de l'intolérance et de la haine, je voudrais dire que j'espère sincèrement qu'il atteindra cet objectif. Toutefois, croire que ces dispositions sont une panacée qui fera chuter les taux de dépression et de suicide extrêmement élevés parmi les transgenres, ce serait se bercer d'illusions. Elles n'ont pas le pouvoir de mettre fin à l'intimidation dans les écoles ni sur les médias sociaux. Elles ne mettront pas fin à la transphobie.

Ce sont des problèmes pour lesquels il faut agir sur le plan social et sur le plan de l'éducation. Malheureusement, il n'est pas toujours possible de remédier aux maux de société avec des mesures législatives, si bien intentionnées soient-elles.

C'est ce que nous avons pu constater dans notre province, lorsque l'identité sexuelle et l'expression de l'identité sexuelle ont été ajoutées aux motifs de discrimination interdits dans la loi que la Commission ontarienne des droits de la personne a la responsabilité d'appliquer. Cet ajout n'a eu aucun effet sur le taux de suicide, de dépression ou de discrimination.

Ma décision d'appuyer ce projet de loi ne signifie pas que je n'aie aucune réserve à son égard. Étant donné la formulation trop vague employée dans le projet de loi et le refus de la ministre de la Justice de fournir des définitions des termes vagues que sont « l'identité de genre » et « l'expression de genre », il y a lieu de craindre que ce projet de loi ne restreigne outre mesure la liberté d'expression.

L'obligation d'employer un certain pronom pourrait résulter du projet de loi C-16 — et je pense que nous venons tout juste d'entendre quelqu'un soutenir que le projet de loi C-19 ne dicte pas aux gens les mots qu'ils doivent employer, mais que ce serait acceptable si c'était le cas, si j'ai bien compris — parce que, dit-on, les mots, si anodins soient-ils, peuvent faire mal et parce que le fait d'attribuer le mauvais sexe à une personne est une forme de harcèlement. Obliger les gens à employer un pronom peut avoir l'air inoffensif pour certaines personnes, mais ceux qui chérissent l'idéal de liberté d'expression par-dessus tout ont nettement l'impression que nous sommes en train de nous engager sur une pente savonneuse et s'en inquiètent.

Notre comité a entendu des témoins issus des milieux universitaires exprimer cette inquiétude, notamment le professeur Bruce Pardy, de la faculté de droit de l'Université Queen's. Le professeur a dit ceci :

Tout discours que l'on est forcé de tenir est, par définition, déraisonnable. Si vous aviez une loi, par exemple, qui obligeait les gens à dire « bonjour », « s'il vous plaît » et « merci », qui sont des termes parfaitement raisonnables, la loi serait totalitaire car elle fait dire des choses aux citoyens. Dans un pays libre, les gens décident eux-mêmes ce qu'ils veulent dire, et dès que vous leur retirez ce droit, vous ne pouvez plus affirmer que vous vivez dans une société libre.

Comme je m'associe de tout cœur à ce sentiment, j'appuie l'amendement du sénateur Plett, qui établit clairement que l'objectif du projet de loi est non d'imposer l'utilisation de certains termes, mais plutôt de protéger des personnes contre la discrimination et d'autres formes de discrimination.

L'amendement est ainsi libellé :

4.1 Il est entendu que rien dans la présente loi n'a pour effet d'obliger quiconque à utiliser un mot ou une expression donnés correspondant à l'identité ou à l'expression de genre d'une personne.

Cette simple phrase précise l'intention du Parlement : le projet de loi est conçu pour combattre le préjudice et la discrimination, et non pour restreindre la liberté d'expression.

Honorables collègues, la plupart des Canadiens ne se soucient pas de l'intention du projet de loi. Ils craignent plutôt les effets que cette mesure aura sur leur liberté d'expression. Nous avons la possibilité d'apaiser ces préoccupations sans porter atteinte à l'intention du projet de loi.

Si nous adoptons l'amendement dont nous sommes saisis aujourd'hui, nous ferons en sorte que le débat soit clairement concentré sur la protection des personnes transgenres et non conformistes.

Je félicite le sénateur Plett d'avoir proposé cet amendement et j'exhorte tous les honorables sénateurs à se joindre à moi pour l'appuyer.

L'honorable Frances Lankin : Acceptez-vous de répondre à une question, sénatrice Frum?

La sénatrice Frum : Oui.

La sénatrice Lankin : Merci. Comme vous, j'appuie le projet de loi et je rejette la discrimination contre la communauté transgenre.

J'ai de la difficulté à suivre l'argument selon lequel nous aurions affaire à du discours forcé. Je voulais interroger le sénateur Plett, mais je n'en ai pas eu le temps.

J'ai écouté ce que les autres ont dit. Vous venez de faire un commentaire concernant l'argument selon lequel le fait d'attribuer le mauvais genre à une personne soit une forme de harcèlement. Le projet de loi n'impose pas l'utilisation de termes particuliers. Il impose des restrictions sur le fait de mégenrer une personne.

Tout le monde a dit que si on a de la difficulté à utiliser des pronoms personnels non traditionnels, il est toujours possible d'appeler une personne par son prénom. On pourra toujours s'adresser à quelqu'un en lui disant : « Dites donc, vous ».

Rien ne vous force à utiliser un mot particulier. Il y a une restriction qui s'applique, comme l'a dit la sénatrice McPhedran, pour empêcher les propos blessants et malveillants, le harcèlement au travail et les situations de ce genre.

Pouvez-vous me dire de quelle façon cela représente une obligation, comme le sénateur Plett et vous l'affirmez? Je comprends votre préoccupation, mais de quelle façon le projet de loi vous impose-t-il quelque chose?

La sénatrice Frum : Nous affaiblissons l'intention dans ce débat. Nous évoquons l'idée que tout revient à désigner les gens par le bon pronom et que le projet de loi a pour seul but de protéger les gens contre une mauvaise identification de leur genre.

Bien que la plupart d'entre nous soient habitués à l'idée qu'il n'existe que deux sexes, nous savons maintenant que, dans le parler moderne, il pourrait exister jusqu'à 72 formes différentes de genre. Ces énoncés de politique ne lient pas la Commission ontarienne des droits de la personne. Ils ne lient pas non plus la Commission canadienne des droits de la personne, mais ils ont de l'importance. Ils témoignent d'une orientation. Ils valent la peine d'être pris en considération, et c'est pourquoi je les prends au sérieux. Nous devrions tous les prendre au sérieux.

(1540)

Vous dites que les gens ne seront pas obligés d'utiliser autre chose que « il » ou « elle », mais une personne peut décider que, pour être correctement reconnue et identifiée, il faut qu'on l'appelle d'une certaine façon que nous ne pouvons même pas imaginer maintenant. Si cette personne n'est pas appelée comme elle le souhaite, on pourrait assimiler cela à une forme de harcèlement. Je crois vraiment que la possibilité existe.

C'est tout à fait réel. Je crois avoir entendu dire ici même que c'est en fait ce que le Sénat souhaite.

Son Honneur le Président : Sénatrice Lankin, allez-vous poser une question ou participer au débat?

La sénatrice Lankin : J'ai une question à poser.

Vous n'avez pas expliqué de quelle façon le projet de loi impose l'utilisation de certains mots.

Si je disais « il » en parlant de vous et que vous vous y opposiez, si je le faisais systématiquement et que vous en soyez choquée, si, pour une raison ou une autre, je me refusais à dire « elle » en parlant de vous, comme vous le souhaitez, j'aurais toujours la possibilité de vous appeler « sénatrice » ou « Linda ». J'ai plusieurs choix. Je ne suis pas obligée d'utiliser le terme que vous voulez.

Soit dit en passant, lorsque j'étais ministre, le député provincial Ruprecht me posait systématiquement des questions en m'appelant « monsieur le ministre ». C'était très bizarre. Je ne me suis pas sentie offensée par les propos de ce député. De toute façon, si je m'y étais opposée, je lui aurais peut-être demandé de m'appeler « ministre de la Santé », sans l'obliger à me dire « madame la ministre ».

La sénatrice Frum : Je crois que nous y pensons surtout dans le contexte universitaire. Il est facile d'imaginer une situation dans laquelle un professeur s'adresse à ses étudiants en disant : « Est-ce que chacun et chacune peut prendre son siège? » Ou encore : « Je demande à tous et toutes de prendre leur... » Qu'arrive-t-il si ces mots ne s'appliquent pas à une personne particulière?

Voilà, je sens que mes paroles sont soumises à des restrictions. J'ai l'habitude de dire « chacun », « chacune », « il » ou « elle », mais une personne peut me dire que je suis en train de la harceler. Beaucoup de gens du secteur universitaire craignent vraiment ces situations, et ils ont de bonnes raisons de s'inquiéter.

Le sénateur Plett : Sénatrice Frum, la sénatrice Lankin vous a demandé de quelle façon cela imposait l'utilisation de certains termes. Le gouvernement a dit que la Commission canadienne des droits de la personne produirait des lignes directrices sur le sens des termes utilisés dans la Loi canadienne sur les droits de la personne, qui seraient semblables à celles de la Commission ontarienne des droits de la personne.

La Commission ontarienne des droits de la personne a produit une politique sur l'identité et l'expression de genre et sur ce qui constitue du harcèlement et de la discrimination, y compris le refus de désigner une personne — nous ne parlons pas ici de liberté d'expression, il s'agit bien d'imposer quelque chose — par le nom et le pronom personnel qu'elle a choisis.

Ne croyez-vous pas qu'il s'agit ici de discours forcé?

La sénatrice Frum : Je vous remercie de la question. Oui, je le crois.

Le sénateur Plett : Merci.

L'honorable Marc Gold : Je voudrais commencer par remercier le sénateur Plett d'avoir soulevé cette question. Je sais que les propos de ce genre sont souvent accueillis avec un certain scepticisme, un peu comme quand on dit : « Je vous remercie de votre question » après avoir été vertement critiqué par quelqu'un.

Je vous affirme que mes remerciements sont sincères. J'ai commencé ma carrière universitaire de professeur de droit en écrivant des textes sur l'égalité. J'ai examiné la Déclaration canadienne des droits — car je suis vieux — et, plus tard, la Charte. Cependant, je n'ai jamais minimisé l'importance des autres droits et libertés. En particulier, j'attache une énorme importance à la liberté de pensée et à la liberté d'expression et d'opinion. Ces libertés sont essentielles, voire fondamentales pour notre démocratie constitutionnelle. Je prends très au sérieux l'argument selon lequel le projet de loi C-16 pourrait empiéter sur la liberté d'expression en forçant quelqu'un à dire une chose à laquelle il s'oppose. C'est la question du discours forcé. Elle est assez sérieuse pour qu'on ne veuille pas en faire abstraction.

Je dois admettre que j'ai trouvé la question difficile. Je sais que je ne suis pas le seul dans ce cas. Nous avons tous été aux prises avec cette difficulté.

Je vous remercie donc sincèrement de l'avoir soulevée. Cela m'a obligé à y réfléchir longuement. Après l'avoir fait, je ne peux pas appuyer l'amendement. Je vais vous dire pourquoi.

Je ne suis pas d'accord avec vous pour dire qu'il s'agit d'une question de discours forcé. De plus, je ne peux pas appuyer l'amendement car, à mon avis, il n'est pas souhaitable dans une perspective de droits de la personne et, en toute franchise, il n'est pas nécessaire pour protéger la liberté d'expression comme nous la comprenons d'un point de vue constitutionnel et comme elle est protégée par la Constitution.

L'amendement n'est pas souhaitable dans une perspective de droits de la personne, car il y a des circonstances où la façon dont nous nous parlons, et même l'emploi de certains pronoms, pourrait bien être assimilés à du harcèlement et, partant, à une pratique discriminatoire aux termes de la Loi canadienne sur les droits de la personne, mais cela constituerait, à mon avis, une limite raisonnable à notre liberté d'expression.

Deuxièmement, l'amendement n'est pas nécessaire, car nos processus actuels relatifs aux droits de la personne et notre système judiciaire sont assez bien conçus pour établir un équilibre approprié entre des droits et libertés contradictoires et, par conséquent, pour garantir que notre droit constitutionnel de parler librement n'est pas indûment compromis par les dispositions d'une mesure législative telle que le projet de loi C-16.

Honorables sénateurs, commençons par situer la question dans son plein contexte. Tout d'abord, il est clair pour nous tous que la question des pronoms ne joue pas un rôle fondamental dans le projet de loi C-16. L'objet central du projet de loi et, par conséquent, la plupart sinon la totalité des plaintes porteront sur des cas allégués de discrimination contre des personnes transgenres et non binaires en matière d'emploi, de logement, de services, etc. Admettons, pour être honnêtes, que les pronoms que nous utilisons ne jouent qu'un rôle périphérique dans le projet de loi.

[Français]

Deuxièmement, comme on l'a mentionné à plusieurs reprises au cours du débat, il n'y a aucune obligation d'utiliser un pronom spécifique. Une personne a toujours le choix de s'adresser à une autre personne par son nom de famille.

[Traduction]

Pour dire les choses simplement, ce n'est pas vraiment un cas de discours forcé.

[Français]

Troisièmement, soyons très clairs sur ce qui représente vraiment un enjeu, dans le cas qui nous intéresse, et ce qui n'en est pas un. Le projet de loi C-16 n'empêcherait pas un individu, comme le professeur Petersen, par exemple, d'exprimer son objection à l'utilisation de pronoms neutres d'identité de genre.

Voici ce qu'affirmait le juge Rothstein, de la Cour suprême, dans l'arrêt Whatcott (2013) concernant les propos haineux :

Les dispositions législatives interdisant les propos haineux ne visent pas à décourager l'expression d'idées répugnantes ou offensantes. Par exemple, elles n'interdisent pas les propos dans lesquels on débat de l'opportunité de restreindre ou non les droits des groupes vulnérables de la société. Elles visent seulement à restreindre le recours à des propos qui les exposent à la haine dans le cadre d'un tel débat.

[Traduction]

En tant qu'intellectuel, M. Peterson est libre de critiquer la thèse des sciences sociales sur laquelle se fonde la notion que le genre est plus fluide que ce que nous avons été habitués à croire ou à comprendre. Il est libre de critiquer le projet de loi et l'utilisation des pronoms. Ce n'est pas la question qui se pose ici. Nous devons dire clairement — et je trouve cela heureux — que cela ne constitue pas un élément central du débat.

Admettons que tout ce que je viens de dire, de même que l'essentiel de ce qui a été dit au cours de ce débat, ne répond pas pleinement aux préoccupations des gens qui estiment que le projet de loi fait courir des risques, en vertu de la Loi canadienne sur les droits de la personne, à ceux qui n'utilisent pas le pronom choisi par les intéressés.

Admettons aussi — comme on l'a noté aujourd'hui — qu'il y a des circonstances susceptibles d'être assimilés à du harcèlement et, par conséquent, à une pratique discriminatoire en vertu de la loi. On peut quand même se demander ceci : quand? Dans quelles circonstances? À quel moment l'omission du pronom approprié est-elle assimilable à de la discrimination en vertu de la loi?

On a beaucoup parlé des politiques produites par la Commission ontarienne des droits de la personne. Cela est facile à comprendre. Soyons clairs : il s'agit de politiques et non d'énoncés de droit. Ces énoncés de politique ne lient pas la Commission ontarienne des droits de la personne. Ils ne lient pas non plus la Commission canadienne des droits de la personne, mais ils ont de l'importance. Ils témoignent d'une orientation. Ils valent la peine d'être pris en considération, et c'est pourquoi je les prends au sérieux. Nous devrions tous les prendre au sérieux.

(1550)

Nous avons déjà entendu ce que la Commission ontarienne des droits de la personne a dit au sujet de sa politique sur les pronoms neutres dans son document diffusé le 14 avril 2014. Je ne vais pas le répéter. Le sénateur Plett l'a souligné à deux occasions, et c'est exact. J'aimerais toutefois ajouter ce qu'on dit également au sujet du harcèlement, puisque le Code des droits de la personne de l'Ontario et la Loi canadienne sur les droits de la personne abordent la question du harcèlement en tant qu'acte discriminatoire. Alors, qu'entendons-nous par harcèlement? La Commission ontarienne des droits de la personne a défini le harcèlement de la façon suivante : « Fait pour une personne de faire des remarques ou des gestes vexatoires lorsqu'elle sait ou devrait raisonnablement savoir que ces remarques ou ces gestes sont importuns. »

Lors d'une réunion du comité chargé d'étudier le projet de loi, j'ai posé la question suivante à un témoin :

Si je vous dis de vous adresser à moi en utilisant un pronom neutre parce que c'est ainsi que je me perçois, car il est blessant que vous m'appeliez « monsieur », « madame » ou peu importe, mais que vous refusez, et que je vous dis que vous pouvez m'appeler « Marc » si cela vous rend mal à l'aise, mais que vous refusez de nouveau et que vous continuez de vous adresser à moi de la façon qui m'est offensante...

— parce que cela ne correspond pas à qui je suis —

... n'est-ce pas une situation à laquelle la loi peut remédier adéquatement?

— pour ne pas dire « devrait » remédier adéquatement?

Honorables sénateurs, cet exemple est-il si différent du comportement d'une personne qui continuerait d'utiliser le mot « boy », en anglais, lorsqu'elle s'adresse à un Afro-Canadien, sachant fort bien que l'intention est de blesser et de diminuer? Est-ce si différent de l'emploi du terme « ma jolie » lorsqu'on s'adresse à une employée de sexe féminin, alors que celle-ci vous a dit, comme si vous ne le saviez pas déjà, qu'elle trouve ce terme dégradant?

À mon avis, l'utilisation répétée et intentionnelle de termes qui ne correspondent pas au genre de la personne, si celle-ci a dit qu'ils ne correspondaient pas à sa réalité et étaient blessants pour elle, surtout dans le milieu de travail ou dans un autre milieu public, équivaudrait probablement à du harcèlement, ce qui constituerait une infraction à la loi. À mon avis, on considérerait qu'il s'agit là d'une limite raisonnable à la liberté de dire tout ce qu'on veut, ce qui est parallèle aux dispositions sur le libelle et la diffamation.

Vous remarquerez que je n'ai pas parlé de discours haineux, car j'ai du mal avec les dispositions sur le discours haineux. Bien des amis à moi, dans mon milieu, n'aiment pas beaucoup que je dise cela. Je me considère comme un partisan de la liberté d'expression. J'ai reçu un courriel méchant après avoir dit cela au cours d'une séance de comité, mais je maintiens ma position. Ces dispositions ont été jugées constitutionnelles, mais cela ne veut pas dire qu'elles donnent de bonnes lois. Nous avons droit à nos divergences d'opinions.

Mais les lois sur le libelle et la diffamation... Il nous est interdit de dire des choses qui causent un préjudice à autrui. Ce n'est pas plus compliqué que cela. Tout dépend du contexte et de l'intention.

Convenons que la façon dont nous nous exprimons dans certains contextes et certaines circonstances peut constituer du harcèlement et, par conséquent, de la discrimination, même si les dispositions du Code criminel sur le discours haineux ne peuvent s'appliquer. Convenons également que tout cela fait surgir un problème de liberté d'expression, mais ce n'est pas un problème de discours forcé, j'insiste là-dessus. C'est néanmoins un problème de liberté d'expression.

Honorables sénateurs, s'il s'agit là d'un cas relativement clair, d'autres seront plus difficiles. Admettons-le également.

[Français]

Et si la personne n'avait aucune mauvaise intention, mais souffrait d'une simple difficulté personnelle à utiliser le pronom désiré?

[Traduction]

Certains mots ne viennent pas aisément, c'est sûr.

[Français]

Ou s'il ne s'agissait pas d'un comportement habituel, mais bien d'un cas isolé?

De plus, qu'en est-il des causes présentées de mauvaise foi — malheureusement, cela arrive — aux commissions, à la seule fin de se servir du présumé agresseur? Que fait-on de ces cas? Ne devrions- nous pas être inquiets des conséquences qu'auront ces dossiers sur la liberté d'expression?

Cela m'amène à la deuxième raison pour laquelle je m'oppose à l'amendement : il n'est pas nécessaire pour protéger nos droits à la liberté d'expression.

[Traduction]

Honorables sénateurs, nous devons faire confiance dans une certaine mesure à nos processus administratifs et juridiques et aussi à notre système juridique. N'oublions pas que le projet de loi C-16 n'a pas inventé un processus tout nouveau pour les enquêtes et l'arbitrage en matière de droits de la personne. Il existe un système juridique bien établi, avec ses règles et ses processus bien connus.

[Français]

La Commission des droits de la personne a de l'expérience en ce qui concerne l'évaluation des réclamations et la sélection des demandes qui méritent d'être examinées ou rejetées. De plus, la liberté d'expression n'est qu'un des nombreux droits et libertés qui sont protégés par la loi. Parfois, ces droits coexistants entrent en conflit et exigent ainsi un arbitrage. À ce titre, la commission et les tribunaux ont acquis une grande expérience dans le traitement des situations conflictuelles, qu'il s'agisse d'égalité, de liberté religieuse ou d'autres situations apparemment contradictoires.

[Traduction]

Troisièmement, et c'est le plus important, la commission et les tribunaux sont liés par la Charte canadienne des droits et libertés, ainsi que par l'obligation de protéger la liberté d'expression qu'elle garantit. C'est là un point fondamental et il est souvent négligé, à dire vrai, dans les discussions de cette nature : nous avons tendance à mettre l'accent sur le rôle des tribunaux dans la protection des droits et libertés et la recherche d'un juste équilibre entre des droits qui sont en conflit — et cela se comprend.

Veiller au respect de la Constitution et de la Charte n'est pas la responsabilité des seuls tribunaux. Au Sénat, nous le savons, car c'est aussi notre responsabilité. La Commission des droits de la personne et le Tribunal des droits de la personne — aux niveaux fédéral et provincial — sont tenus par la Constitution et par la loi de veiller à ce que leurs actes soient respectueux de l'ensemble des droits et libertés, dont la liberté d'expression garantie par la Charte canadienne. Nous avons parfaitement le droit de nous attendre à ce que la commission tienne compte de ce fait lorsqu'elle décide de donner suite ou non à une plainte. Nous avons parfaitement le droit de nous attendre à ce que les tribunaux en tiennent compte aussi dans leurs décisions.

À tous les stades du processus de la protection des droits de la personne, la question du droit constitutionnel à la liberté d'expression est prise en considération, et elle doit l'être aussi lorsqu'il s'agit de voir s'il y a eu discrimination aux termes de la loi.

Bien sûr, la décision d'un tribunal peut donner lieu à un appel, qui peut franchir tous les stades jusqu'à la Cour suprême du Canada.

Voilà le processus en place, depuis longtemps du reste, aux termes de la Loi canadienne sur les droits de la personne, et le projet de loi C-16 n'y change rien. Bien sûr, il y aura des affaires difficiles à trancher et les choses ne sont pas toujours parfaitement claires. Pourquoi s'en étonner? La loi, tout comme la vie, est une affaire compliquée et pas toujours propre, mais nous avons un système juridique perfectionné qui est solidement constitué pour traiter les affaires épineuses dans lesquelles des droits peuvent s'opposer. Lorsque ces affaires difficiles se présentent, les tribunaux sont là pour les élucider.

Voyons maintenant les principaux objectifs et les conséquences probables du projet de loi C-16. Il ne s'agit pas des droits à la libre expression de ceux qui refusent de respecter la volonté d'autres personnes qui veulent qu'on s'adresse à elles en fonction de qui elles sont.

Son Honneur le Président : Sénateur Gold, je suis désolé de vous interrompre, mais votre temps de parole est écoulé. Demandez-vous plus de temps?

Le sénateur Gold : Puis-je avoir encore cinq minutes?

Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D'accord.

Le sénateur Gold : Merci. L'objectif visé est de protéger la communauté trans contre la discrimination constante et cruelle dont elle est régulièrement victime. Nous avons les moyens de gérer les affaires difficiles de liberté d'expression lorsqu'elles surgissent. Donnons-nous enfin les moyens d'aider à protéger des membres de notre société qui sont parmi les plus vulnérables.

Honorables sénateurs, l'amendement n'est ni nécessaire ni souhaitable. Je vais voter contre et je vous invite à faire de même.

(1600)

Le sénateur Plett : Accepteriez-vous de répondre à une question, monsieur le sénateur Gold?

Le sénateur Gold : Bien sûr.

Le sénateur Plett : Vous m'avez remercié d'avoir soulevé cette question, et je vous remercie d'avoir étayé mon argument pendant la fin de votre intervention. Clairement, compte tenu des applaudissements, tout le monde est d'accord.

Vous avez parlé de liberté d'expression, et je suis en faveur de la liberté d'expression. Vous n'avez pas parlé de discours forcé, mais je l'ai fait. Vous dites que ce n'est pas une question de discours forcé, mais j'ai soutenu le contraire. Brenda Cossman, votre ancienne collègue, dit que c'est une question de discours forcé. La Commission ontarienne des droits de la personne dit la même chose. S'il ne s'agit pas de discours forcé et si vous croyez en la liberté d'expression, qu'y a-t-il de mal à ajouter « il est entendu que »? La ministre l'a dit. Alors, quel mal y a-t-il à apporter cette précision?

Je ne dis rien contre le projet de loi et je ne cherche pas à le modifier. Je dis simplement qu'« il est entendu » qu'il ne fait pas une certaine chose. Vous dites qu'il ne fait pas cette chose. Alors, quel mal y a-t-il à ajouter « il est entendu que »?

Le sénateur Gold : Merci de votre question, monsieur le sénateur Plett. Ce n'est pas un cas de discours forcé, et j'ai essayé de l'expliquer. Je ne souscris pas à votre interprétation. Je ne pense donc pas que l'amendement soit nécessaire. Le sénateur Mitchell et d'autres ont expliqué avec plus d'éloquence que moi pourquoi il est inutile et pourquoi il serait nuisible. Je suis satisfait de cette réponse.

Sur le plan pratique, le temps est venu d'adopter le projet de loi tel quel, puisque l'amendement est inutile. Et enfin, après tant d'années et tant de tentatives, nous réglerons cette question et nous pourrons aller de l'avant.

L'honorable Joan Fraser : Le sénateur Gold accepterait-il de répondre à une autre question?

Le sénateur Gold : Bien sûr.

La sénatrice Fraser : Je n'ai pas participé à l'examen du projet de loi, mais je me demande si vous pourriez m'éclairer sur un point. Si nous adoptons l'amendement du sénateur Plett, qui porte seulement sur l'identité ou l'expression de genre — autrement dit, si nous ajoutons une protection particulière concernant l'identité et l'expression de genre, sans tenir compte de tous les autres motifs de distinction illicite —, ne créons-nous pas un déséquilibre dans la loi, ce qui n'est généralement pas souhaitable?

Le sénateur Gold : Merci de votre question, sénatrice Fraser. Je crois que c'est le cas. La situation ouvrirait certainement la porte à l'argument que la disposition en soi contrevient à la Charte. J'ignore comment elle serait traitée dans le système. J'ai l'impression que ce serait une perte de temps et de ressources en plus d'introduire un degré d'incertitude beaucoup plus grand que nécessaire dans la loi.

L'honorable Yonah Martin (leader adjointe de l'opposition) : J'ai une question à poser avant de demander l'ajournement du débat au nom du sénateur Tannas.

Son Honneur le Président : Comme il reste une minute au sénateur Gold, votre question devra être courte.

La sénatrice Martin : J'interviendrai plus tard dans le débat, étant donné que le temps manque. Par conséquent, je demande l'ajournement au nom du sénateur Tannas, qui souhaite prendre la parole au sujet de cet amendement.

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président : L'honorable sénatrice Martin, avec l'appui de l'honorable sénateur Neufeld, propose que le débat soit ajourné à la prochaine séance du Sénat.

Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

Des voix : Non.

Son Honneur le Président : Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix : Oui.

Son Honneur le Président : Que les sénateurs qui sont contre la motion veuillent bien dire non.

Des voix : Non.

Son Honneur le Président : À mon avis, les non l'emportent.

Et deux honorables sénateurs s'étant levés :

Son Honneur le Président : Je vois deux sénateurs se lever. Les whips se sont-ils entendus sur le moment du vote?

Le sénateur Plett : Dans une heure.

Son Honneur le Président : La sonnerie retentira pendant une heure, et le vote aura lieu à 17 h 4. Convoquez les sénateurs.

(1700)

La motion est adoptée et le débat est ajourné.

POUR
LES HONORABLES SÉNATEURS

Ataullahjan Kenny
Baker Lankin
Batters Lovelace Nicholas
Bellemare Maltais
Bernard Marshall
Beyak Martin
Boisvenu Massicotte
Bovey McCoy
Brazeau McInnis
Campbell McIntyre
Carignan McPhedran
Christmas Mégie
Cordy Mitchell
Cormier Moncion
Dagenais Munson
Day Ngo
Dean Ogilvie
Downe Oh
Eaton Petitclerc
Eggleton Plett
Enverga Poirier
Forest Pratte
Fraser Ringuette
Frum Runciman
Gagné Saint-Germain
Galvez Seidman
Gold Smith
Greene Stewart Olsen
Griffin Tardif
Harder Unger
Hartling Watt
Housakos Wells
Jaffer Wetston
Joyal Woo—68

CONTRE
LES HONORABLES SÉNATEURS

Aucun.

ABSTENTIONS
LES HONORABLES SÉNATEURS

White—1

(1710)

La commissaire aux langues officielles

Retrait de la motion tendant à approuver sa nomination

À l'appel de l'article no 106, de l'honorable Peter Harder, sous les affaires du gouvernement, motions :

Que, conformément à l'article 49 de la Loi sur les langues officielles, L.R.C. 1985, Chapitre 31 (4e suppl.), le Sénat approuve la nomination de Madeleine Meilleur à titre de commissaire aux langues officielles.

(La motion est retirée.)

L'ajournement

Adoption de la motion

L'honorable Diane Bellemare (coordonnatrice législative du gouvernement au Sénat), conformément au préavis donné le 7 juin 2017, propose :

Que, lorsque le Sénat s'ajournera après l'adoption de cette motion, il demeure ajourné jusqu'au mardi 13 juin 2017, à 14 heures.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée.)

Projet de loi sur les sanctions non liées au nucléaire contre l'Iran

Troisième lecture—Reprise du compte des jours à zéro

Le Sénat passe à l'étape de la troisième lecture du projet de loi S- 219, Loi visant à dissuader l'Iran de parrainer des actes constituant du terrorisme, de l'incitation à la haine et des violations des droits de la personne.

L'honorable Yonah Martin (leader adjointe de l'opposition) : Le sénateur Tkachuk m'a demandé de reprendre le compte des jours à zéro parce que cet article en est au 15e jour.

Son Honneur le Président : Êtes-vous d'accord, honorables sénateurs, pour reprendre le compte de cet article à zéro?

Des voix : D'accord.

(Le compte des jours est repris à zéro.)

Les travaux du Sénat

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, comme il est 17 h 15, conformément à l'article 9-6 du Règlement, je dois interrompre les travaux. La sonnerie retentira afin de convoquer les sénateurs pour le vote, à moins qu'il y ait consentement pour procéder autrement.

[Français]

L'honorable Diane Bellemare (coordonnatrice législative du gouvernement au Sénat) : J'aimerais informer les sénateurs que nous avons une entente selon laquelle nous allons passer directement au vote maintenant.

[Traduction]

Son Honneur le Président : Est-ce d'accord, honorables sénateurs?

Des voix : D'accord.

La Loi sur l'hymne national

Projet de loi modificatif—Troisième lecture—Rejet de la motion d'amendement—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénatrice Lankin, C.P., appuyée par l'honorable sénatrice Petitclerc, tendant à la troisième lecture du projet de loi C-210, Loi modifiant la Loi sur l'hymne national (genre).

Et sur la motion d'amendement de l'honorable sénateur Plett, appuyée par l'honorable sénateur Wells,

Que le projet de loi C-210 ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu'il soit modifié à l'annexe, à la page 2, dans la version anglaise, par substitution, aux mots « in all of », des mots « thou dost in ».

Son Honneur le Président : Le vote porte sur la motion suivante : l'honorable sénateur Plett, avec l'appui de l'honorable sénateur Wells, propose :

Que le projet de loi C-210 ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu'il soit modifié à l'annexe, à la page 2, dans la version anglaise, par substitution, aux mots « in all of », des mots « thou dost in ».

La motion d'amendement, mise aux voix, est rejetée.

POUR
LES HONORABLES SÉNATEURS

Ataullahjan Oh
Batters Patterson
Beyak Plett
Carignan Poirier
Eaton Runciman
Enverga Seidman
Housakos Smith
Martin Unger
Ngo Wells—18

CONTRE
LES HONORABLES SÉNATEURS

Baker Hartling
Bellemare Jaffer
Bernard Joyal
Bovey Kenny
Brazeau Lankin
Campbell Lovelace Nicholas
Christmas Massicotte
Cordy McCoy
Cormier McPhedran
Day Mégie
Dean Mitchell
Downe Moncion
Duffy Munson
Eggleton Petitclerc
Forest Pratte
Gagné Ringuette
Galvez Saint-Germain
Gold Tardif
Greene Watt
Griffin Woo—41
Harder  

ABSTENTIONS
LES HONORABLES SÉNATEURS

Boisvenu Marshall
Dagenais McInnis
Fraser McIntyre
Frum Stewart Olsen—9
Maltais

(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)

(1720)

Le Code criminel

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénatrice Hervieux-Payette, C.P., appuyée par l'honorable sénateur Joyal, C.P., tendant à la deuxième lecture du projet de loi S- 206, Loi modifiant le Code criminel (protection des enfants contre la violence éducative ordinaire).

L'honorable Jim Munson : Honorables sénateurs, je sais bien qu'il est tard, mais j'ai travaillé sur ce discours et je pense qu'il est important. J'accepte d'ajourner le débat sur le débat au nom de la sénatrice Martin après mon discours. Il est ajourné à son nom.

Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D'accord.

Le sénateur Munson : Honorables sénateurs, je suis conscient de l'heure qu'il est, mais je vais être absent la semaine prochaine et, comme le temps file, je veux être certain de pouvoir prendre la parole sur le sujet avant la fin de juin.

Honorables sénateurs, j'interviens aujourd'hui pour appuyer le projet de loi S-206, qui vise à abroger l'article 43 du Code criminel du Canada.

Dans son libellé actuel, l'article 43 contrevient aux droits fondamentaux des enfants. Il permet, encore aujourd'hui, que des punitions corporelles soient infligées aux enfants. Ces derniers se retrouvent ainsi exposés à tout un éventail d'actes de violence de la part d'un parent, des actes qui sont légaux et le resteront à moins que cet article du Code criminel soit abrogé.

Les enfants canadiens devraient bénéficier de la même protection contre la violence physique que les adultes canadiens et les enfants d'un grand nombre d'autres pays. Il est insensé qu'une notion désuète — plus de 125 ans — légalise l'emploi de la force pour punir un enfant alors que, dans la majorité des cas, les études publiées de nos jours montrent que les châtiments corporels comme méthode de punition causent du tort et ne fonctionnent pas.

Honorables sénateurs, il n'y a aucune preuve évidente que le fait d'infliger à des enfants des punitions corporelles ait un avantage quelconque. Tout porte cependant à croire que ces punitions ont des effets négatifs immédiats et durables sur les enfants. Cela a été démontré de manière concluante dans la Déclaration canadienne conjointe sur les punitions corporelles données aux enfants et aux adolescents, établie par une coalition de six organisations nationales dirigées par le Centre hospitalier pour enfants de l'est de l'Ontario. Près de 600 organisations canadiennes respectées de garde d'enfants, de santé et d'éducation ont confirmé la recherche et lancé un appel en faveur de l'abrogation de l'article 43.

La recherche a montré que les punitions corporelles n'atteignent pas efficacement leur objectif. Même si elles entraînent une obéissance immédiate, leur efficacité est éphémère et le risque d'aggravation de ces punitions à l'avenir est élevé. Le recours à la force ne modifie pas sensiblement le comportement ciblé, mais il a d'importants effets parce qu'il est lié à des préjudices inquiétants et évitables, dont les lésions physiques, les mauvaises relations avec les parents, les comportements antisociaux, l'agressivité, un développement cognitif moindre et des problèmes de santé mentale.

Les punitions corporelles infligées dans l'enfance ont des effets négatifs durables, augmentant la probabilité d'agression, de comportement criminel et de mauvaise santé mentale à l'âge adulte. Les enfants qui subissent de telles punitions sont plus susceptibles que les autres de faire plus tard preuve de violence envers leurs propres enfants et leurs partenaires intimes. Ils ont, en outre, une plus grande tolérance de la violence à l'âge adulte et peuvent trouver normal un comportement sérieusement abusif, si celui-ci faisait partie de leur expérience personnelle dans l'enfance.

L'article 43 valide cette normalisation ainsi que la perpétuation de la violence dans la société.

Dans son discours sur le projet de loi S-206, le sénateur Sinclair nous a rappelé un horrible chapitre de l'histoire de notre pays au cours duquel l'idée de « force raisonnable » a été dangereusement interprétée. Dans les pensionnats indiens, les enfants étaient exposés à une violence inimaginable. Ces enfants n'étaient pas suffisamment protégés contre les agressions. Par conséquent, leurs terribles expériences ont eu des effets durables sur les communautés autochtones d'aujourd'hui.

La tragédie des pensionnats a montré d'une façon indubitable que le recours à la force pour changer le comportement d'un enfant ne marche tout simplement pas. Il est cruel. Notre pays a appris cette leçon au prix de terribles souffrances que nous ne pouvons pas oublier.

La Cour suprême du Canada a admis que l'article 43 est trop vaste pour protéger les enfants contre la violence physique. La décision qu'elle a rendue en 2004 a arbitrairement limité des facteurs tels que le genre d'agression et l'âge de l'enfant. D'après les critères de la cour, une tape sur la tête est criminelle tandis qu'une tape ailleurs peut faire partie des mesures correctives prises par les parents. Frapper un enfant âgé de plus de 12 ans ou de moins de 2 ans est criminel, mais frapper un enfant de 4 ans est utile. Ces critères sèment la confusion quand ils ne sont pas franchement dangereux. La Cour suprême tolère donc certains types de violence et en criminalise d'autres en fonction du moment et de l'endroit où l'enfant est puni.

Ces restrictions de l'article 43 transmettent des messages déroutants relatifs aux agressions physiques et ne peuvent vraiment pas protéger les droits et la dignité des enfants.

Les adversaires du projet de loi admettent que la violence envers les enfants est odieuse, mais ils croient que l'article 43 permet aux parents d'imposer une discipline raisonnable tout en criminalisant les agressions physiques graves.

Toutefois, leurs arguments supposent que le fait de discipliner un enfant peut être complètement contrôlé et être constructif. Dans la plupart des cas, le recours à la force contre un enfant constitue une réaction plus émotive que rationnelle de la part du parent. Plus le parent est en colère, plus il est susceptible d'infliger une punition corporelle.

Par conséquent, la force physique utilisée sur un enfant va souvent au-delà du niveau prévu et peut facilement dégénérer d'une manière aussi nuisible pour l'enfant que pour le parent. En effet, les parents ressentent souvent une forte culpabilité après avoir usé de force physique contre un enfant.

La recherche montre que le recours à la force ne corrige pas efficacement le comportement de l'enfant, mais entraîne plutôt des effets négatifs tant sur le comportement à court terme que sur le développement à long terme. Ni le parent ni l'enfant ne profitent d'une façon quelconque de la punition corporelle qui compromet en fait de saines relations parents-enfants.

Il n'y a absolument aucune raison de penser que le recours à la force sur un enfant est admissible simplement parce que nous l'avons connu ou permis, ou que nous avons grandi avec cette idée dans des circonstances affreuses, nous devons le reconnaître. Il est irresponsable d'admettre le recours à la violence simplement parce qu'on peut le qualifier de « punition » et qu'il se produit derrières des portes closes. Nous ne pouvons pas invoquer ces prétextes pour ne pas intervenir.

La façon d'élever les enfants est personnelle. Personne n'aime que d'autres interviennent à ce sujet, mais ces sentiments ne suffisent certainement pas pour justifier le recours à la force que permet l'article 43. Cette disposition expose dangereusement les enfants à un traitement injuste et violent de la part de leurs parents. Elle permet d'infliger des punitions qu'aucun parent ne devrait accepter.

Certains hésitent à agir à cet égard parce qu'ils ne veulent pas légiférer pour régir la vie des gens dans leur foyer. Toutefois, quand il s'agit de violence, l'État peut se prononcer sur une activité qui se produit « au foyer ». Il fut un temps où l'État fermait les yeux sur la violence des hommes envers les femmes. Le traitement abusif du conjoint ou du partenaire intime est un crime. Le lieu est sans importance : si la violence est perpétrée sur le conjoint au foyer, c'est quand même un crime.

Il est temps pour nous de cesser de fermer les yeux sur la violence envers les enfants. Pourquoi n'étendons-nous pas aux enfants la protection contre la violence que nous assurons aux adultes, tant en public qu'en privé?

(1730)

Les enfants sont des membres vulnérables de notre société. Ceux qui s'opposent à ce projet de loi craignent que l'abrogation de l'article 43 n'empiète sur le prétendu droit des parents de discipliner leur enfant. Toutefois, la violence n'est pas un droit parental. La violence utilisée en guise de discipline n'en répond pas moins à la définition de la violence. Les parents sont tout à fait capables de protéger, d'éduquer et de corriger leurs enfants par des moyens positifs non violents.

C'est toutefois un droit pour l'enfant de vivre à l'abri de toutes les formes de violence, d'après la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant, la Déclaration universelle des droits de l'homme et la Charte canadienne des droits et libertés.

Vous pouvez me croire, le Canada tire de l'arrière par rapport aux pays qui ont interdit les punitions corporelles sous toutes leurs formes et dans tous les lieux. C'est le cas de 52 pays. De plus, 54 autres se sont engagés à le faire.

Le Canada a ratifié en 1991 la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant et s'est engagé à protéger les enfants contre toutes les formes de violence, à agir au mieux de leurs intérêts et à les protéger contre les traitements et les punitions dégradantes.

Nous n'avons cependant pas tenu notre promesse de :

[...] prendre toutes les mesures législatives, administratives, sociales et éducatives appropriées pour protéger l'enfant contre toute forme de violence, d'atteinte ou de brutalités physiques ou mentales [...]

Notre inaction a amené le Comité des droits de l'enfant des Nations Unies à presser de plus en plus le Canada d'abroger l'article 43.

Honorables sénateurs, je voudrais dire en conclusion que l'abrogation de l'article 43 n'a que trop tardé. Cette disposition est incompatible avec l'engagement pris par notre pays de protéger les droits humains fondamentaux de l'enfant. Elle est aussi contraire aux valeurs canadiennes, aux mesures prises par les autres pays et aux résultats des nombreuses recherches effectuées dans ce domaine.

Honorables sénateurs, nous discutons de cette question depuis très longtemps. Il est de notre devoir de veiller à ce que, au Canada, les enfants soient enfin protégés adéquatement par la loi contre les agressions. Je vous encourage donc à appuyer ce projet de loi à l'étape de la deuxième lecture, afin que nous puissions le renvoyer au comité pour qu'il soit étudié comme il le mérite.

(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)

La Loi sur le Parlement du Canada

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable Senator Moore, appuyée par l'honorable sénateur Joyal, C.P., tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-234, Loi modifiant la Loi sur le Parlement du Canada (artiste officiel du Parlement).

Son Honneur le Président : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président : L'honorable sénateur Moore, avec l'appui de l'honorable sénateur Joyal, propose que le projet de loi soit lu pour la deuxième fois.

Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois.)

Renvoi au comité

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons- nous le projet de loi pour la troisième fois?

(Sur la motion de la sénatrice Bovey, le projet de loi est renvoyé au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie.)

Modernisation du Sénat

Sixième rapport du comité spécial—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Tannas, appuyée par l'honorable sénateur Wells, tendant à l'adoption du sixième rapport (intérimaire) du Comité sénatorial spécial sur la modernisation du Sénat, intitulé La modernisation du Sénat : Aller de l'avant (Présidence), présenté au Sénat le 5 octobre 2016.

L'honorable Joan Fraser : Honorables sénateurs, je crois que le sénateur Day souhaite que le débat soit ajourné à son nom.

Son Honneur le Président : L'honorable sénatrice Fraser, avec l'appui de l'honorable sénateur Baker, propose que le débat soit ajourné, au nom du sénateur Day, à la prochaine séance du Sénat.

Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(Sur la motion de la sénatrice Fraser, au nom du sénateur Day, le débat est ajourné.)

[Français]

L'étude sur les défis liés à l'accès aux écoles françaises et aux programmes d'immersion française de la Colombie-Britannique

Quatrième rapport du Comité des langues officielles et demande de réponse du gouvernement—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénatrice Tardif, appuyée par l'honorable sénateur Joyal, C.P.,

Que le quatrième rapport du Comité permanent des langues officielles, intitulé Horizon 2018 : Vers un appui renforcé à l'apprentissage du français en Colombie-Britannique, qui a été déposé au Sénat le 31 mai 2017, soit adopté et que, conformément à l'article 12-24(1) du Règlement, le Sénat demande une réponse complète et détaillée du gouvernement, la ministre du Patrimoine canadien étant désignée ministre chargée de répondre à ce rapport, en consultation avec les ministres des Services publics et de l'Approvisionnement, de la Famille, des Enfants et du Développement social, de l'Innovation, des Sciences et du Développement économique et de l'Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté

L'honorable Raymonde Gagné : Honorables sénateurs, c'est avec beaucoup d'enthousiasme, encore une fois, que je prends la parole en ce jeudi. La soirée est encore jeune, mais je suivrai les conseils du Président, et je serai brève et concise.

Chers collègues, j'aimerais ajouter quelques-unes de mes propres réflexions au sujet du rapport intitulé Horizon 2018 : Vers un appui renforcé à l'apprentissage du français en Colombie-Britannique, à la suite de la présentation détaillée qu'a donnée la présidente de notre comité, l'honorable sénatrice Tardif, mardi dernier.

Je réitère donc les mots de reconnaissance exprimés par la sénatrice Tardif au personnel du Sénat et de la Bibliothèque du Parlement, ainsi qu'à l'équipe de la Direction des communications, qui a accompagné notre comité dans le cadre de cette étude. Ce fut un réel plaisir de travailler avec des gens aussi dévoués et compétents. Pour ma part, et au nom de tous mes collègues au sein du comité, je tiens à remercier et à féliciter l'honorable sénatrice Tardif, notre présidente, qui a dirigé cette étude.

Honorables collègues, le voyage qu'a effectué notre comité en Colombie-Britannique, et les visites et audiences publiques que nous avons tenues sur les lieux, à Vancouver et Victoria, ont beaucoup enrichi notre rapport.

Je suis reconnaissante du fait que le comité ait pu se rendre sur les lieux et témoigner de l'état inacceptable dans lequel se trouvent plusieurs écoles francophones en Colombie-Britannique. Dans son discours, la sénatrice Tardif a fait état de l'insuffisance et de la désuétude des infrastructures de ces écoles, qui accueillent beaucoup plus d'élèves que leurs locaux ne le permettent.

Surtout, nous avons pu voir également de nos propres yeux le contraste frappant de ces bâtiments surpeuplés et souvent délabrés et désuets avec les sourires et les yeux pétillants des élèves qui les occupent. Honorables collègues, les communautés que nous avons visitées ne sont certainement pas en voie de disparition. Elles ont besoin de l'infrastructure qui pourra accommoder leur essor continu.

[Traduction]

Le comité a eu l'occasion d'entendre les témoignages de parents et de commissions scolaires francophones qui n'ont pas eu d'autre choix que de se tourner vers les tribunaux pour faire valoir ce que nous avons tendance à tenir pour acquis, ou que nous voulons tenir pour acquis : le droit au Canada à une éducation dans la langue officielle de son choix.

Honorables sénateurs, je sais que dans cette Chambre règne la ferme conviction, et j'ose dire la conviction unanime, que les enfants devraient avoir droit à une éducation de qualité dans la langue officielle de leur choix et que cette éducation devrait être assurée dans des salles de classe qui sont tout aussi confortables, bien entretenues et propices à l'apprentissage que celles qu'occupent leurs amis et leurs voisins qui étudient dans l'autre langue officielle au bout de la rue. Ce n'est pas le cas, et cette situation dure depuis un certain temps. C'est très troublant.

Comme le prouve notre rapport, il ne s'agit pas de cas isolés : les lacunes sont criantes. Comme l'a constaté la Cour suprême de la Colombie-Britannique, le sous-financement est un problème systémique.

(1740)

Le comité a aussi entendu des représentants d'un groupe croissant de parents francophiles et allophones qui souhaitent donner à leurs enfants la possibilité d'apprendre et de vivre une partie de leur vie en français. Au sein de ce réseau, la demande dépasse l'offre aussi largement.

Ce que je retiens de ce voyage et de cette étude, c'est que la Colombie-Britannique pourrait être un remarquable exemple de réussite. Il s'agit d'une province en majeure partie anglophone, qui compte une population immigrante importante et diversifiée, où la demande concernant l'éducation en français, tant aux termes de l'article 23 de la Charte qu'au sein des programmes d'immersion, connaît une croissance fulgurante, qui ne semble pas près de s'essouffler. Cette situation devait être une bonne nouvelle, tant pour la province que pour le pays dans son ensemble.

En cette année du 150e anniversaire de la Confédération canadienne, nous devrions souligner et favoriser cette situation, mais le gouvernement, malgré les décisions rendues par les tribunaux, dont la Cour suprême du Canada, n'offre pas à ces élèves les mêmes ressources qu'il consent aux autres enfants.

[Français]

La sénatrice Tardif a présenté les 17 recommandations formulées par le comité dans ce rapport. Ces recommandations visent à améliorer l'accès aux écoles francophones; à augmenter le taux de bilinguisme chez les jeunes; à revoir le mécanisme de financement et à améliorer la reddition de comptes; et, enfin, à appuyer la vitalité des communautés francophones.

Nous avons pu constater, lors de la conférence de presse que nous avons tenue pour souligner le lancement du rapport, à quel point ces recommandations ont été bien reçues. Nous en avons eu aussi des échos de partout au pays. Les défis que notre étude a cernés ne sont pas spécifiques à la Colombie-Britannique. Des parents francophones, partout au pays, luttent pour e droit, pour leurs enfants, d'obtenir une éducation en français, un droit qui est pourtant protégé par la Charte.

En parallèle, des milliers de parents francophiles et allophones souhaitent offrir à leurs enfants l'occasion d'apprendre le français. Ils contribuent ainsi, à leur façon, aux objectifs de la Loi sur les langues officielles, qui vise à promouvoir la pleine reconnaissance et l'usage du français et de l'anglais dans l'ensemble du pays.

Honorables sénateurs, il est grand temps que tous ces parents voient dans le gouvernement fédéral un allié. Nos recommandations permettraient de favoriser d'immenses progrès en ce sens.

Je souhaite, chers collègues, que cette Chambre puisse adopter ce rapport avant d'ajourner pour l'été. Je souhaite surtout, et ardemment, que le gouvernement y réponde en prenant des mesures concrètes.

Je vous remercie.

(Sur la motion de la sénatrice Jaffer, le débat est ajourné.)

La pertinence de l'objectif du plein-emploi

Interpellation—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur l'interpellation de l'honorable sénatrice Bellemare, attirant l'attention du Sénat sur la pertinence du plein-emploi au XXIe siècle dans une économie globalisée.

L'honorable René Cormier : Honorables sénateurs, puisque cet article en est au 13e jour, et comme je suis toujours en consultation avec ma communauté et que je saisis pleinement l'ampleur et la pertinence de cette interpellation pour le développement de l'emploi dans toutes les régions du Canada, je demanderais donc à cette Chambre le consentement de remettre le compte des jours à zéro.

(Sur la motion du sénateur Cormier, le débat est ajourné.)

[Traduction]

Sécurité nationale et défense

Autorisation au comité de siéger en même temps que le Sénat

L'honorable Mobina S. B. Jaffer, au nom du sénateur Lang, conformément au préavis donné le 6 juin 2017, propose :

Que le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense soit autorisé à se réunir aux fins de son étude du projet de loi C-22, Loi constituant le Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement et modifiant certaines lois en conséquence, même si le Sénat siège à ce moment-là, et que l'application de l'article 12-18(1) du Règlement soit suspendue à cet égard.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

(La motion est adoptée.)

(La séance est levée, et le Sénat s'ajourne au mardi 13 juin 2017, à 14 heures.)

 
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