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Débats du Sénat (Hansard)

1re Session, 42e Législature
Volume 150, Numéro 149

Le jeudi 19 octobre 2017
L’honorable George J. Furey, Président


LE SÉNAT

Le jeudi 19 octobre 2017

La séance est ouverte à 13 h 30, le Président étant au fauteuil.

Prière.


[Traduction]

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

Le Mois du patrimoine islamique

L’honorable Salma Ataullahjan : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour souligner que le mois d’octobre est le Mois de l’histoire islamique au Canada. En tant que musulmane qui a immigré ici il y a plus de 36 ans, je ne comprends que trop bien combien il est important de souligner l’apport de la communauté musulmane au Canada.

En 2007, les parlementaires de tous les partis ont approuvé très largement l’adoption de la motion désignant le mois d’octobre comme le Mois de l’histoire islamique, dans le but de favoriser le dialogue, de même que la compréhension et la cohésion entre les communautés musulmanes et non musulmanes de notre pays.

L’islam n’est pas une nouveauté au Canada; on y trouve des musulmans depuis la Confédération. Aujourd’hui, le pays compte plus d’un million et demi de musulmans.

Je ne pense pas que les sénateurs seront étonnés d’apprendre que la diversité, l’égalité et la liberté sont au cœur de l’identité et du mode de vie islamiques, les valeurs mêmes qui sont au centre de bien des conversations en ce 150e anniversaire du Canada.

Conscient de l’importance de la diversité et du pluralisme, Muhammad — que la paix soit avec lui — a élaboré la charte de Médine, considérée par bien des gens comme la première constitution écrite. Cette charte proclamait l’égalité de tous les citoyens de la ville, indépendamment de leur religion, de leur origine ethnique et de leurs croyances.

Il existe dans toutes les villes des organismes communautaires musulmans qui ont pour mission de venir en aide à tous les Canadiens qui se trouvent dans le besoin, peu importe qui ils sont ou quelles sont leurs croyances.

Nous savons que, partout au pays, des communautés musulmanes se sont unies pour offrir un soutien financier aux familles touchées par les incendies qui ont ravagé Fort McMurray.

Plus récemment, j’ai eu de nouveau le plaisir de me joindre à l’équipe du Muslim Welfare Centre de Toronto pour servir le repas du midi à des membres de la collectivité de tous les horizons. Au cours des trois dernières années, le Muslim Welfare Centre a servi plus de 55 000 repas à des personnes dans le besoin.

Je m’en voudrais de passer sous silence les obstacles que la communauté musulmane a dû surmonter au cours de la dernière année. Toutefois, la résilience des Canadiens musulmans dans les périodes difficiles est le reflet de nos croyances. L’islam nous enseigne à faire preuve de patience et à prier pendant les moments éprouvants. Par ailleurs, ce mois devrait être l’occasion pour tous les Canadiens de se réunir afin d’apprendre les uns des autres et de concilier leurs différences, qui pourraient bien être moins nombreuses qu’ils ne l’imaginent.

Chers collègues, les Canadiens musulmans font évidemment partie de la mosaïque canadienne. Que ce soit au cœur de la démocratie du Canada, ici sur la Colline du Parlement, ou dans les écoles, les centres communautaires, les hôpitaux, les services de police ou les forces armées, les Canadiens musulmans sont présents et reconnus. Ils contribuent au développement d’un Canada fort et libre.

Visiteurs à la tribune

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de M. Un-Chan Chung, ancien premier ministre de la République de Corée, qui est accompagné de Young-hae Lee, du révérend David Kim et de Jae Chong. Ils sont les invités de l’honorable sénatrice Martin.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

Hommage au Dr Francis Schofield et à M. Un-Chan Chung

L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) : Honorables sénateurs, je suis profondément honorée de prononcer quelques mots pour rendre hommage à deux personnes dont la vie représente parfaitement le lien extraordinaire qui unit le Canada et la Corée depuis la fin du XIXe siècle. Plus précisément, j’ai l’honneur de souligner la preuve indéniable de ce lien profond qui est illustré à merveille par le regretté Dr Francis William Schofield, un Canadien qui est devenu un héros national en Corée, et son protégé bien-aimé, Un-Chan Chung, le 40e premier ministre de la Corée.

Monsieur Chung, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada. Il s’agit de votre première visite dans cette enceinte, qui, espérons-le, ne sera pas la dernière.

Francis Schofield, missionnaire canadien et vétérinaire de renommée mondiale qui est reconnu officiellement comme l’un des patriotes du mouvement d’indépendance de la Corée de 1919 lors de l’occupation japonaise, est enterré parmi les héros coréens dans le cimetière national de Séoul. Encore aujourd’hui, les Coréens conservent un précieux souvenir du travail et de l’enseignement de calibre international fournis par le Dr Schofield à l’hôpital Severance à Séoul, de sa contribution à l’édification de la nation coréenne à son retour en Corée dans les années 1950 et 1960, et, surtout, de son militantisme social et du rôle déterminant qu’il a joué dans le mouvement indépendantiste, motivé par son amour sincère pour le peuple coréen.

L’un des élèves chéris du Dr Schofield est Un-Chan Chung, ancien premier ministre de la République de Corée, qui est actuellement président de l’Institut de Corée pour une croissance partagée et professeur émérite à l’Université nationale de Séoul.

La relation entre les deux hommes a commencé dans les années 1960, quand M. Chung n’avait que 13 ans. Après la mort de son père quelques années plus tôt, sa famille n’avait aucunement les moyens de financer ses études. Le Dr Schofield, qui servait à la fois de mentor et de figure paternelle à ce jeune homme, l’a pris sous son aile et l’a aidé à payer ses frais de scolarité et de subsistance.

Je me rappelle avoir entendu le premier ministre parler de la façon dont le Dr Schofield donnait littéralement tout ce qu’il possédait aux gens qu’il aimait. Puisqu’il portait le même complet en hiver qu’en été, il mettait des journaux à l’intérieur afin de tenter de se protéger contre le froid mordant. Grâce au dévouement et au mentorat du Dr Schofield, M. Chung a terminé ses études à l’Université nationale de Séoul. Il a plus tard obtenu une maîtrise et un doctorat à Miami et à Princeton respectivement, et il est devenu l’un des plus grands économistes de la Corée. Nous ne pouvons qu’imaginer la fierté qu’aurait ressentie le Dr Schofield s’il avait vu son fils devenir le 40e premier ministre de son cher pays d’adoption.

Le premier ministre Un-Chan Chung attribue sa réussite personnelle au Dr Schofield. Voici ce qu’il a déclaré :

Il a été pour moi le plus grand mentor qui soit. [Il] m’a inculqué les vertus que sont le travail acharné et la détermination à respecter certains principes […] Son point de vue sur la justice sociale et l’égalité, la raison d’être et la responsabilité des États et des hommes d’État, les valeurs démocratiques et ce qu’on appelle aujourd’hui la bonne gouvernance alimente encore ma propre réflexion.

Honorables sénateurs, je vous prie de vous joindre à moi pour rendre hommage au Dr Francis Schofield et au premier ministre Un-Chan Chung, un fils chéri de ce fier Canadien qui est un héros coréen vénéré.

Visiteurs à la tribune

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de Betsy Bury, Micheline Dumont, Ramona Lumpkin, Elizabeth Sheehy, Linda Slanina et Melissa Sariffodeen. Elles sont les invitées de l’honorable sénatrice Pate.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

Ashley Smith

Le dixième anniversaire de son décès

L’honorable Kim Pate : Honorables sénateurs, j’interviens aujourd’hui pour souligner deux événements. L'un est très triste et aurait pu être évité, tandis que l’autre est une grande célébration, celle de l’égalité des femmes.

Il y a 10 ans, Ashley Smith est morte seule, ne portant qu’une tenue réservée aux personnes suicidaires, dans l’aire d’isolement de la prison des femmes de Kingston. Pour ceux d’entre vous qui ne connaissent pas son histoire, sachez qu’elle avait d’abord été placée en détention à l’âge de 15 ans pour manquement à ses conditions de probation. Elle avait lancé des pommettes à un travailleur des postes. Au cours des quatre années suivantes, elle a fait l’objet d’accusations au criminel et s’est vu imposer des conditions de détention de plus en plus sévères, aboutissant à son transfert dans une prison pour adultes à l’âge de 18 ans. Avant sa mort — il s’agissait d’un homicide, selon le jury qui a mené l’enquête sur son décès —, Ashley a reçu des décharges de pistolet Taser, a été enchaînée, a été droguée de force, a été transférée 17 fois et a été placée en isolement tout au long des 11 mois et demi qu’elle a passés en détention fédérale.

Elle a fait l’objet de nombreuses accusations au criminel à cause de ses réactions au traitement que lui réservait le Service correctionnel du Canada. Celui-ci ne la considérait pas comme une jeune femme ayant des problèmes de santé mentale.

(1340)

[Français]

Au petit matin, le 19 octobre 2007, Ashley est morte dans sa cellule d’isolement sous le regard de gardiens.

[Traduction]

L’anniversaire du décès d’Ashley, qui aurait pu être évité, constitue un cruel rappel de la nécessité de s’attaquer aux conséquences irréversibles de l’isolement carcéral et d’autres formes d’isolement cellulaire. Les modifications actuellement proposées à la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition illustrent une reconnaissance partielle des effets catastrophiques de l’isolement, mais ne suffisent pas. Le Canada doit emboîter le pas aux nombreux pays qui mettent fin au recours à l’isolement et qui libèrent les détenus souffrant de troubles mentaux invalidants. Des mesures immédiates s’imposent pour prévenir de nouvelles tragédies et des simulacres de justice. Ce qui est arrivé à Ashley n’aurait jamais dû se produire. Son histoire met en évidence l’incompatibilité des troubles mentaux et des sanctions, et le fait que les prisons ne sont pas des centres de traitement.

Honorables sénateurs, je demande que nous collaborions pour remédier aux injustices dont continuent d’être victimes des jeunes femmes comme Ashley. Nous devons agir pour honorer la mémoire d’Ashley, pour sa famille et pour toutes les femmes qui, avant elle et après elle, ont été soumises à des conditions de détention inhumaines. Il faut libérer ces détenues et exiger l’élimination de toutes formes d’isolement, notamment l’isolement cellulaire.

La Journée de l’affaire « personne »

L’honorable Kim Pate : Honorables sénateurs, je souligne aujourd’hui le triomphe de cinq femmes qui se sont battues pour que nous — les femmes — soyons déclarées des « personnes » et que, partant, nous puissions siéger dans cette enceinte, au Sénat. Hier, nous avons célébré la Journée de l’affaire « personne ».

Aujourd’hui, on a rendu hommage à Betsy Bury, Micheline Dumont, Ramona Lumpkin, Elizabeth Sheehy, Linda Slanina et Melissa Sariffodeen, qui, toute leur vie, se sont consacrées à lutter pour l’égalité des femmes.

J’invite tous les sénateurs, particulièrement les sénatrices, à se joindre à moi pour remercier ces militantes de leurs efforts en vue de promouvoir l’égalité de genre.

Des voix : Bravo!

La Journée de sensibilisation des centres LGBT

L’honorable Marilou McPhedran : La sénatrice Pate vient de souligner l’importance de la Journée de l’affaire « personne ». Je profite de l’occasion pour signaler que c’était la première fois aujourd’hui que la gouverneure générale était l’hôtesse d’une célébration publique à Rideau Hall.

Pour ma part, je salue aujourd’hui la Journée de sensibilisation des centres LGBT. Ces centres aident plusieurs groupes communautaires à offrir des services vitaux d’un bout à l’autre du Canada. Partout dans le monde, de nombreux centres continuent de défendre les droits de la communauté LGBTQ, de fournir des services à ses membres, de soutenir les communautés locales et de leur offrir des lieux sûrs.

Créée par CenterLink, un réseau de centres LGBTQ, cette journée de sensibilisation est une célébration annuelle du rôle essentiel que jouent les centres en permettant aux gens de jouir de leurs droits de la personne en toute sécurité dans leur collectivité. Certains centres et collectivités considèrent cette journée comme un appel à l’action, c’est-à-dire une journée nationale pour agir et sensibiliser la population aux questions touchant les LGBTQ et aux changements sociaux qui doivent se poursuivre afin que les personnes qui s’identifient comme des LGBTQ puissent profiter pleinement de leurs droits acquis.

Je tiens aussi à préciser que, lorsque je dis « LGBTQ », il est très difficile d’ajouter l’astérisque à ma prononciation et que ce signe est censé désigner les membres bispirituels des communautés autochtones.

[Français]

Cette journée est une occasion de reconnaître les efforts des centres et membres de nos communautés qui militent pour les droits des personnes LGBTQ. Je suis heureuse de pouvoir ajouter ma voix à cette conversation et d’appuyer cette cause.

[Traduction]

Je félicite les organismes, comme l’Egale Canada Human Rights Trust et le Rainbow Resource Centre, situé à Winnipeg, qui continuent de travailler pour les LGBTQ et de collaborer avec eux et qui participent officiellement à la journée de sensibilisation.

Votre Honneur, j’invite mes collègues à se joindre à moi pour célébrer la Journée de sensibilisation des centres LGBT et en faire la promotion. Je les invite aussi à utiliser le mot-clic #LGBTCAD dans leurs comptes de média social pour continuer de favoriser l'avancement des droits des personnes LGBTQ.

Visiteur à la tribune

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de Catherine Twinn, l'épouse du regretté sénateur Walter Twinn. Elle est l’invitée de l’honorable sénateur Patterson.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

[Français]

Le décès de Paulette Gagnon

L’honorable René Cormier : Honorables sénatrices et sénateurs, la semaine dernière, la communauté des arts du Grand Sudbury et la francophonie canadienne accueillaient à bras ouverts l’annonce importante de l’appui financier du gouvernement fédéral qui permettra de poser la pierre angulaire de la Place des Arts, un projet culturel que le Regroupement des organismes culturels de Sudbury portait dans son cœur depuis plus de 10 ans. Ce projet confirme la place qu’occupe cette région comme l’un des pôles artistiques et culturels incontournables de notre pays.

[Traduction]

À la base de chaque grand mouvement, il y a un travail exceptionnel, et j’aimerais profiter de cette occasion pour rendre hommage à l’une des femmes extraordinaires qui travaillent sur ce projet, Paulette Gagnon.

[Français]

Paulette Gagnon s’est taillé une place immuable dans le monde du théâtre canadien. Elle naît à Hearst et fait son entrée en scène avec la Fabrik à Pantouf. Elle fait ensuite ses classes durant les années 1970 et 1980 à Direction Jeunesse, à Théâtre Action et au Théâtre du Nouvel-Ontario (TNO), à Sudbury. C’est au TNO qu’elle devient coordonnatrice du programme d’animation et obtient plusieurs de ses premiers postes administratifs. Elle y travaille sur des projets spéciaux, portée par la vision de chercher à rejoindre un public plus large, de donner accès aux arts et à la culture à tous les citoyens et de faire évoluer cette compagnie de théâtre en la dotant de sa propre salle de spectacle. En poursuivant son œuvre en administration et développement des arts, Paulette devient responsable du secteur franco-ontarien au Conseil des arts de l’Ontario.

[Traduction]

En 1997, Paulette s’installe à Ottawa, où elle est nommée directrice générale de La Nouvelle Scène, un centre qui réunit quatre troupes de théâtre. En 2003, elle devient chargée de projet pour le théâtre français du Centre national des Arts et présidente de la Fédération culturelle canadienne-française. Enfin, de 2005 à 2010, elle est directrice générale de l’Association des théâtres francophones du Canada, qui compte des membres partout au pays.

[Français]

Tout au long de sa carrière, elle s’est donnée cœur et âme pour assurer l’épanouissement des arts au Canada.

Deux jours avant la grande annonce du gouvernement au sujet de la Place des Arts, ses enfants, ses proches et les communautés artistiques sudburoise, franco-ontarienne et canadienne subissaient le dur choc de son décès soudain. Paulette Gagnon aura laissé son cœur et son âme dans la conception et le développement de ce projet.

Au lendemain de la Journée de l’affaire « personne », je formule le souhait que l’oeuvre de Paulette Gagnon continue d’inspirer les femmes artistes et travailleuses culturelles qui contribuent cœur et âme à notre avenir collectif.

Merci et au revoir, chère Paulette.


PÉRIODE DES QUESTIONS

Le commerce international

Les négociations de l’ALENA

L’honorable Larry W. Smith (leader de l’opposition) : Ma question s’adresse au leader du gouvernement au Sénat et porte sur les commentaires qu’a exprimés récemment le secrétaire parlementaire de la ministre des Affaires étrangères.

La semaine dernière, à l’occasion d’une réunion sur l’ALENA tenue à Washington, D.C., Andrew Leslie a déclaré ce qui suit en ce qui concerne deux industries agricoles, soit l’industrie laitière et l’industrie avicole :

Le Canada a de la latitude pour négocier.

(1350)

Le leader du gouvernement au Sénat peut-il expliquer les observations du secrétaire parlementaire? Par exemple, quels sont les aspects de notre système de gestion de l’offre que le gouvernement est prêt à négocier?

[Traduction]

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie encore l’honorable sénateur de sa question. Il sait sans doute, comme tous les sénateurs, que les négociations qui sont en cours entourant l’ALENA sont cruciales pour le Canada, les États-Unis et le Mexique. Il est tout à fait logique que le gouvernement du Canada soit prêt à écouter les propositions qui sont formulées. Tous les sénateurs sont certainement au courant des commentaires publics émis par les négociateurs et de la difficile période au cours de laquelle ces négociations ont lieu.

Honorables sénateurs, il serait inutile pour moi de négocier ou de révéler la position du Canada sur divers éléments, si ce n’est pour souligner, comme l’a fait le secrétaire parlementaire, la volonté du gouvernement du Canada d’entendre le point de vue des autres parties au traité afin que l’on puisse idéalement trouver une solution où tout le monde est gagnant.

[Français]

Le sénateur Smith : On a confié au secrétaire parlementaire des responsabilités particulières. Il est donc difficile de croire qu’il a prononcé ces paroles par accident.

Plus tôt cette semaine, les États-Unis ont profité des négociations de l’ALENA pour demander au Canada de mettre fin à son système de gestion de l’offre d’ici 10 ans. Jusqu’où le gouvernement ira-t-il pour défendre la gestion de l’offre dans le cadre de l’ALENA? En outre, est-il vrai, comme le secrétaire parlementaire l’a affirmé, qu’il y a de la latitude pour négocier?

[Traduction]

Le secrétaire a-t-il déclaré qu’il y avait de la latitude pour négocier? Il s’agit d’une question directe.

Le sénateur Harder : Je vais le répéter encore une fois : le premier ministre, au nom du gouvernement, et la ministre des Affaires étrangères, en tant que négociatrice en chef pour ces négociations, ont clairement indiqué où se situent les limites du Canada et jusqu’où le Canada est prêt à écouter l’autre camp. Ces discussions en sont à un stade de négociations intenses. On connaît très bien la position du gouvernement du Canada relativement à l’industrie laitière et à d’autres aspects du milieu de l’agroalimentaire et de l’agriculture. Bien entendu, ces négociations offrent la possibilité de découvrir si on peut trouver une solution où tout le monde est gagnant.

Le Bureau du Conseil privé

Le ministre des Finances

L’honorable Denise Batters : Ma question s’adresse au leader du gouvernement au Sénat.

Sénateur Harder, avant d’être nommé sénateur et leader du gouvernement Trudeau au Sénat, vous étiez chef de son équipe de transition. À ce titre, l’une des principales responsabilités qui vous incombait aurait été de vérifier les antécédents des ministres. Avant la nomination du député multimillionnaire Bill Morneau à titre de ministre des Finances, les médias parlaient déjà des nombreux conflits d’intérêts qui pourraient survenir. La situation s’est finalement retournée contre les libéraux.

Le scénario se répète : le Cabinet Trudeau vérifie mal les antécédents de ses candidats. Après Hunter Tootoo et Maryam Monsef, voilà que le numéro 2 du gouvernement Trudeau, le ministre des Finances, n’a pas confié à une fiducie sans droit de regard les actions qu’il détient dans son entreprise, Morneau Shepell. Depuis qu’il est ministre des Finances, il a réalisé 13 millions de dollars de profits. Il est ahurissant que le premier ministre ait confié à M. Morneau la responsabilité de réglementer l’industrie dont il retire lui-même des bénéfices chaque mois.

Sénateur Harder, lorsque vous étiez chef de l’équipe de transition du gouvernement Trudeau, quel avis avez-vous donné au premier ministre au sujet de la nomination de Bill Morneau au poste de ministre des Finances? Le premier ministre a-t-il refusé de tenir compte de votre avis? À moins que vous ne lui en ayez donné aucun.

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Pour répondre à la question de l’honorable sénatrice, je répète la réponse que je donne lorsqu’on me pose des questions sur les autres fonctions que j’ai assumées auparavant et qui n’ont rien à voir avec celles que j’occupe actuellement et dont je dois rendre compte au Sénat. Ce que j’ai fait et les avis que j’ai donnés pendant la période de transition, avant que le gouvernement arrive au pouvoir, relèvent encore et toujours du domaine privé.

Permettez-moi, toutefois, d’utiliser l’occasion, comme je l’ai fait hier lorsque la question a été soulevée correctement par le leader de l’opposition, pour assurer à tous les sénateurs et à tous les Canadiens que, lorsqu’il a été nommé ministre des Finances, M. Morneau a collaboré étroitement avec la commissaire aux conflits d’intérêts et à l’éthique pour s’assurer qu’il respectait toutes ses exigences.

Comme je l’ai dit la première fois qu’on me l’a demandé, le ministre a envoyé une lettre à la commissaire à l’éthique, lui demandant une rencontre pour discuter d’autres recommandations, au besoin. Je tiens également à répéter que le ministre a pleinement confiance en la commissaire à l’éthique, et que le premier ministre fait entièrement confiance au ministre.

La sénatrice Batters : C’est une bien piètre réponse, sénateur Harder. Vous préféreriez peut-être que le premier ministre soit ici pour répondre à votre place. Malheureusement pour vous, il n’est pas là aujourd’hui.

À titre de responsable de la transition vers le gouvernement Trudeau, vous aviez la responsabilité de conseiller le gouvernement dans l’examen des ministres pour vérifier qu’ils n’avaient pas de conflits d’intérêts potentiels. Toute cette débâcle aurait pu être évitée si le premier ministre Trudeau n’avait pas choisi Bill Morneau comme ministre des Finances.

Je répète ma question, sénateur Harder : avez-vous conseillé au premier ministre Trudeau de nommer Bill Morneau comme ministre des Finances en sachant le dilemme éthique que cela créerait? Ou lui aviez-vous conseillé de ne pas le faire, à la suite de quoi il aurait ignoré vos conseils?

Le sénateur Harder : Je n’ai pas de commentaires.

Le Secrétariat du Conseil du Trésor

Le système de paie Phénix

L’honorable Terry M. Mercer (leader adjoint des libéraux au Sénat) : Honorables sénateurs, ma question s’adresse au leader du gouvernement au Sénat. Tandis que le gouvernement continue d’essayer de régler le problème créé par l’ancien gouvernement conservateur de Stephen Harper, le système de paie Phénix continue de porter préjudice aux employés fédéraux. Voici donc ce que j’aimerais savoir : le gouvernement fédéral envisage-t-il d’intenter des poursuites contre IBM et les autres entreprises qui ont joué un rôle dans cette débâcle, afin de récupérer tous les fonds qui ont été dépensés pour résoudre le problème? Dans l’affirmative, le gouvernement fédéral s’assurera-t-il que les poursuites viseront non seulement à récupérer les fonds perdus par le gouvernement, mais aussi ceux perdus par les employés qui continuent de subir les répercussions de la mise en œuvre de ce système?

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie l’honorable sénateur de sa question. J’aimerais aussi rappeler au Sénat que le rapport de Goss Gilroy, qui a été commandé par le gouvernement afin d’examiner les circonstances à l’origine de la situation actuelle, a confirmé que, lors de la planification et de la préparation initiales sous le gouvernement précédent, la complexité du projet a été sous-estimée. Il y a eu retrait de certains employés — des agents de la rémunération — et appropriation des économies avant qu’un plan de mise en œuvre réfléchi soit mis en place.

Le gouvernement a pris des mesures considérables, notamment un investissement de 150 millions de dollars pour apporter des correctifs et l’embauche d’un certain nombre d’agents de la rémunération en vue de régler la situation. Comme je l’ai dit à l’entrée en fonction de la ministre des Services publics et de l’Approvisionnement, la priorité dans sa lettre de mandat est le système de paie Phénix.

En ce qui concerne IBM, on me dit que les dispositions du contrat signé par le gouvernement précédent avec la société sont respectées.

Le sénateur Mercer : C’est très bien, mais que disait le grief? Le gouvernement peut-il poursuivre IBM? Il a acheté un produit de cette société. Le produit ne donne pas les résultats qui avaient été annoncés. Il s’agit d’un inconvénient mineur; après tout, 150 millions de dollars, ce n’est rien.

Honorables sénateurs, 150 millions de dollars représentent beaucoup d’argent pour tout le monde. La population canadienne est mécontente de savoir que le gouvernement gaspille de l’argent sur un système qui ne fonctionne pas, qui n’aurait jamais dû être mis en œuvre comme il l’a été par l’ancien gouvernement, et que le gouvernement, bien qu’il se soit engagé à régler le problème, ne soit toujours pas parvenu à le faire.

Le sénateur Harder : Je remercie l’honorable sénateur de son autre question. Comme je l’ai dit, le gouvernement demande à IBM qu’elle rende des comptes, mais il a les mains liées par le contrat qui a été signé avec la société.

Je sais que le gouvernement prend toutes les mesures nécessaires pour garantir que la société IBM respecte pleinement le contrat signé par les deux parties.

Le sénateur Mercer : Sénateur Harder, est-ce que cela signifie que, si la situation n’est pas corrigée, le gouvernement du Canada traînera un jour IBM et tout autre fournisseur associé devant les tribunaux? On parle ici de l’argent des contribuables canadiens qui est gaspillé en raison de la piètre mise en œuvre d’un système qui était censé faire réaliser des économies au gouvernement du Canada. Voilà une belle façon d’économiser.

(1400)

Le sénateur Harder : Là encore, je ne peux pas prédire ce que la ministre responsable fera au cours de son mandat pour assurer le règlement rapide de la situation, mais je vais porter vos préoccupations et suggestions à son attention.

Son Honneur le Président : Je suis désolé, sénateur Mercer, mais, si vous avez d’autres questions complémentaires, je vais vous inscrire sur la liste après les autres sénateurs que nous entendrons.

Les affaires étrangères

Le Myanmar—L’aide aux réfugiés rohingyas

L’honorable Marilou McPhedran : Honorables sénateurs, ma question s’adresse au représentant du gouvernement. Je n’étais pas ici hier en raison d’engagements que j’avais pris à l’occasion de la Journée de l’affaire « personne », mais je félicite la sénatrice Ataullahjan et je vous félicite, monsieur, d’avoir présenté la motion no 240 et d’avoir soulevé la question de la crise qui touche le peuple rohingya.

J’aimerais revenir sur une remarque claire que vous avez faite, puis poser une question au sujet de l’envoi d’observateurs indépendants dans l’État de Rakhine, étant donné que notre ambassadrice réagit déjà activement à la situation.

Compte tenu de ce qu’a déjà fait notre pays et le gouvernement au pouvoir lors de la crise au Darfour et de la décision qui avait été prise de nommer un envoyé spécial pour le Canada pour faciliter l’accès et la circulation de l’information — la personne nommée à cette fin étant, comme nous le savons, la sénatrice Mobina Jaffer —, songe-t-on à nommer quelqu’un dans le contexte du génocide en cours contre le peuple rohingya au Myanmar?

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie l’honorable sénatrice de poser cette question et j’en profite moi aussi pour féliciter la sénatrice Ataullahjan pour le travail qu’elle fait auprès de tous les groupes pour attirer l’attention de notre assemblée et du Parlement sur cette question.

Je peux dire au Sénat que le gouvernement du Canada a déjà pris des mesures importantes, à mon avis, mais qu’il est en train d’examiner le dossier pour voir s’il doit prendre d’autres mesures. Donc, je note la suggestion de la sénatrice pour qu’elle soit prise en compte dans le contexte des mesures que pourrait prendre le Canada ultérieurement.

Les affaires autochtones et du Nord

Les modifications à la Loi sur les Indiens

L’honorable Lillian Eva Dyck : Le 21 juin dernier, le Sénat a reçu un message de l’autre endroit concernant le projet de loi S-3, Loi modifiant la Loi sur les Indiens (élimination des iniquités fondées sur le sexe en matière d’inscription). Le message n’a pas fait l’objet d’une motion de notre part avant la pause estivale et cela n’a pas été le cas non plus depuis la reprise des travaux, le 19 septembre.

Le message nous informe que l’autre endroit a amendé le projet de loi S-3 en faisant disparaître un article prévu par le Sénat pour éliminer toutes les iniquités fondées sur le sexe dans les dispositions sur l’inscription.

Au cours de l’été, nous avons appris que le gouvernement avait retenu les services de M. Stewart Clatworthy, un démographe, afin d’obtenir des statistiques concernant l’effet qu’auraient, sur le nombre de personnes qui deviendraient admissibles au statut d’Indien inscrit, diverses modifications de la Loi sur les Indiens visant à éliminer la discrimination contre les femmes. Les médias nous apprennent que M. Clatworthy aurait terminé son travail, et que le gouvernement aurait les chiffres en main.

Le gouvernement a-t-il bel et bien reçu les estimations de M. Clatworthy et, dans l’affirmative, quand les sénateurs, les parties intéressées et le public pourront-ils les consulter? Nous avons tous hâte que ce dossier avance.

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie la sénatrice de sa question et de ses efforts constants afin de trouver une solution au problème auquel s’attaque le projet de loi S-3.

Comme la sénatrice l’a indiqué, le gouvernement est déterminé à garantir l’égalité entre les hommes et les femmes, y compris en faisant disparaître la discrimination sexuelle des dispositions sur l’inscription contenues dans la Loi sur les Indiens. M. Clatworthy a fourni au gouvernement une analyse démographique révisée qui comprend les données rattachées à divers cas de figure potentiels. Le gouvernement est en train d’examiner ces données.

Afin de favoriser la tenue de débats éclairés, le gouvernement s’est engagé — engagement que je prends ici aujourd’hui — à rendre public le rapport de M. Clatworthy et à le transmettre aux sénateurs avant que le message ne soit mis aux voix au Sénat. Nous prévoyons que cela sera fera au cours des prochaines semaines.

Je peux garantir au Sénat que le gouvernement est résolu à collaborer avec les parlementaires, particulièrement ceux qui ont maintenant reçu le message, ainsi qu’avec les communautés des Premières Nations, les personnes touchées et les experts, afin d’éliminer, dans les dispositions de la Loi sur les Indiens relatives à l’inscription, toute discrimination fondée sur le sexe.

La sénatrice Dyck : Je vous remercie, sénateur Harder.

Pourriez-vous demander aussi au gouvernement combien il a payé M. Clatworthy pour ces prévisions concernant les nouveaux inscrits possibles, et quel est le degré de fiabilité des données?

Le sénateur Harder : Je m’informerai également à ce sujet.

L’honorable Dennis Glen Patterson : Ma question s’adresse aussi au représentant du gouvernement au Sénat.

Sénateur, le gouvernement a dû demander deux prolongations à la Cour supérieure du Québec à la suite de l’arrêt Descheneaux. Bien que la cour ait refusé la troisième demande de prolongation, la Cour d’appel a donné au gouvernement jusqu’au 22 décembre 2017 pour adopter des mesures législatives en réponse à l’affaire que Stéphane Descheneaux et Tammy Yantha ont gagnée devant les tribunaux. Je doute que le gouvernement puisse obtenir une autre prolongation.

Il est donc essentiel qu’on nous fournisse les outils qui nous permettront de tenir un débat éclairé, et qu’on nous donne suffisamment de temps pour étudier cette question avec tout le soin qu’elle mérite.

Comme l’échéance du 22 décembre approche et que le Sénat est alors censé s’ajourner pour le congé des Fêtes, quand les choses commenceront-elles à avancer dans ce dossier?

Le sénateur Harder : Je remercie l’honorable sénateur de son intérêt soutenu à l’égard de ce dossier. Je suis très conscient que bon nombre de sénateurs le partagent.

Comme je l’ai dit dans ma réponse à la question précédente, le gouvernement est déterminé à assurer l’égalité des sexes pour toutes les Canadiennes, notamment en supprimant les dispositions discriminatoires sur le sexe contenues dans la Loi sur les Indiens. Le gouvernement est tout à fait conscient de l’échéance du 22 décembre imposée par la cour, que le sénateur a rappelée dans sa question.

Comme je l’ai indiqué dans ma réponse précédente, le gouvernement est déterminé à accorder suffisamment de temps pour permettre un débat constructif. À cette fin, je travaille avec le gouvernement et avec les sénateurs intéressés pour faire en sorte que le Sénat soit saisi des renseignements pertinents pour étude avant qu’il ne soit saisi du message, peu importe la forme qu’il prendra à ce moment-là.

Je remercie encore — car je crois que c’est important — tous les sénateurs de leur patience et de leur bonne volonté à propos de cette question, puisque nous avons un objectif commun de faire ce qui s’impose dans le contexte de cette décision qui a été rendue, et du message qui nous a été renvoyé.

L’innovation, les sciences et le développement économique

Bombardier Inc.

L’honorable Leo Housakos : Honorables sénateurs, j’ai une question pour le représentant du gouvernement au Sénat concernant un cadeau de 400 millions de dollars offert, il y a quelques mois, par le gouvernement du Canada à Bombardier Aéronautique. J’ai pris la parole au Sénat il y a quelques mois en tant que contribuable préoccupé — comme l’étaient beaucoup de contribuables, à ce moment-là — par le fait que les termes de l’entente n’ont pas été pleinement divulgués au Parlement ni au public. Aujourd’hui, nous ne savons toujours pas si les 400 millions de dollars étaient une subvention ou un prêt ni quand ils doivent être remboursés.

Je suis un sénateur de la région de Montréal. Je représente donc des employés de Bombardier et la compagnie elle-même, puisque le siège social est situé à Montréal, mais je représente aussi les milliers de contribuables de cette région. Selon moi, le gouvernement a l’obligation de nous donner des détails, à plus forte raison en raison de ce qui se passe en ce moment.

Comme on en a fait état un peu partout, l’avionneur connaît des difficultés avec son produit phare, les appareils de la C Series. Une société européenne s’est portée acquéreur de la majorité des actions de la C Series.

La situation est pour le moins préoccupante pour les contribuables, qui voient leur investissement de centaines de millions de dollars dans Bombardier profiter à une société européenne. On a annoncé hier que les appareils C Series qui devaient être commercialisés aux États-Unis seront assemblés en Alabama.

Il nous faut des réponses. Les contribuables ne risquent-ils pas de devenir les dindons de la farce dans cette affaire, étant donné que les centaines de millions de dollars qu’ils ont consentis bénéficieront à Airbus et aux travailleurs de l’Alabama?

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie l’honorable sénateur de sa question et de son intérêt soutenu pour ce dossier.

Je répondrai en soulignant quelques points. Tout d’abord, l’accord conclu entre Airbus et Bombardier fera l’objet d’un examen de la part du gouvernement du Canada. Les ministres fédéraux responsables ont parlé favorablement de la transaction qui, selon eux, devrait être bénéfique pour les travailleurs et les actionnaires de Bombardier. Bien entendu, le programme de la C Series est perçu par l’industrie comme une importante percée dans le marché aéronautique.

(1410)

Par ailleurs, le ministre a tout fait pour garantir aux contribuables canadiens que Bombardier sera tenue responsable de rembourser les fonds dont l’honorable sénateur a parlé dans sa question.

Le sénateur Housakos : Le gouvernement peut-il s’engager à faire en sorte que le remboursement de ces fonds incombe non seulement à Bombardier, mais aussi au nouveau propriétaire de la C Series, Airbus? Rendra-t-il l’approbation de la vente conditionnelle à ce qu’Airbus assume la responsabilité de ces fonds reçus du gouvernement du Canada?

En tant que sénateur, j’étais inquiet il y a quelques mois. Comme vous le savez, j’ai présenté une motion pour qu’un comité sénatorial se penche sur ce prêt ou cette subvention — encore une fois, je ne sais pas comment appeler cela, parce que le gouvernement n’a pas donné de précisions à ce sujet —, et bien des sénateurs voulaient que nous tirions les choses au clair au nom des contribuables. Cependant, un certain nombre de sénateurs ont mis fin au processus, et je crois que c’est là une atteinte flagrante à la responsabilité fondamentale de notre assemblée parlementaire d’exercer un contrôle des dépenses du gouvernement.

Le gouvernement nous donnera-t-il l’assurance qu’il tiendra Airbus responsable, au même titre que Bombardier, du remboursement de l’argent des contribuables?

Le sénateur Harder : J’aimerais simplement redire que, selon le ministre, les responsables des engagements pris à l’égard de la transaction demeurent les mêmes.

Les institutions démocratiques

Le directeur général des élections

L’honorable Paul E. McIntyre : Ma question s’adresse aussi au leader du gouvernement au Sénat. Elle porte sur le poste de directeur général des élections. Rappelons-nous que l’ancien directeur général des élections, Marc Mayrand, a quitté son poste en décembre 2016, six mois après avoir prévenu le gouvernement qu’il entendait prendre sa retraite.

Le problème est que, 10 mois plus tard, le poste continue d’être occupé de façon intérimaire. Le leader du gouvernement au Sénat pourrait-il nous dire si le prochain directeur général des élections entrera en fonction d’ici la fin de l’année?

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : J’aimerais tout d’abord remercier l’honorable sénateur de sa question. Je la prends en note pour me renseigner auprès des autorités responsables des nominations quant aux intentions à cet égard.

Le sénateur McIntyre : Le 6 mars dernier, le directeur des communications de la ministre des Institutions démocratiques a dit au Hill Times que trouver un nouveau directeur général des élections était « une priorité de la ministre Gould » et qu’ils « en auraient davantage à dire à ce sujet en temps et lieu ».

Cela dit, l’offre d’emploi pour le poste de directeur général des élections laisse entendre que l’examen des demandes n’a commencé que le mardi 16 octobre.

L’honorable sénateur pourrait-il parler à la ministre des Institutions démocratiques pour connaître les raisons de ce retard?

Le sénateur Harder : Je tenterai de le faire.

[Français]

Le revenu national

Les avantages imposables

L’honorable Claude Carignan : Ma question s’adresse au leader du gouvernement au Sénat. Monsieur le leader, le 11 octobre dernier, le premier ministre Trudeau a lancé ce qui suit sur Twitter :

Soyons clairs, les rabais des employés ne seront pas touchés par l’impôt. La ministre Lebouthillier a demandé à l’Agence du revenu du Canada de rectifier cela.

Or, la question des avantages imposables est tellement complexe qu’elle fait l’objet d’un guide de l’Agence du revenu du Canada de 52 pages, qui porte le numéro T4130. Tous les employeurs et tous les salariés du pays sont touchés d’une façon ou d’une autre par les règles sur les avantages imposables. Or, on est en droit de se demander si le premier ministre entend maintenant suivre l’exemple du président Trump et légiférer par Twitter. Les fiscalistes utilisent déjà la loi, les règlements, la jurisprudence, les bulletins d’interprétation, les tables rondes et la doctrine. Ils auront maintenant les comptes Twitter du premier ministre comme outil d’interprétation de la Loi de l’impôt sur le revenu.

Je vous rappelle que le programme du Parti libéral indiquait que le gouvernement doit appuyer ses politiques sur des faits, et non pas inventer des faits en fonction des politiques auxquelles il accorde la priorité. Monsieur le leader, sur quels faits, sur quelles études objectives le premier ministre s’est-il basé pour établir sa nouvelle politique sur les avantages des employés? Est-ce que la plateforme Twitter est appelée à devenir un nouveau mécanisme de législation?

[Traduction]

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie l’honorable sénateur de sa question réfléchie.

Je tiens à redire que Twitter est un outil de communication important, mais qu’il ne sert pas à l’élaboration de politiques, surtout au regard de toutes les considérations dont doivent tenir compte les gouvernements en matière de décisions stratégiques. Le premier ministre et la ministre responsable, Mme Lebouthillier, ont simplement tenté d’expliquer que la ministre n’avait pas été consultée sur les propositions d’imposition des rabais aux employés mentionnées par les médias.

Le gouvernement ne cherche pas uniquement à appuyer ses politiques sur des faits, mais aussi à assurer la responsabilité ministérielle. C’est pourquoi cette directive a été retirée afin que la ministre puisse assumer cette responsabilité.

[Français]

Le sénateur Carignan : Pouvez-vous nous dire alors, monsieur le leader, à quel moment seront rendus publics les détails de la nouvelle politique du gouvernement sur les règles fiscales liées aux avantages imposables? Est-ce que la règle non écrite sur le rabais accordé aux employés, qui fait en sorte que le prix demandé ne doit pas être inférieur au prix coûtant, sera maintenue?

[Traduction]

Le sénateur Harder : Je remercie l’honorable sénateur de sa question. La ministre a bel et bien précisé que la seule directive retirée est celle à laquelle nous avons fait allusion. Elle a ajouté que les autres directives de l’Agence du revenu du Canada sur les règles fiscales liées aux avantages imposables sont tout à fait adéquates et qu’elles demeureront en vigueur.


[Français]

ORDRE DU JOUR

La Loi sur la statistique

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Cordy, appuyée par l’honorable sénateur Richards, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-36, Loi modifiant la Loi sur la statistique.

L’honorable Raymonde Gagné : Honorables sénateurs, c’est avec beaucoup d’attention que j’ai écouté, lu et relu les propos de la sénatrice Cordy, marraine du projet de loi C-36, et ceux de l’honorable sénatrice Frum.

Mes propos au sujet du projet de loi C-36, à l’étape de la deuxième lecture, seront brefs. Ils ne se rapportent pas tant, d’ailleurs, au fond du projet de loi qu’à la discussion et au vocabulaire qu’on y retrouve en ce qui concerne l’indépendance de Statistique Canada.

Si le but de ce projet de loi est effectivement d’accroître l’indépendance de Statistique Canada, j’ai été soulagée d’apprendre que l’indépendance qu’on souhaite désormais consacrer à la Loi sur la statistique se limite en grande partie aux décisions méthodologiques et opérationnelles. Comme l’exprimait M. Paul Thomas, professeur émérite de l’Université du Manitoba, avec ce projet de loi :

[…] la politique demeure la prérogative du gouvernement et du Parlement, tandis que les aspects opérationnels et techniques sont censés être du ressort du statisticien en chef et des autres spécialistes de Statistique Canada.

L’honorable Navdeep Bains, ministre responsable de Statistique Canada, a confirmé aussi ce partage des responsabilités lors de l’étude de ce projet de loi par un comité de l’autre endroit. Je le cite :

Pour ce qui est du déroulement des activités, de décider de la façon dont les données seront recueillies ainsi que du genre de données à recueillir, que ce soit obligatoire ou volontaire, par exemple, tous les pouvoirs reviennent au statisticien en chef.

En ce qui concerne les données qui seront recueillies et le genre d’information dont nous avons besoin, c’est-à-dire les domaines d’intérêt, la décision revient au ministre.

C’est clairement établi dans le projet de loi. On prend la convention en vigueur et on l’entérine dans ce projet de loi. On dit très clairement que c’est le ministre qui détermine le genre d’information à recueillir, et que la façon dont les données seront recueillies est laissée aux soins et à l’expertise de Statistique Canada et du statisticien en chef.

(1420)

L’article 21 de l’actuelle Loi sur la statistique, qui donne au gouverneur en conseil le pouvoir de prescrire par décret les questions à poser lors du recensement décennal, n’est donc pas touché par ce projet de loi.

Je tenais à m’exprimer à ce sujet à l’étape de la deuxième lecture, avant que le projet de loi ne soit transmis à un comité pour y être étudié de façon approfondie, afin de sensibiliser mes collègues quant à l’enjeu important de la détermination des questions du recensement décennal et à l’importance de maintenir le pouvoir du gouverneur en conseil à ce chapitre.

Le recensement décennal est l’outil principal dont nous disposons pour avoir une image claire de notre pays et des tendances qui marqueront notre avenir. Ce recensement revêt une importance particulière pour les communautés de langue officielle en situation minoritaire, car les données recueillies, si elles sont les bonnes, permettent de faire l’inventaire des besoins des communautés et des obligations du gouvernement fédéral à leur égard.

Les plus perspicaces d’entre vous, honorables sénateurs, ont peut-être remarqué, lors du dernier recensement décennal, l’ajout de questions portant sur la langue au formulaire court obligatoire. Nous avons tous dû indiquer, lors du recensement national de 2011, si nous parlions suffisamment bien le français ou l’anglais pour mener une conversation, la langue que nous parlons le plus souvent à la maison, et si nous parlons régulièrement d’autres langues.

L’ajout de ces questions, pourtant assez inoffensives, a été le fruit de combats juridiques, de pétitions et de demandes d’injonction devant la Cour fédérale. Pour vous mettre en contexte, le gouvernement fédéral avait décidé que l’enquête auprès des ménages, le formulaire long, ne serait plus obligatoire en 2011. Ce formulaire contenait cinq questions portant sur la langue, et la Fédération des communautés francophones et acadienne (FCFA) craignait, à juste titre, la disparition d’une source importante de données. Le gouvernement n’a pas cédé quant au caractère non obligatoire du formulaire long, mais a fini par ajouter des questions pertinentes à la langue au formulaire obligatoire court.

Avec ce projet de loi, il revient au statisticien en chef de déterminer si la participation à un recensement est obligatoire ou pas, puisqu’il s’agit d’une question méthodologique. Cependant, le gouvernement garde la maîtrise, et surtout la responsabilité, des données recueillies. Comme le démontre la bataille juridique menée par la FCFA, cette responsabilisation est importante, et il est rassurant de savoir qu’elle ne disparaîtra pas avec ce nouveau projet de loi, au nom de l’indépendance institutionnelle. Cette imputabilité demeure pertinente aujourd’hui.

Par exemple, les questions du recensement décennal, telles qu’elles sont formulées à l’heure actuelle, ne permettent pas un dénombrement exact des ayants droit, ceux pour qui le droit à l’éducation dans la langue officielle minoritaire est protégé par l’article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés. Dans les provinces à majorité anglophone, ce droit est garanti aux enfants dont les parents ont le français comme langue maternelle, dont les parents sont allés à l’école primaire en français, ou dont le frère ou la sœur a fréquenté une école de langue française.

Le recensement permet simplement de dénombrer ceux qui tombent dans la première catégorie et ne pose aucune question sur le type d’école fréquentée. L’enjeu est immense, et un dénombrement complet et cohérent des ayants droit pourrait aider des milliers de Canadiens hors Québec à avoir accès à une éducation en français. Le gouvernement actuel s’est dit prêt à revoir cette question.

Il est important pour les communautés francophones en situation minoritaire de savoir que le gouvernement fédéral demeure responsable à l’égard de ce processus, et que l’indépendance accrue de Statistique Canada, un objectif louable, ne pourra servir de prétexte à l’inaction.

Je réitère donc mon appui au principe de ce projet de loi, car il atteint le juste équilibre entre l’indépendance opérationnelle de Statistique Canada et le maintien de la responsabilité du gouvernement quant à ses priorités politiques. Je suivrai avec attention l’étude en comité, et je prie mes collègues qui seront chargés de cette étude de bien tenir compte du rôle clé que joue Statistique Canada pour ces petites communautés qui continuent toujours de s’épanouir partout au pays. Merci.

L’honorable Claudette Tardif : Mon honorable collègue accepterait-elle de répondre à une question?

La sénatrice Gagné : Certainement.

La sénatrice Tardif : Sénatrice Gagné, comme vous l’avez indiqué dans vos propos, l’ajout de questions au recensement de 2021 afin de dénombrer les ayants droit pour assurer la pleine mise en œuvre de l’article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés est d’une importance capitale pour les communautés de langue officielle en situation minoritaire. Pouvez-vous nous assurer que le projet de loi C-36 ne sera pas préjudiciable aux intérêts des communautés de langue officielle en situation minoritaire, compte tenu du fait que le gouvernement pourrait ne pas agir dans sa quête d’indépendance?

La sénatrice Gagné : Je remercie l’honorable sénatrice de cette question. J’aimerais vous dire que j’avais les mêmes inquiétudes que vous. Selon ma lecture et ma compréhension, l’article 21 de la loi stipule que le gouverneur en conseil prescrit par décret les questions à poser lors d’un recensement qui est mené en vertu des articles 19 ou 20. Il détient toujours cette responsabilité et ce rôle. J’estime donc qu’il a toujours ce pouvoir.

Encore là, comme je l’ai mentionné dans mon discours, l’indépendance accrue de Statistique Canada ne peut et ne doit pas servir de prétexte à l’inaction. J’espère que cela répond à votre question.

La sénatrice Tardif : Merci.

(Sur la motion de la sénatrice Omidvar, au nom de la sénatrice Griffin, le débat est ajourné.)

[Traduction]

Le Sénat

Adoption de la motion concernant la période des questions de la séance du 24 octobre 2017

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat), conformément au préavis donné le 18 octobre 2017, propose :

Que, pour permettre au Sénat de recevoir un ministre de la Couronne au cours de la période des questions tel qu’autorisé par le Sénat le 10 décembre 2015, et nonobstant ce que prévoit l’article 4-7 du Règlement, lorsque le Sénat siégera le mardi 24 octobre 2017, la période des questions commence à 15 h 30, toutes les délibérations alors en cours au Sénat étant interrompues jusqu’à la fin de la période des questions, qui sera d’une durée maximale de 40 minutes;

Que, si un vote par appel nominal coïncide avec la période des questions tenue à 15 h 30 ce jour-là, ce vote soit reporté et ait lieu immédiatement après la période des questions;

Que, si la sonnerie d’appel pour un vote retentit à 15 h 30 ce jour-là, elle cesse de se faire entendre pendant la période des questions et qu’elle retentisse de nouveau à la fin de la période des questions pour le temps restant;

Que, si le Sénat termine ses travaux avant 15 h 30 ce jour-là, la séance soit suspendue jusqu’à 15 h 30, heure de la période des questions.

— Honorables sénateurs, je propose la motion inscrite au nom de la sénatrice Bellemare.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée.)

L’ajournement

Adoption de la motion

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat), conformément au préavis donné le 18 octobre 2017, propose :

Que, lorsque le Sénat s’ajournera après l’adoption de cette motion, il demeure ajourné jusqu’au mardi 24 octobre 2017, à 14 heures.

— Honorables sénateurs, je propose la motion inscrite au nom de la sénatrice Bellemare.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée.)

(1430)

[Français]

Le Code criminel

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Hervieux-Payette, C.P., appuyée par l’honorable sénateur Joyal, C.P., tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-206, Loi modifiant le Code criminel (protection des enfants contre la violence éducative ordinaire).

L’honorable André Pratte : Honorables sénateurs, mon père était un homme très sévère. Il nous imposait des règles strictes et était plus qu’exigeant. Dès notre très jeune âge, il fallait s’habiller d’une certaine façon, se tenir droit, parler une langue correcte, tenir ses ustensiles comme il faut, ne jamais interrompre la conversation des adultes, toujours venir dès qu’il nous appelait et, bien sûr, avoir d’excellentes notes à l’école. L’autorité de mon père était telle que, pendant très longtemps, nous n’avons jamais osé la contester. Pourtant, jamais mon père n’a levé la main sur l’un de ses trois enfants. Très rarement même a-t-il haussé le ton.

Élever des enfants est une chose très difficile. Les émotions sont souvent à fleur de peau. Il arrive que la colère explose et, alors, selon la fatigue de la journée, selon ce que nous avons vécu, selon nos valeurs, selon les obstacles que la vie a mis sur notre route, cette colère peut s’exprimer par l’usage de la force contre les enfants.

Je n’ai pas à répéter ce qu’ont dit avant moi, et bien mieux que je ne pourrais le faire, les sénateurs Hervieux-Payette, Sinclair, Pate, Munson et Petitclerc au sujet des ravages que peut faire cette violence.

[Traduction]

J’aimerais plutôt parler aujourd’hui de certains des arguments qui ont été soulevés par ceux qui s’opposent au projet de loi S-206.

Tout d’abord, les détracteurs du projet de loi ont rejeté des dizaines d’études qui démontrent que l’usage de la force sur les enfants entraîne une panoplie de répercussions néfastes à court et à long termes. Ils s’opposent à ces études en affirmant que la majorité d’entre elles n’abordent pas la notion de force « raisonnable », comme la fessée, mais bien de force excessive, qui est déjà illégale au Canada.

Par conséquent, je ne vais pas parler aujourd’hui des types de force excessive qui sont déjà criminalisés, mais bien de la force « raisonnable », telle qu’elle a été définie par la Cour suprême en 2004. Il s’agit de cette force, ces châtiments corporels infligés avec des mains nues qui ne blessent pas l’enfant, cette force à laquelle ont quotidiennement recours des parents pour punir, protéger ou calmer leur enfant, ou pour l’emmener quelque part contre son gré, que les détracteurs du projet de loi S-206 défendent.

La plus récente recherche sur cette question, publiée l’an dernier dans le Journal of Family Psychology, a examiné 75 études, menées pendant plusieurs années et dans différents pays, sur la fessée ou autres tapes de la main. Ces 75 études, auxquelles ont participé 160 000 enfants, ont révélé que, lorsque les châtiments corporels peuvent être associés à une répercussion sur l’enfant, 99 p. 100 de ces répercussions sont négatives. Ce genre de résultat illustre clairement que l’usage de la force sur les enfants n’est pas avantageux, peu importe la façon dont l’argument est présenté.

Dans son discours sur ce projet de loi, notre ami et collègue, le sénateur Plett, a cité une étude qui s’est attardée à la situation en Suède, où les fessées sont illégales depuis 1979. Selon les statistiques qu’il a présentées, depuis que ces gestes sont bannis, « les cas de violence physique commis par des parents contre des enfants de moins de 7 ans avaient augmenté de 489 p. 100 de 1981 à 1984 ».

Le sénateur a laissé entendre que l’interdiction de la fessée avait empiré la situation sur le plan de la violence contre les enfants. Les chiffres cités par le sénateur proviennent d’articles publiés par le professeur Robert Larzelere, un spécialiste de la méthodologie de recherche à l’Université d’État de l’Oklahoma. Or, ces chiffres ne disent pas tout à fait ce que laisse entendre le professeur Larzelere. Les Suédois étaient, de toute évidence, préoccupés par l’explosion de cas de mauvais traitement d’enfants par des membres de leur famille. La question a fait l’objet de plusieurs études. Selon la professeure Pernilla Leviner, de l’Université de Stockholm :

Les constations de ces études laissent entendre que la hausse du nombre de cas déclarés ne reflète par une hausse réelle du nombre de cas de mauvais traitement d’enfants, mais peut plutôt s’expliquer par le fait que la tolérance à l’égard des actes d’agression infligés à des enfants a diminué et que, par conséquent, tant les professionnels que les particuliers sont plus disposés à informer les autorités des cas soupçonnés.

Autrement dit, la violence contre les enfants n’a pas augmenté de 489 p. 100 entre 1981 et 1984. Ce qui a augmenté, c’est le nombre de cas signalés à la police.

Cela dit, il est vrai que l’interdiction du châtiment corporel n’a pas résolu le problème de la violence familiale en Suède ou ailleurs dans le monde. De même, au Canada, nous devons éviter d’attribuer à l’abrogation de l’article 43 du Code criminel des avantages qui ne sont tout simplement pas là. Cette mesure ne résoudra pas le problème de la violence contre les enfants comme par magie.

Toutefois, l’abrogation de l’article 43 aura deux effets positifs. Premièrement, elle enverra un message clair aux adultes, à savoir qu’il leur est interdit d’avoir recours à la force pour corriger un enfant. Deuxièmement, elle protégera les enfants du recours à la force qui — aussi raisonnable qu’on prétende qu’il soit, et même en présumant qu’il s’agit d’une solution efficace à court terme dans certains cas — est moralement inacceptable, car il cause de la douleur et de la peur à des personnes sans défense.

Le deuxième argument de ceux qui s’opposent au projet de loi S-206 — c’est même le cœur de leur argumentaire — est que, sans l’article 43, non seulement les parents ne pourront plus corriger « de façon raisonnable » leurs enfants, par la fessée notamment, mais ils ne seront plus en mesure d’exercer leur rôle parental. Je vais encore citer le sénateur Plett :

[Ce] qu’on nous propose ici va bien au-delà du pouvoir d’un parent raisonnable et responsable de donner une tape à son enfant. Ce projet de loi veut empêcher les parents de s’acquitter de leurs responsabilités parentales. Si on abrogeait l’article 43, c’est la disposition générale du Code criminel relative aux voies de fait qui s’appliquerait à tout parent, instituteur ou tuteur qui recourt à la force contre un enfant sans son consentement.

Le sénateur poursuit avec un exemple :

Pensez donc à la situation dans laquelle se trouverait un parent si un jeune enfant refusait d’aller à l’école. Comment un parent raisonnable est-il censé conduire un enfant à l’école sans le prendre, contre son gré, et le transporter?

Lorsqu’il interrogeait la sénatrice Petitclerc, l’honorable sénateur a donné d’autres exemples de recours à la force qui exposerait les parents et les professeurs à des accusations criminelles si on abrogeait l’article 43, par exemple, lorsqu’il faut séparer deux enfants qui se battent ou empêcher un enfant de mettre sa main sur la cuisinière allumée.

Nous aurions tort de rejeter cet argument d’emblée. Après tout, ne s’agit-il pas du même argument que la juge en chef McLachlin avait invoqué dans la décision rendue à la majorité en 2004?

Selon cet argument, si on abrogeait l’article 43, les parents seraient à la merci de tout procureur qui déciderait de les accuser de voies de fait parce qu’ils ont soulevé de force un enfant en pleine crise sur le plancher de l’épicerie ou qu’ils ont séparé deux enfants qui se battaient dans la cour de l'école.

Je ne crois pas que ce serait le cas, et d’autres personnes bien mieux renseignées que moi non plus.

Premièrement, lorsqu’ils décident s’il y a lieu de déposer des accusations, les procureurs de la Couronne doivent tenir compte de la nature de l’infraction reprochée, de sa gravité ou de sa banalité et de « l’effet sur l’administration de la justice d’engager des ressources pour diriger les procédures à la lumière de la gravité ou de la banalité de l’infraction ».

Compte tenu des critères énumérés dans le Guide du Service des poursuites pénales du Canada, il serait effectivement étonnant qu’un procureur décide d’inculper un parent dans les circonstances décrites précédemment.

(1440)

Imaginons un procureur zélé qui déciderait de tout de même déposer des accusations. Le parent serait protégé par deux principes de la common law : la défense fondée sur la nécessité et le principe de minimis.

[Français]

La juge Louise Arbour, alors qu’elle siégeait à la Cour suprême, a expliqué les circonstances dans lesquelles la défense fondée sur la nécessité pourrait s’appliquer, que l’article 43 fasse partie ou non du Code criminel. Elle a mentionné ce qui suit, et je cite :

[...] l’art. 43 ne permettrait pas d’excuser le père ou la mère qui immobiliserait son enfant pour qu’il reçoive une injection conformément aux directives du médecin, mais le parent en question pourrait, à mon sens, opposer à une accusation de voies de fait le moyen de défense de common law fondé sur la nécessité. Les parents ont toujours eu la possibilité d’invoquer ce moyen de défense de common law dans le cas où cela est indiqué, et ils pourraient continuer de le faire si le moyen de défense prévu à l’art. 43 était invalidé.

[Traduction]

Le principe voulant que des petites choses la loi ne se soucie pas — de minimis non curat lex protégerait les parents dans les autres exemples présentés par le sénateur Plett. Ce principe a été défini dans une décision anglaise rendue il y a longtemps :

En présence d’irrégularités entraînant de très légères conséquences, elle ne vise pas à infliger des peines inéluctablement sévères. Si l’écart est une vétille qui, advenant qu’elle se poursuive, n’aurait que peu ou pas d’incidence sur l’intérêt public, on pourrait légitimement l’ignorer.

Ce principe s’appliquerait advenant que, par exemple, un parent force un enfant à demeurer assis sur une chaise en pénitence pendant cinq minutes pour qu’il se calme. La loi ne se soucie pas des bagatelles.

Je cite encore une fois la juge Arbour :

[Si] l’article 43 était invalidé […] les parents ne risqueraient pas davantage d’être amenés en cour pour avoir donné une « petite tape sur une fesse » qu’ils risquent de l’être actuellement pour avoir simplement « goûté » un raisin au supermarché.

[Français]

En retirant l’article 43 du Code criminel, le message diffusé aux parents est clair : le châtiment corporel qui consiste à frapper un enfant pour le punir n’est plus accepté par la société canadienne. Ce n’est pas le cas actuellement. Dans un jugement de 2004, la Cour suprême a voulu clarifier le sens de l’article 43 et préciser ce que signifie une « force raisonnable dans les circonstances », en énonçant une liste de critères.

Ainsi, pour être légal, l’usage de la force par un parent ne doit pas s’exercer à l’endroit d’un enfant de moins de deux ans ou d’un adolescent; la punition ne doit pas être dégradante, inhumaine ou préjudiciable; la correction ne doit pas comporter l’utilisation d’un objet, des gifles ou des coups à la tête. Finalement, le châtiment doit viser à infliger une correction et ne doit pas résulter de la frustration, de l’emportement ou du tempérament violent du gardien.

Même si ces critères ont clarifié certaines choses, ils n’ont pas éliminé toute confusion, d’autant plus que, en établissant ces critères, la cour s’est basée sur ce qu’elle croyait être à l’époque le consensus parmi les experts.

Or, comme je l’ai mentionné plus tôt, une grande majorité d’experts s’opposent à l’usage de la force pour la correction des enfants.

[Traduction]

Même le professeur Larzelere, un des rares scientifiques à défendre la fessée, suggère le recours à cette pratique dans des circonstances beaucoup plus limitées que celles données par la Cour suprême. Selon lui, les recherches montreraient que la fessée n’est efficace que si les parents la limitent à deux tapes, après que d’autres solutions plus douces aient échoué, et que si l’enfant est âgé de deux à six ans. Alors, qui a raison?

Je crois qu’il est grand temps que nous mettions un terme à la confusion et que nous envoyions un message clair. De nos jours, le recours à la force, même minime, à l’endroit d’un enfant est tout simplement inacceptable dans les familles canadiennes.

Mon père est décédé il y a plus de 30 ans et j’aime croire que, s’il était toujours en vie, il serait fier de me voir ici aujourd’hui et de m’entendre dire que j’ai l’honneur d’être membre du Sénat grâce à ses enseignements : la discipline, sans laquelle il est si facile d’être détourné du droit chemin; l’importance de travailler dur, sans quoi, quels que soient nos talents, nous ne pouvons rien accomplir qui soit durable; et, enfin, le caractère essentiel de la droiture, une voie difficile à suivre qui n’est pas connue pour sa gloire.

Mon père m’a enseigné toutes ces leçons de vie sans jamais lever la main sur moi, ne serait-ce que pour une gifle. Il est vrai qu’il pouvait nous terrifier d’un simple regard, mais cette peur n’était pas productive; la peur l’est rarement.

De plus, mon père était l’un de ces hommes d’une époque révolue, une époque où les hommes étaient incapables de dire ou de montrer à leurs enfants qu’ils les aimaient. C’est notre plus grand regret, et c’était le sien aussi.

C’est par l’exemple — une vie fondée sur la discipline, le dur travail et la droiture — que mon père m’a enseigné tout ce qui m’a mené jusqu’ici. J’essaie du mieux que je peux de suivre son exemple sur les éléments les plus valables.

C’est parce que j’ai assimilé ces valeurs par son exemple que je suis absolument convaincu que l’on peut séparer le recours à la force et la discipline, que non seulement nous pouvons, mais nous devons enseigner aux enfants les valeurs essentielles de la vie sans jamais leur faire mal. Voilà pourquoi j’appuie le projet de loi S-206.

(Sur la motion de la sénatrice Andreychuk, le débat est ajourné.)

Régie interne, budgets et administration

Adoption du dix-neuvième rapport du comité

Le Sénat passe à l’étude du dix-neuvième rapport du Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l’administration (Budget de comité—législation), présenté au Sénat le 17 octobre 2017.

L’honorable Leo Housakos propose que le rapport soit adopté.

— Il s’agit du rapport recommandant que des fonds soient débloqués pour le Comité d’examen de la réglementation. Avec le consentement du Sénat, nous demandons l’attribution d’un petit budget pour répondre aux besoins de ce comité au cours de l’année. Il s’agit d’un comité mixte permanent de la Chambre et du Sénat pour l’examen de la réglementation. Je propose que le rapport soit adopté.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée, et le rapport est adopté.)

Le Sénat

Motion tendant à modifier le Règlement du Sénat afin que les rapports législatifs des comités sénatoriaux respectent une méthodologie transparente, intelligible et non partisane—Motion d’amendement—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Bellemare, appuyée par l’honorable sénateur Harder, C.P.,

Que le Règlement du Sénat soit modifié, afin que les rapports législatifs des comités du Sénat respectent une méthodologie transparente, intelligible et non partisane, par substitution de l’article 12-23(1) par ce qui suit : 

« Obligation de faire rapport d’un projet de loi

12-23. (1) Le comité saisi d’un projet de loi doit en faire rapport au Sénat; ce rapport fait état de tout amendement recommandé par le comité et doit inclure en annexe les observations de celui-ci sur les sujets suivants :

a) la conformité, de manière générale, du projet de loi à la Constitution du Canada, notamment :

(i) la Charte canadienne des droits et libertés;

(ii) le partage des compétences législatives entre le Parlement et les législatures provinciales et territoriales;

b) la conformité du projet de loi aux traités et accords internationaux signés ou ratifiés par le Canada;

c) le fait que le projet de loi porte ou non atteinte indûment aux minorités ou aux groupes défavorisés sur le plan économique;

d) le fait que le projet de loi a des impacts sur des provinces ou territoires;

e) le fait que les consultations appropriées ont été tenues;

f) toutes erreurs manifestes de rédaction;

g) les amendements au projet de loi présentés au comité qui n’ont pas été adoptés par celui-ci, de même que le texte de ces amendements;

h) toute autre question qui, de l’avis du comité, doit être portée à l’attention du Sénat. »

Et sur la motion d’amendement de l’honorable sénatrice Nancy Ruth, appuyée par l’honorable sénateur Tkachuk,

Que la motion ne soit pas maintenant adoptée, mais qu’elle soit modifiée par :

1.adjonction du nouveau paragraphe suivant après le paragraphe c) proposé :

« d) le fait que le projet de loi a fait l’objet d’une analyse comparative entre les sexes approfondie; »;

2.modification de la désignation des paragraphes d) à h) proposés à e) à i).

L’honorable David M. Wells : Honorables sénateurs, je propose l’ajournement du débat à mon nom.

(Sur la motion du sénateur Wells, le débat est ajourné.)

(1450)

Motion tendant à presser le gouvernement d’établir une Galerie nationale de portraits—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Joyal, C.P., appuyée par l’honorable sénateur Eggleton, C.P.,

Que profitant de l’opportunité de célébrer les 150 ans du Canada comme pays uni et de reconnaître la contribution des Premières Nations, l’établissement des premiers colons et l’apport continu des immigrants en provenance de partout au monde, qui ont fait et continuent de faire du Canada une grande nation, le Sénat presse le gouvernement de s’engager à établir une Galerie nationale de portraits dans l’ancienne ambassade américaine, en face du Parlement, comme legs permanent pour marquer cette importante étape dans l’histoire de notre pays et en reconnaissance de la contribution de ces milliers de personnes et talents qui ont contribué à son succès.

L’honorable David M. Wells : Honorables sénateurs, je voudrais que le débat soit ajourné à mon nom.

(Sur la motion du sénateur Wells, le débat est ajourné.)

Les familles d’enfants autistes en crise

Le dixième anniversaire du rapport du Sénat—Interpellation—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur l’interpellation de l’honorable sénateur Munson, attirant l’attention du Sénat sur le 10e anniversaire de son rapport Payer maintenant ou payer plus tard : Les familles d’enfants autistes en crise.

L’honorable Dennis Glen Patterson : Honorables sénateurs, je parlais du fait de travailler avec des familles afin d’étudier et de mettre au point des solutions pour aider les personnes autistes à vivre de façon autonome.

J’ai discuté avec M. John Seigner, l’ambassadeur et coordonnateur du centre de ressources Ability Hub à Calgary. Au moment d’élaborer les modèles, M. Seigner a également tenu compte de la question de savoir qui assumerait la fonction de tuteur pour ces personnes après la mort des parents. C’est l’une des préoccupations de mes amis, qui ont le même âge que moi et qui s’interrogent quant à l’avenir de leur fils adulte.

L’un des modèles, c’est le foyer de groupe dirigé par les familles. Ce modèle regroupe quatre ou cinq familles dont les enfants d’âge adulte ont des besoins semblables et, idéalement, se connaissent déjà, parce qu’ils ont fréquenté la même école ou les mêmes programmes de jour. Les parents choisissent ensuite l’organisme de soutien qu’ils préfèrent et entament avec lui des négociations. L’organisme, à son tour, travaille de concert avec les familles afin de négocier des sources de financement auprès du gouvernement et du secteur privé, et ce, en vue de concevoir un modèle hybride permettant aux parents de diriger la mise sur pied et le fonctionnement du foyer. Les parents sont ainsi en mesure d’assurer une certaine permanence et une stabilité pour leurs enfants. Après un certain temps, l’organisme devient le principal responsable du fonctionnement du foyer.

L’autre modèle qui est à l’étude à Calgary est celui dit « du concierge » : quand un complexe domiciliaire est construit, on prévoit une somme dans la structure financière pour payer ce qu’on appelle un « travailleur de soutien personnel ». Celui-ci est chargé d’offrir du soutien personnalisé et de voir aux besoins de chacun, comme préparer les médicaments de telle ou telle personne, expliquer à une autre comment se rendre à l’école ou au travail ou en aider une troisième à se laver, à faire l’épicerie, ce genre de choses. Chaque plan d’aide est établi au cas par cas à partir des indications des parents et des fonds disponibles.

Voilà, chers collègues, ce qui importe le plus, selon moi. Quand je discute avec les parents de personnes autistes ou directement avec celles-ci, ils me disent invariablement que la collaboration est la clé du succès. Les personnes atteintes d’un trouble du spectre autistique et leurs proches doivent être consultés, d’abord pour trouver des pistes de solution, mais aussi pour définir les objectifs et les priorités afin que les résultats attendus soient réalistes et reflètent la réalité sur le terrain. On ne peut pas juste imposer nos solutions et allouer une somme X à un problème sans d’abord explorer les différentes pistes de solution avec les parents. Les législateurs que nous sommes n’auront jamais leur expérience et leur bagage, à moins d’être dans le même cas qu’eux, et les gouvernements à eux seuls n’auront jamais accès à leurs connaissances.

L’approche adoptée à Calgary est prometteuse, parce que les solutions mises à l’essai ont été élaborées, à ce qu’on m’a dit, d’après les commentaires d’une centaine de familles qui se sont réunies régulièrement pour discuter de la question du logement.

Pour terminer, honorables sénateurs, je tiens à appuyer sans réserve la demande du sénateur Munson visant à adopter une stratégie nationale sur le trouble du spectre autistique. Les chiffres sont trop sidérants pour en faire fi.

En 1994, 1 enfant sur 2 000 avait un trouble du spectre autistique. Aujourd’hui, c’est 1 enfant sur 68. Selon l’Enquête nationale sur le logement et le soutien domiciliaire, 63 p. 100 des jeunes adultes qui ont des déficiences développementales vivent encore chez leurs parents passé l’âge de 29 ans, tandis que, selon la société de l’autisme de l’Alberta, 84 p. 100 d’entre eux ont besoin de soutien ciblé pour vivre en autonomie. Par ailleurs, 94 p. 100 des jeunes adultes ayant des déficiences développementales ont besoin d’un logement abordable, 71 p. 100 ont aussi des problèmes de santé mentale et seulement 23 p. 100 d’entre eux ont les moyens de s’offrir des services de soutien.

Une stratégie nationale permettrait aussi de garantir l’accès des habitants du Nord à d’importants services thérapeutiques et diagnostiques. Les interventions auprès des jeunes enfants sont essentielles au succès futur d’un enfant. Malheureusement, à l’heure actuelle, la seule option dont disposent de nombreux habitants du Nord est de se déplacer par avion ou de déménager au Sud, à des lieues de leur famille, leur collectivité et leur culture, afin d’accéder à des services et à des départements importants, comme la pédiatrie du développement, la psychologie pédiatrique, la thérapie comportementale, l’orthophonie, l’ergothérapie et la physiothérapie.

Chers collègues, il est donc temps que nous agissions.

L’honorable Leo Housakos : Honorables sénateurs, on continue de bien documenter les difficultés auxquelles sont confrontées les personnes et les familles aux prises avec le trouble du spectre de l’autisme, mais c’est avec beaucoup de fierté que nous reconnaissons de nombreux organismes dans notre grand pays qui travaillent avec diligence pour améliorer cette situation complexe. Cependant, à bien des égards, rien ne s’améliore. Au contraire, la situation empire. De nos jours, 1 enfant sur 68 reçoit le diagnostic, ce qui représente une part très importante de la population. Comparons ce taux à celui de 2002, où 1 enfant sur 150 recevait le diagnostic.

Il s’agit donc d'une hausse fulgurante au cours des 15 dernières années. Ce phénomène a de profondes répercussions sur les personnes, les familles et l’ensemble du Canada. Nous savons maintenant que le trouble du spectre de l’autisme est le trouble neurologique le plus couramment diagnostiqué chez les enfants au Canada, et il est présent dans tous les groupes raciaux, ethniques et socioéconomiques. Il y a environ 12 ans, l’autisme, qui est un trouble permanent, est devenu une grande préoccupation pour moi et mon épouse, Demi, lorsqu’Emmanuel, le fils de nos chers amis Mary Gouskos et Nick Katalifos, a reçu le diagnostic à l’Hôpital de Montréal pour enfants. Par leur entremise, nous avons été directement témoins des défis et des difficultés auxquels sont confrontées les familles aux prises avec l’autisme, et nous félicitons toutes celles qui continuent de relever ces défis avec dignité et persévérance.

[Français]

Il est important pour moi de souligner le Mois de la sensibilisation à l’autisme. C’est une cause qui me tient à cœur depuis longtemps. Emmanuel, le fils de mes amis, est atteint d’autisme. À travers eux, ma femme et moi sommes témoins des difficultés que vivent trop de familles dont un enfant ou un proche est atteint d’autisme. Je tiens d’ailleurs à souligner leur courage et leur persévérance, mais aussi à reconnaître leur engagement au sein de leur communauté afin d’aider d’autres familles qui font face aux mêmes défis qu’eux.

[Traduction]

Honorables sénateurs, les recherches montrent clairement qu’un diagnostic précoce et une stratégie d’intervention à long terme sont essentiels pour ces familles, des familles qui déploient beaucoup d’efforts pour que leur enfant s’en tire bien. Bien que l’on trouve dans nos systèmes de santé et d’éducation certains des plus brillants esprits et certaines des meilleures approches, il ressort nettement que ces systèmes sont surchargés et ont beaucoup de difficulté à répondre à la demande de services pour les enfants atteints du trouble du spectre de l’autisme.

Ce n’est pas l’expertise canadienne en autisme qui est remise en question. Ce qu’il faut remettre en question, c’est la façon dont nous continuons de sous-financer les ressources nécessaires pour aider un nombre croissant de familles canadiennes.

La réalité toute simple, mais alarmante, a été décrite avec précision il y a 10 ans par le Comité sénatorial des affaires sociales, des sciences et de la technologie dans son rapport de 2007 intitulé Payer maintenant ou payer plus tard : Les familles d’enfants autistes en crise. Comme le titre de cette étude l’indique, cette crise ne fera que s’aggraver si le gouvernement fédéral n’intervient pas immédiatement pour revoir les politiques sur l’autisme au Canada. Le rapport recommandait de mettre en place une stratégie nationale sur les troubles du spectre de l’autisme dont l’un des principaux volets consisterait à accroître les possibilités offertes aux Canadiens autistes en matière d’éducation et de formation professionnelle.

Un grand nombre d’organismes privés tentent de combler les lacunes. Par exemple, dans ma ville, Montréal, la fondation À pas de géant, qui gère une école et un centre de ressources pour les enfants autistes, offre un ensemble complet de programmes axés sur une variété de méthodes thérapeutiques et pédagogiques. Malheureusement, il y a plus d’enfants sur la liste d’attente que d’enfants qui reçoivent l’aide qu’ils méritent et dont ils ont désespérément besoin.

(1500)

Le gouvernement fédéral doit agir.

[Français]

Comme je l’ai mentionné, le nombre de personnes atteintes d’autisme continue d’augmenter d’année en année. Malheureusement, la situation risque de s’aggraver si le gouvernement fédéral ne met pas très rapidement des mesures en place pour faire face à cette crise.

Le rapport du Sénat sur l’autisme recommandait, il y a déjà 10 ans, l’adoption d’une stratégie nationale sur l’autisme, qui permettrait, entre autres, d’élaborer un plan pour que les Canadiens atteints d’autisme puissent avoir accès à plus de programmes en matière d’éducation et à davantage de formation professionnelle.

[Traduction]

Par ailleurs, au Québec, des chercheurs qui étudient l’autisme travaillent fort afin de créer le Réseau pour transformer les soins en autisme, ou RTSA, un projet motivé par une vision commune qui a pour but de créer un réseau de spécialistes de calibre mondial qui regroupera les meilleurs chercheurs du domaine de l’autisme au Québec. Ce projet réunit 40 chercheurs de différentes institutions du Québec, dont 7 universités — y compris l’Université McGill et l’Université de Montréal —, 5 centres universitaires de santé et plus de 200 cliniciens, stagiaires et autres intervenants hautement qualifiés. Ils ont pour objectif d’établir un réseau de recherche sur l’autisme très bien coordonné dans l’ensemble de la province. Ces gens apportent leur contribution, et nous devons faire de même, chers collègues.

Même si les efforts comme ceux de la fondation À pas de géant et du RTSA méritent d’être salués, sans aide suffisante de la part du gouvernement fédéral, ces intervenants et d’autres organismes semblables auront une lourde tâche à accomplir. Nous n’en faisons pas encore suffisamment pour soutenir ces initiatives ainsi que d’autres programmes similaires d’un bout à l’autre du pays.

Les efforts ont commencé avec le gouvernement du premier ministre Stephen Harper, qui a offert 11 millions de dollars sur quatre ans pour financer des programmes de formation destinés aux adultes autistes en vue de faciliter leur intégration au marché du travail. D’ailleurs, certaines sociétés ont également reconnu que ces gens possèdent souvent des talents et des compétences très recherchés. Le gouvernement actuel doit maintenir et même enrichir les efforts de son prédécesseur.

Chers collègues, nous croyons tous que chaque enfant recèle le potentiel nécessaire pour réussir et accomplir de grandes choses. Toutefois, nous sommes tous différents et, par conséquent, nous apprenons de diverses façons. Quand la société saura encourager tous les enfants à développer leurs forces sans en laisser un seul de côté, elle sera enfin en mesure de réaliser pleinement le potentiel humain de l’ensemble de la population.

Qu’il s’agisse de recherches ou d’intervention précoce, de soutien aux familles ou de formation à l’emploi, l’heure est venue d’élaborer une politique nationale sur l’autisme qui soit cohérente, résolue et dirigée par le gouvernement. Dix ans se sont écoulés depuis la publication de notre rapport, honorables sénateurs, mais nous n’avons pas oublié les défis quotidiens que doivent relever ces Canadiens. Nous ne les oublierons pas non plus. Il est temps d’agir. Merci.

L’honorable Wanda Thomas Bernard : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour appuyer l’adoption d’une stratégie nationale sur l’autisme, une stratégie qui garantirait à tous les Canadiens atteints d’un trouble du spectre de l’autisme un accès équitable aux services dont ils ont besoin et qu’ils méritent pour vivre pleinement.

Je remercie le sénateur Munson d’avoir donné le coup d’envoi cette année au Mois de la sensibilisation à l’autisme, ainsi que tous nos collègues qui appuient cet appel au changement.

Aujourd’hui, je souhaite prendre la parole au Sénat au nom de certains Canadiens qui ont été réduits au silence et ignorés : des Afro-Canadiens, des gens qui vivent dans la pauvreté et d’autres groupes marginalisés qui ont un accès limité aux services dont ils ont besoin pour réaliser leur plein potentiel. Le temps est venu de reconnaître que l’épanouissement est un droit fondamental de la personne. Nous devons, à titre de décideurs, rendre ce droit accessible à tous les Canadiens. Travaillons ensemble pour établir une stratégie nationale qui améliorera la vie de personnes et de familles vivant avec un trouble du spectre de l’autisme. Offrons-leur la possibilité de réussir et de s’épanouir toute leur vie durant.

Honorables sénateurs, les appels au changement ont été maintes fois répétés. Les sénateurs Munson et Housakos ont œuvré avec diligence pour sensibiliser les décideurs et provoquer des changements à l’échelon fédéral. Ensemble, nous visons un but commun : aider les Canadiens dans leur recherche d’une vie productive et épanouissante.

La communauté des troubles du spectre autistique continue de revendiquer des améliorations. Elle fait des études et publie des recommandations visant à améliorer le sort des gens qui vivent avec ces troubles. Je voudrais exprimer ma gratitude envers cette communauté, qui comprend les principaux intéressés et leurs défenseurs, pour ses efforts méritoires en vue d’améliorer la qualité de vie de tous ceux qui sont affectés par l’autisme.

Cependant, malgré tout ce travail, les familles et ceux qui ont pris leur propre cause en main continuent de nous signaler les lacunes et le besoin criant d’une stratégie nationale. Prenons le cas d’un père ou d’une mère de famille qui vient d’apprendre que son enfant est atteint d’un trouble du spectre autistique. Les parents qui s’adressent aux écoles et aux centres de ressources communautaires ou encore qui consultent des sites Internet pour se renseigner davantage et obtenir de l’aide se sentent rapidement dépassés et déroutés. Étant donné la pénurie de services de santé et de services sociaux pour les personnes atteintes des troubles du spectre autistique, beaucoup de parents ont l’impression d’être abandonnés et ressentent de la frustration lorsqu’ils essaient de prendre soin de leur enfant et qu’ils doivent trop souvent s’en remettre aux services d’urgence.

Récemment, le magazine Options politiques a publié un article qui commence par l’entrée en matière suivante : « Beaucoup d’adolescents et d’adultes autistes font appel aux services d’urgence, car le soutien qu’ils reçoivent est insuffisant pour éviter les crises. » Une étude nous apprend que près d’une personne sur quatre atteinte d’autisme, parmi les adolescents et les adultes, a dû être amenée d’urgence à l’hôpital au cours des 12 à 18 derniers mois. Le fait que des familles aient continuellement recours aux services d’urgence est la preuve que nous devons améliorer l’aide proactive.

L’étude nous révèle aussi qu’une personne sur six parmi les adolescents et les adultes atteints des troubles du spectre autistique a eu des interactions avec des policiers qui se sont souvent avérées fâcheuses. À certains endroits au pays, les policiers disposent d’un registre de personnes vulnérables qu’ils peuvent consulter lorsqu’ils doivent interagir avec des personnes atteintes d’un trouble du spectre autistique. Cette pratique nous montre qu’il faut fournir davantage d’aide à ces personnes afin de prévenir les interactions fâcheuses avec la police et de réduire le recours aux services d’urgence.

En Ontario, près de 75 p. 100 des adultes atteints d’un trouble du spectre autistique disposent d’un revenu annuel inférieur à 30 000 $. Ces données sont tirées du rapport intitulé Choosing Now. Dans ma province, la Nouvelle-Écosse, les 21 000 personnes qui ont reçu un diagnostic d’autisme sont victimes d’exclusion sociale et économique. Ces difficultés ne feront qu’augmenter si on n’assure pas un soutien de l’enfance à l’âge adulte.

En Nouvelle-Écosse, seulement 11 p. 100 des parents qui élèvent un enfant autiste sont en mesure d’occuper un emploi à temps plein. De nombreuses familles vivent dans la pauvreté, puisqu’il peut en coûter trois fois plus cher d’élever un enfant handicapé.

En Nouvelle-Écosse, les adultes atteints d’autisme sont souvent inscrits sur les listes d’attente de foyers collectifs pendant une période pouvant aller jusqu’à 10 ans, ce qui signifie que les familles jouent le rôle d’aidants beaucoup plus longtemps qu’elles ne le prévoyaient.

Non seulement la documentation révèle qu’il existe des lacunes dans les services, mais il est important de souligner qu’il existe des lacunes dans les statistiques disponibles sur les troubles du spectre autistique et dans la collecte de données. Il n’y a aucune donnée concernant les Afro-Canadiens atteints d’un de ces troubles. La plupart des recherches qui ont été menées n’isolent pas précisément les renseignements concernant la façon particulière dont les troubles du spectre autistique touchent les familles de différentes origines ethniques. Selon le rapport Choosing Now d’Autisme Canada, il existe des disparités raciales considérables. Un enfant afro-canadien peut attendre jusqu’à trois fois plus longtemps avant de recevoir un diagnostic qu’un enfant de race blanche. Les enfants des minorités visibles sont privés des interventions précoces qui sont cruciales. Il leur est alors plus difficile de réussir pendant l’enfance ou la vie adulte.

Le fait de regrouper toutes les minorités dans une seule catégorie d’utilisateurs limite la capacité de comprendre les difficultés que vivent les différentes communautés. Lorsque ces familles constatent que leurs expériences ne se retrouvent pas dans la documentation disponible, elles souffrent encore plus d’isolement.

(1510)

Nous manquons de données et nous ne comprenons pas les besoins qui se recoupent dans diverses familles vivant d’un bout à l’autre du pays. On n’applique pas assez le modèle intersectionnel et le cadre non oppressif dans les services de santé, ce qui laisse de nombreuses familles dans l’ignorance. De l’information existe sur la marginalisation socioéconomique des familles d’origine africaine et sur celle des familles touchées par les troubles du spectre autistique, mais la conjugaison des facteurs race et handicap fait que les familles d’origine africaine touchées par ces troubles sont doublement pénalisées. Leur réalité n’est pas décrite dans les études universitaires. Il faut donc ajouter à la stratégie nationale sur l’autisme un cadre qui tienne compte des besoins particuliers des Canadiens d’origine africaine. Ce faisant, on fera un grand pas vers l’égalité d’accès au soutien.

Honorables collègues, l’accès aux services offerts aux personnes atteintes de troubles du spectre autistique est un besoin qui dure toute la vie. Le soutien offert diminue au fur et à mesure que les gens vieillissent, alors que les difficultés sociales et économiques se multiplient à l’âge adulte. En 2010, le Canada a signé la Convention relative aux droits des personnes handicapées, qui a pour objet, et je cite :

[…] de promouvoir […] la pleine et égale jouissance de tous les droits de l’homme et de toutes les libertés fondamentales par les personnes handicapées et de promouvoir le respect de leur dignité intrinsèque.

Cela montre non seulement que nous avons les moyens et la volonté d’appuyer les personnes atteintes de troubles du spectre autistique, mais aussi que nous avons l’obligation légale de leur offrir des possibilités égales.

Nous avons besoin d’une stratégie nationale sur l’autisme pour améliorer la vie de toutes les familles, notamment des familles à faible revenu, des familles victimes de discrimination raciale, des familles monoparentales, des familles vivant dans des régions éloignées ou rurales, et des familles qui parlent une autre langue ou ont une autre culture.

Les services offerts actuellement sont beaucoup trop lacunaires. Les parlementaires ont la capacité d’offrir le soutien fondamental nécessaire pour réduire les obstacles auxquels font face ces familles et ces particuliers. Une stratégie nationale sur l’autisme contribuera à faciliter l’accès dans tout le pays. Elle pourrait porter sur des normes de service exhaustives, ainsi que sur la formation et l’information destinées aux familles et aux soignants. Il n’y a pas d’autre solution. Les familles ne peuvent plus continuer d’assumer la responsabilité des soins à prodiguer aux êtres qui leur sont chers.

Honorables sénateurs, j’ai entendu les préoccupations des membres de la communauté, et j’ai moi-même été témoin des difficultés. C’est maintenant le moment de réagir. Nous devons briser les barrières des pratiques actuelles, et remédier aux écarts dans l’accès aux services. Nous avons la responsabilité de changer les choses pour les individus, les familles et la communauté touchée par les troubles du spectre de l’autisme. Je vous remercie.

(Sur la motion du sénateur Gold, le débat est ajourné.)

Droits de la personne

Autorisation au comité de reporter la date du dépôt de son rapport final sur les questions concernant les droits de la personne des prisonniers dans le système correctionnel

L’honorable Jim Munson, conformément au préavis donné le 17 octobre 2017, propose :

Que, nonobstant l’ordre du Sénat adopté le jeudi 15 décembre 2016, la date du rapport final du Comité sénatorial permanent des droits de la personne concernant son étude sur les prisonniers dans le système correctionnel, soit reportée du 31 octobre 2017 au 31 octobre 2018.

— Je propose la motion inscrite à mon nom.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée.)

(À 15 h 14, le Sénat s’ajourne jusqu’au mardi 24 octobre 2017, à 14 heures.)

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