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Débats du Sénat (Hansard)

1re Session, 42e Législature
Volume 150, Numéro 193

Le mardi 17 avril 2018
L’honorable George J. Furey, Président


LE SÉNAT

Le mardi 17 avril 2018

La séance est ouverte à 14 heures, le Président étant au fauteuil.

Prière.

[Traduction]

Les victimes de la tragédie

Humboldt—Minute de silence

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, c’est avec tristesse et consternation que nous avons appris le tragique accident d’autobus survenu le 6 avril, qui a coûté la vie à 16 personnes liées aux Broncos de Humboldt et en a blessé 13 autres. Plusieurs sénateurs ont déjà exprimé leur soutien aux familles et aux communautés endeuillées et d’autres entendent le faire également. Je vous invite à vous lever pour observer une minute de silence à la mémoire des victimes de cette tragédie.

(Les honorables sénateurs observent une minute de silence.)


[Français]

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

La tragédie de Humboldt

Hommages

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, vous êtes nombreux à vouloir dire quelque chose sur la tragédie de Humboldt. Je crois comprendre qu’il y a consentement pour porter à 30 minutes la période consacrée aux déclarations. Est-ce d’accord?

Des voix : D’accord.

[Traduction]

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, il n’y a rien de comparable à l’énergie et l’exubérance d’un groupe de jeunes gens dans la fleur de l’âge.

Des adolescents et des jeunes adultes peut se dégager une confiance absolue. On a l’impression que le monde leur appartient. Mettons-les ensemble dans une équipe, avec des patins, dans un aréna, et ils sauront inspirer et enthousiasmer les gens.

On peut s’imaginer de quoi avaient l’air les Broncos de Humboldt au moment d’embarquer dans l’autocar à destination d’un tournoi comme les autres, dans un rituel familier pour cette équipe. Les voyages de ce genre faisaient partie de leur vie. Dans l’autocar, ils échangeaient plaisanteries et vidéos YouTube entre les arrêts chez Tim Hortons et les moments occasionnels de calme et peut-être même de sommeil.

Nous qui avons déjà été jeunes et avons des enfants et des petits-enfants pouvons facilement nous imaginer la scène, mais nous sommes incapables de nous imaginer ce qui est arrivé aux Broncos de Humboldt alors qu’ils étaient en route pour Nipawin.

Nous prions pour les disparus et pour ceux ont été blessés physiquement et moralement. Nous ressentons la peine des familles et des amis de ceux qui ont perdu la vie. Nous gardons dans nos cœurs toute la population de Humboldt. Nous ne pouvons pas concevoir la douleur qui vous afflige à chaque instant.

La regrettée poète américaine Maya Angelou a écrit un jour ce qui suit :

J’ai un fils, qui est mon cœur. Un merveilleux jeune homme, audacieux et tendre et fort et gentil.

La dernière semaine nous a montré que les Canadiens de partout au pays ont une place dans leur cœur pour les fils et les filles de Humboldt. Dans ces moments de douleur, nous espérons que l’amour d’une nation vous offrira des instants de réconfort dans cette période de deuil et de guérison.

L’honorable Larry W. Smith (leader de l’opposition) : C’est le cœur lourd que je prends la parole aujourd’hui pour offrir mes condoléances à la famille, aux amis et aux concitoyens des membres de l’équipe de hockey junior des Broncos de Humboldt.

C’est tout le pays qui est en deuil. C’est tout le pays qui pleure la perte tragique de ces jeunes sportifs et des membres de leur équipe de soutien emportés trop tôt.

Les tragédies de ce genre nous semblent inconcevables. Il nous est tous difficile d’accepter que ces jeunes sportifs — au sommet de leur forme — n’auront plus de temps de glace.

[Français]

Depuis que les Canadiens et les Canadiennes ont appris la nouvelle de ce terrible accident, ils se sont rassemblés pour manifester leur soutien et pour offrir, en tant que pays, leurs encouragements à tous ceux et celles qui sont touchés par la tragédie.

[Traduction]

Nous avons vu des bâtons de hockey placés sur les perrons dans des quartiers complets. Nous avons vu des chandails de hockey portés en hommage aux victimes jeudi dernier. Nous avons vu la générosité des Canadiens.

(1410)

Aux familles et aux amis qui doivent composer avec l’impensable perte d’un être cher, j’espère que vous trouverez paix et réconfort en sachant que le pays partage votre deuil. Sachez que nous n’oublierons jamais les êtres chers que vous avez perdus.

Aux survivants qui ont été témoins de cet horrible accident, j’espère que vous trouverez la force et le soutien nécessaires pour vous remettre de cette rude épreuve. Bon courage et, dans les moments de désarroi, sachez que les Canadiens souhaitent de tout cœur votre rétablissement et votre bien-être.

Je remercie les premiers intervenants et les professionnels de la santé du courage dont ils ont fait preuve dans des circonstances que la plupart d’entre nous ne peuvent même pas imaginer. Qu’ils sachent que leurs exploits ne sont pas passés inaperçus.

À toutes les personnes touchées par cette tragédie, qu’elles habitent dans des villages ou de grandes villes, aux amateurs et aux joueurs de hockey dévoués, aux frères, aux sœurs et aux parents, où qu’ils soient, je rappelle que le Canada repose sur des collectivités fortes. Que vous soyez en Saskatchewan ou ailleurs au pays, sachez que vous n’êtes pas seuls. Le pays tout entier partage votre douleur.

Le sport est ce qui nous rassemble. C’est dans le sport que naissent des champions et, surtout, que des coéquipiers forment une famille.

Nos pensées et nos prières vous accompagnent tous.

L’honorable Yuen Pau Woo : Chers collègues, je me souviens du moment où j’ai appris que l’autobus transportant l’équipe de Humboldt avait été impliqué dans un accident. Je consultais les actualités sur mon iPad. J’ai d’abord pensé qu’il s’agissait d’un accident de la route ordinaire. Toutefois, au bout de quelques secondes, je me suis rendu compte que ce n’était pas du tout le cas.

Les premiers reportages faisaient déjà état d’une douzaine de morts. Comme on le sait, dans les jours qui ont suivi cet accident, d’autres personnes ont perdu la vie. Cette journée restera gravée avec beaucoup de tristesse non seulement dans la mémoire des gens de la Saskatchewan et des familles touchées, mais aussi dans celle de toute la population canadienne.

Au lendemain de ce tragique accident, les manifestations de sympathie et d’appui venues de partout au pays se révèlent de grands motifs de réconfort. Dans ma province, un groupe de mères de joueurs de hockey a organisé une journée du maillot à laquelle ont participé de nombreux sénateurs et employés de l’Administration du Sénat. Le matin, quand je me suis rendu au magasin local, j’ai été très impressionné de voir, sur le chemin de l’école, des enfants qui portaient un chandail de hockey. Des travailleurs, qui se rendaient au travail en voiture ou en autobus, portaient eux aussi un chandail de hockey. Au restaurant du coin, le serveur portait un chandail de hockey et il en était de même des caissiers chez Canadian Tire.

Voilà qui montre à quel point cet accident a touché la psyché des Canadiens et combien nous compatissons sincèrement à la douleur des familles et des amis touchés.

Par ailleurs, des Canadiens et des gens du monde entier se sont ralliés dans le cadre de la campagne GoFundMe lancée par le parent d’un joueur de hockey de Humboldt. Cette campagne a déjà permis de recueillir 12 millions de dollars.

Au nom du Groupe des sénateurs indépendants, j’offre mes plus sincères condoléances aux familles et aux amis dans le deuil et j’assure les survivants que nous les appuierons et que, dorénavant, nous les aiderons à réaliser leurs rêves.

Merci.

L’honorable Joseph A. Day (leader des libéraux au Sénat) : Honorables sénateurs, le scénario est le même dans toutes les collectivités où on joue au hockey, d’un bout à l’autre du Canada : les garçons et les filles, les jeunes hommes et les jeunes femmes, les entraîneurs et le personnel des équipes voyagent en autocar pour se rendre aux matchs et aux tournois. Dans les petites localités comme dans les grandes villes, nos fils et nos filles voyagent en autocar sur les autoroutes et les routes rurales qui sillonnent notre vaste pays.

Malheureusement, comme tous les Canadiens le savent, le 6 avril, une tragédie a bouleversé le quotidien du monde sportif. Juste au nord de Tisdale, en Saskatchewan, un poids lourd est entré en collision avec l’autocar transportant les Broncos de Humboldt, une équipe de la ligue de hockey junior de la Saskatchewan. L’atmosphère était à la fête alors que l’équipe s’en allait disputer un match éliminatoire à Nipawin, mais un instant plus tard est survenu le terrible accident qui a coûté la vie à 16 personnes, en a grièvement blessé 13 autres et a bouleversé des familles à tout jamais.

Pendant les jours qui ont suivi, tous les Canadiens ont dû composer avec la perte. Cependant, le Canada s’est uni derrière les survivants blessés et les familles des habitants de Humboldt qui sont décédés. Depuis ce terrible jour, des Canadiens d’un océan à l’autre se sont réunis pour manifester leur appui envers une collectivité et une province en deuil en exposant des bâtons de hockey sur leur perron, en portant des chandails de sport au travail et à l’école et en versant des millions de dollars en dons pour aider les familles à composer avec leur perte inimaginable.

Honorables sénateurs, nous partageons tous la douleur de Humboldt, tout comme c’était le cas il y a 10 ans lorsque sept membres des Phantoms, l’équipe de basketball de l’école secondaire de Bathurst, et leur enseignante ont perdu la vie dans une horrible collision sur une route enneigée de ma province, le Nouveau-Brunswick.

Au nom des libéraux indépendants au Sénat, j’offre mes plus sincères condoléances aux familles, aux amis et aux proches des 16 personnes qui sont décédées dans cette tragédie. J’offre aussi notre soutien et nos meilleurs vœux aux blessés et à leur famille. J’espère que nos pensées et nos prières leur donneront de la force alors qu’ils commencent à refaire leur vie.

L’honorable Pamela Wallin : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui avec de l’amour dans le cœur pour les amis et les voisins à Humboldt et les gens de nombreuses petites villes des Prairies qui envoient leurs garçons réaliser un rêve et tenter de se dépasser. Dans ces petites villes, tout le monde connaît quelqu’un qui a été touché. Mon neveu a joué avec plusieurs des garçons. Tous les enfants prennent un autobus pour se rendre à l’école, à une compétition de hockey ou de volleyball ou à un camp.

Aujourd’hui, au Sénat, nous pleurons la perte des victimes avec leur famille et nous prions pour les familles qui veillent toujours à l’hôpital.

Au cœur de cette peine, il y a eu bien des moments émouvants : le DVD brisé du film Lancer-frappé qu’on a trouvé près de l’autocar ou le geste inspirant de Logan Boulet, un jeune homme de 21 ans, qui a insisté pour signer sa carte de don d’organes peu après son anniversaire. Il ignorait que, quelques semaines plus tard, son extraordinaire geste altruiste offrirait le don de la vie à six personnes. Comme l’a dit Neil Langevin, le parrain du jeune homme : « Ce geste à lui seul en dit long sur la nature altruiste et bienveillante de Logan. » L’histoire de Logan a incité de nombreux Canadiens à signer leur carte de don d’organes.

Par la suite, les Canadiens ont exposé leurs bâtons de hockey à l’extérieur pour appuyer les Broncos. Cette campagne a balayé le pays et ma ville, Wadena. Tout le monde déposait ses bâtons devant sa porte d’entrée, et les agriculteurs les déposaient même le long de la route. Il y a eu aussi la Journée du chandail sportif, où le pays a montré son soutien en portant les couleurs des Broncos ou un chandail sportif d’une équipe locale.

Pensez aussi au nombre impressionnant de dons qu’on a faits pour la campagne de financement sur la plateforme GoFundMe, lancée au départ par Sylvie et Cailin en vue d’amasser quelques dollars afin acheter du café et de la nourriture pour les familles qui attendaient des nouvelles. À l’heure actuelle, la campagne a recueilli plus de 12 millions de dollars.

Lors d’une tragédie, les gens font toujours preuve d’une grande humanité. Cet esprit aide tout le monde à composer avec la douleur et la perte, et cette fois-ci ne fait pas exception.

Je tiens à dire un mot au sujet des premiers intervenants. Ils travaillent de façon professionnelle dans un contexte douloureux et infernal pour sauver des vies. Nous leur exprimons tout notre respect et notre gratitude. Je remercie les bénévoles et les religieux qui continuent de soigner l’âme des personnes qui sont brisées émotionnellement. Je remercie le maire de Humboldt, Rob Muench, que j’ai rencontré la semaine dernière, d’avoir réussi à exprimer ce que ressentent de nombreuses personnes et d’être une voix forte de la collectivité.

Cette semaine, d’un bout à l’autre des Prairies, d’autres funérailles et hommages auront lieu, et les familles entreprendront le long chemin de la guérison.

(1420)

Je tiens à dire aux gens de Humboldt et aux familles touchées par la tragédie des Broncos que, même lorsque les caméras ne seront plus là et que la saison de hockey sera terminée, nous serons toujours là avec vous. Nous savons l’immense courage dont il faudra faire preuve, les décisions difficiles qui devront être prises et tous les efforts qu’il faudra déployer.

Le président des Broncos, Kevin Garinger, a déclaré ceci : « S’il nous reste une lueur d’espoir, c’est l’amour que nous avons pour notre prochain. »

En terminant, je rappelle les paroles d’une personne pleine de sagesse :

Il y a du sacré dans les larmes. Elles ne sont pas un signe de faiblesse, mais de force. Elles sont plus éloquentes que dix mille langues. Elles sont les messagères de l’incommensurable chagrin, et de l’indicible amour. 

L’honorable A. Raynell Andreychuk : Honorables sénateurs, après le choc et la consternation, nous avons ressenti un immense chagrin à l’annonce du tragique accident de l’autocar des Broncos de Humboldt, alors que l’équipe était en route pour Nipawin.

Les membres de l’équipe, les proches et les amis de ceux qui nous ont quittés, les personnes blessées dans l’accident et tous les gens de Humboldt qui doivent surmonter cette tragédie sont dans nos prières et nos pensées.

Ceux qui, comme moi, connaissent Humboldt savent que les gens qui y habitent se soucient de leurs concitoyens dans les bons moments comme dans les périodes difficiles. On a d’ailleurs pu voir à quelle vitesse les gens se sont rassemblés pour se serrer les coudes.

On ne saurait trop remercier les premiers intervenants, les policiers, les pompiers, les médecins et les autres intervenants de l’ensemble de la Saskatchewan. Malgré la distance, les secours ont été rapides et les gens sur place ont fait montre d’un grand courage. Nous entendons chaque jour parler d’actes de gentillesse, de générosité et de compassion qui proviennent tant des bénévoles qui recueillent des dons que des restaurants qui distribuent de la nourriture. Ces gestes témoignent de la résilience des gens de Humboldt.

Laissez-moi vous citer les propos de Dean Brockman, l’ancien entraîneur-chef des Broncos :

La réponse extraordinaire reçue à la suite de cet accident témoigne du caractère des gens de la Saskatchewan. Même si le hockey n’a pas la même importance pour chacun, beaucoup ont découvert qu’ils avaient des liens avec Humboldt ou les personnes touchées. D’autres ont simplement ouvert leur cœur. La population de la Saskatchewan n’hésite pas à tendre la main en cas d’adversité.

D’un bout à l’autre du pays, tous les Canadiens ont été émus par cette tragédie dévastatrice. C’est le premier ministre de la Saskatchewan, Scott Moe, qui a dit ce qui suit :

Aussi éprouvante que la situation puisse être, la population de Humboldt et de la Saskatchewan est sensible au soutien et aux prières; nous vous en sommes infiniment reconnaissants.

Continuons de nous demander comment nous pouvons aider, au cours des prochains jours, la collectivité et toutes les personnes touchées. Suivons leur exemple positif de courage et d’énergie pour nous remettre ensemble de cet accident horrible. La voie du rétablissement est longue, mais les gens ont déjà fait les premiers pas. En chemin vers la guérison, ils auront le pays derrière eux.

L’honorable Denise Batters : Honorables sénateurs, le sénateur Tkachuk m’a demandé de lire sa déclaration destinée aux Broncos de Humboldt, puisqu’il ne peut être présent à cause du mauvais temps. Après avoir lu sa brève déclaration, je ferai la mienne.

Du sénateur Tkachuk :

Notre comportement quand frappe l’adversité révèle notre vraie nature. La façon dont nous réagissons à une situation difficile en dit plus à notre sujet que notre comportement lorsque la vie est facile.

Personne ne s’attendait à ce qui est arrivé à l’équipe des Broncos de Humboldt le soir du 6 avril. Seize jeunes vies ont été fauchées, presque toutes en un seul instant. Cela dépasse l’entendement.

Pourtant, la collectivité de la Saskatchewan s’est rapidement mobilisée au lendemain de la tragédie, tout comme les Canadiens à travers le pays. Je n’ai jamais rien vu de pareil.

J’étais présent à la vigile tenue dimanche à Humboldt à la mémoire de ceux qui ont perdu la vie et en signe d’appui à ceux qui ont été blessés. L’aréna de hockey était bondé, et il y avait même des gens dans le gymnase d’une école et dans un centre de curling, où une transmission vidéo en direct de l’aréna était présentée.

J’ai été particulièrement étonnée du leadership dont ont fait preuve le président des Broncos, Kevin Garinger, et le maire de Humboldt, Rob Muench. Chacun d’eux, malgré l’adversité et leur immense chagrin, a fait preuve de compassion, de sang-froid et d’empathie, sans jamais verser dans la banalité. Chacun d’eux a fait preuve de leadership. C’est ce genre de leadership qui aidera leur collectivité à se remettre de cette épreuve.

Que Dieu bénisse les jeunes gens qui ont été arrachés cruellement à leur famille, les jeunes qui ont été blessés et qui sont hospitalisés, l’organisation des Broncos de Humboldt et la Ville de Humboldt.

Voici maintenant mes réflexions. Le hockey fait partie intégrante de notre pays. Il fait partie de notre identité en tant que Canadiens. C’est le ciment qui lie ensemble de nombreuses collectivités rurales, tout particulièrement dans les Prairies canadiennes. Par conséquent, lorsqu’un accident horrible se produit et que 16 jeunes faisant partie d’une équipe de hockey junior sont tués sur une autoroute rurale en Saskatchewan, cela touche les Canadiens au plus profond de leur être.

La mort de jeunes coéquipiers, de leurs entraîneurs et de membres du personnel semble particulièrement cruelle. Les jeunes athlètes sont censés être invincibles.

Comme l’a dit Rod Pedersen, un commentateur sportif bien connu de Regina :

Je ne connaissais pas personnellement les joueurs de l’équipe des Broncos de Humboldt, mais je les connaissais.

Les joueurs de hockey sont tous les mêmes. Ce sont les gens que j’aime le plus au monde parce qu’ils sont positifs, heureux et pleins de vie.

La perte de ces jeunes, dont l’avenir était tellement prometteur, a profondément touché les Canadiens. La semaine dernière, la population de la petite ville de Humboldt en Saskatchewan est passée de 6 000 à 36 millions de personnes. Les Canadiens de partout au pays ont offert leur appui aux Broncos de Humboldt. Des Canadiens ont déposé des bâtons de hockey à l’extérieur de leur maison, enfilé un chandail à l’occasion de la « Journée du chandail sportif » et donné 12 millions de dollars par l’intermédiaire de la page GoFundMe des Broncos. Les Canadiens sont de tout cœur avec les jeunes coéquipiers, leur famille et leur collectivité. Nous leur souhaitons d’avoir la force de surmonter cette épreuve au cours des jours et des mois à venir.

Honorables sénateurs, les Saskatchewanais ont souvent dit que les Roughriders de la Saskatchewan étaient l’équipe canadienne par excellence, mais aujourd’hui, je sais qu’ils accepteraient volontiers de céder le titre d’équipe canadienne par excellence aux Broncos de Humboldt.

L’honorable Jim Munson : Honorables sénateurs, je remercie la sénatrice Jaffer de m’avoir cédé son temps de parole. J’aimerais parler de deux personnes qui nous ont quittés : Brody Hinz, qui s’occupait bénévolement des statistiques des Broncos de Humboldt, et, bien sûr, Tyler Bieber, le commentateur de l’équipe.

Brody était atteint du syndrome d’Asperger. Il s’occupait bénévolement de recueillir et de compiler les statistiques de l’équipe, en collaboration avec Tyler Bieber. Il était à bord de l’autocar. Brody a aussi participé aux Jeux olympiques spéciaux, à l’épreuve de quilles et à celle de hockey en salle. « C’était un jeune homme remarquable; il nous a tant donné », a déclaré la ministre de l’Église unie Humboldt Westminster, Brenda Curtis. Brody était effectivement un jeune homme remarquable qui était atteint d’une forme d’autisme hautement fonctionnelle, le syndrome d’Asperger. « Il était brillant », a ajouté Mme Curtis.

Elle se rappelle qu’une fois, quand il avait 6 ans, Brody regardait un bulletin météo à la télé. Peu de temps après, il a saisi son ardoise et il y a écrit le nom de toutes les villes mentionnées, la province où elles étaient situées et le temps qui y était annoncé. Elle n’en revenait pas.

Brody était très actif dans son église. Son père est mort quand il était encore jeune. Il était plein de vie, à ce qu’on m’assure. À l’église, si on en croit le StarPhoenix de Saskatoon, au lieu de chanter pendant les hymnes, il dansait. Il adorait danser. Il détendait automatiquement l’atmosphère au sein de la congrégation. Plus tard, à l’adolescence, il aidait à donner les cours de l’école du dimanche, et les enfants l’adoraient.

Voici une autre anecdote vraiment intéressante au sujet de Brody : au début de la saison des Broncos, il a jeté un œil sur les statistiques. Il a compilé toutes celles se rapportant aux Golden Knights de Las Vegas, et il a déclaré : « Cette équipe va se rendre en finale de la Coupe Stanley. » Eh bien, devinez quoi, les Golden Knights mènent actuellement 3-0 dans la première série. Alors, vous savez quoi? Je vais enfiler un chandail des Broncos de Humboldt, que je troquerai pour un chandail des Golden Knights si jamais ils remportent la coupe Stanley. Ce serait extraordinaire.

Il a travaillé avec Tyler, qui était commentateur. Je voulais juste dire quelques mots, car, pour avoir moi-même joué au hockey dans la ligue junior B et la ligue senior dans le Nord du Nouveau-Brunswick, avoir voyagé en autobus, en pleine tempête de neige, et avoir vécu cela aussi avec mes camarades de l’équipe de l’école secondaire de Bathurst, je sais qu’on s’attend toujours à rentrer à la maison, toujours.

J’ai non seulement joué au hockey, j’ai aussi été commentateur pour les Papermakers. J’ai déjà mentionné au Sénat que nous avions un petit garçon, qui aurait été un athlète olympique spécial, mais il est mort à l'âge de 1 an. J’étais en train de couvrir une rencontre pour les Papermakers de Bathurst lorsque mon fils est décédé. Il allait avoir 1 an.

(1430)

On peut imaginer le sentiment qu’on éprouve en perdant un enfant. Qu’on perde un fils âgé de 1 an ou de 18 ans, la douleur est la même. Je tiens à rendre hommage à l’équipe et à ceux qui ont survécu, et j’ai une pensée pour les familles Hinz et Bieber, qui me sont particulièrement chères.

L’honorable Mobina S. B. Jaffer : Honorables sénateurs, c’est le cœur lourd que j’interviens aujourd’hui pour parler de la terrible tragédie qui, le vendredi 6 avril 2018, a frappé la nation dans la campagne de la Saskatchewan. Parmi les victimes de la collision, on compte de nombreux jeunes joueurs — l’un d’eux avait à peine 16 ans —, leur entraîneur, un annonceur sportif à la radio, un jeune de 18 ans qui compilait les statistiques, le chauffeur du bus et une thérapeute sportive.

En effet, le nombre de victimes a encore augmenté mercredi avec le décès de Dayna Brons, la thérapeute sportive des Broncos de Humboldt.

Dayna était dans un état critique à la suite de la collision survenue vendredi près de Tisdale, en Saskatchewan. Sa famille avait fait savoir qu’elle avait subi deux opérations et qu’elle avait été plongée dans un coma artificiel en raison d’un grave traumatisme crânien. Dayna a grandi dans une ferme près de Lake Lenore, en Saskatchewan. Elle avait étudié à l’Université de Regina mais a terminé sa formation à l’Université Mount Royal de Calgary, obtenant en 2016 son diplôme en thérapie sportive. Elle s’était jointe aux Broncos à titre de thérapeute et responsable de l’équipement à l’été 2016, après avoir travaillé pour une équipe de crosse à Saskatoon.

L’annonce de son décès par la famille, le 11 avril dernier, a maintenu le pays dans le deuil. La famille a souligné qu’on se souviendra à jamais de Dayna pour son joyeux sourire et sa passion du sport.

Honorables sénateurs, ce ne sont pas seulement le hockey canadien et les communautés sportives, mais aussi le monde entier, qui pleurent la perte de ces 16 vies. En Ouganda, mon pays d’origine, des centaines d’enfants peuvent marcher grâce aux équipes de hockey canadiennes qui ont généreusement financé leurs opérations chirurgicales. Ainsi, j’ai été touchée de voir dans les médias sociaux la photo d’un jeune garçon ougandais portant le chandail de l’équipe des Rangers d’Oakville et brandissant une pancarte où l’on pouvait lire : « Un message d’amour de l’Ouganda pour Humboldt ».

Mes pensées et mes prières accompagnent tous ceux qui portent le deuil à cause de cette tragédie, y compris les blessés, les premiers intervenants, les familles et les amis des victimes, le personnel et tous les membres des collectivités touchées.

Honorables sénateurs, cette tragédie nous a coûté bien plus que 15 jeunes hommes et une jeune femme qui ont perdu la vie. Elle représente plus que le deuil partagé par les joueurs, l’équipe et les familles. Elle nous apprend que, en tant que société, en tant que Canadiens, nous pouvons compter les uns sur les autres dans les moments difficiles. Je sais que je parle au nom de tous les sénateurs quand je dis ceci aux familles des membres des Broncos de Humboldt : nous ressentons votre douleur et nous voulons que vous sachiez que vous êtes dans nos pensées et nos prières.

Nous sommes tous solidaires de Humboldt.

L’honorable Betty Unger : Honorables sénateurs, depuis 11 jours, les reportages sur un terrible accident qui a enlevé la vie à plusieurs jeunes joueurs et à d’autres membres de l’équipe de hockey des Broncos de Humboldt ont dominé les ondes et fait la une des journaux. Les détails du terrible accident sont bien connus par nous tous, et la tragédie a fait couler les larmes de beaucoup de gens qui ne se sont jamais rencontrés.

Ce fut déchirant d’entendre les détails des histoires partagées par les parents, les survivants, les amis et les premiers intervenants. La douleur, la perte, les vies brisées… Il n’y a pas de mots pour exprimer la profondeur du chagrin qu'éprouvent les familles et les amis qui ont perdu leurs êtres chers pour toujours.

Nombre de collectivités ont été directement touchées par l’accident, notamment dans ma province, l’Alberta.

Six des 10 joueurs qui ont perdu la vie dans l’accident venaient de l’Alberta. Conner Lukan était originaire de Slave Lake et a joué pendant trois saisons pour l’équipe de hockey des Saints de Spruce Grove. Jaxon Joseph venait d’Edmonton. Il était le fils de l’ancien joueur des Oilers d’Edmonton Chris Joseph. Logan Hunter et Stephen Wack étaient originaires de St. Albert. Parker Tobin venait de Stony Plain et Logan Boulet, qui venait d’avoir 21 ans et de signer sa carte de don d’organes, venait de Lethbridge. L’entraîneur en chef de l’équipe, Darcy Haugan, a aussi péri dans l’accident. Il était originaire de la région de Peace River, dans le Nord de l’Alberta.

L’accident a aussi coûté la vie à neuf autres personnes, soit quatre joueurs et six membres du personnel de l’équipe, résidants de la Saskatchewan.

Les paroles ne pourront jamais ramener ce qui a été perdu. Au milieu de ces sombres événements, on a toutefois vu poindre un peu de lumière grâce à l’extraordinaire réaction des Canadiens de partout au pays, qui ont offert leur soutien, leurs prières et leurs vœux.

L’argent recueilli dans le cadre de la campagne internationale GoFundMe sera utilisé à bon escient pour aider certains des survivants ainsi que les familles qui ont tant souffert. Après les gestes inspirés par les bâtons et les chandails de hockey, une cérémonie commémorative parrainée par les Oilers aura lieu aujourd’hui à Edmonton. Des milliers de participants y sont attendus.

À tous ceux qui pleurent la perte d’un être cher, aux blessés qui sont en rétablissement et à tous les premiers intervenants hantés par le souvenir de ce qu’ils ont vécu ce jour-là, sachez que nos pensées, nos cœurs et nos prières vous accompagnent.

Restez forts, chers amis, forts comme Humboldt.

L’honorable Leo Housakos : Honorables sénateurs, je joins ma voix à la vôtre, chers collègues, pour commémorer les victimes de la terrible tragédie survenue sur une route de la Saskatchewan il y a un peu plus d’une semaine, la tragédie des Broncos de Humboldt.

Quand s’est produit l’horrible accident qui a coûté la vie à 16 personnes, mon épouse, Demi, et moi ne pouvions pas imaginer — nous qui sommes parents de joueurs de hockey — la douleur et la détresse que devaient ressentir les parents de tous ceux qui voyageaient dans cet autocar.

Mes deux fils ont probablement passé la moitié de leur vie dans des autocars, déterminés à réaliser leur rêve de devenir des joueurs de hockey. Maintenant qu’ils habitent dans une autre ville pour pratiquer ce sport qu’ils adorent, nous continuons de nous inquiéter quand ils sont sur la route.

Nous avions le bonheur de les avoir à la maison le week-end de l’incident. Ils étaient manifestement très secoués et nous avons pleinement réalisé l’ampleur de la tragédie. Celle-ci ne touche pas seulement les familles immédiates des occupants de l’autobus. C’est aussi un coup dur pour les partisans de l’équipe, les familles hôtes, la collectivité de Humboldt et le pays tout entier.

Ma compassion va également aux premiers intervenants qui se sont rendus sur les lieux de l’accident ce soir-là. Comme vous le savez tous, je parraine un projet de loi d’initiative parlementaire sur le trouble de stress post-traumatique chez les premiers intervenants. Je n’ai pu m’empêcher de penser aux agents de police, aux ambulanciers paramédicaux et aux pompiers qui sont arrivés les premiers sur la scène de l’incident, à l’extérieur de Tisdale. Ils méritent notre immense gratitude.

Le lendemain, j’ai vu que l’ancien joueur de la LNH Sheldon Kennedy les remerciait dans un gazouillis et je l’ai entendu expliquer, au cours d’une entrevue, les répercussions à long terme de cette tragédie sur lui-même et toutes les personnes touchées. Il est bien placé pour en parler, car il a vécu une situation semblable il y a quelques années.

Je voulais simplement prendre un instant pour offrir mes plus sincères condoléances aux familles et aux amis de ceux qui nous ont quittés ce soir-là, ainsi qu’à ceux qui veillent au chevet des blessés encore en convalescence. Je tiens aussi à remercier les premiers intervenants qui se sont présentés sur les lieux de l’accident et tous les membres du personnel médical qui ont travaillé sans relâche depuis ce soir-là.

Nous demeurons tous solidaires de Humboldt.

Visiteurs à la tribune

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de Rosemary McCarney, ambassadrice et représentante permanente du Canada aux Nations Unies à Genève. Elle est l’invitée de l’honorable sénatrice McPhedran.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de Jeannette Corbiere Lavell, d’Yvonne Bedard, de la Dre Sharon McIvor et de la Dre Lynn Gehl. Elles sont les invitées de l’honorable sénatrice McPhedran.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

(1440)

[Français]

La Journée de l’égalité

L’honorable Marilou McPhedran : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour rendre hommage à six femmes autochtones qui ont marqué l’histoire du Canada. Ces leaders se sont démarquées au Canada et sur la scène internationale en dénonçant les injustices que contenait la Loi sur les Indiens, dont certaines résonnent encore.

[Traduction]

Ces six femmes autochtones que nous honorons aujourd’hui au Sénat continuent de militer et de se battre pour défendre le droit à l’égalité des femmes autochtones et de leurs descendants devant la loi canadienne.

Honorables sénateurs, nous célébrons aujourd’hui la Journée de l’égalité, qui nous donne l’occasion de souligner l’importance de la Loi constitutionnelle de 1982, promulguée il y a 36 ans jour pour jour, qui a inscrit la Charte des droits et libertés dans la Constitution. À force de persévérance et de ténacité, les Célèbres six autochtones nous ont appris à défendre la vérité et à combattre les injustices encore présentes à ce jour dans certaines de nos lois.

Certains d’entre nous se sont demandé pourquoi on les appelle les Célèbres six. Eh bien, chers collègues, c’est une allusion aux cinq féministes visionnaires qu’on appelle les Célèbres cinq, et qui, dans l’affaire « personne », ont ouvert les portes du Sénat aux femmes. Des statues ont été érigées en leur honneur sur la Colline du Parlement, à quelques mètres seulement de l’entrée du Sénat.

Les Célèbres six autochtones représentent le mouvement pour l’égalité des femmes autochtones devant la loi, qui a commencé durant les années 1970 avec Jeannette Corbiere Lavell, Yvonne Bédard et la sénatrice Sandra Lovelace Nicholas, qui s’est poursuivi au cours des années 1980 et 1990, et qu’incarnent maintenant Sharon McIvor, Lynn Gehl et la sénatrice Lillian Dyck.

Chers collègues, c'est une journée historique. Non seulement nous célébrons le 80e anniversaire d’Yvonne Bédard, mais toutes ces femmes fortes, dévouées et influentes sont réunies afin que nous puissions rendre hommage à leur lutte pour la justice et l’égalité, car ce combat est également le nôtre.

Ce soir, à la salle 160-S, j’aurai l’honneur de donner une réception en l’honneur des Célèbres six en collaboration avec les sénateurs Joyal, Pate et Boyer ainsi que d’autres parlementaires. Je vous invite à vous joindre à nous, comme l’ambassadrice du Canada auprès des Nations Unies à Genève, qui a gracieusement accepté l’invitation. En effet, Son Excellence Rosemary McCarney, qui est des nôtres aujourd’hui, offrira ce soir ses meilleurs vœux aux Célèbres six. Elle est solidaire avec notre groupe d’alliés qui luttent pour les droits acquis en matière d’égalité des sexes. Mme McCarney fait preuve de leadership dans la promotion de la paix et des droits des femmes au sein des Nations Unies, à Genève. Elle est, depuis longtemps, une ardente défenseure des droits des femmes et des filles au Canada.

Pour conclure, j’espère que vous prendrez le temps d’aller saluer les Célèbres six et que vous serez aussi inspirés que moi par la résilience de ces guerrières visionnaires. Merci, meegwetch.

Visiteur à la tribune

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de Mme Fiona Patten, la sénatrice représentant la région métropolitaine du Nord au sein du Parlement du Victoria de l’Australie. Elle est l’invitée de l’honorable sénateur Campbell.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!


[Français]

AFFAIRES COURANTES

Le Tribunal canadien des droits de la personne

Dépôt du rapport de 2017

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport du Tribunal canadien des droits de la personne pour l’année 2017, conformément à la Loi canadienne sur les droits de la personne, L.R.C. 1985, ch. H-6, par. 61(4).

[Traduction]

La justice

L’Énoncé concernant la Charte en ce qui a trait au projet de loi C-75—Dépôt de document

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, un énoncé concernant la Charte préparé par la ministre de la Justice concernant le projet de loi C-75, Loi modifiant le Code criminel, la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents et d’autres lois et apportant des modifications corrélatives à certaines lois.

[Français]

Le Conseil du Trésor

Dépôt des plans ministériels de 2018-2019

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, les plans ministériels de 2018-2019.

[Traduction]

Le Budget des dépenses de 2018-2019

Dépôt des parties I et II

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le Budget des dépenses 2018-2019, Parties I et II : Plan de dépenses du gouvernement et Budget principal des dépenses.

[Français]

L’étude sur les effets de la transition vers une économie à faibles émissions de carbone

Dépôt du treizième rapport du Comité de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles auprès du greffier pendant l’ajournement du Sénat

L’honorable Rosa Galvez : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur d’informer le Sénat que, conformément aux ordres adoptés par le Sénat le 10 mars 2016 et le 29 mars 2018, le Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles a déposé auprès du greffier du Sénat, le 3 avril 2018, son treizième rapport (intérimaire) intitulé Décarbonisation des industries lourdes.

La Loi sur les traitements
La Loi sur la gestion des finances publiques

Projet de loi modificatif—Présentation du vingt-huitième rapport du Comité des finances nationales

L’honorable Percy Mockler, président du Comité sénatorial permanent des finances nationales, présente le rapport suivant :

Le mardi 17 avril 2018

Le Comité sénatorial permanent des finances nationales a l’honneur de présenter son

VINGT-HUITIÈME RAPPORT

Votre comité, auquel a été renvoyé le projet de loi C-24, Loi modifiant la Loi sur les traitements et apportant une modification corrélative à la Loi sur la gestion des finances publiques, a, conformément à l’ordre de renvoi du 21 mars 2018, examiné ledit projet de loi et en fait maintenant rapport sans amendement.

Respectueusement soumis,

Le président,

PERCY MOCKLER

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Harder, la troisième lecture du projet de loi est inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance.)

Le Budget des dépenses de 2018-2019

Préavis de motion tendant à autoriser le Comité mixte de la Bibliothèque du Parlement à étudier le crédit 1 du Budget principal des dépenses

L’honorable Diane Bellemare (coordonnatrice législative du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que le Comité mixte permanent de la Bibliothèque du Parlement soit autorisé à étudier, afin d’en faire rapport, les dépenses prévues au crédit 1 de la Bibliothèque du Parlement dans le Budget principal des dépenses pour l’exercice se terminant le 31 mars 2019;

Qu’un message soit transmis à la Chambre des communes pour l’en informer.

[Traduction]

Préavis de motion tendant à autoriser le Comité des finances nationales à étudier le Budget principal des dépenses

L’honorable Diane Bellemare (coordonnatrice législative du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que le Comité sénatorial permanent des finances nationales soit autorisé à étudier, afin d’en faire rapport, les dépenses prévues dans le Budget principal des dépenses pour l’exercice se terminant le 31 mars 2019, à l’exception du crédit 1 de la Bibliothèque du Parlement;

Que, aux fins de cette étude, le comité soit autorisé à siéger, même si le Sénat siège à ce moment-là, l’application de l’article 12-18(1) du Règlement étant suspendue à cet égard.

Pêches et océans

Autorisation au comité de siéger en même temps que le Sénat

L’honorable Fabian Manning : Honorables sénateurs, avec le consentement du Sénat et nonobstant l’article 5-5a) du Règlement, je propose :

Que le Comité sénatorial permanent des pêches et des océans soit autorisé à se réunir le mardi 17 avril 2018, à 17 h 30, même si le Sénat siège à ce moment-là, et que l’application de l’article 12-18(1) du Règlement soit suspendue à cet égard.

Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée.)

(1450)

Son Honneur le Président : Avez-vous des questions à poser ou des commentaires à faire, sénateur Manning?

Le sénateur Manning : Je tiens à informer les sénateurs que notre comité entend ce soir le témoignage d’une visiteuse de McLean, en Virginie. Elle est de passage à Ottawa actuellement. Nous avons donc jugé bon de lui permettre de comparaître devant nous.


PÉRIODE DES QUESTIONS

Les travaux du Sénat

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, conformément à la motion adoptée par le Sénat le jeudi 29 mars 2018, la période des questions aura lieu à 15 h 30.

Dépôt de réponses à des questions inscrites au Feuilleton

La santé—L’approche proposée en matière de réglementation du cannabis

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) dépose la réponse à la question no 70, en date du 6 février 2018, inscrite au Feuilleton et Feuilleton des préavis au nom de l’honorable sénatrice Seidman, concernant le document de Santé Canada intitulé Approche proposée en matière de réglementation du cannabis (Santé Canada).

Le Conseil du Trésor—L’approche proposée en matière de réglementation du cannabis

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) dépose la réponse à la question no 70, en date du 6 février 2018, inscrite au Feuilleton et Feuilleton des préavis au nom de l’honorable sénatrice Seidman, concernant le document de Santé Canada intitulé Approche proposée en matière de réglementation du cannabis (Conseil du Trésor).

La santé—La campagne numérique en cours sur les impacts du cannabis sur la santé

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) dépose la réponse à la question no 71, en date du 6 février 2018, inscrite au Feuilleton et Feuilleton des préavis au nom de l’honorable sénatrice Seidman, concernant la campagne numérique en cours pour sensibiliser les Canadiens aux impacts du cannabis sur la santé.

La santé—Les propositions relatives à l’emballage et à l’étiquetage décrites dans le document de Santé Canada intitulé Approche proposée en matière de réglementation du cannabis

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) dépose la réponse à la question no 72, en date du 6 février 2018, inscrite au Feuilleton et Feuilleton des préavis au nom de l’honorable sénatrice Seidman, concernant les propositions relatives à l’emballage et à l’étiquetage décrites dans le document de Santé Canada intitulé Approche proposée en matière de réglementation du cannabis.

La santé—Les exigences en matière de sûreté et de sécurité des licences de production artisanale dans le cadre du projet de loi C-45

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) dépose la réponse à la question no 73, en date du 7 février 2018, inscrite au Feuilleton et Feuilleton des préavis au nom de l’honorable sénateur Smith, concernant les exigences en matière de sûreté et de sécurité relatives aux licences de production artisanale par rapport au projet de loi C-45.

Le revenu national—L’Allocation canadienne pour enfants

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) dépose la réponse à la question no 78, en date du 8 février 2018, inscrite au Feuilleton et Feuilleton des préavis au nom de l’honorable sénateur Downe, concernant l’Allocation canadienne pour enfants.

Réponses différées à des questions orales

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer les réponses aux questions orales suivantes :

Réponse à la question orale posée au Sénat le 31 janvier 2018 par l’honorable sénateur Downe, concernant les postes vacants au Sénat.

Réponse à la question orale posée au Sénat le 8 février 2018 par l’honorable sénateur Carignan, C.P., concernant le lobbying.

Réponse à la question orale posée au Sénat le 8 février 2018 par l’honorable sénateur Downe, concernant le pont de la Confédération — les droits de péage pour le pont.

Réponse à la question orale posée au Sénat le 14 février 2018 par l’honorable sénateur Maltais, concernant les droits linguistiques des minorités.

Réponse à la question orale posée au Sénat le 14 février 2018 par l’honorable sénateur Carignan, C.P., concernant les droits linguistiques des minorités.

Réponse à la question orale posée au Sénat le 14 février 2018 par l’honorable sénatrice Wallin, concernant les postes vacants à la GRC.

Réponse à la question orale posée au Sénat le 14 février 2018 par l’honorable sénatrice Marshall, concernant le financement des programmes d’alphabétisation.

Réponse à la question orale posée au Sénat le 15 février 2018 par l’honorable sénateur Housakos, concernant les statistiques sur la consommation de cannabis.

Réponse à la question orale posée au Sénat le 28 février 2018 par l’honorable sénateur Housakos, concernant le pont Champlain.

Réponse à la question orale posée au Sénat le 28 février 2018 par l’honorable sénateur Carignan, C.P., concernant le budget de 2018.

Réponse à la question orale posée au Sénat le 28 février 2018 par l’honorable sénateur Maltais, concernant la flotte de brise-glaces.

Réponse à la question orale posée au Sénat le 28 février 2018 par l’honorable sénateur Doyle, concernant les quotas de pêche.

Le Bureau du Conseil privé

Les postes vacants au Sénat

(Réponse à la question posée le 31 janvier 2018 par l’honorable Percy E. Downe)

Le 21 février 2018, le gouvernement a annoncé un ensemble d’améliorations à la façon dont les Canadiens peuvent poser leur candidature en vue d’une nomination au Sénat. Les améliorations annoncées comprennent : accepter les dossiers de candidature toute l’année; conserver les dossiers pendant deux ans de sorte que les Canadiens et les Canadiennes puissent être pris en considération pour des nominations futures; permettre aux organismes et aux particuliers de proposer des candidats.

Maintenant, les Canadiens et les Canadiennes ont plus d’occasions pour poser leur candidature au Sénat ou encourager d’autres personnes à le faire.

Le gouvernement a respecté son engagement de rétablir la confiance des Canadiens et des Canadiennes et d’accroître leur participation aux processus démocratiques du Canada. En 2016, le gouvernement a présenté un nouveau processus non partisan et fondé sur le mérite pour permettre aux Canadiens at Canadiennes de poser leur candidature au Sénat. Depuis, 33 nouveaux sénateurs ont été nommés dans le cadre de ce nouveau processus. Ce faisant, le gouvernement respecte le cadre constitutionnel et veille à ce que les provinces et les territoires jouent un rôle important dans le processus.

Le gouvernement a également annoncé qu’il cherchait à combler les sièges vacants dans l’ensemble des provinces et des territoires et ceux qui le seront en 2018. Les candidatures posées d’ici le 3 avril 2018 par des Canadiens et des Canadiennes résidant dans ces dix provinces et territoires seront évaluées par le Comité consultatif indépendant sur les nominations au Sénat (le Comité consultatif) au cours du prochain cycle d’examen des candidatures. Les Canadiens et les Canadiennes sont invités à poser leur candidature en ligne avant la date limite du 3 avril 2018.

Le gouvernement est en train de mettre sur pied un Comité consultatif pour chacune des administrations suivantes : Alberta, Colombie-Britannique, Terre-Neuve et Labrador, Territoires du Nord-Ouest, Nouvelle-Écosse, Ontario, Île-du-Prince-Édouard, Québec, Saskatchewan et Yukon.

Les Canadiens et les Canadiennes peuvent communiquer avec le Comité consultatif pendant les heures normales de bureau par téléphone ou par voie électronique (en remplissant le formulaire sur le site Web du Comité). Selon la nature du commentaire ou de la demande de renseignements, la personne compétente appropriée communiquera avec l’auteur de la demande. De plus, le Comité consultatif a récemment mis à jour son site Web pour l’améliorer, notamment pour y ajouter de nouvelles questions et réponses pour aider les Canadiens et les Canadiennes à mieux comprendre le processus.

Le lobbying

(Réponse à la question posée le 8 février 2018 par l’honorable Claude Carignan)

Comme il a été dit à plusieurs reprises déjà, les industries créatives font face à plusieurs obstacles qui découlent du virage numérique.

La ministre du Patrimoine canadien a rencontré l’ensemble des grandes plateformes dans le contexte des réformes sur le contenu canadien à l’ère du numérique.

L’expertise et la connaissance approfondie du paysage numérique de Mme Church font d’elle un atout essentiel afin d’évaluer comment mieux appuyer le secteur durant cette transition. Mme Church a toujours été entièrement transparente au sujet de son ancien employeur, Google Canada, y compris auprès de la Commissaire aux conflits d’intérêts et à l’éthique.

Les transports

Le pont de la Confédération—Les droits de péage pour le pont

(Réponse à la question posée le 8 février 2018 par l’honorable Percy E. Downe)

Le gouvernement du Canada reconnaît l’importance du Pont de la Confédération pour l’économie régionale tout en assurant un lien permanent avec le continent.

Le Pont de la Confédération est un bien fédéral et le gouvernement du Canada a une entente d’exploitation du Pont avec Strait Crossing Bridge Limited (SCBL) jusqu’en 2032. En vertu de l’entente d’exploitation du pont de la Confédération, l’exploitant du pont a l’autorité de modifier la structure de tarification et les droits de péage. La structure de tarification et les droits de péage sont conformes aux clauses de l’entente de contribution.

Transports Canada évaluera les options bien avant la fin de l’entente actuelle se terminant en 2032. Transports Canada compte respecter l’entente avec SCBL.

Les langues officielles

Les droits linguistiques des minorités

(Réponse à la question posée le 14 février 2018 par l’honorable Ghislain Maltais)

Le gouvernement est fermement déterminé à favoriser la pleine reconnaissance et l’utilisation des deux langues officielles et à appuyer l’épanouissement des deux communautés de langue officielle en situation minoritaire partout au Canada. Le gouvernement reconnaît donc l’importance du droit à l’éducation dans la langue de la minorité en vertu de l’article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés (Charte).

Puisque l’éducation est de compétence provinciale, l’article 23 de la Charte crée des obligations uniquement à la charge des provinces et territoires pour la mise en œuvre de l’article 23 au sein de leurs juridictions respectives.

Le ministère du Patrimoine canadien (Patrimoine canadien) accorde un soutien financier aux provinces et territoires afin de les aider à rencontrer leurs obligations sous l’article 23 de la Charte.

Dans le cadre de l’élaboration du Protocole d’entente relatif à l’enseignement dans la langue de la minorité et à l’enseignement de la langue seconde 2018-2023, Patrimoine canadien a consulté des représentants des provinces et des territoires, ainsi que des conseils scolaires minoritaires. Le ministère du Patrimoine canadien a consulté les ministères de l’Éducation et de l’Éducation supérieure de la Saskatchewan. Le Conseil des écoles fransaskoises (CÉF) a été consulté séparément, le 31 octobre 2016.

En ce qui trait aux consultations relatives au prochain Plan d’action sur les langues officielles (2018-2023), le CÉF a participé à la table ronde de Regina le 7 juillet 2016.

Le patrimoine canadien

Les droits linguistiques des minorités

(Réponse à la question posée le 14 février 2018 par l’honorable Claude Carignan)

Le gouvernement du Canada reconnaît le rôle important joué par les médias au sein de la démocratie canadienne, notamment pour les communautés de langue officielle en situation minoritaire. Comme l’a mentionné la Ministre en septembre dernier, le Fonds du Canada pour les périodiques sera modernisé pour être mieux adapté aux nouvelles préférences des Canadiens pour les plateformes numériques. Les journaux francophones en situation minoritaire tels que La Liberté et Acadie Nouvelle continueront de recevoir un appui financier du ministère du Patrimoine canadien. Il est à noter que 14 de ces journaux hebdomadaires ont reçu près de 700 000 $ en 2017-2018.

Notre gouvernement sait qu’il n’y a aucune solution facile aux nombreux défis qui ébranlent le secteur de la presse écrite et a clairement indiqué que toute action gouvernementale devra respecter l’indépendance journalistique. Le budget de 2018 annonce une initiative en appui aux nouvelles locales dans les communautés mal desservies. Pour y arriver, le gouvernement propose d’accorder 50 millions de dollars sur cinq ans, à compter de 2018-2019, à une ou à plusieurs organisations non gouvernementales indépendantes qui soutiendront le journalisme local dans les communautés mal desservies. De plus, le budget indique que nous explorerons de nouveaux modèles de soutien au journalisme et aux nouvelles locales. De plus, le budget de 2018 a annoncé que le Plan d’action pour les langues officielles, qui sera rendu public sous peu, contiendra du financement pour des mesures d’appui aux stations de radio et aux journaux dans les communautés de langue officielle en situation minoritaire.

En ce qui concerne la Loi sur le droit d’auteur, le Comité permanent de l’industrie, des sciences et de la technologie (INDU) a entamé le 13 décembre dernier l’examen parlementaire mandaté par la Loi sur le droit d’auteur. Cet examen donnera aux parlementaires l’occasion d’examiner des questions comme celle que vous soulevez.

La sécurité publique

Les postes vacants à la GRC

(Réponse à la question posée le 14 février 2018 par l’honorable Pamela Wallin)

Gendarmerie royale du Canada (GRC)

Le gouvernement collabore avec les provinces et les territoires afin de faire en sorte que la GRC dispose des ressources voulues pour intervenir où les Canadiens et les Canadiennes en ont besoin. Si la Gendarmerie est le fournisseur de services, ce sont les territoires à contrat qui déterminent le niveau de services policiers, ainsi que les objectifs et les priorités.

Le taux de postes vacants prévu au 1er avril 2018 en ce qui a trait aux membres réguliers des services de police contractuels dans la Division F est de 4,3 %.

L’Équipe de protection et d’intervention comprend 120 agents, c’est-à-dire 86 de la GRC et 34 des services de police municipaux. Des 86 postes de la GRC, 20 restent encore à pourvoir en 2018.

La Division F de la GRC a mis en place plusieurs initiatives et stratégies de dotation pour pourvoir les postes vacants et aider à la lutte contre la criminalité. Elle a fait passer le nombre de membres de la Réserve au nombre maximal permis de 25, conformément au paragraphe 7(2) du Règlement de la GRC (2014). La Division F a également transféré cinq postes au Groupe de la relève, qui est composé de membres très mobiles et chevronnés qui sont en mesure de se rendre rapidement dans les endroits touchés par une pénurie temporaire de personnel ou par un besoin de membres supplémentaires en uniforme; elle a créé une équipe de réduction de la criminalité au sein de la Division pour mettre en œuvre des activités d’application de la loi dans diverses régions relevant des détachements et axée sur les drogues, les armes à feu et les crimes généraux; et elle collabore avec le Programme des agents de sécurité communautaire pour enquêter sur des infractions au Code criminel non en cours et à faible risque, comme des actes de vandalisme ou des vols de moins de 5 000 $ et certains accidents de véhicules automobiles sans blessé. Confier ce type d’enquêtes aux agents de sécurité communautaire permet aux agents de la GRC de se concentrer sur des crimes plus graves.

Le temps de réponse varie selon le nombre d’appels, le degré d’urgence, la distance à parcourir, etc. La GRC a pour objectif de traiter tous les appels le plus rapidement possible.

La famille, les enfants et le développement social

Le financement des programmes d’alphabétisation

(Réponse à la question posée le 14 février 2018 par l’honorable Elizabeth Marshall)

Emploi et Développement social Canada

Par l’entremise du Programme d’alphabétisation et de compétences essentielles d’Emploi et Développement social Canada (EDSC), le gouvernement réalise des investissements stratégiques qui visent à élargir l’accès durable du public aux formations axées sur l’alphabétisation et les compétences essentielles. Dans le cadre de projets passés, le financement a été distribué en fonction d’un appel de propositions ouvert. Pour nombre de ces projets, des activités seront réalisées à Terre-Neuve-et-Labrador, en partenariat avec des organismes locaux. Par exemple, la Literacy Coalition of New Brunswick s’associe au Newfoundland and Labrador Laubach Literacy Council pour élaborer une formation hybride qui comprendra des composantes en ligne et en salle de cours. Cette formation sera axée sur les besoins des chercheurs d’emploi de l’industrie de la pêche.

Le Ministère reconnaît la nécessité de mettre l’accent sur l’amélioration de l’alphabétisation et des compétences essentielles à Terre-Neuve-et-Labrador. Depuis l’an dernier, EDSC travaille proactivement avec les gouvernements provinciaux et territoriaux, ce qui comprend le gouvernement terre-neuvien, afin de mettre sur pied des projets adaptés aux priorités ciblées par les partenaires provinciaux et territoriaux en vue d’un financement en 2018-2019. Reconnaissant que la formation axée sur les compétences relève principalement des régions, le Ministère s’est engagé à veiller à ce que les initiatives fédérales portant sur l’alphabétisation et les compétences essentielles soient complémentaires aux efforts déployés par les provinces et territoires et à ce qu’elles corrigent les principales lacunes dans le but d’améliorer les services offerts aux Terre-Neuviens et à l’ensemble des Canadiens.

La justice

Les statistiques sur la consommation de cannabis

(Réponse à la question posée le 15 février 2018 par l’honorable Leo Housakos)

Ministère de la Justice

En ce qui a trait au rapport de l’UNICEF sur les Compagnons canadiens 2013, « Le bien-être des enfants dans les pays riches: un aperçu comparatif Canadian Companion » (Rapport) la source de données de la statistique en question (28 % des jeunes ayant déclaré avoir consommé du cannabis au cours des 12 derniers mois), est le Health Behaviour in School-aged Children: World Health Organization Collaborative Cross-National Study - 2009/2010 survey (seulement disponible en anglais). De plus amples renseignements au sujet de l’enquête HBSC 2009/2010 se trouvent dans le Health Behaviour in School–aged Children Study Protocol: Background, Methodology and Mandatory Items for the 2009/2010 Survey (seulement disponible en anglais).

À des fins de précision, le ministère de la Justice du Canada n’est pas cité dans le Rapport comme étant la source de la statistique qui concerne le taux d’usage de cannabis des jeunes. Cependant, il est mentionné dans la citation utilisée dans la note 4 en bas de page du Rapport qui réfère aux statistiques des jeunes accusés d’une infraction liée au cannabis en 2006. La citation appropriée pour le taux d’usage de cannabis des jeunes devrait être la suivante : Taylor-Butts, Andrea and Angela Bressan. 2008. “Youth Crime in Canada, 2006” Juristat. Statistics Canada Catalogue no. 85-002-X.

Les transports

Le pont Champlain

(Réponse à la question posée le 28 février 2018 par l’honorable Leo Housakos)

La priorité du gouvernement du Canada demeure de livrer un pont de qualité dans les meilleurs délais sans compromettre la sécurité des travailleurs et des usagers. À moins que surviennent des événements inattendus, l’objectif demeure de livrer le pont en décembre 2018.

Malgré les importants progrès récents sur le chantier, le gouvernement du Canada veut s’assurer de ne faire aucun compromis sur la sécurité des usagers du pont Champlain actuel et d’assurer la pérennité du service. Le gouvernement a donc demandé à PJCCI de mettre en place des mesures pour que le pont existant puisse demeurer ouvert à la circulation jusqu’à l’été 2019, si nécessaire.

Les finances

Le budget de 2018

(Réponse à la question posée le 28 février 2018 par l’honorable Claude Carignan)

Le gouvernement du Canada comprend l’importance des services de déglaçage pour la souveraineté, la sûreté et l’économie du Canada. Nous prenons des mesures pour assurer la prestation continue des services jusqu’à ce que de nouveaux actifs puissent être livrés à la Garde côtière canadienne.

Nous poursuivons l’acquisition de navires de déglaçage commerciaux à titre de mesure provisoire pour soutenir les opérations de déglaçage hivernal dans l’est du Canada, y compris dans le Saint-Laurent et la région des Grands Lacs. Les discussions avec Davie, annoncées par le premier ministre le 18 janvier, sont en cours.

De plus, à compter de cet hiver, la Garde côtière canadienne a conclu des arrangements en matière d’approvisionnement avec des partenaires du secteur privé pour combler les besoins à court terme de services maritimes supplémentaires, tels que les services déglaçage et les aides à la navigation dans le Saint-Laurent et la région des Grands Lacs. Ces ententes d’affrètement ponctuel à la demande aideront à éviter les interruptions de service.

Les pêches et les océans

La flotte de brise-glaces

(Réponse à la question posée le 28 février 2018 par l’honorable Ghislain Maltais)

Le gouvernement du Canada comprend l’importance des services de déglaçage pour la souveraineté, la sûreté et l’économie du Canada. Nous prenons des mesures pour assurer la prestation continue des services jusqu’à ce que de nouveaux actifs puissent être livrés à la Garde côtière canadienne.

Nous poursuivons l’acquisition de navires de déglaçage commerciaux à titre de mesure provisoire pour soutenir les opérations de déglaçage hivernal dans l’est du Canada, y compris dans le Saint-Laurent et la région des Grands Lacs. Les discussions avec Davie, annoncées par le premier ministre le 18 janvier, sont en cours.

De plus, à compter de cet hiver, la Garde côtière canadienne a conclu des arrangements en matière d’approvisionnement avec des partenaires du secteur privé pour combler les besoins à court terme de services maritimes supplémentaires, tels que les services déglaçage et les aides à la navigation dans le Saint-Laurent et la région des Grands Lacs. Ces ententes d’affrètement ponctuel à la demande aideront à éviter les interruptions de service.

Les quotas de pêche

(Réponse à la question posée le 28 février 2018 par l’honorable Norman E. Doyle)

La décision de délivrer un nouveau permis pour la mactre de Stimpson à l’entreprise Five Nations Clam Company aura pour effet d’augmenter considérablement la participation des Autochtones à la pêche hauturière dans les eaux de pêche canadiennes de l’Atlantique. L’inclusion des participants de chaque province de l’Atlantique et du Québec permettra de répartir les avantages de cette pêche parmi un groupe élargi de Premières Nations.

La Cour suprême du Canada a conclu que les ressources halieutiques du Canada constituent un bien commun appartenant à tous les Canadiens. Par conséquent, l’allégation « d’expropriation » est inexacte.

Le gouvernement du Canada n’explorera pas d’options de compensation par rapport à cette décision. En ce qui concerne la prochaine décision sur le total autorisé des captures, le ministre des Pêches, des Océans et de la Garde côtière canadienne continuera de prendre des décisions en vertu de l’article 7 de la Loi sur les pêches.


[Français]

ORDRE DU JOUR

La Loi sur l’accès à l’information
La Loi sur la protection des renseignements personnels

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Ringuette, appuyée par l’honorable sénatrice Cools, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-58, Loi modifiant la Loi sur l’accès à l’information, la Loi sur la protection des renseignements personnels et d’autres lois en conséquence.

L’honorable Kim Pate : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui au sujet des modifications à la Loi sur l’accès à l’information que propose le projet de loi C-58.

[Traduction]

Ma réflexion sur le projet de loi a été nourrie par les idées des sénateurs Ringuette et Pratte. La sénatrice Ringuette, qui parraine le projet de loi, nous a bien rappelé l’objectif important de la mesure législative dans son allocution. En effet, le bon fonctionnement d’une démocratie responsable repose sur l’accès à l’information.

Je partage aussi nombre des préoccupations du sénateur Pratte concernant le fait de s’assurer que le projet de loi C-58 atteint ses objectifs fixés en matière de responsabilité, de transparence et d’accessibilité.

Dans son discours, le sénateur Pratte formule un plan pour étudier ces questions en comité, et nous sommes reconnaissants qu’il établisse de façon essentielle et réfléchie nos obligations constitutionnelles.

Aujourd’hui, mon but est de souligner un autre aspect de notre responsabilité constitutionnelle, c’est-à-dire le devoir du Sénat de représenter les personnes les plus marginalisées et généralement sous-représentées ou non représentées.

Alors que nous nous penchons sur l’accès à l’information dans le contexte du projet de loi C-58, j’exhorte les sénateurs à porter attention aux expériences des personnes marginalisées au Canada, celles qui courent le plus de risques d’être victimes de violations systémiques des droits fondamentaux protégés par la Charte. Beaucoup trop de gens ne jouent pas à armes égales quand vient de temps de recueillir les renseignements nécessaires pour bâtir une preuve à leur décharge ou à la décharge d’autrui, pour contester des politiques gouvernementales ou pour défendre leurs droits en cour.

[Français]

Les peuples autochtones ont exprimé de sérieuses préoccupations à l’égard du projet de loi C-58. Comme la sénatrice Boniface l’a mentionné lors de la période des questions à laquelle a participé le ministre Brison le mois dernier, l’Assemblée des Premières Nations (APN) a adopté une résolution en décembre 2017 exhortant le gouvernement à retirer le projet de loi C-58. L’APN a souligné le fait que le gouvernement a rédigé ce projet de loi sans consulter les peuples autochtones, ce qui accroît le risque que cette mesure législative les défavorise de façon disproportionnée.

[Traduction]

À titre d’exemple de désavantage disproportionné, un groupe de spécialistes en matière de revendications territoriales, les directeurs nationaux de la recherche sur les revendications, ont renvoyé le comité de la Chambre à l’article 6 du projet de loi. Le sénateur Pratte a déjà décrit brièvement les obstacles que crée cet article pour tous les types de demandes d’information en raison des nouvelles obligations d’indiquer le sujet précis sur lequel porte la demande, le type de document demandé, et la période visée par la demande ou la date du document. L’article 6 offre aussi aux institutions fédérales une nouvelle option sans précédent qui leur permet de ne pas donner suite aux demandes d’information.

Pour les Premières Nations, l’article 6 risque aussi d’avoir des conséquences sur les processus de revendication territoriale et de gouvernance foncière et, par le fait même, sur la reconnaissance fédérale des droits inhérents des Premières Nations à l’autodétermination. Les Premières Nations se fient aux demandes d’information pour obtenir des preuves documentaires essentielles auprès du gouvernement du Canada en ce qui concerne des revendications territoriales et d’autres différends avec le gouvernement fédéral.

Outre les obligations envers les peuples autochtones en vertu de la Constitution canadienne, un accès raisonnable et égal à l’information est essentiel si nous voulons accorder réparation, comme prévu à l’article 11 de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones. De plus, l’article 19 de cette déclaration exige que le gouvernement consulte les peuples autochtones, coopère avec eux et obtienne leur consentement préalable éclairé avant d’adopter et d’appliquer des mesures législatives ou administratives susceptibles de les concerner. Ces deux droits sont en jeu.

[Français]

Honorables sénateurs, assurons-nous que le point de vue des peuples autochtones sera entendu en ce qui concerne l’avenir de ce projet de loi et de l’accès à l’information au Canada. Le projet de loi C-58 est une occasion pour le gouvernement de corriger le manque de consultations et de concrétiser ses engagements en ce qui concerne la réconciliation avec les peuples autochtones.

[Traduction]

Pour prendre en considération tous les effets du projet de loi C-58, nous devons aussi prendre en considération l’expérience des personnes incarcérées. Comme nous, les membres du Comité des droits de la personne, en avons été témoins, les violations systémiques des droits fondamentaux par les acteurs gouvernementaux sont pratique courante dans les prisons fédérales. C’est épouvantable. Si ces violations restent impunies, c’est en partie à cause des barrières existantes à l’obtention des renseignements nécessaires pour déposer une plainte ou un grief, sans parler de la difficulté à défendre cette plainte ou ce grief et à lancer des procédures judiciaires.

(1500)

Le Comité sénatorial des droits de la personne a entendu des témoignages sur les types de violations des droits de la personne subies par les détenus et sur le sentiment de désespoir qui en résulte lorsqu’ils n’ont pas accès à des recours. Les membres du Comité des peuples autochtones ont visité le pénitencier de la Saskatchewan, où ils ont entendu des détenus autochtones parler des multiples façons dont les prisons créent et empirent le racisme et les inégalités.

Il serait avantageux que le projet de loi C-58 améliore la capacité individuelle des détenus, ainsi que notre capacité collective, à étaler au grand jour les expériences de racisme, l’emploi violent de la force, les manquements à la loi et aux politiques, notamment le personnel qui incite à la discrimination, et, comme nous en avons entendu parler partout dans les Maritimes, la violence raciste et les attitudes qui récompensent les détenus plus jeunes qui s’en prennent aux détenus plus âgés ou qui ont des problèmes de santé mentale.

Je le sais depuis des décennies, et les membres du comité l’ont entendu à maintes reprises pendant leurs visites : les mécanismes qui sont censés assurer une surveillance ainsi qu’une responsabilité et une transparence accrues au Service correctionnel du Canada, le SCC, ne fonctionnent pas. Presque chaque détenu nous a dit que le processus interne de plaintes et de griefs — le seul recours administratif offert aux détenus pour tenter de régler les violations à la loi et aux politiques par le SCC — est défaillant et inefficace. Cette opinion a été répétée récemment par la Cour suprême de la Colombie-Britannique concernant les délais excessifs et indus dans les décisions sur l’isolement de longue durée et l’inefficacité du système de griefs du SCC pour remédier aux situations.

[Français]

Tout indique que l’accès à l’information dans les prisons comporte de graves lacunes.

[Traduction]

Lorsque le commissaire à la protection de la vie privée a comparu devant le Comité des droits de la personne, il a indiqué que, même s’ils ont le droit d’avoir une réponse dans les 30 jours, les détenus attendent, en moyenne, 2 ans ― s’ils obtiennent une réponse ― pour que le Service correctionnel du Canada communique l’information demandée. D’après mon expérience, il faut souvent attendre beaucoup plus longtemps pour obtenir de l’information, que ce soit en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels ou de la Loi sur l’accès à l’information. Après la réunion du comité, un détenu m’a écrit au sujet de demandes d’information qu’il avait présentées au Service correctionnel du Canada. Dans un cas, il a fallu 1 032 jours et de nombreuses interventions de l’extérieur pour obtenir l’information.

Ashley Smith avait signé un consentement demandant qu’on me fournisse de l’information qui lui avait été refusée en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels, mais elle est décédée avant que sa demande ne soit traitée. Finalement, le Service correctionnel du Canada a refusé de me communiquer l’information, prétextant que, comme trois mois s’étaient écoulés, il était impossible de savoir si Ashley voulait toujours que je reçoive cette information en son nom. Cette décision a été portée en appel devant le commissaire à la protection de la vie privée, qui en a saisi la Cour fédérale. La demande et les plaintes d’Ashley Smith, présentées trois semaines avant son décès, n’ont été traitées que deux mois après son décès. Par surcroît, ce n’est qu’après l’intervention du Bureau de l’enquêteur correctionnel que le Service correctionnel du Canada a pris connaissance des plaintes et de la demande d’accès à l’information. Il semble qu’on n’avait traité aucune demande depuis trois mois.

Plus de cinq ans après la première plainte concernant l’accès à l’information et après deux appels à la Cour fédérale, le tribunal a ordonné la communication de l’information, mais le Service correctionnel du Canada n’a jamais respecté complètement cette ordonnance. En outre, plus de 10 ans se sont maintenant écoulés depuis la demande initiale.

Malheureusement, d’après mon expérience, les difficultés et les retards associés au cas d’Ashley sont monnaie courante. Par surcroît, des intervenants de l’extérieur du système carcéral, notamment des avocats, sont intervenus dans le cas d’Ashley. Comment un détenu, en isolement cellulaire et qui n’a accès à aucun appui, aucun défenseur et aucun matériel pour écrire, peut-il tenter lui-même de faire une demande d’information au Service correctionnel du Canada?

[Français]

Lorsque j’examine les dispositions du projet de loi C-58, j’ai une panoplie de questions en tête à propos de nouveaux obstacles qui pourraient nuire à l’accès à l’information.

[Traduction]

Les détenus n’ont pas accès au courriel ou à Internet. Ils ne peuvent faire qu’un nombre limité d’appels. Pour ceux qui sont en isolement — une catégorie qui comprend les femmes classées au niveau de sécurité maximale —, juste obtenir du papier ou des crayons de couleur — ne parlons même pas de stylos — peut être difficile.

Les frais maximaux de 25 $ proposés dans le projet de loi C-58 représenteront un lourd fardeau financier pour ceux qui ont le plus besoin d’avoir accès à de l’information : les détenus, les pauvres et les personnes confrontées à des obstacles personnels ou procéduraux à l’égalité. L’absence de moyens sur lesquels la plupart d’entre nous peuvent compter pour soumettre une demande d’information, sans compter les conditions supplémentaires prévues à l’article 6 du projet de loi, pourrait rendre l’accès à l’information impossible à trop de gens.

Les nouvelles exigences maintenant imposées à l’article 6, soit d’indiquer un sujet précis, le type de document et sa date, risque de donner davantage à certains organismes gouvernementaux, comme le Service correctionnel du Canada, la liberté de tarder à répondre aux demandes d’information. Je ne peux vous dire à combien de reprises mes demandes — comme celles d’autres personnes — ont été refusées parce que je ne connaissais pas le titre exact ou la date du document.

L’article 6 permet au Service correctionnel du Canada et à d’autres organismes gouvernementaux de refuser les demandes d’accès à l’information. Même si le projet de loi C-58 prévoit certains contrôles pour limiter cela et d’autres pouvoirs pour les organismes gouvernementaux, les raisons sont nombreuses de remettre en question la robustesse de ces mesures.

Le sénateur Pratte s’inquiète des limites à la capacité de la commissaire à l’information à veiller à ce que les organismes gouvernementaux se conforment à la mesure législative, y compris des limites à son pouvoir de rendre des ordonnances.

Je suis d’accord avec lui.

En outre, l’efficacité de la commissaire à l’information pourrait être encore plus compromise si les obstacles à la communication avec les détenus ne sont pas surmontés. Les visites aux détenus en constituent un exemple parmi d’autres.

En raison d’une culture fortement enracinée, le SCC a tendance à nier et à défendre l’indéfendable, ce qui est aux antipodes des exigences législatives selon lesquelles le SCC doit aider les personnes qui souhaitent présenter une demande d’accès à l’information. Le personnel du SCC exerce trop souvent des pressions considérables sur les détenus pour les amener à retirer leurs accusations, leurs plaintes ou leurs demandes d’accès à l’information.

Dans le cadre de mon travail à titre de membre du Comité des droits de la personne, j’ai reçu récemment une lettre d’un autre détenu. Il voulait me faire part des problèmes auxquels il était confronté, mais sans créer de difficultés pour le personnel. Il s’était fait dire par des membres du personnel que, s’il parlait officiellement de ses préoccupations, il serait forcé de « chercher une nouvelle prison ».

Ils lui ont aussi fait savoir que ce ne serait pas une bonne idée de communiquer avec moi. Les pressions de ce genre trouvent leur source dans le déséquilibre de pouvoir présent dans le système carcéral. La conséquence trop fréquente de cette situation, c’est que les prisonniers retirent leurs demandes d’accès à l’information et leurs plaintes, qui ne sont donc jamais réglées.

On dit parfois que, pour juger une société, on peut se fonder sur sa façon de traiter les personnes les plus vulnérables. C’est tout à fait à propos ici. En tant que sénateurs, nous avons le devoir de représenter les personnes sous-représentées, démunies et marginalisées, et nous devons en tenir compte quand nous évaluons nos lois.

Honorables collègues, pendant l’examen en comité du projet de loi C-58, nous devons absolument nous concentrer sur ce que vivent les personnes souvent oubliées et marginalisées. C’est essentiel si nous souhaitons rendre accessible à tous l’information qui leur permettra de défendre un point de vue, de remettre en question des lois et des politiques injustes et de faire respecter les droits de la personne et les droits protégés par la Charte, ainsi que la justice, l’équité et l’égalité.

Merci, meegwetch.

L’honorable Pierrette Ringuette : L’honorable sénatrice accepterait-elle de répondre à quelques questions?

La sénatrice Pate : Bien sûr.

La sénatrice Ringuette : Vos observations m’ont beaucoup émue. J’ai été particulièrement émue par votre connaissance approfondie de la réalité carcérale, le traitement réservé aux détenus, et le fait que plusieurs ne disposent pas des outils nécessaires pour obtenir de l’information ou se les font refuser. Je le comprends tout à fait.

Pourriez-vous expliquer comment nous pourrions, dans le projet de loi, faciliter l’application de ces outils aux exemples spécifiques que vous mentionnez?

La sénatrice Pate : Je vous remercie de poser cette question. Comme je l’ai mentionné, je crois qu’il y a lieu de modifier l’article 6. Nous pourrions aussi envisager des moyens pour assurer l’entrée des informations et la tenue de visites dans les organisations. Elles ont été proposées et exécutées par des groupes comme celui de l’enquêteur correctionnel.

Il faut tout particulièrement veiller à ce que les barrières existantes, y compris celle des coûts, n’empêchent pas l’accès à ce genre d’information.

À l’heure actuelle, il n’y a pas d’exigence relative aux coûts dans la Loi sur la protection de la vie privée, mais dans la Loi sur l’accès à l’information, si. Souvent, les détenus sont obligés de demander à des porte-parole externes d’utiliser le processus d’accès à l’information ainsi que les informations qu’ils divulguent pour présenter en leur nom une plainte en matière de protection de la vie privée. C’est exactement ce qui s’est produit dans le cas d’Ashley Smith.

Les renseignements qu’on obtient ne sont pas toujours les mêmes, ce qui est intéressant. Certaines personnes n’ont pas les moyens de payer les frais d’accès à l’information de 5 $.

(1510)

La sénatrice Ringuette : Je peux certainement comprendre votre point de vue à cet égard.

En ce qui concerne les droits, l’article 6 a été modifié à l’autre endroit de façon à obliger ceux qui reçoivent la demande d’accès à l’information à communiquer avec le demandeur si la demande n’est pas claire afin d’avoir une idée plus précise des documents qui sont demandés. À mon avis, la commissaire a enfin le pouvoir d’ordonner cela. Je crois que nous avons fait beaucoup de chemin depuis l’adoption des principales dispositions de la loi, il y a 34 ans.

Son Honneur le Président : Je suis désolé, sénatrice Ringuette. Le temps de parole de la sénatrice Pate est écoulé.

Sénatrice Pate, demandez-vous cinq minutes de plus pour répondre à des questions?

La sénatrice Pate : Oui.

Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

La sénatrice Ringuette : Je comprends certainement vos préoccupations. Lorsque nous renverrons ce projet de loi au comité — idéalement dans les plus brefs délais, j’ai compris le message —, je crois que nous pourrons alors nous pencher de plus près sur la question, tout en gardant à l’esprit qu’un examen devra obligatoirement se tenir dans l’année suivant la date d’entrée en vigueur.

Pourriez-vous nous indiquer plus précisément les modifications que vous aimeriez voir à l’article 6?

La sénatrice Pate : Oui, je serais ravie de vous fournir cette information.

(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)

Le Code criminel
La Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Ataullahjan, appuyée par l’honorable sénatrice Andreychuk, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-240, Loi modifiant le Code criminel et la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (trafic d’organes humains).

L’honorable David Richards : Honorables sénateurs, le projet de loi S-240 vise les personnes qui vont à l’étranger pour recevoir des organes qu’ils ne peuvent pas obtenir au Canada.

Je sais que le projet de loi S-240 porte sur un sujet désagréable auquel peu de gens veulent penser. Or, il propose une modification qui, à mon avis, est importante. Je veux traiter ce crime essentiellement comme un crime de conscience perpétré par un individu contre d’autres personnes.

Le projet de loi S-240 nous demande de déterminer ce que nous considérons comme étant intolérable dans notre société et ce que nous ferons pour prévenir de tels actes. Il s’agit, en un sens, d’une demande assez simple. Cependant, elle exige que nous sévissions contre tout particulier qui accepte au nom d’une autre personne, ou reçoit en son nom, une transplantation d’organe illégale.

Le projet de loi vise à empêcher des hommes et des femmes de se rendre dans un pays et de recevoir un organe d’un donneur qui est très souvent manipulé ou forcé d'agir ainsi parce qu’il vit dans la pauvreté, la servitude ou la peur, ce qui entraîne bien souvent leur mort. Le projet de loi cherche à ériger le vol d’organes en une infraction distincte de la traite des personnes. Il nous demande d’en faire des infractions distinctes en vertu de la loi afin que nous puissions nous pencher séparément sur cette pratique abjecte qu’est le vol d’organes.

Je ne pense pas qu’il soit nécessaire de déterminer lequel de ces deux crimes est le plus odieux, parce qu’ils le sont tous les deux. Ils engourdissent tous les deux l’esprit humain. Cependant, il y a quelque chose de particulièrement horrible dans le fait de traiter des êtres humains comme du bétail afin de les utiliser comme donneurs d’organe. Au Canada, il y a des gens qui meurent en attendant une transplantation. Des centaines de personnes inscrites sur des listes d’attente meurent chaque année à cause d’une pénurie d’organes. Les médecins doivent prendre des décisions de vie ou de mort afin de déterminer qui pourra recevoir ou non les organes disponibles.

Il serait merveilleux que plus de gens signent un simple formulaire pour devenir donneurs d’organes ou qu’ils fassent part de leur souhait à leur famille. J’ai connu des personnes qui sont mortes dans l’attente d’un don. Cela dit, l’amélioration de l’accès pourrait n’avoir aucun effet chez ceux qui sont déterminés à déjouer les listes d’attente. C’est une vision crasse et mercantile de l’humain. Les personnes qui ont accès à de l’argent et à un donneur, qu’il soit pourchassé ou en prison, peuvent profiter des deux. Je dresse un portrait horrible, je le sais. Comment peut-on parler de cette pratique en diminuant son côté sombre?

Une personne qui voyage à l’étranger pour se procurer un organe provenant d’un être humain qui est contraint à le donner ou qui est emprisonné évoque difficilement une image de bonté. Les renseignements sur le groupe sanguin et l’organe ont été entrés dans une banque de données informatisée. Le tout est associé à un département stérilisé. L’organe est prêt à être acheté.

Les médecins au Canada devraient prévenir ces receveurs potentiels qu’une telle entreprise s’accompagne souvent de malaises et de maladies. Les gens rentrent à la maison, mais ils sont malades et souffrent d’infections. Cette méthode d’achat n’est donc pas une solution miracle pour une personne dénuée de principes ou un monde sans scrupules.

Il me semble plutôt étrange que nous ayons été prévenus d’un tel danger par une jeune fille en 1817. Elle se nommait Mary Shelley et elle était âgée de 19 ans. Mise au défi par ses compagnons, Percy Bysche Shelley et lord Byron, d’écrire une histoire de fantômes pendant qu’ils se trouvaient dans leur château en Suisse, Mary Shelley a été frappée par l’inspiration. Elle a créé le nouvel homme du XIXe siècle, un homme qui voulait jouer à Dieu : Victor Frankenstein.

D’une certaine manière, les personnes qui parcourent de vastes distances pour s’asseoir dans une chambre d’hôtel dans l’attente de l’appel qui confirmera le prélèvement de l’organe sur un être humain emprisonné ou lié par contrat suivent l’exemple de l’homme contre qui la jeune Mary Shelley nous a mis en garde. Cette comparaison pourrait sembler absurde si elle n’était pas aussi juste.

Cicéron a dit un jour que la gloire est l’ombre de la vertu. Cela pourrait ne pas sembler évident au premier abord, mais cela le deviendra inévitablement au fil du temps. Tout cela se résume à la vertu d’un individu. Un individu doit décider non pas de la durée de sa vie, mais du genre d’humain qu’il souhaite être. C’est peut-être bien la seule question.

La gloire est l’ombre de la vertu.

Un jour, à Santiago, l’écrivain québécois Roch Carrier et moi sommes allés visiter une cathédrale. Nous avons donné aux trois mendiants qu’il y avait dans la rue presque tout l’argent que nous avions sur nous. Plus tard, une fois la nuit tombée, je me promenais à l’extérieur de mon hôtel et j’ai vu, dans un coin ou dans une allée, un jeune garçon de 9 ans faisant avaler un médicament à une femme à l’aide d’une cuillère. Elle était peut-être sa mère ou sa grand-mère. Il s’affairait tout seul. La femme et lui étaient assis sur une couverture sous un avant-toit qui leur servait d’abri de fortune. Indifférent aux autres, le jeune garçon avait versé un peu du médicament dans la cuillère et se concentrait pour ne pas perdre une goutte de la potion. Le médicament, quel qu’il fût, lui semblait précieux.

Il n’était pas étonnant et il n’est pas étonnant de voir des sans-abri, mais le courage de ce jeune garçon, qui était parvenu à trouver un médicament pour cette femme, inspirait, d’une certaine manière, à la fois l’admiration et la tristesse. On pourrait imaginer qu’il avait fait des sacrifices pour l’aider. C’est l’image de l’héroïsme méconnu, de la bonté souvent ignorée d’une âme simple.

Je ne sais pas, bien sûr, ce qui lui est arrivé, où il se trouve maintenant, s’il est toujours vivant. Je sais, cependant, que ce moment lui a donné une stature sacrée à mes yeux, ainsi qu’aux vôtres, puisque c’est une histoire que je viens juste de vous raconter.

Il y a un certain temps, j’ai vu une autre personne avec une cuillère à la main. Un soldat en Iran était à genoux et donnait à une femme sa dernière goutte d’eau avec une cuillère. Elle était enterrée dans du gravier jusqu’au cou. Ses cheveux gris volaient dans le vent et son regard était terriblement triste. Elle s’apprêtait à être lapidée à mort pour une infraction grave à la loi de la sharia.

Le garçon à Santiago n’avait rien. Il était seul sur une couverture avec une femme plus âgée. Le soldat bénéficiait de la protection d’une théocratie monstrueuse et il était sûr de sa destinée au point d’en être arrogant. Laquelle de ces vies voudrions-nous prendre pour modèle? Quelle cuillère préférerions-nous tenir? De façon tout à fait étrange et éthérée, c’est encore et toujours la seule question qui vaille.

Ceux qui cherchent à rester en vie en se procurant un organe de cette façon-là sont en quête de liberté. Ils veulent être libérés de leur souffrance, mais le prix à payer est souvent la souffrance d’autres personnes. Ils profitent d’un nouvel espoir, mais en volant celui d’autres gens. Ils s’accordent une valeur qu’ils ne reconnaissent pas aux autres.

(1520)

La liberté, c’est la gloire. Toutefois, comme nous le rappelle Tolstoï, il n’y a nulle gloire sans simplicité, bonté et vérité. Nous ne trouverons aucune bonté, simplicité et vérité en manipulant l’homme affligé par la pauvreté qui tente de protéger ses enfants en prélevant ses organes pour les garder en vie, ou ceux qui ont été jetés en prison pour des raisons de conscience, ces gens qui cèdent leurs organes à quelqu’un de l’Asie ou de l’Amérique du Nord qui est tombé dans un coma moral, ou ceux qui paient au moyen de leurs organes pour parcourir une route maritime dangereuse afin qu’une personne qui n’a jamais bravé la mer puisse se prélasser sur une plage.

La conscience individuelle est réellement la conscience qui sauve ou qui détruit le monde. Une conscience individuelle permet à un Somalien de donner son dernier morceau de pain à un enfant qu’il ne connaît peut-être même pas. Un manque de conscience individuelle permet à un Somalien de détourner un camion chargé de farine pour vendre celle-ci sur le marché noir. Qui, alors, est un Somalien?

Un grand poète somalien a dit : « Même l’homme le plus honnête doit un jour abandonner ses biens et quitter ce monde. » En vérité, c’est de cela dont nous parlons aujourd’hui.

Là d’où je viens, il existe et a toujours existé une grande pénurie d’organes aux fins de la transplantation, et les receveurs potentiels attendent terriblement longtemps pour un organe compatible. La plupart sont des hommes et des femmes de race blanche, ou des Autochtones.

Pendant mon enfance, dans les années 1950 et 1960, peu d’entre eux recevaient un organe, voire aucun. D’aussi loin que je me souvienne, rares étaient ceux qui avaient assez d’argent pour contrôler quoi que ce soit dans leur vie, qu’ils aient été des Irlandais de Chatham, des Écossais et des Anglais de Newcastle, des Acadiens de Néguac ou des membres de la Première Nation de Big Cove.

Les privilèges des Blancs ont assez souvent été un sujet de discussion au pays, dans les universités où je prends parfois la parole. Au cours de ma vie, j’ai vu moi-même tellement d’exemples de privilège pour les Blancs que je n’aurais pas assez de deux vies pour en parler.

Des garçons de 16 ans qui se font transpercer la main par un crochet alors qu’ils chargent des billes de bois sur les bateaux pendant l’été. Des jeunes filles qui attendent derrière la boulangerie à 6 heures du matin pour avoir du pain qu’elles rapporteront à leur famille. Ma belle-mère qui se rend chez des gens à pied, l’hiver, sur une route déserte, pour aller laver des planchers à quatre pattes.

Nous, qui siégeons dans cette enceinte, sommes sans doute immensément privilégiés. Eux n’auraient jamais pu espérer se rendre dans un pays lointain pour y acheter un organe ou deux.

Je songe à l’un de mes meilleurs amis, qui attendait une greffe du cœur. Après avoir rencontré des candidats plus jeunes que lui qui attendaient également une greffe, il a regardé son épouse, l’amie la plus chère de mon épouse, et il lui a dit avec la plus grande sérénité : « J’ai vécu ma vie. Si une personne mérite de recevoir une greffe, il faut que ce soit quelqu’un de plus jeune que moi. » Ce jour-là, il a cédé sa place sur la liste d’attente. Il avait 49 ans.

Je ne suis pas en train de dire qu’un choix simple est un choix facile, mais que c’est parfois le seul choix moralement acceptable.

L’image d’un petit Pakistanais de 6 ans abandonné dans un champ après qu’on lui eût enlevé les yeux devrait révolter le monde, s’il ne s’y produisait pas déjà assez de choses révoltantes.

« Même l’homme le plus honnête doit un jour abandonner ses biens et quitter ce monde », nous dit le poète somalien.

Comme la plupart d’entre vous, j’ai déjà vu des hommes et des femmes qui, sur le point de mourir avec courage, auraient été horrifiés à l’idée de se déconsidérer de la sorte ou de commettre un pareil affront à leur conscience. Pourtant, notre pensée institutionnalisée nous fait aujourd’hui regarder de haut des groupes humains entiers. Nous catégorisons les gens trop facilement selon les idées préconçues que nous entretenons à leur sujet et nous croyons savoir qui sont les coupables et qui nous pouvons pointer du doigt.

On regarde avec désarroi le peu d’importance accordé à la vie dans certains pays, dont plusieurs sont frappés par la terreur du trafic d’organes et de la traite des personnes. Les populations sont terrorisées par la pensée de n’être que des marchandises. Plusieurs d’entre nous croient que la vie de ces gens n’a pas la même importance que la nôtre, mais aucune idée n’est plus fausse et déshonorante.

Mon bon ami, Alistair Macleod, a déjà écrit que tout un chacun se sent mieux lorsqu’il est aimé. Le donneur n’est pas aimé, et la décision du bénéficiaire fait qu’il serait difficile de l’aimer. Cependant, j’ai de la difficulté à trouver quelle peine conviendrait. Je ne me suis jamais attendu dans ma vie à devoir décerner des peines. Peut-être ai-je trop vu de gens qui en méritaient une.

Le changement proposé demande une peine d’emprisonnement à perpétuité, selon les circonstances. Je ne sais pas si c’est la peine que je demanderais. Parfois, nous jugeons trop facilement et nous comprenons trop tard.

Je vais vous dire pourquoi j’exècre les politiques identitaires, pas seulement dans le cas qui nous occupe, mais dans toutes leurs formes hideuses. En l’essence, on en vient à une telle situation : chacun est placé dans une case et catalogué selon le bon vouloir de l’observateur. C’est ce qui arrive à ceux qui sont forcés de donner un organe, mais c’est aussi ce qui est arrivé à des amis d’enfance. Pour mettre fin à ces comportements, il faut s’y attaquer sous toutes leurs formes.

Un soir, dans ma jeunesse, je rentrais à la maison à pied. Je suis passé devant une soirée d’élèves du secondaire. Il y avait une bagarre dans le stationnement. Un de ceux qui se battaient était un habitué des bagarres de rue de la ville.

Tous ceux ici qui viennent de la côte Est et nombre de ceux qui viennent des régions rurales de l’Ouest reconnaîtront ce garçon : des bagues en laiton, un manteau de jean avec les manches roulées par-dessus un gilet et des bottes de travail pour donner des coups de pieds à l’adversaire une fois qu’il est au sol.

Il se battait contre un jeune garçon autochtone qui ne savait pas se battre. Il ne savait pas lancer de coups de poing. De temps à autre, sa petite amie essayait de le protéger, mais elle se faisait repousser.

Puis, un autre enfant, qui était aussi en bordure du chemin, est arrivé. Il a ordonné au garçon de ne plus frapper le garçon autochtone. Il a dit que c’était injuste, que « l’Indien ne savait pas se battre », mais le garçon l’a ignoré. Il s’est donc interposé et a défendu le garçon autochtone. Il a fini par faire reculer et vaincre l’attaquant. C’est une histoire vraie. J’en ai été témoin.

Or, voyez-vous, ils se ressemblaient. Aucune politique identitaire ne réussirait jamais à les dissocier ou à faire la distinction entre eux. Il s’agissait pourtant de personnes complètement différentes, et pas seulement à divers degrés, mais sur le fond. C’étaient deux genres d’hommes différents.

La politique identitaire ne fait pas de distinction, mais le caractère, lui, permet toujours la distinction. Laissons au deuxième garçon sa force de caractère et son courage et laissons le premier garçon à lui-même. Si c’était le caractère des gens qui dictait leur identité, une partie du rêve de Martin Luther King serait peut-être réalisable.

Un organe, c’est prétendument un cadeau de la vie, mais comment peut-on dire qu’il s’agit d’un cadeau lorsqu’il a été volé, pris de force ou soutiré à une personne qui a été manipulée et à qui il ne reste plus rien? C’est tout un cadeau, toute une vie. Vous êtes censé, si c’est possible, rencontrer le donneur et lui exprimer humblement votre gratitude. C’est humain d’agir ainsi, mais comment rencontrer son donneur sur un pied d’égalité dans des cas comme celui-là? Peu importe ce qu’on est en mesure d’acheter dans la vie, aucun humain n’a jamais été créé de babioles en or.

Je ne suis pas certain des chiffres, mais un plus grand nombre de Canadiens se rendent à l’étranger chaque année pour recevoir une greffe, de rein en général, de cette façon. Souvent, les bénéficiaires rentrent au Canada malades, atteints d’une infection et, dans bien des cas, dans un état grave, leurs perspectives d’une vie meilleure assombries. À qui pensaient-ils donc avoir confié leur vie? À quelqu’un qui accordait vraiment une valeur à la vie? Comme la traite des personnes en général, le trafic d’organes humains laisse sur son passage mort, maladies et problèmes causés par la contamination du sang, de l’hépatite au VIH.

Ce n’est toutefois pas là ma grande préoccupation. Ma grande préoccupation se situe plutôt aux niveaux philosophique et théologique. Comment peut-on recourir à cette solution et être heureux, vivre dans le bonheur avec sa famille et ses amis sans penser aux affreuses conséquences de son acte? Comment peut-on profiter d’un inconnu innocent pour gagner quelques années de vie et continuer à vivre vraiment? Quelle grâce une personne peut-elle espérer après un acte si dépourvu de grâce?

Mary Shelley avait bien raison : l’être humain se prend pour Dieu à ses risques et périls. Chaque pas dans cette direction vous enlève un peu de votre humanité et vous rapproche de la créature. Ce n’est la faute de personne; c’est une loi universelle. Mary Shelley le savait déjà il y a 200 ans.

Lorsque Jésus a dit : « Laisse les morts ensevelir leurs morts », il va sans dire qu’il ne parlait pas du tout des morts; il parlait de ceux dont nous parlons aujourd’hui. Merci.

L’honorable Ratna Omidvar : J’ai une question.

Son Honneur le Président : Sénatrice Omidvar, vous allez devoir attendre après la période des questions.


PÉRIODE DES QUESTIONS

Les travaux du Sénat

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, la ministre Qualtrough est avec nous pour la période des questions; nous en sommes heureux. Bienvenue, madame la ministre.

Conformément à l’ordre adopté par le Sénat le 10 décembre 2015, visant à inviter un ministre de la Couronne, l’honorable Carla Qualtrough, ministre des Services publics et de l’Approvisionnement, comparaît devant les honorables sénateurs durant la période des questions.

Le ministère des Services publics et de l’Approvisionnement

Le système de paie Phénix

L’honorable Larry W. Smith (leader de l’opposition) : Bonjour, madame la ministre. Ma question porte sur le système de paie Phénix.

Il y a un an et demi, le gouvernement n’a pas respecté l’échéance qu’il s’était fixée pour régler les problèmes de paie accumulés. À ce jour, plus de 60 000 transactions restent à corriger et voilà que nous apprenons que le système de pensions des employés du gouvernement subit lui aussi des pressions.

Hier, l’Ottawa Citizen a signalé que le Centre des pensions de Shediac, au Nouveau-Brunswick, avait embauché 55 employés dans le seul but de valider les données qu’il reçoit du système Phénix et que le nombre de cas nécessitant une correction avait augmenté de 25 p. 100.

(1530)

Madame la ministre, le cas échéant, quelles assurances pouvez-vous nous donner que le système de pensions du gouvernement fédéral ne finira pas par être criblé d’erreurs, comme c’est le cas pour le système de paie Phénix?

L’honorable Carla Qualtrough, C.P., députée, ministre des Services publics et de l’Approvisionnement : Je remercie les sénateurs de m’avoir invitée à répondre à leurs questions. C’est un honneur et un privilège pour moi d’être ici aujourd’hui. Je dois vous confier que je suis un peu nerveuse. J’éprouve énormément de respect pour cette institution. Je suis dans un état de fébrilité avancée et je vous remercie donc de votre invitation.

Pour ce qui est du système de paie Phénix, personne n’aurait imaginé qu’il aurait été aussi difficile de régler les problèmes liés à celui-ci. Nous sommes toujours résolus à ce que les retraités de la fonction publique reçoivent leurs prestations à temps. Nous tentons également d’isoler les problèmes liés à la rémunération du système de pensions.

Nous avons mis en place diverses stratégies d’atténuation pour éviter que les prestations et les services de pension ne soient touchés par les problèmes qui affligent le système de paie. Toutes les prestations de pension sont vérifiées dans le cadre d’un programme solide d’assurance de la qualité et, avant d’émettre les prestations, le Centre des pensions scrute à la loupe chaque dossier afin d’y relever toute erreur éventuelle.

Services publics et Approvisionnement Canada continuera de veiller à ce que tout soit fait pour préserver l’intégrité du programme de pensions.

Le sénateur Smith : À l’heure actuelle, est-ce que les gens qui relèvent de vous ont une meilleure idée du temps qu’il faudra avant que le système puisse recommencer à fonctionner correctement?

Mme Qualtrough : Je remercie le sénateur de sa question.

Nous examinons le système de paie Phénix de quelques façons différentes pour déterminer s’il y a eu des améliorations. Mon but ultime est de stabiliser le système.

Si vous me demandez quand nous pensons arriver à un point où les fonctionnaires seront rémunérés régulièrement et en temps opportun, je ne peux pas vous donner de garantie. J’ai appris que nous ne voulons pas imposer de délais que nous ne pouvons pas respecter. Nous nous efforçons donc d’améliorer constamment le système. Nous examinons la liste d’attente tous les mois et elle semble diminuer. Nous nous penchons sur notre capacité d’éviter des crises avant qu’elles n’aient lieu. Nous cherchons à améliorer l’exactitude des données qui sont saisies afin de ne pas ajouter de cas à la liste d’attente, ce qui nous permettra d’éviter un volume d’arriéré comme nous en avons connu au début et de régler les problèmes à la fin.

Nous avons pris un certain nombre de mesures. Pour le moment, je serais mal avisée de vous dire que nous avons fixé une échéance, mais nous nous efforçons toutefois d’améliorer constamment le système. Nous avons observé que le nombre de problèmes diminue, mais pas aussi rapidement que nous le souhaiterions.

L’honorable Norman E. Doyle : Madame la ministre, la question que je souhaite vous poser aujourd’hui porte aussi sur le système de paie Phénix et ses effets négatifs sur les membres de la Garde côtière canadienne.

Nous avons appris à l’été 2016 que les membres de la Garde côtière dans la province de Terre-Neuve-et-Labrador étaient parmi les groupes les plus durement touchés par les problèmes du système de paie Phénix.

Nous avons appris en janvier que 76 p. 100 des employés du ministère des Pêches et des Océans et de la Garde côtière avaient des dossiers non résolus aux centres de paie et que 100 p. 100 des employés qui travaillent en mer — j’ai bien dit 100 p. 100 — étaient touchés.

Pour votre gouverne, lorsque les membres de l’équipage d’un navire partent en mer pendant un mois et demi, ils ont peu ou pas accès à Internet, ce qui signifie qu’ils n’ont pas accès aux renseignements sur leur paie ou aux services bancaires en ligne. Les membres de la Garde côtière doivent souvent attendre de revenir chez eux pour commencer à régler les difficultés liées à leur paie.

Ils viennent de recevoir récemment leurs feuillets T4. Étant donné tous les problèmes liés à Phénix au cours des deux dernières années, pourquoi croiraient-ils que leurs renseignements fiscaux sont exacts? Manifestement, si leur paie est inexacte, leurs données fiscales le seront tout autant.

Les membres de la Garde côtière ont vraiment besoin de savoir quand les problèmes liés à Phénix seront réglés. J’ai entendu la réponse que vous avez donnée à mon collègue, mais y a-t-il quelque chose que vous pourriez dire aux membres de la Garde côtière pour qu’ils puissent avoir l’assurance que leurs problèmes seront réglés rapidement?

Mme Qualtrough : Je vous remercie de votre question, monsieur.

L’une des difficultés particulières liées au système Phénix — et je pourrais faire un discours complet sur la raison pour laquelle nous en sommes arrivés là —, c’est que les paiements rétroactifs lui posent énormément de problèmes. Les membres de la Garde côtière et d’autres également se retrouvent dans une situation où, compte tenu de la nature de leur travail, ils n’arrivent pas à entrer leurs données en temps voulu parce qu’ils n’ont pas accès à un ordinateur ou parce qu’ils n’ont pas, en fait, l’occasion de le faire au cours de la période de paie courante. Par conséquent, tous leurs paiements sont rétroactifs ou, à tout le moins, la vaste majorité de leurs opérations le sont.

Le système Phénix ne gère pas bien les paiements rétroactifs. C’est une fonctionnalité qui devait être réduite à l’été 2016, je crois — je vous demande pardon, c’est plutôt à l’été 2015. Nous nous efforçons actuellement de corriger toutes ces opérations.

J’ai rencontré il y a deux semaines seulement des membres de la Garde côtière. Nous avons eu l’occasion de parler des frustrations qu’ils ressentent, et je leur ai offert des mots d’encouragement.

Il y a aussi du travail à faire à l’intérieur même des ministères, comme au service des ressources humaines du ministère des Pêches et des Océans. Nous savons qu’il s’agit d’un système intégré et que le problème, ce n’est pas uniquement que le système de paie lui-même connaît des ratés. Nous devrons aussi nous pencher sur les données du système de ressources humaines et les interactions avec celui-ci.

Alors, pour répondre à votre question, nous travaillons à une solution qui serait propre à la Garde côtière et qui tiendrait compte du fait que, de par la nature même du travail des gens qui en font partie, il n’y a aucun moyen d’espérer qu’un jour ils pourront entrer leurs données à temps.

Je sais que ce n’est pas d’un grand réconfort, mais beaucoup d’autres systèmes de paie dans le monde ont du mal avec les paiements rétroactifs. Les enquêtes que nous avons menées nous ont été d’un grand secours. Nous avons instauré différents processus de gouvernance et pratiques opérationnelles afin que cette information soit saisie le plus rapidement possible.

En effet, plus cette information sera saisie rapidement, moins il y aura de risques que Phénix fasse des siennes.

L’honorable Terry M. Mercer (leader adjoint des libéraux au Sénat) : Madame la ministre, je vous remercie tout d’abord de vous être déplacée.

J’ai déjà posé un certain nombre de questions au sujet de Phénix et j’aimerais poursuivre dans la même veine.

IBM a affirmé qu’elle savait qu’il y aurait des problèmes. Elle dit avoir prévenu le gouvernement de Stephen Harper, qui aurait fait la sourde oreille.

Il me semble que, quand ils procèdent à des acquisitions d’envergure et qu’ils chamboulent la manière dont est administrée la fonction publique du Canada, les gouvernements devraient être vigilants.

En 2010, l’État du Queensland, en Australie, a connu des problèmes semblables. Dans un pareil cas, il me semble qu’on serait en droit d’espérer que le gouvernement fasse ses devoirs, qu’il consulte des gens qui ont acheté le même logiciel que lui afin de voir s’il fonctionne bien et s’il y a lieu de modifier ses façons de faire. Je suis d’ailleurs convaincu que le gouvernement du Queensland n’est pas différent de celui du Canada.

Puis, un nouveau gouvernement, dont vous faites maintenant partie, a été élu et il semble qu’il a continué d’ignorer les mises en garde qu’IBM affirme avoir faites. Pourriez-vous expliquer pourquoi elles ont été ignorées et pourquoi le gouvernement n’a pas ralenti le lancement?

Deuxièmement, j’ai demandé plusieurs fois ici, au Sénat, quand le gouvernement allait intenter des poursuites contre IBM pour obtenir un dédommagement. La société nie toute responsabilité. Or, elle a coûté aux contribuables du pays près de 1 milliard de dollars. C’est de l’argent des contribuables qui pourrait servir à fournir des services aux Canadiens d’un océan à l’autre, 1 million de dollars qui se retrouvent maintenant dans les coffres d’IBM parce que nous n’avons pas fait nos devoirs et que la société n’a pas livré un bon produit. Quand allons-nous intenter une poursuite?

S’il s’avère qu’IBM est à blâmer, même si elle nie toute responsabilité, le gouvernement est-il prêt à prendre toutes les mesures possibles pour recouvrer l’argent qu’a dépensé le gouvernement fédéral pour régler ce problème?

Mme Qualtrough : Je remercie l’honorable sénateur de poser cette question.

Monsieur, la relation avec IBM est, en fait, complexe et remonte à de nombreuses années avant notre arrivée au pouvoir, comme vous l’avez mentionné.

Un appel d’offres ouvert et transparent a été lancé, et c’est IBM qui a été retenue pour concevoir un système de paye pour le gouvernement du Canada.

Durant les négociations et aux premières étapes de la livraison du logiciel, le gouvernement de l’époque a réduit considérablement l’étendue du travail qu’IBM allait faire. Je peux nommer différentes fonctionnalités qui ont été retirées du contrat et je peux vous dire que, à différents moments, la relation entre IBM et l’ancien gouvernement était tendue.

Je peux aussi vous garantir que le gouvernement entend faire respecter à la lettre le contrat avec IBM qui a mené à la livraison du système de paie Phénix.

(1540)

Il s’agissait d’un changement colossal, à l’échelle d’une grande administration publique, et il a été effectué comme s’il ne s’agissait que d’une banale mesure destinée à réduire les coûts. Il est très difficile de voir comment on a pu considérer qu’un tel changement se résumait à l’achat d’un logiciel alors qu’en fait, il aurait fallu déployer des moyens énormes de gestion du changement, de restructuration des activités, de modification des politiques, d’examen des rouages administratifs et de changement des structures de gestion. Cela dit, fondamentalement, nous avons exigé qu’IBM livre scrupuleusement la marchandise qui lui était demandée dans le contrat.

Or, le problème pour nous est que, même en exigeant qu’IBM respecte à la lettre ses engagements contractuels, nous n’avons pas pu obtenir un système de gestion des ressources humaines et de la paye qui fonctionne et qui répond aux besoins de gouvernement du Canada, afin que tout le monde reçoive une paie bien calculée au moment voulu, toutes les deux semaines.

[Français]

La disparité salariale entre les sexes

L’honorable Marilou McPhedran : Merci, madame la ministre, d’avoir accepté de vous joindre à nous aujourd’hui.

[Traduction]

Madame la ministre, dans votre lettre de mandat d’octobre 2017, le premier ministre Trudeau vous a demandé d’aider la ministre de l’Emploi, du Développement de la main-d’œuvre et du Travail à mettre en œuvre un régime moderne des justes salaires. Ma question concerne les écarts salariaux. Compte tenu du jalon historique qu’a constitué le budget qui tient compte de la spécificité des sexes de février, de la présidence du G7 qu’assume le Canada et des revendications omniprésentes sur la scène internationale pour qu’on mette fin à l’écart salarial entre les sexes, la question que je vous pose est la suivante : le gouvernement s’étant engagé à réaliser l’égalité entre les sexes, sommes-nous proches de combler les écarts salariaux entre les hommes et les femmes au Canada?

Madame la ministre, pourriez-vous nous donner des exemples de mesures que vous êtes en train de prendre dans le cadre de votre mandat et à titre de membre de Cabinet, et qui s’apparenteraient peut-être à la nouvelle loi en Islande, afin d’imposer le respect du principe de l’équité salariale et d’apporter des modifications substantielles à la législation et aux politiques pour abolir l’injustice que constitue l’écart entre les salaires des hommes et des femmes au Canada? Quand pouvons-nous espérer voir cet écart se resserrer?

L’honorable Carla Qualtrough, C.P., députée, ministre des Services publics et de l’Approvisionnement : Je remercie la sénatrice pour sa question. Étant donné que j'ai déjà travaillé comme avocate spécialisée dans la défense des droits de la personne et comme j'ai déjà plaidé dans des affaires d’équité salariale il y a de nombreuses années, j’ai été très heureuse d’entendre le gouvernement annoncer son intention d’adopter une loi sur l’équité salariale. Nous comptons déposer le projet de loi cet automne, et je crois qu’il fera beaucoup pour régler le problème de l’écart salarial entre les hommes et les femmes. Toutefois, comme vous le savez, le gouvernement ne doit pas s’arrêter là. Chaque fois que nous aurons une décision à prendre, nous devrons nous assurer de faire un choix conforme au principe de l’égalité entre les hommes et les femmes. C’est ce que nous avons fait dans le budget de cette année, et nous avons l’intention d’inscrire dans la loi la nécessité d’aborder tous les prochains budgets dans une perspective d’équité entre les sexes. Selon moi, cela aidera grandement.

Je peux vous dire que tous les mémoires destinés au Cabinet sont accompagnés d’une analyse comparative entre les sexes plus, alors nous savons exactement comment les deux sexes seront touchés par les politiques que nous adoptons et les décisions judiciaires que nous prenons, que ce soit de façon négative ou positive. En fait, j’ai participé à une discussion où — sans porter atteinte aux renseignements confidentiels du Cabinet — quelqu’un a déclaré que, « si nous faisons ceci, nous pourrions réduire la disparité salariale entre les sexes encore davantage, et si nous n’effectuons pas cela, nous atténuerions en quelque sorte le risque dont on parle ». Il s’agit réellement d’un enjeu prioritaire au Cabinet, je peux vous l’assurer.

Il faut comprendre que le fait de combler la disparité salariale entre les sexes est intimement lié à l’élimination des obstacles qui empêchent les femmes d’accéder au marché du travail. Le fait d’avoir accès à des services de garde, de donner aux femmes davantage de choix, d’éliminer les obstacles qui les empêchent d’accéder au marché du travail et de leur offrir un large éventail d’options est, selon nous, tout aussi important que l’équité salariale. Même si l’équité salariale semble être une mesure que nous aurions dû prendre il y a bien longtemps, et que nous avons l’intention de prendre, en tant que gouvernement, il ne s’agit que de l’une des mesures que nous prenons, car nous attaquons ce problème sous différents angles.

[Français]

Les services de traduction et d’interprétation

L’honorable Pierrette Ringuette : Merci, madame la ministre, de votre présence parmi nous.

À l’ordre du jour du Sénat, il y a un document qui traite des services de traduction et d’interprétation offerts aux sénateurs. Nous avons rédigé ce rapport à la suite des nombreuses plaintes que nous avons reçues. L’une des lacunes qui ont été constatées, c’est que la politique en matière de contrats de traduction était uniquement basée sur les coûts les plus bas. Donc, au fil des ans, nous nous sommes retrouvés avec des services de qualité inférieure. Votre ministère a accepté de corriger cette lacune en ce qui concerne les services de traduction et d’interprétation offerts au Sénat. Or, s’il en est ainsi au Sénat, la situation doit être semblable partout dans les ministères du gouvernement canadien. Comptez-vous revoir la qualité des services de traduction offerts à l’ensemble du gouvernement du Canada?

L’honorable Carla Qualtrough, C.P., députée, ministre des Services publics et de l’Approvisionnement : Merci, sénatrice, de votre question. Notre gouvernement appuie fermement les langues officielles et préconise la production de traductions non seulement exactes, mais aussi de bonne qualité. Nous travaillons fort pour donner une nouvelle vision au Bureau de la traduction afin que les services de traduction soient d’excellente qualité, non seulement à la Chambre des communes et au Sénat, mais aussi dans les ministères. Il n’est pas acceptable qu’une personne reçoive une traduction de piètre qualité, et nous travaillons très fort à ce chapitre.

Le système de paie Phénix

L’honorable Jean-Guy Dagenais : Merci, madame la ministre. Votre gouvernement est au pouvoir depuis plus de deux ans et il y a maintenant deux ans que ce même gouvernement manque de respect à l’endroit de ses fonctionnaires qui éprouvent des difficultés à recevoir ce qui leur est dû pour le travail qu’ils font. Les contorsions politiques de votre gouvernement et les excuses présentées sans grande sincérité n’ont aucune valeur pour ceux et celles qui doivent négocier leur budget familial sans leur chèque de paie. En tant qu’ancien chef syndical, je puis vous assurer que notre réaction aurait été beaucoup plus dramatique que celle à laquelle vous avez été confrontés. Je ne veux pas entendre parler d’intentions. Je veux savoir quelles sont les actions concrètes qui sont prises à l’heure actuelle pour remédier aux difficultés occasionnées à ces fonctionnaires et à leur famille.

L’honorable Carla Qualtrough, C.P., députée, ministre des Services publics et de l’Approvisionnement : Merci, sénateur. Je peux vous assurer que la résolution de ce problème est ma priorité absolue.

[Traduction]

Je peux vous assurer que je suis consciente que nous devons agir, et non pas nous limiter à des discours, mais les discours sont importants, et je suis extrêmement reconnaissante de la patience dont ont fait preuve les fonctionnaires face à cette situation. Je comprends la situation difficile dans laquelle nous les avons placés et comment elle touche leur famille. Je parle quotidiennement à des fonctionnaires au sujet des répercussions que cette situation a sur leur vie.

Je peux vous dire que nous avons axé nos efforts sur quatre domaines. Le premier est la gouvernance. Le premier ministre a créé un groupe de travail ministériel; nous avons aussi créé, dans tout l’appareil gouvernemental, des groupes de travail aux échelons des sous-ministres, des sous-ministres adjoints et des directeurs généraux. Nous savons que ce problème, qui concerne l’ensemble de l’appareil gouvernemental, nécessite une solution globale et qu’il doit rester constamment une priorité pour les ministres et les sous-ministres.

Sur le plan fonctionnel et technologique, nous avons grandement amélioré nos processus opérationnels. Nous avons adopté des politiques qui nous permettent de mieux intégrer les systèmes de ressources humaines au système général de rémunération. Il faut comprendre que la fonction publique fédérale compte 32 systèmes de ressources humaines et que rien n’avait été fait pour les intégrer à Phénix avant que celui-ci soit mis en service. Sur les plans technologique et fonctionnel, nous devons donc intégrer de façon rétroactive toutes les pratiques et tous les processus en usage dans les domaines des ressources humaines et de la rémunération.

Nous renforçons aussi les capacités, c’est-à-dire que nous réembauchons les conseillers en rémunération que l’ancien gouvernement avait laissés partir, parce qu’il prévoyait que Phénix ne nécessiterait pas autant d’employés. Nous rebâtissons donc les effectifs, tant au centre de rémunération de Miramichi que dans les ministères, car nous savons qu’il faudra de solides services de ressources humaines dans les ministères pour soutenir les effectifs de rémunération que nous rebâtissons.

Le dernier domaine, à savoir les partenariats et la mobilisation, exige la collaboration avec les syndicats. Je remercie publiquement les syndicats de la fonction publique de se montrer patients et de bien vouloir chercher des solutions en collaboration avec nous, parce que nous mettons chaque jour leur patience à l’épreuve. Je m’en excuse sincèrement, mais il faut faire avancer les choses, et leur collaboration nous a été très utile jusqu’ici.

Nous travaillons avec les employés directement par l’intermédiaire de leur gestionnaire, avec les fonctionnaires, afin de garantir que tous disposent des renseignements nécessaires et sachent ce que nous pouvons faire pour eux et comment ils peuvent obtenir de l’aide en cas de besoin. Nous avons mis en place des avances de salaire en cas d’urgence. Si un employé ne reçoit pas le salaire auquel il a droit, il peut obtenir une avance sur ce salaire.

Nous avons mis en place un fonds à partir duquel les fonctionnaires peuvent prendre de l’argent pour recevoir un soutien à la comptabilité — car leur impôt est touché par cette situation —, et nous offrons ce soutien. Nous travaillons avec les syndicats et nous avons investi de l’argent pour leur verser les cotisations qui leur sont dues, mais qu’ils ne reçoivent pas nécessairement, car, évidemment, lorsqu’on ne paie pas correctement un employé, les cotisations syndicales appropriées ne sont pas versées aux syndicats. Nous tentons de toutes les façons possibles d’atténuer les effets. Nous sommes ouverts à de nouvelles suggestions. Chose certaine, au fil des jours et des semaines, nous avons commencé à faire preuve d’innovation. J’ai l’impression que nous voyons de façon proactive les changements que nous recherchons désespérément depuis si longtemps. Merci.

(1550)

[Français]

La flotte de brise-glaces—Les chantiers Davie

L’honorable Claude Carignan : Ma question s’adresse à la ministre. Madame la ministre, il y a plusieurs mois, j’ai posé des questions à votre collègue, le sénateur Harder, concernant la problématique des brise-glaces et des chantiers de la Davie. Le sénateur Harder a admis — et comme il est le représentant du gouvernement, je tiens pour acquis qu’il parle au nom du gouvernement — que la situation était urgente. Pourtant, il ne se passe rien.

Il y a trois mois, le premier ministre Trudeau est allé à Québec pour faire des promesses à la Davie et à ses employés. Depuis ce temps, il ne se passe rien.

J’ai reçu une réponse écrite à une question que j’ai posée le 28 février 2018 — cette réponse écrite, j’imagine, provient de vos messages préfabriqués —, qui indique notamment ce qui suit :

Nous poursuivons l’acquisition de navires de déglaçage commerciaux à titre de mesure provisoire [...]. Les discussions avec Davie, annoncées par le premier ministre le 18 janvier, sont en cours.

Madame la ministre, ma question est la suivante. Finira-t-on par conclure une entente avec la Davie? J’ai l’impression que ce gouvernement a un problème avec cette entreprise. Tout d’abord, pouvez-vous m’assurer que ce n’est pas le cas? Ensuite, pouvez-vous nous dire à quel moment nous pourrons nous attendre à une entente, à une commande en bonne et due forme, afin que les gens qui travaillent aux chantiers Davie puissent retourner au travail le plus rapidement possible?

L’honorable Carla Qualtrough, C.P., députée, ministre des Services publics et de l’Approvisionnement : Je peux vous assurer que notre gouvernement reconnaît l’expertise et l’expérience des travailleurs des chantiers Davie. C’est un chantier majeur, et ils ont fait un excellent travail sur l’Asterix.

Nous avons constaté un besoin en ce qui concerne la Garde côtière et le déglaçage, et nous sommes en négociations avec la Davie quant aux travaux à effectuer sur trois brise-glaces. J’espère que ces négociations donneront des résultats positifs. Comme vous pouvez le comprendre, nous sommes en négociations.

[Traduction]

Nous faisons preuve de la diligence voulue. Nous comparons les chiffres, et je puis vous assurer que nous nous efforçons de trouver une solution pour les chantiers de la Davie. Nous sommes tout à fait conscients des effets des pertes d’emplois sur les travailleurs. Nous faisons de notre mieux pour trouver une solution qui conviendra à tous.

Le système de paie Phénix

L’honorable Mobina S. B. Jaffer : Madame la ministre, je vous souhaite la bienvenue au Sénat. Je suis particulièrement fière du fait que vous soyez ici, puisque vous êtes une ministre provenant de la même province que moi. Je tiens à souligner que nous sommes très fiers du travail que vous avez accompli, tout particulièrement lorsque vous avez témoigné devant le Comité sénatorial permanent des finances nationales. La franchise dont vous avez fait preuve au moment de répondre aux questions était très rassurante.

Madame la ministre, j’avais la même question que le sénateur Dagenais, alors je n’entrerai pas dans les détails. D’après la façon dont vous répondez aux questions, vous semblez très consciente du fait que des fonctionnaires souffrent d’angoisse et d’anxiété et peinent à payer les choses qui sont nécessaires au quotidien. Vous avez précisé plus tôt toutes les mesures qui ont été prises pour aider les fonctionnaires.

Il y a une chose qui m’embête et qui est pire que leur situation actuelle. La date limite pour la présentation des déclarations de revenus approche, et des milliers de fonctionnaires touchés par Phénix reçoivent des feuillets T4 qui ne sont pas représentatifs de leur revenu réel. Services publics et Approvisionnement Canada a envoyé un message aux employés du gouvernement fédéral leur demandant de respecter la date limite du 30 avril et d’utiliser les relevés d’impôt les plus récents, et ce, même s’ils contiennent des erreurs.

Madame la ministre, il est inacceptable que ces gens soient obligés de payer des impôts sur un salaire qu’ils n’ont pas reçu et en fonction de feuillets T4 erronés. Qu’allez-vous faire pour aider ces fonctionnaires?

L’honorable Carla Qualtrough, C.P., députée, ministre des Services publics et de l’Approvisionnement : Merci. Encore une fois, je suis consciente de la situation horrible dans laquelle nous avons placé les fonctionnaires. À la fin de l’année dernière, nous avons convenu de travailler avec l’ARC afin d’atténuer le plus possible les répercussions du système de paie Phénix sur le plan fiscal. Nous avons constaté que les paiements en trop étaient particulièrement problématiques, car, évidemment, on demande alors aux employés de payer plus d’impôts et, à vrai dire, le fait de se retrouver dans une autre tranche d’imposition peut empêcher des fonctionnaires d’avoir accès à certaines prestations gouvernementales. Il est devenu prioritaire de traiter le plus grand nombre possible de paiements en trop. Nous savons également que, même s’il y a des paiements en trop dans le système, il se peut très bien qu’il y ait des paiements en moins ailleurs. Il ne faudrait pas que des gens qui n’ont pas reçu ce qui leur est dû soient pénalisés à cause d’un paiement en trop, car nous savons que, s’il y a une transaction au dossier d’une personne, il risque d’y en avoir d’autres.

Nous avons mis en place un certain nombre de mesures pour remédier à la situation. Tout d’abord, nous avons fait des efforts collectifs afin de résoudre le problème des paiements en trop. Je dirais que nous avons assez bien réussi à réduire le nombre de paiements en trop qui se reflètent dans les feuillets T4. En toute franchise, je dois dire que certains cas n’ont pas été résolus, et que certains employés ont reçu des feuillets T4 erronés. Nous nous sommes engagés à travailler avec l’ARC afin que les employés n’aient pas à présenter une nouvelle déclaration de revenus. Ce processus s’appliquera automatiquement. Nous avons produit des feuillets T4 modifiés pour tous les cas de paiement en trop qui nous avaient échappé. Nous avons également établi à l’échelle de la fonction publique une politique selon laquelle tout employé ayant reçu un paiement en trop n’aura pas à faire de remboursement avant d’avoir reçu ce qui lui est dû.

Sans prétendre connaître votre situation, M. Harder, tant et aussi longtemps que toutes les transactions vous concernant n’auront pas été traitées, nous n’exigerons pas que vous remboursiez les sommes en question. Nous faisons de notre mieux pour nous assurer de minimiser l’impact du problème. Comme je l’ai dit plus tôt, nous comprenons totalement la situation difficile dans laquelle nous avons mis les gens.

[Français]

La stratégie d’approvisionnement—Les droits linguistiques

L’honorable Raymonde Gagné : Madame la ministre, j’en profite aujourd’hui pour vous poser une question concernant une lettre que je vous ai adressée en janvier dernier, et une autre lettre que j’ai cosignée avec ma collègue, l’ancienne sénatrice Claudette Tardif, au sujet de l’aliénation des immeubles fédéraux.

Votre ministère est tenu de respecter la Directive sur la vente ou le transfert des biens immobiliers excédentaires qui l’oblige à tenir compte des besoins de certains intervenants, y compris les communautés de langue officielle en situation minoritaire, afin de procéder à l’aliénation de biens immobiliers.

À l’issue de la situation liée au dossier des terrains de la rue Heather et de l’école Rose-des-Vents, en Colombie-Britannique, vous avez informé le Comité sénatorial permanent des langues officielles de ce qui suit, et je cite :

Cet enjeu à Vancouver a donné l’occasion au gouvernement de rappeler à toutes les institutions fédérales qu’elles doivent se conformer à la Directive sur la vente ou le transfert des biens immobiliers excédentaires du Secrétariat du Conseil du Trésor.

Cette même situation s’est répétée à Winnipeg, après que cette directive a été envoyée aux ministères afin de leur rappeler qu’ils avaient des obligations à ce chapitre. Il y a un édifice à Winnipeg, justement, qui a été mis en vente au public sans qu’aucune consultation préalable ait été tenue auprès de la communauté francophone locale, dont les écoles débordent.

Madame la ministre, au-delà des rappels que vous avez effectués, que comptez-vous faire pour veiller à ce que les droits des intervenants soient respectés et que les immeubles de valeur stratégique ne soient pas aliénés avant d’en avoir pleinement évalué le potentiel pour nos communautés?

L’honorable Carla Qualtrough, C.P., députée, ministre des Services publics et de l’Approvisionnement : Merci de votre question. Je vais vous répondre en anglais.

[Traduction]

Nous comprenons certainement l’importance de la dualité linguistique en éducation. Nous comprenons que l’aliénation de biens immobiliers et d’autres actifs est une occasion pour nous d’atteindre les grands objectifs en matière de politique sociale du gouvernement du Canada.

Par exemple, en travaillant avec la Société immobilière du Canada à Vancouver, sur la rue Heather, nous avons déterminé qu’il existe une solution. Dans le plan final, il y aura une école de langue française, et c’est très excitant. Je m’excuse, car je ne connais pas les détails de l’édifice à Winnipeg de mémoire, mais je peux certainement les obtenir pour vous.

(1600)

Un des aspects palpitants de mon rôle — bien que peu de mes collègues trouvent l’approvisionnement très palpitant —, c’est que je peux me servir des outils que je possède pour concrétiser ces objectifs généraux.

Nous pouvons stratégiquement tirer parti de l’aliénation d’un bien pour favoriser l’atteinte d’autres objectifs, comme ceux qui sont liés aux langues officielles. Donc, certainement, en collaborant avec la Société immobilière du Canada et d’autres partenaires, lorsque nous aliénons des biens, nous aurons à l’esprit ces objectifs globaux. Je peux obtenir l’information sur l’édifice à Winnipeg pour vous.

La stratégie d’acquisition—Les intérêts locaux

L’honorable Ratna Omidvar : Je vous remercie, madame la ministre, d’être ici avec nous aujourd’hui. Comme vous, je peux aussi me passionner pour l’approvisionnement, car j’en comprends les leviers, alors ma question porte sur les retombées locales.

Comme vous le savez, c’est à Toronto, d’où je viens, que sera réalisé le plus grand projet de transport au Canada, le train léger sur rail Eglinton Crosstown. Grâce à la loi provinciale et aux investissements provinciaux, l’autorité du transport régional, Metrolinx, a accepté de consacrer 10 p. 100 des heures de travail — ce qui représente environ 300 emplois — à des membres défavorisés de la collectivité qui habitent le long de la nouvelle voie. Bien sûr, je peux vous dire que cela représente un énorme impact positif sur la collectivité.

En tant que ministre des Services publics et de l’Approvisionnement, on vous a confié la tâche de conclure des contrats, grands et petits, partout dans le Canada. Que fait votre ministère pour promouvoir le concept de retombées locales dans les contrats d’approvisionnement? Est-ce que le gouvernement appuiera le projet de loi C-344, qui ajouterait ce concept à votre description de tâches?

L’honorable Carla Qualtrough, C.P., députée, ministre des Services publics et de l’Approvisionnement : Merci. Pour répondre brièvement à votre question, absolument, madame. Comme vous l’avez reconnu et comme je l’ai dit précédemment, dans tout système d’approvisionnement de pointe et de calibre mondial, la rentabilité n’est pas le seul critère de rendement. On cherche aussi à créer des avantages plus généraux d’ordre social et économique au moyen des leviers de l’approvisionnement.

Le projet de loi C-344 permet au gouvernement de connaître les retombées locales d’un projet, que ce soit après la retenue d’une soumission, durant le projet ou après. Il peut s’agir d’emplois, d’initiatives vertes ou d’activités spécifiques visant les populations marginalisées.

Bien entendu, cela représente un double avantage. Premièrement, nous obtenons des données que nous n’avons pas présentement. Ainsi, il nous est impossible de déterminer avec certitude le nombre de jeunes Autochtones qui occupent un emploi dans le cadre d’un des contrats accordés par le gouvernement du Canada. Ne serait-il pas immensément utile de connaître cette statistique? C’est ce que nous nous souhaitons.

Deuxièmement, les données ainsi recueillies peuvent ensuite servir à la mise au point de politiques et de programmes et guider la prise de décisions, puisqu’elles nous permettent de prouver, par exemple, que nous n’atteignons pas les populations pour qui les contrats seraient tout particulièrement profitables parce que notre méthode d’attribution de marchés exclut, de manière imprévue, des groupes qui étaient pourtant ciblés.

Selon moi, il s’agit là d’un levier très puissant dont nous pourrons nous servir une fois que nous aurons recueilli des données et que d’autres initiatives seront lancées, comme la stratégie d’approvisionnement auprès des entreprises autochtones et l’inclusion de l’accessibilité dans nos projets d’approvisionnement. Grâce à ces données économiques et sociales, le gouvernement sera en mesure de prendre de meilleures décisions.

Les achats d’aéronefs

L’honorable Paul E. McIntyre : Madame la ministre, bienvenue au Sénat. Ma question porte sur l’acquisition de chasseurs et les délais prévus.

Comme vous le savez, la flotte de chasseurs du Canada est âgée d’environ 35 ans. Le gouvernement libéral est en train de faire l’acquisition d’avions d’occasion qui viennent de l’Australie, qui sont tout aussi vieux. Vous avez soi-disant lancé un appel d’offres pour le remplacement des deux flottes par des nouveaux chasseurs, mais cet appel d’offres durera au moins cinq ans.

Madame la ministre, pouvez-vous nous expliquer exactement pourquoi ce processus sera si long? Pourriez-vous aussi déposer au Sénat un aperçu de chaque étape prévue pour le processus, une description précise de la durée de chacune de ces étapes et, dans la mesure du possible, une explication détaillée du temps alloué?

L’honorable Carla Qualtrough, C.P., députée, ministre des Services publics et de l’Approvisionnement : Je vous remercie de votre question, honorable sénateur.

Nous devons assurément fournir aux militaires canadiens l’équipement moderne dont ils ont besoin. Comme vous l’avez dit, nous n’avons pas acheté d’avions à réaction depuis fort longtemps. Nous adoptons donc essentiellement une approche à deux volets pour combler immédiatement l’écart de capacité relevé par le ministre de la Défense et le chef d’état-major de la Défense en vue d’obtenir dès maintenant des avions pour les membres des Forces armées canadiennes.

Les autres membres du Cabinet et moi avons reçu l’assurance du chef d’état-major de la Défense que les appareils que nous achetons auprès de l’Australie répondent à ce besoin. Ils sont sécuritaires. Nous avons déjà du personnel formé pour assurer l’entretien de ce type d’avions. Le Canada dispose d’une chaîne d’approvisionnement qui financera cet achat. Le processus devrait être relativement rapide. En effet, la première livraison est prévue pour le début de l’année prochaine.

Parallèlement, nous avons entamé un processus pour acheter 88 chasseurs qui remplaceront notre flotte vieillissante. Nous avons invité les fournisseurs à exprimer leur intérêt. La liste des fournisseurs a déjà été publiée. Il y a cinq possibilités de partenariats entre des gouvernements et des entreprises.

Nous avons exigé que les gouvernements établissent également des partenariats avec des entreprises, parce que la technologie utilisée dans ces avions est un sujet confidentiel et délicat. Nous souhaitons éviter une situation où, d’un côté, une entreprise serait désireuse de vendre ses produits, tandis que, de l’autre côté, le gouvernement du Canada ne souhaiterait pas partager la technologie en question.

Il y a donc cinq gouvernements — ou plutôt quatre, en fait, puisque deux viennent des États-Unis — et cinq entreprises qui sont nos partenaires dans le cadre du processus relatif aux fournisseurs. Nous travaillons ensemble afin de définir leurs chaînes d’approvisionnement, leurs partenariats et leurs consortiums.

Nous serons prêts à élaborer un appel d’offres avec eux d’ici la fin de l’année et à le lancer au début de l’année prochaine, donc au début de 2019. L’industrie nous a fait savoir haut et fort qu’elle avait aussi besoin de temps — autant que nous, sinon plus — afin de créer ses consortiums. Nous souhaitons que le processus d’acquisition soit aussi concurrentiel que possible. Nous voulons faire en sorte que tous les intéressés demeurent avec nous jusqu’à la fin et que, si certains décident d’abandonner en cours de route, ce ne sera pas à cause d’un geste que nous aurions posé.

Les gens me surnomment en riant la ministre du processus, un titre dont je suis plutôt fière, puisque j’ai vraiment à cœur que ce processus soit ouvert, transparent et équitable.

Pour ce qui est de vous fournir un échéancier de ce dossier d’acquisition, je crois que ce sera possible, monsieur le sénateur. Je ne sais pas exactement quelle forme il prendra, mais nous pouvons collaborer avec votre bureau et vous transmettre ces renseignements aussitôt que possible.

Les travaux du Sénat

Son Honneur le Président : Les honorables sénateurs se joindront sûrement à moi pour remercier la ministre Qualtrough de sa présence parmi nous aujourd’hui. Merci, madame la ministre.


ORDRE DU JOUR

Le Code criminel
La Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Ataullahjan, appuyée par l’honorable sénatrice Andreychuk, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-240, Loi modifiant le Code criminel et la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (trafic d’organes humains).

L’honorable Ratna Omidvar : Merci, sénateur Richards. Je veillerai à consulter le compte rendu afin de pouvoir m’imprégner à nouveau de la sagesse de vos propos.

Vous avez toutefois souligné un problème fondamental dans votre discours, à savoir que, au Canada, peu d’entre nous signent des formulaires de don d’organes. Le fait que les registres des dons d’organes sont gérés par les provinces aggrave le problème. Lorsqu’une personne en Colombie-Britannique a besoin d’un rein et qu’un rein est disponible en Ontario, il y a certainement des difficultés au niveau du délai de traitement et de la coordination.

Ma question touche au projet de loi dont vous parlez, qui, selon moi, est un symptôme du problème, c’est-à-dire la pénurie de dons d’organes et le manque de coordination.

Pensez-vous que le gouvernement fédéral peut faire quelque chose pour éliminer les obstacles qui sont intrinsèques et systémiques à la question abordée par le projet de loi?

L’honorable David Richards : Merci de votre question.

Je ne sais pas trop; si la question demeure du ressort des provinces et que la mesure fait intervenir le gouvernement fédéral, empiéterions-nous sur les droits individuels? L’Ontario propose, par exemple, de faire qu’il soit possible de prélever les organes d’une personne qui n’aurait pas signé de carte de don d’organes et qui n’aurait pas indiqué qu’elle s’y oppose.

Certains médecins pensent qu’on porte ainsi atteinte aux droits de la personne et cela les met un peu mal à l’aise. Je ne sais trop si les autres provinces se sont dotées d’un tel mécanisme et si elles y ont recours, mais je sais qu’il y a une grave pénurie d’organes dans la plupart des provinces. Les gens ne signent tout simplement pas leur carte. Très souvent, les gens oublient ou continuent de ressentir un certain malaise à le faire.

(1610)

Je ne suis pas sûr qu’il existe de solution précise pour atténuer le problème.

Cela dit, je ne suis pas certain que c’est la raison principale du tourisme de la transplantation. Je crois que les gens qui ont de l’argent et qui peuvent voyager ont parfois l’impression que c’est la façon la plus facile de procéder. Au lieu d’attendre leur tour, ils pensent avoir accès à un processus plus simple, mais ils reviennent à la maison avec des problèmes, comme le VIH ou d’autres maladies.

Je dirais donc que cette approche permettrait probablement de réduire ce type de tourisme, mais je ne crois pas qu’elle l’éradiquerait complètement.

La sénatrice Omidvar : J’ai une autre question complémentaire. Pensez-vous qu’il serait utile d’envisager une campagne de sensibilisation nationale qui porterait à la fois sur l’inscription proactive au registre d’organes et sur les risques physiques, moraux et spirituels qu’on encourt, comme vous l’avez expliqué, en faisant un voyage à l’étranger pour se procurer des organes?

Le sénateur Richards : Bien sûr. Le problème, c’est que, très souvent, on apprend que ces gens sont allés à l’étranger après leur retour. Il n’est pas rare qu’ils soient infectés par le VIH ou qu’ils aient reçu un rein malade. Les médecins ont l’obligation morale, en raison de leur profession, de ne pas signaler ces cas à la police — ou, du moins, un grand nombre d’entre eux sont mal à l’aise de déclarer ces actes aux forces de l’ordre, et ne le font donc pas.

Un programme de sensibilisation national serait la meilleure approche à adopter. À la suite de la terrible tragédie à Humboldt et de l’histoire du jeune garçon qui a donné ses organes la semaine dernière, je crois que la population est davantage sensibilisée au problème, bien plus qu’il y a deux ou trois semaines.

Son Honneur le Président : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président : L’honorable sénatrice Ataullahjan, avec l’appui de l’honorable sénatrice Andreychuk, propose que le projet de loi soit lu pour la deuxième fois.

Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois.)

Renvoi au comité

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?

(Sur la motion de la sénatrice Martin, le projet de loi est renvoyé au Comité sénatorial permanent des droits de la personne.)

Projet de loi sur le projet de pipeline Trans Mountain

Deuxième lecture—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Black (Alberta), appuyée par l’honorable sénatrice Bovey, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-245, Loi prévoyant que le projet de pipeline Trans Mountain et les ouvrages connexes sont déclarés d’intérêt général pour le Canada.

L’honorable Richard Neufeld : Je prends la parole aujourd’hui à l’étape de la deuxième lecture du projet de loi S-245, Loi prévoyant que le projet de pipeline Trans Mountain et les ouvrages connexes sont déclarés d’intérêt général pour le Canada.

Je remercie le sénateur Black d’avoir présenté le projet de loi. Bien que j’en sois le porte-parole, cela ne surprendra personne d’apprendre que je l’appuie complètement. Il s’agit de la quatrième fois en 10 semaines que je prends la parole au sujet du projet d’expansion du réseau de pipelines Trans Mountain proposé par Kinder Morgan. Le mois dernier, je suis intervenu à l’égard de ma motion portant sur le projet Trans Mountain, et je suis ravi que celle-ci ait été adoptée à l’unanimité par le Sénat. J’avais concentré mes observations sur la sécurité des pipelines et des pétroliers, deux questions qui sont au premier plan dans ce débat. Je sais que certains d’entre vous n’ont pas entendu mon discours, alors je vous invite à le lire dans le compte rendu. Je suis convaincu que vous le trouverez informatif.

Honorables sénateurs, vous vous rappellerez que c’est le sénateur Tkachuk qui avait demandé la tenue du débat d’urgence sur l’impasse actuelle, au début de février, et que ma motion avait rapidement été présentée par la suite. Je crois qu’il est honnête d’affirmer que les sénateurs de ce côté-ci ont fortement soutenu ce projet et qu’ils ont exercé une pression soutenue sur le gouvernement Trudeau. Les conservateurs croient en ce projet, et nous allons continuer de le défendre et d’en faire la promotion. Or, il a fallu deux mois et demi à la Chambre des communes avant de tenir enfin un débat d’urgence, hier soir. C’est nous, au Sénat, qui avons mené la charge.

Pour des raisons évidentes, je ne vais pas répéter tout ce qui a déjà été dit au sujet du projet. La plupart d’entre nous connaissent la chronologie des événements. Cependant, des développements sont survenus depuis ma dernière intervention sur la question.

Il y a 10 jours, Kinder Morgan a publié un communiqué indiquant qu’elle suspendait toutes ses activités non essentielles et les dépenses connexes. La société a affirmé que, en raison de la conjoncture, notamment des efforts d’opposition soutenus du gouvernement de la Colombie-Britannique, elle n’allait pas engager davantage de ressources des actionnaires dans ce projet. Autrement dit, Kinder Morgan indique aux gouvernements concernés par cette impasse politique qu’ils ont jusqu’au 31 mai pour trouver une solution qui permettrait au projet de se réaliser.

Essentiellement, Kinder Morgan veut des assurances : elle veut être certaine qu’elle pourra aller de l’avant, notamment quant à sa capacité de construire son pipeline en Colombie-Britannique, et elle veut que ses actionnaires soient adéquatement protégés.

Deux jours après la publication de ce communiqué, le Cabinet fédéral s’est réuni d’urgence à Ottawa.

Le gouvernement appuie à 100 p. 100 ce pipeline. Il est important pour le Canada et il est conçu dans l’intérêt national. Nous estimons qu’il est important pour toutes les régions du pays. Nous maintenons notre décision.

Voilà ce qu’affirmait le ministre Carr à sa sortie de la réunion.

Nous savons aussi que le ministre Morneau a rencontré la première ministre Notley le lendemain soir à Toronto. Enfin, ce n’est que lorsque les pressions se sont accrues que le premier ministre a décidé de faire un arrêt au Canada dimanche pour rencontrer les premiers ministres Notley et Horgan entre ses visites au Pérou et en Europe.

Mardi, David Akin, de Global News, a écrit un article sur le revirement de M. Trudeau. Lorsqu’il a demandé au premier ministre pourquoi il avait décidé de rentrer au Canada, ce dernier lui a répondu ce qui suit :

Je pense qu’il est devenu très clair que le degré de polarisation qui entoure ce dossier exigeait une intervention de poids. Je voulais prendre le temps de m’asseoir avec les premiers ministres de la Colombie-Britannique et de l’Alberta en même temps et aborder la question de l’intérêt national et montrer que le gouvernement fédéral est bien déterminé à ce que ce projet aille de l’avant. Je pense qu’il faut agir.

Mieux vaut tard que jamais, j’imagine. Il a fallu plus de trois mois au dirigeant du pays pour se rendre compte que nous étions arrivés à une crise nationale.

Pendant la conférence de presse qui a suivi la rencontre de dimanche, le premier ministre a dit qu’il avait « demandé au ministre des Finances d’entreprendre des négociations avec l’entreprise Kinder Morgan afin d’éliminer l’incertitude planant sur le projet […] ». Le premier ministre a également indiqué aux premiers ministres provinciaux qu’une mesure législative était dans les plans pour réaffirmer et renforcer le fait que le gouvernement fédéral a compétence dans ce dossier. Ne sait-il pas que le projet de loi S-245 est à l’étude au Sénat?

Je ne peux que supposer que le manque continu de leadership du premier ministre est ce qui a incité le sénateur Black à présenter le projet de loi S-245.

L’objet de ce projet de loi est de faire en sorte que le projet de pipeline Trans Mountain et les ouvrages connexes soient exécutés sans entraves ni retards. Il déclare en outre ce projet d’intérêt général pour le Canada.

Comme l’a déclaré le sénateur Black dans son discours à l’étape de la deuxième lecture :

[…] [ce projet de loi] constituera un point de départ pour que le gouvernement fédéral agisse. Jusqu’ici — et encore aujourd’hui —, le gouvernement du Canada a clairement fait connaître ses intentions, mais ce n’était rien d’autre que des mots. Nous voulons donc créer les conditions pour qu’il mette réellement ce projet en branle, car c’est un projet d’intérêt général pour le Canada.

Le sénateur Black a aussi soutenu — et je suis d’accord avec lui — qu’« il enverra également un message clair et sans équivoque : le Parlement du Canada appuie ce projet et reconnaît qu’il est dans l’intérêt du pays ». J’ajouterais que ce projet de loi pourrait aussi aider à rassurer Kinder Morgan.

Beaucoup de choses ont déjà été dites au sujet du projet. Aujourd’hui, j’aimerais me concentrer sur les raisons pour lesquelles le projet Trans Mountain est effectivement d’intérêt général pour le Canada, ce qui constitue l’objectif principal du projet de loi. Je vais parler de la demande mondiale croissante de combustibles fossiles, des avantages économiques du pipeline, de la compétitivité économique générale du Canada et de certains arguments invoqués par les opposants au projet.

Au cours du débat d’urgence tenu au Sénat, le sénateur Woo nous a rappelé que le monde entier est en train de passer des combustibles fossiles aux énergies renouvelables. Il a laissé entendre qu’on n’a pas accordé suffisamment d’attention à cette question. Or, je suis heureux d’en parler maintenant.

Le Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles étudie depuis maintenant deux ans la question de la transition vers une économie à faibles émissions de carbone. Croyez-moi, les membres du comité sont bien conscients que la transition est en cours. Je pense qu’il est juste de dire que les membres du comité appuient la réduction des émissions de gaz à effet de serre au pays et la recherche de moyens pour lutter contre les changements climatiques. Personnellement, je suis fortement en faveur de l’écologisation de l’économie canadienne, où et quand il est logique de le faire.

(1620)

De nouvelles technologies dans tous les secteurs de l’économie nous aideront à y parvenir. Cependant, la réduction des émissions coûtera aussi beaucoup d’argent. Elle portera un coup au portefeuille des consommateurs, des entreprises et des ménages canadiens. Ne vous méprenez pas, je suis conscient que l’inaction entraînera des coûts supplémentaires.

Au cours des audiences publiques, le comité a aussi appris que la demande en combustibles fossiles augmentera à différentes vitesses et atteindra un sommet à divers stades.

Je suis d’accord avec le sénateur Mitchell pour dire que le virage vert change notre monde et les comportements des consommateurs à bien des égards. Je ne partage toutefois pas son avis en ce qui concerne sa suggestion que la demande en combustibles fossiles pourrait diminuer. Bien que je comprenne l’influence des forces du marché sur le secteur de l’énergie, les prévisions d’organismes réputés montrent que la demande en combustibles fossiles, notamment le pétrole et le gaz naturel, continuera d’augmenter dans un avenir prévisible.

Dans l’édition 2017 de son rapport World Energy Outlook, l’Agence internationale de l’énergie suggère que les besoins énergétiques mondiaux augmenteront de 30 p. 100 d’ici 2040, ce qui équivaut à ajouter la demande d’une deuxième Chine ou d’une deuxième Inde à la demande mondiale actuelle.

La bonne nouvelle, c’est que les sources d’énergie renouvelable devraient jouer un plus grand rôle à l’avenir pour répondre à la demande. La demande en pétrole est également à la hausse et la consommation de gaz naturel a augmenté de 45 p. 100. Selon l’édition 2018 du rapport intitulé Energy Outlook de BP, la moitié de cette demande est attribuable à la Chine. Cependant, d’ici 2040, les combustibles fossiles représenteront toujours la source de 77 p. 100 de l’énergie consommée.

D’ailleurs, en 2018, la population mondiale consomme du pétrole à un taux de 97 millions de barils par jour. Selon l’Agence internationale de l’énergie, ce nombre atteindra 105 millions et même possiblement plus d’ici 2040. Selon certaines hypothèses, l’Office national de l’énergie prévoit que la production quotidienne de brut au Canada passera de 4 millions de barils par jour en 2016 à 6,3 millions de barils par jour d’ici 2040.

Même s’il est évident que le monde change, comme le sénateur Mitchell nous l’a rappelé, le pétrole continuera de jouer un rôle prépondérant dans la société pendant des dizaines d’années. C’est pourquoi il faut mener à bien le projet d’expansion du réseau Trans Mountain. Le Canada commettrait une grande erreur s’il arrêtait d’extraire du pétrole et de l’exporter vers de nouveaux marchés.

Je sais que certaines personnes souhaitent que tous les combustibles fossiles restent dans le sol, mais, en réalité, nous dépendons de ces ressources, et pas seulement pour faire fonctionner nos voitures et climatiser notre maison.

Considérons ceci : on estime que 6 000 produits dépendent du pétrole et du gaz. Près de la moitié seulement des 97 millions de barils de pétrole utilisés chaque jour sert aux transports. Le reste est utilisé par les usines pétrochimiques et pour produire du carburéacteur, du mazout, des lubrifiants, de l’huile de chauffage et d’autres produits.

Par exemple, l’oléoduc Trans Mountain transporte 300 000 barils de pétrole par jour. Le projet d’expansion ferait passer la capacité à 890 000 barils. Les terminaux de Kamloops et de Burnaby servent tous les deux de plateforme pour la distribution et l’utilisation locale. Autrement dit, il est fort possible que l’essence qui a alimenté la voiture que les environnementalistes ont conduite pour se rendre à la manifestation soit issue de produits transportés par Trans Mountain. Bien entendu, ils se sont aussi rendus à la manifestation en empruntant des routes asphaltées, mais là n’est pas la question, évidemment. De plus, en se rendant à la manifestation, les environnementalistes sont probablement tombés sur des dizaines de ces 6 000 articles qui contiennent des combustibles fossiles ou qui sont fabriqués grâce à eux.

À l’extrémité de l’oléoduc se trouve le terminal maritime Westridge, à Burnaby, qui est situé dans le port de Vancouver. Il est capable d’accueillir des pétroliers — seulement cinq par mois à l’heure actuelle —, mais il achemine également du carburéacteur à l’aéroport international de Vancouver. C’est exact, honorables sénateurs. Du pétrole de l’oléoduc Trans Mountain alimente les avions que je prends toutes les semaines pour venir ici en compagnie d’autres collègues parlementaires de l’Ouest, notamment la chef du Parti vert du Canada.

Il y a quelques années, David McKay, le PDG de la Banque Royale du Canada, l’a très bien exprimé lorsqu’il a dit ceci :

[…] Les Canadiens sont très polarisés lorsqu’il s’agit de pétrole et de gaz, alors qu’ils devraient chercher à le produire de façon propre, à le transporter de façon sécuritaire et à le consommer de façon sage.

J’aimerais maintenant parler un peu des avantages économiques de Trans Mountain.

Il ne faut pas oublier que la société Kinder Morgan, qui est cotée en bourse, investit 7,4 milliards de fonds privés dans ce projet. Certes, le chiffre pourrait changer à l’issue des entretiens que le ministre Morneau aura avec le promoteur. La société y a déjà consacré plus d’un milliard de dollars et, si la construction démarre après le 31 mai, elle y consacrera jusqu’à 300 millions de dollars par mois.

Je sais que les chiffres suivants sont contestés, mais Kinder Morgan laisse entendre que les producteurs de pétrole verraient leurs revenus augmenter de 73,5 milliards de dollars sur 20 ans. Les gouvernements fédéral et provinciaux recevraient près de 47 milliards de dollars de plus au titre des impôts et des redevances de construction et d’exploitation sur une période de 20 ans, et les recettes des producteurs augmenteraient, de même que le trafic des pétroliers. Imaginez tous les autoroutes que nous pourrions asphalter, les hôpitaux que nous pourrions bâtir et les investissements que nous pourrions faire dans le transport en commun et dans l’amélioration de l’efficacité énergétique des écoles.

Côté emplois, selon un rapport du Conference Board du Canada, Kinder Morgan pourrait créer l’équivalent de 15 000 emplois dans la construction et l’équivalent de 37 000 emplois directs, indirects et dérivés par année d’opération. N’oublions jamais que les gens de ce pays travaillent dans l’exploitation des sables bitumineux, même s’ils résident à Vancouver ou à Burnaby.

D’aucuns ont dit que le nombre d’emplois dans la construction équivaudra seulement à 20 p. 100 du chiffre cité, ce qui donne quand même 3 000 emplois. Quoi qu’il en soit, il ne fait aucun doute que les retombées économiques de ce grand projet d’infrastructure dans le secteur de l’énergie sont énormes, et représentent notamment des milliards de dollars de recettes supplémentaires pour les gouvernements et des milliers d’emplois bien rémunérés, permettant de faire vivre les familles. Si, par contre, Trans Mountain ne va pas de l’avant, ces emplois seront à risque et la réputation du Canada sera compromise.

C’est ce qui m’amène à un autre point que j’aimerais aborder : la perte de compétitivité du Canada et son manque d’attrait pour les investisseurs étrangers. Depuis quelques mois, plusieurs multinationales ont, pour ainsi dire, tourné le dos aux ressources naturelles du Canada. Shell et Chevron se sont départies de leurs portefeuilles d’investissement dans les sables bitumineux du pays. PETRONAS a renoncé à construire une usine de gaz naturel liquéfié d’une valeur de 36 milliards de dollars sur la côte Ouest. Même si je ne nie pas l’influence des forces du marché dont parlait le sénateur Mitchell, je rappelle que la demande touchant les combustibles fossiles ne cesse d’augmenter partout sur la planète. Pourquoi, dans ce cas, ces entreprises vont-elles voir ailleurs?

La réponse est certainement multiple, mais en son cœur se trouve le fait que le Canada n’est plus considéré comme un endroit sûr où investir. L’incertitude et l’instabilité y sont trop marquées, et il faut trop de temps avant que les grands projets soient approuvés. Qu’on me comprenne bien : je suis tout à fait en faveur des analyses approfondies, des évaluations environnementales et des consultations étendues lorsqu’un nouveau projet voit le jour. Je ne voudrais surtout pas qu’on croie le contraire.

Cela dit, ailleurs dans le monde, le secteur énergétique continue d’attirer les investissements. Le Canada n’est plus dans le coup, et il est probablement perçu comme un endroit incertain et imprévisible où investir, surtout dans le contexte actuel au sud de la frontière.

Le gouvernement Trudeau a beau affirmer que son nouveau projet de loi environnemental omnibus, le projet de loi C-69, va tout régler, je ne suis pas convaincu, et l’industrie non plus. Nous aurons l’occasion de discuter plus longuement du projet de loi.

Je tiens simplement à dire ceci : à mes yeux, les riches ressources naturelles du pays sont prises en otage. Plusieurs gouvernements, comme les néo-démocrates de la Colombie-Britannique, qui sont à la tête d’un gouvernement minoritaire qui tient uniquement grâce au soutien des trois députés du Parti vert, et les environnementalistes multiplient les tactiques d’obstruction pour retarder la construction de projets énergétiques qui pourraient s’avérer bénéfiques pour l’unité nationale.

Je comprends pourquoi certaines personnes s’opposent à ce projet. Je sais qu’il y a des risques, tout de même peu élevés, à extraire, à transformer et à transporter du bitume. Comme je l’ai déjà dit, la sécurité des pétroliers et des pipelines est prioritaire pour tout le monde. Les honorables sénateurs qui voudraient en savoir plus sont invités à venir rencontrer les dirigeants de l’industrie le 24 avril dans le cadre de la séance d’information qui aura lieu sur le sujet ici même sur la Colline, dans la salle des peuples autochtones.

Je fais de la politique depuis assez longtemps pour savoir qu’il est pratiquement impossible d’obtenir un consensus. Il faut habituellement recourir aux compromis, mais bien des gens refusent carrément de mettre de l’eau dans leur vin.

Voici un bel exemple. Le moins dernier, après l’adoption de ma motion sur Trans Mountain au Sénat, j’ai reçu un beau courriel que j’aimerais vous lire :

Allez en enfer…! J’espère que vous coulerez au fond d’un bassin de bitume ou que vous mourrez d’un épanchement pleural, conséquence d’un cancer pulmonaire causé par les émissions de carbone. Vous ne défendez pas les intérêts des Canadiens ni ceux de la Terre, mais les seuls intérêts pétroliers des rapaces du Texas ou de l’Alberta. Je suppose que vous vous faites un devoir de nuire le plus possible à Mère Nature avant de mourir. J’espère que vous n’avez pas d’enfants ni de petits-enfants, car ceux-ci devront vivre dans le monde pollué que vous défendez. Vous devriez avoir honte!

(1630)

J’ai voulu vous faire part de cet aimable courriel pour vous montrer que, de nos jours, chaque fois que quelqu’un dit du bien d’un projet lié à l’énergie et susceptible de produire des émissions de gaz à effet de serre, il est aussitôt taxé d’ennemi de l’environnement. Je pense que c’est vraiment dommage. Je dirai, par exemple, que le premier ministre est un adepte de l’environnement et pourtant, il appuie Trans Mountain. Je n’y vois pas de contradiction : il est possible de se soucier de l’environnement et de vouloir réduire l’empreinte carbone tout en appuyant l’industrie du pétrole.

J’appuie Trans Mountain, car je vois dans quel cadre il s’inscrit. Je suppose que le premier ministre le voit aussi. J’appuie également les parcs éoliens et les panneaux solaires, et je pense qu’il est avantageux pour l’environnement de développer l’industrie du gaz naturel liquéfié en Colombie-Britannique afin de contribuer à réduire les émissions mondiales. Or, je le redis, en dépit du fait que le gaz naturel liquéfié pourrait remplacer le charbon en Asie et réduire les émissions liées à la production d’électricité d’environ 40 p. 100 dans certains marchés, on dit que je suis contre l’environnement ou que je veux le détruire.

Le premier ministre Trudeau a rejeté l’oléoduc Northern Gateway, mais a approuvé le projet Trans Mountain, ce qui fait bondir les environnementalistes. Pour la plupart des environnementalistes, aucun compromis n’est possible.

Toutefois, les environnementalistes et les gouvernements, dont celui de la Colombie-Britannique et la Ville de Burnaby, semblent déterminés à tout faire pour bloquer le projet. Heureusement, on voit que la décision prise par le gouvernement fédéral d’approuver le projet tient bon devant les tribunaux. Comme l’a fait remarquer le mois dernier la journaliste Claudia Cattaneo dans le National Post :

Depuis 2014, le tribunal a statué 14 fois sur 14 en faveur de Trans Mountain dans des affaires contestant le processus d’examen réglementaire ou les décisions liées au projet, selon Kinder Morgan Canada […] Pour autant, toutes ces déconvenues juridiques n’ont pas découragé les poursuites. La nouvelle stratégie adoptée consiste à essayer n‘importe quoi dans l’espoir que quelque chose finisse enfin par aboutir.

Mme Cattaneo parle ensuite de la plus récente décision prise le 26 mars dernier par l’Office national de l’énergie.

Le dernier ratage du genre s’est produit lorsque la province de la Colombie-Britannique a appuyé la municipalité de Burnaby dans son refus de délivrer des permis afin de bloquer les travaux de construction au terminal maritime où se termine l’oléoduc. Lorsque le promoteur du projet Trans Mountain a demandé à l’Office national de l’énergie d’intervenir, Burnaby l’a accusé d’incompétence. Burnaby a perdu. L’Office national de l’énergie a conclu que le promoteur pouvait faire abstraction de la question des permis délivrés par Burnaby et qu’il n’avait qu’à commencer les travaux, puisque les lois fédérales l’emportent sur les règlements municipaux.

D’une certaine manière, le projet de loi S-245 est de nature symbolique, mais il confirmerait que la question est de compétence fédérale.

Avant de terminer, je me dis que ce serait amusant de remonter jusque dans le bon vieux temps, à l’époque où Stephen Harper était premier ministre, où le sénateur Carignan était leader du gouvernement au Sénat et où le sénateur Mitchell était un sénateur énergique de l’opposition libérale. Je pense qu'il est encore un sénateur libéral énergique.

Je garde un très bon souvenir des jours où le sénateur Mitchell mettait le sénateur Carignan sur la sellette au sujet du projet Keystone XL. Pour notre plus grand plaisir, permettez-moi, honorables sénateurs, de vous citer certains de ces échanges.

En février 2015, le sénateur Mitchell disait ceci, alors qu’il posait une question au leader du gouvernement sur le projet Keystone :

Il n’est pas non plus surprenant que le premier ministre semble toujours blâmer quelqu’un d’autre chaque fois qu’un problème survient, ce qui se produit souvent sous ce gouvernement.

Comment se fait-il que […] le premier ministre — qui prétend que le Canada est une superpuissance énergétique — n’ait pas été en mesure de faire approuver, en 10 ans, un seul grand projet d’oléoduc? Pourtant, cela aurait permis de diversifier les marchés énergétiques, qui en ont bien besoin […] Comment peut-on croire qu’il a la moindre compétence dans ce dossier?

Vous avez bien entendu. La personne qui prétendait que le premier ministre Harper était incapable d’autoriser un seul projet majeur de pipeline lui reprochait son incapacité à diversifier nos marchés. Manifestement, le sénateur Mitchell oubliait que le gouvernement précédent avait autorisé le projet Northern Gateway.

Eh bien, monsieur le sénateur Mitchell, malgré ce que vous pouvez en dire, vous faites aujourd’hui partie de la branche sénatoriale du gouvernement, n’est-ce pas? Allez-vous vous mettre à poser les mêmes questions à votre leader?

Le premier ministre Trudeau a annulé le projet Northern Gateway, qui nous aurait permis de diversifier nos marchés. Il a proposé une mesure législative imposant un moratoire sur la circulation des pétroliers le long de la côte Ouest, malgré une vive opposition de la part des Premières Nations. Il est resté sans rien faire et a laissé le projet Énergie Est mordre la poussière.

Les sénateurs qui se trouvaient dans cette enceinte en février 2015 se souviendront peut-être de certains propos du sénateur Mitchell. Il y en a tellement que je ne pouvais faire autrement que choisir quelques commentaires.

Pourtant, je dis bien que le premier ministre [Harper] aurait dû s’employer à surmonter les obstacles existants [en ce qui concerne l’oléoduc]. Si nous lui versons sa généreuse rémunération, c’est que nous nous attendons à ce qu’il fasse le nécessaire pour que l’oléoduc dont nous avons besoin soit construit.

En outre, le sénateur Mitchell a fait valoir qu’il appartenait au premier ministre du Canada de tisser une relation et de donner l’impulsion nécessaire dans le débat avec les États-Unis, de manière à pouvoir convaincre le peuple et le président de ce pays de permettre la réalisation du projet Keystone XL. Le sénateur Mitchell a dit ce qui suit :

Ce n’est pas la faute de M. Obama. C’est ce qu’on appelle l’art de diriger. La faute incombe à M. Harper, qui doit assumer la responsabilité de ne pas avoir su prendre les mesures qui s’imposaient.

Pendant ce débat, le sénateur Mitchell a posé des questions sur l’oléoduc Énergie Est au leader du gouvernement. Il a dit ceci :

À votre avis, serait-ce une bonne idée si le premier ministre rencontrait tous les premiers ministres en même temps pour décider quoi faire au sujet de cet oléoduc?

Il a ensuite posé la question suivante au sénateur Carignan :

Il pourrait les réunir, donner une impulsion et créer du leadership — ou a-t-il oublié la véritable nature du leadership, ou l’a-t-il jamais su?

Le sénateur Mitchell devrait poser les mêmes questions à son chef. Jusqu’à il y a environ deux jours, le premier ministre n’avait fait preuve d’aucun leadership dans cette affaire depuis janvier. Même au cours de son plus récent voyage en Colombie-Britannique et en Alberta, qui n’a que trop tardé, il n’a pas réussi à obtenir de résultats concrets. Il lui a fallu des mois avant de décider de se rendre en Colombie-Britannique et en Alberta, et il semble qu’il vient tout juste de comprendre que ce pourrait être utile de rencontrer les premiers ministres en personne. Il devrait avoir honte d’avoir laissé la situation traîner si longtemps. Bien sûr, cela ne me surprend pas. Je vous demande donc ceci : pourquoi lui versons-nous sa généreuse rémunération?

Sénateur Mitchell, vous devriez peut-être interroger votre chef, le premier ministre Trudeau, avec autant de vigueur et d’intensité que vous le faisiez en 2015, lorsque vous étiez dans l’opposition et que vous vous adressiez au leader du gouvernement. Posez-lui les questions difficiles. Le premier ministre a l’occasion de faire preuve d’un véritable leadership, que le premier ministre Harper n’a jamais eu, d’après vous. Jusqu’à tout récemment, il y a deux jours, le premier ministre n’a montré aucun leadership dans ce dossier, si ce n’est pour dire aux Canadiens que le pipeline serait construit.

Kinder Morgan ne peut plus tolérer de retards, de distractions ou de troubles dans cette affaire. Le Sénat a déjà manifesté un appui unanime au projet, en adoptant ma motion demandant au premier ministre d’utiliser le pouvoir que lui confère sa charge et celui du gouvernement du Canada afin d’assurer l’achèvement du projet d’expansion de l’oléoduc de Trans Mountain conformément à l’échéancier prévu.

Le premier ministre a laissé savoir dimanche qu’il envisageait de présenter une mesure législative pour réaffirmer la compétence fédérale sur le pipeline. C’est exactement ce que fait le projet de loi S-245. Nous avons l’occasion ici, au Sénat, de poursuivre sur cette lancée et de faire pression sur le gouvernement. Rendons-lui service et renvoyons ce projet de loi à l’autre endroit au plus vite afin que nous puissions mettre un terme à cette impasse politique. Je vous recommande vivement d’appuyer le projet de loi et de l’envoyer immédiatement au comité.

L’honorable André Pratte : Honorables sénateurs, le projet de pipeline Trans Mountain est à l’avantage du Canada. Je crois que la plupart des sénateurs sont du même avis. Par conséquent, ce n’est pas la question à laquelle nous devons répondre. Nous devons plutôt déterminer si le Parlement devrait l’affirmer dans une mesure législative en usant des pouvoirs déclaratoires du Parlement, tel que prévu à l’alinéa 92(10)c) de l’Acte de l’Amérique du Nord britannique. Nous devrions adopter le projet de loi S-245 seulement si nous pensons qu’il améliorera les possibilités que le pipeline soit construit et qu’il aidera les gouvernements et les principaux intéressés à trouver une solution durable à cette crise.

(1640)

Je souhaite la construction du pipeline Trans Mountain. Par conséquent, je voterai contre le projet de loi S-245, car je suis convaincu qu’il ne permettra pas de dénouer l’impasse. Au contraire, je pense qu’il exacerbera les tensions entre les opposants au projet et ceux qui y sont favorables.

Alors que le monde fait la transition vers des sources d’énergie à faible intensité de carbone, il en va de l’intérêt économique du pays que nous exportions notre pétrole vers de nouveaux marchés. Aucun pays qui a la chance d’avoir des réserves d’hydrocarbures aussi énormes que les nôtres ne laisserait celles-ci inexploitées. Nous devons exploiter ces ressources tout en atteignant les cibles de réduction de gaz à effet de serre, en protégeant l’environnement et en respectant nos obligations envers les Autochtones. C’est dans ce contexte que le pipeline Trans Mountain doit être construit.

Comme il faut respecter l’échéance du 31 mai fixée par le promoteur, Kinder Morgan, le sénateur Black, le leader de l’opposition le sénateur Smith, et le sénateur Neufeld insistent pour que nous adoptions le projet de loi S-245 dès que possible. Réfléchissons-y. Quelles sont les conséquences de l’utilisation de son pouvoir déclaratoire par le gouvernement fédéral?

[Français]

Comme l’a écrit le juge La Forest dans la cause Ontario Hydro en 1993, soit le jugement le plus récent de la Cour suprême sur la question, et je cite :

Un ouvrage qui fait l’objet d’une déclaration relève donc de la compétence législative exclusive du Parlement, et la compétence provinciale sur cet ouvrage se trouve alors écartée [...]

On est donc porté à croire que, une fois qu’une telle déclaration est faite, la question est réglée une fois pour toutes. La province, ici la Colombie-Britannique, et les municipalités, telles Burnaby et Vancouver, deviennent impuissantes. Or, les choses ne sont pas aussi simples, ni légalement ni politiquement.

Abordons d’abord le volet juridique. Comme le juge La Forest le souligne, et je cite ses propos :

Les lois d’application générale dans la province (comme en matière d’impôt)...

— on pourrait aussi penser en matière d’environnement —

... seront évidemment applicables à l’ouvrage, mais elles ne peuvent toucher une partie intégrante de la compétence du Parlement sur l’ouvrage.

Le juge Iacobucci, soutenu sur ce point par une majorité de la cour, souligne ce qui suit :

[...] le principe fédéral devrait être néanmoins respecté. La compétence du Parlement sur un ouvrage déclaré à l’avantage général du Canada doit être restreinte de façon à respecter les pouvoirs des législatures provinciales, mais compatible avec la reconnaissance appropriée des intérêts fédéraux en cause.

[Traduction]

Laissez-moi répéter ce que le juge Iacobucci a écrit, appuyé par une majorité des juges de la Cour suprême, au sujet de ce point précis :

[…] j’estime que le principe fédéral devrait être néanmoins respecté. La compétence du Parlement sur un ouvrage déclaré à l’avantage général du Canada doit être restreinte de façon à respecter les pouvoirs des législatures provinciales, mais compatible avec la reconnaissance appropriée des intérêts fédéraux en cause.

Sur ce point, les avis des juges étaient partagés : quatre voix contre trois, et c'était il y a 25 ans. Qui sait de quelle façon la cour trancherait cette même question aujourd’hui?

Par conséquent, je trouve extraordinairement optimistes ceux qui estiment que, en invoquant son pouvoir déclaratoire, le gouvernement fédéral mettra fin à ce différend juridique. La Colombie-Britannique continuera de tout faire pour faire valoir ses pouvoirs législatifs et réglementaires, et le dossier se retrouvera devant les tribunaux, et fort probablement devant la Cour suprême.

En fait, rien n’aura changé. Selon l’alinéa 92.10a) de la Loi constitutionnelle de 1867, les pipelines interprovinciaux sont déjà du ressort du gouvernement fédéral. Le sénateur Black estime que ce projet de loi devrait faire en sorte que les travaux accessoires le deviennent aussi. Voici ce qu’il a dit :

[…] si nous adoptons ce projet de loi, les routes locales, les ponts, les connexions au réseau électrique, les entrepôts et tout ce qui est relié à la construction, l’exploitation ou la maintenance de l’oléoduc [sera] désormais de compétence fédérale.

Or, la jurisprudence de la Cour suprême a déjà permis d’établir que, pour l’application de l’alinéa 92.10a) de la Loi constitutionnelle de 1867, tout ce qui, dans un projet, est « intégr[é] sur le plan fonctionnel et assujett[i] à une gestion, à une direction et à un contrôle communs » est de compétence fédérale.

Contrairement à ce que d’aucuns veulent croire, le pouvoir déclaratoire n’est pas incontestable. Au contraire, il ouvre grand la porte aux contestations. Je crains donc que, en adoptant le projet de loi S-245, nous n’offrions tout un éventail de nouveaux stratagèmes et tactiques dilatoires au gouvernement de la Colombie-Britannique.

Le texte du projet de loi S-245 prévoit par exemple que « le projet de pipeline Trans Mountain et les ouvrages connexes sont déclarés d’intérêt général pour le Canada ». Parmi les nombreuses déclarations produites jusqu’ici, nous n’en avons trouvé qu’une seule qui associe les mots « ouvrages connexes » à son objet. L’exemple que nous avons trouvé date de 2014, alors il est récent. Il semble s’agir d’une nouvelle expression à la mode, mais, à notre connaissance, elle n’a pas encore réussi l’épreuve des tribunaux. Les assemblées législatives provinciales auraient toutes les raisons de s’inquiéter si l’expression « ouvrages connexes » devait s’imposer. Quelle en est la portée? Dans quelle mesure les provinces doivent-elles céder devant le concept mal défini d’« ouvrages connexes »? Ces questions sont loin d’être négligeables, et les gouvernements qui auraient pour but de retarder ce projet auraient beau jeu de les creuser en long et en large devant les tribunaux.

Il m’apparaît donc simpliste, honorables sénateurs, d’imaginer qu’une déclaration donnerait automatiquement au gouvernement fédéral, comme par magie, compétence absolue sur le projet Trans Mountain et les ouvrages connexes. Le pouvoir déclaratoire peut faire l’objet d’une contestation. La dernière contestation judiciaire concernant le pouvoir déclaratoire s’est rendue jusqu’en Cour suprême, où il a fallu 31 mois pour régler la question. Ce n’est donc pas une solution miracle à l’impasse juridique.

Le recours au pouvoir déclaratoire ne permettra pas non plus de résoudre l’impasse politique. Il risque même d’envenimer la situation, selon moi, puisqu’une querelle qui, jusque-là, portait essentiellement sur l’environnement deviendra aussi une querelle sur les droits des provinces. Peut-on vraiment imaginer que le gouvernement de la Colombie-Britannique sera alors plus disposé à trouver une solution? Si le gouvernement fédéral se sert de son pouvoir déclaratoire, la Colombie-Britannique résistera. Elle résistera en affirmant sa compétence. Elle résistera devant les tribunaux. Elle résistera dans les rues et sur les chantiers de construction. Si le gouvernement fédéral se sert de son pouvoir déclaratoire, des dizaines de communautés autochtones opposées à ce projet continueront de le combattre. Selon des leaders des Premières Nations, on pourrait assister à une nouvelle crise d’Oka.

Lorsqu’il a exprimé son appui au projet de loi S-245, le sénateur Smith a affirmé que les gestes sont plus éloquents que les paroles. C’est tout à fait exact, bien sûr, mais il ne faudrait pas croire pour autant qu’on doit toujours agir. Pour régler la situation actuelle, il faut encore plus de ce qui fait fonctionner le Canada. Il faut donc plus de fédéralisme, et non moins. Parmi les mesures dont dispose un gouvernement central, le pouvoir déclaratoire est la moins fédéraliste de toutes. Certains la voient même comme la bombe nucléaire de l’arsenal du gouvernement fédéral.

[Français]

La constitutionnaliste Andrée Lajoie, qui est la spécialiste de la question, écrit que « le caractère véritablement fédéral de la Constitution canadienne est très sérieusement mis en question par le pouvoir déclaratoire ».

[Traduction]

D’après Peter Hogg, professeur de droit constitutionnel réputé, « le pouvoir que l’al. 92(10)c) confère au Parlement fédéral va à l’encontre des principes classiques du fédéralisme ».

Honorables sénateurs, la mission du Sénat est d’effectuer un second examen objectif, et non de préconiser des solutions extrêmes, car son rôle est de représenter les régions et les groupes sous-représentés, comme les Autochtones. Presser le gouvernement fédéral d’exercer son pouvoir déclaratoire sans avoir exploré toutes les autres avenues possibles est le contraire exact du second examen objectif — c’est une remise en question inconsidérée.

L’heure n’est pas à la bravade, mais à la diplomatie fédérale-provinciale. C’est au gouvernement qu’il revient d’agir, et non au Sénat.

J’espère que la rencontre de dimanche dernier entre le premier ministre et ses homologues provinciaux ne sera pas la dernière et que beaucoup d’autres suivront. Tant que ces discussions ont une probabilité d’aboutir à des résultats, il nous faut éviter de faire quoi que ce soit qui mettrait en péril leur réussite.

Avant son départ pour Lima, au Pérou, le premier ministre a déclaré qu’il incombe au gouvernement fédéral de réunir les Canadiens. Je présume que, par « Canadiens », il entendait aussi les Britanno-Colombiens.

Comme vous le savez, le premier ministre a annoncé dimanche dernier que le gouvernement fédéral « examine activement des options législatives qui permettront d’affirmer et de renforcer la juridiction du gouvernement fédéral dans ce dossier, et nous savons clairement que nous l’avons ». Je crois comprendre que le pouvoir déclaratoire ne sera pas invoqué. De toute façon, il serait prématuré d’adopter le projet de loi S-245 avant même d’en savoir plus sur ce que le gouvernement a en tête.

(1650)

J’ai affirmé que la situation actuelle nécessite un fédéralisme plus présent, et non plus discret. C’est vrai pour le gouvernement fédéral, mais aussi, bien sûr, pour le gouvernement de la Colombie-Britannique. Le fédéralisme s’appuie sur des régions fortes, mais il repose d’abord et avant tout sur une union solide dont tous les Canadiens peuvent tirer parti. Le compromis permet la coexistence de régions fortes et d’une union solide. Il n’est pas raisonnable de prétendre que la seule façon de se protéger adéquatement des déversements de pétrole est d’empêcher la construction du projet Trans Mountain.

[Français]

Le fait de ne pas adopter le projet de loi S-245 signifie-t-il que le Sénat est condamné à l’impuissance? Non, le Sénat peut jouer un rôle utile. Ce rôle, tel que l’a décrit la Cour suprême dans son avis de 2014, c’est de représenter les régions et d’offrir une tribune aux groupes sous-représentés au sein des institutions centrales du régime fédéral.

Or, jusqu’ici, dans cette affaire, nous avons failli à nos responsabilités. Ce que nous avons surtout fait, c’est affirmer à répétition que le projet d’oléoduc devait aller de l’avant. Or, c’est sermonner la Colombie-Britannique et ignorer les communautés autochtones.

La motion que nous avons adoptée le 20 mars dernier ne dit pas un mot des inquiétudes de la Colombie-Britannique et des peuples autochtones. Leurs inquiétudes sont tout de même légitimes. Est-ce que, en adoptant cette motion sans débat ce soir-là, le Sénat a bien joué son rôle? J’étais dans cette Chambre ce soir-là. Je n’ai rien dit. J’ai donc failli à mon devoir.

Un mois plus tard, alors que la crise s’est aggravée, qu’avons-nous fait pour nous rendre utiles? Il me semble que, à tout le moins, avant d’arriver à la conclusion que le gouvernement du Canada devrait recourir au plus vite à son pouvoir déclaratoire, il nous aurait fallu aller à la rencontre des représentants et des citoyens des provinces, des municipalités et des communautés autochtones concernées.

[Traduction]

Si le Parlement adoptait le projet de loi S-245, le gouvernement du Canada ne gagnerait pas de pouvoirs additionnels. La résolution du litige prendrait tout de même des années. La Colombie-Britannique continuerait d’essayer de faire respecter sa compétence. Plus que jamais, des milliers de Britanno-Colombiens et d’Autochtones s’opposeraient au projet dans les rues et sur les chantiers. L’incertitude que redoute le promoteur persisterait. En résumé, les chances que le pipeline soit construit ne seraient aucunement meilleures.

Le projet de loi S-245 n’est pas une solution, c’est une illusion. Il ne ferait rien pour résoudre les questions juridiques en suspens et il accentuerait la crise politique.

Le Sénat a le devoir d’aller à la rencontre des Albertains, des Britanno-Colombiens et des Autochtones de ces régions pour écouter ce qu’ils ont à dire. Nous avons également le devoir, forts des commentaires des habitants de ces provinces et du reste du pays, de procéder à un second examen objectif du problème et de proposer des solutions raisonnables et modérées qui sont acceptables pour les Canadiens et qui respectent la nature fédérale de notre grand pays. De telles solutions existent-elles? Il le faut.

Même si certains ont assurément tenté d’employer des tactiques aussi regrettables, au Canada, nous n’avons jamais réglé nos problèmes en employant la manière forte ou en usant de chantage envers les autres parties. Le Canada est né et a su évoluer et surmonter les difficultés grâce à des efforts de négociation et de persuasion. C’est la voie que devrait emprunter le Sénat du Canada en tant que porte-parole des régions et des groupes sous-représentés. Cette voie sera peut-être longue et tortueuse, mais elle est la seule qui puisse mener à des solutions durables dans un pays aussi vaste et diversifié que le nôtre.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Sénateur Woo, avez-vous une question?

Sénateur Pratte, votre temps de parole est écoulé. Désirez-vous plus de temps?

Le sénateur Pratte : Oui, s’il vous plaît, seulement pour répondre à des questions.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Êtes-vous d’accord, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

L’honorable Yuen Pau Woo : Merci de votre discours éclairé, sénateur Pratte. Vous avez très bien démontré que non seulement le projet de loi S-245 ne pourra pas dénouer l’impasse politique, mais il pourrait avoir l’effet inverse en creusant le fossé qui sépare les deux camps et en faisant traîner en longueur toute procédure de contestation devant les tribunaux qui découlerait assurément de l’application de pouvoirs déclaratoires, comme le propose ce projet de loi.

Cependant, vous n’avez pas parlé aussi longuement de l’impasse commerciale que certains défenseurs du projet de loi invoquent maintenant comme principal motif derrière ce projet de loi au lieu de l’impasse politique. Ce changement de position par rapport à celle qui était défendue depuis la présentation du projet de loi survient évidemment après l’ultimatum de la société Kinder Morgan, qui, comme vous le savez, a dit qu’elle pourrait encore suspendre le projet si elle n’obtient pas certaines garanties d’ici le 31 mai.

D’une certaine façon, on dirait que le projet de loi S-245 vise à satisfaire davantage Kinder Morgan que la population canadienne. J’aimerais que vous m’indiquiez si, selon vous, ce projet de loi pourrait contribuer de quelque façon que ce soit à dénouer l’impasse commerciale, ou s’il pourrait effectivement avoir l’effet contraire, et même avoir des conséquences imprévues qui pourraient ternir la réputation commerciale du Canada à l’échelle mondiale.

Le sénateur Pratte : D’après ce que je comprends, le promoteur donne des réponses satisfaisantes à deux questions. Il veut que la voie à suivre soit claire et veut réduire les risques pour ses actionnaires.

Cela dit, je crois qu’il serait très naïf de croire que le projet de loi S-245, ou tout autre projet de loi présenté par le gouvernement pour réaffirmer que le pipeline relève de la compétence du gouvernement fédéral, donnera satisfaction au promoteur en ce qui a trait au fait que la voie juridique est libre. Toutefois, si tel est le cas, tant mieux.

Par ailleurs, il faut examiner ce que le promoteur demande afin de réduire les risques pour ses actionnaires. Je conviens qu’il aurait été préférable de recourir à ce que je propose, c’est-à-dire la diplomatie fédérale-provinciale, plutôt qu’au point où nous en sommes, mais je crois toujours qu’il est temps. Par conséquent, bien que je n’aime pas beaucoup devoir recourir à l’utilisation de deniers publics, j’estime que nous n’avons probablement pas le choix en ce moment pour gagner du temps. Que ce soit avec ou sans le concours d’un projet de loi supplémentaire, je ne crois pas que nous aurons une voie à suivre réellement claire avant le 31 mai sans recourir à l’utilisation de deniers publics.

Le sénateur Neufeld : Le sénateur accepterait-il de réprendre à une autre question?

Le sénateur Pratte : Oui.

Le sénateur Neufeld : À moins que j’aie mal compris, vous avez parlé dans votre discours de consultations supplémentaires auprès des particuliers qui sont pour et contre le projet. Je suis convaincu que vous êtes au courant que cette discussion dure depuis plus de trois ans. En fait, il y a trois ans que la demande a été déposée pour le pipeline, mais elle a été précédée de bien des discussions.

Je sais également, ou plutôt on me dit, que 51 bandes des Premières Nations, dont 41 en Colombie-Britannique et 10 en Alberta, ont signé avec Kinder Morgan une entente sur les retombées.

Combien de temps croyez-vous que le gouvernement devrait continuer de négocier avec les gens qui s’opposent au projet plutôt que de le concrétiser enfin? En fait, les sondages montrent que la plupart des Britanno-Colombiens approuvent le projet. La raison de l’impasse, c’est une promesse politique formulée par M. Horgan en campagne électorale, qui a dit : qu’il s’y opposerait jusqu’au bout, et de l’entente qu’il a conclue avec M. Weaver, qui s’oppose à tout combustible fossile.

Quand vous tenez compte de cette réalité et que vous y réfléchissez vraiment, qui peut endosser ce rôle, et pendant encore combien de temps? Le premier ministre, M. Trudeau, peut-il s’interposer entre ces deux personnes et régler les choses comme par magie? Le gouvernement devrait-il plutôt reprendre les négociations avec tout le monde? Il faut que certains de ces problèmes soient réglés, car les choses doivent bouger et nous devons aller de l’avant.

Je connais bien Kinder Morgan. Je connais très bien Ian Anderson. Il est un homme patient et il a travaillé très fort sur ce projet. Alors, dites-moi, pendant encore combien de temps le gouvernement devra-t-il continuer de parler avec des gens qui s’opposeront au projet, peu importe ce que vous faites?

Son Honneur la Présidente intérimaire : Le temps est écoulé, sénateur Neufeld.

Avez-vous besoin de cinq minutes de plus ou avez-vous fini?

Le sénateur Pratte : J’aimerais répondre, si c’est possible.

Le sénateur Plett : À cette question seulement.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Êtes-vous d’accord, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

(1700)

Le sénateur Pratte : Nous souhaitons tous que le conflit se règle le plus tôt possible. Ce que je veux dire, c’est que je ne pense pas que la mesure législative dont nous sommes saisis résoudra le problème. Je crois qu’il y aura des litiges et des manifestations et que, sauf si on décide de faire appel à l’armée, le projet de loi ne permettra pas de régler le conflit. Nous n’avons donc pas d’autre choix que de tenter de rallier à la cause le plus grand nombre de Britanno-Colombiens.

Je ne sais pas quels sondages vous avez vus, mais ceux que j’ai lus récemment montrent que les habitants de la Colombie-Britannique sont assez divisés sur la question. Le gouvernement de la province a pris un engagement clair lors de la campagne électorale. La population avait un choix à faire : elle devait choisir entre un parti qui était favorable au pipeline ou un parti qui s’y opposait. Elle a élu un parti qui s’y opposait.

Le sénateur Plett : Non. Ce n’est pas ce qu’elle a fait.

Le sénateur Neufeld : C’est faux. Une coalition a été formée après les élections.

Le sénateur Plett : Les Britanno-Colombiens ont élu un gouvernement libéral.

La sénatrice Martin : Il s’agit d’une coalition.

Le sénateur Pratte : Oui, je m’excuse, mais c’est là le processus démocratique. Il a été respecté. Cette coalition forme maintenant le gouvernement. Dans les sondages que j’ai consultés, les gens sont soit légèrement en faveur du projet ou divisés à son sujet. D’après ce que j’ai vu, le projet ne bénéficie pas de l’appui de la majorité.

À ma connaissance, chaque fois qu’un gouvernement fédéral au Canada a tenté d’imposer quelque chose à une région, cela n’a pas fonctionné. Il faut négocier et tenter d’obtenir le plus grand consensus possible. Un parfait consensus est impossible, mais tenter d’imposer une initiative à une province importante comme la Colombie-Britannique ne fonctionne pas. Je ne crois pas que cela donnerait les résultats espérés, du moins c’est que j’ai observé dans d’autres cas.

Le sénateur Plett : Le vote!

Son Honneur la Présidente intérimaire : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

L’honorable Marc Gold : Je propose l’ajournement du débat à mon nom.

Son Honneur la Présidente intérimaire : L’honorable sénateur Gold, avec l’appui de l’honorable sénateur Harder, propose…

Le sénateur Plett : Nous avons déjà demandé que la question soit mise aux voix.

Son Honneur la Présidente intérimaire : … jusqu’à la prochaine séance du Sénat.

Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Le sénateur Plett : Non.

Des voix : D’accord.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion d’ajournement veuillent bien dire oui.

Des voix : Oui.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Que les sénateurs qui sont contre la motion veuillent bien dire non.

Des voix : Non.

Son Honneur la Présidente intérimaire : À mon avis, les non l’emportent.

Et deux honorables sénateurs s’étant levés :

Son Honneur la Présidente intérimaire : Y a-t-il entente au sujet de la sonnerie?

Le sénateur Mitchell : Quinze minutes.

Le sénateur Plett : Trente minutes.

Le sénateur Mitchell : D’accord.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Le vote aura lieu à 17 h 32.

Convoquez les sénateurs.

(1730)

La motion, mise aux voix, est adoptée :

POUR
Les honorables sénateurs

Bellemare Hartling
Bernard Jaffer
Black (Ontario) Lankin
Boniface Marwah
Bovey Massicotte
Boyer McPhedran
Campbell Mégie
Cools Mercer
Cordy Moncion
Cormier Munson
Coyle Omidvar
Day Pate
Duffy Petitclerc
Dupuis Pratte
Gagné Ringuette
Galvez Saint-Germain
Gold Sinclair
Greene Wetston
Harder Woo—38

CONTRE
Les honorables sénateurs

Andreychuk McInnis
Batters McIntyre
Beyak Mockler
Boisvenu Neufeld
Carignan Ngo
Dagenais Plett
Doyle Poirier
Eaton Raine
Frum Richards
Griffin Seidman
Housakos Smith
MacDonald Stewart Olsen
Maltais Tannas
Manning Unger
Marshall Wallin
Martin Wells—32

ABSTENTIONS
Les honorables sénateurs

Black (Alberta) Mitchell—2

(1740)

Projet de loi sur la Journée internationale de la langue maternelle

Deuxième lecture—Ajournement du débat

L’honorable Mobina S. B. Jaffer propose que le projet de loi S-247, Loi instituant la Journée internationale de la langue maternelle, soit lu pour la deuxième fois.

— Honorables sénateurs, je prends aujourd’hui la parole à l’étape de la deuxième lecture du projet de loi S-247, Loi instituant la Journée internationale pour la langue maternelle.

Le projet de loi S-247 ferait du 21 février la « Journée internationale de la langue maternelle ». Pour que tout le monde se comprenne bien, il ne s’agirait ni d’un jour férié ni d’un jour non ouvrable.

Ce projet de loi ne remet pas en question le fait que les deux langues officielles du Canada sont le français et l’anglais. Au contraire, le statut officiel de ces deux langues est garanti par la Charte canadienne des droits et libertés.

Je tiens à remercier le député John Aldag de tout ce qu’il a fait pour le projet de loi S-247. C’est un réel plaisir de travailler avec lui, et c’est grâce à son excellent travail, honorables sénateurs, que cette mesure législative a pu voir le jour.

J’aimerais tout d’abord vous raconter l’histoire d’Heeba. Maintenant dans la fin de la vingtaine, Heeba a quitté le Bangladesh en 1992 pour immigrer au Canada. Elle nous a expliqué comment le multilinguisme est devenu son identité culturelle.

Elle a dit ceci :

C’est extrêmement important pour moi de parler ma langue maternelle, le bengali, avec ma famille. Quand j’étais à l’université, j’ai toujours eu des colocataires allemands et français et je profitais de chacune des occasions qui s’offraient à moi de parler avec eux dans leur langue.

J’ai remarqué que les gens sont très reconnaissants quand je fais l’effort de m’adresser à eux dans leur langue maternelle. Les yeux de mes amis brillent quand je leur parle en bengali, en népalais, en hindi ou en espagnol. Je parle aussi parfaitement le français et l’anglais.

Le goût des langues court dans ma famille : mon père parle italien et mandarin, tandis que ma mère parle couramment l’allemand. Je suis incroyablement fière de parler ma langue maternelle, le bengali. J’ai suivi des cours de bengali à l’université pour être capable de lire des ouvrages plus savants et de la poésie. Le Bangladesh m’a légué un extraordinaire bagage culturel, et j’aimerais tant que mes enfants parlent eux aussi le bengali, en plus de nombreuses autres langues. J’ai beaucoup de mal à m’attacher à une seule langue. Je suis plusieurs langues à la fois, comme de nombreux autres Canadiens.

Honorables sénateurs, le bilinguisme anglais-français rend notre pays unique. Le bilinguisme est au cœur de l’identité canadienne et c’est l’un des legs les plus fantastiques que nous pouvons laisser aux générations futures. Par contre, le multilinguisme est différent du bilinguisme, car il implique d’autres langues que l’anglais et le français. Le multilinguisme est la capacité à parler plusieurs langues.

Pour certains, c’est la capacité de parler l’anglais et le français, en plus de nombreuses autres langues. Pour d’autres, le multilinguisme signifie parler une des deux langues officielles du Canada, ainsi que d’autres langues, notamment leur langue maternelle. Malgré le fait que ni l’anglais ni le français ne soient leur langue maternelle, de nombreux Canadiens parlent différentes langues qui enrichissent notre culture et notre pays. Comme de nombreux Canadiens, y compris certains parmi vous, je peux parler différentes langues. Je parle gujarati, kutchi, swahili, hindi, anglais et français, en plus d’un peu d’espagnol.

Honorables sénateurs, jusqu’à aujourd’hui, le multilinguisme n’était pas reconnu. Changeons les choses. Plus de 200 langues sont parlées au Canada. Ensemble, nous pouvons célébrer notre richesse linguistique. Afin de montrer l’importance des langues, je vais vous donner un extrait d’un énoncé des Nations Unies :

Les langues constituent les instruments les plus puissants pour préserver et développer notre patrimoine matériel et immatériel. Tout ce qui est fait pour promouvoir la diffusion des langues maternelles sert non seulement à encourager la diversité linguistique et l’éducation multilingue mais aussi à sensibiliser davantage aux traditions linguistiques et culturelles du monde entier et à inspirer une solidarité fondée sur la compréhension, la tolérance et le dialogue.

Honorables sénateurs, la diversité linguistique profite au Canada de différentes façons. Le multilinguisme préserve le patrimoine culturel et linguistique, il solidifie notre identité canadienne, puisqu’il en est l’un des fondements, et il nous distingue des autres pays de la planète.

Premièrement, le multilinguisme a profondément façonné notre pays et continue de prendre de l’importance à mesure que les enfants s’emploient à apprendre, en plus du français et de l’anglais, des langues qui leur sont transmises par leurs parents et qui font partie de leur héritage culturel.

[Français]

Il y a plus de 200 langues parlées au Canada. De l’espagnol au pendjabi, en passant par le tagalog, de l’ouest à l’est, le Canada accueille une diversité de langues et de cultures.

Dans ma province de la Colombie-Britannique, le multilinguisme augmente à la vitesse de l’éclair. À Vancouver seulement, plus de la moitié des enfants d’âge scolaire apprennent une autre langue que le français ou l’anglais. De même, de toutes les grandes villes canadiennes, Vancouver est celle qui accueille le plus grand nombre de résidants, soit 25 p. 100 de sa population, dont ni le français ni l’anglais n’est la langue maternelle.

Selon une analyse publiée par le recensement de 2016, il est démontré que les grandes villes canadiennes dressent un portrait différent basé sur les langues parlées. Mis à part l’anglais et le français, l’arabe est la langue la plus parlée à Montréal, le tagalog, à Calgary, et les langues chinoises, telles que le mandarin et le cantonais, surpassent les autres langues à Toronto et à Vancouver. Partout au pays, plus de 1,2 million d’individus ont le mandarin ou le cantonais comme langue maternelle. Il s’agit d’une augmentation de 18 p. 100 depuis les cinq dernières années. Honorables sénateurs, au moment où je m’adresse à vous aujourd’hui, 7,7 millions de Canadiens parlent une autre langue maternelle que l’anglais ou le français au sein de leur foyer.

Il y a également de nombreuses études qui ont été publiées sur les bienfaits de l’apprentissage de plusieurs langues et du multilinguisme. De nos jours, de plus en plus de parents parlent à leurs enfants dans leur langue maternelle.

Un citoyen de Vancouver, Jens Von Bergmann, affirme que les parents sont encouragés à transmettre leur langue maternelle à leurs enfants. M. Von Bergmann parle allemand à son jeune garçon, tandis que sa femme s’adresse à celui-ci dans sa langue maternelle, c’est-à-dire le mandarin. La situation culturelle familiale de M. Von Bergmann est un exemple parmi tant d’autres de familles canadiennes.

[Traduction]

Comme de nombreuses familles encouragent leurs enfants à apprendre plusieurs langues, le multilinguisme n’est plus un concept étranger dans notre pays. Il fait partie de ce que nous sommes.

Par conséquent, le projet de loi S-247, Loi instituant la Journée internationale de la langue maternelle, souligne la contribution des langues au façonnement d’une société diversifiée et multiculturelle au Canada. Le multiculturalisme et le multilinguisme élargissent grandement nos horizons, en particulier dans le cas des jeunes Canadiens.

Honorables sénateurs, je voudrais vous raconter l’histoire de Joshua. C’est une histoire qui a une résonance particulière pour moi, parce que mes enfants et mes petits-enfants sont polyglottes comme lui. Joshua est un jeune étudiant d’origine philippine qui habite à Vancouver et dont la langue maternelle est le tagalog. Je lui ai demandé ce que signifiait le multilinguisme pour lui. J’ai trouvé sa réponse remarquable. La voici :

Pour moi, le multilinguisme veut dire beaucoup de choses, mais les trois plus importantes sont les suivantes. Premièrement, c’est la perspective d’un avenir meilleur parce qu’il donne accès à davantage de choix de carrières et à de meilleurs salaires. Deuxièmement, c’est un moyen de cultiver des amitiés et des liens plus profonds avec des personnes d’une autre culture en étudiant leur langue, leur culture et leur histoire. Enfin, c’est la chance de voir les événements sociaux et politiques avec le regard des gens qui vivent dans un autre pays, en communiquant avec eux dans leur langue maternelle.

Joshua a seulement 21 ans. Il se passionne pour la politique internationale, qu’il veut étudier, et il parle plus de huit langues. À l’école, il a aussi appris deux langues autochtones, soit l’inuktun et l’inuktitut. Joshua me dit qu’il voudrait que les enfants qu’il aura un jour apprennent le tagalog pour être capables de parler la langue de leurs ancêtres et de comprendre leur identité. Il voudrait que ses enfants aient l’esprit ouvert et empreint de compassion, qu’ils s’intéressent aux autres cultures et aux autres philosophies. Joshua croit que la compassion peut naître dans le cœur des gens lorsque, grâce à leur connaissance des langues, ils communiquent avec des habitants d’autres pays et tissent avec eux des liens de confiance.

Honorables sénateurs, quand j’étais l’envoyée spéciale du Canada au Soudan, j’étais toujours surprise, lorsque je me rendais dans des camps de réfugiés soudanais, d’y voir de jeunes travailleurs canadiens qui maîtrisaient parfaitement l’arabe. Ils ont gagné la confiance des réfugiés et ont joué un rôle crucial en tant que coordonnateurs de camp.

Honorables sénateurs, de belles occasions existent pour nos jeunes s’ils parlent plusieurs langues. Aujourd’hui, de nombreux jeunes Canadiens croient fermement en l’importance de se comprendre les uns les autres. J’ai encouragé mes propres enfants à apprendre autant de langues que possible à l’école et à parler notre langue maternelle avec moi à la maison. Mes enfants veulent eux aussi que leurs enfants comprennent et apprennent leur langue maternelle. Cela fait partie de leur identité.

(1750)

Honorables sénateurs, la Journée internationale de la langue maternelle n’est pas seulement l’occasion de mettre en lumière les langues du patrimoine multiculturel canadien, elle est aussi l’occasion de souligner l’importance de préserver le patrimoine culturel et linguistique.

Il ne faut pas oublier de reconnaître les langues autochtones. Elles font également partie de l’identité canadienne. Le Canada est fier de sa diversité linguistique, y compris la diversité linguistique au sein des Premières Nations. On parle au Canada plus de 60 langues autochtones. De nombreuses autres langues autochtones sont disparues. Chaque fois qu’une langue disparaît, une partie de notre identité disparaît avec elle. Malheureusement, sur les 60 langues autochtones relevées, seules 4 seulement sont considérées comme étant à l’abri de la disparition.

C’est en Colombie-Britannique que sont parlées plus de la moitié des langues autochtones au Canada. Cependant, seul un Autochtone sur 20 dans cette province parle couramment sa langue, et la plupart de ces Autochtones sont des aînés. Bon nombre des langues autochtones remontent à des milliers d’années, mais elles pourraient être sur le point de disparaître. Nous n’avons pris aucune mesure jusqu’à présent pour remédier à cette situation. C’est inacceptable.

Honorables sénateurs, notre langue fait de nous qui nous sommes en tant que Canadiens. Elle protège notre identité et en fait partie. En fait, les récits de Heeba et de Joshua m’ont touchée et m’ont fait penser à ma propre histoire. Je suis une Africaine et Indienne qui est venue au Canada avec mes connaissances linguistiques particulières. Je suis venue au Canada et j’ai tenu à apprendre les deux langues officielles du pays, mais je n’ai pas pour autant oublié mes propres racines et mon propre patrimoine culturel. Mon attachement à ma langue et à ma culture me remplit de fierté et de joie. C’est ce qui fait de moi la personne que je suis.

Le multiculturalisme et le multilinguisme vont de pair. Tous deux contribuent à la richesse culturelle du Canada.

L’automne dernier, la population de Toronto était officiellement constituée à 50 p. 100 de minorités visibles. Une vraie nation multiculturelle se doit de reconnaître son multilinguisme. Enfin, le multilinguisme n’a pas seulement un rôle dans l’identité culturelle des gens, il joue aussi un rôle important dans le commerce international. Les possibilités de multilinguisme vont croissant au Canada à mesure que le pays tente de mettre en place de nouvelles routes commerciales, ce qui constitue un grand avantage de notre commerce international. L’importance de la diversité linguistique confère au Canada un net avantage sur la scène internationale.

Un grand nombre des résidents du Canada sont en mesure d’employer leur langue d’origine pour aider le Canada à nouer des liens avec d’autres pays et, ainsi, accroître sa capacité commerciale.

La maîtrise de la diversité linguistique nous permet d’élargir nos horizons culturels et de comprendre les manières d’être qui nous aideront à nouer des amitiés et à établir des liens de confiance avec nos pairs ailleurs dans le monde.

Dans un univers mondialisé où règne une vive concurrence, nous devons voir à ce que les citoyens aient tous les outils dont ils auront besoin pour réussir. Les Canadiens ne peuvent plus se contenter de parler une ou deux langues pour aller chercher de nouveaux marchés.

Le Canada doit favoriser la préservation des langues d’origine. Le multiculturalisme étant inscrit dans notre Constitution, il est important que nous reconnaissions les avantages de la diversité de notre pays et présentions le multilinguisme comme un outil qui nous donnera accès au monde entier.

Notre ouverture envers les autres repose sur notre compréhension du bagage culturel que chaque Canadien apporte avec lui au Canada. Le multilinguisme ne peut que favoriser la paix, la collaboration et le respect mutuel, tant à l’échelle nationale qu’internationale.

L’établissement de la Journée internationale de la langue maternelle nous placerait sur un pied d’égalité avec nos partenaires internationaux, puisque cette journée est déjà soulignée un peu partout dans le monde même si ce n’est pas officiellement le cas au Canada. Cette journée a été instituée officiellement par un vote unanime lors de la 30e Conférence générale de l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture, qui s’est tenue en novembre 1999. Depuis, cette journée est célébrée le 21 février de chaque année.

Certaines provinces canadiennes, dont l’Ontario et la Colombie-Britannique, célèbrent déjà la Journée internationale de la langue maternelle en organisant des activités sur leur territoire. Par exemple, l’an dernier, le Musée canadien des langues, à Toronto, a souligné la Journée internationale de la langue maternelle en tenant une journée d’activités familiales, telles que du bricolage et une chasse au trésor sous le thème de la langue. Il y a aussi eu une séance de lecture en groupe en français et en anglais du livre intitulé Le meilleur monde imaginable, le premier recueil de contes multilingue pour enfants. Toujours dans le cadre des festivités visant à souligner le multilinguisme, un festival de la langue maternelle organisé par la Mother Language Lovers of the World Society a eu lieu l’été dernier au parc Bear Creek de Surrey, en Colombie-Britannique. J’ai été fière d’assister à un festival en plein air, où des enfants et des adultes de ma province, la Colombie-Britannique, se sont rassemblés pour partager leur héritage et pour enrichir le multiculturalisme et la diversité linguistique.

Même si des initiatives de ce genre suscitent un sentiment de fierté et un solide engagement culturel, chaque Canadien définit à sa façon le multilinguisme et manifeste un attachement personnel à celui-ci. Je suis ébahie de voir des jeunes apprendre de nouvelles langues, en plus de pouvoir parfois déjà s’exprimer en anglais, en français et en espagnol.

Avant de terminer, j’aimerais vous parler d’un jeu auquel ont participé des garçons et des filles pour briser la glace. Les enfants étaient invités à nommer un superpouvoir qu’ils aimeraient pouvoir posséder. Mika, un garçon de 6 ans en immersion française, a dit qu’il souhaiterait posséder le superpouvoir de parler toutes les langues du monde afin de se faire beaucoup d’amis avec lesquels il pourrait jouer à cache-cache. Voir un jeune garçon souhaiter apprendre des langues pour pouvoir rigoler et jouer avec de nouveaux amis m’a réchauffé le cœur.

Honorables sénateurs, il devient de plus en plus nécessaire de souscrire pleinement à la pluralité linguistique. L’identité du Canada est composée d’une mosaïque de langues et de cultures qui forment ensemble une collectivité multiculturelle unique et vibrante.

La Journée internationale de la langue maternelle est aussi une journée qui permet de célébrer la liberté de pouvoir communiquer dans la langue de notre choix. Je suis et je serai toujours une ardente défenseure du bilinguisme canadien. Permettez-moi encore une fois de rappeler à tous les sénateurs que le projet de loi S-247 n’enlève rien au bilinguisme anglais-français dont nous sommes fiers; il encourage simplement tous les Canadiens à célébrer et mettre en valeur leur propre langue maternelle le 21 février.

Les langues nous permettent de cultiver des relations, de tisser des liens de confiance, de favoriser la compréhension et de créer l’histoire. Elles nous permettent de partager des histoires, notre spiritualité, notre compassion et notre humanité.

Il n’y a aucun doute que le multilinguisme n’existerait pas au Canada sans les Canadiens multilingues. Honorables sénateurs, permettez-moi de vous raconter une histoire. Lorsque je suis arrivée au Canada, je ne parlais pas français et j’étais vraiment stupéfaite du manque d’enthousiasme qu’il y avait dans ma province à l’égard de l’apprentissage du français. Si vous étiez anglophone, vous vouliez seulement être en mesure parler anglais. Ensuite, lorsque je suis allée au Québec, il y avait des gens qui estimaient qu’ils devaient apprendre le français.

Je suis vraiment étonnée par ces positions. Pourquoi devons-nous parler une langue ou l’autre? Pourquoi est-ce important de seulement parler une langue? Une des choses dont je suis le plus fière à titre de sénatrice est que mon poste m’a permis d’apprendre à parler français. Mon apprentissage n’est pas encore terminé. L’autre chose dont je suis le plus fière est que je suis membre du Comité des langues officielles. Le sénateur Smith est aussi membre de ce comité. Nous avons tous les deux reçu une lettre d’une femme qui craignait que le français ne devienne trop répandu dans sa province — je ne vous donnerai pas le nom de la province.

Je tiens à vous dire, sénateurs, qu’il n’est pas question ici d’apprendre une langue au détriment de l’autre. Il est question d’enseigner une multitude de langues à nos enfants. Le Canada est un très petit pays, et, si nous ne défendons pas les intérêts de nos enfants en leur donnant la chance d’apprendre de nombreuses langues, nous leur imposons un handicap. La question n’est plus de savoir si on doit apprendre le français et l’anglais. Il va sans dire que tous les enfants au Canada devraient apprendre le français et l’anglais, et, si j’étais première ministre, ce que je ne serai jamais, et que j’avais une baguette magique me permettant de donner des ordres à tout le monde, je dirais qu’ils devraient apprendre le français, l’anglais et l’espagnol. Sur le continent américain, tout le monde devrait parler le français, l’anglais et l’espagnol. Cela devrait aller de soi.

(1800)

Honorables sénateurs, je vous demande d’appuyer ce projet de loi, non pas parce qu’il me tient tant à cœur, mais parce que nous devons élargir notre façon de penser. Plus nous parlons de langues, plus nous brisons l’isolement. Plus nous parlons de langues, plus nous offrons d’avantages à nos enfants. Nous apprenons à mieux nous comprendre et nous jouerons un rôle accru dans la consolidation de la paix dans le monde. Donc, je vous demande de réfléchir aux raisons pour lesquelles il est important que nous parlions beaucoup de langues. C’est l’essence même du Canada. Merci beaucoup.

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, comme il est 18 heures, conformément à l’article 3-3(1) du Règlement, je suis tenu de quitter le fauteuil jusqu’à 20 heures, à moins que vous ne souhaitiez, honorables sénateurs, ne pas tenir compte de l’heure. Êtes-vous d’accord pour que nous ne tenions pas compte de l’heure?

Des voix : D’accord.

(Sur la motion de la sénatrice Omidvar, le débat est ajourné.)

Modernisation du Sénat

Dixième rapport du comité spécial—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Joyal, C.P., appuyée par l’honorable sénatrice Cordy, tendant à l’adoption du dixième rapport (intérimaire), tel que modifié, du Comité sénatorial spécial sur la modernisation du Sénat, intitulé La modernisation du Sénat : Aller de l’avant (Nature), présenté au Sénat le 26 octobre 2016.

L’honorable Leo Housakos : Étant donné que cette motion en est à sa 14e journée, j’aimerais proposer l’ajournement du débat à mon nom, pour le temps de parole qu’il me reste.

(Sur la motion du sénateur Housakos, le débat est ajourné.)

Finances nationales

Budget et autorisation d’embaucher du personnel et de se déplacer—L’étude sur les prévisions budgétaires fédérales en général—Adoption du vingt-septième rapport du comité

Le Sénat passe à l’étude du vingt-septième rapport du Comité sénatorial permanent des finances nationales (Budget—étude des prévisions budgétaires du gouvernement fédéral et des finances publiques en général—autorisation d’embaucher du personnel et de se déplacer), présenté au Sénat le 29 mars 2018.

L’honorable Percy Mockler propose que le rapport soit adopté.

Son Honneur le Président : Quelqu’un souhaite-t-il débattre du rapport?

L’honorable Grant Mitchell : Je vais profiter de l’occasion pour fournir quelques explications. Si nous sommes ici aujourd’hui et que nous parlons de cette motion, ou du moins, que nous l’étudions — nous en parlons, puisque je suis en train d’en parler —, ainsi que de plusieurs autres motions qui suivront, c’est parce que j’ai refusé de donner le consentement unanime lorsqu’elles ont été présentées le dernier jour de séance, juste avant la pause.

Mon geste en a surpris quelques-uns. Il a en a surpris et consterné d’autres; et il en a surpris, consterné et fâché d’autres encore. Si j’avais l’impression que je devais agir ainsi, c’est parce que j’avais espéré que ces quatre demandes de fonds pour les déplacements de comités pendant que le Sénat siège seraient abordées au Comité de la régie interne, des budgets et de l’administration plus tôt ce jour-là. Cependant, comme le comité a manqué de temps, la question n’a pas été abordée. J’étais donc d’avis qu’il fallait l’étudier plus attentivement qu’il avait été possible de le faire cet après-midi-là.

J’étais vraiment désolé d’avoir semé la consternation, mais il y a quelques points que je tenais à exprimer. J’aimerais le faire maintenant.

Tout d’abord, je suis préoccupé par le fait qu’il y a de plus en plus de déplacements de comités pendant que le Sénat siège. Si je ne m’abuse, lorsque je suis arrivé ici et pendant un certain nombre d’années par la suite, la plupart des déplacements des comités à l’extérieur de la ville d’Ottawa se faisaient pendant les semaines de relâche, pendant la pause estivale, pendant la pause de janvier et ainsi de suite, afin qu’il n’y ait pas d’incompatibilité avec les travaux du Sénat.

De plus, il est intéressant de se rappeler que nous déployons de grands efforts pour éviter que des comités sénatoriaux siègent pendant les séances du Sénat. J’apprécie ces efforts pour de nombreuses raisons, et l’une de ces raisons est que cela nous distingue de la Chambre des communes. À la Chambre des communes, les débats se déroulent alors que seulement quelques personnes sont présentes, notamment en raison des réunions des comités qui ont lieu pendant les séances. C’est rarement le cas au Sénat et il faut même obtenir une permission spéciale pour le faire.

Je crois que cette tradition est également minée en un sens par les déplacements des comités. À cet égard, je veux souligner un thème récurrent des discussions que j’entends depuis mon arrivée au Sénat, soit que le travail des comités est le joyau des travaux du Sénat. Loin de moi l’idée de diminuer l’importance du travail des comités, mais je ne suis pas d’accord avec cette affirmation si elle implique de quelque façon que ce soit que le travail des comités est plus important que les débats dans l’enceinte du Sénat. Tout commence ici. Même si les comités accomplissent un travail très efficace, la réalité, c’est que c’est ici qu’on peut débattre avec une vue d’ensemble plus large, car c’est la nature des débats aux étapes de la deuxième lecture et de la troisième lecture — cela ne diminue en rien le travail des comités. Il arrive que les sénateurs soient au sommet de leur forme et que le débat ici atteigne de très hauts niveaux. Cela arrive souvent et, heureusement, dans peu de temps, la population canadienne pourra en être témoin.

En permettant aux gens de voyager pendant les séances du Sénat, nous atténuons l’importance du Sénat, des débats au Sénat et des votes sur les projets de loi du gouvernement. Je crois d’ailleurs que nous devrions aussi accorder plus d’importance aux votes sur les projets de loi d’initiative parlementaire et sur les projets de loi d’intérêt public. Je ne veux pas qu’on accorde moins d’importance à ces éléments; je veux qu’on leur en accorde davantage.

Honorables sénateurs, c’est en pensant à tous ces facteurs que je continue et continuerai d’affirmer que nous ne devrions pas nous déplacer avec les comités, sauf dans des cas très spéciaux, et le président ou le vice-président du comité ou tout autre responsable devrait alors le démontrer expressément et de manière convaincante. Cela suppose que les comités devraient s’efforcer de programmer leurs déplacements durant les semaines de relâche, les pauses estivales et les pauses hivernales, et ainsi de suite. Nous devons maintenir et soutenir l’importance de cette assemblée et l’importance des votes.

Si plusieurs comités se mettent à voyager et qu’on choisit au hasard les sénateurs qui seront du voyage — et cela arrive —, alors le résultat des votes dépendra du hasard : qui était ici et qui était absent, qui a décidé de faire le voyage et qui a décidé de ne pas le faire.

Je ne pense pas que qui que ce soit parmi nous a été nommé pour autre chose que mettre son jugement à contribution; en tout cas, ce n’est pas pour laisser faire le hasard.

Le sénateur Percy Mockler : Dans un esprit de coopération, les membres du Comité sénatorial permanent des finances nationales espèrent se rendre à Miramichi dans le cadre de l’étude sur le système de paie Phénix.

[Français]

Je suis tout à fait d’accord avec le sénateur Mitchell. J’aimerais informer les sénateurs que notre voyage au centre de paie de Miramichi aura lieu les 6 et 7 mai prochains, dimanche et lundi respectivement. Durant ces deux jours, le Sénat ne siège pas. Soyez assuré, monsieur le Président, que nous serons de retour lundi soir pour être présents à la séance du Sénat mardi. Merci.

[Traduction]

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée, et le rapport est adopté.)

(1810)

Pêches et océans

Budget—L’étude sur les activités de recherche et de sauvetage maritimes—Adoption du dixième rapport du comité

Le Sénat passe à l’étude du dixième rapport du Comité sénatorial permanent des pêches et des océans (Budget—étude sur la recherche et le sauvetage maritime, y compris les défis et les possibilités qui existent—autorisation d’embaucher du personnel et de se déplacer), présenté au Sénat le 29 mars 2018.

L’honorable Marc Gold propose que le rapport soit adopté.

— Le sénateur Manning ne peut pas être parmi nous parce que notre comité reçoit des invités venus des États-Unis.

Je tiens tout d’abord à mentionner que je cumule plusieurs fonctions. Je suis d’abord et avant tout sénateur, mais aussi agent de liaison. Il vaut mieux, donc, m’appeler par mon nom.

Comme le sénateur Mitchell, je trouve préoccupant que les comités aient de plus en plus tendance à se déplacer pendant les semaines et les jours de séance du Sénat. Dans ce cas précis, le voyage prévu revêt une certaine importance et une certaine urgence. Nous achevons une étude de grande envergure à propos de la recherche et du sauvetage maritimes. Nous nous sommes rendus sur la côte Est, sur la côte Ouest et à l’étranger, mais nous ne sommes pas allés sur la troisième côte du pays, la côte de l’océan Arctique, une région où les ressources consacrées à la recherche et au sauvetage maritimes sont particulièrement limitées.

La période propice à une visite dans le Nord est très restreinte. D’après notre ancien collègue, le sénateur Watt, étant donné les contraintes qu’imposent la température et la saison de la chasse, il ne reste que quelques semaines pendant lesquelles il serait possible de rencontrer les gens, non seulement pour recueillir des renseignements, mais aussi pour tenir les audiences publiques auxquelles les gens du Nord devraient aussi avoir accès, selon nous.

Cela dit, le sénateur Manning et moi avons à cœur de limiter la durée de notre absence. Nous pourrions peut-être partir un dimanche et rater une seule journée de séance. Peut-être serait-il même possible de ne rater aucun jour de séance. Je ne peux toutefois pas le promettre, puisque les déplacements prendront beaucoup de temps.

Cependant, à la lumière de ces circonstances, je vous demande respectueusement d’appuyer cette motion. C’est notre seule chance de rendre visite aux gens du Nord avant la conclusion de notre étude. Je dirais — et je suis sûr que mes collègues seraient d’accord — que, si nous faisions cette visite, nous formerions une délégation équitable. À cet égard, je crois que nous saurions traiter tous nos collègues ainsi que tous les caucus et les groupes de façon équitable.

Sur ce, je sollicite respectueusement votre appui.

L’honorable Donald Neil Plett : J’aimerais ajouter quelques mots à la suite des observations du sénateur Gold. Je vais me désigner par mon nom : sénateur Don Plett, whip du caucus conservateur et fier de l’être.

Comme le sénateur Gold, je conviens que ce voyage est très important. Comme je suis aussi membre du Comité des pêches, je suis également très partagé. Pour l’instant, je ne compte pas être de ce voyage, mais j’y suis favorable, car l’Arctique est important. Ce dossier est important, tout comme le projet d’oléoduc Trans Mountain. Il faudrait que les deux dossiers avancent assez rapidement. Je suis favorable à cette visite.

En tant que whip des conservateurs, j’assure au sénateur Mitchell que, même s’il y a 60 personnes dans son caucus et seulement 33 dans le nôtre, nous allons faire de notre mieux pour ne pas faire échouer de projet de loi pendant cette période et nous allons effectivement offrir notre collaboration, et peut-être envoyer autant de gens que les caucus des libéraux et des indépendants.

Encore une fois, j’encourage les sénateurs à appuyer cette motion.

L’honorable Lucie Moncion : J’aimerais ajouter que, lorsque le sous-comité a planifié les voyages, il a également choisi les dates de manière à éviter que deux comités ne voyagent en même temps. Certains ont exprimé les mêmes inquiétudes que le sénateur Mitchell.

Je voulais simplement vous signaler que, lorsque le comité a étudié la question, il était au courant du travail qui doit être accompli au Sénat et de la nécessité de ne pas déployer deux groupes en même temps.

L’honorable Nicole Eaton : J’aimerais poser une question, si c’est possible, Votre Honneur.

Pourriez-vous, sénateur Gold, expliquer pourquoi le Comité des pêches va dans l’Arctique, alors que le Comité sur l’Arctique n’y va pas? En quoi ce déplacement dans l’Arctique s’inscrit-il dans votre étude?

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, nous avons besoin de votre consentement pour revenir au sénateur Gold. Est-ce que vous l’accordez?

Des voix : Oui.

Le sénateur Gold : Notre étude porte sur la recherche et le sauvetage en mer. Comme vous le savez, la pêche est l’un des métiers le plus dangereux au Canada. Malgré le manque cruel de ressources dont nous disposons sur toutes les côtes, le Nord est probablement la zone où les actifs font le plus défaut, qu’il s’agisse d’actifs de la Garde côtière ou d’autres intervenants.

Au fil de notre étude, de nombreux témoins nous ont dit qu’il faut accorder aujourd’hui une attention urgente à ce secteur. La situation ne fera qu’empirer avec la fréquentation accrue de ces voies d’eau nordiques par les bateaux de croisière et les adeptes de l’écotourisme.

L’objet de l’étude, qui tire vraiment à sa fin, est de voir si la Garde côtière et d’autres intervenants, dont des bénévoles, disposent d’actifs suffisants pour protéger les Canadiens en mer. Le Nord est, selon nous et les experts que nous avons entendus, une région dont il faut vraiment s’occuper. J’espère que cela répond à votre question.

L’honorable Jim Munson : Honorables sénateurs, comme je siège moi-même au Comité des pêches, j’abonde dans le sens du sénateur Gold. En plus des audiences que nous avons tenues au Canada, nous nous sommes déplacés en Europe pendant que le Sénat ne siégeait pas. De son côté, l’ancien sénateur Watt a été très clair sur le calendrier et nous comptons tenir des audiences, audiences qui prennent énormément de temps à organiser, surtout dans une autre langue. En fait, elles se tiendraient en trois langues. Beaucoup de gens devront venir nous voir à Iqaluit et nous devons aux gens du Nord de leur consacrer deux jours pour terminer notre étude.

Je voulais simplement ajouter mon appui à la proposition du sénateur Gold.

Son Honneur le Président : Les sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

L’honorable Richard Neufeld : J’aurais une question moi aussi. Comptez-vous visiter bien des endroits sur la côte arctique? Irez-vous seulement à Iqaluit? Vous pencherez-vous simplement sur la région est de l’Arctique, sans rien faire concernant l’Ouest?

Le sénateur Gold : Je suis désolé, mais je n’ai pas les détails du voyage avec moi. Je crois que nous ne passerons que deux jours au Nunavut. Nous n’organiserons pas des rencontres dans toute la région arctique, c’est certain, mais nous avons des réunions prévues avec des Rangers et des membres de la communauté dans au moins une ou deux régions.

Le sénateur Neufeld : Pourquoi ne pas effectuer un voyage qui englobe toute la région arctique? La partie que vous allez visiter est-elle la seule qui a de l’importance? Si vous présentez un rapport sur la Garde côtière et ce genre de choses pour l’ensemble de la région arctique, pourquoi ne pas inclure l’Arctique de l’Ouest, qui fait également partie du Canada?

Je fais partie du Comité sur l’Arctique et nous semblons nous concentrer uniquement sur la partie est. Voilà qui confirme, avec le rapport sur les pêches, que le comité ne se rendra que dans la partie est de l’Arctique.

Je vous rappelle simplement que la région arctique englobe bien plus que la partie est.

(1820)

Le sénateur Gold : En effet. Merci de le souligner. Ce point ne nous a pas échappé, mais, étant donné les contraintes de temps et d’argent, il a fallu décider comment faire l’aller-retour dans les meilleurs délais. Les témoins entendus et l’ancien sénateur Watt nous avaient assuré qu’il serait très instructif de nous rendre sur place. J’oserais même utiliser un cliché en disant qu’il ne faudrait pas laisser le mieux devenir l’ennemi du bien dans ce cas-ci. Nous estimons qu’il est important de nous rendre dans le Nord, ne serait-ce que pour en voir une petite partie. Nous espérons que le Comité sur l’Arctique saura répondre globalement à toutes les questions concernant le Nord.

Son Honneur le Président : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée, et le rapport est adopté.)

Droits de la personne

Budget—L’étude sur les questions concernant les droits de la personne des prisonniers dans le système correctionnel—Adoption du neuvième rapport du comité

Le Sénat passe à l’étude du neuvième rapport du Comité sénatorial permanent des droits de la personne (Budget—étude sur les questions des droits de la personne des prisonniers dans le système correctionnel—autorisation de se déplacer), présenté au Sénat le 29 mars 2018.

L’honorable Wanda Elaine Thomas Bernard propose que le rapport soit adopté.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée, et le rapport est adopté.)

La surreprésentation croissante des femmes autochtones dans les prisons canadiennes

Interpellation—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur l’interpellation de l’honorable sénatrice Pate, attirant l’attention du Sénat sur la situation actuelle des personnes qui comptent parmi les plus marginalisées, victimisées, criminalisées et internées au Canada, et plus particulièrement sur la surreprésentation croissante des femmes autochtones dans les prisons canadiennes.

L’honorable Wanda Elaine Thomas Bernard : Honorables sénateurs, le débat sur cette interpellation est ajourné au nom de l’honorable sénateur Sinclair. Je demande que le débat demeure ajourné à son nom après mon intervention.

Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

La sénatrice Bernard : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui au sujet de l’interpellation no 19, qui attire l’attention du Sénat sur la surreprésentation des femmes autochtones dans les prisons canadiennes. Je remercie la sénatrice Pate d’avoir porté cette question à l’attention du Sénat et de travailler sans relâche afin de rendre justice aux femmes autochtones partout au Canada.

La représentation disproportionnée des femmes autochtones incarcérées au Canada et le nombre croissant de femmes autochtones dans les prisons canadiennes constituent un problème urgent qui relève des droits de la personne et auquel il faut s’attaquer dès maintenant.

Le mois dernier, à l’occasion de la Journée internationale des femmes, nous avons été nombreux à publier des billets dans les médias sociaux et à participer à des activités célébrant la force et la résilience des femmes. J’ai présenté un exposé sur la violence faite aux femmes pour le centre de ressources pour les femmes et d’aide aux victimes d’agressions sexuelles du comté de Pictou. J’ai exhorté les participants à réfléchir au fait que la violence prend naissance au confluent du colonialisme et du sexisme. La présente interpellation se penche sur cette confluence, car les femmes autochtones vivent au confluent du sexisme et du colonialisme.

Lorsqu’il est question de violence conjugale ou de violence familiale, je crois que les pensées de la plupart des Canadiens se tournent vers les femmes qui en sont victimes, parce que ce type de violence est considéré comme un phénomène individuel.

Lorsqu’il est question des personnes incarcérées, très souvent, en raison du discours ambiant sur la criminalité et les présomptions d’innocence ou de culpabilité, la société n’a pas la même empathie. J’exhorte les honorables sénateurs à réfléchir à la façon dont la violence colonialiste et le sexisme ont créé cette forme de violence normalisée : l’incarcération excessive des femmes autochtones.

Lorsque le Comité sénatorial permanent des droits de la personne s’est rendu à Kitchener dans le cadre de sa mission d’information, le mois dernier, nous avons rencontré, pendant l’audience publique, beaucoup de gens qui ont raconté leur expérience de travail auprès des femmes incarcérées. Ensuite, nous avons été en mesure de parler directement avec quelques femmes qui sont détenues à l’Établissement Grand Valley. Nous avons entendu les témoignages de personnes de différents horizons : des chercheurs, des fournisseurs de services externes à la prison, des fournisseurs de services internes et des détenues. Parmi les grands thèmes qui revenaient dans les rencontres, il y avait l’injustice vécue par les femmes autochtones.

L’interpellation de la sénatrice Pate est importante, parce qu’elle se penche sur la surreprésentation et l’augmentation marquée des femmes autochtones dans le système de justice pénale. Je crois que l’examen des pratiques au sein des prisons qui touchent ces femmes est un élément déterminant de la question.

Je suggère que nous envisagions la question sous deux angles : l’utilisation de mesures préventives pour empêcher que le problème de surreprésentation se perpétue, ainsi que la prise de mesures pour aider les femmes qui sont actuellement incarcérées. Nous devons réfléchir sérieusement au lien qui existe entre ces deux points. En effet, si nous n’examinons pas comment les conditions actuelles influent sur le risque de récidive et sur le risque d’incarcération de la prochaine génération, il nous manque une partie de la solution. L’interpellation contribuera grandement à interrompre le cycle de l’incarcération que l’on observe dans les communautés autochtones et qui a des effets dévastateurs sur elles.

Une personne à laquelle nous avons parlé à Kitchener a soulevé un problème qui survient uniquement quand les femmes sont incarcérées. Elle a dit que, lorsqu’une femme était incarcérée, cela avait des conséquences pour toute sa famille. En effet, les familles souffrent quand une mère est emprisonnée parce que ses enfants sont plus susceptibles d’être placés en foyer d’accueil.

Les familles autochtones souffrent déjà de traumatismes intergénérationnels à cause des pensionnats indiens, de la rafle des années 1960 et de leurs rapports avec les services de protection de l’enfance. Alors, quand une figure maternelle — que ce soit une mère, une grand-mère, une sœur ou une tante — est incarcérée, sa famille entière en subit les contrecoups et voit cela comme une autre forme de violence coloniale.

Le premier des deux volets de l’approche suggérée consiste à s’attaquer aux causes profondes de la surreprésentation. Les causes systémiques du problème sont le racisme, le sexisme et le colonialisme. Ces causes profondes ont donné lieu à des situations de pauvreté, à des abus, à des traumatismes et à des troubles de santé mentale qui conduisent certaines personnes au crime. Contextualiser les causes profondes nous aidera à comprendre comment améliorer les mesures préventives, comme les services de santé mentale adaptés à la culture et les mesures de réduction de la pauvreté.

Dans l’intervention initiale de son interpellation, la sénatrice Pate a déclaré que les prisons ne sont pas des substituts aux refuges ni aux centres de santé mentale. Elles ne sont pas des solutions de rechange en matière de logement et de services sociaux. Je voudrais le souligner à grands traits parce que, à mon avis, c’est l’idée sous-jacente que nous devons retenir.

L’âge moyen des femmes autochtones incarcérées est de quatre ans inférieur à l’âge moyen des autres femmes incarcérées. Il se peut que ce soit une indication des problèmes systémiques qui affligent les femmes autochtones et qui auraient pour conséquence qu’elles ont des démêlés avec la justice à un plus jeune âge que les femmes non autochtones.

C’est vraisemblablement une conséquence de la pauvreté, des séjours dans des familles d’accueil et des traumatismes intergénérationnels causés par la violence coloniale exercée notamment lors de la rafle des années 1960 et dans les pensionnats autochtones. Ces facteurs réduisent l’espoir et limitent les perspectives des jeunes femmes autochtones. Ce sont des problèmes qu’il faut tenter de résoudre en cherchant de vraies solutions.

(1830)

Le deuxième volet de mon approche à deux volets porte sur les injustices commises à l’égard des femmes autochtones qui sont actuellement incarcérées ou qui l’ont été. Ces femmes qui ont été accusées de crimes sont incapables de guérir comme il le faut pour aller bien. Ainsi, elles deviennent récidivistes ou victimes de ce qu’on appelle le syndrome de la porte tournante. Certaines des injustices auxquelles elles sont confrontées sont l’abus de pouvoir par des représentants de l’appareil judiciaire, les défis liés à leur lien avec les services de protection de l’enfance ainsi que l’absence d’emploi, de logement et d’appui après leur libération.

Le plus grand souci des travailleurs sociaux est de trouver ce qu’il faut pour que leurs clients aillent bien et continuent d’aller bien une fois le processus terminé. Les prisons ne sont pas des lieux qui favorisent la guérison et le bien-être. Les femmes autochtones incarcérées souffrent de graves troubles de santé mentale exacerbés par des traumatismes intergénérationnels.

La spiritualité et le bien-être sont l’un de mes domaines de recherche. Le fait de pouvoir avoir accès à la spiritualité et de la pratiquer favorise le bien-être des gens qui vivent dans des circonstances difficiles et améliore leurs chances de survivre et de prospérer. Être en phase avec sa propre spiritualité est une source d’espoir. L’article 81 de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition est entré en vigueur en 1992, il y a 27 ans. Des services sont offerts à certains prisonniers autochtones, notamment l’accès à des maisons d’accueil, à des cérémonies de purification et de sudation, à un contact régulier avec des anciens et à des privilèges qui leur permettent de faire des visites communautaires à l’extérieur de la prison.

L’une des choses que j’ai remarquées est que bien des femmes se heurtent à une énorme résistance lorsqu’elles tentent d’obtenir ce dont elles ont besoin pour aller bien. Cela peut être attribuable au niveau de sécurité. Les femmes qui sont dans les prisons à sécurité maximale n’ont pas les mêmes accès que les femmes dans les prisons à sécurité minimale.

Dans le cadre de ma carrière de travailleuse sociale et maintenant de sénatrice, j’ai visité de nombreuses prisons fédérales. Il m’arrive de penser aux femmes à qui j’ai parlé au fil des ans dans ces institutions et à la façon dont leurs histoires reflètent les problèmes qui font que les violences institutionnelles se perpétuent.

Je me souviens d’une femme autochtone que j’appellerai R, qui m’a parlé de son processus de guérison lors d’une réunion dans un établissement pour femmes. Elle m’a dit qu’elle voulait entretenir son lien avec sa communauté, mais qu’elle se heurtait systématiquement à une résistance et à des formalités administratives. Elle a reçu plusieurs fois l’approbation requise pour participer à des visites communautaires, mais, en raison du manque de personnel, elle s’est fait dire que ces visites n’auraient pas lieu.

Elle profiterait énormément d’un lien social et spirituel avec sa collectivité, mais n’est pas en mesure d’en établir un. Sans lien avec sa collectivité, cette jeune femme continue d’avoir des difficultés pendant son incarcération. Elle s’inquiète de la façon dont elle réagira lorsqu’elle sera mise en liberté. Elle court des risques plus élevés que ses problèmes de santé mentale empirent. Elle pourrait donc être mise en observation dans une cellule d’isolement si sa santé mentale se dégrade et qu’elle commence à s’automutiler ou à avoir des pensées suicidaires. C’est inquiétant, parce que cette personne a dit avoir la volonté et la motivation de poursuivre son processus de guérison et de mieux-être en établissant des liens avec sa collectivité, mais elle n’est pas en mesure de le faire.

L’absence de liens avec sa collectivité nuira à sa capacité de réintégration une fois qu’elle sera mise en liberté. Elle pourrait facilement faire partie du grand nombre de prisonniers qui retournent en prison parce qu’ils ont enfreint les conditions de leur libération et ne sont pas en mesure de s’adapter après l’incarcération.

Je donne l’exemple de cette personne parce que j’ai conservé d’elle une impression durable. Cependant, je regrette de dire qu’elle n’est pas la seule personne dans cette situation. Nous avons entendu de nombreux récits de ce genre pendant nos missions d’information dans des prisons, dans le cadre de l’étude sur les droits des prisonniers menée par le Comité des droits de la personne. Tous ces cas témoignent d’un problème plus vaste, de nature systémique. Ces questions d’ordre intergénérationnel ont un caractère cyclique et ont des répercussions sur le fonctionnement des familles et des collectivités.

Nous nous sommes engagés, par l’intermédiaire de la Commission de vérité et réconciliation, à remédier aux injustices historiques commises contre des collectivités autochtones au Canada. Plusieurs d’entre nous savent quelles ont été les conséquences néfastes des pensionnats indiens sur les collectivités autochtones. Le rapport de la Commission de vérité et réconciliation fait état des nombreuses façons dont les pensionnats indiens ont donné lieu à des traumatismes historiques et intergénérationnels pour des particuliers, des familles et des collectivités. Je crois que des excuses officielles et la reconnaissance des préjudices systémiques sont très importantes pour favoriser le changement. De nombreuses institutions ont présenté des excuses relativement aux pensionnats indiens. Les excuses sont importantes, parce qu’elles montrent que l’on assume nos responsabilités. Cependant, sans mesures ou changements concrets, les excuses n’auront pas des répercussions importantes.

Honorables sénateurs, je vous exhorte à tenir compte du fait que la surreprésentation croissante des femmes autochtones dans le système carcéral constitue une forme de violence colonialiste qui touche non seulement les femmes en cause, mais aussi leurs enfants, leur famille et leur communauté. Régler ces problèmes est un élément essentiel afin d’améliorer les conditions que doit affronter cette population, à savoir la pauvreté, les traumatismes et la violence. La surreprésentation des femmes autochtones dans le système carcéral nuit à la survie des communautés autochtones. Ce problème est urgent et doit être réglé.

(Sur la motion du sénateur Sinclair, le débat est ajourné.)

(À 18 h 38, le Sénat s’ajourne jusqu’à 14 heures demain.)

Annexe - Liste des sénateurs

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