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Débats du Sénat (Hansard)

1re Session, 42e Législature
Volume 150, Numéro 199

Le mardi 1er mai 2018
L’honorable George J. Furey, Président


LE SÉNAT

Le mardi 1er mai 2018

La séance est ouverte à 14 heures, le Président étant au fauteuil.

Prière.

La sanction royale

Son Honneur le Président informe le Sénat qu’il a reçu la communication suivante :

RIDEAU HALL

le 1er mai 2018

Monsieur le Président,

J’ai l’honneur de vous aviser que la très honorable Julie Payette, gouverneure générale du Canada, a octroyé la sanction royale par déclaration écrite au projet de loi mentionné à l’annexe de la présente lettre le 1er mai 2018 à 10 h 55.

Veuillez agréer, Monsieur le Président, l’assurance de ma haute considération.

La secrétaire de la gouverneure générale,

Assunta Di Lorenzo

L’honorable

Le Président du Sénat

Ottawa

Projet de loi ayant reçu la sanction royale le mardi 1er mai 2018 :

Loi modifiant la Loi canadienne sur les sociétés par actions, la Loi canadienne sur les coopératives, la Loi canadienne sur les organisations à but non lucratif et la Loi sur la concurrence (projet de loi C-25, chapitre 8, 2018)


[Traduction]

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

La Semaine de la responsabilisation de l’Iran

L’honorable Linda Frum : Honorables sénateurs, cette semaine a été désignée Semaine de la responsabilisation de l’Iran par le gouvernement libéral. Je suis ravie que les libéraux exigent que la République islamique d’Iran, le régime le plus pernicieux au monde, réponde de ses actes.

Je me réjouis de cette reddition de comptes, tant de la part du régime iranien que de notre propre gouvernement, qui poursuit son plan de rétablissement des relations avec le régime le plus brutal au monde, un régime qui — on l’a découvert hier — avait menti sans pudeur en disant n’avoir jamais cherché à se doter de l’arme nucléaire. En vérité, le régime iranien a dissimulé aux yeux de la communauté internationale un programme d’armement nucléaire dans ses archives secrètes, et ce, même après l’entrée en vigueur du Plan global d’action conjoint.

Il faut donc dénoncer cette violation du Plan global d’action conjoint dans le cadre de la Semaine de la responsabilisation de l’Iran instaurée par le Parlement canadien et le gouvernement actuel. Il convient également de prendre des mesures dans d’autres dossiers dans lesquels le gouvernement n’a pas agi, notamment dénoncer l’assassinat camouflé du citoyen canadien Kavous Seyed-Emami; exprimer notre appui aux manifestants pro-démocratie qui ont été incarcérés et tués, par dizaines, depuis le jour de l’An 2018; dénoncer les attaques violentes contre les femmes qui enfreignent les lois iraniennes sur le port obligatoire du hidjab; et, enfin, imposer les sanctions prévues à la loi Magnitski du Canada aux meurtriers de la citoyenne canadienne Zahra Kazemi.

Par ailleurs, nous pouvons également prendre des mesures ici, dans cette enceinte, c’est-à-dire adopter finalement une loi qui empêcherait le gouvernement canadien de lever les sanctions imposées à l’Iran, tant et aussi longtemps qu’il n’y aura pas d’amélioration du respect des droits de la personne, et qui étendrait les sanctions à tous les dirigeants qui ont agi au nom du Comité exécutif de l’ordre de l’imam Khomeyni et des Gardiens de la révolution islamique iranienne.

Aujourd’hui, c’est un honneur pour moi de prendre la parole en présence de Reza Bana, qui est à la barre de Justice 88, un organisme réclamant justice au nom des 30 000 dissidents politiques assassinés en Iran en 1988, et d’Avideh Motmaen-Far, présidente du Council of Iranian Canadians, dont la mission consiste à jeter un pont entre les valeurs canadiennes et le patrimoine iranien.

Il faut que le gouvernement écoute ces voix de l’opposition démocratique qui font campagne pour que l’on fasse de l’amélioration des droits de la personne une condition de la normalisation des relations diplomatiques avec l’Iran.

En conclusion, je continue de prier pour la libération de Saeed Malekpour, de l’ayatollah Kazemeyni Boroujerdi et de tous les prisonniers d’opinion iraniens. Nous ne vous oublions pas. Merci.

Le H’art Centre

L’honorable Patricia Bovey : Honorables sénateurs, un moment, une personne, un organisme ou un événement qui s’est avéré une source d’inspiration, nous en comptons tous dans notre parcours. Son effet reste avec nous, nous amenant sur de nouveaux chemins, élargissant nos horizons et nous aidant à mieux comprendre certaines choses. L’inspiration nous révèle comment les gens font face aux défis de leur quotidien.

À l’occasion du Mois de la santé mentale, je rends hommage au H’art Centre de Kingston, dont l’équipe se trouve à la tribune aujourd’hui. Le travail du H’art Centre est une source d’inspiration. Ce dernier offre des programmes d’art et d’éducation de grande qualité aux adultes atteints d’une déficience développementale — intellectuelle ou physique — comme les déficiences auditives, le syndrome de Down et autres.

Fondé en 1988 par l’artiste Katherine Porter, le programme de l’école H’art a un effet positif sur les participants, les familles et les collectivités depuis 20 ans. Il offre aux participants la possibilité d’apprendre à lire et à écrire ainsi que d’acquérir des aptitudes sociales par la musique, le théâtre, les arts visuels, la danse, les arts médiatiques et les arts littéraires, le tout dans un immeuble entièrement accessible. Les participants ont créé des milliers d’œuvres d’art, et beaucoup de gens ont assisté à la présentation annuelle de comédies musicales originales.

(1410)

Il y a 10 jours, j’ai eu la chance de voir le spectacle multidisciplinaire de cette année, intitulé A Gift From Martadella. De concert avec des artistes, des musiciens et des acteurs professionnels, les participants ont présenté un spectacle profondément touchant et stimulant. Certains ont joué sur scène, tandis que d’autres ont participé par la magie du numérique en étant filmés en train de mettre des garnitures sur des pizzas dans la pizzéria locale. Certains ont dansé; d’autres ont chanté. Certains ont eu des rôles importants, alors que d’autres ont joué dans l’orchestre, en compagnie de musiciens professionnels.

Depuis sa création, il y a 20 ans, le H’art Centre a rédigé et illustré des livres pour enfants, et quelques élèves ont pris part aux programmes inclusifs d’enseignement supérieur de l’Université Queen’s.

Le H’art Centre a récemment mis sur pied un programme dans lequel des artistes professionnels œuvrant dans diverses disciplines se rendent dans des foyers pour personnes âgées afin d’encourager les pensionnaires à s’exprimer de manière créative. Comme le dit le H’art Centre, le programme vise « […] à créer un milieu constructif, inclusif et positif pour tous les participants, où on les encourage à faire preuve de créativité […] Il n’est jamais trop tard […] pour participer à une nouvelle activité et pour acquérir des compétences […] [En] sensibilisant les aînés aux arts […] [nous espérons] pouvoir améliorer leur qualité de vie, leur offrir des activités amusantes auxquelles ils ont hâte de participer chaque semaine et les aider à continuer de vivre pleinement leur vie ».

Je félicite toutes les personnes qui œuvrent au H’art Centre. Leur travail est inspirant, haut en couleur et joyeux. Le spectacle était excellent. À mon avis, il méritait cinq étoiles et il était vraiment inspirant.

Je félicite le H’art Centre, qui, depuis 20 ans, est source d’espoir et de joie et symbolise l’engagement communautaire, la vitalité et le dévouement. Ces innovateurs créatifs sont des chefs de file dans leur collectivité et aux quatre coins du pays.

Visiteur à la tribune

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de Mme Gail Hickey, de Terre-Neuve-et-Labrador. Elle est la directrice générale de la Fish Harvesting Safety Association.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

Le Mois du patrimoine asiatique

L’honorable Victor Oh : Honorables sénateurs, c’est avec beaucoup de fierté que je prends la parole aujourd’hui au sujet du Mois du patrimoine asiatique. Il s’agit d’une occasion parfaite pour les Canadiens de célébrer les importantes réalisations de la communauté asiatique du Canada.

J’aimerais profiter de l’occasion pour vous raconter l’histoire de quelques membres de cette communauté indispensable qui a aidé le Canada à devenir le pays diversifié et prospère qu’il est aujourd’hui.

Il y a eu de sombres épisodes dans notre histoire. Malgré la discrimination sanctionnée par l’État, des centaines de Canadiens d’origine chinoise ont servi dans l’armée canadienne pendant la Seconde Guerre mondiale. À l’époque, il leur était interdit de se joindre à l’Aviation royale canadienne ou à la Marine royale canadienne pour des motifs raciaux. De nombreux Canadiens d’origine chinoise se sont portés volontaires pour le service actif.

William Chong est le seul Canadien d’origine chinoise à avoir reçu la Médaille de l’Empire britannique pour son service volontaire relatif au transport d’évadés des territoires occupés pendant la guerre.

William Lore, membre de l’équipe de soccer Chinese Students de Vancouver, est devenu le premier Chinois à se joindre à la Marine royale canadienne après que l’interdiction eut été levée.

Le coéquipier de M. Lore, Kew Dock Yip, le premier avocat d’origine chinoise du Canada, a exercé des pressions pour obtenir l’abrogation de la Loi sur l’exclusion des Chinois.

Douglas Jung est le premier Canadien d’origine chinoise à être élu député fédéral.

Norman Kwong, surnommé le « China Clipper », a remporté six Coupes Grey.

Vous connaissez tous l’inspecteur Baltej Dhillon, le premier agent sikh de la Gendarmerie royale du Canada à porter le turban.

Herb Dhaliwal est la première personne issue d’Asie du Sud à accéder à un poste de ministre dans une démocratie occidentale.

Carol Huynh, d’origine vietnamienne, est la première Canadienne à avoir remporté une médaille d’or olympique en lutte.

Kim Thúy est une auteure primée.

Juliette Kang est une violoniste de réputation internationale née de parents coréens.

Shaun Majumder est l’un des animateurs de l’émission This Hour has 22 minutes.

Patrick Chan, d’Équipe Canada, a remporté trois fois le Championnat du monde de patinage artistique et a gagné une médaille d’or olympique au concours par équipe, lors des jeux de Pyeongchang, en 2018.

La semaine dernière, l’agent Ken Lam, celui qui n’a pas ouvert le feu dans l’attaque au camion-bélier de Toronto, a refusé qu’on le qualifie de héros parce qu’il se considère seulement comme un intervenant de première ligne parmi d’autres qui doivent gérer des situations difficiles tous les jours. Ces événements tragiques ont fait ressortir ce que notre pays a de mieux à offrir.

Alors que nous vivons un siècle de nouvelles menaces et de nouveaux défis, il est plus important que jamais que nous restions unis et que nous défendions l’égalité de tous, un droit chèrement acquis.

De nombreux immigrants ont quitté les troubles qui agitaient leur pays d’origine pour vivre paisiblement au Canada, où des gens d’origine et de croyance diverses sont capables de vivre en harmonie.

Son Honneur le Président : Je suis désolé, sénateur Oh, mais le temps de parole dont vous disposiez est écoulé.

[Français]

Visiteurs à la tribune

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de M. Jordan Gold, neveu du sénateur Gold, accompagné de M. Sean Robichaud et de Chantal Lafitte. Ils sont les invités de l’honorable sénateur Gold.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

[Traduction]

Les commentateurs de hockey

L’honorable David Richards : Honorables sénateurs, comme c’est le temps des séries éliminatoires, j’ai décidé de parler de hockey. Je voudrais bien humblement intituler la présente déclaration « Les commentateurs américains qui font la description des matchs de hockey et que des commentateurs anglophones canadiens sont assez bêtes pour imiter sont une vraie catastrophe passée sous silence par ceux qui ont accordé les contrats de diffusion des matchs éliminatoires aux réseaux NBC ou ESPN », ou quelque chose du genre.

Il y a longtemps, à mille lieues d’ici, lorsque j’étais un jeune garçon, nous portions un chandail de hockey, et non un maillot, comme dans le conte Le Chandail de hockey, de Roch Carrier. Nous n’allions jamais revêtir notre équipement devant des casiers, comme dans l’expression anglaise « locker room ». Certains parmi nous n’ont d’ailleurs pas vu un seul casier avant d’arriver en dixième année. Nous nous habillions dans un vestiaire, ou « dressing room » en anglais. La patinoire était entourée d’une bande, et non d’une demi-paroi, ou « half wall », parce que ce mot ne veut rien dire pour nous. Personne ne s’est jamais vu décerner une pénalité pour avoir donné de la demi-paroi. Le gardien de but ne contrait pas les tirs, il les bloquait. Nous n’essayions pas de gagner du temps à la ligne bleue. Nous freinions à la ligne bleue. Nous n’employions pas en anglais le mot « wrister » pour désigner un tir du poignet. Quelle insulte d’entendre ce mot qui est d’un goût pour le moins douteux! Nous disions « wrist shot ». Il n’était pas question non plus d’employer le mot « slapper », qui a, lui aussi, une connotation vulgaire. Quelle insulte, encore! Nous faisions un lancer frappé, que nous appelions en anglais « slapshot », comme le titre du film, mais nos matchs étaient bien réels. Passé l’âge de six mois, personne n’aurait eu besoin d’un rayon laser pour suivre la rondelle. Nous n’employions jamais des expressions à connotation ambiguë comme « il la monte et la balance », « voilà une passe exquise » ou « il s’est fait aller le bâton d’un bon coup de poignet ».

Non, mes amis, la glace n’avait pas de secret pour nous. On y admirait les fins manieurs de bâton et les patineurs aux accélérations foudroyantes. Il n’a jamais été question de claquer le palet sur la demi-paroi, mais bien de faire un dur lancer frappé. Sawchuk faisait des arrêts incroyables, et non des contres. Les commentateurs de hockey des États-Unis n’auraient jamais l’idée de dire qu’un gardien fait de la magie avec sa mitaine, parce que la plupart n’ont jamais vu une mitaine de leur vie. Alors, ils emploient plutôt des images tirées d’un autre sport, comme si le gardien était un receveur au baseball ou un joueur de basket.

Ces expressions navrantes sont toutes des inventions spontanées des commentateurs des États-Unis, qui n’ont jamais joué au hockey ni compris le jeu et, ce qui est encore pire, voire presque un sacrilège, qui n’ont aucun respect pour les millions de Canadiens qui le comprennent et qui l’adorent. Maintenant, ces expressions ont été adoptées par des Canadiens qui n’ont aucun respect pour la tradition. La première chose qui a disparu, c’est le génie fondamental du jeu.

Malheureusement, les Canadiens qui veulent regarder les équipes américains au cours des deux premières rondes des séries éliminatoires sont forcés d’écouter les commentateurs américains.

Chers collègues, je sais que tout ceci semble mineur, mais rien n’est mineur quand il s’agit de notre jeu et de la langue qu’on utilise pour le mettre en lumière. Notre langue améliore et enrichit tous les aspects du jeu parce que les commentateurs canadiens savent vraiment ce qui se passe sur la glace.

Notre langue était pure et elle ne visait pas à nier ni à amoindrir la grandeur du jeu parce qu’on voulait le vendre à un auditoire qui n’en comprenait pas la noblesse, alors il fallait le convaincre de la beauté des buts marqués en prolongation et des fusillades et le sensibiliser aux termes du basketball et aux règles du soccer européen.

(1420)

Voilà qui, pour eux, rend la chose tout à fait légitime, et, la plupart du temps, les Canadiens perdront en tirs de barrage parce qu’ils savent que la partie devrait être gagnée de la façon dont elle est jouée et durer aussi longtemps qu’il le faut.

Nous ouvrons désormais la porte de nos maisons à ces expressions, comme si le fait d’être Canadien et de reconnaître une émotion factice et une ineptie verbale n’avait pas d’importance; cependant, voyez-vous, au hockey, tout est important. Nous n’avons pas gagné de Coupe Stanley depuis 1993, et 75 p. 100 de nos meilleurs joueurs sont dans ces vestiaires américains.

Lorsque Boston a gagné la coupe et qu’il y a eu une émeute à Vancouver il y a quelques années, le commentateur de Fox News, Shep Smith, a dit à son fervent public américain que les Canadiens avaient déclenché une émeute à Vancouver parce que « nos gars » les avaient battus au hockey.

Son Honneur le Président : Désolé, sénateur Richards, votre temps de parole est écoulé.

Visiteurs à la tribune

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de Barry Firby, de Renée Firby et de Todd Rosholt. Ils sont les invités de l’honorable sénateur Plett.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

[Français]

Visiteurs à la tribune

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de M. Jean Lanteigne et de sa femme, Roseline Doiron. Ils sont les invités de l’honorable sénateur Cormier.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

[Traduction]

Le Programme pancanadien d’évaluation

L’honorable Michael Duffy : Chers collègues, comme vous le savez, un certain nombre de sénateurs, notamment la sénatrice Griffin et la sénatrice Cordy, ont participé au débat sur notre interpellation pour attirer l’attention sur l’alphabétisation au Canada. Je prends la parole aujourd’hui pour dire que les résultats récents du Programme pancanadien d’évaluation, qui mesure le progrès scolaire des élèves de huitième année du pays, portent des nouvelles encourageantes.

Ces évaluations montrent une amélioration appréciable des notes en lecture parmi les élèves de l’Île-du-Prince-Édouard. En fait, l’Île-du-Prince-Édouard détient les meilleurs résultats du pays en lecture et s’est grandement améliorée en mathématiques et en sciences. Les élèves de l’Île-du-Prince-Édouard ont obtenu la note globale la plus élevée en lecture.

C’est particulièrement remarquable parce que si, à l’échelle nationale, les notes moyennes n’ont pas beaucoup changé, on constate des améliorations considérables à l’Île-du-Prince-Édouard.

En 2007, par exemple, la note moyenne de l’Île-du-Prince-Édouard était de 471. Elle n’a cessé de s’améliorer depuis, et les derniers résultats donnent une note de 513, par rapport à la moyenne nationale de 507.

Ma province a aussi le plus petit pourcentage d’élèves dont la capacité de lecture est au niveau 1, soit le plus faible niveau mesuré par l’étude. Par rapport à 12 p. 100 à l’échelle nationale, à peine 9 p. 100 des élèves étaient au niveau 1.

Honorables sénateurs, les taux de lecture des garçons et des filles ont progressé, mais celui des filles a progressé encore plus.

Et ce n’est pas tout. En science, il n’y a que l’Alberta qui a eu une note moyenne plus élevée que celle de l’Île-du-Prince-Édouard. L’écart entre les garçons et les filles en science a disparu, car la moyenne des filles a dépassé celle des garçons. En 2013, les filles étaient en retard de sept points par rapport aux garçons, mais, en 2016, elles les ont dépassés de trois points.

Les mathématiques sont la seule matière pour laquelle la note de l’Île-du-Prince-Édouard est inférieure à la moyenne nationale, c’est-à-dire 503 par rapport à 511. Je signale que les résultats au Québec ont été exceptionnels. Les élèves québécois de huitième année ont obtenu 541 points, ce qui a fait augmenter la moyenne nationale. L’Île-du-Prince-Édouard s’est classée au quatrième rang des provinces. Je félicite donc aussi le Québec.

Honorables sénateurs, j’espère que vous vous joindrez à moi pour féliciter les élèves et les enseignants de ces améliorations constantes, qui nous laissent entrevoir le brillant avenir que nous souhaitons pour les jeunes.

Visiteurs à la tribune

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de Mme Keisha Campbell et de M. Stephen Hay. Ils sont les invités de l’honorable sénatrice Bernard.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

La Journée du Parcours vers la liberté

L’honorable Thanh Hai Ngo : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui au sujet de la Journée du Parcours vers la liberté, que nous avons soulignée hier, le 30 avril. Cette journée de commémoration nationale rappelle le périlleux voyage entrepris par d’innombrables réfugiés vietnamiens pour échapper à l’oppression communiste après la chute de Saïgon, le 30 avril 1975. À l’époque, des centaines de milliers de personnes en quête de liberté ont pris la mer, bravant les tempêtes et s’exposant à des attaques de pirates et à la famine.

Selon le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, près de 250 000 personnes ont péri en mer et plus de 300 000 autres, qui n’ont pas pu fuir, ont été envoyées dans des camps de rééducation communistes. Toutefois, le Canada a été le premier pays à conduire le monde de l’indifférence à la commisération en accueillant à bras ouverts plus de 60 000 réfugiés dans le cadre d’un programme de parrainage privé. Les citoyens canadiens d’origine vietnamienne se sont établis au Canada grâce à cette générosité.

Depuis notre arrivée sur les côtes du Canada, nous avons adopté le drapeau vietnamien jaune à rayures rouges de la liberté et du patrimoine comme celui qui incarne l’histoire et la valeur de la liberté et de la démocratie. À l’occasion de la Journée du Parcours vers la liberté, ce puissant symbole a été hissé, ces derniers jours à l’Assemblée législative de la Colombie-Britannique, à Victoria, à l’Assemblée législative de l’Alberta, à Edmonton, à l’Assemblée législative de l’Ontario, à l’hôtel de ville de Toronto, à Sherbrooke et à Montréal, et, enfin, hier, ici, sur la Colline du Parlement.

[Français]

C’était un véritable honneur de joindre les communautés vietnamo-canadiennes de partout au pays pour souligner la Journée du Parcours vers la liberté. C’est, en effet, une occasion qui témoigne du succès de la communauté vietnamienne au Canada depuis ses débuts modernes et qui prête hommage à la tradition humanitaire des Canadiens.

[Traduction]

À mesure que cette journée de commémoration prend de l’importance, je souhaite remercier tous les Canadiens, ainsi que les administrations municipales et les gouvernements provinciaux et fédéral, de rendre hommage à cet important patrimoine commun partout au Canada.

Visiteurs à la tribune

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de Reza Banai, Avideh Motmaen-Far, Shahla Ghafouri, Fatemeh Mansourifar, Shahram Namvarazad, Sophia Namvarazad et Sam Khosravifard. Ils sont les invités de l’honorable sénatrice Frum.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

Son Altesse l’Aga Khan

L’honorable Salma Ataullahjan : Honorables sénateurs, cette semaine, le Canada a le grand privilège d’accueillir Son Altesse l’Aga Khan dans notre pays. Nous félicitons Son Altesse à l’occasion spéciale de son jubilé de diamant, c’est-à-dire de ses 60 ans à titre de chef spirituel de la communauté musulmane chiite ismaélienne du Canada et du monde entier.

Son Altesse entretient depuis longtemps des liens d’amitié avec le Canada. La relation entre l’imamat et le Canada dure depuis des dizaines d’années et est fondée sur des valeurs solides partagées qui nous lient, notamment le pluralisme, la justice, la compassion pour ceux qui sont moins fortunés et le dévouement envers autrui.

D’ailleurs, Son Altesse a reçu la citoyenneté canadienne à titre honorifique en reconnaissance de sa vie de dévouement remarquable au bien-être des citoyens du monde.

Aujourd’hui, nous remercions Son Altesse d’être aux côtés du Canada pour créer un monde plus juste et plus compatissant.


[Français]

AFFAIRES COURANTES

Le directeur parlementaire du budget

Le Plan des dépenses du gouvernement et le Budget principal des dépenses pour 2018-2019—Dépôt du rapport

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport du Bureau du directeur parlementaire du budget intitulé Le Plan des dépenses du gouvernement et le Budget principal des dépenses pour 2018-2019, conformément à la Loi sur le Parlement du Canada, L.R.C. 1985, ch. P-1, par. 79.2(2).

[Traduction]

Projet de loi sur le cannabis

Projet de loi modificatif—Dépôt du seizième rapport du Comité de la sécurité nationale et de la défense sur la teneur du projet de loi

L’honorable Gwen Boniface : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le seizième rapport du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense, qui porte sur la teneur du projet de loi C-45, Loi concernant le cannabis et modifiant la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, le Code criminel et d’autres lois, quant aux aspects qui concernent les frontières du Canada.

(1430)

Modernisation du Sénat

Dépôt du douzième rapport du comité spécial

L’honorable Stephen Greene : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le douzième rapport (intérimaire) du Comité sénatorial spécial sur la modernisation du Sénat intitulé La modernisation du Sénat : Aller de l’avant - partie II.

Projet de loi sur le cannabis

Projet de loi modificatif—Dépôt du onzième rapport du Comité des peuples autochtones sur la teneur du projet de loi

L’honorable Lillian Eva Dyck : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le onzième rapport du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones, qui porte sur la teneur du projet de loi C-45, Loi concernant le cannabis et modifiant la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, le Code criminel et d’autres lois, dans la mesure où il concerne les peuples autochtones du Canada.

(Sur la motion de la sénatrice Dyck, l’étude du rapport est inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance.)

Les travaux du Sénat

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, conformément à la motion adoptée par le Sénat le jeudi 26 avril 2018, la période des questions aura lieu à 15 h 30.


ORDRE DU JOUR

La Loi sur le tabac
La Loi sur la santé des non-fumeurs

Projet de loi modificatif—Message des Communes—Amendements

Son Honneur le Président annonce qu’il a reçu de la Chambre des communes le projet de loi S-5, Loi modifiant la Loi sur le tabac, la Loi sur la santé des non-fumeurs et d’autres lois en conséquence, accompagné d’un message informant le Sénat qu’elle a adopté ce projet de loi avec les amendements ci-après, qu’elle prie le Sénat d’accepter :

1.Article 18, pages 12 et 13 : remplacer le passage commençant à la ligne 37, page 12, et se terminant à la ligne 7, page 13 par ce qui suit :

« de vapotage qui, selon le cas :

a) contient une drogue figurant sur la liste des drogues sur ordonnance, avec ses modifications successives, établie en vertu du paragraphe 29.1(1) de la Loi sur les aliments et drogues ou faisant partie d’une catégorie de drogues figurant sur cette liste et est visé par une autorisation qui en permet la vente, délivrée sous le régime de cette loi;

b) contient une substance désignée, au sens du paragraphe 2(1) de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, dont la vente ou la fourniture sont autorisées sous le régime de cette loi. ».

2.Article 20, page 13 : remplacer la ligne 33 par ce qui suit :

« le produit et l’emballage, en la forme et selon les modalités réglemen- ».

3.Article 22, page 15 : remplacer la ligne 26 par ce qui suit :

« leurs émissions qui doit figurer sur les produits du tabac et sur l’emballage de ces ».

4.Article 32, page 19 : ajouter, après la ligne 8, ce qui suit :

« 23.3 Il est interdit de faire la promotion d’un dispositif qui est un produit du tabac ou d’une pièce qui peut être utilisée avec ce dispositif, qu’ils contiennent ou non du tabac, ou de les vendre s’il existe des motifs raisonnables de croire que leur forme, leur apparence ou une autre de leurs propriétés sensorielles ou encore une fonction dont ils sont dotés pourraient les rendre attrayants pour les jeunes. ».

5.Article 36, page 21 :

a)supprimer les lignes 25 à 33;

b)apporter les changements de désignation numérique et de présentation des renvois qui en découlent.

6.Article 44, pages 28 et 29 :

a)à la page 28, supprimer les lignes 27 à 29;

b)aux pages 28 et 29, apporter les changements de désignation des alinéas f.01), f.1), f.2) et f.3), en tant qu’alinéas f), e.1), e.2) et e.3), respectivement;

c)à la page 29, remplacer la ligne 11 par ce qui suit :

« jonction, après l’alinéa e), de ce qui suit : »;

d)à la page 29, par substitution, à la ligne 25 de ce qui suit :

« (6) L’alinéa 33e.2) de la même loi est remplacé par ».

7.Article 52, page 36 : remplacer les lignes 8 à 20 par ce qui suit :

« 52 L’article 42.1 de la même loi est abrogé. ».

8.Article 53, page 36 :

a)remplacer la ligne 22 par ce qui suit :

« avant la partie VI, de ce qui suit : »;

b)remplacer la ligne 27 par ce qui suit :

« aliments et drogues ou qui contiennent une substance désignée au sens du paragraphe 2(1) de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, ou à l’égard de certains de ces pro- »;

c)remplacer la ligne 32 par ce qui suit :

« vrée sous le régime de la Loi sur les aliments et drogues ou en fonction du type de licence, de permis, d’autorisation ou d’exemption accordé sous le régime de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances. ».

9.Article 61, page 40 : remplacer la ligne 18 par ce qui suit :

« (2), aux articles 25, 27, 30.1 ou 30.2, aux paragraphes ».

10.Article 63, page 40 :

a)remplacer la ligne 37 par ce qui suit :

« 23(1) ou (2), 23.1(1) ou (2) ou 23.2(1) ou (2), à l’article 23.3, aux paragraphes 24(1) ou (2), »;

b)remplacer la ligne 38 par ce qui suit :

« aux articles 25, 27, 30.1 ou 30.2, aux paragraphes ».

11.Article 68, pages 42 et 43 :

a)à la page 42, remplacer la ligne 28 par ce qui suit :

« de l’article 1.2, des mots « Les produits du tabac, sauf ceux fabriqués ou vendus en vue de leur exportation »; »;

b)à la page 43, remplacer la ligne 2 par ce qui suit :

« de l’article 9.1, des mots « Les produits du tabac, sauf ceux fabriqués ou vendus en vue de leur exportation ».

(4) L’annexe de la même loi est modifiée par remplacement du passage des articles 1 à 13 à la colonne 2 par ce qui suit :

Article
Colonne 2
Produit du tabac
1

Sauf s’ils sont fabriqués ou vendus en vue de leur exportation : (1) les cigarettes(2) les cigares qui sont munis d’une cape non apposée en hélice, les cigares avec papier de manchette et les petits cigares(3) les feuilles d’enveloppe
1.1

Les cigares qui sont munis d’une cape apposée en hélice et pèsent plus de 1,4 g mais au plus 6 g, sans le poids des embouts, sauf ceux visés à l’article 1 et ceux fabriqués ou vendus en vue de leur exportation
2

Sauf s’ils sont fabriqués ou vendus en vue de leur exportation : (1) les cigarettes(2) les petits cigares(3) tous les autres cigares, sauf ceux qui pèsent plus de 6 g, sans le poids des embouts, sont munis d’une cape apposée en hélice et n’ont pas de papier de manchette(4) les feuilles d’enveloppe
3

Sauf s’ils sont fabriqués ou vendus en vue de leur exportation :(1) les cigarettes(2) les petits cigares(3) tous les autres cigares, sauf ceux qui pèsent plus de 6 g, sans le poids des embouts, sont munis d’une cape apposée en hélice et n’ont pas de papier de manchette(4) les feuilles d’enveloppe
4

Les cigarettes, sauf celles fabriquées ou vendues en vue de leur exportation
4.1

Les feuilles d’enveloppe, sauf celles fabriquées ou vendues en vue de leur exportation
4.2

Les cigares, sauf les suivants :(1) les petits cigares(2) les cigares avec papier de manchette(3) les cigares qui pèsent plus de 6 g, sans le poids des embouts, sont munis d’une cape apposée en hélice et n’ont pas de papier de manchette(4) les cigares qui sont fabriqués ou vendus en vue de leur exportation
4.3

Les petits cigares, sauf ceux fabriqués ou vendus en vue de leur exportation
4.4

Les cigares avec papier de manchette, sauf ceux fabriqués ou vendus en vue de leur exportation et les petits cigares
5

Sauf s’ils sont fabriqués ou vendus en vue de leur exportation : (1) les cigarettes(2) les petits cigares(3) tous les autres cigares, sauf ceux qui pèsent plus de 6 g, sans le poids des embouts, sont munis d’une cape apposée en hélice et n’ont pas de papier de manchette(4) les feuilles d’enveloppe
6

Sauf s’ils sont fabriqués ou vendus en vue de leur exportation :(1) les cigarettes(2) les petits cigares(3) tous les autres cigares, sauf ceux qui pèsent plus de 6 g, sans le poids des embouts, sont munis d’une cape apposée en hélice et n’ont pas de papier de manchette(4) les feuilles d’enveloppe
7

Sauf s’ils sont fabriqués ou vendus en vue de leur exportation :(1) les cigarettes(2) les petits cigares(3) tous les autres cigares, sauf ceux qui pèsent plus de 6 g, sans le poids des embouts, sont munis d’une cape apposée en hélice et n’ont pas de papier de manchette(4) les feuilles d’enveloppe
8

Sauf s’ils sont fabriqués ou vendus en vue de leur exportation :(1) les cigarettes(2) les petits cigares(3) tous les autres cigares, sauf ceux qui pèsent plus de 6 g, sans le poids des embouts, sont munis d’une cape apposée en hélice et n’ont pas de papier de manchette(4) les feuilles d’enveloppe
9

Sauf s’ils sont fabriqués ou vendus en vue de leur exportation :(1) les cigarettes(2) les petits cigares(3) tous les autres cigares, sauf ceux qui pèsent plus de 6 g, sans le poids des embouts, sont munis d’une cape apposée en hélice et n’ont pas de papier de manchette(4) les feuilles d’enveloppe
10

Sauf s’ils sont fabriqués ou vendus en vue de leur exportation :(1) les cigarettes(2) les petits cigares(3) tous les autres cigares, sauf ceux qui pèsent plus de 6 g, sans le poids des embouts, sont munis d’une cape apposée en hélice et n’ont pas de papier de manchette(4) les feuilles d’enveloppe
11

Sauf s’ils sont fabriqués ou vendus en vue de leur exportation :(1) les cigarettes(2) les petits cigares(3) tous les autres cigares, sauf ceux qui pèsent plus de 6 g, sans le poids des embouts, sont munis d’une cape apposée en hélice et n’ont pas de papier de manchette(4) les feuilles d’enveloppe
12

Sauf s’ils sont fabriqués ou vendus en vue de leur exportation :(1) les cigarettes(2) les petits cigares(3) tous les autres cigares, sauf ceux qui pèsent plus de 6 g, sans le poids des embouts, sont munis d’une cape apposée en hélice et n’ont pas de papier de manchette(4) les feuilles d’enveloppe
13

Sauf s’ils sont fabriqués ou vendus en vue de leur exportation :(1) les cigarettes(2) les petits cigares(3) tous les autres cigares, sauf ceux qui pèsent plus de 6 g, sans le poids des embouts, sont munis d’une cape apposée en hélice et n’ont pas de papier de manchette(4) les feuilles d’enveloppe

 ».

12.Article 75, page 44 :

a)remplacer la ligne 17 par ce qui suit :

« 75 (1) Le paragraphe 4(2) de la Loi canadienne sur »;

b)à la page 44, ajouter, après la ligne 28, ce qui suit :

« (2) L’article 4 de la même loi est modifié par adjonction, après le paragraphe (3), de ce qui suit :

(4) Le Règlement sur les produits chimiques et contenants de consommation (2001) ne s’applique à l’égard des produits de vapotage visés aux alinéas a) à c) de la définition de ce terme, à l’article 2 de la Loi sur le tabac et les produits de vapotage, que s’il est modifié pour le prévoir expressément.

(3) Le paragraphe 4(4) de la même loi est abrogé. ».

13.Nouvel article 79.1, page 47 : ajouter, après la ligne 14, ce qui suit :

« 79.1 En cas de sanction du projet de loi C-45, déposé au cours de la 1re session de la 42e législature et intitulé Loi concernant le cannabis et modifiant la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, le Code criminel et d’autres lois, dès le premier jour où le paragraphe 204(1) de cette loi et l’article 3 de la présente loi sont tous deux en vigueur :

a) la définition de accessoire, à l’article 2 de la Loi sur le tabac et les produits de vapotage, est remplacée par ce qui suit :

accessoire Produit qui peut être utilisé pour la consommation d’un produit du tabac, notamment une pipe, un fume-cigarette, un coupe-cigare, des allumettes ou un briquet. La présente définition vise également la pipe à eau, mais ne vise pas les accessoires au sens du paragraphe 2(1) de la Loi sur le cannabis. (accessory)

b) le passage de la définition de produit de vapotage suivant l’alinéa d), à l’article 2 de la même loi, est remplacé par ce qui suit :

Ne sont toutefois pas des produits de vapotage les dispositifs et substances ou mélanges de substances exclus par règlement, le cannabis, au sens du paragraphe 2(1) de la Loi sur le cannabis, les accessoires, au sens de ce paragraphe, et les produits du tabac et leurs accessoires. (vaping product) ».

14.Article 80, pages 47 et 48 :

a)à la page 47, remplacer les lignes 26 et 27 par ce qui suit :

« 32, 37, 38 et 40, les paragraphes 44(2) et (5), les articles 56, 62 et 63, les paragraphes 68(1) à (3) et les articles 69 et 70 entrent en vigueur le »;

b)à la page 48, ajouter, après la ligne 11, ce qui suit :

« (8) Le paragraphe 75(3) entre en vigueur à la date fixée par décret. ».

15.Annexe, page 51 :

a)remplacer le passage des articles 1 à 9, à la colonne 2 de l’annexe 2 par ce qui suit :

«

Article
Colonne 2
Produit de vapotage
1

Substances de vapotage, sauf celles sur ordonnance et celles fabriquées ou vendues en vue de leur exportation
2

Substances de vapotage, sauf celles sur ordonnance et celles fabriquées ou vendues en vue de leur exportation
3

Substances de vapotage, sauf celles sur ordonnance et celles fabriquées ou vendues en vue de leur exportation
4

Substances de vapotage, sauf celles sur ordonnance et celles fabriquées ou vendues en vue de leur exportation
5

Substances de vapotage, sauf celles sur ordonnance et celles fabriquées ou vendues en vue de leur exportation
6

Substances de vapotage, sauf celles sur ordonnance et celles fabriquées ou vendues en vue de leur exportation
7

Substances de vapotage, sauf celles sur ordonnance et celles fabriquées ou vendues en vue de leur exportation
8

Substances de vapotage, sauf celles sur ordonnance et celles fabriquées ou vendues en vue de leur exportation
9

Substances de vapotage, sauf celles sur ordonnance et celles fabriquées ou vendues en vue de leur exportation

»;

b)remplacer le passage des articles 1 à 5, à la colonne 2 de l’annexe 3 par ce qui suit :

«

Article
Colonne 2
Produit de vapotage
1

Produits de vapotage, sauf ceux sur ordonnance et ceux fabriqués ou vendus en vue de leur exportation
2

Produits de vapotage, sauf ceux sur ordonnance et ceux fabriqués ou vendus en vue de leur exportation
3

Produits de vapotage, sauf ceux fabriqués ou vendus en vue de leur exportation
4

Produits de vapotage, sauf ceux fabriqués ou vendus en vue de leur exportation
5

Produits de vapotage, sauf ceux fabriqués ou vendus en vue de leur exportation

».

ATTESTÉ

Le Greffier de la Chambre

Charles Robert

(1440)

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand étudierons-nous les amendements?

(Sur la motion du sénateur Harder, l’étude des amendements est inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance.)

[Français]

Les travaux du Sénat

L’honorable Diane Bellemare (coordonnatrice législative du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, conformément à l’article 4-13(3) du Règlement, j’informe le Sénat que, lorsque nous passerons aux affaires du gouvernement, le Sénat abordera les travaux dans l’ordre suivant : la deuxième lecture du projet de loi C-55, suivie de tous les autres points dans l’ordre où ils figurent au Feuilleton.

[Traduction]

La Loi sur les océans
La Loi fédérale sur les hydrocarbures

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Ajournement du débat

L’honorable Patricia Bovey propose que le projet de loi C-55, Loi modifiant la Loi sur les océans et la Loi fédérale sur les hydrocarbures, soit lu pour la deuxième fois.

— Honorables sénateurs, le projet de loi C-55, Loi modifiant la Loi sur les océans et la Loi fédérale sur les hydrocarbures, nous arrive de l’autre endroit et j’ai l’honneur de le parrainer au Sénat.

Je vais présenter le projet de loi en suivant le sage exemple de l’auteur Rudyard Kipling, qui avait l’habitude d’aborder un problème en posant six questions clés : quoi, où, pourquoi, quand, qui et comment?

Premièrement, de quoi s’agit-il? Essentiellement, le projet de loi C-55 vise à protéger l’une des plus grandes richesses du Canada, c’est-à-dire ses océans, en désignant des zones de protection marine pour assurer la conservation et la protection d’espaces marins en vue du maintien de l’intégrité écologique et en augmentant à 10 p. 100 la proportion d’aires marines et côtières protégées au Canada.

Deuxièmement, de quels endroits s’agit-il? Le projet de loi vise les trois océans qui bordent le pays, soit le Pacifique, l’Atlantique et l’Arctique. En 2010, le gouvernement précédent s’est engagé au nom du Canada à atteindre les objectifs de la Convention internationale sur la biodiversité et l’actuel gouvernement a pris le même engagement dans sa plateforme électorale.

Où en sommes-nous? À l’heure actuelle, 7,7 p. 100 des environnements côtiers et marins sont désignés zones de protection marine par les autorités fédérales ou provinciales et font l’objet de mesures de conservation effectives par zone. Il faut donc augmenter cette proportion de 2,3 p. 100 pour atteindre la cible de 10 p. 100.

Le projet de loi C-55 fait partie du plan visant à atteindre cete cible de 10 p. 100. Il est fondé sur les connaissances scientifiques et autochtones, sur la consultation et sur la collaboration.

Troisièmement, pourquoi? La principale question que le projet de loi C-55 vise à régler, c’est le temps qu’il faut pour désigner les zones de protection marine. À l’heure actuelle, il faut de 7 à 10 ans, et, pendant ce temps, la zone bénéficie d’une protection limitée ou ne bénéficie d’aucune protection.

Le projet de loi prévoit des mesures de protection provisoires tout en permettant la réalisation, en collaboration, des analyses écologiques, économiques, sociales et culturelles nécessaires, ainsi que des consultations auprès des intéressés.

En guise de contexte, je dois souligner que le littoral du Canada, qui est bordé par trois océans, est le plus long au monde, et que la zone océanique correspond à environ 70 p. 100 de la masse terrestre du Canada. Les trois océans contiennent des ressources qui appuient divers secteurs de notre économie, notamment le transport, l’aquaculture et les pêches, qui créent 346 000 emplois et qui ajoutent 36 milliards de dollars au PIB du Canada.

Nos océans sont des pièces du casse-tête planétaire. Ils sont essentiels sur le plan de la sécurité alimentaire, des changements climatiques et des soins médicaux et sont à la base d’activités culturelles et récréatives. Les océans sont absolument essentiels sur les plans économique, culturel et spirituel.

Le « pourquoi » met également en relief l’importance de la responsabilité qui nous incombe de gérer de façon durable nos ressources océaniques. Cela comprend la conservation des écosystèmes marins et la protection des zones où le poisson et les espèces marines se nourrissent, se reproduisent et croissent, en tenant compte des fluctuations attribuables aux changements climatiques. Protéger le cycle de vie des espèces marines et des écosystèmes océaniques productifs est essentiel pour conserver les emplois dans les secteurs connexes.

La quatrième question, c’est : « Quand? » Nous devons atteindre les objectifs d’ici 2020.

Cela m’amène à la cinquième question : « Qui? » Le projet de loi C-55 modifie la Loi sur les océans afin de la mettre à jour et de la moderniser pour qu’on continue d’en bénéficier à moyen et à long termes. Le projet de loi clarifie la responsabilité du ministre des Pêches et des Océans pour ce qui est d’établir un réseau national d’aires marines protégées. Il autorise le ministre à désigner des zones de protection marine par arrêté et à interdire, dans de telles zones, l’exercice de certaines activités. Il prévoit que, dans les cinq ans suivant la date d’entrée en vigueur de l’arrêté de désignation d’une zone de protection marine, le ministre est tenu soit de recommander au gouverneur en conseil la prise d’un règlement remplaçant l’arrêté, soit d’abroger l’arrêté.

Le projet de loi C-55 prévoit que le gouverneur en conseil et le ministre ne peuvent utiliser l’absence de certitude scientifique concernant les risques que peut présenter l’exercice d’activités comme prétexte pour remettre à plus tard l’exercice des attributions qui leur sont conférées par les paragraphes 35(3) ou 35.‍1(2) ou ne pas exercer ces attributions. Il met à jour et renforce les pouvoirs des agents de l’autorité. Il met à jour les dispositions relatives aux infractions, particulièrement pour augmenter le montant des amendes et prévoir que les navires pourront être visés par ces dispositions. De plus, il crée de nouvelles infractions pour l’exercice d’activités interdites dans une zone de protection marine désignée par arrêté ou pour la contravention à certains ordres.

[Français]

La loi apporte aussi des modifications à la Loi fédérale sur les hydrocarbures afin, notamment, d’élargir les pouvoirs du gouverneur en conseil d’interdire aux titulaires d’entreprendre ou de poursuivre des activités dans les zones de protection marine désignées en vertu de la Loi sur les océans; d’autoriser le ministre compétent en vertu de la Loi fédérale sur les hydrocarbures à annuler des titres visant de telles zones ou des espaces maritimes qui pourraient être désignés comme tels; de prévoir un régime d’indemnisation pour les titulaires en cas d’annulation ou d’abandon de tels titres.

(1450)

[Traduction]

Ces modifications permettent au ministre d’interdire des activités d’exploration pétrolière et gazière autorisées, comme la prospection sismique, le forage ou les activités de production, à l’intérieur d’une aire marine protégée.

Essentiellement, le projet de loi propose de faire pour les zones océaniques ce que Parcs Canada fait sur terre à l’égard des aires désignées, une initiative appuyée et saluée par tous les Canadiens qui profitent de ces endroits. Les mesures prises par Parcs Canada et celles qui sont prévues pour les aires marines protégées ont des objectifs similaires. Les aires marines protégées servent à conserver et à protéger les aires marines afin d’en maintenir l’intégrité écologique, notamment en s’assurant que la structure, la composition et la fonction des écosystèmes ne sont pas perturbées par l’activité humaine, que les processus écologiques naturels sont intacts et autonomes, que les écosystèmes évoluent naturellement, et que la capacité d’autoregénération des écosystèmes et leur biodiversité sont maintenues.

Puisque j’ai vécu dans des provinces bordées par l’océan Pacifique et par l’océan Arctique et que j’ai visité toutes les provinces entourées par l’océan Atlantique, je suis certainement favorable à cet objectif.

Il faut donc se poser une question cruciale : comment allons-nous atteindre cet objectif? En résumé, les mesures provisoires de protection des aires marines permettront de protéger une aire donnée en prévoyant le gel de l’empreinte sur une période de cinq ans pendant laquelle on mènera des travaux de recherche et des consultations auprès des communautés et des secteurs concernés. C’est une mesure cruciale pour ceux qui gagnent leur vie en pêchant des mollusques, des crustacés, des poissons et d’autres organismes marins.

Selon les dispositions du projet de loi C-55, le ministre doit diriger et coordonner l’élaboration et la mise en œuvre d’un réseau national d’aires marines protégées et établir des objectifs clairs pour chaque aire marine protégée. Le ministre doit également s’assurer que ce réseau couvre divers types d’habitat, aires biogéographiques et milieux.

[Français]

Le ministre peut, par décret, désigner une zone de protection marine dans toute zone de la mer non désignée comme zone de protection marine, en vertu de l’alinéa 35(3)a). Cela doit être fait d’une manière qui n’est pas incompatible avec un accord sur les revendications territoriales qui est entré en vigueur ou a été ratifié ou approuvé par une loi du Parlement. Le ministre doit énumérer les catégories d’activités en cours, y compris celles qui ont été légalement effectuées au cours de l’année précédente, la date d’entrée en vigueur de l’ordonnance qui ne nécessite pas d’autorisation, ou celle autorisée en vertu de toutes les lois fédérales ou provinciales. Les activités interdites définies comme étant celles qui perturbent, endommagent, détruisent ou retirent de cette aire marine protégée toute caractéristique géologique ou archéologique unique, tout organisme marin vivant ou toute partie de son habitat sont présumées faire partie des objectifs liés au travail du comité.

En renforçant les pouvoirs d’exécution, les amendes et les pénalités subséquentes, le projet de loi C-55 rend la Loi sur les océans conforme aux autres lois environnementales du Canada. Premièrement, en ce qui concerne l’application de la présente loi et des règlements, le ministre a le droit, en vertu de la loi, de désigner des personnes ou des catégories de personnes à titre d’agents de l’autorité. La loi précise la capacité de l’agent d’exécution de visiter et d’inspecter tout endroit où il a des motifs raisonnables de croire que la loi ou les règlements s’appliquent, comme un livre, un registre, des données électroniques ou d’autres documents. L’agent d’exécution a le droit de saisir tout ce qui, à son avis, a été utilisé en contravention de la loi ou des règlements. Il peut également ordonner à un navire de se rendre n’importe où dans les eaux canadiennes ou de retenir des navires s’il a des motifs raisonnables de croire que le navire ou une personne à bord a commis ou est sur le point de commettre une infraction à la loi.

[Traduction]

Pour ce qui est des amendes et des pénalités, les détails relatifs à la solidarité lorsque Sa Majesté doit recouvrer des frais sont indiqués noir sur blanc :

Les personnes visées au paragraphe (1) sont solidairement responsables des frais visés à ce paragraphe.

Les infractions et peines sont elles aussi définies. Si une personne physique est déclarée coupable par mise en accusation, l’amende pour une première infraction est d’au moins 15 000 $ et d’au plus 1 million, alors qu’elle est d’au moins 30 000 $ et d’au plus 2 millions de dollars pour les infractions subséquentes. S’il s’agit, au contraire, d’une personne morale, la première infraction entraîne une amende d’au moins 500 000 $ et d’au plus 6 millions de dollars, tandis que les infractions subséquentes sont assorties d’une amende d’au moins 1 million et d’au plus 12 millions de dollars.

Dans le cas des navires, la peine varie en fonction de la taille du navire en cause, c’est-à-dire selon qu’ils jaugent plus ou moins de 7 500 tonnes.

L’argent tiré des amendes, des ordonnances et des paiements volontaires servira à financer des projets environnementaux. Il pourrait, par exemple, s’agir d’établissements d’enseignement qui offriraient des bourses aux étudiants dont les études sont liées à l’environnement.

La loi confirme donc que le Canada entend protéger adéquatement les ressources océaniques afin que les prochaines générations puissent en jouir elles aussi. Nous sommes extrêmement chanceux d’avoir autant de plans d’eau douce et de zones côtières qui contribuent directement à la diversité écologique et à la vigueur économique.

Le projet de loi C-55 propose donc de protéger, par arrêté ministériel, les zones du Canada particulièrement riches sur le plan biologique contre les nouvelles activités ou celles qui pourraient avoir lieu. Cette protection serait provisoire et durerait cinq ans, soit le temps de mener les analyses scientifiques et les consultations nécessaires auprès des partenaires. Ce n’est qu’après ces cinq années que la zone de protection marine serait créée. Dans l’intervalle, seules les activités déjà en cours seraient autorisées. Il y aura donc gel de l’empreinte , ce qui empêchera que de nouvelles activités ne viennent poursuivre la dégradation.

L’absence de certitude scientifique ne pourra plus servir de prétexte pour remettre des décisions à plus tard lorsqu’il y a un risque de dommages graves ou irréversibles.

Le processus consultatif repose sur les trois principes fondamentaux qui guident le travail de conservation des milieux marins effectué par le ministère : la prise de décisions fondées sur la science, la transparence et la réconciliation avec les peuples autochtones. Par conséquent, les données scientifiques évaluées par des pairs, le savoir traditionnel des Autochtones et les renseignements transmis par l’industrie de la pêche et les collectivités locales sont tous des piliers incontournables.

Le ministère a pris l’engagement suivant :

En appliquant le principe de la prévention en plus de favoriser la collecte d’information et la consultation auprès de nos partenaires, on pourra créer les zones de protection marine nécessaires pour protéger les importants paysages et ressources océaniques tout en se fondant sur des données scientifiques et des consultations.

On a entendu les demandes de normes de conservation plus strictes lors des audiences des comités de l’autre endroit, et ces dispositions ont été incluses pour mettre en place des mesures de protection efficaces.

De plus, le ministre a annoncé qu’un groupe consultatif national sera mis sur pied pour formuler des conseils pour l’avenir tout en tenant compte de la vision du monde et des approches des Autochtones en matière de conservation des milieux marins. Le concept d’aires protégées et de conservation autochtones, qui est en évolution constante, va de pair avec les pratiques exemplaires internationales, les conseils d’experts et la prise en compte des particularités régionales.

(1500)

Le comité de l’autre endroit a tenu 9 réunions, reçu 13 mémoires et entendu 36 témoins. Il a apporté des amendements au projet de loi en réponse à certains des problèmes soulevés. Quelques pêcheurs et groupes autochtones ont abordé la question de l’équité économique. Certains ont dit craindre que les nouveaux pouvoirs proposés ne privent les détenteurs de droits et d’autres de leur accès aux ressources marines comme source de nourriture et moyen de subsistance. Le ministre a insisté sur le fait que ces changements ne visent pas à fermer la porte à ces importantes sources d’activités économiques, mais plutôt à assurer la viabilité à long terme et la durabilité de l’économie.

Nous avons déjà accepté de discuter ouvertement de cogestion avec nos partenaires autochtones, y compris les communautés inuites.

Chers collègues, j’attends avec impatience le débat aux étapes de la deuxième lecture, de l’étude en comité et de la troisième lecture. Le comité sénatorial qui étudiera le projet de loi devrait évaluer s’il établit un équilibre approprié et efficace entre la protection des zones désignées et l’activité économique.

J’appuie l’engagement du gouvernement à protéger les océans et leurs importantes ressources économiques, à favoriser la réconciliation et à établir un dialogue de nation à nation. Ces écosystèmes sont fragiles. Nos océans sont vastes : ils couvrent 70 p. 100 de la masse terrestre du Canada. Nous devons absolument assumer nos responsabilités en matière de gérance pour le présent et pour l’avenir, ainsi que pour tous les Canadiens, surtout les collectivités côtières du pays dont la survie économique est liée au maintien d’écosystèmes sains et durables.

J’espère que le projet de loi C-55 jouira de l’appui des sénateurs.

L’honorable David M. Wells : L’honorable sénatrice Bovey accepterait-elle de répondre à une question?

La sénatrice Bovey : Oui.

Le sénateur Wells : Sénatrice Bovey, je vous remercie de votre intervention et de votre appui au projet de loi C-55. Dans le secteur pétrolier, ce sont l’Office Canada-Terre-Neuve-et-Labrador des hydrocarbures extracôtiers et l’Office Canada-Nouvelle-Écosse des hydrocarbures extracôtiers qui réglementent les activités dans les zones extracôtières de ces provinces.

Le projet de loi C-55 pourrait-il avoir un quelconque effet sur d’autres lois fédérales en vigueur, comme les lois sur la mise en œuvre des accords? Le projet de loi C-55 pourrait-il avoir un effet sur ce qui existe déjà en vertu des lois fédérales?

La sénatrice Bovey : Comme je l’ai dit, cette loi modifie effectivement la Loi fédérale sur les hydrocarbures. Elle permet aux programmes, aux travaux en cours ainsi qu’aux activités autorisées au titre d’une licence de se poursuivre.

J’espère obtenir une réponse du ministre à ce sujet pour pouvoir expliquer dans le détail où on en est, à ce stade, à Terre-Neuve.

Le sénateur Wells : J’ai une autre question à vous poser sénatrice Bovey, si vous êtes d’accord.

Je sais que, en vertu de cette mesure législative, le ministre des Pêches, des Océans et de la Garde côtière canadienne aurait le pouvoir de désigner des zones de protection marine, de décider de révoquer les licences selon son bon plaisir ou de retirer les permissions accordées dans ces zones et de prévoir unilatéralement toute indemnité.

Vous dites que les licences en vigueur seraient maintenues, alors que le projet de loi C-55 donne précisément le droit au ministre de les révoquer. Pourriez-vous vous expliquer? Pour conclure ma question, je dirais, comme vous le savez, que cela nuirait considérablement à l’exploitation pétrolière et gazière au large des côtes de Terre-Neuve-et-Labrador, en particulier aux détenteurs actuels de licence et à tout détenteur potentiel de licence.

La sénatrice Bovey : Je crois comprendre que les activités menées l’année d’avant et autorisées en vertu d’une licence peuvent se poursuivre pendant cette période de cinq ans. L’objectif est de geler l’empreinte pour que l’on cesse les activités dans d’autres aires. Il s’agit de permettre la recherche scientifique et la consultation de la collectivité et du secteur. C’est pour éviter que des activités soient entreprises dans d’autres zones qui soulèvent l’intérêt.

Je me corrigerai volontiers si je me trompe, mais, d’après ce que je comprends, en ce qui concerne les licences, si des travaux ont été effectués au cours de la dernière année, ils pourront se poursuivre.

Le sénateur Wells : Merci, sénatrice Bovey. La réponse ne vous vient peut-être pas rapidement, comme ça, mais pourriez-vous vous renseigner pour une séance ultérieure? Imposer un gel des nouveaux travaux pendant cinq ans? Ce n’est pas rien. Je sais que de nombreuses entreprises ont des licences d’exploration en haute mer. Elles ne font pas de forage, mais elles détiennent des droits et ont payé des centaines de millions de dollars pour avoir le droit d’effectuer des levés sismiques, de forer des puits de reconnaissance et, elles l’espèrent, d’exploiter leurs découvertes pétrochimiques. Un gel de ces activités serait très grave pour Terre-Neuve-et-Labrador.

La sénatrice Bovey : D’après ce que je comprends, les détenteurs de licences pourront poursuivre leurs activités.

L’honorable Dennis Glen Patterson : J’aimerais poser une question à la sénatrice Bovey.

La sénatrice Bovey : Allez-y.

Le sénateur Patterson : Sénatrice, je vous remercie de votre discours. Le gouvernement actuel a annoncé unilatéralement un moratoire sur l’exploration pétrolière et gazière dans l’Arctique ainsi que sur l’exploitation dans l’océan Arctique sans la moindre consultation auprès des détenteurs de droits autochtones ou des gouvernements territoriaux.

J’aimerais savoir si le projet de loi C-55 oblige le ministre à consulter les détenteurs de droits autochtones et les gouvernements des territoires limitrophes au préalable avant d’exercer son pouvoir d’ordonner la création d’aires marines de conservation.

La sénatrice Bovey : D’après ce que je comprends, les détenteurs de droits et les régions seront consultées pendant les cinq années de protection provisoire, plutôt que pendant la période actuelle de sept à dix ans. Le ministre sera tenu de déclarer l’aire marine protégée dans les cinq années suivant la désignation provisoire, sans quoi il devra annuler cette dernière. Cette période de protection provisoire de cinq ans servira à recueillir des données scientifiques ainsi qu’à consulter les Autochtones et les détenteurs de droits.

Le sénateur Patterson : Si j’ai bien compris votre réponse, sénatrice Bovey, malgré l’intention annoncée du gouvernement de respecter les détenteurs de droits et de chercher la réconciliation avec les peuples autochtones, la protection provisoire peut être imposée sans consultation?

La sénatrice Bovey : Le ministre a affirmé qu’il mettra sur pied un comité consultatif spécial qui sera chargé de déterminer où ces zones devraient se trouver, et je crois comprendre que des consultations sont déjà prévues à ce sujet. Encore une fois, je serai heureuse d’obtenir des précisions et de vous les communiquer.

L’honorable Thomas J. McInnis : Sénatrice Bovey, je veux m’excuser. Je participais à une autre réunion et j’ai raté votre discours. Je suis certain qu’il était excellent.

Ce qui m’inquiète — et peut-être que vous pourrez m’éclairer à ce sujet —, c’est que le ministre pourra accorder et retirer son statut à une zone de protection marine. La politique qui a été prévue est qu’il s’agira de zones d’intérêt et que la durée sera de cinq à neuf ans. Le ministre a jugé que c’était un peu trop long et que des activités pourraient avoir lieu.

Cependant, d’après ce que j’ai compris du projet de loi — je ne l’ai parcouru que très brièvement —, il y a une période de deux ans pendant laquelle la zone peut être désignée; elle peut devenir une zone d’intérêt ou être déclarée zone de protection marine, mais aucune nouvelle activité ne peut y être entreprise et rien n’empêche les activités qui y sont déjà menées de se poursuivre. Ce serait, toutefois, après un examen effectué sur une période de deux ans, est-ce exact?

(1510)

Je pose la question parce qu’il y en a une à l’heure actuelle au large de la Nouvelle-Écosse, autour de ce qu’on appelle la baie des Îles, un archipel d’une grande beauté. Ils veulent une étendue d’eau de 2 000 kilomètres carrés à partir de la partie continentale de la province et regroupant toutes ces îles. Les pêcheurs sont nombreux à s’inquiéter.

Y a-t-il donc une période de deux ans avant que les activités soient vraiment interdites?

La sénatrice Bovey : Au moment de la désignation, les activités doivent cesser, sauf dans le cas des activités qui étaient exercées pendant l’année précédente ou qui sont autorisées par un permis. La baignade et les activités récréatives peuvent continuer pendant cette période. Le ministre a cinq ans pour déclarer que la désignation restera officiellement ou que la zone cessera d’être une zone de protection marine provisoire.

Si je comprends bien, d’après les discussions qui ont été tenues au comité de l’autre endroit, les pêcheurs ont réagi très favorablement à cette mesure pour ce qui est d’essayer de voir à ce que les zones en question restent propices à la vie des poissons, c’est-à-dire à leur alimentation, leur reproduction et leur croissance. Il s’agit de veiller à ce que ces zones de pêche puissent demeurer et être économiquement viables pour les collectivités côtières, de protéger les espèces sauvages et de concilier l’activité économique avec les besoins de ces espèces.

En ce qui concerne les zones, j’aurais dû le mentionner, 7,7 p. 100 sur 10 p. 100 ont déjà été désignées dans certaines régions. Ainsi, une ancienne région volcanique près de Haida Gwaii a été désignée en 2006 ou en 2008, je pense. Il y a quelque temps, une zone d’une grande biodiversité qui abrite différentes espèces de plantes aquatiques rares a été désignée dans la mer de Beaufort.

À mon avis, le ministre souhaite vraiment examiner les données scientifiques et évaluer le caractère rare et unique de ces milieux. Comment peut-on préserver ces milieux pour pouvoir continuer d’en tirer des avantages économiques?

D’après ce que je peux comprendre des discussions tenues à l’autre endroit, en tout respect, je pense que les pêcheurs ont été très compréhensifs à cet égard. Il s’agit vraiment de tenter d’atteindre un équilibre entre deux milieux : le milieu naturel et le milieu économique.

(Sur la motion du sénateur Plett, le débat est ajourné.)

Projet de loi sur les sanctions non liées au nucléaire contre l’Iran

Troisième lecture—Débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Tkachuk, appuyée par l’honorable sénateur Carignan, C.P., tendant à la troisième lecture du projet de loi S-219, Loi visant à dissuader l’Iran de parrainer des actes constituant du terrorisme, de l’incitation à la haine et des violations des droits de la personne.

L’honorable Dennis Glen Patterson : Honorables sénateurs, j’interviens aujourd’hui, pendant la Semaine de la responsabilisation de l’Iran, pour appuyer le projet de loi S-219, Loi visant à dissuader l’Iran de parrainer des actes constituant du terrorisme, de l’incitation à la haine et des violations des droits de la personne.

Honorables sénateurs, ce projet de loi a été présenté à l’autre endroit pour mettre en place des paramètres visant à orienter les efforts déployés par le Canada pour renouer le dialogue avec le gouvernement de l’Iran et pour lui faire bien comprendre ce qu’il doit faire pour resserrer ses liens avec le Canada.

Certains d’entre vous se demandent peut-être pourquoi c’est nécessaire. C’est nécessaire parce que le régime iranien continue de parrainer le terrorisme, d’inciter à la haine — en particulier contre l’État d’Israël, la seule démocratie libérale au Moyen-Orient — et de violer systématiquement les droits fondamentaux de la personne en Iran.

Les opposants au projet de loi pensent que l’on peut finir par faire entendre raison au régime iranien. Ils pensent que, en nouant le dialogue avec l’Iran, nous allons habiliter les forces démocratiques de ce pays. Dans la même veine, ils font valoir que le gouvernement du Canada devrait librement reprendre contact avec le gouvernement de l’Iran et qu’il devrait rétablir des liens diplomatiques et économiques normaux, de façon à encourager le régime iranien à changer ses politiques.

En adoptant cette approche, je pense qu’on se trompe complètement sur la nature et le caractère du régime iranien, qui est, en fait, depuis plus de trois décennies, une dictature théocratique.

Honorables sénateurs, l’idéologie du régime et des religieux qui gouvernent n’a pas fondamentalement changé depuis plus de 30 ans. On peut tous espérer qu’une révolution de la base renverse le régime actuel, mais je crois qu’on se trompe en pensant que le régime actuel peut être réformé grâce à un dialogue plus soutenu.

Même s’il pouvait l’être, cela prendrait 35 ans, comme l’a laissé entendre M. George Lopez, qui a témoigné devant le comité. À quoi pourrait ressembler cette réforme? Nous en avons eu une idée en décembre dernier, lorsque le régime a décidé de réprimer les manifestants, en dépit des invitations au dialogue du Canada.

Comme l’a fait remarquer le sénateur Wells dans le discours qu’il a prononcé sur ce projet de loi le 5 décembre 2017, les représentants officiels du gouvernement Trudeau avaient pris contact avec l’Iran un peu avant la répression de décembre. Ils s’étaient rendus en Iran en mai dernier pour tenir des pourparlers avec des homologues iraniens. En septembre 2017, la ministre des Affaires étrangères, Chrystia Freeland, a rencontré son homologue iranien à l’ONU. Des représentants canadiens ont de nouveau rencontré des homologues iraniens en novembre dernier. Ici même, le sénateur Harder a admis que le Canada avait noué un dialogue avec l’Iran.

Que nous a apporté à ce jour la politique de dialogue du gouvernement?

Eh bien, elle nous a apporté une répression impitoyable contre des manifestants iraniens en décembre, et notamment l’emprisonnement de femmes qui manifestaient contre le port du hidjab, le décès hautement suspect, dans une tristement célèbre prison iranienne, de l’Irano-Canadien Kavous Seyed-Emami et la détention de son épouse, sans compter les 20 morts et 3 000 arrestations survenues lors de l’opération de répression des manifestants.

Et comment le Canada a-t-il réagi? La ministre Freeland a déclaré ceci : « Un Canadien est décédé. » Elle a, par la suite, publié un gazouillis dans lequel elle exprimait son indignation à l’idée qu’on ait empêché la veuve de M. Seyed-Emami de quitter l’Iran et exigeait qu’on l’autorise à quitter le pays. Le premier ministre a aussi publié un message semblable.

Ce sont de belles paroles, honorables sénateurs, mais quelles mesures concrètes ont été prises? Le premier ministre et la ministre ont-ils dénoncé catégoriquement l’Iran et la Garde révolutionnaire islamique pour avoir emprisonné et tué un citoyen canadien? Non. Pour éviter d’offenser ceux qui ont causé sa mort, ils se sont contentés de dire : « Un Canadien est décédé. » Ils ont ensuite laissé au régime iranien le soin de faire la lumière, pour nous, sur ce qui est peut-être arrivé.

Le gouvernement canadien a-t-il annulé toute rencontre avec les autorités iraniennes tant que l’interdiction frappant Maryam Mombeini, la veuve de Kavous Seyed-Emami, n’est pas levée et qu’elle ne peut pas venir voir ses enfants au Canada? Non. Il continue plutôt d’organiser la rencontre qui doit avoir lieu cet été au Canada. Le premier ministre a-t-il rencontré à son bureau les fils de Mme Mombeini, comme il l’a fait pour Joshua Boyle, ou a-t-il tenu une conférence de presse pour démontrer sa solidarité envers eux? Pas que je sache.

(1520)

Le centre des droits de la personne en Iran a qualifié l’intervention du Canada de très décevante. Ce qui est encore plus décevant, ce sont les propos et les actions du député libéral Majid Jowhari, qui a parlé du « brave pays de l’Iran » dans un gazouillis. Il a aussi fait référence au gouvernement élu de l’Iran qui, à mon sens, est tout aussi élu que celui de Vladimir Poutine en Russie.

M. Jowhari est reconnu au sein de sa circonscription comme étant un sympathisant du régime actuel de l’Iran. Il a rencontré les délégations iraniennes à plusieurs reprises, dont des délégations qui ont des liens étroits avec le Corps des gardiens de la révolution islamique d’Iran.

Honorables sénateurs, je pourrais, encore une fois, vous décrire tous les crimes qu’a commis l’Iran, de même que son intention, plusieurs fois déclarée et jamais désavouée, de rayer Israël, la seule démocratie de la région, de la carte du Moyen-Orient et sa collaboration étroite avec le régime Assad et avec la Russie dans cette guerre civile qui ravage ce pays, y compris l’utilisation d’armes chimiques. Je pourrais aussi dresser la liste de toutes les violations des droits de la personne que l’Iran a commises contre son propre peuple, particulièrement les femmes, les enfants et la communauté baha’ie, ou vous parler de sa réputation de longue date en tant que bailleur de fonds du terrorisme et des régimes voyous. Selon différentes sources ouvertes, ce financement se chiffre à 16 milliards de dollars annuellement.

Nous convenons tous que l’Iran a commis de graves fautes. Or, je tiens à préciser que toute approche visant à renouer avec l’Iran, en l’absence de conditions préalables, sera vouée à l’échec, comme on l’a vu par le passé. Étant donné la répression brutale dont les manifestants ont été victimes en décembre, nous savons que l’échec est quasiment assuré, aujourd’hui et dans l’avenir. Comme George A. Lopez l’a dit, il faudra 35 ans pour que l’Iran rentre dans le rang.

Je comprends que tout long voyage commence par un premier pas, mais combien de personnes se seront fait piétiner tout au long de ce voyage de 35 ans sous ce régime criminel iranien, alors que le Canada lui tient la main? Est-ce là le rôle que nous voulons jouer dans le cadre de ce processus?

Que nous reste-t-il? Je vais vous lire un extrait du témoignage de George A. Lopez, qui a comparu devant le Comité des affaires étrangères le 1er mars 2017 et que les critiques se plaisent à citer. Voici ce qu’il a dit :

Lorsque les gens critiquent l’efficacité des sanctions, ils laissent souvent entendre que c’est parce qu’elles ont été mal conçues, qu’elles ne visaient pas les bons intervenants en matière de droits de la personne, ou qu’elles seront probablement mises en œuvre à moitié lorsqu’un gouvernement tourne le dos à certaines entreprises qui souhaitent poursuivre les interactions dans le pays qui fait l’objet de sanctions. Je n’observe aucune de ces faiblesses dans le projet de loi S-219. Je crois que vous avez raison lorsque vous parlez de documenter, de surveiller et de dénoncer les responsables individuels de violations au sein du gouvernement iranien lorsqu’il s’agit de questions liées aux sanctions et au terrorisme.

Je vais maintenant lire un extrait du témoignage de Richard Nephew, un autre témoin que le sénateur Woo et d’autres ont cité — de manière sélective, à mon avis — au moment d’invoquer des arguments contre le projet de loi. Le 15 février 2017, en réponse à un sénateur qui demandait si le Canada pourrait vraiment tirer avantage du fait d’être le seul à suivre la voie des sanctions, M. Nephew a déclaré :

Je crois qu’il est vrai, en effet, que les sanctions sont plus efficaces lorsqu’elles constituent des instruments multinationaux, qu’elles sont imposées par un grand nombre de partenaires et de coalitions […]

Cela dit, je ne veux pas minimiser l’effet du leadership à cet égard. Il est sans doute vrai qu’il est préférable d’agir ensemble. Toutefois, si certains dirigeants internationaux importants sont disposés à adopter des positions claires en matière de droits de la personne, par exemple, et qu’ils refusent de faire affaire avec certains pays en raison de problèmes liés aux droits de la personne ou parce qu’ils se préoccupent des droits de la personne, leur rôle de leadership peut aller bien au-delà des répercussions sur le plan économique.

M. Nephew dit également ceci :

À mon avis, le Canada aurait un rôle à jouer s’il veut attirer l’attention sur les actes répréhensibles, et je pense que l’on pourrait modifier certaines dispositions du projet de loi de façon à ce que ce rôle soit accepté, par les Canadiens, sans nuire à la capacité du Canada d’interagir avec les Iraniens.

Les sénateurs qui critiquent le projet de loi ont complètement passé sous silence les passages des témoignages de M. Lopez et de M. Nephew que je viens de citer; pourtant, ils veulent tout dire, selon moi.

Je suis d’avis que le projet de loi S-219 constitue le fondement d’une politique canadienne plus crédible et plus appropriée que celle que le gouvernement Trudeau met en œuvre actuellement. Le Canada peut être un chef de file. Il peut donner l’exemple dans le monde, comme il l’a fait dans la lutte contre l’apartheid il y a des années.

Rappelez-vous que le Canada a agi seul à cette époque aussi. Comme cela est relaté dans le récent livre intitulé Master of Persuasion, tout a commencé lorsque le premier ministre John Diefenbaker est monté aux barricades pour que l’Afrique du Sud de l’époque de l’apartheid se retire du Commonwealth. Comme il avait représenté comme avocat les plus démunis de la société canadienne avant de devenir premier ministre, M. Diefenbaker s’est laissé guidé par son cœur, nous dit le livre, lorsqu’il a épousé la cause des Noirs d’Afrique du Sud. Il s’est dissocié sans hésitation des premiers ministres de pays comptant parmi les alliés traditionnels du Canada, comme le Royaume-Uni, la Nouvelle-Zélande et l’Australie. Il les a même fait sortir de leurs gonds.

Selon l’auteur du livre, Fen Osler Hampson, c’est le travail de M. Diefenbaker qui a marqué le début des pressions internationales contre le régime oppressif de l’apartheid. Celui-ci est tombé à l’époque de Brian Mulroney, qui a fait de l’éradication de l’apartheid en Afrique du Sud sa priorité absolue en matière de politique étrangère.

M. Hampson souligne que M. Mulroney a surtout tenu tête aux fonctionnaires de ce que l’on appelait à l’époque le ministère des Affaires extérieures. Il a tenu tête au milieu canadien des affaires et a rompu avec le politique du gouvernement Trudeau qui l’avait précédé. Tous ces gens étaient d’accord pour dire que l’apartheid était odieux, mais ils n’ont jamais voulu renoncer au maintien de relations économiques et diplomatiques sans entrave avec l’Afrique du Sud. Cela vous rappelle-t-il quelque chose?

Je suis convaincu que, tout comme moi, vous gardez en mémoire cette journée en 1990 où le héros du mouvement anti-apartheid, Nelson Mandela, s’est adressé au Parlement canadien après avoir été enfin libéré. Il a dit ceci à M. Mulroney :

Lorsqu’on songe au moment historique de notre transition et des personnes qui y ont contribué à l’intérieur et à l’extérieur de l’Afrique du Sud. En tant que premier ministre du Canada au sein du Commonwealth, vous avez fait preuve d’un solide leadership fondé sur des principes dans la lutte contre l’apartheid.

Honorables sénateurs, il est temps que le Canada fasse preuve d’un solide leadership fondé sur des principes à l’égard du régime oppressif en Iran. Il est temps de choisir. Voulons-nous offrir une lueur d’espoir à toutes les personnes qui souffrent sous ce régime ou voulons-nous nous enrichir en faisant des affaires tandis que l’Iran continue de réprimer ses citoyens?

Nous pouvons débattre la question entre nous au Sénat autant que nous le voulons, mais il est impossible de nier l’histoire. Le projet de loi S-219 est un flambeau. C’est une lueur d’espoir. Il s’agit d'une bonne approche pour le Canada et l’histoire.

Chers collègues, vous devez maintenant décider de quel côté de l’histoire vous voulez être. Je vous exhorte tous à appuyer l’initiative et à voter aujourd’hui en faveur du projet de loi S-219.

Les travaux du Sénat

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, comme il est 15 h 30 et que la ministre est ici, j’interromps les travaux pour la période des questions.

Le sénateur Plett : Qu’en est-il du débat?

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je précise que les délibérations ont été interrompues. Le sénateur Woo veut demander au sénateur Patterson s’il accepterait de répondre à une question. Après la période des questions, nous reprendrons nos délibérations là où nous les avions laissées avec cette question.

(1530)

PÉRIODE DES QUESTIONS

Les travaux du Sénat

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je rappelle que de nombreux sénateurs veulent poser des questions à la ministre. Je vous prie donc de limiter le plus possible le préambule avant de poser la question pour qu’un plus grand nombre de sénateurs puissent lui poser une question. Je vous remercie.

Conformément à l’ordre adopté par le Sénat le 10 décembre 2015, visant à inviter un ministre de la Couronne, l’honorable Carolyn Bennett, ministre des Relations Couronne-Autochtones et des Affaires du Nord, comparaît devant les honorables sénateurs durant la période des questions.

Le ministère des Relations Couronne-Autochtones et des Affaires du Nord

Les consultations entre le gouvernement et les Premières Nations

L’honorable Larry W. Smith (leader de l’opposition) : Bienvenue à la période des questions, madame la ministre. Je vais tenter de faire aussi vite que possible.

Dans la lettre de mandat que vous a adressée le premier ministre, on voit plusieurs mentions des consultations que vous êtes censée mener auprès des collectivités nordiques et des Autochtones.

Récemment, des témoins qui ont comparu devant le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones ont soulevé des inquiétudes à propos du processus de consultation mené par Santé Canada entourant la décision du gouvernement de légaliser la marijuana. Certains témoins entendus au comité ont déclaré n’avoir jamais été consultés, tandis que d’autres ont affirmé que les consultations qui ont eu lieu étaient insuffisantes.

Ma question est la suivante : à titre de ministre des Relations Couronne-Autochtones et des Affaires du Nord, ne craignez-vous pas que les inquiétudes entourant le processus de consultation du gouvernement auprès de groupes autochtones au sujet de cet important changement de politique ne constituent un obstacle à la réconciliation?

L’honorable Carolyn Bennett, C.P., députée, ministre des Relations Couronne-Autochtones et des Affaires du Nord : Merci beaucoup. Je suis ravie d’être de retour au Sénat et je suis contente d’entamer une nouvelle discussion où des personnes qui s’occupent des différents dossiers, et particulièrement des miens, pourront m’en apprendre, comme toujours.

Honorables sénateurs, il est indiqué clairement dans la lettre de mandat de tous les membres du Cabinet que la relation entre le gouvernement et les Autochtones est la plus importante qui soit, et elle doit se fonder sur la reconnaissance des droits, le respect, la coopération et le partenariat.

Ainsi, même si je suis ministre des Relations Couronne-Autochtones et des Affaires du Nord, tous les ministres ont le mandat de renforcer la capacité de leur ministère à tenir les consultations qui leur permettront de faire progresser tous les dossiers relatifs à ce domaine.

Un exemple pour illustrer ce que je dis serait que, chaque jour, à la période des questions à la Chambre, je ne réponds pas toutes les questions se rapportant aux Autochtones. Il s’agit d’une approche pangouvernementale. Je pense que les ministres responsables travaillent avec diligence et établissent eux-mêmes de bonnes relations. De plus, je crois que le sénateur Harder a transmis un résumé des grands engagements et des travaux du groupe de travail, et que la ministre de la Santé a rencontré les dirigeants autochtones et les a invités à la réunion de tous les ministres de la Santé.

Comme le dit le premier ministre, il est toujours possible de faire mieux, mais je pense que nous avons établi de très bonnes bases en reconnaissant l’importance de l’engagement et en étant ouverts aux conseils que nous recevons des collectivités autochtones quant au type et à la profondeur de ces engagements.

La légalisation du cannabis

L’honorable Larry W. Smith (leader de l'opposition) : Merci de la réponse.

Dans votre lettre de mandat, on vous attribue la responsabilité de diriger le travail effectué par le gouvernement dans le Nord. Compte tenu de cela, pouvez-vous nous dire les préoccupations exprimées par les collectivités du Nord au sujet de la légalisation de la marijuana? Par exemple, vous ont-elles parlé du manque de soutien en santé mentale ou de leur manque de préparation globale en vue de la légalisation de la marijuana?

L’honorable Carolyn Bennett, C.P., députée, ministre des Relations Couronne-Autochtones et des Affaires du Nord : Le sénateur soulève un point très important. Ce que nous avons entendu d’un océan à l’autre, mais en particulier dans le Nord, c’est que certains des problèmes liés aux pensionnats, à la violence faite aux enfants, aux services à l’enfance et à la famille, ont mené à une société où, ils le savent bien, beaucoup trop d’individus s’engourdissent avec des substances. Que le problème soit l’alcool, les opioïdes ou le cannabis, la solution est de favoriser la guérison et de traiter les causes profondes.

Cela dit, la question à se poser n’est plus : « Qu’est-ce qui cloche chez cette personne pour qu’elle se tourne ainsi vers l’alcool ou la drogue? », mais bien : « Que lui est-il arrivé pour qu’elle ressente ainsi le besoin de consommer? » C’est ce que me disent les gens du Nord chaque fois que nous sillonnons le pays. Nous sommes allés à Iqaluit dernièrement, et nous avons organisé, par l’entremise du YWCA, une table ronde avec les femmes qui administrent le refuge. Elles avaient toutes des choses terribles et des traumatismes à raconter. Cette réalité, c’est leur quotidien, mais il ne faut pas oublier que la clé, c’est la guérison. Ces gens doivent retrouver leur fierté et leur dignité et surmonter les histoires d’horreur qu’ils ont trop souvent vécues.

Un débat fait rage actuellement. Il faut que les jeunes aient accès aux connaissances relativement à leur langue et à leur culture, et ils doivent aussi être capables de se débrouiller sur la terre autant que sur la mer ou sur la glace. Les jeunes qui ont ces possibilités n’ont à peu près jamais envie de s’engourdir l’esprit ou d’essayer la drogue. Ce volet de l’éducation est particulièrement important. Je crois toutefois que même les policiers souhaitent ardemment que ces substances sortent des mains du crime organisé, qu’on ne soit plus obligé de se tourner vers des sources illégales pour s’en procurer et que toutes les parties intéressées se concertent afin que le Nord et les gens qui y habitent soient en santé et se portent bien. Le voilà, le véritable objectif du Cadre stratégique pour l’Arctique : assurer la vigueur des localités nordiques et faire en sorte que les habitants du Nord soient en bonne santé.

Les projets d’infrastructure

L’honorable Elizabeth Marshall : Bienvenue au Sénat, madame la ministre. Madame, lorsque vous avez pris part à la période des questions sénatoriale, en février dernier de l’an dernier, je vous ai demandé si vous accepteriez de vous engager à afficher sur le site web de votre ministère l’information relative aux différents projets d’infrastructure. « Absolument », m’avez-vous répondu.

Vous m’aviez alors donné votre parole que ce serait fait avant le 31 mars de l’année dernière. Quinze mois plus tard, même si on trouve effectivement sur le site web du ministère les sommes des budgets de 2015, 2016, 2017 et 2018 qui sont consacrées aux infrastructures des Premières Nations, ces chiffres ne sont pas encore ventilés et il n’y toujours pas moyen de trouver aisément l’information relative aux différents projets approuvés.

Le directeur parlementaire du budget a rapporté récemment que 1 600 projets relatifs aux affaires autochtones sont prévus dans la phase 1 du nouveau plan du gouvernement en matière d’infrastructure. Or, les fonctionnaires ont demandé que ces projets restent tous confidentiels. Par contraste, Infrastructure Canada a divulgué la totalité de ses projets, dont le nombre s’élève à 3 500.

Pourquoi, madame la ministre, n’avez-vous pas été en mesure de tenir la promesse que vous avez faite de rendre des comptes et d’être transparente sur les détails des projets d’infrastructure?

L’honorable Carolyn Bennett, C.P. députée, ministre des Relations Couronne-Autochtones et des Affaires du Nord : Merci beaucoup. Je vous sais gré de votre question, sénatrice.

Comme nous l’avons dit, on peut toujours mieux faire. Nous vivons une période passionnante : avec la dissolution du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien et la création de deux nouveaux ministères, Mme Philpott travaille très fort sur les éléments des services aux Autochtones qui portent sur les infrastructures, surtout celles qui concernent l’eau potable pour toutes les collectivités.

Nous avons ouvert le site web, qui est vraiment transparent, je crois, et qui comporte toute l’information que peuvent souhaiter obtenir les Canadiens. Je pense que le ministre des Finances est très clair quand il dit qu’il est le plus applaudi quand il annonce le plan d’eau potable pour toutes les collectivités.

Quant à l’écart qu’il peut y avoir entre l’approbation d’un projet et sa construction, qu’il s’agisse d’une école, de logements ou d’un centre de rétablissement, je pense que l’on peut mieux faire au plan de la transparence. Cela relève d’une négociation entre une Première Nation et le ministère. Je vous le dis franchement, l’un des problèmes que nous avons, même dans les rapports avec mes collègues députés, lorsque nous nous informons de la situation dans leur propre collectivité, c’est que nous avons un ministère très décentralisé dans lequel des directeurs régionaux peuvent eux-mêmes approuver des projets dont la valeur peut aller jusqu’à 15 millions de dollars, sans avoir à en informer la ministre. Nous essayons donc de nous améliorer sur ce plan et je pense que vous soulevez un point important. Mme Philpott et moi assistons désormais à l’inauguration d’écoles et de centres de guérison, chose qu’aimeraient bien faire tous les Canadiens.

La gouvernance des Premières Nations—La vérification

L’honorable Lillian Eva Dyck : Comme vous le savez, madame la ministre, l’Assemblée des Premières Nations tient aujourd’hui et demain à Gatineau son Assemblée extraordinaire des Chefs sur les lois fédérales. L’examen de la Loi sur la transparence financière des Premières Nations, qui a été adoptée en 2013, est prévu au programme.

(1540)

Lorsque nous avons étudié ce projet de loi au comité, nous avons entendu des témoignages très éloquents selon lesquels les gouvernements des Premières Nations effectuent déjà régulièrement des vérifications dont les résultats sont transmis au ministère et qu’ils sont tenus de le faire en vertu des accords de contribution en vigueur.

Il y a un membre du Sénat qui a souvent laissé entendre que les gouvernements des Premières Nations ne rendent pas suffisamment de comptes relativement au financement fédéral qui leur est alloué.

La sénatrice Beyak a déclaré ceci :

Il semble que nos priorités sont mal ordonnées. J’ai donc demandé à ce qu’un audit national soit mené sur les fonds qui entrent et qui sortent de chaque réserve […]

Madame la ministre, pour mettre les choses au clair, pourriez-vous brièvement expliquer les exigences qui obligent les gouvernements des Premières Nations à effectuer régulièrement des vérifications et à rendre des comptes sur la façon dont tous les fonds fédéraux qu’ils reçoivent sont dépensés?

L’honorable Carolyn Bennett, C.P., députée, ministre des Relations Couronne-Autochtones et des Affaires du Nord : Je remercie la sénatrice de me donner l’occasion de remettre les pendules à l’heure.

Comme vous le savez, la transparence et la reddition de comptes mutuelles constituent une priorité de tous les instants pour nous tous. Le gouvernement doit faire mieux, comme vient de nous le dire la sénatrice d’en face. Nous devons rendre compte de l’argent que nous dépensons. Je pense que l’Accord de Kelowna proposait de créer un poste de vérificateur général des Premières Nations, et je sais que cette fonction fait partie de quelques-unes des négociations en cours visant à établir une nouvelle relation financière avec les communautés représentées par l’Assemblée des Premières Nations.

Soyons clairs : à l’heure actuelle, il incombe aux Premières Nations de faire rapport au gouvernement du Canada de chaque dollar qu’elles reçoivent, que ce soit au moyen d’états financiers vérifiés, de rapports d’étape ou encore de rapports sur les résultats de programmes précis. Nous voulons aller de l’avant en faisant preuve de transparence, mais, à mon avis, il est très important que les gens comprennent que le ministère reçoit ces états financiers vérifiés et qu’il s’en sert pour déterminer le financement qu’il accordera aux différentes communautés à l’avenir.

[Français]

L’élimination des iniquités fondées sur le sexe

L’honorable Marilou McPhedran : Merci, madame la ministre, d’être parmi nous aujourd’hui. J’aimerais discuter brièvement du projet de loi S-3, qui a reçu la sanction royale le 12 décembre 2017, il y a près de cinq mois.

[Traduction]

Merci également de l’intégrité dont vous faites preuve et de la détermination avec laquelle vous vous employez à reconnaître et à faire respecter les droits des Autochtones.

Madame la ministre, dans la mesure où le projet de loi S-3 vous oblige à faire rapport au Parlement d’ici le samedi 12 mai, j’aimerais vous poser la question suivante, qui comporte quatre volets. Primo : selon vous, y a-t-il autre chose, à part ce que le directeur parlementaire du budget a déjà rendu public, que le Parlement devrait savoir avant que n’entrent en vigueur les dispositions qui supprimeront les iniquités fondées sur le sexe de la Loi sur les Indiens?

Secundo : aujourd’hui, à l’occasion de la réunion extraordinaire de l’Assemblée des Premières Nations, votre ministère a présenté la longue liste des sujets qui seront abordés dans le cadre des consultations découlant du projet de loi S-3 qui débuteront le mois prochain. La discrimination contre les femmes autochtones sera-t-elle considérée comme une priorité? Si oui, quand prévoit-on que les dispositions promises pourront entrer en vigueur?

Tertio : saviez-vous que, la semaine dernière, après avoir passé 13 jours au Canada, la rapporteuse spéciale de l’ONU sur la violence contre les femmes, ses causes et ses conséquences a réclamé l’abrogation immédiate des dispositions discriminatoires figurant encore dans la Loi sur les Indiens? Elle a, d’ailleurs, fait le parallèle entre ces dispositions et l’épidémie de violence dont sont victimes les femmes et les jeunes filles autochtones du pays.

En terminant, est-ce que vous ou votre ministère…

Son Honneur le Président : Je regrette, sénatrice McPhedran, mais les règles veulent que, quand nous recevons un ministre, les sénateurs ont droit à une seule question. Nous laissons évidemment une certaine marge de manœuvre aux gens pour qu’ils placent leur question en contexte, mais vous en êtes à votre quatrième question, et ce n’est pas vraiment juste pour les autres sénateurs qui souhaitent, eux aussi, en poser une.

Nous pouvons demander à la ministre de répondre aux questions que vous avez déjà posées. Je vous remercie.

L’honorable Carolyn Bennett, C.P., députée, ministre des Relations Couronne-Autochtones et des Affaires du Nord : Je remercie la sénatrice de sa question. Je remercie également le Sénat et le comité, parce que c’est grâce à leur excellent travail que nous en sommes là aujourd’hui. La volonté de collaborer avec le gouvernement et de laisser la partisanerie de côté a joué pour beaucoup. Comme vous le savez, grâce à la diligence et au travail du comité, les consultations que nous sommes sur le point de lancer ne porteront pas sur l’opportunité de supprimer la date limite de 1951, mais sur la manière de le faire.

Comme vous le savez, la semaine prochaine, nous allons présenter un rapport au Parlement sur ce que nous avons entendu lors des préconsultations sur la forme que devrait prendre ce processus. Je crois que nous sommes convenus que, le 30 mai, je me présenterai devant le comité pour parler du rapport et de ce que nous avons entendu. Nous espérons que, à ce moment-là, nous pourrons obtenir vos commentaires.

Lors des consultations qui seront lancées la deuxième semaine de juin, nous donnerons la priorité, bien entendu, aux questions de sexisme et aux questions soulevées à la phase 1 et le rapport à ce sujet devra être déposé au Parlement 12 mois après la date de lancement de ces consultations.

Je pense que tout le monde ici sait qu’on peut attribuer directement aux effets de la colonisation et de la Loi sur les Indiens cette tragédie sans fin des femmes et des filles autochtones disparues ou assassinées.

La Loi sur les Indiens, en retirant les femmes de leur communauté pour les mettre dans celle de leur conjoint, a contribué directement à ce que les femmes ne soient plus protégées par leurs frères, leurs oncles et leur père. Cela a vraiment réduit le pouvoir des femmes et le leadership qu’elles exerçaient dans leur propre communauté. Maintenant que nous nous apprêtons à reconnaître des droits et à mettre en place un cadre juridique, nous voyons que le pouvoir que les femmes pourront avoir dans les nouvelles structures de gouvernance que les nations pourront mettre en place en se reconstituant sera un aspect très important de notre travail.

J’ai appris aujourd’hui que, lors des 67 séances de consultation sur la reconnaissance des droits que nous avons tenues, nous avons entendu plus de 1 000 personnes, dont plus de 500 femmes. Je trouve que cela montre très bien que nous tenons davantage compte du point de vue des femmes pour orienter ces changements.

Le nombre disproportionné de femmes autochtones incarcérées

L’honorable Mary Jane McCallum : Madame la ministre, merci d’être présente aujourd’hui.

Il existe une réalité déconcertante dans les prisons fédérales et cela constitue un problème crucial et persistant. En 2016, l’enquêteur correctionnel du Canada a signalé que, pour la première fois, les Autochtones représentaient plus de 25 p. 100 de la population carcérale au pays. Ce pourcentage augmente pour atteindre le chiffre prohibitif de 39 p. 100 lorsqu’on parle de la proportion des femmes incarcérées qui sont autochtones. Ce fléau s’aggrave depuis plus de 30 ans et ne semble pas près de disparaître.

Comme le dit votre lettre de mandat, il est de votre responsabilité de :

[…] collaborer avec la ministre de la Justice pour s’assurer que, tant dans le cadre de nos mécanismes de règlement des différends que de nos litiges, nous mettions de l’avant des positions qui cadrent avec la résolution des torts commis dans le passé à l’égard des peuples autochtones, qui favorisent la coopération plutôt que les processus accusatoires, et qui privilégient une approche fondée sur la reconnaissance des droits […]

Le processus de transfèrement prévu à l’article 81 de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition s’est avéré inefficace pour réduire la surreprésentation des Autochtones en prison.

Madame la ministre, pourriez-vous nous expliquer les mesures prises par votre ministère, en collaboration avec d’autres ministres, notamment, mais sans s’y limiter, les ministres de la Justice, de la Santé et de l’Éducation, pour faire en sorte que ce fléau soit enfin enrayé, de manière à apporter des changements transformateurs et durables?

L’honorable Carolyn Bennett, C.P., députée, ministre des Relations Courronne-Autochtones et des Affaires du Nord : Je remercie la sénatrice de la question. Les questions comme celles des femmes et des filles autochtones disparues ou assassinées, ainsi que la surreprésentation des hommes et des femmes autochtones dans nos institutions pénitentiaires, dénotent un échec des mesures qui ont été prises. Nous devons faire mieux.

(1550)

On nous a parlé, même pendant les audiences préliminaires de l’enquête sur les femmes et les filles autochtones disparues ou assassinées, des traumatismes, des effets intergénérationnels des pensionnats, de l’anesthésie émotionnelle, qui donne lieu à des problèmes de toxicomanie ainsi qu’à d’autres problèmes, mais également de la vulnérabilité des femmes autochtones, qui deviennent des proies faciles, ce qui mène à leur emprisonnement.

Nous participons aux efforts en matière de bien-être et de guérison en répondant à ce que Mme Philpott a qualifié de « crise humanitaire » au sein des services à l’enfance et à la famille. Lorsque des enfants sont arrachés à leur collectivité, sont maltraités ou sont éloignés de leur culture, de leur langue et de ce qui représente leur identité, ils sont démolis. On nous a dit que, peu importe s’il s’agit de mauvais traitements, du système d’aide à l’enfance, ou encore de racisme ou de sexisme au sein des forces de l’ordre, de trop nombreux facteurs donnent lieu à ce nombre inconcevable de cas.

En ce qui concerne les déterminants de la santé, certains des changements que nous apportons, de concert avec Mme Philpott, vont nous permettre d’offrir un accès à un logement adéquat, à des refuges et à des centres de guérison.

De plus, le travail que nous accomplissons en matière de reconnaissance des droits est extrêmement important, tout comme le travail que nous accomplissons avec la ministre Wilson-Raybould en ce qui concerne les récusations péremptoires dans la sélection des jurys et certaines autres difficultés, car le système juridique est perçu par les Autochtones comme un système axé sur la loi, et non sur la justice. Comment peut-on changer cette perception?

Madame la sénatrice, il y a un certain nombre d’années, j’étais responsable d’une prison pour femmes située en périphérie de Winnipeg. Quand j’ai demandé à la personne dirigeant la prison quelle était la principale raison pour laquelle ces femmes étaient en prison, elle m’a dit : « Eh bien, je crois qu’aucune d’entre elles n’a été condamnée à une peine d’emprisonnement. » Ces femmes se trouvaient en prison parce qu’elles n’avaient pas respecté les conditions de leur libération conditionnelle ou de leur peine d’emprisonnement avec sursis. Cela signifie qu’elles n’étaient pas autorisées à boire de l’alcool, qu’elles ne pouvaient pas voir telle ou telle personne ou ne pouvaient pas se rendre dans leur collectivité d’origine. En assistant simplement à des funérailles, elles étaient considérées comme ayant enfreint les conditions de leur libération et n’étaient pas envoyées de nouveau devant un juge. Elles étaient simplement renvoyées en prison directement.

Cela me fend le cœur de savoir que les enfants de ces mères détenues sont, pour la plupart, placés en famille d’accueil. Nous devons mettre fin à ce cycle. La sénatrice Pate et d’autres personnes ne ménagent pas leurs efforts dans ce dossier, mais nous ne réglerons pas ce problème tant que nous n’aurons pas réuni ces femmes et leurs enfants et adopté de nouvelles façons de faire afin que ces jeunes puissent grandir comme de jeunes Autochtones, fiers de leur culture.

La souveraineté de l’Arctique

L’honorable Thanh Hai Ngo : Madame la ministre, ma question porte sur la souveraineté du Canada dans l’Arctique. En janvier, le gouvernement chinois a publié un livre blanc au sujet de sa nouvelle politique dans l’Arctique. Dans ce document, la Chine se présente comme un État quasi arctique; elle appuie également l’élaboration d’une politique ou d’une voie commerciale qui traverserait l’Arctique.

Toujours en janvier, un pétrolier transportant du gaz naturel liquéfié est devenu le premier navire marchand à traverser l’Arctique en hiver sans brise-glace en passant par le Nord de la Russie. L’entreprise propriétaire de ce pétrolier joint ses efforts à ceux de la Chine afin d’acheter du gaz naturel liquéfié et de construire davantage de navires de cote « glace ».

Madame la ministre, étant donné ces événements récents et vos responsabilités ministérielles, qui vous amènent à guider le travail du gouvernement dans le dossier du Nord, pourquoi le budget de 2018 ne contient-il aucune nouvelle mesure visant à protéger la souveraineté du Canada dans l’Arctique, alors que les ambitions de la Chine se tournent vers cette région cruciale?

L’honorable Carolyn Bennett, C.P., députée, ministre des Relations Couronne-Autochtones et des Affaires du Nord : Je remercie l’honorable sénateur de sa question. Je le remercie également du travail que lui, le sénateur Patterson et leurs collègues accomplissent, et du travail du nouveau Comité sénatorial sur l’Arctique.

Il s’agit de questions très importantes, dont nous tenons compte dans l’élaboration du cadre stratégique pour l’Arctique et le Nord. Comme vous le soulignez, les enjeux ne sont pas seulement nationaux, mais aussi internationaux.

Nous savons que nous devons en faire davantage du côté international dans l’élaboration de notre cadre stratégique. Le sénateur Patterson m’a déjà entendue parler des craintes que nous avons eues à l’automne dernier lors de la conférence du cercle arctique à Reykjavik, où de nombreux pays du Sud semblaient croire que l’Arctique était un bien commun.

Pensons à la Chine, qui, comme vous l’avez dit, a affirmé sa position en tant qu’État quasi arctique, mais aussi à la Corée et au Japon. D’ailleurs, la cérémonie d’ouverture et la réception ont été organisées par le Japon et mettaient en vedette des tambourineurs et des plats japonais. Pour les pays du Nord, il était inquiétant que des pays du Sud pensent qu’ils puissent élaborer des politiques pour le Nord.

Nous sommes très conscients du fait qu’il faut que ce soit des pays du Nord qui établissent les priorités du cadre stratégique, conformément à ce à quoi nous nous sommes engagés.

Dans le rapport que Mary Simon m’a adressé sur le partenariat dans l’Arctique, elle mentionne un certain nombre de craintes réelles, notamment dans le domaine de l’infrastructure, mais elle dit également que, tant que la pauvreté et les problèmes des résidents du Nord sont à l’avant-plan, il est très difficile de faire avancer les autres enjeux.

Nous sommes déterminés à faire les deux, en travaillant en collaboration directe avec les résidents du Nord. Je crois que le programme des Rangers et d’autres questions sont très bien reçus. Toutefois, nous savons que nous pouvons faire mieux.

Honorables sénateurs, j’étais à Gjoa Haven et à Cambridge Bay lors du premier été où le passage du Nord a été ouvert. Nous y avons vu arriver un voilier d’Irlande ainsi qu’un yacht Lands End. Il n’y avait pas d’infrastructures. Les gens étaient complètement étonnés. Il s’agit d’un domaine dans lequel nous avons du travail à faire.

Il y a également des possibilités touristiques dans le Nord, notamment grâce à la fréquence des aurores boréales. Il faut vraiment que nous en profitions, mais nous devons également faire face au problème très sérieux des changements climatiques qui font que nous en sommes là.

Il est extrêmement important que les habitants du Nord se trouvent au cœur de toutes les décisions que nous prenons à partir de maintenant.

Les offices de réglementation au Nunavut—L’examen des taux de rémunération

L’honorable Dennis Glen Patterson : Bienvenue, madame la ministre. Comme vous le savez, les offices de réglementation au Nunavut ont été établis en tant qu’institutions gouvernementales indépendantes conformément à l’accord du Nunavut. Je pense que vous conviendrez qu’ils représentent des exemples éloquents de la participation des Inuits au processus réglementaire par l’entremise de la cogestion.

Vous savez quelle question je veux vous poser. Les taux de rémunération des membres des offices en échange de leur travail important, qui ont été établis par le gouvernement fédéral, par votre ministère, sont les mêmes depuis plus de 17 ans.

Je sais que les offices ont lancé des discussions collectives sur cette question en novembre 2016. Il y a un volumineux dossier de la correspondance avec votre bureau — la dernière lettre date d’avril 2018 — qui vous demande, à titre de ministre, de prendre des mesures pour faire avancer l’examen de ces taux de rémunération.

Pouvez-vous nous dire quand l’examen sera terminé? Les résultats seront-ils rendus publics?

L’honorable Carolyn Bennett, C.P., députée, ministre des Relations Couronne-Autochtones et des Affaires du Nord : Je remercie le sénateur Patterson de sa question. Je le remercie également pour le travail extrêmement important que nous avons pu accomplir aux Nations Unies le mois dernier. Nous avons organisé un événement parallèle fondé sur l’approche exemplaire en matière de cogestion des terres et des ressources.

Je tiens à dire aux sénateurs que ces offices sont extrêmement importants à titre d’exemple pour le Canada et le sud du pays ainsi que pour le monde entier. Chaque office est formé d’un représentant fédéral, d’un représentant territorial et d’un représentant des détenteurs des droits des Inuits. Dans le cas du Nunavut, le gouvernement fédéral ne nommerait jamais une personne comme membre d’un office sans obtenir l’approbation des Inuits. Voilà qui témoigne, selon moi, d’un égard considérable envers les droits et les priorités des Autochtones.

(1600)

En ce qui concerne la rémunération dans les offices de réglementation, le gouvernement a entrepris un examen pangouvernemental complet de tous les conseils et institutions chargés de l’administration publique un peu partout au Canada, y compris au Nunavut. Une consultation est en cours auprès des institutions, laquelle aboutira à une proposition de structure salariale cohérente, juste et adaptée au milieu dans lequel ces institutions mènent leurs activités.

Il sera donc très important que vous nous aidiez, sénateur, à adopter une perspective nordique. Nous espérons conclure l’examen d’ici la fin de l’exercice courant. Étant donné les conditions uniques au Nord dont nous ont parlé des personnes de ces offices, il peut leur falloir trois jours pour se rendre à une réunion. Les frais de déplacement ne sont pas les mêmes qu’à l’habitude, car tous les participants doivent prévoir trois jours de plus.

Il sera très important de prendre en considération cette réalité dans le cadre de l’examen pangouvernemental sur la rémunération et les indemnisations.

Les consultations entre le gouvernement et les Premières Nations

L’honorable Sandra M. Lovelace Nicholas : Ma question s’adresse à la ministre.

Comme vous le savez, la Cour suprême a ordonné que toutes les Premières Nations soient consultées par rapport à toutes les questions touchant leurs intérêts. Or, certaines Premières Nations estiment qu’elles n’ont pas été consultées adéquatement en ce qui concerne le projet d’expansion de Kinder Morgan en Colombie-Britannique. Il s’agit de terres non cédées. Les Premières Nations qui y vivent ne cherchent qu’à protéger ces terres, qui leur reviennent de naissance, ainsi que leur source de nourriture.

Pourquoi le gouvernement ne consulte-t-il pas toutes les nations autochtones qui se trouvent au cœur de cette controverse? J’aimerais aussi savoir, madame la ministre, où sont les documents que réclament les Premières Nations pour démontrer que la consultation a bel et bien eu lieu.

L’honorable Carolyn Bennett, C.P., députée, ministre des Relations Couronne-Autochtones et des Affaires du Nord : Merci beaucoup de cette question, qui me semble cruciale en cette période de transition. Il y a un certain nombre de projets hérités du gouvernement précédent, mais nous voulons également mettre en œuvre une nouvelle approche que les ministres Carr et McKenna ont expliquée et qui consiste à faire participer les Autochtones le plus tôt possible dans le processus d’élaboration d’un projet, de façon très semblable à ce qui se fait dans le Nord. Il est très important que les connaissances, les pratiques et le savoir traditionnels soient pris en compte dès le début d’un projet.

Le ministre Carr a pris très au sérieux les efforts de consultation et de collaboration auprès des Autochtones. Étant donné que 43 ententes sur les répercussions et les avantages ont été conclues entre les Premières Nations et Kinder Morgan, dont 33 en Colombie-Britannique, il est évident que ces communautés ont participé étroitement au processus jusqu’à présent.

Je crains cependant qu’une approche fondée seulement sur de telles ententes ne soit pas suffisante. Ces ententes sont toujours conclues dans le secret, et je crois que, lorsque nous nous pencherons sur le partage des revenus et des actifs liés à l’exploitation des ressources, il faudra aborder les questions de transparence et de reddition de comptes.

Par ailleurs, je crois qu’il est désormais impératif de coordonner les efforts de reconstruction des nations, car le processus de consultation serait beaucoup plus simple si les nations pouvaient prendre une décision ensemble au lieu que les bandes assujetties à la Loi sur les Indiens prennent chacune des décisions différentes.

Comme nous l’avons appris dans le Nord avec le sénateur Patterson, les bons projets peuvent être approuvés rapidement et les mauvais projets, rejetés rapidement, afin qu’on puisse aller de l’avant.

Puisque le projet concerne le doublage d’un oléoduc qui ne passe pas dans une nature sauvage intacte, bon nombre de communautés qui, disons, auraient préféré que cet oléoduc ne soit pas construit ou que l’on ne procède pas à son doublage ont tout de même accepté de participer à la surveillance et au suivi des préoccupations environnementales à l’avenir. Même si elles ne contribuent pas au processus depuis le début, elles y contribueront et elles se sont engagées à participer à la surveillance du projet.

Je pense que c’est une leçon à retenir, mais nous espérons que les processus décisionnels dans le Nord ou à d’autres endroits s’amélioreront à l’avenir.

Les Nisga’as sont très contrariés par l’interdiction des pétroliers parce qu’il y a, sur leurs terres, un sable volcanique très spécial, et ils espéraient qu’un pipeline traverse leur territoire. Cependant, à cause de l’interdiction des pétroliers, ils ne parviendront pas à créer les emplois espérés pour les membres de leur communauté.

Les opinions divergent, et un consensus n’est jamais synonyme d’unanimité. Cependant, nous espérons sincèrement pouvoir collaborer avec les Premières Nations à l’avenir, et la nouvelle approche adoptée par les ministres McKenna et Carr exigera réellement que les peuples autochtones participent le plus tôt possible à un projet donné.

Les crises qui sévissent à Churchill, au Manitoba

L’honorable Patricia Bovey : Madame la ministre, je vous remercie d’être parmi nous. Je ne parlerai pas beaucoup, et ma question sera brève.

Cela fait maintenant plus de 11 mois que l’accès au port de Churchill, la porte d’entrée du Nord et de l’Arctique, est bloqué et que toutes les communautés autochtones entre Gillam et Churchill, au Manitoba, sont isolées à cause de l’inondation de la voie ferrée.

Madame la ministre, pouvez-vous nous dire quand, selon vous, ces gens seront de nouveau raccordés au reste du monde? Quand auront-ils accès à de la nourriture? Quand retrouveront-ils leur emploi et quand Churchill sera-t-elle en mesure de remplir son rôle et de relier les populations autochtones qui vivent dans d’autres communautés au Nunavut, dans les Territoires du Nord-Ouest et à l’est et à l’ouest de l’océan Arctique?

L’honorable Carolyn Bennett, C.P., députée, ministre des Relations Couronne-Autochtones et des Affaires du Nord : Je remercie la sénatrice pour sa question. L’avenir de Churchill et les promesses que cette ville porte en elle sont source d’enthousiasme pour nous tous et pour quiconque a vu les perspectives offertes par le réapprovisionnement là-bas, mais aussi par le transport vers Arviat et les autres communautés du Nunavut. Nous espérons que l’horrible tragédie en ce qui a trait à la voie ferrée incitera tout le monde à réfléchir à la manière de planifier l’avenir durablement dans cette merveilleuse région du Canada.

Comme vous le savez, dans notre ministère, nous pouvons faire profiter Churchill du programme Nutrition Nord séance tenante, et ces contributions sous la forme d’aliments périssables se poursuivront tant qu’une solution permanente n’aura pas été trouvée. Comme vous le savez, Churchill est la porte d’entrée du Nord et son port en eau profonde est unique.

Wayne Wouters, l’ancien greffier du Conseil privé à Ottawa, mène les discussions à propos de la ligne de chemin de fer. Elles vont bon train. C’est un élément essentiel de notre stratégie dans l’Arctique.

Par ailleurs, je pense que les quatre incroyables saisons touristiques propices à l’observation, successivement, des oiseaux, des bélugas, des ours polaires et des aurores boréales représentent l’occasion pour tous les Canadiens d’apprendre à bien connaître cette région du Canada. J’espère que nous travaillerons tous ensemble pour y parvenir.

(1610)

Les travaux du Sénat

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, la période des questions est terminée. Je suis convaincu que tous les sénateurs se joindront à moi pour remercier la ministre Bennett de s’être déplacée pour être avec nous aujourd’hui. Merci, madame la ministre.

Des voix : Bravo!


ORDRE DU JOUR

Projet de loi sur les sanctions non liées au nucléaire contre l’Iran

Troisième lecture—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Tkachuk, appuyée par l’honorable sénateur Carignan, C.P., tendant à la troisième lecture du projet de loi S-219, Loi visant à dissuader l’Iran de parrainer des actes constituant du terrorisme, de l’incitation à la haine et des violations des droits de la personne.

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, avant la période des questions, le sénateur Patterson est intervenu au sujet du projet de loi S-219, et son temps de parole était écoulé. J’ai vu que le sénateur Woo s’était levé pour poser une question.

Sénateur Patterson, demandez-vous plus de temps pour répondre à la question?

L’honorable Dennis Glen Patterson : Oui.

Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

Son Honneur le Président : Le sénateur dispose de cinq minutes de plus.

L’honorable Yuen Pau Woo : Sénateur Patterson, merci de votre discours.

Il est fort étonnant par contre que, en cette Semaine de responsabilisation de l’Iran, 30 ou 45 minutes après que votre collègue ait parlé de la question la plus pressante présentement au sujet de l’Iran, le Plan global d’action conjoint et la possibilité qu’il soit abandonné en raison des agissements du président Trump, vous n’en ayez absolument pas fait mention. Ce plan a empêché l’Iran de développer l’arme nucléaire en lui interdisant l’accès à l’uranium et au plutonium.

Pour moi, il ne fait aucun doute que l’adoption de ce projet de loi serait perçue comme un appui au désir du président Trump de se retirer du Plan global d’action conjoint. Je souligne que, en dépit des soi-disant révélations du premier ministre Nétanyahou, le président Macron, la chancelière Merkel et la première ministre May ont tous déclaré leur ferme appui au plan et au travail de l’Agence internationale de l’énergie atomique en vue de vérifier que l’Iran suit bien les exigences techniques de l’entente qui l’empêche de développer des armes nucléaires.

Pensez-vous, sénateur Patterson, que l’on devrait mettre fin au Plan global d’action conjoint? Êtes-vous d’accord sur le fait que ce projet de loi pourrait aboutir à ce résultat?

Le sénateur Patterson : En un mot, non. Le projet de loi porte sur le terrorisme d’État et les violations des droits de la personne. Il n’a rien à voir avec le Plan global d’action conjoint. Avec tout le respect que je vous dois, sénateur Woo, je me refuse à entrer dans un débat sur un sujet qui est certes important, mais qui, à mon avis, n’a rien à voir avec ce projet de loi.

Le sénateur Woo : Nous convenons donc que nous divergeons d’opinions à ce sujet, mais permettez-moi d’insister sur le projet de loi en particulier et sur votre citation des deux témoins, George Lopez et Richard Nephew, dont vous avez présenté les propos sous un jour favorable, mais que vous accusez certains d’entre nous de citer de manière sélective. C’est un très bon argument car, si nous mettons la question aux voix, j’invite tous les sénateurs à lire les témoignages complets de Richard Nephew et de George Lopez. Ils sont affichés sur le site web du Sénat. En les lisant, vous pourrez décider si les citations du sénateur Patterson sont plus exactes que celle que je vais vous donner à l’instant, qui concerne M. Lopez.

Que pensez-vous du commentaire suivant de M. Lopez à la lumière de ce que vous affirmez vous-même ? Il dit ceci :

Je crois que c’est très faible, [la probabilité que le projet de loi porte ses fruits] parce que vous n’avez pas le volume et la diversité d’interactions économiques nécessaires. À moins que vous ayez des liens de deuxième niveau avec des filiales et d’autres entreprises de votre pays qui, par l’intermédiaire de l’Europe ou de l’Afrique du Nord, ont des liens avec l’Iran — des choses qui ne sont pas très évidentes —, je pense que votre poids est relativement faible.

Le sénateur Patterson : Je reconnais que, contrairement à moi, l’honorable sénateur fait partie du comité. Il est donc difficile de débattre des nuances du témoignage entendu. Je crois, toutefois, que M. Lopez a voulu dire qu’il n’a pas remarqué de faiblesse dans le projet de loi. Il est d’accord pour dire que le gouvernement doit poursuivre sa surveillance et signaler ceux qui, au sein du gouvernement iranien, commettent des actes de terrorisme méritant des sanctions.

Son Honneur le Président : Sénateur Eggleton, vous disposez d’une minute.

L’honorable Art Eggleton : J’aimerais revenir à Richard Nephew, de l’Université Columbia, ancien conseiller du président Obama au sein du Conseil de sécurité nationale des États-Unis. Vous avez omis la citation suivante :

[...] le Canada, s’il n’est pas présent en Iran, perdra deux choses. Il perdra la capacité d’assurer une présence diplomatique et d’entretenir des relations avec le gouvernement iranien et il perdra aussi par ailleurs la capacité de recueillir des renseignements et de fournir des évaluations éclairées.

En outre, le président de l’Iranian Canadian Congress n’a pas mâché ses mots lui non plus. Il a dit ce qui suit :

Ne vous méprenez pas : si le projet de loi est promulgué, il tuera dans l’œuf toute possibilité de rétablissement des relations avec l’Iran.

Ce serait regrettable.

Sénateur, les échanges ont avant tout pour but de tenir le pays responsable de ses mauvaises actions et de faire valoir les intérêts consulaires du Canada. Étant donné le nombre de personnes arrêtées en Iran, une telle représentation est certainement nécessaire. En outre, cela nous donne l’occasion de défendre les droits de la personne.

N’êtes-vous pas d’accord avec M. Nephew pour dire que nous devons maintenir la communication afin de voir à nos intérêts?

Son Honneur le Président : Le temps est écoulé, mais le sénateur Patterson pourrait peut-être répondre brièvement.

Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

Le sénateur Patterson : Oui, je suis d’accord. Nous devons maintenir la communication. Le projet de loi ne fait rien pour empêcher cela.

Le sénateur Tkachuk : Exactement.

Son Honneur le Président : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Le sénateur Mitchell : J’aimerais demander l’ajournement du débat à mon nom.

Son Honneur le Président : L’honorable sénateur Mitchell, avec l’appui de l’honorable sénatrice Bellemare, propose que le débat soit ajourné à la prochaine séance du Sénat.

Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

Des voix : Non.

Son Honneur le Président : Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix : Oui.

Son Honneur le Président : Que les sénateurs qui sont contre la motion veuillent bien dire non.

Des voix : Non.

Son Honneur le Président : À mon avis, les oui l’emportent.

Et deux honorables sénateurs s’étant levés :

Son Honneur le Président : Y a-t-il entente au sujet de la sonnerie?

Le sénateur Mitchell : Une heure.

Son Honneur le Président : Le vote aura lieu à 17 h 17.

Convoquez les sénateurs.

(1720)

La motion, mise aux voix, est adoptée :

POUR
Les honorables sénateurs

Bellemare Harder
Bernard Hartling
Black (Ontario) Jaffer
Boniface Joyal
Bovey Lankin
Boyer Lovelace Nicholas
Campbell Marwah
Christmas McCallum
Cools McCoy
Cordy McPhedran
Cormier Mégie
Coyle Mercer
Dawson Mitchell
Day Moncion
Deacon Munson
Downe Omidvar
Duffy Pate
Dupuis Petitclerc
Dyck Pratte
Eggleton Saint-Germain
Gagné Verner
Galvez Wallin
Gold Wetston
Greene Woo—49
Griffin

CONTRE
Les honorables sénateurs

Andreychuk McIntyre
Ataullahjan Mockler
Batters Ngo
Beyak Oh
Boisvenu Patterson
Carignan Plett
Dagenais Poirier
Doyle Raine
Eaton Richards
Frum Seidman
Housakos Smith
Maltais Stewart Olsen
Manning Tannas
Marshall Tkachuk
Martin Unger
Massicotte Wells
McInnis White—34

ABSTENTIONS
Les honorables sénateurs
Aucun

Son Honneur le Président : La motion est donc adoptée, et le débat est ajourné au nom du sénateur Mitchell.

[Français]

La Loi électorale du Canada

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Frum, appuyée par l’honorable sénateur Housakos, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-239, Loi modifiant la Loi électorale du Canada (élimination du financement étranger).

L’honorable Renée Dupuis : Honorables sénateurs, je demande la permission de remettre le compteur des jours à zéro. Comme vous le savez peut-être, le ministre a déposé hier un nouveau projet de loi qui porte sur une réforme électorale approfondie. Par conséquent, j’aimerais disposer d’un délai pour finir de me préparer.

(Sur la motion de la sénatrice Dupuis, le débat est ajourné.)

[Traduction]

La Loi autorisant certains emprunts

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Ajournement du débat

L’honorable Joseph A. Day (leader des libéraux au Sénat) propose que le projet de loi S-246, Loi modifiant la Loi autorisant certains emprunts, soit lu pour la deuxième fois.

— Honorables sénateurs, nous avons été saisis de cette question à plusieurs occasions. J’aurai besoin d’un bon moment pour expliquer les subtilités de ce qui s’est passé dans ce dossier au fil du temps. J’espère que vous ferez preuve de patience parce que, selon moi, le sujet est fondamental, c’est-à-dire le pouvoir des parlementaires sur les deniers publics. Voilà essentiellement de quoi il s’agit.

Chers collègues, il n’est pas rare de commencer un discours en disant que c’est avec plaisir qu’on prend la parole au sujet d’un projet de loi, et c’est d’autant plus vrai lorsqu’on présente une nouvelle mesure législative. Ce n’est pas le cas aujourd’hui. Je ne suis pas heureux de parrainer ce projet de loi. J’avais cru qu’il ne serait pas nécessaire, surtout avec le gouvernement actuel.

L’objet de ce projet de loi est assez simple. Il vise à rétablir le pouvoir du Parlement en ce qui concerne les emprunts du gouvernement. Chers collègues, l’importance de cette question pour le Parlement en tant qu’institution est telle que vous allez devoir me pardonner si je commence par un peu d’histoire.

Le pouvoir du Parlement sur les deniers publics est tout simplement un élément essentiel de notre démocratie. Il remonte à l’origine même de l’institution. Le roi Jean a signé la Magna Carta en 1215. Ce faisant, il acceptait que lui et son gouvernement ne puissent percevoir des revenus au moyen d’impôts et de taxes sans le consentement du Parlement. Cette restriction en est venue à s’appliquer à toutes les sources de fonds publics. Comme l’a expliqué Alpheus Todd en 1887 dans son ouvrage précurseur, On Parliamentary Government in England :

(1730)

Lorsque les recettes annuelles recueillies grâce aux taxes et aux impôts sont insuffisantes, comme c’est le cas en temps de guerre, afin de pouvoir assumer ses dépenses annuelles, le Parlement octroie au gouvernement le pouvoir de recueillir de l’argent au moyen d’un emprunt, ce qui lui permet de combler le manque à gagner.

Je tiens à souligner les mots « recettes annuelles » tirés de cette citation qui remonte à 1887, car, au besoin, cela peut être fait tous les ans.

Chaque fois qu’il estimait avoir besoin d’emprunter de l’argent pour l’année à venir, le gouvernement demandait au Parlement de lui consentir le pouvoir nécessaire pour emprunter les fonds requis. Pendant longtemps, cette démarche s’est inscrite dans le cadre du processus des prévisions budgétaires et des crédits. C’était logique, puisqu’on pouvait ainsi débattre de l’objet de l’emprunt en même temps que des motifs des dépenses, qui faisaient aussi l’objet de discussions lors de l’examen des prévisions budgétaires. On prenait aussi connaissance de la demande d’emprunt — le montant — au même moment où le projet de loi de crédits était approuvé.

Cependant, au fil du temps, les parlementaires ont estimé qu’ils avaient besoin de plus de temps pour débattre de l’emprunt lui-même. Par conséquent, en 1975, le pouvoir d’emprunt a été retiré du processus des crédits et a été inscrit dans une loi spécialement conçue à cet effet. En fait, en 1975, le Président de l’autre endroit a ordonné l’élimination d’un article sur l’emprunt dans un projet de loi de crédits lié au Budget supplémentaire des dépenses. Il a déclaré que, en vertu des règles en vigueur, la présence de cet article dans un projet de loi de crédits empêchait pratiquement toute discussion sur les dispositions d’emprunt. Il a reconnu que c’était inacceptable — en fait, inapproprié. C’est dire l’importance que le Président de l’autre endroit accordait à l’exigence de tenir un débat annuel sur les projets d’emprunt du gouvernement.

À la suite de cette décision, chaque fois que le gouvernement voulait emprunter de l’argent, il présentait au Parlement un projet de loi portant pouvoir d’emprunt qui précisait la somme d’argent devant être empruntée pendant l’année.

En 2001, cette façon de faire a été enchâssée dans la Loi sur la gestion des finances publiques, à l’article 43, dont le texte est le suivant :

43(1) Malgré toute disposition d’une autre loi fédérale portant que tout ou partie de la présente loi ou une des dispositions de celle-ci ne s’applique pas, les emprunts de fonds par Sa Majesté du chef du Canada ou pour son compte ne peuvent être contractés que dans les cas suivants:

a) ils sont autorisés sous le régime de la présente loi;

b) ils sont expressément autorisés sous le régime d’une autre loi fédérale;

c) une autre loi fédérale prévoit l’emprunt de fonds auprès de Sa Majesté du chef du Canada ou d’une province.

Autrement dit, chers collègues, si le gouvernement voulait emprunter de l’argent, il devait faire adopter un projet de loi par le Parlement. Une loi du Parlement devait autoriser l’emprunt de l’argent.

Si vous allez consulter l’historique des lois, vous verrez que, lors des années où le gouvernement faisait un déficit, au moins un projet de loi autorisant les emprunts était adopté. Le Parlement pouvait ainsi examiner et débattre les politiques financières et économiques du gouvernement. Il pouvait se pencher sur la stratégie de gestion de la dette du gouvernement. Comme je l’ai dit, c’est un rôle fondamental du Parlement, qui doit demander des comptes au gouvernement sur la gestion des finances publiques.

Chers collègues, je vous fais cet historique parce que, en 2007, une tradition et une pratique séculaires ont été abolies. Il a suffi qu’on glisse un petit article long d’une seule phrase au beau milieu d’un projet de loi omnibus pour que le Parlement abandonne son pouvoir d’autoriser les emprunts faits par le gouvernement. L’article en question avait l’air tellement anodin que personne n’y a fait attention à première vue. Il visait à modifier la Loi sur la gestion des finances publiques. Un nouvel article allait être inséré juste après l’article 43 de cette loi, que je viens de vous lire.

Le nouvel article se lit comme suit :

43.1 Le gouverneur en conseil peut autoriser le ministre à contracter des emprunts pour le compte de Sa Majesté du chef du Canada.

Vingt-deux mots faciles à manquer dans un projet de loi omnibus qui ont échauffé des esprits et soulevé une vive controverse sur un sujet tout à fait différent, à savoir les modifications à l’accord atlantique qui étaient proposées à l’époque et leur effet sur les paiements de péréquation.

Cependant, cette courte phrase a anéanti des centaines d’années d’histoire parlementaire. Du même coup, le Parlement a cédé son pouvoir — ou, plus exactement, sa responsabilité — d’autoriser tous les emprunts du gouvernement. L’article de 22 mots a éliminé l’obligation du gouvernement de s’adresser au Parlement pour accorder plutôt au gouverneur en conseil — c’est-à-dire le Cabinet — le pouvoir d’autoriser le gouvernement à emprunter de l’argent. Autrement dit, le gouvernement pouvait maintenant se donner l’autorisation d’emprunter de l’argent.

Lorsque j’en ai parlé en juin dernier, j’ai comparé l’article à un chèque en blanc pour le gouvernement. Celui-ci peut emprunter autant d’argent qu’il veut, n’importe quand.

Notre ancien collègue, le sénateur Tommy Banks, a été le premier à réaliser ce qui avait eu lieu dans le projet de loi omnibus, mais seulement quelques jours après l’adoption de ce projet de loi omnibus. Il en a discuté avec le sénateur Willie Moore et moi, et nous avons tous trois ensuite soulevé la question auprès d’un autre collègue, le sénateur Lowell Murray. Pour ceux d’entre vous qui ne le connaissent pas, le sénateur Murray était l’une des personnes les mieux informées et les plus respectées au Sénat. Il avait une connaissance approfondie du Parlement, et du Sénat en particulier, et il a siégé au Comité des finances nationales, qu’il a aussi présidé, pendant de nombreuses années.

En passant, il ne s’agissait pas d’une question partisane. Le sénateur Banks, le sénateur Moore et moi étions tous membres du caucus libéral du Sénat et le sénateur Murray avait longtemps été ministre dans le gouvernement de Brian Mulroney.

Nous étions, en fait, unis par notre profonde préoccupation face à ce que le Parlement et nous, sénateurs, avions fait involontairement. L’année suivante, en 2008, le sénateur Murray a présenté un projet de loi d’initiative parlementaire pour que le nouvel article 43.1 soit abrogé et que soit ainsi rétablie la responsabilité de surveillance du Parlement en ce qui concerne les emprunts du gouvernement. La prorogation, les élections et ainsi de suite ont fait en sorte que le projet de loi est mort au Feuilleton et le sénateur a dû le représenter à de multiples reprises. Puis, lorsque le sénateur Murray pris sa retraite, le sénateur Moore a repris le flambeau. Ces projets de loi se sont tous heurtés à la vive opposition du gouvernement au pouvoir et sont tous morts au Feuilleton.

Cela nous amène à 2015 et aux élections qui ont eu lieu cette année-là. Pendant la campagne, le Parti libéral s’est fermement engagé à rétablir le rôle du Parlement et à lui donner un souffle nouveau. L’élément qui nous occupe, le rétablissement du pouvoir du Parlement en matière d’emprunts, était explicitement énoncé dans cet engagement. Ainsi, aux dernières élections, la plateforme du Parti libéral renfermait la promesse que voici dans un chapitre intitulé « Donner une voix à Ottawa aux Canadiennes et Canadiens » :

(1740)

La plateforme contenait ce qui suit :

Nous […] obligerons le gouvernement à soumettre tout plan d’emprunt au vote de la Chambre.

Vous ne serez pas surpris d’apprendre que les sénateurs Murray, Banks, Moore et moi étions très contents. Par mesure de précaution, lorsque le Parlement a recommencé à siéger après l’élection générale de 2015, le sénateur Moore a de nouveau présenté son projet de loi d’initiative parlementaire. Il s’agissait, à l’époque, du projet de loi S-204. Nous avons cependant tous été rassurés au début de 2016 de voir la disposition suivante dans le projet de loi C-15, Loi no 1 d’exécution du budget, le premier projet de loi de mise en œuvre du budget du nouveau gouvernement libéral :

182. L’article 43.1 de la Loi sur la gestion des finances publiques est abrogé.

Afin que les choses soient bien claires, le 3 mai 2016, lorsque le ministre des Finances, Bill Morneau, est venu répondre aux questions du Sénat, le sénateur Moore lui a demandé de confirmer que le projet de loi du gouvernement allait permettre d’accomplir ce qui était prévu dans son projet de loi d’initiative parlementaire : abroger l’infâme article 43.1 et rétablir l’obligation pour le gouvernement d’obtenir l’aval du Parlement avant d’emprunter de l’argent.

Le ministre Morneau s’est d’abord confondu en remerciements auprès du sénateur Moore, affirmant, avant de nommer chacun de nous, que l’ajout de la disposition prévoyant l’abrogation de l’article 43.1 dans le projet de loi du gouvernement était attribuable au travail de nous quatre. Il a confirmé que cette disposition prévoyait exactement ce qui était écrit, soit abroger l’article 43.1. Le projet de loi d’exécution du budget a été adopté et il a reçu la sanction royale et, c’est tout à fait normal, nous étions tous très satisfaits. Le 27 septembre 2016, le sénateur Moore a retiré son projet de loi du Feuilleton, croyant qu’il avait réussi à obtenir ce qu’il voulait.

Chers collègues, vous croyez sans doute qu’il s’agit d’une bonne nouvelle, qu’il faut s’en réjouir. Pourquoi en faire toute une histoire? Eh bien, honorables sénateurs, nous avons appris en juin dernier que cette importante disposition, l’article 182 par lequel le ministre avait indiqué vouloir abroger l’article 43.1, n’avait pas été mise en vigueur par le gouvernement. Après son adoption par le Parlement, cette disposition n’était toujours pas entrée en vigueur.

Cet article, qui avait été adopté par le Parlement et qui faisait l’orgueil du gouvernement, a ensuite été balayé sous le tapis par ce même gouvernement. Il a fait comme s’il n’avait jamais été adopté.

Par conséquent, un an après l’adoption du projet de loi C-15, la Loi no 1 d’exécution du budget de 2016, nous avons découvert que l’article 43.1 était encore en vigueur. Ce n’est qu’en décembre 2017, c’est-à-dire l’année dernière, que le gouvernement a finalement déclaré l’entrée en vigueur de l’article 182 prévu dans le projet de loi d’exécution du budget de 2016. Cela abrogeait enfin l’article 43.1 de la Loi sur la gestion des finances publiques, qui donnait au Cabinet un chèque en blanc lui permettant d’emprunter autant d’argent qu’il voulait, quand bon lui semblait. Malheureusement, ce n’est toujours pas la fin de l’histoire. En effet, même si l’article 43.1 avait finalement été abrogé, il avait déjà été remplacé entre-temps par une autre loi qui permet essentiellement de faire la même chose. Je m’explique.

Quand nous avons été saisis du projet de loi C-44, la Loi no 1 d’exécution du budget de 2017, à la mi-juin de l’année dernière, nous avons constaté qu’il comprenait une nouvelle Loi autorisant certains emprunts. C’était le titre donné à toutes les lois utilisées au fil des ans par des gouvernements de toutes les allégeances quand ils demandaient au Parlement l’autorisation d’emprunter des fonds. Cela avait toujours été des projets de loi distincts. Or, cette fois-ci, au lieu d’un projet de loi distinct, il y avait, enfoui dans le projet de loi d’exécution du budget de 2017, une Loi autorisant certains emprunts. Un projet de loi d’exécution du budget renfermait donc une loi autorisant certains emprunts.

Cela donnait au gouvernement l’autorisation d’emprunter des fonds, mais cette loi autorisant certains emprunts était très différente de toutes celles dont le Parlement du Canada a été saisi par le passé.

Contrairement aux mesures législatives antérieures, elle ne demandait pas au Parlement l’autorisation d’emprunter une somme précise pour l’année. Anticipant l’abrogation de l’article 43.1, initiative que tout le monde attendait, elle présentait un article faisant essentiellement la même chose.

Le nouvel article se lit comme suit :

3. Le ministre peut, avec l’autorisation du gouverneur en conseil visée au paragraphe 44(1) de la Loi sur la gestion des finances publiques et en conformité avec cette loi, contracter des emprunts pour le compte de Sa Majesté du chef du Canada par l’émission et la vente de titres, au sens de l’article 2 de cette loi, ou autrement.

Chers collègues, comme vous pouvez le constater, ceci ressemble beaucoup à l’article 43.1, maintenant abrogé, qui dit ceci :

Le gouverneur en conseil peut autoriser le ministre à contracter des emprunts pour le compte de Sa Majesté du chef du Canada.

Le nouvel article 3 prévoit que le ministre, avec l’autorisation du gouverneur en conseil, peut contracter des emprunts. On n’a fait qu’inverser l’ordre des choses.

Au lieu de dire : « Le gouverneur en conseil peut autoriser le ministre à contracter des emprunts », le nouvel article 3 dit : « Le ministre peut, avec l’autorisation du gouverneur en conseil, [...] contracter des emprunts ».

Le nouvel article 3 comporte deux autres différences. Premièrement, il semble restreindre ce pouvoir d’emprunter en précisant « par l’émission et la vente de titres ». Or, la disposition se poursuit en disant « ou autrement ». Autrement dit, ce pouvoir s’applique à tout genre d’emprunt du gouvernement. C’est une disposition à très large portée.

Est-ce que cela va plus loin que l’article 43.1, qui conférait simplement au ministre le pouvoir d’emprunter sans préciser comment il pouvait le faire? Je n’ai pas de réponse à cette question pour le moment, mais peut-être que le comité pourrait se pencher là-dessus lorsqu’il recevra le projet de loi.

L’autre différence entre le nouvel article 3 et l’ancien article 43.1 est plus difficile à expliquer, alors je vous demande d’être indulgents. Le nouvel article 3 dit que l’emprunt peut se faire « avec l’autorisation du gouverneur en conseil visée au paragraphe 44(1) de la Loi sur la gestion des finances publiques et en conformité avec cette loi ».

Allons donc consulter la Loi sur la gestion des finances publiques pour lire le paragraphe 44(1).

Il se lit comme suit :

(1750)

Dans les cas où la présente loi ou une autre loi fédérale autorise un financement par Sa Majesté, le gouverneur en conseil peut, sous réserve de cette loi, autoriser le ministre à contracter des emprunts par tout moyen que celui-ci estime indiqué.

Cet article indique simplement que, lorsqu’une loi fédérale — et la nouvelle Loi autorisant certains emprunts serait, bien entendu, une loi fédérale — autorise un financement, le gouverneur en conseil peut, sous réserve de cette loi, autoriser le ministre à contracter des emprunts par tout moyen que celui-ci estime indiqué.

Autrement dit, honorables sénateurs, il s’agit d’un cercle très fermé qui accorde au Cabinet et au ministre tout le pouvoir nécessaire pour emprunter n’importe quelle somme d’argent, de toutes les façons qu’ils jugent appropriées et, surtout, sans devoir obtenir l’approbation du Parlement.

Chers collègues, à moins que nous n’intervenions maintenant pour modifier la disposition, ne vous attendez pas à être saisis bientôt d’autres projets de loi d’emprunt. Le gouvernement aura déjà tous les pouvoirs dont il a besoin pour emprunter de très grosses sommes d’argent pendant de nombreuses années.

À la même période l’année dernière, notre collègue, le sénateur Woo, a parrainé le projet de loi C-44 au Sénat et il a fort bien plaidé en faveur de son adoption.

Quant à la Loi autorisant certains emprunts, il a souligné que c’est la première loi qui fixe une limite relativement à la dette fédérale globale, soit 1,168 billion de dollars.

Chers collègues, il s’agit assurément d’un atout précieux pour la surveillance des finances fédérales par le Parlement, mais cette surveillance est beaucoup moins précise que ce qu’elle était auparavant, quand le gouvernement devait s’adresser au Parlement s’il souhaitait emprunter de l’argent, ce qui donnait l’occasion de remettre en question la demande d’emprunt et de demander pourquoi cet argent était nécessaire et ce que le gouvernement entendait faire avec.

Le problème fondamental que pose la nouvelle Loi autorisant certains emprunts, c’est que le gouvernement peut continuer d’emprunter chaque année sans demander l’autorisation du Parlement, et ce, tant et aussi longtemps que la dette fédérale ne dépasse pas 1,168 billion de dollars.

On explique ceci à la page 413 du budget de 2018 :

[…] le Parlement a autorisé un encours maximal de la dette contractée sur les marchés par gouvernement et les sociétés d’État de 1 168 milliards de dollars. Le gouvernement ne prévoit pas dépasser cette limite en 2018-2019; il n’est donc pas tenu de demander une approbation renouvelée au Parlement. La dette contractée sur les marchés du gouvernement et des sociétés d’État devrait atteindre 1 066 milliards de dollars en 2018-2019 […]

Honorables sénateurs, à la fin de mars 2019, l’an prochain, lorsque la dette fédérale atteindra 1,066 billion de dollars, il sera encore possible d’emprunter plus de 100 milliards de dollars avant que le plafond de 1,168 billion de dollars soit atteint. Donc, après mars 2019, le gouvernement pourra encore emprunter plus de 100 milliards de dollars sans que le Parlement ait son mot à dire ou puisse exercer le moindre contrôle.

Pour illustrer mes propos, à la page 27 du budget de 2018 se trouve un tableau dans lequel on estime les déficits budgétaires au cours des quatre années suivant l’exercice 2018-2019. On y apprend que la dette totale accumulée s’élèvera à 1,066 billion de dollars et qu’on prévoit un déficit de 17,5 milliards de dollars en 2019-2020, de 16,9 milliards en 2020-2021, de 13,8 milliards en 2021-2022 et de 12,3 milliards en 2022-2023.

Le gouvernement prévoit donc, au cours des quatre prochaines années, des déficits accumulés de 60,5 milliards de dollars. Comme nous l’avons vu, le gouvernement peut toutefois emprunter plus de 100 milliards de dollars avant d’atteindre le nouveau plafond, ce qui signifie qu’il n’aura pas à soumettre ses emprunts au Parlement.

Par conséquent, à moins que des sociétés d’État ne fassent des emprunts substantiels, le gouvernement pourra faire des déficits importants au cours des cinq prochaines années sans atteindre le nouveau plafond d’endettement et, donc, sans avoir à demander au Parlement l’autorisation d’emprunter.

Pire encore, selon la nouvelle Loi autorisant certains emprunts, le gouvernement n’aura qu’à présenter un rapport au Parlement tous les trois ans pour rendre des comptes sur la façon dont il a utilisé l’argent emprunté. Cela signifie qu’aucun autre rapport ne sera présenté avant les prochaines élections fédérales. Un rapport tous les trois ans n’est tout simplement pas suffisant, honorables sénateurs. Nous avons eu des gouvernements qui n’ont pas duré plus de trois ans. En tant que parlementaires, comment pourrons-nous exiger des comptes du gouvernement s’il peut attendre trois ans avant de dire quoi que ce soit au Parlement sur ses opérations d’emprunt?

Je crois donc, honorables sénateurs, que des améliorations devraient être apportées à la Loi autorisant certains emprunts, promulguée en 2017, dont les dispositions ont été enfouies dans le projet de loi d’exécution du budget de 2017. C’est donc à cela que sert mon projet de loi : apporter des améliorations à la Loi autorisant certains emprunts.

Comme vous pouvez le constater — ou comme vous pourrez le constater lorsque vous consulterez le texte —, le projet de loi est très court.

Premièrement, il modifierait l’article 3 de la nouvelle Loi autorisant certains emprunts afin d’établir clairement que le gouvernement doit demander au Parlement l’autorisation d’emprunter de l’argent. Autrement dit, après avoir enfin abrogé l’article 43.1 de la Loi sur la gestion des finances publiques, nous veillerons à ce qu’on ne puisse pas utiliser une autre loi de la même façon, et c’est l’objectif de l’article 3 dont je viens de parler.

La modification suivante, à l’article 2 de mon projet de loi, vise l’article 4 de la Loi autorisant certains emprunts. C’est l’article que le sénateur Woo a salué parce qu’il impose un plafond à la dette fédérale non amortie. Je déduis de l’avis du sénateur Woo qu’il s’agit là d’un pas dans la bonne direction, et la modification proposée dans mon projet de loi ne vise qu’à l’adapter en fonction de la modification à l’article 3 que je viens d’expliquer. C’est donc une modification qui découle de la première modification, qui est cruciale.

Le troisième et dernier article de mon projet de loi modifie la nouvelle obligation de rapport sur les emprunts. Au lieu de présenter un rapport au Parlement tous les trois ans, il faudrait en présenter un chaque année.

Essentiellement, mon projet de loi exige que le gouvernement explique chaque année au Parlement les emprunts qu’il veut faire, le cas échéant. Nous gardons la limite supérieure qui a été proposée par le gouvernement, mais celui-ci ne pourra pas attendre trois ans pour nous dire comment il a dépensé l’argent.

Il va sans dire que mon projet de loi entrerait en vigueur aussitôt la sanction royale reçue. Il n’y a aucun article spécial d’entrée en vigueur dans le projet de loi. C’est une ruse que nous connaissons bien. Chat échaudé craint l’eau froide. Nous avons appris notre leçon.

Voilà donc en quoi consiste le projet de loi et ce qu’il vise à faire, honorables sénateurs.

L’année dernière, plusieurs d’entre nous ont pris la parole au Sénat pour rendre hommage à un ancien sénateur qui figure parmi les grands, l’honorable Allan J. MacEachen. Il travaillait avec autant de passion pour faire progresser la justice sociale que pour faire respecter les principes de notre démocratie parlementaire. Il comprenait que la justice sociale n’existe pas sans des institutions démocratiques solides.

(1800)

Son Honneur la Présidente intérimaire : Sénateur Day, pardonnez-moi.

Honorables sénateurs, comme il est 18 heures, conformément à l’article 3-3 du Règlement, je suis obligée de quitter le fauteuil jusqu’à 20 heures, moment où nous reprendrons nos travaux, à moins que vous souhaitiez ne pas tenir compte de l’heure.

Vous plaît-il, honorables sénateurs, de faire abstraction de l’heure?

Des voix : D’accord.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Il en est ainsi ordonné.

Continuez, sénateur Day.

Le sénateur Day : Je parlais d’Allan J. MacEachen. Il comprenait que la justice sociale n’existe pas sans des institutions démocratiques solides. Le premier ministre Justin Trudeau l’a souligné dans son discours lors de la célébration de la vie d’Allan J.

Chers collègues, après sa nomination au Sénat, l’une des premières batailles qu’a menées le sénateur MacEachen a été la défense du droit du Parlement d’étudier les plans d’emprunt du gouvernement.

Le pouvoir d’emprunt est une question qui peut sembler aride et technique. Ce n’est pas facile ni flamboyant, mais c’est profondément important. Ce pouvoir touche à l’essence même de la démocratie parlementaire, c’est-à-dire le contrôle qu’exerce le Parlement sur les deniers publics.

Il ne s’agit pas d’une question partisane. Allan J. MacEachen, le grand libéral, le comprenait. Lowell Murray, un des grands progressistes-conservateurs, le comprenait aussi. C’est une question du droit du Parlement en tant qu’institution.

J’espère que nous pouvons tous appuyer le principe de cette mesure législative à l’étape de la deuxième lecture et permettre à la question du contrôle qu’exerce le Parlement sur le pouvoir d’emprunt du gouvernement d’être étudiée pleinement en comité.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Sénateur Day, répondriez-vous à une question de la sénatrice Bellemare?

Le sénateur Day : Oui.

[Français]

L’honorable Diane Bellemare (coordonnatrice législative du gouvernement au Sénat) : J’aimerais d’abord vous remercier de l’intérêt constant que vous portez à ce sujet.

Cette question a été débattue plusieurs fois en comité, dans le contexte du projet de loi parrainé par le sénateur Moore. Vous vous rappellerez que les discussions avaient été assez vives. Lors de ces débats, on avait compris que, en 2017, la loi avait été modifiée pour répondre à la crise qui avait touché les finances publiques. Compte tenu de l’urgence, cela avait amené le gouvernement à annuler ou à abroger les lois précédentes. Cette mesure était un peu forte, j’en conviens, étant donné le souci pour la démocratie que nous devons avoir et auquel nous devons répondre.

Dans le cadre de la réforme présentée par le gouvernement, il y a eu un renouvellement de la Loi autorisant certains emprunts. Dans le contexte du maximum prévu, la loi actuelle couvre non seulement l’endettement du gouvernement, mais aussi l’endettement des sociétés d’État. Dans ce contexte plus large, il est prévu que d’ici 2019 la dette sera de 1,066 billion de dollars. Elle devrait augmenter à 1,068 billion en 2019-2020. Si la dette atteint 1,200 billion de dollars et dépasse le maximum prévu, le gouvernement devra rendre des comptes. En d’autres mots, je trouve que la façon dont vous avez présenté...

Son Honneur la Présidente intérimaire : Sénatrice, avez-vous une question? Nous sommes en débat.

La sénatrice Bellemare : Je ne veux pas me joindre au débat pour l’instant.

Connaissez-vous l’analyse qu’a faite le Bureau du directeur parlementaire du budget sur ce projet de loi du gouvernement?

Le sénateur Day : Merci pour la question. Je suis au courant de l’étude qui a été faite. On veut inclure le calcul des pensions aux formules. Toutefois, ce n’est pas le sujet qui nous occupe ici. Le montant des pensions n’est pas inclus dans ce montant. Il est possible que le montant en soit là dans deux ou trois ans. Il est également possible que, d’ici cinq ans, si le déficit n’est pas trop important, le gouvernement puisse poursuivre sans devoir expliquer au Parlement combien d’argent il utilise sur une période de trois ans — et on mentionne cette période de trois ans. J’ai demandé à ce qu’on change la période de trois ans chaque année. Toutefois, je me contente du montant qui est là.

La sénatrice Bellemare : J’aurais une question complémentaire concernant le rapport du directeur parlementaire du budget.

Sénateur Day, avez-vous examiné la loi précédente, qui a été abrogée en 2007? Savez-vous que, de 1996 à 2007, jamais la loi antérieure n’a été appliquée?

Le sénateur Day : Non, je n’étais pas au courant.

La sénatrice Bellemare : Êtes-vous au courant du fait que la loi précédente était beaucoup plus restrictive que la loi actuelle?

Le sénateur Day : Je ne dirais pas qu’elle était beaucoup plus restrictive. C’est une question d’interprétation.

(Sur la motion de la sénatrice Cools, le débat est ajourné.)

[Traduction]

Projet de loi sur la Semaine de l’égalité des sexes

Deuxième lecture—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Dawson, appuyée par l’honorable sénateur Joyal, C.P., tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-309, Loi instituant la Semaine de l’égalité des sexes.

L’honorable Rose-May Poirier : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui en faveur du projet de loi C-309, Loi instituant la Semaine de l’égalité des sexes. J’aimerais saluer et remercier le sénateur Dawson, le parrain du projet de loi, ainsi que la sénatrice Hartling, pour les excellents discours qui ont clairement montré leur détermination à réaliser l’égalité des sexes et leur passion pour ce dossier.

Profitons-en pour rappeler ce que nous avons accompli au cours des 100 dernières années, mais aussi pour nous pencher sur certains des principaux enjeux auxquels il faut s’attaquer.

Le préambule du projet de loi C-309 est assez long, mais il énumère de nombreuses difficultés auxquelles les femmes sont actuellement confrontées dans notre pays. Il nous rappelle que nous avons fait des progrès, mais qu’il y a encore du travail à faire. Une semaine de l’égalité des sexes nous donnerait l’occasion de parler de ces importantes questions et d’entretenir le débat.

Aujourd’hui, j’aimerais surtout parler des femmes en politique et des difficultés des personnes âgées et des femmes monoparentales.

Certains d’entre vous savent peut-être que ma carrière politique provinciale a commencé en 1999 lorsque j’ai gagné la confiance des gens de Rogersville—Kouchibouguac, au Nouveau-Brunswick. Ma circonscription avait toujours voté surtout en faveur du Parti libéral. J’étais la première personne du Parti progressiste-conservateur à être élue à l’assemblée législative dans cette circonscription depuis sa création en 1974. On aurait pu supposer que la question serait la suivante : la population votera-t-elle pour un progressiste-conservateur cette année? Certains se sont plutôt demandé si la population serait prête à se faire représenter par une femme. Il y a seulement 20 ans de cela. Malgré les obstacles et les points de vue, je suis fière de dire que nous étions prêts. Je l’étais également, puisque j’ai été réélue à deux autres reprises, chaque fois avec une plus forte majorité, peu importe si notre parti était au pouvoir ou formait l’opposition.

(1810)

Malheureusement, honorables sénateurs, à ce jour, nous parlons trop souvent des femmes en politique comme de belles histoires de réussite, qui ont dû redoubler d’ardeur pour atteindre leur objectif, alors que les femmes en politique devraient plutôt être considérées comme la norme. Même si la population comprend 50 p. 100 d’hommes et 50 p. 100 de femmes, seulement 26 p. 100 des députés à la Chambre des communes sont des femmes. En comparant la situation actuelle à celle en 1921, soit il y a près de 100 ans, on constate qu’on a fait beaucoup de chemin depuis l’époque où une seule députée siégeait à la Chambre des communes.

D’après un classement international des femmes en politique, avant que le bref électoral ne soit déposé en août 2014, le Canada se classait au 50e rang mondial pour ce qui est de la représentation des femmes à la Chambre élue. Il y a toutefois une Chambre où la population canadienne est mieux représentée. C’est au Sénat, où siègent actuellement 43 femmes, ce qui représente 46 p. 100 des sénateurs actuels. Nous avons fait beaucoup de chemin pour arriver où nous en sommes aujourd’hui, en 2018. Je crois que nous pouvons être fières d’être à seulement 4 p. 100 d’occuper la moitié du Sénat, et à 5 p. 100 d’y être majoritaires.

Je le répète, lorsque j’étais députée provinciale, je me suis heurtée à un trop grand nombre de questions liées au genre, qu’il s’agisse de violence, de logement ou de discrimination. J’aimerais aborder une chose dont les femmes qui communiquaient avec moi pour obtenir de l’aide me parlaient très souvent. Elles m’ont dit qu’elles étaient plus à l’aise de parler avec moi de questions liées à la pauvreté, à la violence et au logement parce que, comme je suis une femme, elles avaient l’impression que j’étais mieux en mesure de comprendre leurs besoins. Voilà une autre raison pour laquelle une représentation égale est nécessaire, pas seulement dans le domaine de la politique, mais dans tous les aspects de la vie, pour faire en sorte que les femmes se sentent à l’aise de demander de l’aide lorsqu’elles en ont besoin, notamment lorsqu’il est question de considérations financières, de santé ou de logement.

L’an dernier, j’ai eu l’occasion de rencontrer les responsables du YWCA et de constater de mes yeux tout le travail qu’elles font, notamment pour conscientiser la population à la réalité des femmes. Il s’agit du plus gros et du plus ancien organisme du Canada offrant aux femmes plusieurs services sous un même toit et du plus important réseau national de refuges pour femmes. Chaque année, le YWCA offre ses services à 25 000 femmes, enfants et adolescentes, dont 6 000 qui fuient la violence familiale. J’aimerais attirer votre attention surtout sur les mères et les aînées vivant seules, parce qu’il arrive trop souvent qu’elles soient les laissées-pour-compte des décisions politiques. Prenons l’exemple des femmes âgées qui n’ont pas encore 65 ans : de par leur situation, elles ne correspondent à aucune catégorie et tombent dans les mailles du filet. Même si elles viennent de se séparer ou de divorcer ou si leur mari vient de mourir, elles n’ont pas droit aux programmes associés à l’âge, ce qui veut dire qu’elles sont condamnées à vivre dans la pauvreté, faute de moyens financiers.

Étant donné la manière dont la courbe démographique a évolué — et dont elle continuera d’évoluer, puisque la population du Canada prend de l’âge —, le nombre de personnes de 65 ans et plus ne pourra qu’augmenter. Selon la Fondation canadienne des femmes, 16 p. 100 des aînées célibataires vivent dans la pauvreté. Nous devons absolument nous doter de mesures et de programmes pour venir en aide aux plus vulnérables de la société, comme les aînées vivant seules.

J’aimerais aussi parler des difficultés que doivent surmonter les mères vivant seules. Selon le YWCA, 79 p. 100 des familles monoparentales sont dirigées par une femme, et plus de 50 p. 100 des femmes qui vont dans un refuge ont des enfants. Quand j’ai rencontré les responsables du YWCA, je n’en suis pas revenue d’apprendre à quel point la demande pour les logements abordables était élevée, surtout chez les mères vivant seules. Les statistiques sur les familles monoparentales montrent que la réalité n’est pas la même pour les hommes et pour les femmes. Selon Statistique Canada, seulement 78,3 p. 100 des mères vivant seules travaillent à temps plein, alors que la proportion est de 93,7 p. 100 chez les pères. Pour les femmes, la semaine de travail s’élève en moyenne à 34,8 heures, alors qu’elle est de 40,1 pour les hommes. Il en va de même pour le salaire horaire, avec 23,14 $ pour les femmes et 29,48 $ pour les hommes, ce qui signifie qu’une mère vivant seule gagne 360 $ de moins par semaine qu’un père dans la même situation. Nul besoin de préciser que, étant donné un tel écart, les mères vivant seules ont beaucoup plus de mal à subvenir aux besoins de première nécessité de leurs enfants. Il y a encore beaucoup à faire pour combler cet écart, pour que les mères vivant seules ne soient pas désavantagées et pour qu’elles puissent subvenir seules aux besoins de toute la famille.

La Semaine de l’égalité des sexes serait un moment tout indiqué non seulement pour parler des défis que doivent relever les femmes, mais aussi pour penser aux progrès que nous avons déjà accomplis et faire le point sur la situation. En tant qu’ancienne députée provinciale du Nouveau-Brunswick, j’en profite pour rendre hommage aux femmes que voici, qui ont toutes été élues à l’assemblée législative de la province, que ce soit avant ou après moi : Pamela Jane Barry, Marie-Claude Blais, Margaret-Ann Blaney, Gertrude Ann Breault, Beverly Mae Brine, Martine Coulombe, Patricia Crossman, Georgie Margaret Day, Marie Carolle de Ste. Croix, Mabel DeWare, Madeleine Dubé, Shirley Dysart, Brenda Fowlie, Lisa Harris, Kim Jardine, Ella Jarrett, Carole Keddy, Joan Margaret Kingston, Marie Landry, Francine Landry, Cheryl Lavoie, Monique LeBlanc, Pam Lynch, Joan McAlpine-Stiles, Marcelle Mersereau, Pierrette Ringuette, Brenda Robertson, Carmel Robichaud, Cathy Rogers, Mary Schryer, Dorothy Shephard, Sue Stultz, Nancy Teed, Marilyn Trenholme Counsell, Elizabeth Weir, Sherry Wilson et moi.

L’Assemblée législative du Nouveau-Brunswick compte actuellement 49 députés. Si les 37 femmes qui y ont siégé au fil des ans y étaient réunies, elles n’occuperaient même pas tous les sièges.

Nous avons encore beaucoup à faire pour que l’égalité des sexes devienne réalité. Je dois toutefois dire, honorables sénateurs, que je trouve très encourageant de voir que, grâce à des initiatives telles que « Femmes pour 50 % », à ce jour, 40 p. 100 des candidats aux prochaines élections provinciales sont des femmes.

Je repense à ce que Bernard Lord m’a dit à l’époque où il était premier ministre de la province : dans un monde idéal, il y aurait un nombre égal de femmes et d’hommes à l’assemblée législative et au Cabinet, parce que les hommes et les femmes abordent parfois les problèmes d’un angle différent, et qu’il est important de trouver un juste équilibre entre leurs points de vue pour en arriver à la meilleure solution.

En terminant, honorables sénateurs, je vous encourage à appuyer ce projet de loi. Ce serait une belle occasion de sensibiliser la population aux nombreuses questions qui touchent les femmes encore aujourd’hui. Cette semaine serait célébrée au milieu du Mois de l’histoire des femmes, où nous avons déjà institué la Journée de l’affaire « personne » et la Journée internationale de la fille. Par conséquent, il serait tout à fait indiqué de reconnaître la Semaine de l’égalité des sexes afin de sensibiliser davantage la population à la condition féminine, d’évaluer les progrès que nous avons accomplis jusqu’à maintenant et d’établir l’orientation que nous devons prendre.

(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)

[Français]

Bibliothèque du Parlement

Adoption du premier rapport du comité mixte

Le Sénat passe à l’étude du premier rapport du Comité mixte permanent de la Bibliothèque du Parlement (Mandat et quorum du comité), présenté au Sénat le 25 avril 2018.

L’honorable Lucie Moncion propose que le rapport soit adopté.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée, et le rapport est adopté.)

(1820)

[Traduction]

Le Sénat

Motion donnant instruction à l’Administration du Sénat de retirer des serveurs du Sénat le site web de l’honorable sénatrice Lynn Beyak et de cesser tout soutien pour tout autre site web connexe jusqu’à ce que le processus d’enquête mené par le conseiller sénatorial en éthique soit conclu—Motion d’amendement—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Pate, appuyée par l’honorable sénateur Marwah,

Qu’il soit donné instruction à l’administration du Sénat de retirer des serveurs du Sénat le site Web de l’honorable sénatrice Beyak et de cesser tout soutien pour quelconque site Web de cette dernière jusqu’à ce que le processus mené par le conseiller sénatorial en éthique à la suite d’une demande d’enquête présentée en vertu du Code régissant l’éthique et les conflits d’intérêts des sénateurs portant sur le contenu du site Web de la sénatrice Beyak et sur ses obligations au titre du Code soit conclu, que ce soit par suite du dépôt de la lettre de détermination préliminaire ou du rapport d’enquête du conseiller sénatorial en éthique, de la présentation d’un rapport du Comité permanent sur l’éthique et les conflits d’intérêts des sénateurs ou d’une décision du Sénat sur la question.

Et sur la motion d’amendement de l’honorable sénateur Pratte, appuyée par l’honorable sénatrice Coyle,

Que la motion ne soit pas maintenant adoptée, mais qu’elle soit modifiée :

1.par substitution des mots « Qu’il soit donné instruction à l’administration du Sénat de retirer des serveurs du Sénat le site Web de l’honorable sénatrice Beyak et de cesser tout soutien pour quelconque site Web de cette dernière » par le mot « Que, »;

2.par adjonction, immédiatement après le mot « question » de ce qui suit :

« , instruction soit donnée à l’administration du Sénat de :

a)retirer les 103 lettres de soutien datées du 8 mars 2017 au 4 octobre 2017 du site Web de la sénatrice Beyak (lynnbeyak.sencanada.ca) et de tout autre site Web hébergé par un serveur du Sénat;

b)ne pas fournir de soutien, y compris le soutien technique et le remboursement des dépenses, pour tout site Web de la sénatrice qui contient une ou plusieurs de ces lettres d’appui ou qui contient un lien vers une ou plusieurs de ces lettres ».

L’honorable Lillian Eva Dyck : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour appuyer l’amendement du sénateur Pratte à la motion no 302 présentée par la sénatrice Pate. Cette motion modifiée donnerait instruction à l’Administration du Sénat de retirer les 103 lettres de soutien datées du 8 mars 2017 au 4 octobre 2017 du site web de la sénatrice Beyak, lynnbeyak.sencanada.ca, et de tout autre site web hébergé par un serveur du Sénat, et de ne pas fournir de soutien, y compris le soutien technique et le remboursement des dépenses, pour tout site web de la sénatrice qui contient une ou plusieurs de ces lettres d’appui ou qui contient un lien vers une ou plusieurs de ces lettres jusqu’à ce que le processus d’enquête mené par le conseiller sénatorial en éthique soit conclu.

Essentiellement, la motion de la sénatrice Pate vise à imposer une sanction provisoire d’ici à ce que le conseiller sénatorial en éthique rende sa décision à la suite d’une demande des sénateurs Gagné, Lankin, Omidvar, Petitclerc et Pratte d’entreprendre une enquête au titre de l’article 47(2)b) du Règlement pour déterminer si la publication de lettres de soutien sur le site web parlementaire de la sénatrice Beyak contrevient aux règles de conduite du Code régissant l’éthique et les conflits d’intérêts des sénateurs.

Selon moi, la motion de la sénatrice Pate est recevable. Le Sénat a pris des mesures provisoires par le passé. Par exemple, avant que les enquêtes sur les demandes de remboursement de plusieurs sénateurs aient été conclues, une motion visant à faire suspendre les sénateurs concernés a été présentée et adoptée avec dissidence.

J’estime que l’amendement du sénateur Pratte constitue une réponse plus adéquate que la motion originale. Retirer les lettres de soutien du site web de la sénatrice Beyak est une sanction plus appropriée, car elle vise précisément les propos offensants et racistes se trouvant sur le site plutôt que tout le contenu de celui-ci.

Chers collègues, la motion du sénateur Pratte va dans le sens de la demande que j’ai soumise par écrit au Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l’administration. Le 8 janvier 2018, j’ai demandé que le Comité de la régie interne porte un jugement par rapport à l’affaire impliquant la sénatrice Beyak et détermine si le Règlement du Sénat permet d’utiliser des ressources du Sénat pour diffuser des lettres offensantes et racistes et que, dans la négative, le comité indique la ligne de conduite à suivre.

Le Comité de la régie interne a décidé d’attendre les conclusions de l’enquête du conseiller sénatorial en éthique. Cependant, la décision revient ultimement à l’ensemble du Sénat. Une fois déposé, le rapport du conseiller sénatorial en éthique fera l’objet d’un débat au Sénat et il est possible que nous rejetions sa recommandation. Au bout du compte, il incombe aux sénateurs de décider s’ils considèrent comme racistes les lettres affichées sur le site web sénatorial de la sénatrice Beyak et s’ils doivent prendre des mesures correctives, comme ordonner à l’Administration du Sénat ou à la sénatrice de retirer les lettres du site web.

Chers collègues, le site web de la sénatrice Beyak affiche des lettres racistes à l’endroit des Autochtones depuis septembre 2017, selon Garnet Angeconeb, un aîné autochtone nommé au sein de l’Ordre du Canada et un survivant des pensionnats autochtones. Au sujet des lettres, il a déclaré ce qui suit :

Je suis très déçu. Je suis découragé et carrément blessé par certains de ces commentaires.

Chers collègues, la présence de ces lettres sur le site web de la sénatrice Beyak a fait les manchettes au début du mois de janvier. J’ai été interviewée à ce moment-là, et j’ai fait savoir que j’étais contre le fait qu’elles soient publiées sur un site web public du Sénat. Il y avait alors 103 lettres. J’ai fait un rapide survol et j’ai trouvé qu’il y en avait à peu près 20 qui étaient très offensantes. Certaines d’entre elles sont franchement racistes et elles pourraient, selon moi, être considérées comme haineuses. Il y a maintenant 129 lettres d’appui qui ont été publiées sur le site web de la sénatrice Beyak.

Honnêtement, je ne peux pas croire que nous débattons même de cette question. Il est on ne peut plus clair, d’après la jurisprudence, qu’il n’existe pas au Canada de liberté d’expression absolue qui veut que la sénatrice Beyak ait le droit de publier tout ce qu’elle veut, sans égard à l’impact et aux conséquences que cela peut avoir sur les Autochtones victimes de propos haineux et racistes contenus dans certaines des lettres sur son site web.

Cette idée de liberté d’expression absolue a été mentionnée non seulement par la sénatrice Beyak, mais également par le sénateur Plett dans son discours la semaine dernière. Étant donné que ceux qui appuient la sénatrice Beyak pensent, de façon erronée, que les gens ont une liberté d’expression absolue, j’ai décidé qu’il était nécessaire et important d’expliquer en détail pourquoi c’est faux.

En droit canadien, la liberté d’expression est garantie par l’alinéa 2b) de la Charte canadienne des droits et libertés. Toutefois, l’article 1 de la Charte prévoit qu’il est possible d’imposer des limites raisonnables à tous les droits garantis par la Charte, dont celui de la liberté d’expression. Comme l’a fait valoir la majorité dans la décision Slaight Communications Inc. c. Davidson, de la Cour suprême du Canada, en 1989, les valeurs fondamentales d’une société libre et démocratique garantissent les droits prévus dans la Charte et, lorsque c’est indiqué, justifient la restriction de ces droits. Dans la loi, il existe de nombreuses dispositions qui limitent le droit à la liberté d’expression. Le Code criminel comprend plusieurs restrictions quant aux infractions, comme le libelle diffamatoire, l’encouragement au suicide, le parjure, la fraude. Ce sont toutes des limites à la liberté d’expression.

De plus, le Code criminel contient des dispositions sur les propos haineux aux articles 318 à 320. Le paragraphe 319(2) décrit clairement l’équilibre entre le droit à la liberté d’expression et les limites qui justifient la protection des groupes identifiables. Ce paragraphe du Code criminel stipule ceci, sous la rubrique « Fomenter volontairement la haine » :

Quiconque, par la communication de déclarations autrement que dans une conversation privée, fomente volontairement la haine contre un groupe identifiable est coupable:

a) soit d’un acte criminel et passible d’un emprisonnement maximal de deux ans;

b) soit d’une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire.

Je signale ce paragraphe parce que c’est le fondement de la jurisprudence au Canada en ce qui a trait aux limites à la liberté d’expression lorsqu’il est question de propos haineux et discriminatoires.

En 1990, la Cour suprême a statué, dans l’affaire R. c. Keegstra, que le paragraphe 319(2) du Code criminel, qui interdit de fomenter volontairement la haine sauf en cas de conversation privée, viole effectivement le droit à la liberté d’expression. Cependant, la Cour suprême a également souligné que cette violation est justifiée, car il s’agit d’une limite raisonnable de ce droit. Dans l’affaire Keegstra, la cour a jugé que, dans l’ensemble, la limite était moins nuisible que le préjudice causé par les propos mêmes. La majorité a énoncé de nombreux effets nuisibles des propos haineux dans la société, et la cour a souligné que :

Les préoccupations suscitées par l’existence de tels écrits ne tiennent toutefois pas simplement à leur caractère offensant, mais découlent du préjudice très réel qu’ils causent. Il existe essentiellement deux sortes de préjudices résultant de la propagande haineuse. D’abord, le préjudice infligé aux membres du groupe cible. Incontestablement, le préjudice émotionnel occasionné par des paroles peut avoir de graves conséquences psychologiques et sociales.

(1830)

La dérision, l’hostilité et les injures encouragées par la propagande haineuse ont en conséquence un profond effet négatif sur l’estime de soi et sur le sentiment d’être accepté. Cet effet peut amener les membres du groupe cible à des réactions extrêmes, à éviter peut-être les activités qui les mettent en contact avec des personnes n’appartenant pas à ce groupe ou à adopter des attitudes et des comportements qui leur permettront de se confondre avec la majorité. Ces conséquences sont graves dans une nation dont la fierté est d’être tolérante et de favoriser la dignité humaine, notamment en respectant les nombreux groupes raciaux, religieux et culturels de notre société.

Le tribunal a ensuite décrit le second effet nocif, soit la possibilité que la propagande haineuse puisse gagner des gens à sa cause.

Il n’est donc pas inconcevable que la diffusion active de la propagande haineuse puisse gagner des gens à sa cause et, par le fait même, engendrer de graves discordes entre divers groupes culturels de la société. En outre, le changement des opinions des destinataires de la propagande haineuse peut se produire subtilement et ne résulte pas toujours de l’acceptation consciente de l’idée ainsi communiquée. Même si le message transmis par la propagande haineuse est en apparence rejeté, il semble que sa prémisse d’infériorité raciale ou religieuse puisse rester dans l’esprit du destinataire en tant qu’idée traduisant une certaine vérité, et c’est là le germe d’un effet dont on ne saurait faire entièrement abstraction.

Chers collègues, ce point est d’une importance cruciale. Les propos haineux et faux qui ciblent un groupe identifiable ne font pas du tort qu’aux membres du groupe visé, il mine aussi la cohésion sociale d’une société multiculturelle comme celle du Canada. Comme l’a souligné la cour :

La propagande haineuse apporte peu aux aspirations des Canadiens ou du Canada, que ce soit dans la recherche de la vérité, dans la promotion de l’épanouissement personnel ou dans la protection et le développement d’une démocratie dynamique qui accepte et encourage la participation de tous.

Chers collègues, à l’instar du Code criminel, la Loi canadienne sur les droits de la personne impose aussi des limites à la liberté d’expression. Bien que l’article 13 de la Loi canadienne sur les droits de la personne ait été abrogé par le gouvernement Harper en 2013, l’article 12 restreint toujours la liberté d’expression si elle constitue un acte discriminatoire envers un groupe identifiable. L’article 12 se lit comme suit :

Constitue un acte discriminatoire le fait de publier ou d’exposer en public, ou de faire publier ou exposer en public des affiches, des écriteaux, des insignes, des emblèmes, des symboles ou autres représentations qui, selon le cas:

a) expriment ou suggèrent des actes discriminatoires au sens des articles 5 à 11 ou de l’article 14 ou des intentions de commettre de tels actes;

b) en encouragent ou visent à en encourager l’accomplissement.

Il est important de noter que l’alinéa b) concerne les représentations qui encouragent les gens à commettre des actes discriminatoires, c’est-à-dire les représentations qui diffusent un message visant à convaincre d’autres personnes d’agir de manière discriminatoire.

Il est aussi important de noter que chaque province et territoire du Canada a adopté une loi sur les droits de la personne qui interdit ou limite les activités discriminatoires. À l’exception de la Loi sur les droits de la personne du Yukon, ces lois contiennent une disposition semblable à l’article 12 de la Loi canadienne sur les droits de la personne qui interdit certaines formes d’affichage, de diffusion ou de publication de messages annonçant l’intention de commettre un acte discriminatoire ou incitant d’autres personnes à en commettre un en se fondant sur des motifs de distinction illicite.

Chers collègues, j’espère que ma longue explication détaillée vous montre clairement qu’il existe des limites à ce que nous pouvons dire ou exprimer. La liberté d’expression complète n’existe pas. Nous ne devons pas oublier les droits de la personne à qui nous exprimons nos pensées et nos opinions. Elle a le droit de ne pas être blessée par les propos d’une autre personne ou de ne pas être victime de discrimination en raison de ces propos.

Chers collègues, j’ai reçu des courriels et des lettres haineux et racistes les deux fois où j’ai dénoncé des commentaires formulés par la sénatrice Beyak. Il y a un an, j’ai lu, pour le compte rendu, un message haineux. Depuis janvier dernier, j’ai reçu 18 messages de personnes qui appuient la sénatrice Beyak. Douze auteurs de ces messages ont souligné qu’ils avaient le droit à la liberté d’expression sans qu’on tente de les museler ou de les réduire au silence, et qu’on n’avait pas le droit de s’opposer au racisme ou de limiter leur liberté d’expression en raison de la rectitude politique.

Comme je l’ai dit plus tôt, ces gens ont manifestement tort. Personne, pas même un sénateur, n’a le droit de faire des commentaires racistes. Si quelqu’un le fait, on peut le réduire au silence ou le sanctionner. Pour ce qui est de la rectitude politique, je dirai simplement ceci : je tiens à la rectitude factuelle.

J’aimerais maintenant aborder un autre aspect de cet enjeu, qui a été soulevé par le sénateur Plett. Ce dernier a déclaré que, si on n’aime pas ce qui se trouve sur le site web de la sénatrice Beyak, on n’est pas obligé de le lire. C’est vrai, mais la présence de commentaires racistes sur un site web officiel du Sénat ou parrainé par le Sénat leur donne une apparence de crédibilité, ce qui alimente les préjugés raciaux chez ceux qui souscrivent aux opinions qui y sont exprimées. Certains individus se sentent alors à l’aise de proférer plus ouvertement des commentaires racistes à l’endroit des Autochtones. En d’autres mots, le fait de laisser ces lettres à la vue de tout le monde donne lieu à encore plus de racisme.

Son Honneur le Président : Je m’excuse, madame la sénatrice, mais votre temps de parole est écoulé. Demandez-vous cinq minutes de plus?

La sénatrice Dyck : Oui, s’il vous plaît.

Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

La sénatrice Dyck : Ce qui est particulièrement troublant, ce sont les faussetés véhiculées dans ces lettres racistes au sujet de l’argent des contribuables et les commentaires de la sénatrice Beyak qui laissent entendre que les fonds versés par le gouvernement fédéral aux Premières Nations doivent faire l’objet d’une vérification. De tels commentaires poussent des gens à croire que les Premières Nations ne sont pas soumises à des vérifications. C’est faux. Les Premières Nations font l’objet de vérifications, et leurs états financiers vérifiés sont rendus publics, notamment sur le site web d’AINC. Qui plus est, la ministre Bennett a confirmé devant nous aujourd’hui que les Premières Nations font l’objet de vérifications.

Les fonds publics et la perception de gaspillage de fonds publics sont des sujets controversés qui sous-tendent bon nombre des stéréotypes raciaux voulant que les Autochtones gaspillent les fonds publics et qu’ils reçoivent des avantages financiers injustes. L’information inexacte au sujet des Autochtones et des fonds publics contenue dans certaines des lettres qui se trouvent sur le site web de la sénatrice Beyak pourrait manifestement attiser les flammes de la colère et du racisme envers les Autochtones.

Il convient de signaler que 8 des 18 messages que j’ai reçus des personnes qui appuient la sénatrice Beyak mentionnent aussi le gaspillage de fonds publics par les Autochtones et 4 d’entre eux étaient extrêmement haineux et injurieux. Je vais en lire deux d’entre eux pour qu’ils paraissent au compte rendu. L’un des messages est écrit en caractères gras, ce qui montre à quel point cette personne est en colère.

LILLIAN, JE TIENS À VOUS FAIRE PART DE MA PROFONDE INDIGNATION CONCERNANT VOTRE PRISE DE POSITION CONTRE LA GRANDE sénatrice Lynn Beyak […]

J’ai déjà vécu à Winnipeg et j’ai connu les Autochtones. Tous les matins, la police interpellait des ivrognes autochtones […] inconscients dans la rue […] vivant de l’aide sociale!

DITES-NOUS SEULEMENT […] COMBIEN DE MILLIARDS DE DOLLARS DOIVENT PAYER LES CONTRIBUABLES CANADIENS CHAQUE ANNÉE POUR SOUTENIR CES PARASITES autochtones?

Selon moi […] il est évident que vous n’avez pas le courage de nous le dire!

Il s’agit, de toute évidence, d’un message haineux et raciste.

Lorsque j’ai reçu le deuxième message, j’ai tenté d’imposer des limites à la personne. Le titre de son message est : « Les citoyens canadiens ne sont pas les esclaves des Premières Nations. J’appuie la sénatrice Lynn Beyak sur cette question parce qu’elle défend les contribuables pour qu’on ne les bafoue pas davantage. »

Je lui ai répondu en déclarant : « Votre courriel est offensant et manifestement raciste envers les Premières Nations. Je ne souhaite pas recevoir vos messages ignorants et racistes. Retirez mon nom de votre liste de messagerie. »

Il m’a ensuite répondu ceci :

Le fait que vous soyez une menteuse pathétique et une traîtresse ne fait pas de moi un raciste. J’ai seulement relevé que les Premières Nations vivant sur les réserves ne paient pas d’impôt et ne devraient donc pas avoir accès aux services gouvernementaux financés par les contribuables.

Je n’arrivais pas à y croire. Je lui ai répondu : « Votre message est plein de haine. Je vais demander aux gestionnaires de courriels de bloquer vos messages. »

Il m’a écrit une dernière fois avant que j’aie le temps de le bloquer.

Je ne hais rien ni personne, sale menteuse pathétique. C’est un plaisir de dénoncer les sales menteurs et les traîtres comme vous.

Voilà donc à quoi je m’expose en prenant la parole.

(1840)

Je crois que ces deux messages, le dernier en particulier, illustrent clairement la façon dont la désinformation au sujet des Autochtones, surtout lorsqu’il est question de l’argent des contribuables, peut encourager les préjugés, ce qui mène à du racisme flagrant et peut susciter la haine envers les Autochtones. Ces messages le démontrent, de toute évidence.

La seule autre fois où j’ai reçu des messages racistes remplis de haine est lorsque j’ai défendu les droits des Premières Nations de ne pas être tenues de publier des renseignements financiers personnels sur le site web du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien. Comme je l’ai dit, les questions d’argent sont un sujet brûlant qui attise la colère et le racisme. Par conséquent, il est particulièrement troublant de souligner que la sénatrice Beyak a déclaré que l’argent qui entre et sort des réserves des Premières Nations devrait faire l’objet d’une vérification. Comme je l’ai déjà dit, ce genre de déclaration amène les gens à croire que les Premières Nations ne font pas l’objet de vérification. C’est faux. Elles sont visées par des vérifications et les états financiers vérifiés sont publiés publiquement, notamment sur le site web du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien. Demander une vérification perpétue le mythe malicieux que les Premières Nations peuvent dépenser leur argent puisqu’il n’y a pas de contrôle. Mal informer la population en parlant du besoin de vérifier l’argent qui entre et sort des réserves des Premières Nations est non seulement irresponsable, mais aussi répréhensible en raison de la haine que ce genre d’information peut engendrer au sein de la population.

Voilà pourquoi les commentaires racistes publiés par la sénatrice Beyak et les renseignements erronés qu’elle véhicule au sujet des Autochtones pourraient être classés dans la catégorie des propos haineux.

Je souhaite dire que j’ai reçu 45 messages s’opposant à la position de la sénatrice Beyak : 12 personnes étaient d’avis que ses opinions étaient racistes, 21 ont déclaré qu’elle devrait être punie en étant obligée de démissionner ou en étant expulsée ou visée par des mesures disciplinaires quelconques, et 2 pensaient que la sénatrice censurait la liberté d’expression, car elle ne publiait pas les lettres de ceux qui étaient en désaccord avec elle.

Son Honneur le Président : Désolé, sénatrice Dyck. Votre temps de parole est encore écoulé. Demandez-vous plus de temps?

La sénatrice Dyck : Il me faut une minute.

Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé?

Des voix : D’accord.

La sénatrice Dyck : En terminant, je dirai que j’appuie l’amendement du sénateur Pratte à la motion no 302 de la sénatrice Pate. J’estime que c’est une option juste et raisonnable que le Sénat devrait adopter en attendant le rapport du conseiller sénatorial en éthique. Toutefois, l’amendement a besoin d’être amendé, parce qu’on a compté 129 lettres d’appui le 25 avril. Je vous recommande vivement d’appuyer cet amendement et tout autre amendement. Merci.

Des voix : Bravo!

Son Honneur le Président : Le sénateur Tkachuk aimerait poser une question, mais vous manquez encore de temps.

Le consentement est-il accordé pour répondre à une question, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

L’honorable David Tkachuk : Sénatrice, j’ai écouté votre allocution. Vous mentionnez constamment les courriels que vous avez reçus. J’admets qu’ils étaient assez méchants, mais, si ce sont les premiers que vous avez reçus, vous avez eu de la chance, car j’en ai reçu d’aussi méchants juste pour m’être opposé à un projet de loi d’initiative ministérielle.

Ces messages n’étaient pas sur le site web. Vous les avez reçus parce que vous vous êtes opposée au site web.

La sénatrice Dyck : C’est vrai, mais, si vous regardez les messages sur le site web de la sénatrice Beyak, ils sont racistes. Je ne les pas lus durant le débat parce qu’on en a déjà parlé.

Il est vrai que vous recevez peut-être des messages tout aussi dérangeants, mais les miens me sont adressés parce que je suis autochtone. C’est autre chose qu’une personne qui se plaint de la position que vous prenez à propos d’une mesure législative. Je trouve donc qu’il n’est pas juste de comparer les deux.

Son Honneur le Président : Sénatrice Cools, avez-vous une question à poser?

L’honorable Anne C. Cools : Oui, j’ai une question à poser.

Son Honneur le Président : La sénatrice Dyck devra demander encore un peu de temps.

Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

Une voix : Non.

Son Honneur le Président : Je suis désolé, sénatrice Cools, mais j’entends un « non ».

(Sur la motion de la sénatrice Lovelace Nicholas, le débat est ajourné.)

La surreprésentation croissante des femmes autochtones dans les prisons canadiennes

Interpellation—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur l’interpellation de l’honorable sénatrice Pate, attirant l’attention du Sénat sur la situation actuelle des personnes qui comptent parmi les plus marginalisées, victimisées, criminalisées et internées au Canada, et plus particulièrement sur la surreprésentation croissante des femmes autochtones dans les prisons canadiennes.

L’honorable Mary Jane McCallum : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui au sujet de l’interpellation no 19. Comme le dit l’interpellation, les femmes autochtones emprisonnées sont parmi les citoyennes les plus marginalisées au Canada. Trop souvent, elles n’ont pas de voix ni de systèmes d’appui adéquats. C’est ce groupe de femmes qui est le plus représenté, mais dont on s’occupe le moins, dans les établissements fédéraux du pays.

Les chiffres sont décourageants. En 2016, l’enquêteur correctionnel du Canada a signalé que, pour la première fois, plus du quart des détenus dans les prisons canadiennes étaient des Autochtones. Les chiffres sont encore plus décourageants lorsqu’on considère les femmes autochtones, car les statistiques les plus récentes indiquent que quelque 39 p. 100 des femmes incarcérées sont d’origine autochtone.

Cette tendance a continué de s’accentuer au cours des trois dernières décennies et ne montre aucun signe de ralentissement.

Honorables sénateurs, j’attire votre attention sur un rapport publié en 1988 par le Comité permanent de la justice et du Solliciteur général intitulé Des responsabilités à assumer. Le rapport était novateur en son temps parce qu’on s’y penchait enfin sur les questions de la détermination de la peine, de la mise en liberté sous condition et d’autres aspects du système correctionnel dans le contexte canadien. S’il n’est plus aujourd’hui pertinent à certains égards, nombre des thèmes et réalités qu’il aborde sont encore vrais dans la société d’aujourd’hui.

On y lit entre autres ce qui suit:

Les changements culturels et économiques qu’ont connus les autochtones au cours de ce siècle ont eu des répercussions dévastatrices sur leur vie personnelle et familiale. Ils sont souvent au chômage, viennent de familles séparées et souffrent de graves problèmes de toxicomanie. Certains détenus autochtones, et plus particulièrement les femmes, sont incarcérés loin de leur ville ou de leur réserve.

Pour replacer cette question dans son contexte, honorables sénateurs, lorsque le rapport a été rédigé en 1988, on remarquait que les peuples autochtones représentaient, par rapport à leur poids démographique, un pourcentage disproportionné des personnes détenues dans les institutions fédérales. En effet, alors qu’ils représentaient à peu près 2 p. 100 de la population canadienne globale, ils constituaient 9,6 p. 100 de la population carcérale du Canada. En 2016, ces deux pourcentages étaient passés respectivement à 4,9 p. 100 et à 25,4 p. 100, ce qui est stupéfiant.

Rappelez-vous, chers collègues, que ce nombre est considérablement plus élevé lorsque l’on tient compte du nombre de femmes autochtones incarcérées, ce groupe marginalisé constituant plus de 39 p. 100 des femmes incarcérées.

Il est clair que les peuples autochtones du Canada, surtout les femmes, sont emprisonnés dans un cycle débilitant dans lequel les générations qui se succèdent ont un mal fou à réussir leur vie sans tomber dans la criminalité. Si le système actuel reflète toujours les problèmes qui existaient il y a 30 ans, c’est signe que l’on n’en fait pas assez pour combler cet écart et réparer les torts pour que la nouvelle génération ne soit plus confrontée à cette sombre perspective.

(1850)

Chers collègues, ce rapport produit en 1988 par le Comité de la justice contient de sages paroles que l’on devrait méditer aujourd’hui. On y indique que les programmes offerts aux prisonniers autochtones doivent être conçus de manière à respecter et à prendre en considération les différences culturelles entre les prisonniers autochtones et les autres prisonniers. Le rapport dit notamment que :

Par ailleurs, les détenus autochtones s’intéressent de plus en plus à la spiritualité autochtone. Il s’agit pour eux de se laisser guider spirituellement par les aînés qui leur enseignent les traditions autochtones et d’observer des rites tels que la purification par l’étuve. De cette façon, les détenus autochtones sont en contact avec la collectivité autochtone et avec des traditions qui remontent à très loin.

Honorables sénateurs, peu de temps après ce rapport, en 1992, la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition a été adoptée. Elle prévoit des options permettant de confier le soin et la garde d’un Autochtone détenu dans un établissement fédéral à une collectivité autochtone. L’article 81 de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition porte sur ce genre de transfèrement. Il précise que le ministre de la Sécurité publique peut conclure avec une collectivité autochtone un accord prévoyant la prestation, aux frais du ministre, de services correctionnels destinés au prisonnier qui consent à être transféré et confié au soin et à la garde de cette collectivité.

Bien qu’il s’agisse d’un pouvoir discrétionnaire du ministre, ce changement a été bien accueilli. Les prisonniers autochtones pouvaient dorénavant être confiés à leur collectivité et soumis à des pratiques de guérison traditionnelles qui manquaient cruellement dans le traitement offert par les établissements fédéraux. Auparavant, ces prisonniers étaient souvent incarcérés loin de leur collectivité ou réserve d’origine et loin de leur patrimoine culturel, de leurs traditions et des groupes d’aide qui rendent la réhabilitation plus viable.

Chers collègues, un article tout aussi important de la Loi de 1992 sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition porte sur le processus de transfèrement. Il s’agit de l’article 84, qui prévoit que, si un prisonnier autochtone exprime le souhait d’être libéré au sein d’une collectivité autochtone, le Service correctionnel du Canada doit la prévenir de la date de libération du prisonnier et lui permettre de soumettre un plan de réinsertion sociale. La collectivité peut ainsi se préparer adéquatement avant que le prisonnier soit transféré et lui soit confié.

Les articles 81 et 84 visent assurément à donner aux Autochtones une meilleure emprise sur les questions qui les concernent. Ils permettent à des collectivités d’accueillir des délinquants autochtones, qui peuvent ainsi retrouver leurs terres ancestrales et y bénéficier des traitements et des méthodes de guérison propres aux Autochtones, qui ont pour eux une valeur sacrée. Cela dit, bien que ces deux articles visent à réduire la surreprésentation des Autochtones dans les pénitenciers fédéraux, les critères à satisfaire pour qu’une communauté se voie confier le soin et la garde d’un détenu sont très restrictifs et vont à l’encontre des objectifs de ces articles. À titre d’exemple, le détenu doit être considéré comme un délinquant à risque minimal ou, dans de rares cas, à risque moyen.

Cela pose problème, chers collègues, et voici pourquoi. D’après un rapport du Bureau de l’enquêteur correctionnel, intitulé Une question de spiritualité : Les Autochtones et la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, en 2010-2011, seulement 11 p. 100 des détenus autochtones étaient placés dans des établissements à sécurité minimale. Comme les articles sur le transfert de la garde du détenu à la communauté visent à réduire le nombre d’Autochtones incarcérés, je doute que les législateurs aient eu l’intention d’exclure 89 p. 100 des détenus autochtones.

Chers collègues, il faudrait, certes, améliorer le processus qui permet de confier la garde de détenus à la communauté afin que cette option soit davantage accessible et puisse vraiment réduire le nombre de prisonniers, et surtout de prisonnières, autochtones. Cela dit, la question des soins de santé offerts aux femmes incarcérées m’apparaît encore plus préoccupante.

Le rapport Protégeons leurs droits, produit par la Commission canadienne des droits de la personne en 2003, indique que l’accès des femmes incarcérées à des soins de santé est limité et varie d’un établissement à l’autre. Voici un extrait du rapport :

Chez les femmes purgeant une peine de ressort fédéral, les besoins en matière de santé ainsi que l’accès à des services de santé appropriés et nécessaires doivent être envisagés dans un contexte qui reconnaît les différences entre les hommes et les femmes à ce chapitre : « [Traduction] Les femmes sont plus susceptibles que les hommes d’être malades, de souffrir d’une déficience et d’être victimes de détresse psychologique. » L’inégalité des conditions de santé peut avoir des répercussions particulièrement graves chez les femmes autochtones, qui affichent des taux plus élevés de suicide et de toxicomanie. Ces tendances se reflètent dans la vie des femmes incarcérées au sein d’établissements correctionnels fédéraux.

Étant détenues, les femmes purgeant une peine de ressort fédéral ne sont généralement pas admissibles aux services de santé qu’offrent les régimes d’assurance-maladie de la province. Elles relèvent plutôt des articles 86 et 87 de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, selon lesquels le Service correctionnel du Canada est tenu de fournir aux détenus les services de soins de santé essentiels conformément aux normes généralement acceptées dans la profession. La nature des services de soins de santé dits « essentiels » a été interprétée de façon très large dans le contexte des droits de la personne.

Honorables sénateurs, je crois fermement que des services de santé adéquats constituent un droit fondamental qui devrait être accordé à toutes les femmes, qu’elles soient détenues ou non, et en particulier aux plus vulnérables d’entre elles, c’est-à-dire les femmes autochtones.

Il importe de reconnaître les obstacles qui empêchent l’accès des femmes détenues à des soins de santé au Canada. Selon une étude sur la question publiée dans l’International Journal of Prisoner Health en 2016, les femmes incarcérées au Canada signalent divers obstacles qui diminuent l’accès aux soins de santé durant leur détention. Mentionnons notamment de longues listes d’attente, l’accès difficile à des médicaments, des professionnels de la santé sous-qualifiés ou sans empathie, le manque de continuité des soins, le faible niveau de littératie en santé et la mauvaise planification en matière de transition.

En général, on considère que la santé se détériore durant l’incarcération, et ce, malgré le fait que beaucoup de femmes menaient avant leur détention une vie instable, marquée par un manque de bien-être et une faible capacité à prendre soin d’elles-mêmes.

Honorables sénateurs, dans cette étude, les détenues du Canada ont signalé plusieurs facteurs qui entravent leur accès aux soins de santé. Le premier est le manque de connaissances concernant les services de santé existants et la façon d’obtenir des informations à cet égard.

Ces femmes se sont dites trop « gênées » ou « effrayées » pour chercher à se renseigner. Cela est lié au manque de littératie en santé, qu’on définit ainsi dans le rapport : « incapacité de trouver, de comprendre, d’évaluer et de communiquer l’information de manière à promouvoir, à maintenir et à améliorer sa santé dans divers milieux au cours de la vie ». C’est une lacune qui est étroitement liée à la santé des personnes puisqu’elle nuit à leur capacité à faire des choix éclairés, à réduire leurs risques de tomber malades et à naviguer dans le système de soins de santé.

Les autres préoccupations mentionnées entourent le formulaire de demande de services de santé. Dans ce formulaire, les détenus décrivent leurs soucis de santé. Il est ensuite lu par l’infirmière correctionnelle, qui y répond par écrit au détenu, qui peut ensuite avoir besoin d’une évaluation supplémentaire si un médecin le juge indiqué. Nombre de détenues soulignent que le temps d’attente entre ces étapes fait partie des causes qui retardent l’accès à des traitements nécessaires et parfois urgents.

(1900)

En outre, nombre de détenues ont dit sentir qu’on fait peu de cas de leurs besoins et que, dans certaines circonstances, leurs préoccupations ou leurs problèmes n’étaient pas pris au sérieux par le personnel médical.

Le manque de cohérence dans les traitements pendant les périodes de transition fait également partie des obstacles qui nuisent à l’accès de nombreuses détenues aux services de santé. À cause des lacunes observées lors des périodes de transition — notamment lors de l’incarcération, de la remise en liberté et du transfert dans un autre établissement correctionnel —, il arrive souvent que les traitements, les tests et les ordonnances ne soient pas renouvelés ou ne fassent pas l’objet d’un suivi.

Son Honneur le Président : Je suis désolé, sénatrice McCallum, votre temps de parole est écoulé. Demandez-vous plus de temps?

La sénatrice McCallum : Oui.

Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

La sénatrice McCallum : En raison des nombreux obstacles auxquels les femmes — en particulier les femmes autochtones — doivent faire face en prison lorsqu’elles ont besoin de soins, ce rapport de 2016 fait trois recommandations qui, selon les auteurs, atténueraient bon nombre des problèmes touchant l’accès de ces détenues à des soins de santé adéquats pendant leur détention. Le rapport recommande notamment de prévoir des évaluations de santé exhaustives lorsqu’une détenue est admise dans un établissement et lorsqu’elle en sort, de mettre en place des stratégies pour améliorer la littératie en matière de santé et d’établir des réseaux d’aide médicale pendant la détention.

Honorables sénateurs, il est important d’écouter ce que disent les personnes directement touchées par ces obstacles et ces conditions inacceptables. Dans un rapport du Service correctionnel du Canada de 1990, intitulé La création de choix : Rapport du groupe d’étude sur les femmes purgeant une peine fédérale, il y a un chapitre intitulé « La voix des peuples autochtones » dans lequel on cite des détenues autochtones qui font état de ce qu’elles ont vécu en prison. Le rapport dit ceci :

Les femmes autochtones réclament fortement et uniformément que leurs antécédents culturels et spirituels soient reconnus et acceptés et que tous les aspects de leur traitement à l’intérieur de la prison et après leur mise en liberté dans la communauté reflètent cette reconnaissance.

Notre expérience distincte à titre de femmes autochtones doit être reconnue. Nous ne pouvons pas être uniquement des femmes ni uniquement des autochtones. Notre race et notre sexe sont intimement liés. Nos identités de femmes découlent des enseignements de nos diverses nations autochtones. Il ne faut pas banaliser le fait que nous sommes distinctes.

[…] étant donné que l’incarcération d’une femme autochtone ne se rapporte qu’à l’incident ou aux incidents qui sont la cause de ses démêlés avec la justice, elle ne peut guérir, puisque sa souffrance provient des sévices dont elle a été victime toute sa vie.

Honorables sénateurs, les femmes autochtones purgeant une peine de ressort fédéral sont les femmes les plus vulnérables et les moins avantagées de la société canadienne. Nous devons briser le cycle qui fait que ces femmes sont sous-représentées dans la société, mais surreprésentées dans les prisons. Il est temps que nous facilitions leur sortie de prison et leur réintégration dans les communautés autochtones, où elles pourront obtenir des services adéquats de guérison et de réinsertion sociale.

Enfin, il est temps de répondre à l’appel à l’action 35 de la Commission de vérité et réconciliation, qui nous demande de travailler avec les collectivités autochtones pour offrir des services culturellement adaptés aux détenus en ce qui concerne, notamment, la toxicomanie, la famille et la violence familiale, de même que les difficultés auxquelles fait face une personne lorsqu’elle tente de surmonter les séquelles de la violence sexuelle. Chers collègues, il nous incombe de faire notre part pour donner une voix et un coup de main aux membres de la société qui en ont le plus besoin. Merci.

(Sur la motion du sénateur Sinclair, le débat est ajourné.)

Projet de loi sur le cannabis

Projet de loi modificatif—Déclaration d’intérêts personnels

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous informe que l'honorable sénatrice Eaton vient de faire une déclaration d’intérêts personnels concernant le projet de loi C-45 et que, conformément à l’article 15-7(1) du Règlement, cette déclaration sera consignée aux Journaux du Sénat.

Le Code criminel

Projet de loi modificatif—Déclaration d’intérêts personnels

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous informe que l'honorable sénatrice Eaton vient de faire une déclaration d’intérêts personnels concernant le projet de loi C-46 et que, conformément à l’article 15-7(1) du Règlement, cette déclaration sera consignée aux Journaux du Sénat.

Le capitaine Augustine Dalton

Interpellation—Fin du débat

L’honorable Fabian Manning, ayant donné préavis le 1er février 2018 :

Qu’il attirera l’attention du Sénat sur la vie extraordinaire du capitaine Augustine Dalton.

— Honorables sénateurs, c’est un honneur pour moi de prendre la parole cet après-midi pour vous raconter l’histoire d’un ami, qui venait comme moi de Terre-Neuve-et-Labrador et qui était, de mon point de vue, un grand Canadien. Augustine Leo Dalton est né le 15 septembre 1930. Il était le fils de James et Gertrude, dont le nom de jeune fille était Doody, et l’avant-dernier d’une famille de cinq garçons et deux filles.

La famille Dalton vivait à Reginaville, sur la Grande île Colinet, dans la baie de St. Mary’s, à Terre-Neuve. Gus a étudié pendant son jeune âge à une école à Mosquito. Du haut de ses 16 ans, il a choisi un métier qui deviendrait sa grande passion, celui de pêcheur.

À cette époque, la vie était difficile. Vivre de la mer posait de nombreux défis à Gus et à ses compagnons pêcheurs. Toutefois, il y avait également des possibilités, et Gus et d’autres ont su en tirer pleinement parti. Ils ont subvenu aux besoins de leur famille grâce aux richesses de la mer et de la terre. Ils ont aménagé des jardins, élevé des animaux, coupé leur bois de chauffage, construit de meilleures routes et bâti leur propre maison.

Les compétences étaient transmises de génération en génération. Pour survivre, il fallait travailler dur et être bien déterminé à améliorer ses conditions de vie et celles de sa famille. Renoncer ou vivre dans l’attente du bon plaisir de quelqu’un ne faisait pas partie de l’ADN de cette génération, dont Gus Dalton était un modèle vivant.

Pendant les années 1960, la province de Terre-Neuve a connu un changement sociétal avec le plan de réinstallation lancé par le premier ministre de l’époque, Joey Smallwood. Il s’agissait de regrouper dans la partie continentale de la province les collectivités isolées qui parsemaient les rives de l’île. Les pouvoirs de l’époque pensaient que, en regroupant les gens de la sorte, on réduirait considérablement les coûts associés à la desserte des petits ports isolés et que de nouveaux débouchés économiques seraient offerts aux gens réinstallés. La population de Terre-Neuve-et-Labrador débat encore aujourd’hui pour savoir si l’on avait bien fait de fermer toutes ces collectivités et d’obliger les gens à quitter les terres où ils se sentaient chez eux.

C’est dans le cadre du programme de réinstallation que Gus Dalton a quitté l’île Colinet pour la belle municipalité rurale d’Admiral’s Beach. Il s’y est installé avec son épouse, Margaret, et ils y ont élevé leurs trois charmantes filles, Bernadette, Diane et Arlene. Il y a poursuivi sa vie de pêcheur, acquérant une solide réputation de personne fiable et dévouée.

Riche d’une foi solide, de l’amour de sa famille et d’amitiés authentiques, Gus Dalton est devenu le symbole du vrai Terre-Neuvien-et-Labradorien. Il a continué de gagner sa vie en pêchant, et de vivre tranquillement et honnêtement, sans jamais rechercher les feux de la rampe.

Personne n’aurait pu imaginer, y compris Gus lui-même, que tout cela allait changer. Cet homme connu pour son humilité et sa gentillesse allait devenir un héros canadien, qui allait changer la vie de tant de gens. C’est l’histoire d’un pêcheur terre-neuvien devenu le parrain d’une génération de Tamouls canadiens.

À une heure du matin, le 11 août 1986, le capitaine Gus Dalton et son équipe de pêcheurs intrépides se trouvaient à environ 10 kilomètres de St. Shott, à la pointe sud de la péninsule d’Avalon, lorsque le capitaine a remarqué un point sur son radar. Ne sachant pas trop de quoi il s’agissait, il a approché son embarcation de 45 pieds, l’Atlantic Reaper, de l’endroit repéré sur le radar. C’est alors que, en cette nuit calme et brumeuse, Gus Dalton et son équipage se sont trouvés nez à nez avec deux canots de sauvetage de 24 pieds en fibre de verre pouvant accommoder 35 personnes chacun et où se trouvaient plus de 150 Tamouls sri lankais, dont 3 femmes et 5 enfants.

Sur le coup, le capitaine Dalton a cru qu’il avait affaire à des naufragés, mais non : tous ces gens avaient été délibérément jetés par-dessus bord du navire où ils se trouvaient, l’Aurigae, par un passeur clandestin. Ils dérivaient maintenant dans l’un des secteurs les plus dangereux de l’océan, que les gens du coin surnommaient même souvent « le cimetière de l’Atlantique Nord ».

(1910)

Leur cargo était parti de Brake, en Allemagne de l’Ouest. Quant aux Tamouls, ils vivaient dans les camps de réfugiés de Hambourg, et chacun avait déboursé environ 3 400 $ pour s’embarquer. Ils étaient à la dérive depuis trois jours quand le capitaine Dalton les a aperçus. Même si ce dernier et ses trois hommes d’équipage, dont son propre frère, avaient passé la journée à pêcher la morue, ils ont tout de suite compris le sérieux de la situation et ils ont réagi sur-le-champ. Ce qu’ils ont fait à ce moment-là a changé le cours de l’histoire de l’immigration canadienne et forgé des liens inaltérables entre Gus Dalton et des générations de Canadiens d’origine tamoule.

Le capitaine Dalton et son équipage ont immédiatement jeté leurs prises à l’eau — les 1 050 kilos de morue et de poisson plat au grand complet. Ils ont ensuite attaché les bateaux de sauvetage de chaque côté de leur navire de 45 pieds afin qu’ils ne renversent pas et ils ont entrepris de faire monter à bord les femmes, les enfants et les malades.

Ils en ont fait monter autant qu’ils ont pu — une soixantaine au total. Ils ont ensuite requis l’aide de deux palangriers qui pêchaient non loin, le Mary Theresa et le Mona B., pour mettre les autres passagers en sûreté. Le capitaine Dalton a ensuite alerté le Leonard J. Cowley, de la Garde côtière canadienne, et demandé son aide d’urgence. Pour terminer, il a partagé les vivres qu’il avait à bord — 11 pains et 75 litres d’eau — avec les réfugiés terrifiés, mais désormais soulagés d’être sauvés.

Au départ, les Tamouls hésitaient à révéler le nom du navire qui les avait jetés à la mer. Ils ont commencé par affirmer qu’ils étaient partis de l’Inde, et non de l’Europe, et ils demeuraient vagues quand on leur demandait depuis combien de temps ils étaient en mer. Ils ont toutefois fini par confirmer qu’ils dérivaient depuis deux jours dans leurs bateaux de sauvetage et que, au moment de les jeter à la mer, on leur avait dit qu’ils seraient à Montréal dans quatre heures.

Leur arrivée en 1986 a suscité la controverse. Il y a eu des protestations au sein même du gouvernement conservateur de Brian Mulroney, ainsi que de la part de membres de la communauté tamoule, qui craignaient que l’affaire donne l’impression que ces gens bénéficiaient d’un passe-droit auprès des services d’immigration. Les nouveaux arrivants se sont heurtés à des préjugés. Ils se sont fait rudoyer dans les centres d’emploi et intimider dans les cours d’école, ce qui n’a pas facilité leur établissement au Canada.

Le premier ministre Mulroney était un ardent défenseur de ces réfugiés, qui, pour la plupart, vivent à Toronto à l’heure actuelle. Une fois établis, la plupart ont appris l’anglais, et plusieurs d’entre eux sont devenus des gens d’affaires ou des professionnels. Ils font maintenant partie intégrante de la société canadienne.

L’opération de sauvetage menée par le capitaine Dalton a fait les manchettes internationales. L’histoire a été publiée dans le New York Times et a fait la page couverture de la revue Maclean’s. Des médias de partout au pays se sont empressés de parler de cette histoire incroyable. Le capitaine Dalton a été invité à participer à l’émission Front Page Challenge, et l’opération de sauvetage a servi d’inspiration pour le long métrage de 1989 intitulé Welcome to Canada, réalisé par John N. Smith.

Aujourd’hui, l’opération de sauvetage est considérée comme un moment remarquable de l’histoire du Canada. C’est l’étincelle qui a amené de nombreux Tamouls à immigrer au Canada. On en compte aujourd’hui environ 300 000 au pays, et ils habitent surtout à Toronto et à Montréal. Le capitaine Gus Dalton et les autres pêcheurs qui ont participé au sauvetage ne se sont jamais considérés comme des héros nationaux. En 2007, Gus a dit à un journaliste du Newfoundland Herald que quiconque se serait trouvé dans la même situation aurait fait la même chose que lui. Il a ajouté : « Nous avons de la chance qu’ils soient venus ici. N’importe quelle personne qui a le courage de se laisser aller à la dérive sur l’océan comme ils l’ont fait mérite de rester ici. »

L’un des hommes, qui n’avait que 22 ans à l’époque, était M. Siva Mehanathan. Après trois jours au milieu de l’Atlantique dans une embarcation de sauvetage, M. Mehanathan était au bord du désespoir. Ce cultivateur de riz tamoul serrait dans ses mains une petite image de deux dieux hindous et priait alors que les embarcations de sauvetage se faisaient balloter par les eaux bleu foncé de l’océan. Il a dit plus tard qu’il croyait qu’ils allaient tous périr, là, au milieu de l’océan. Il avait quitté son pays, qui était déchiré par la guerre, à la recherche d’une vie meilleure en Occident. Aujourd’hui, il est propriétaire d’une bijouterie à Scarborough, et il a trois enfants.

Il n’a jamais oublié le sauvetage mené par le capitaine Dalton. La famille de Siva connaît bien l’histoire de la traversée de leur père jusqu’au Canada. Ommira, la fille de 19 ans de Siva, une étudiante à l’Université Trent à Peterborough, en Ontario, voit l’histoire de son père comme une leçon de foi. Elle raconte : « Dès qu’il a vu Gus, il a dit : “Dieu m’a vu prier. C’est lui qui m’offre ce miracle.” » Elle poursuit en disant que son père a toujours appris à ses enfants qu’il fallait garder l’espoir et avoir la foi en Dieu.

Il ne fait aucun doute que les actions de Gus Dalton et des autres pêcheurs ont eu un impact positif sur la vie de beaucoup de gens, dont certains qu’ils n’ont jamais eu la chance de rencontrer en personne. L’un des quatre enfants sauvés, qui n’avait que six mois à l’époque, est maintenant médecin et un autre est ingénieur.

Au fil des ans, le capitaine Gus Dalton a reçu de nombreuses félicitations pour le sauvetage qu’il a mené. Il a toujours refusé de laisser l’attention lui monter à la tête. Il a toujours été humble. J’ai eu le privilège de lui offrir la Médaille du jubilé de la reine en 2016. En 2012, il a reçu le Leaders for Change Award du Congrès tamoul canadien au dîner annuel du Thai Pongal à Toronto. En août 2011, plusieurs représentants de la communauté tamoule de Toronto sont retournés à Terre-Neuve pour souligner le 25e anniversaire du sauvetage mené par le capitaine Dalton et d’autres pêcheurs.

J’ai eu l’honneur d’assister au dîner à St. John’s, animé par la communauté tamoule, dans le cadre duquel elle voulait manifester sa reconnaissance à l’homme qui lui avait tant donné. Le capitaine Dalton ne voulait pas forcément de louanges ou de reconnaissance, mais il était très content de voir les réfugiés et leur famille et d’entendre leurs histoires de réussite au pays.

Plusieurs de ces mêmes personnes, ainsi que d’autres gens, ont visité à nouveau Terre-Neuve en 2016 pour célébrer le 30e anniversaire du sauvetage. Le capitaine Dalton éprouvait alors de graves problèmes de santé; le groupe s’est donc rendu jusqu’à son domicile, à Admirals Beach, où les membres présents ont présenté à Gus une magnifique épinglette en forme d’ancre en signe de leur gratitude et de leur reconnaissance pour leur avoir sauvé la vie. Bien des accolades ont été échangées et bien des larmes ont été versées ce jour-là, car le capitaine vieillissait, et sa santé dépérissait.

En décembre 2017, le capitaine Gus Dalton a appris qu’il serait officiellement reconnu par la reine et qu’il recevrait la Médaille du service méritoire de la gouverneure générale, décernée aux Canadiens pour des actes exceptionnels faisant honneur au pays. Malheureusement, le capitaine Dalton n’a pas eu la chance de recevoir cette prestigieuse distinction en personne. Il est décédé le 15 janvier 2018, à l’âge de 87 ans.

À la suite du décès du capitaine Dalton, le Congrès tamoul canadien a publié un hommage dans lequel il parle de lui comme d’un véritable héros canadien, disant que « son héritage sera toujours inextricablement lié à l’histoire des Canadiens d’origine tamoule ». L’un des bateaux de sauvetage a été obtenu par le groupe et est exposé au festival annuel tamoul canadien, à Scarborough. Le député de Scarborough—Rouge Park, M. Gary Anandasangaree, qui est également un Canadien d’origine tamoule, a lui aussi rendu hommage au capitaine Dalton en disant : « Par son geste, il a aidé 155 familles à prendre forme au Canada et il a aidé la communauté tamoule comme nul autre. »

À la nouvelle du décès du capitaine Dalton, le premier ministre Justin Trudeau a déclaré ce qui suit :

Nous sommes le seul endroit au monde à avoir compris comment faire des différences une force, et non une faiblesse. Alors, en plus de tout ce que nous célébrons ici au Thai Pongal, nous célébrons cela également.

Comme tous les sénateurs le savent, le capitaine Gus Dalton est un excellent exemple de cette volonté de tendre la main à différentes communautés, d’agir en bon voisin et de rendre le monde meilleur. C’était un pêcheur canadien tout à fait ordinaire qui a fait une chose extraordinaire : il a secouru 155 Tamouls au large de St. Shott’s, à Terre-Neuve.

Aujourd’hui est un triste jour pour nous tous, car, comme vous le savez, Gus est décédé la nuit dernière. Cependant, plusieurs personnes présentes aujourd’hui, incluant des personnes qui se trouvaient à bord de ce navire le 11 août 1986 et leurs enfants, représentent le legs de Gus, un legs qui a contribué à bâtir cette communauté.

Je sais que Gus avait une place spéciale dans le cœur des membres de la communauté tamoule depuis longtemps.

C’est tout à fait vrai.

Sur le plan personnel, je suis dans l’espace public depuis de nombreuses années et j’ai rencontré de nombreuses personnes aux origines variées, mais je considère que ce fut un privilège de connaître le capitaine Gus Dalton et de passer de bons moments avec lui. Même s’il était mon aîné de plusieurs années, avec le temps, il est devenu un bon ami. Il était un de mes supporters, mais il était aussi un mentor exceptionnel de différentes façons. Que ce soit lors d’une activité au centre communautaire de sa bien-aimée Admiral’s Beach ou sur le quai avec ses compagnons, il nous a tranquillement, mais sûrement, tous marqués.

Je me souviens encore de tous ses bons conseils. Il a appris à tous ceux qui l’ont croisé qu’une seule personne peut changer le monde. Gus Dalton était l’incarnation des vraies valeurs canadiennes : la bonté, la compassion et l’altruisme. Il était un homme sans pareil.

Le décès de Gus Dalton a laissé un vide dans la vie de chacun d’entre nous, mais la douleur est particulièrement vive pour Margaret, son épouse depuis 54 ans, ses trois filles, Bernadette, Diane et Arlene, son beau-fils, Rick, ses petits-enfants, Sandi et Steve, sa sœur, Teresa, O’Brien et son neveu très spécial, Rick Dalton.

Dans la bible, Dieu dit au pêcheur Simon et à son frère André : « Suivez-moi et je ferai de vous des pêcheurs d’hommes. » Le capitaine Gus Dalton a bel et bien été choisi pour devenir un pêcheur d’hommes, et il a répondu à l’appel. Il récolte maintenant les fruits de ces actions. J’aimerais conclure cet hommage à mon bon ami sur les mots d’une célèbre ballade irlandaise intitulée Fiddlers Green :

(1920)

De Fiddler’s Green j’ai entendu parler

Les pêcheurs y vont, si à l’enfer ils ne sont pas destinés

Là-bas, les dauphins s’amusent et le temps est bon

Le froid du Groenland est un souvenir lointain à l’horizon

Enroulez-moi dans des couvertures et un ciré

Plus jamais je n’irai sur les quais

Dites simplement à mes vieux potes qu’en voyage, je serai

Et qu’à Fiddler’s Green, un jour, je les reverrai

Repose en paix, mon cher ami.

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, si personne d’autre ne désire intervenir, cela mettra un terme au débat sur cette interpellation.

(Le débat est terminé.)

Le racisme anti-Noirs

Interpellation—Ajournement du débat

L’honorable Wanda Elaine Thomas Bernard, ayant donné préavis le 1er mars 2018 :

Qu’elle attirera l’attention du Sénat sur le racisme anti-Noirs.

— Honorables sénateurs, j’interviens aujourd’hui pour lancer une interpellation sur le racisme systémique anti-Noirs qui prévaut au Canada. L’histoire du Canada est marquée par le racisme anti-Noirs, et notre institution n’a pas échappé à cette oppression perpétuelle. La période s’échelonnant de 2015 à 2024 est la Décennie internationale des personnes d’ascendance africaine. C’est donc le moment tout désigné pour mettre l’accent sur la vie des Canadiens d’origine africaine. Voici ce qu’a déclaré le premier ministre du Canada, le très honorable Justin Trudeau, à l’occasion du Mois de l’histoire des Noirs :

La Décennie internationale sert aussi de cadre pour mieux relever les défis concrets et particuliers auxquels les Canadiens noirs font face. En travaillant ensemble, nous pouvons combattre le racisme et la discrimination contre les personnes noires, et créer de réels progrès pour les Canadiens noirs.

Profitons du moment pour combattre le racisme systémique à l’échelle fédérale et pour apporter des changements essentiels à tous les niveaux du gouvernement du Canada, ainsi qu’au sein des institutions et des collectivités du pays. Les communautés afro-canadiennes sont continuellement marginalisées et, pour enrayer la cause profonde de ces problèmes, je propose que nous fassions d’abord un effort d’introspection en vue de créer une véritable justice raciale.

J’aimerais d’abord expliquer en quoi exactement la question du racisme anti-Noirs est cruciale. Le Groupe de travail d’experts sur les personnes d’ascendance africaine des Nations Unies a publié un rapport sur la présence du racisme anti-Noirs systémique au Canada. Il a relevé chez les Afro-Canadiens des disparités en matière de santé, d’éducation, de logement et d’emploi. Il a également constaté qu’ils étaient surreprésentés dans le système de justice pénale. Je reconnais que les Autochtones et les membres d’autres groupes racialisés sont également touchés par le racisme et la discrimination, comme on nous en a donné de nombreux exemples ici aujourd’hui. Je suis solidaire de ces groupes; je suis leur alliée face aux difficultés et aux obstacles auxquels ils se heurtent. Je suis également l’alliée des personnes handicapées, des femmes, de la communauté LGBTQ2 et de toutes les personnes victimes d’oppression et d’exclusion. Aujourd’hui, je souhaite trouver des alliés pour prendre position contre le racisme anti-Noirs.

Les Afro-Canadiens sont touchés par une forme de racisme et d’invisibilité particulière à de nombreux égards. Le contexte historique de l’esclavage est à l’origine du cycle d’oppression et de marginalisation des personnes d’ascendance africaine sur lequel repose le racisme anti-Noirs. L’esclavage en Amérique du Nord a sévi pendant des années qui ont été marquées par l’exploitation et le racisme flagrant. Au Canada, l’émancipation des esclaves est arrivée en 1834. La fin de l’esclavage n’a pas mis un terme au racisme. L’esclavage lui-même n’était plus légal, mais on a continué de traiter les Canadiens d’origine africaine comme des citoyens de deuxième ordre. Les communautés noires ont été placées en marge de la société canadienne et privées d’un accès équitable à l’éducation, à l’emploi, au logement et aux soins de santé. Ce ne sont pas des conditions qui favorisent la réussite et la prospérité au sein d’une communauté. Même après l’émancipation des esclaves, les Afro-Canadiens ont été mis à part dans tous les aspects de leur vie. Il est faux de dire que le racisme ne pose plus problème. Nourri par une longue histoire d’esclavage et de ségrégation des personnes d’ascendance africaine, le racisme anti-Noirs qui existe aujourd’hui est profondément ancré et systémique.

En plus d’être une sénatrice, je suis une Néo-Écossaise de souche africaine, travailleuse sociale, professeure et chercheuse. Avant d’être nommée sénatrice, je m’intéressais principalement, dans mon travail, aux conséquences néfastes du racisme anti-Noirs. J’ai été aux premières loges pour observer les conséquences destructrices du racisme contre les Noirs au cours de ma carrière de travailleuse sociale parmi les collectivités néo-écossaises de souche africaine, au cours de ma carrière de professeure dans des établissements d’enseignement, dans le cadre de mes travaux de recherche sur la race et le bien-être dans trois villes canadiennes, et dans ma vie personnelle.

Honorables collègues, je lance une interpellation pour cerner les répercussions du racisme contre les Noirs sur le fonctionnement de notre institution. Dans notre culture, la majorité n’est pas consciente de la suprématie de la race blanche. C’est une situation qui paraît normale et qui est profondément ancrée dans les mœurs. Cette interpellation doit porter sur la faible participation des Canadiens de souche africaine à l’élaboration des politiques, sur leur sous-représentation au sein de l’État et sur l’omniprésence du racisme contre les Noirs, qui a une incidence sur la vie quotidienne des Canadiens de souche africaine. Cette interpellation s’inspire du travail d’un sénateur à la retraite, l’honorable Donald Oliver, qui a lutté sans relâche contre le problème du racisme et pour l’équité en matière d’emploi au Canada.

Le racisme contre les Noirs est bien ancré dans le passé du Canada et il comprend l’exclusion systémique des personnes de souche africaine. Lorsque j’ai posé ma candidature pour être nommée au Sénat, j’ai été — bien franchement — surprise d’être choisie. J’ai fait ma demande en pensant que je ne franchirais pas toutes les étapes de la sélection, et le racisme systémique m’a presque empêchée d’y parvenir. Lorsque je participe aux travaux des comités et à des discussions, je suis souvent la seule Canadienne de souche africaine à m’exprimer. Non seulement il y a peu de personnes de souche africaine dans des postes de dirigeants au Canada, mais on constate aussi qu’il y a peu de personnes de souche africaine parmi les témoins entendus par les comités et parmi le personnel du Sénat.

Ma présence au Sénat aujourd’hui nous montre que les choses ont un peu changé, mais il reste énormément de travail à faire. J’ai l’intention de cerner tous les facteurs qui empêchent les Canadiens de souche africaine d’accéder aux postes de dirigeant et qui leur rend la tâche difficile lorsque vient le temps de conserver ces postes. Si nous voulons faire de grands changements, nous devons nous efforcer de comprendre comment les politiques perpétuent le racisme contre les Noirs et nous mettre à examiner les politiques du Sénat.

Je dis à mes étudiants, qui sont de futurs travailleurs sociaux, que, pour comprendre comment le racisme influence profondément la vie des Afro-Canadiens, ils doivent adopter une perspective d’équité raciale et tenir compte de l’intersectionnalité. J’insiste plus particulièrement sur le traitement des gens qui ont des identités qui se recoupent. Il est essentiel de savoir ce qu’est l’oppression intersectionnelle pour comprendre les concepts de privilège et de pouvoir. Il y a plusieurs formes de racisme. Certaines sont plus difficiles à percevoir que d’autres. J’en décrirai quatre afin de montrer combien elles peuvent être diversifiées et subtiles : le racisme individuel, culturel, institutionnel et systémique.

Le racisme individuel implique une discrimination dans les interactions. Cela inclut les insultes. Par exemple, l’utilisation du mot en « N » ou d’autres termes méprisants. Que le mot vise ou pas une personne, il rappelle l’esclavage, la ségrégation et la discrimination contre les gens d’origine africaine. Les microagressions sont une forme de racisme individuel. Ce sont des affirmations ou des actions qui découlent d’idées racistes. Elles sont subtiles et souvent difficiles à cerner puisqu’elles peuvent être aussi minimes que le fait d’éviter le contact visuel ou de formuler un commentaire pouvant être excusé en prétextant de bonnes intentions. En voici des exemples : une personne qui commente la qualité de l’anglais de quelqu’un en s’en étonnant ou en l’en félicitant et une personne qui demande à quelqu’un d’autre de quel pays il vient vraiment. C’est ce qu’on appelle de la stigmatisation. C’est très insultant et cela isole grandement la personne qui fait l’objet du commentaire.

(1930)

Le racisme culturel peut être décrit comme une manière d’entretenir des suppositions, des idées préconçues ou des stéréotypes au sujet de groupes de personnes racialisées. Ces stéréotypes sont souvent déterminés par la société et ils ont des effets préjudiciables sur les Afro-Canadiens.

L’hiver dernier, par une journée très froide et venteuse, je montais à bord d’une navette devant l’édifice Victoria. Quelques sénateurs avaient monté à bord avant moi sans problème. Le chauffeur m’a arrêtée et m’a demandé ma carte d’identité. Je ne l’avais pas. J’ai dû enlever plusieurs épaisseurs de vêtements — mon manteau, mon chandail, mon châle — pour atteindre ma veste afin de montrer mon épinglette. Cela m’a pris un certain temps, et plusieurs autres personnes sont montées à bord et ont pris leur place dans l’intervalle. Le chauffeur n’a pas demandé à voir leur carte d’identité.

Par cette journée froide, la plupart des gens étaient pressés. La demande du conducteur ne s’explique pas simplement par le fait qu’il faisait son travail. Il a fait une supposition à mon sujet en fonction de mon identité de femme noire, à savoir que je n’étais pas une sénatrice et que j’essayais d’emprunter la navette sans y avoir droit. Il m’a traitée différemment de mes collègues et il ne m’a pas donné le bénéfice du doute, comme il l’a fait pour les autres personnes qui se dépêchaient aussi à sortir du froid.

De plus, mes collègues ne se sont pas portés garants de moi. Personne n’a dit quoi que ce soit au conducteur. Personne n’a montré sa carte d’identité en signe de solidarité. Cet incident était dégradant et il m’a isolée.

Chers collègues, je vis régulièrement des incidents comme celui-là dans de nombreux contextes. Les micro-agressions elles-mêmes sont préjudiciables, et le manque de reconnaissance des témoins est aussi préjudiciable.

Un autre exemple a fait les manchettes récemment. On a demandé à un homme noir de payer son repas dans un restaurant avant qu’on le lui serve, contrairement aux autres clients du restaurant. Il a porté l’affaire devant le Tribunal des droits de la personne de l’Ontario et il a gagné. Voilà un exemple de racisme anti-Noirs et de profilage racial.

Le troisième niveau, le racisme institutionnel, est intégré aux politiques et aux pratiques des institutions canadiennes, comme l’éducation, le droit, les soins de santé, et ainsi de suite. Ces pratiques désavantagent les personnes d’ascendance africaine. Par ailleurs, elles renforcent les problèmes dont il est question. La surreprésentation des enfants noirs dans le système des familles d’accueil en est un exemple; 41,8 p. 100 des enfants en famille d’accueil à Toronto sont d’ascendance africaine, alors que les Afro-Canadiens ne représentent que 6,9 p. 100 de la population torontoise. La mauvaise qualité de l’éducation offerte dans les écoles des communautés noires et la surreprésentation des Afro-Canadiens dans le système de justice pénale sont d’autres exemples. Si nous avions plus de temps, je pourrais vous fournir beaucoup plus d’exemples.

Le racisme systémique est le dernier niveau. Il est cumulatif, subtil et interconnecté avec les autres niveaux. Le racisme systémique est un réseau de formes de racisme normalisées étroitement liées. Il est cumulatif et interconnecté; c’est un réseau de diverses manifestations de racisme qui, selon moi, sont l’essentiel de cette interpellation.

En septembre 2017, le Groupe de travail d’experts des Nations Unies sur les personnes d’ascendance africaine a publié un rapport sur sa mission au Canada. Le rapport demande au gouvernement canadien d’apporter des changements appréciables en vue d’améliorer la vie des Afro-Canadiens. Le rapport des Nations Unies sur le racisme systémique rend compte avec justesse de questions particulièrement préoccupantes, par exemple le recours excessif à l’incarcération, le bien-être et l’éducation.

Malgré la liste imposante de façons dont les Afro-Canadiens sont marginalisés, le rapport des Nations Unies donne aussi beaucoup d’espoir. En effet, il fournit plusieurs recommandations axées sur le racisme anti-Noirs au Canada afin de travailler en vue de faire des changements.

Pendant plus de 40 ans, j’ai milité en faveur de la justice raciale en tant que travailleuse sociale de première ligne, éducatrice et, maintenant, sénatrice. J’appuie fermement le rapport des Nations Unies, qui nous indique la meilleure façon d’apporter des changements.

Honorables collègues, je regarde autour de moi et je vois seulement quelques sénateurs d’ascendance africaine. Lorsque les membres de mon personnel participent à des rencontres, ils voient très peu d’employés noirs. Dans le processus de nomination des sénateurs…

Son Honneur le Président : Je suis désolé, sénatrice Bernard, mais votre temps de parole est écoulé. Demandez-vous cinq minutes de plus?

La sénatrice Bernard : S’il vous plaît.

Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

La sénatrice Bernard : Merci.

Dans le processus de nomination des sénateurs et d’embauche du personnel, il existe probablement plusieurs niveaux de racisme. La représentation est importante.

L’Université Wilfrid-Laurier a tenu une conférence visant à échanger des idées au sujet du racisme anti-Noirs dans les établissements d’enseignement postsecondaire. Les trois principales lignes directrices qui sont ressorties de leurs résolutions en vue d’aller de l’avant sont les suivantes : nommer le racisme, faire participer les étudiants à la conversation avec délicatesse et prendre au sérieux le caractère systémique du racisme et sa portée au sein de ce secteur.

À mon avis, les lignes directrices établies par la conférence de l’Université Wilfrid-Laurier constitueraient un cadre efficace pour le Sénat du Canada. La première étape est d’utiliser le mot « racisme » afin de s’attaquer au problème.

Beaucoup de milieux de travail possèdent une « stratégie de la diversité » et des cibles pour embaucher davantage de « minorités visibles ». De tels termes ne s’attaquent pas aux tendances profondément racistes qui sous-tendent les pratiques institutionnelles. Ces stratégies minimisent et éliminent les expériences vécues par les différents groupes raciaux.

Plusieurs d’entre vous sont peut-être au courant des problèmes que la députée Celina Caesar-Chavannes a éprouvés à la Chambre des communes. Elle est une militante de la justice raciale et elle lutte contre le discours anti-Noirs tenu continuellement par les médias, d’autres politiciens et des membres de la collectivité. Cette députée a reçu un contrecoup violent pour avoir nommé le racisme anti-Noirs, ce qui montre qu’il est souvent pire de dénoncer le racisme que d’être raciste. Il faut beaucoup de courage pour prendre position contre le racisme et l’oppression.

Honorables collègues, je vous demande, en tant qu’alliés et leaders, d’appuyer la présente interpellation concernant le racisme anti-Noirs au Canada. Puisque nous sommes dans la quatrième année de la Décennie internationale des personnes d’ascendance africaine, le temps est maintenant venu de mettre en évidence les réalités vécues par les communautés noires. Nous sommes au Canada depuis 1605. Pourtant nous continuons à subir une oppression sociale et économique. Soyons l’instrument du changement que nous voulons observer au pays.

(Sur la motion de la sénatrice Lankin, au nom de la sénatrice McPhedran, le débat est ajourné.)

L’alerte Silver

Interpellation—Ajournement du débat

L’honorable Pamela Wallin, ayant donné préavis le 25 avril 2018 :

Qu’elle attirera l’attention du Sénat sur le concept d’alerte Silver, qui reprend les éléments du système d’alerte AMBER — dont l’efficacité a déjà été démontrée — afin d’aider les 700 000 Canadiens atteints de démence, y compris de la maladie d’Alzheimer, ainsi que leurs proches et fournisseurs de soins, permettant ainsi de retrouver les adultes atteints de déficience cognitive portés disparus.

— Nous nous souvenons tous de moments qui ont touché une corde sensible chez nous ou qui nous ont troublés. Je pense, par exemple, à la fille de Glen Campbell qui, sur scène, chuchotait à son père les paroles d’une chanson qu’il avait écrites, mais oubliées. Puis, la semaine dernière, un ami de longue date s’est perdu, ce qui a vivement effrayé son épouse. Heureusement, il s’était perdu dans la résidence pour personnes âgées où il habite.

Dans la région rurale où je vis, les déambulations peuvent être mortelles, parce que les températures tournent autour de moins 40 pendant des mois. Nous avons récemment perdu un mari et père merveilleux, un homme altruiste, quand il est devenu désorienté. Il s’est perdu au beau milieu d’un champ, bien en vue, juste à l’extérieur du village; son camion bleu était caché par les ruches bleues qui parsèment nos champs. Il y a aussi, bien sûr, ma propre expérience avec ma mère, dont les yeux hagards cherchaient des choses familières, comme si elle était détachée de la réalité et de tout ce qu’elle avait connu, errant, perdue, où qu’elle soit.

(1940)

Que devons-nous donc faire pour nous préparer à ce que certains ont appelé le « tsunami argent », c’est-à-dire le vieillissement de notre population? Le système d’alerte Silver est un bon point de départ. Il est calqué sur l’efficace système d’alerte Amber, élaboré au Texas en 1996 en réponse à la disparition et la terrible perte d’Amber Hagerman, une fillette de neuf ans qui a été enlevée lorsqu’elle rentrait chez elle à bicyclette en plein jour. Entièrement mis en œuvre aux États-Unis et au Canada, l’alerte Amber permet aux forces de l’ordre de collaborer avec les médias et de se servir d’autres moyens d’informer le public des cas d’enfants perdus ou enlevés.

L’alerte Amber a permis à beaucoup de familles de retrouver leur enfant. Selon le département américain de la Justice, aux États-Unis, 924 enfants ont été secourus grâce à ce système. Au Canada, 70 enfants ont été retrouvés sur une période de neuf ans.

Le succès de ce système d’alerte peut servir de modèle pour aider les adultes vulnérables de notre société en permettant aux forces de l’ordre de collaborer avec les médias et le public pour retrouver les gens disparus.

Plus de 700 000 Canadiens ont reçu un diagnostic de démence ou de maladie d’Alzheimer, et ce chiffre est bien loin du nombre réel de personnes qui souffrent d’un affaiblissement quelconque des facultés. On estime que le nombre de diagnostics va doubler au cours des 15 prochaines années, et il est clair que nous avons un besoin urgent d’un plan national.

L’Alberta et le Manitoba ont chacun déjà adopté un projet de loi sur l’alerte Silver et attendent sa mise en œuvre. Il y a aussi d’autres plans et stratégies qui sont mis à l’essai. À Winnipeg, les forces de l’ordre ont annoncé un partenariat avec MedicAlert qui leur permet d’avoir accès aux renseignements des personnes disparues qui portent un bracelet MedicAlert. Un directeur des programmes de la Société Alzheimer a dit que l’initiative représentait une meilleure chance de survie pour les gens.

À Saskatoon, le service de police et les services de recherche et de sauvetage ont lancé le projet Lifesaver, avec l’appui de la Fondation de la police de Saskatoon. Ce programme fournit des bracelets électroniques aux personnes qui ont tendance à s’égarer. Comme il s’agit d’appareils très coûteux et qu’ils sont offerts sans frais, seulement 20 bracelets étaient disponibles au lancement du programme.

Bien qu’il s’agisse de deux excellentes initiatives, quand une personne devient confuse, elle retire souvent les bijoux ou les vêtements qui lui semblent étrangers. Il n’en demeure pas moins que ce sont des programmes importants, puisqu’ils permettront probablement de retrouver quelques personnes égarées. Les gens tentent désespérément de composer avec les répercussions de ces maladies.

Nous avons besoin de mesures d’envergure nationale pour faire avancer ce dossier. La Constitution ne donne peut-être pas à Ottawa le pouvoir d’obliger les provinces à élaborer ou à mettre en œuvre un programme d’alerte Silver, mais la persuasion morale a pour effet de lancer un signal clair et de fournir un solide soutien.

Aux États-Unis, certaines administrations ont indiqué que les alertes Silver avaient permis de retrouver beaucoup de personnes, mais l’élaboration d’un plan d’action national tarde depuis plusieurs années. Le Canada doit éviter de se retrouver dans la même situation. Quand on regarde l’augmentation marquée des cas de démence au Canada, une mesure comme les alertes Silver est tout simplement logique. Cette discussion arrive juste à point. Elle donne aux sénateurs l’occasion d’appuyer avec conviction l’élaboration d’un engagement national à l’intention des Canadiens atteints de démence et de la maladie d’Alzheimer.

Ils ont besoin de soutien, de ressources et d’un plan, tout comme nous. En tant que membres de nos familles respectives, nous devons composer avec ces défis. En tant que sénateurs, nous avons la responsabilité de préparer nos concitoyens et nos êtres chers pour l’avenir et de nous préparer nous-mêmes, car il est impossible de prédire ce que l’avenir nous réserve. Comme le disait le grand poète Robert Frost, « L’après-midi sait ce que le matin n’aurait jamais soupçonné ».

Sachons profiter de la sagesse qui vient avec l’âge. Tirons parti de notre expérience, de notre bienveillance et de notre pouvoir de sénateurs pour être prêts à chercher, et à trouver, les personnes égarées.

(Sur la motion de la sénatrice Lankin, le débat est ajourné.)

(À 19 h 45, le Sénat s’ajourne jusqu’à 14 heures demain.)

Annexe - Liste des sénateurs

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