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Débats du Sénat (Hansard)

1re Session, 42e Législature
Volume 150, Numéro 204

Le mercredi 9 mai 2018
L’honorable George J. Furey, Président


LE SÉNAT

Le mercredi 9 mai 2018

La séance est ouverte à 14 heures, le Président étant au fauteuil.

Prière.


[Traduction]

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

Le décès de Robin W.W. Fraser

L’honorable Diane F. Griffin : Chers collègues, je prends la parole aujourd’hui pour souligner le décès de Robin W. W. Fraser, qui sera toujours pour moi un ami et un ardent défenseur de la nature.

Robin a grandi au Manitoba et en Ontario. Il a fréquenté l’Upper Canada College et le Trinity College. Après avoir fait ses études en droit à Osgoode Hall, Robin a rejoint le cabinet Fraser, Beatty, Tucker, McIntosh & Stewart en 1956. Il y est devenu associé en 1963 et a été nommé conseiller de la reine en 1983. Il a pris sa retraite en 1995. En 2000, il a reçu un doctorat honorifique en Écritures saintes du Trinity College.

Robin avait à la fois une brillante carrière d’avocat et une vie active en dehors du travail. Il aimait jouer de la cornemuse, faire de la danse écossaise, observer les oiseaux et faire du ski de fond, du kayak et du canot en milieu sauvage.

J’ai connu Robin Fraser en raison de son travail de défense de la nature. Il a fait partie du conseil d’administration de la Société pour la nature et les parcs au Canada, de la Wildlands League of Ontario et de Conservation de la nature Canada. J’ai eu l’honneur de siéger à ses côtés au conseil d’administration d’Études d’Oiseaux Canada.

J’offre mes condoléances à sa famille et à ses amis. Robin savait s’amuser et apporter une touche d’humour avec lui partout où il allait. Son absence se fait grandement sentir.

La reconnaissance de la discrimination historique contre les Chinois à Vancouver

L’honorable Mobina S. B. Jaffer : Honorables sénateurs, le mois de mai est le Mois du patrimoine asiatique au Canada. C’est un moment pour célébrer les contributions passées et actuelles des Canadiens d’origine asiatique. C’est également l’occasion de reconnaître les erreurs du passé afin de veiller à ce qu’elles n’aient plus jamais lieu.

Le dimanche 22 avril, la Ville de Vancouver a offert des excuses officielles aux Canadiens d’origine chinoise pour les lois, les règlements et les politiques du passé qui sont à la source de la discrimination à leur égard. Au centre culturel chinois, devant une foule de 500 personnes, dont faisait partie le sénateur Woo, le maire de Vancouver, Gregor Robertson, a dit ceci :

Aujourd’hui, il est important que le conseil et tous les Vancouvérois s’unissent pour reconnaître les injustices historiques qui ont été commises envers la communauté chinoise afin que nous puissions ensemble bâtir un avenir meilleur.

Honorables sénateurs, comme vous le savez, entre 1886, l’année où la Ville de Vancouver a été constituée en personne morale, et 1948, les citoyens chinois n’avaient pas le droit de vote. Ils ne pouvaient se porter candidats à une charge publique ni être propriétaires dans certains quartiers de la ville. Il était, en outre, interdit aux citoyens d’origine chinoise d’exercer certaines professions, notamment dans les domaines du droit, de la médecine, des services bancaires et de la vente au détail, tout comme les emplois dans la fonction publique leur ont été interdits de 1890 à 1952.

Qui plus est, notre gouvernement fédéral imposait une taxe d’entrée aux immigrants chinois. En 1885, cette taxe était de 50 $ par personne. Elle est passée à 500 $ au début des années 1900. Cette taxe a brisé bien des familles.

Ces politiques du passé, qui ne sont que quelques exemples parmi les 160 politiques et lois injustes visant la communauté chinoise, avaient pour seul but d’ostraciser et de déshumaniser les Canadiens d’origine chinoise de Vancouver. Honorables sénateurs, ces politiques n’étaient que pure discrimination. John Horgan, le premier ministre de la Colombie-Britannique, a récemment déclaré ceci :

Nous devons reconnaître, ne pas oublier et condamner la discrimination qu’ont subie tant de membres de la communauté chinoise au cours de notre histoire.

J’aimerais remercier notre collègue, le sénateur Woo, qui a eu la gentillesse de m’inviter à assister à la présentation des excuses officielles de la Ville de Vancouver aux Canadiens d’origine chinoise. Je remercie le premier ministre Horgan et le maire Robertson de tout le travail qu’ils ont accompli afin d’unir les Vancouvérois et tous les Britanno-Colombiens. Merci de nous avoir rassemblés.

Cette initiative aidera Vancouver et le Canada à surmonter leur passé et à s’ouvrir à tous les nouveaux arrivants. Les excuses marquent le début du respect, de la guérison et du pardon.

Les inondations de 2018 au Nouveau-Brunswick

L’honorable Carolyn Stewart Olsen : Chers collègues, j’interviens aujourd’hui pour parler d’un grave problème qui sévit au Nouveau-Brunswick, province que je représente.

Les inondations annuelles de la rivière Saint-Jean ont atteint des niveaux sans précédent dans le Sud du Nouveau-Brunswick. L’Organisation des mesures d’urgence met les gens en garde contre la montée des eaux et fait remarquer que les égouts qui ont débordé posent maintenant un risque important pour la santé.

Geoffrey Downey, un porte-parole de l’organisation, a fait une déclaration publique. J’aime autant vous dire que les Néo-Brunswickois s’expriment simplement. Sa déclaration était la suivante :

La rivière a été contaminée avec Dieu sait quoi : des eaux d’égout brutes, de l’essence, de l’huile, des débris.

Le directeur de l’Organisation des mesures d’urgence a indiqué que la situation est pire que cela. L’eau est partout.

Il y a des tas de fumier qui se retrouvent dans la rivière. Je suis convaincu qu’il y a des carcasses d’animaux noyés dans la rivière.

Il s’agit d’une catastrophe dans les régions rurales, car cela signifie que les propriétaires de maison dans les régions touchées par les inondations ne pouvaient pas se servir de l’eau dans leur puits. La Garde côtière et la Croix-Rouge sont dans la région et encouragent les gens à évacuer. Plus de 1 000 personnes ont fui leur foyer pour se réfugier chez des proches ou dans des hôtels dans l’ensemble de la province. Des avis d’évacuation volontaire ont été envoyés à des milliers de Néo-Brunswickois dans les régions touchées.

Cependant, pour bien des gens, l’évacuation n’est pas une option. Ils ne disposent pas des fonds et des ressources nécessaires pour abandonner leur foyer et leurs possessions.

Fait encore plus troublant, depuis lundi, la Transcanadienne, une artère essentielle de la province, demeure fermée entre Fredericton et Moncton. Cela s’ajoute aux plus de 100 autres routes qui, selon les médias, pourraient être fermées toute la semaine.

Mesdames et messieurs les sénateurs, notre rôle premier est de servir nos provinces à titre de représentant à la table fédérale. Nous devons nous servir des pouvoirs que le Sénat nous confère pour promouvoir les intérêts de nos concitoyens.

J’ai tendu la main au gouvernement du Nouveau-Brunswick et aux parlementaires. Maintenant, je tends la main au représentant du gouvernement au Sénat. Sénateurs, le temps presse, et j’exhorte le leader du gouvernement au Sénat à se servir de son poste pour faire débloquer rapidement des fonds de secours afin que les gens du Nouveau-Brunswick puissent procéder aux opérations de nettoyage et de rétablissement qui s’imposent.

Visiteurs à la tribune

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de M. Kyungdoo Kim, premier entraîneur et père d’Équipe Kim, l’équipe coréenne de curling féminin, ainsi que fondateur et président de l’association coréenne de curling; de M. Minchan Kim, qui a participé aux compétitions de curling aux Jeux olympiques d’hiver de 2018, à Pyeongchang; et de M. Melvin Lee. Ils sont les invités de l’honorable sénatrice Martin.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

Les Jeux olympiques et paralympiques de 2018

Félicitations à l’Équipe Canada

L’honorable Chantal Petitclerc : Honorables sénateurs, à moins que vous souhaitiez réorienter radicalement votre carrière et que vous soyez convaincus de pouvoir devenir un jour champions olympiques, ne manquez pas la chance unique qui vous est offerte aujourd’hui de voir et de tenir dans vos mains une médaille d’or. Vous pourrez le faire, parce que les membres d’Équipe Canada sont présents au Parlement.

(1410)

[Français]

Pendant toute la journée, aujourd’hui, nos athlètes seront sur la Colline du Parlement afin de souligner et de célébrer leurs succès olympiques et paralympiques aux Jeux d’hiver de Pyeongchang. Ils seront dans la pièce 237-C de 15 heures à 17 heures. Je vous invite tous et toutes à aller les rencontrer et à les féliciter.

Il y a de quoi célébrer. Ma collègue, la sénatrice Deacon, nous le rappelait hier : les performances des derniers jeux ont été les meilleures de l’histoire. Cette performance exceptionnelle de l’Équipe Canada n’est pas arrivée par accident. Elle n’est pas seulement le résultat du travail passionné de nos athlètes, entraîneurs et équipes de soutien qui l’ont rendue possible. En fait, plusieurs s’entendent pour dire que nous récoltons les fruits d’un changement profond dans la culture du sport de haute performance au Canada.

[Traduction]

Je crois que c’est vrai. À un moment donné de notre histoire sportive, les gens ont commencé à se dire : « Vous savez quoi? C’est agréable d’être bon, mais pourquoi ne serions-nous pas excellents? »

Beaucoup de gens ont même précisé la date de ce changement radical dans notre philosophie sportive. En février 2004, huit mois après avoir obtenu les droits d’accueillir les jeux de Vancouver, les 13 organismes nationaux de sport d’hiver du Canada, le Comité olympique canadien, le Comité paralympique canadien, Sport Canada, WinSport Canada et le Comité d’organisation des Jeux olympiques et paralympiques d’hiver de Vancouver se sont réunis dans le but d’élaborer un plan qui changerait notre façon de voir le sport de haut niveau au Canada.

Cette initiative a donné naissance au programme À nous le podium, mais elle ne s’est pas arrêtée là. Notre façon de voir le potentiel sportif du pays a changé radicalement, et les organismes de sport, les clubs et surtout les athlètes ont commencé à en être profondément convaincus.

Lorsqu’il s’agit du sport de haut calibre, nous pouvons et nous voulons être les meilleurs au monde, et nous y sommes parvenus. Les athlètes qui sont ici aujourd’hui en sont la preuve. À mon avis, le sous-message que cette réussite envoie à tous les enfants au Canada est tout aussi important. En nous montrant à quel point ils sont fantastiques, les athlètes disent à nos enfants : « Si nous pouvons être les meilleurs au monde, vous le pouvez aussi. » Selon moi, c’est plus précieux que n’importe quelle médaille.

Visiteurs à la tribune

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de Margaret Lees et de Shirley Street. Elles sont les invitées de l’honorable sénatrice McCallum.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

Le décès de l’honorable Thelma J. Chalifoux

L’inauguration de l’école Chalifoux

L’honorable Yvonne Boyer : Honorables sénateurs, je prends aujourd’hui la parole pour rendre hommage à la regrettée sénatrice Thelma Chalifoux.

On vient tout juste d’annoncer qu’une nouvelle école secondaire de premier cycle dans le sud-est d’Edmonton portera le nom de la sénatrice.

La sénatrice Thelma Chalifoux a grandi à Calgary, mais elle avait ses racines dans la région de Lac Sainte-Anne. Elle est née pendant la Grande Dépression, lors d’une tempête du mois de février. On disait que cela avait fait d’elle une femme forte. Membre d'une famille de cinq enfants, sa mère avait aidé à subvenir aux besoins de sa famille en échangeant des légumes de leur potager. Son père était un survivant des pensionnats autochtones et a servi dans la Première Guerre mondiale, puis il a travaillé comme menuisier et ouvrier agricole.

La sénatrice a fait des études en sociologie au Collège communautaire de Lethbridge, puis a suivi des cours en technologie d’estimation en bâtiment au Southern Alberta Institute of Technology. Elle a enseigné à ses enfants le terme otipemisiwak, qui signifie « sois ton propre patron ». Voilà comment elle vivait sa vie, et c’est ce qu’elle a enseigné aux personnes qui l’entouraient.

Elle a travaillé sur le terrain pour l’Association des Métis de l’Alberta, a dirigé une maison d’hébergement pour les victimes de violence familiale et a produit des ressources pédagogiques sur la culture et l’histoire des Métis à l’intention d’élèves du primaire.

Elle a ouvert la voie dans bien des domaines. Elle a mis sur pied le Centre d’accueil autochtone de Slave Lake. Elle a créé une émission radiophonique intitulée Smoke Signals. Elle a été la première femme autochtone à siéger au sénat de l’Université de l’Alberta. Elle a été la première Métisse à recevoir un prix d’excellence décerné aux Autochtones en 1994, a remporté un prix Woman of Vision et un prix Bill Irwin, puis a été la première femme autochtone nommée au Sénat du Canada en 1997.

« C’est un hommage qui en dit long sur le travail qu’elle a accompli », a souligné Sharon Morin, la fille de la sénatrice Chalifoux, au sujet de l’école qui porte le nom de sa mère.

« Je veux [que les élèves] sachent qu’aucune tâche ne lui faisait peur », a-t-elle affirmé. « Elle travaillait sans relâche. À la fin des années 1960 et au début des années 1970, une femme qui exprimait son point de vue n’était pas toujours bien vue. Elle disait toujours : “C’est bien dommage. Ils ont intérêt à écouter, parce que j’ai beaucoup de choses à dire.” »

La sénatrice Chalifoux a pris sa retraite du Sénat en 2004. La même année, elle a reçu un doctorat honorifique de l’Université de Toronto pour son travail de sensibilisation. Après sa retraite, elle a continué de défendre les droits des Métis à titre d’ancienne en résidence au Northern Alberta Institute of Technology; elle a aussi fondé, à St. Albert, le Michif Cultural & Metis Resource Institute, qui a pour mission de préserver, de protéger et de promouvoir la culture métisse dans le Nord de l’Alberta.

On peut lire ceci dans un communiqué que l’organisme Metis Nation of Alberta a publié après son décès : « Thelma a été une grande défenseure des droits des Métis et un membre éminent de la communauté métisse. » Elle laisse derrière elle une œuvre imprégnée de militantisme et de culture.

L’école Chalifoux ouvrira à l’automne 2020. Son œuvre restera vivante dans notre société. Je vous remercie.


AFFAIRES COURANTES

Le Sénat

Préavis de motion concernant la période des questions de la séance du 22 mai 2018

L’honorable Diane Bellemare (coordonnatrice législative du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que, pour permettre au Sénat de recevoir un ministre de la Couronne au cours de la période des questions tel qu’autorisé par le Sénat le 10 décembre 2015, et nonobstant ce que prévoit l’article 4-7 du Règlement, lorsque le Sénat siégera le mardi 22 mai 2018, la période des questions commence à 15 h 30, toutes les délibérations alors en cours au Sénat étant interrompues jusqu’à la fin de la période des questions, qui sera d’une durée maximale de 40 minutes;

Que, si un vote par appel nominal coïncide avec la période des questions tenue à 15 h 30 ce jour-là, ce vote soit reporté et ait lieu immédiatement après la période des questions;

Que, si la sonnerie d’appel pour un vote retentit à 15 h 30 ce jour-là, elle cesse de se faire entendre pendant la période des questions et qu’elle retentisse de nouveau à la fin de la période des questions pour le temps restant;

Que, si le Sénat termine ses travaux avant 15 h 30 ce jour-là, la séance soit suspendue jusqu’à 15 h 30, heure de la période des questions.

[Français]

L’ajournement

Préavis de motion

L’honorable Diane Bellemare (coordonnatrice législative du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que, lorsque le Sénat s’ajournera après l’adoption de cette motion, il demeure ajourné jusqu’au mardi 22 mai 2018, à 14 heures.

[Traduction]

Le Groupe interparlementaire Canada-États-Unis

La Conférence de l’Alliance commerciale de la frontière canado-américaine, tenue du 7 au 9 mai 2017—Dépôt du rapport

L’honorable Michael L. MacDonald : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de la délégation canadienne du Groupe interparlementaire Canada-États-Unis concernant sa participation à la Conférence de l’Alliance commerciale de la frontière canado-américaine, tenue à Ottawa, en Ontario, du 7 au 9 mai 2017.

La réunion avec des membres de la Chambre des représentants des États-Unis, tenue du 14 au 16 septembre 2017—Dépôt du rapport

L’honorable Michael L. MacDonald : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de la délégation canadienne du Groupe interparlementaire Canada-États-Unis concernant sa participation à la réunion avec des membres de la Chambre des représentants des États-Unis, tenue à Windsor, en Ontario, du 14 au 16 septembre 2017.

La Conférence nationale annuelle du Council of State Governments, tenue du 14 au 16 décembre 2017—Dépôt du rapport

L’honorable Michael L. MacDonald : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de la délégation canadienne du Groupe interparlementaire Canada-États-Unis concernant sa participation à la Conférence nationale annuelle du Council of State Governments, tenue à Las Vegas, dans l'État du Nevada, aux États-Unis d’Amérique, du 14 au 16 décembre 2017.

La réunion hivernale annuelle de la NationalGovernors Association, tenue du 23 au 25 février 2018—Dépôt du rapport

L’honorable Michael L. MacDonald : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de la délégation canadienne du Groupe interparlementaire Canada-États-Unis concernant sa participation à la réunion hivernale annuelle de la National Governors Association, tenue à Washington, D.C., aux États-Unis d’Amérique, du 23 au 25 février 2018.


PÉRIODE DES QUESTIONS

Les ressources naturelles

L’oléoduc Trans Mountain

L’honorable Larry W. Smith (leader de l’opposition) : Honorables sénateurs, ma question s’adresse au leader du gouvernement au Sénat et porte sur le projet d’expansion du réseau de l’oléoduc Trans Mountain.

Il y a trois semaines, le premier ministre a promis de présenter une mesure législative qui réaffirmerait et renforcerait la compétence du gouvernement du Canada en la matière. Toutefois, hier, le ministre des Ressources naturelles est revenu sur cet engagement et a déclaré que la présentation d’une mesure législative n’est qu’une des options envisagées.

Le ministre Carr n’a pas voulu dire si le gouvernement présentera une mesure législative à ce sujet plus tard ce mois-ci. Le premier ministre ne peut plus attendre dans ce dossier. Il doit se faire une idée. Demain, il ne restera plus que trois semaines avant la date butoir de Kinder Morgan, et il ne reste plus beaucoup de semaines de travaux parlementaires avant l’été. J’ai une question simple pour vous : le gouvernement présentera-t-il un projet de loi sur l’expansion du réseau Trans Mountain, oui ou non?

(1420)

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie le sénateur de sa question et de son intérêt soutenu à l’égard de ce dossier. Le gouvernement du Canada partage sa préoccupation. Comme l’ont dit clairement le premier ministre et les ministres responsables, c’est une priorité. Le gouvernement du Canada est d’avis que les efforts déployés à l’heure actuelle directement avec les parties intéressées sont importants et mèneront à des annonces ainsi qu’à la prise de mesures par le gouvernement du Canada pour faire en sorte que le projet se concrétise.

Le sénateur Smith : Est-ce un oui ou un non? J’ai subi de nombreuses commotions cérébrales lorsque je jouais au football.

L’indécision du gouvernement concernant la création d’un projet de loi relativement à l’expansion du réseau Trans Mountain et son incapacité générale à fournir une certitude au secteur pétrolier et gazier contribuent à la situation actuelle, où les investissements quittent le Canada par milliards de dollars.

Par exemple, pas plus tard qu’hier, nous avons appris que la très grande société multinationale Royal Dutch Shell, l’une des plus importantes sociétés pétrolière et gazière au monde, vend toutes ses parts dans Canadian Natural Resources. Puisque le projet d’expansion du réseau Trans Mountain est compromis, que l’investissement fuit le Canada, et que des milliers de travailleurs du secteur de l’énergie n’ont plus d’emploi, le leader du gouvernement pourrait-il nous dire ce que le gouvernement a l’intention de faire?

Le sénateur Harder : Je répète que le gouvernement du Canada considère que ce projet est important pour le Canada. Il prend les mesures nécessaires pour le concrétiser. En ce qui a trait à Shell et à la vente de ses actions, ces transactions du secteur privé se produisent de temps à autre parce qu’il y a des acheteurs.

Les affaires étrangères et le commerce international

Les relations diplomatiques avec l’Iran

L’honorable Linda Frum : Monsieur le leader, hier, vous avez affirmé que le gouvernement du Canada n’entamera aucune discussion concernant le rétablissement des liens diplomatiques avec le régime iranien avant que Maryam Mombeini puisse retourner chez elle, au Canada. C’est admirable, mais seulement dans une certaine mesure, car, depuis près de 10 ans, le résident permanent du Canada Saeed Malekpour est détenu dans la prison d’Evin, en Iran sous de fausses accusations. Le gouvernement donnera-t-il les mêmes assurances à la famille de Saeed Malekpour? Cessera-t-il toute discussion diplomatique avec l’Iran jusqu’à ce que ce dernier soit relâché?

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Honorable sénatrice, je vous remercie de votre question. Je tiens à assurer à tous les sénateurs que des discussions sont en cours avec le gouvernement de l’Iran concernant les Canadiens détenus, afin d’obtenir leur libération. C’est la priorité du gouvernement en ce moment en ce qui concerne ses relations bilatérales avec le gouvernement iranien.

Le revenu national

Le fractionnement du revenu

L’honorable Pamela Wallin : Ma question s’adresse à l’honorable sénateur Harder et elle concerne la question du fractionnement du revenu. Ma boîte de courriel est toujours remplie de messages qui portent sur ce sujet.

Un récent sondage de la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante indique que près de la moitié de tous les propriétaires de petites entreprises fractionnent leurs revenus avec des membres de leur famille. Cependant, il faut signaler que 67 p. 100 des propriétaires de petites entreprises sont des hommes, alors que seulement 12 p. 100 sont des femmes. Les règles proposées par le gouvernement ne semblent pas tenir compte des nombreux rôles informels et non rémunérés assumés par les conjoints, qui partagent pourtant les risques associés avec les propriétaires. Cela signifie que les femmes seront injustement privées de revenu.

Avant de proposer ces changements, le gouvernement a-t-il effectué une analyse comparative entre les sexes sur le fractionnement du revenu? Dans la négative, le gouvernement s’engagera-t-il à effectuer immédiatement une telle analyse, avant d’aller plus loin?

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie l’honorable sénatrice de sa question. Mes collègues peuvent être sûrs que le gouvernement est très sensible à toutes les questions d’égalité hommes-femmes lorsqu’il examine ses mesures législatives. Le gouvernement s’est aussi engagé à faire des analyses comparatives entre les sexes des documents du Cabinet. Dans ce cas précis, je vais devoir m’informer et répondre plus tard. D’après ce que je comprends des règles sur le fractionnement du revenu, lorsqu’une personne contribue, cela se reflète dans le fractionnement du revenu, comme en témoigne un relevé d’impôt personnel.

La sénatrice Wallin : Je comprends, mais le fardeau administratif s’alourdit aussi pour empêcher — je suppose, du point de vue du gouvernement — qu’on abuse du système. Là encore, les conjoints, la plupart du temps les femmes, sont davantage touchées puisque nombre d’entre elles s’occupent de l’administration dans les petites entreprises.

Le sénateur Harder : Je répète que je comprends l’inquiétude de l’honorable sénatrice. Le gouvernement a pour objectif de réaliser un équilibre entre l’intégrité des programmes et les vérifications à faire auprès des personnes qui demandent cet avantage fiscal et l’avantage à proprement parler.

Les transports

L’interconnexion de longue distance

L’honorable Diane F. Griffin : Ma question s’adresse au leader du gouvernement au Sénat. Elle concerne le projet de loi C-49 et le message reçu de l’autre endroit.

Pourquoi le gouvernement s’est-il dit en faveur de l’interconnexion pour le transport de longue distance dans le Nord de la Colombie-Britannique et le Nord du Québec, et pourquoi a-t-il fait primer les préoccupations régionales sur la rentabilité du CN dans ces cas, mais pas dans le cas des Maritimes?

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie l’honorable sénatrice de poser cette question. Je vois qu’elle suscite beaucoup d’intérêt chez les sénateurs d’en face. Permettez-moi de prendre le temps de bien préciser ma pensée.

Les amendements adoptés le 3 octobre de l’an dernier par le Comité permanent des transports, de l’infrastructure et des collectivités de l’autre endroit permettent aux expéditeurs du Nord du Québec de faire une interconnexion à Montréal.

L’amendement vise les expéditeurs qui sont directement au nord du corridor Québec-Windsor et à l’intérieur des limites est-ouest du corridor.

Je précise que, en matière d’accès aux interconnexions de longue distance, le port de Belledune subit le même traitement que la péninsule gaspésienne. La situation des expéditeurs du centre du Québec situés directement au nord du corridor d’exclusion diffère de celle des expéditeurs des Maritimes, car leurs options de transport viables se limitent à une seule voie ferrée.

En outre, les expéditeurs des Maritimes ont plus facilement accès au transport maritime et disposent d’un meilleur réseau d’autoroutes. Le gouvernement a évalué attentivement les avantages et les inconvénients liés au fait de donner accès aux interconnexions de longue distance aux expéditeurs des Maritimes, en tenant compte des risques possibles pour les voies ferrées du CN dans les Maritimes, lesquelles revêtent une importance cruciale pour le transport dans la région et le pays.

L’amendement proposé par le Sénat, qui fait l’objet de la motion de l’honorable sénatrice, aurait touché une proportion considérable du tonnage qui circule sur le réseau du CN au Nouveau-Brunswick et en Nouvelle-Écosse. Imposer les interconnexions de longue distance à ce volume de marchandise menacerait la viabilité future des services ferroviaires du CN dans l’Est du Canada, en particulier sur l’embranchement le plus au nord du Nouveau-Brunswick.

C’est pour cette raison que le gouvernement rejette respectueusement les modifications proposées par le Sénat aux amendements renvoyés par l’autre endroit.

L’interconnexion de longue distance a été conçue afin d’établir un juste équilibre entre la nécessité, d’une part, d’offrir aux expéditeurs captifs la possibilité de faire appel à un autre transporteur et, d’autre part, de faire en sorte que les sociétés ferroviaires soient toujours en mesure d’investir dans leurs réseaux.

Supprimer l’exclusion qui empêche les expéditions à destination ou en provenance des Maritimes pourrait rompre le fragile équilibre existant et entraîner de lourdes conséquences.

La sénatrice Griffin : Je vis dans les Maritimes, et je connais les recours prévus en ce qui concerne l’expédition. En passant, l’Île-du-Prince-Édouard n’a même pas de chemin de fer, mais la province compte une magnifique piste, une ancienne voie ferrée, qui est idéale si vous êtes amateur de vélo.

Je considère la question du point de vue de l’intérêt de la région. Je crois comprendre que le gouvernement a refusé d’appuyer l’interconnexion de longue distance dans les Maritimes parce que la région aura toujours accès à d’autres recours, conformément au projet de loi.

J’aimerais que vous nous en disiez un peu plus sur ces recours. Vous en avez parlé, mais je me demande pourquoi, par exemple, la situation serait différente au port de Prince Rupert, dans le Nord de la Colombie-Britannique. Nous aurions le port de Montréal, mais il ne se trouve pas dans les Maritimes. Cette mesure n’aide en rien Saint John, Halifax ou Belledune.

Le sénateur Harder : Je remercie la sénatrice de sa question complémentaire. Comme elle le sait pertinemment, certaines régions géographiques ont été exclues du régime d’interconnexion de longue distance, y compris les axes Québec-Windsor et Vancouver-Kamloops, qui sont très achalandés et où la concurrence est vive. Les amendements dont j’ai parlé, qui viennent de l’autre endroit, prévoient des exceptions à cette exclusion pour les expéditeurs captifs dans certaines régions du Nord du Québec et de la Colombie-Britannique.

(1430)

Ces amendements ont été rédigés avec rigueur afin de minimiser les effets des changements, tels qu’un engorgement accru des corridors. Si on ouvre davantage le corridor à la circulation, on nuira à l’équilibre que le mécanisme d’interconnexion de longue distance vise à établir. Nous savons tous que le CN est la seule société ferroviaire de catégorie 1 qui dessert les Maritimes. Lorsqu’on évalue la possibilité d’offrir l’interconnexion de longue distance aux expéditeurs des Maritimes, il faut tenir compte des risques que cela pourrait représenter pour la viabilité future des services offerts par le CN dans l’Est du Canada, car ils jouent un rôle essentiel dans les réseaux de transport de la région.

L’interconnexion de longue distance figure parmi les nombreux recours auxquels les expéditeurs auraient désormais accès. Les expéditeurs des Maritimes continueront d’avoir accès aux autres recours prévus par la loi, dont plusieurs seront renforcés par le projet de loi à l’étude. Je pense par exemple à la définition du « service ferroviaire convenable », qui confirme que les sociétés ferroviaires devraient fournir aux expéditeurs le niveau de services le plus élevé qu’elles peuvent raisonnablement fournir dans les circonstances.

Deuxièmement, mentionnons la possibilité, pour les expéditeurs, de demander de prévoir des sanctions pécuniaires réciproques dans les ententes de services qu’ils concluent avec les sociétés ferroviaires, pour une meilleure reddition de comptes.

Troisièmement, soulignons l’accès à de nouveaux services de règlement informel des différends, grâce auxquels les expéditeurs pourraient demander de l’aide à l’office pour le règlement de différends tout en demeurant anonymes.

Quatrièmement, les expéditeurs auraient accès à des recours plus accessibles et plus rapides en ce qui concerne les prix et les services, de façon à favoriser des négociations équilibrées. Voici certains des changements : des délais plus courts pour le traitement des différends concernant le niveau de service offert par une société ferroviaire, ce délai passant de 120 à 90 jours; la possibilité pour l’expéditeur de participer à un processus d’arbitrage pour régler un différend au sujet du prix; la possibilité, dans le cas d’un arbitrage sur l’offre finale, de décider si la décision de l’arbitre sera applicable pendant un an ou deux ans — comme le savent les sénateurs, cette durée est actuellement d’un an seulement — et des seuils financiers plus élevés pour les expéditeurs qui participent à un processus d’arbitrage simplifié pour un différend concernant les prix, afin qu’un plus grand nombre d’expéditeurs de petite et de moyenne taille aient accès à cette option; enfin, pour les sociétés ferroviaires, une nouvelle obligation de communiquer des renseignements relatifs à leurs services, à leurs prix et à leur rendement, de façon à accroître la transparence du système.

Enfin, je souligne que le ministre des Transports lui-même ainsi que les représentants de son ministère se sont engagés à tenir des rencontres avec les intervenants afin de déterminer comment nous pourrions tirer pleinement profit des nouvelles mesures améliorées du projet de loi dont nous sommes actuellement saisis, si celui-ci recevait la sanction royale.

[Français]

La justice

La culture de cannabis à domicile

L’honorable Jean-Guy Dagenais : Ma question s’adresse au leader du gouvernement au Sénat. Le Sénat est en train d’effectuer un travail colossal afin de bonifier le projet de loi C-45 sur le cannabis. Nous n’avons pas encore terminé notre travail que, déjà, votre premier ministre se dit prêt à livrer bataille à la province de Québec, qui veut exercer son droit légitime d’interdire la culture du cannabis à domicile pour des raisons de santé et de sécurité publique. Même si ce droit provincial est reconnu à l’unanimité par les membres de cette Chambre, je comprends que le premier ministre est prêt à attaquer la compétence des provinces dans ce domaine.

Monsieur le leader, allez-vous défendre la position du Sénat auprès de votre patron s’il persiste, ou allez-vous lui permettre de renier et de bafouer la compétence des provinces canadiennes à encadrer la production de cannabis?

[Traduction]

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Encore une fois, je remercie l’honorable sénateur de sa question. Je lui signale que le comité sénatorial se penche actuellement sur la question qu’il a soulevée. Il étudiera cette question, tout comme d’autres questions concernant le projet de loi dont il est saisi. Dans cette enceinte, nous profiterons de l’occasion d’en débattre et de proposer des amendements. Si ces amendements sont appuyés par la majorité au Sénat, alors j’exercerai, comme auparavant, ma responsabilité non seulement de représenter le gouvernement au Sénat, mais de faire part des propositions du Sénat au gouvernement.

Les transports

Le projet de loi sur la modernisation des transports

L’honorable Rosa Galvez : Ma question s’adresse au représentant du gouvernement au Sénat et concerne le message de la Chambre des communes au sujet du projet de loi C-49, Loi sur la modernisation des transports.

Au comité, j’ai présenté deux amendements qui ont été adoptés à l’unanimité. L’amendement concernant l’arbitrage des propositions finales a été rejeté par l’autre endroit. Quant à l’amendement adopté au comité sur le pouvoir de l’office d’enquêter de sa propre initiative afin de déterminer si une compagnie de transport ferroviaire s’acquitte de ses obligations de service, il a été modifié. Selon la version modifiée de cet amendement, présentée en détail dans le message, toute enquête menée par l’office en vertu de ce pouvoir est assujettie aux conditions imposées par le ministre.

Les intervenants ont des craintes au sujet de la transparence des données et de l’équité à l’égard des expéditeurs si l’office doit recevoir l’autorisation du ministre pour enquêter. La capacité de l’office de régler les problèmes liés au transport ferroviaire, comme les retards ou les normes en matière de service, s’en trouvera amoindrie.

Sénateur Harder, veuillez préciser les conditions où l’office pourra demander une autorisation ministérielle afin d’effectuer des enquêtes ainsi que les preuves requises pour faire une telle demande dans le cas d’une plainte, et si le refus d’un ministre d’ouvrir une enquête sera rapidement rendu public.

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie encore une fois la sénatrice de sa question. Comme elle l’a dit elle-même, ce sont des points qu’elle a défendus au comité, et je l’en félicite. Les relations commerciales qui existent entre les compagnies de chemin de fer et les expéditeurs étant complexes, on ne se retrouve pas dans le schéma classique de protection du consommateur. Donner à l’office le pouvoir d’enquêter sur des problèmes relatifs au niveau de service ferroviaire de sa propre initiative, à condition d’obtenir l’autorisation du ministre, permet d’atteindre un juste équilibre, selon le gouvernement, puisque l’office peut ainsi enquêter sur les problèmes systémiques des services ferroviaires et le gouvernement peut continuer d’assurer une supervision adéquate.

La mesure législative ne prévoit aucun processus particulier quand l’office demande au ministre, de sa propre initiative, l’autorisation de mener une enquête sur des problèmes liés au service ferroviaire. De fait, le ministre peut donner une telle autorisation de manière proactive, sans que l’office en fasse la demande. La mesure législative n’établit pas de critères particuliers que le ministre devrait prendre en considération au moment de décider d’autoriser une enquête demandée par l’office de sa propre initiative. La mesure législative confère au ministre un important pouvoir discrétionnaire en lui permettant de décider d’autoriser ce type d’enquête, mais elle n’en précise pas les limites.

Si l’office fait une telle demande au ministre, ce dernier se sert alors de tous les renseignements pertinents dont il dispose. Cela peut comprendre les renseignements produits par l’office dans le cadre de sa demande d’enquête, l’analyse interne de Transports Canada, ainsi que d’autres sources d’informations et d’autres éléments, par exemple la nature, l’étendue, la fréquence, la durée et la gravité des problèmes éprouvés quant au service ferroviaire.

Il est dans l’intérêt du gouvernement du Canada de régler les problèmes systémiques qui ralentissent le transport ferroviaire de marchandises au pays, et le ministre n’hésitera pas à agir dans ce secteur et à accepter l’aide de l’Office des transports du Canada.


ORDRE DU JOUR

Le projet de loi sur la modernisation des transports

Projet de loi modificatif—Message des Communes—Motion d’adoption des amendements des Communes et de renonciation aux amendements du Sénat—Débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Harder, C.P., appuyée par l’honorable sénatrice Bellemare,

Que le Sénat agrée l’amendement 4 de la Chambre des communes ainsi que les amendements 1, 2 et 3 que la Chambre des communes a apportés à ses amendements 6, 7b) et 9 au projet de loi C-49, Loi apportant des modifications à la Loi sur les transports au Canada et à d’autres lois concernant les transports ainsi que des modifications connexes et corrélatives à d’autres lois;

Que le Sénat n’insiste pas sur ses amendements 1a)(i), 1a)(ii), 1b), 3, 4, 5a)(i), 5a)(ii), 5a)(iii), 5b), 7c), 8 et 10a), auxquels les Communes n’ont pas acquiescé;

Qu’un message soit transmis à la Chambre des communes pour l’en informer.

L’honorable Patricia Bovey : Honorables sénateurs, je prends la parole au sujet de la réponse du gouvernement aux amendements proposés par le Sénat au projet de loi C-49, Loi apportant des modifications à la Loi sur les transports au Canada.

Chers collègues, ce fut toute une épopée pour ce projet de loi depuis son dépôt à l’autre endroit le 15 mai 2018, il y a presque un an jour pour jour.

Depuis que le projet de loi est arrivé ici, les sénateurs et les membres du Comité sénatorial des transports et des communications l’ont étudié, et continuent de l’étudier, avec diligence.

Il s’agit d’un projet de loi difficile, rendu encore plus difficile par le fait qu’on nous avait déconseillé d’amender le projet de loi sous le prétexte qu’il établissait l’équilibre parfait entre tous les intervenants. En outre, les messages du ministre nous faisaient comprendre clairement que nous devions examiner le projet de loi rapidement, idéalement avant Noël dernier, c’est-à-dire seulement quelques semaines de séance après que nous l’eûmes reçu.

En tant que nouvelle sénatrice, j’ai été décontenancée par cet avertissement parce que, lorsque j’ai été nommée, on m’avait dit que mon travail consistait à améliorer les mesures législatives. Or, une telle tâche exige une réflexion. J’ai aussi été surprise d’entendre dire que nous prenons beaucoup de temps pour examiner le projet de loi. Si on tient compte des pauses entre les séances, nous avons, en fait, agi rapidement, compte tenu du nombre de témoins que nous devions et que nous avons entendus et de ceux qui souhaitaient comparaître devant le comité.

Vous pouvez donc imaginer ce que je ressens maintenant, après avoir entendu parler de l’équilibre parfait atteint par le projet de loi. Ce n’est pas ce que nous ont dit de nombreux intervenants qui ont comparu devant le comité. En effet, comme on l’a mentionné ici, des efforts ont été déployés, surtout au cours des derniers jours, pour traiter l’élément le plus urgent du projet de loi, soit la nécessité d’acheminer le grain jusqu’aux marchés.

(1440)

La sénatrice Griffin a proposé de scinder le texte et d’adopter séparément la partie du projet de loi qui porte sur les grains, ce qui aurait laissé un certain temps pour étudier les autres parties. Cette proposition a été déclinée. Le sénateur Plett a suggéré pour sa part que le gouvernement adopte des mesures temporaires, comme ce fut le cas du projet de loi C-30. Cette proposition a, elle aussi, été déclinée.

J’estime que le gouvernement n’a pas pris une décision judicieuse en refusant. Il a eu l’impression qu’un faux échéancier allait influencer l’orientation de l’étude du Sénat.

Chers collègues, comme vous l’avez entendu, le Comité sénatorial permanent des transports et des communications a tenu 12 audiences, a entendu quelque 76 témoins et a reçu de nombreux mémoires. Il est rapidement ressorti que ce projet de loi suscite énormément de controverse même s’il est irréprochable sur le plan de la structure. Par exemple, l’introduction d’une déclaration des droits des passagers constitue un progrès important pour les passagers aériens, mais, à l’instar de nombreux aspects du projet de loi, la portée de cette bonne nouvelle est atténuée par le fait que cette déclaration sera élaborée de façon progressive au moyen de règlements.

Nous devons nous concentrer uniquement sur le résultat final du processus. Je suggère que le Comité sénatorial permanent des transports et des communications surveille le déroulement du processus et qu’il demande des mises à jour régulières à cet égard.

Le Sénat a dû faire la part des choses entre la sécurité et la protection de la vie privée en ce qui concerne l’installation d’enregistreurs audio-vidéo dans les locomotives. Je crois que la plupart d’entre nous reconnaissent que cette technologie peut se révéler utile pour promouvoir la sécurité si elle est utilisée par le Bureau de la sécurité des transports et par les sociétés ferroviaires dans le cadre d’enquêtes. Toutefois, comme la sénatrice Gagné l’a indiqué dans son intervention au Sénat, le projet de loi C-49 va plus loin. En effet, il permet aux compagnies de chemins de fer d’avoir accès à des enregistrements choisis au hasard qui ne sont liés à aucun incident ou accident. L’amendement qu’elle a présenté à titre de compromis a été rejeté. Cette situation nous place dans une position extrêmement difficile. Pour compliquer encore les choses, Kathy Fox, présidente du Bureau de la sécurité des transports, a dit ce qui suit au sujet d’une éventuelle utilisation de données audio et vidéo par les sociétés ferroviaires :

[…] les compagnies ferroviaires canadiennes ont souvent fait preuve d’une culture punitive très axée sur le respect des règles. Et, bien que des progrès aient été accomplis pour améliorer cette culture, le BST comprend pourquoi les employés sont préoccupés par l’utilisation à bon ou à mauvais escient de ces données.

Le sénateur Pratte nous a signalé que, au cours d’une année moyenne, 20 p. 100 des déraillements de train majeurs sont attribuables à une erreur humaine, tandis qu’environ 70 p. 100 sont causés par l’état de la voie ferrée ou de l’équipement. Je pense que c’est une statistique très importante, parce qu’il existe des moyens technologiques pour prévenir les accidents pendant que le train roule, par opposition à la technologie qui sert uniquement à fournir des données une fois que l’accident s’est produit. Le sénateur MacDonald a parlé des systèmes de commande intégrale des trains, qui comprennent des transpondeurs et des GPS pour ralentir un train lorsqu’il dépasse la vitesse autorisée ou lorsqu’il ne respecte pas la signalisation. Le recours à cette technologie est obligatoire aux États-Unis et, bien qu’il y ait des retards de mise en œuvre, je m’étonne de voir qu’au Canada nous n’avons pas encore entrepris d’adopter la même technologie, qui peut sauver des vies en prévenant les accidents. Il devrait en être question dans ce projet de loi.

Il était essentiel de protéger les expéditeurs, et les amendements proposés vont dans ce sens. C’est le cas aussi de la protection des droits des minorités linguistiques, qui est vitale et qui est prévue dans les amendements présentés. Comme nous l’avons vu au cours des trois derniers jours de débat dans cette enceinte, nous sommes très frustrés de voir comment le gouvernement a réagi à nos efforts. En revanche, nous sommes vraiment heureux des amendements qui ont été acceptés, notamment en ce qui a trait au soya, aux interconnexions dans l’Ouest et à l’Office des transports du Canada.

Au sujet de l’ajout du soya à la liste des produits soumis au revenu admissible maximal, l’industrie du grain m’a indiqué la fin de semaine dernière que, à l’époque où la règle du revenu maximal admissible a été établie, la production de soya était très faible dans l’Ouest canadien. On considérait généralement le soya comme une culture spéciale. Or, la production de soya a constamment augmenté dans l’Ouest canadien et, à l’heure actuelle, elle atteint presque les 3 millions de tonnes métriques par année. Il est donc injustifiable d’exclure le soya des produits soumis à la règle du revenu admissible maximal, et le faire pourrait, en fin de compte, avoir un effet dissuasif qui empêcherait l’expansion de cette culture importante dans l’Ouest canadien.

L’amendement a été adopté.

Quant à l’interconnexion de longue distance, on m’a dit qu’il s’agissait de l’un des seuls recours dont disposent les expéditeurs captifs pour accéder à des chemins de fer concurrents. Pour que l’interconnexion soit efficace, le chemin de fer auquel l’expéditeur a accès grâce à l’interconnexion doit nécessairement être un chemin de fer qui peut acheminer les wagons jusqu’à leur destination. Cela ne sert à rien d’avoir accès à un chemin de fer qui peut assurer le transport ferroviaire vers Vancouver lorsque l’expéditeur doit acheminer ses produits en Californie. L’amendement proposé règle ce problème en établissant le point d’interconnexion au point le plus près « dans la direction la plus judicieuse du transport vers sa destination ».

À l’heure actuelle, en ce qui concerne le point 3, l’Office des transports du Canada a la capacité de prendre des mesures seulement s’il reçoit une plainte d’un expéditeur. Toutefois, les expéditeurs sont souvent réticents à déposer une plainte contre une compagnie de chemins de fer en raison du temps et de l’argent qu’il faut y consacrer et de la crainte de représailles. L’amendement permet à l’office d’enquêter sur le rendement des sociétés ferroviaires sans nécessairement avoir reçu une plainte de la part d’un expéditeur, ce qui est semblable aux pouvoirs conférés à l’organisme américain responsable du transport de surface. Le ministre Garneau a légèrement modifié l’amendement du Sénat en obligeant l’office à obtenir l’autorisation du ministre avant d’entreprendre une telle enquête. Mes conseillers de l’industrie céréalière sont d’avis que cet amendement n’est pas déraisonnable.

Ils ont aussi insisté sur la nécessité d’adopter rapidement les modifications que prévoit le projet de loi C-49. Comme la saison d’expédition de l’automne, une saison fort occupée, arrive à grands pas, les expéditeurs doivent avoir accès aux outils et aux recours prévus dans ce projet de loi pour éviter les problèmes de rendement survenus au cours des années 2013-2014 et 2017-2018.

Chers collègues, au total, 3 des 18 amendements mûrement réfléchis que nous, membres du Comité sénatorial permanent des transports et des communications, avions proposés après avoir entendu les préoccupations des témoins ont été adoptés tels quels. Trois autres ont été modifiés. Tous ces amendements ont été présentés avec diligence et reflètent le rôle du Sénat dans le système parlementaire. Nous avons essayé d’améliorer le projet de loi et nous avons réussi.

Je félicite les sénateurs qui ont proposé des amendements. Ils ont tenu compte de mes préoccupations. Je remercie les sénateurs Cormier, Mercer, Plett et Boisvenu, ainsi que les sénatrices Gagné, Galvez et Griffin, d’avoir rédigé les amendements. Je remercie tous mes collègues d’avoir comblé les lacunes de ce projet de loi. Les amendements montrent que les comités du Sénat font leur travail et qu’ils le font très bien.

Le Sénat se trouve maintenant dans une situation qui lui est très familière lorsqu’il est saisi d’un projet de loi d’initiative ministérielle. Nous devons déterminer si nous avons bel et bien rempli notre rôle, qui consiste à procéder à un second examen objectif du projet de loi en vue de l’améliorer.

J’aimerais lire une citation de sir John A. Macdonald, que j’ai trouvée dans un texte d’opinion rédigé par l’ancien sénateur John Lynch-Staunton :

Notre Chambre haute ne serait d’aucune utilité si elle n’exerçait pas, quand elle le juge opportun, le droit de s’opposer à un projet de loi de la Chambre basse, de l’amender ou de le retarder. Elle ne serait d’aucune utilité si elle se bornait à sanctionner les décrets de la Chambre basse. Elle doit être une Chambre indépendante, jouissant de sa propre liberté d’action, car elle n’est utile que comme organe de réglementation, qui considère calmement les projets de loi proposés par la Chambre populaire et empêche le passage de toute loi intempestive ou pernicieuse adoptée par cette dernière, mais elle ne s’opposera jamais aux souhaits délibérés et compris du peuple.

Nous devons respecter les souhaits du peuple. Il s’est exprimé. Nous avons assumé nos responsabilités en son nom. Nous allons continuer de surveiller les résultats et nous nous attendons à ce que certains de ces enjeux continuent de refaire surface. Je vais donc appuyer ce projet de loi.

Des voix : Bravo!

L’honorable Percy E. Downe : La sénatrice accepterait-elle de répondre à une question?

Son Honneur la Présidente intérimaire : Sénatrice Bovey, acceptez-vous de répondre à une question?

La sénatrice Bovey : Bien sûr.

Le sénateur Downe : Je respecte pleinement votre point de vue, selon lequel vous vous en remettez à la Chambre des communes. Toutefois, depuis quelques semaines, je suis intrigué par les remises en question et les préoccupations à propos du rôle du Sénat, de ce que nous devrions faire et des méthodes que nous devrions suivre. On a parlé de la Chambre des lords dans le système britannique, qui a servi de modèle au Sénat. Or, la Chambre des lords ne rejette jamais, bien évidemment, les mesures législatives qui découlent de promesses électorales du gouvernement.

(1450)

Je me demande toutefois si vous savez que, hier, la Chambre des lords a rejeté un amendement traitant du Brexit sur lequel le gouvernement a non seulement mené une campagne électorale, mais aussi tenu un référendum distinct. L’amendement a été rejeté par un vote de 335 voix contre 244. Tous les médias britanniques décrivent ce vote comme une grande défaite pour la première ministre May. Elle a promis à la Chambre de tenir un vote significatif, et les lords ont insisté pour qu’il soit contraignant. Ceux-ci ont adopté un amendement en ce sens.

Selon vous, puisque le Sénat a été créé sur le modèle de la Chambre des lords et qu’il a été question du système britannique à maintes reprises au cours des dernières semaines, devrions-nous envisager de changer la position du Sénat, ou devrions-nous toujours nous incliner devant la Chambre des communes?

La sénatrice Bovey : Je vous remercie de votre question. Je dois admettre que j’avais d’autres questions personnelles à régler hier soir et que je n’ai pas écouté les nouvelles.

Cela dit, par le passé, nous avons modifié efficacement des projets de l’autre endroit. Parfois, c’est tout à fait approprié. Vous devez toutefois comprendre que, à titre de représentante du Manitoba et étant donné la crise chez les producteurs de grain, je crois fermement qu’il faut assurer le transport du grain. C’est dans cette optique que j’ai étudié les amendements qui ont été acceptés et ceux qui ont été rejetés. Il s’agit d’une crise dans l’Ouest. Comme la saison des semailles commencera sous peu, il est temps d’assurer le transport du grain des Prairies.

[Français]

L’honorable Pierre-Hugues Boisvenu : Avant de prendre la parole, je tiens à rendre hommage à tous les sénateurs du Comité sénatorial permanent des transports et des communications, qui ont fait un travail remarquable. Je tenais à leur exprimer ma gratitude pour le travail qu’ils ont fait.

Je prends donc la parole aujourd’hui pour vous parler du message de la Chambre des communes qui rejette les trois amendements sur les coentreprises et l’amendement qui vise à faciliter la vie des Canadiennes et des Canadiens dont un proche décède à l’étranger.

Les demandes de coentreprises font l’objet de changements importants dans ce projet de loi. Le commissaire à la concurrence, qui pouvait jusqu’à maintenant approuver ou rejeter les projets de coentreprise, perdrait son rôle fondamental. Il deviendrait un figurant dans le processus de demande de la part des entreprises aériennes. Ce serait le ministre, dans son antichambre, derrière des portes closes, isolé et loin de l’expertise du commissaire à la concurrence, qui prendrait les décisions quant à l’approbation ou au rejet des projets de coentreprise. C’est pourquoi je vous invite à prendre connaissance des amendements proposés par le Comité permanent des transports et des communications qui visent à préserver la concurrence et, par le fait même, le droit des Canadiens et des Canadiennes de pouvoir se procurer des billets d’avion à des prix décents et de bénéficier de la concurrence qui favorise les prix les plus bas.

Le premier amendement que je vous demande de préserver, au nom des consommateurs, porte sur la notion de l’intérêt public. Le projet de loi C-49 mentionne l’intérêt public sans décrire les critères qui devraient le définir. Cet amendement permettrait de préciser le concept de l’intérêt public qui est prévu dans le projet de loi C-49. Nous avons établi notre liste de facteurs définissant cet intérêt public en fonction de ceux qui sont examinés par le département américain des Transports dans le cadre des demandes d’immunité antitrust. Certaines dispositions du projet de loi sont inspirées du processus américain.

Par ailleurs, Transports Canada a publié un projet de lignes directrices sur la fusion et les acquisitions visant les entreprises de transport en 2008 — depuis déjà 10 ans. Or, les lignes directrices n’ont jamais été finalisées. Nos critères s’inspirent de certains des critères qui faisaient partie du projet de lignes directrices sur les fusions de 2008. À notre avis, ces facteurs doivent se retrouver dans la loi plutôt que dans ces lignes directrices dont la portée juridique n’est pas claire et qui peuvent être modifiées en tout temps. Cette modification préciserait clairement certains des critères dont le ministre devrait tenir compte pour juger si l’intérêt public justifie l’approbation des projets de coentreprise et des ententes. Il devrait examiner les effets de l’entente sur la concurrence, les transporteurs aériens, le service aérien, la sécurité aérienne, l’environnement et les passagers.

Permettez-moi de vous citer l’ancien commissaire à la concurrence, M. von Finckenstein, qui est bien au fait de cette question :

[Traduction]

La loi, dans sa forme actuelle, ne précise même pas les motifs ou les critères que le ministre utilisera pour juger de l’intérêt public. Elle n’exige pas non plus que le ministre indique pourquoi il a pris certaines mesures dans l’intérêt public plutôt qu’en faveur de la concurrence, et elle n’impose pas la tenue d’un examen.

[Français]

Le deuxième amendement porte sur la consultation qui doit avoir lieu avant que le ministre donne le feu vert à une coentreprise. L’objectif de cet amendement est de créer un processus plus transparent, par lequel le public doit être consulté avant que le ministre décide d’approuver ou de rejeter une entente de coentreprise.

Un autre objectif est celui de prévoir la possibilité de consulter toutes les parties concernées, y compris les clients, les passagers, de même que les acteurs de l’industrie, et d’obtenir leur contribution. En l’absence de consultations, le ministre pourrait rendre une décision qui aurait pour effet de limiter la concurrence, sans avoir à demander l’opinion des consommateurs ni des autres transporteurs aériens.

Les lignes directrices de 2008 sur les fusions et les acquisitions visant les entreprises de transport, qui ne sont pas entrées en vigueur, traitaient d’un processus de consultation, et je cite :

Le ministre peut demander l’avis des intervenants (transporteurs, voyageurs, clients, fournisseurs, autres paliers de gouvernement, public […]

Désormais, grâce à l’amendement du Sénat, le ministre devra mener des consultations. L’amendement que le Sénat a adopté donnerait au public 20 jours pour donner son opinion sur un projet de coentreprise. Le ministre rendrait alors sa décision sur la base de l’intérêt public, une fois la consultation terminée.

Le troisième amendement propose une révision obligatoire des coentreprises. En vertu de cet amendement, le ministre des Transports serait tenu de procéder à un examen de toutes les ententes de coentreprise deux ans après leur mise en œuvre. Le libellé actuel permet au ministère de procéder à un examen, mais ne l’y oblige pas. Cet amendement ajoute aussi un nouveau paragraphe. Nous utilisons le mot « examen » plutôt que l’expression « peut réviser ». Le ministre serait tenu d’examiner toute entente de coentreprise deux ans après la mise en œuvre de l’entente, et aux deux ans par la suite, si elle touche l’intérêt public, pour veiller au respect de ce dernier.

Comme le rappelait l’ancien commissaire à la concurrence, le processus proposé dans le projet de loi C-49 est dépourvu de transparence, et je cite :

[Traduction]

Je ne vois pas d’inconvénient à ce que le ministre ou le gouverneur en conseil disent que l’intérêt public est primordial et qu’il a préséance sur la concurrence. Oui, pas de problème, mais faites-le publiquement, expliquez pourquoi vous avez choisi cette approche, puis revoyez le tout après un certain temps pour vous assurer de ne pas faire fausse route et de ne pas entraîner des conséquences involontaires, et précisez ce que vous entendez par « intérêt public ».

[Français]

En conclusion, je crois qu’il faut aussi soutenir mon quatrième amendement, qui porte sur le rapatriement des dépouilles par avion ou de leurs cendres. Le rapatriement peut s’avérer une épreuve difficile et complexe pour la famille, surtout si elle ne connaît pas les procédures à suivre. Cet amendement vise à favoriser l’accès à l’information de base qui est nécessaire pour organiser le transport d’une dépouille ou des cendres par avion. Il ne crée pas l’obligation de rendre le service obligatoire, mais il prévoit que, si une personne communique avec une compagnie qui offre ce service, cette dernière doit présenter l’information de façon simple, claire et concise.

Je vous invite donc à réfléchir à cette situation difficile, et à avoir une pensée pour toutes les personnes qui perdent un proche en voyage et qui ont le droit d’avoir accès rapidement à des renseignements pertinents afin de rapatrier leurs proches. Je crois que le gouvernement a manqué de sensibilité et d’ouverture sur cette question, et qu’il a tout autant manqué de considération pour les consommateurs et leurs familles endeuillées. Merci.

(1500)

[Traduction]

L’honorable David Tkachuk : Honorables sénateurs, en tant que président du comité qui a étudié le projet de loi C-49, je suis bien conscient que les amendements proposés par le Sénat suscitent de forts sentiments chez les divers intervenants. Le ministre nous a dit plus d’une fois à quel point ses fonctionnaires et lui ont travaillé minutieusement afin de créer une mesure législative qu’il décrit comme parfaitement équilibrée. Le comité a entendu 76 témoins. De ces 76 témoins, je n’en vois que 3 qui sont probablement d’accord avec le ministre pour dire que le projet de loi est parfaitement équilibré. Tous les sénateurs savent de qui il s’agit.

Presque tous les autres témoins qui ont comparu ont déclaré que le projet de loi pouvait être amélioré. Presque tous les témoins ont proposé des amendements à cet effet. Le comité a passé 23 heures à étudier ce projet de loi et à écouter ces témoins, et, au cours de la 12e réunion sur cette mesure législative, lors de l’étude article par article, des sénateurs de toutes les allégeances ont proposé des amendements. Lorsque nous avons fait rapport du projet de loi au Sénat, 18 amendements ont été adoptés, puis il a été renvoyé à la Chambre des communes.

Comme je l’ai dit précédemment à un journaliste, ces amendements ne sont pas les nôtres. Ils ont été réclamés vigoureusement par des Canadiens intervenant dans l’industrie des transports, tant des expéditeurs que des consommateurs, et leurs arguments nous ont convaincus.

Les amendements sont nombreux pour un projet de loi qui a été renvoyé au Comité des transports accompagné d’une pression considérable exercée par le ministre pour qu’il soit adopté rapidement. Le ministre a accusé le Sénat de retarder son adoption. Il a déclaré : « Les producteurs de grain ont besoin de ce projet de loi. L’hiver approche et nous ne voulons pas que ce qui s’est passé en 2013 se répète. » Il semble oublier que, en ne renouvelant pas les dispositions relatives à l’interconnexion qui se trouvaient dans le projet de loi C-30, il a lui-même provoqué la crise qu’il demande maintenant au Sénat de résoudre rapidement.

Je viens moi-même de la Saskatchewan, alors j’étais parfaitement au courant des préoccupations des producteurs de grain et j’ai été particulièrement froissé d’entendre le ministre dire que nous étions prêts à tout pour retarder l’adoption du projet de loi et empêcher le grain de parvenir à destination. Il est très clairement ressorti des consultations auprès des parties intéressées — et ce, avant même que le projet de loi soit renvoyé à notre comité — que quelque chose clochait. Les apparences sont trompeuses, et le gouvernement semblait heureux de nous faire croire qu’il s’agit d’un simple projet de loi sur le transport du grain.

Le nombre d’amendements présentés par des sénateurs de toutes les allégeances pendant l’étude article par article et le soutien quasi unanime que ces amendements ont obtenu étaient pour le moins impressionnants.

Voici donc la désagréable impression que j’ai, honorables sénateurs : le ministre des Transports et le gouvernement ont renvoyé ce projet de loi au Sénat avec l’attitude du policier qui dit : « Circulez, y’a rien à voir », alors qu’au contraire il y a énormément de choses à voir. Le ministre et le gouvernement ont orchestré une crise dans le secteur du transport du grain en refusant de renouveler les dispositions du projet de loi C-30 sur l’interconnexion jusqu’à ce que le projet de loi C-49 obtienne la sanction royale, puis ils se sont servis de cette crise pour pousser dans le dos du Sénat afin qu’il adopte le projet de loi à toute vitesse.

Quel est l’unique secteur que le sénateur Harder a cité pour montrer l’appui à la présente motion d’approbation? Celui du grain, honorables sénateurs, et plus particulièrement l’association des producteurs agricoles de la Saskatchewan, qui a fait, selon lui, la déclaration suivante la semaine dernière :

Dans le cas du projet de loi C-49, nous pensons que le ministre, les députés et les sénateurs ont tous été à l’écoute et qu’ils ont travaillé fort pour régler les problèmes de longue date dans le secteur du transport du grain.

Nous espérons que ce projet de loi sera adopté rapidement…

— écoutez bien la dernière partie —

… ce qui nous permettra de planifier l’acheminement des récoltes que nous plantons ce printemps.

Le comité a appris qu’il restait encore beaucoup de travail à faire. Ce projet de loi n’est pas un simple projet de loi sur le transport du grain, et il ne l’a jamais été. Il porte aussi sur les passagers aériens et sur leurs droits. Il porte sur les cheminots, la vie privée et la sécurité. Il porte sur les compagnies aériennes et leurs modèles d’affaires. Il porte sur les transporteurs et les entreprises du secteur des ressources naturelles, qui y voient l’occasion rêvée d’uniformiser les règles du jeu avec les chemins de fer dont elles dépendent pour acheminer leurs produits jusqu’aux marchés.

Honorables sénateurs, les expéditeurs n’auraient pas pu être plus clairs devant le comité en ce qui concerne l’importance d’obtenir les changements qu’ils proposaient. Maintenant que les amendements ont été rejetés, les expéditeurs demeurent à la merci des compagnies de chemin de fer.

Le ministre a rejeté les amendements qui auraient donné une chance aux expéditeurs. Au moins, l’industrie céréalière a reçu quelque chose. Le gouvernement poursuit sa guerre contre l’industrie des ressources du Canada. Il a annulé le projet Énergie Est; il refuse, jusqu’à maintenant, d’intervenir dans le différend concernant l’expansion du réseau de Kinder Morgan afin que le pipeline soit finalement construit; il a annulé le projet Northern Gateway; maintenant, il refuse de mettre un terme au monopole ferroviaire, comme l’a si bien dit un journal des Maritimes.

Dans ce pays, le plus grand problème qui nous empêche d’acheminer les biens vers le marché est le manque de concurrence dans le secteur ferroviaire. Ce point n’a pas été soulevé une seule fois par le ministre, malgré l’incapacité des compagnies de chemin de fer d’acheminer à bon port les produits de céréales, d’oléagineux et de légumineuses de l’Ouest canadien. Ces compagnies jettent le blâme sur la météo alors qu’elles sont les seules responsables, compte tenu de leur besoin égoïste de réduire les coûts et de leur manque de préparation en vue de la récolte automnale en 2017.

En Saskatchewan, en Alberta, au Manitoba et dans l’Ouest, nous cultivons le grain depuis plus de 100 ans. On penserait que les compagnies de chemin de fer auraient compris que, à l’arrivée de l’automne, il est temps d’acheminer le grain. On penserait qu’elles auraient fait le lien.

Leur réputation glorieuse aux yeux du ministre ne correspond pas à ce que nous ont dit des témoins de l’industrie du transport et de l’industrie des ressources. Un de ces témoins a d’ailleurs refusé de s’asseoir à la même table que les représentants des compagnies de chemin de fer.

Le gouvernement a permis l’aggravation d’une crise qui aurait facilement pu être évitée ou réglée. Il a alors fait pression sur le Sénat et a laissé libre cours aux impressions véhiculées dans les médias selon lesquelles le Sénat retardait l’adoption du projet de loi. Je trouve que c’est scandaleux.

Je tiens à remercier tous les groupes qui ont proposé des amendements et fait des observations. En ce qui nous concerne, les ministres des Transports et de l’Agriculture de la Saskatchewan ont donné leur avis dans des lettres adressées au ministre et au cabinet du premier ministre. Le premier ministre de la Saskatchewan a lui aussi donné son avis, et je tiens à les remercier tous pour cela.

Quant au ministre des Transports, lors de la négociation qui s’est tenue avec les expéditeurs et les personnes-ressources sur les amendements que nous avions proposés, il les a forcés à accepter des conditions défavorables par rapport à celles des entreprises ferroviaires. Au moment de l’arbitrage sur l’offre finale, il leur a dit : « C’est à prendre ou à laisser. » Ils ont tenu bon et pour quel résultat? Dans sa motion, le ministre a non seulement rejeté l’amendement du Sénat sur l’établissement des frais variables du transport de marchandises visé par l’arbitrage, mais il a, en plus, renforcé l’emprise des chemins de fer sur des expéditeurs captifs en déclarant que l’arbitrage sur l’offre finale n’est pas une mesure corrective fondée sur les coûts, mais plutôt un processus commercial qui vise le règlement d’un différend.

Comme l’a souligné hier le sénateur Plett, le ministre a rejeté aussi l’amendement proposé par la sénatrice Griffin, une solution modeste qui aurait permis d’exempter les cargaisons à destination du Nouveau-Brunswick et de la Nouvelle-Écosse de la zone d’exclusion de l’interconnexion de longue distance dans le corridor Québec-Windsor. Le sénateur Plett l’a d’ailleurs bien précisé en ces termes :

Cet amendement, qui aurait éliminé la disparité régionale involontaire, reflète l’exemption actuelle qui touche les cargaisons provenant du Nord du Québec. Cet amendement aurait permis d’offrir aux expéditeurs de marchandises à destination de Saint John ou d’Halifax des choix ferroviaires plus concurrentiels, ce qui aurait rendu les ports de ces villes plus attrayants.

L’explication du ministre, selon laquelle d’autres moyens de transport sont disponibles, est ridicule.

Cette mesure s’applique depuis 2014 et je n’ai constaté depuis aucune annulation de transport ferroviaire dans le Nord du Nouveau-Brunswick.

Avant de proposer ma motion, j’aimerais vous citer un extrait des Sages Hiboux, célèbre et populaire publication que vous connaissez tous très bien, qui se lit comme suit :

Quand les habitants de la forêt décident d’élire un Conseil des animaux pour diriger leurs affaires, ils constatent rapidement que tout n’est pas parfait : ce qui est bon pour un animal n’est pas forcément bon pour tous les autres. Comment peuvent-ils surmonter leurs différences ? Voici les sages hiboux, qui conviennent de former un Sénat pour veiller à ce que tous les animaux puissent être entendus.

Des voix : Bravo!

Le sénateur Tkachuk : Nous nous sommes donné la responsabilité de voir à ce que les expéditeurs, les personnes-ressources et les gens des Maritimes puissent se faire entendre.

Motion d’amendement

L’honorable David Tkachuk : Par conséquent, honorables sénateurs, je propose l’amendement suivant :

Que la motion ne soit pas maintenant adoptée, mais qu’elle soit modifiée :

1.par suppression, au deuxième paragraphe, du renvoi aux amendements « 7c) » et « 8 »;

2.par adjonction, après le deuxième paragraphe, de ce qui suit :

« Que le Sénat insiste sur ses amendements 7c) et 8, auxquels les Communes n’ont pas acquiescé; »;

3.par substitution, au troisième paragraphe, de ce qui suit :

« Que, conformément à l’article 16-3 du Règlement, le Comité sénatorial permanent des transports et des communications soit chargé de rédiger les motifs de l’insistance du Sénat sur ses amendements et présente son rapport exposant les motifs de cette insistance au plus tard le 10 mai 2018 ou, s’il est postérieur, le deuxième jour que le Sénat siège après l’adoption du présent ordre;

Que, après que le Sénat a agréé les motifs de son insistance, un message soit transmis à la Chambre des communes pour l’en informer. ».

Des voix : Bravo!

(1510)

Son Honneur la Présidente intérimaire : En amendement, l’honorable sénateur Tkachuk propose, avec l’appui de l’honorable sénatrice Raine :

Que la motion ne soit pas maintenant adoptée, mais qu’elle soit modifiée :

1.Par suppression, au deuxième paragraphe, du renvoi aux amendements « 7c) » et « 8 »;

2.Par adjonction, après le deuxième paragraphe, de ce qui suit:

« Que le Sénat insiste sur ses amendements…

Puis-je me dispenser de lire la motion?

Des voix : Oui.

Le sénateur Mercer : Non.

L’honorable Grant Mitchell : J’aurais une question à poser au sénateur Tkachuk, s’il vous plaît.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Accepteriez-vous de répondre à une question, sénateur Tkachuk?

Le sénateur Tkachuk : Bien sûr.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Je m’excuse, mais le sénateur Mercer insiste pour que je lise la motion d’amendement :

Par conséquent, honorables sénateurs, je propose l’amendement suivant :

Que la motion ne soit pas maintenant adoptée, mais qu’elle soit modifiée :

1.Par suppression, au deuxième paragraphe, du renvoi aux amendements « 7c) » et « 8 »;

2.Par adjonction, après le deuxième paragraphe, de ce qui suit :

« Que le Sénat insiste sur ses amendements 7c) et 8, auxquels les Communes n’ont pas acquiescé;

3.Par substitution, au troisième paragraphe, de ce qui suit :

« Que, conformément à l’article 16-3 du Règlement, le Comité sénatorial permanent des transports et des communications soit chargé de rédiger les motifs de l’insistance du Sénat sur ses amendements et présente son rapport exposant les motifs de cette insistance au plus tard le 10 mai 2018 ou, s’il est postérieur, le deuxième jour que le Sénat siège après l’adoption du présent ordre;

Que, après que le Sénat ait agréé les motifs de son insistance, un message soit transmis à la Chambre des communes pour l’en informer. »

Nous allons maintenant passer à la question du sénateur Mitchell. Sénateur Tkachuk, acceptez-vous de répondre à une question?

Le sénateur Tkachuk : Oui.

Le sénateur Mitchell : Je remarque que les gens se demandent exactement quel effet cela aura. Pourriez-vous expliquer ce que chaque élément de la motion fera? Je sais que vous avez parlé de l’arbitrage et de l’interconnexion de longue distance dans les Maritimes. Pourriez-vous nous donner un récapitulatif de la manière dont cela se reflète dans la motion, pour que nous puissions en débattre?

Le sénateur Tkachuk : Le deuxième amendement porte sur l’interconnexion. Il renvoie à l’amendement original que nous avons adopté ici et à la politique qui est en vigueur depuis 2014, que le gouvernement a éliminée en rejetant notre amendement.

L’arbitrage est lié au calcul des coûts et aux transactions commerciales et c’est ce que les expéditeurs ont dit vouloir. Plutôt que de laisser l’amendement tel quel, le gouvernement l’a rejeté et a ajouté le mot « commercial », ce qui complique beaucoup la tâche de la commission des transports, qui est habituellement chargée de calculer le coût. Nous abordons des points techniques de droit ici, mais, avec le mot « commercial », elle n’a pas à calculer le coût comme elle doit le faire avec l’arbitrage. Le mot « commercial » signifie qu’il y a concurrence alors qu’en réalité les compagnies de chemins fer n’ont pas de concurrence. Ce changement revient ni plus ni moins à supprimer l’arbitrage sur l’offre finale.

On revient simplement à l’amendement initial. Je n’y ai rien changé.

L’honorable Diane F. Griffin : J’aimerais poser une question dès maintenant, avant que nous allions trop loin. Je suis désolée de gesticuler ainsi. Je sais qu’il est interdit d’utiliser des accessoires.

Son Honneur la Présidente intérimaire : C’était la seule façon de vous faire remarquer, car il m’était impossible de vous voir.

La sénatrice Griffin : En effet, nous sommes toutes les deux de petite taille. Je crains qu’il faille nous changer de place.

Ma question s’adresse au sénateur Tkachuk. J’ignorais qu’il y avait une troisième partie à son amendement. Je me demande à quel point il tient à celui-ci. Je constate que, si la présentation du rapport est prévue pour le 10 mai comme il l’indique, il faudrait que tout amendement dont nous sommes saisis aujourd’hui soit renvoyé à la Chambre des communes aujourd’hui.

J’estime que cela pose problème. Êtes-vous du même avis?

Le sénateur Tkachuk : Ce n’est pas problématique, selon moi. J’ai posé la même question. Le problème, c’est qu’on doit le renvoyer au comité, selon l’article 16-3 du Règlement du Sénat. J’ai pensé que, s’il était adopté par le Sénat, nous le ferions immédiatement, avec le consentement de la Chambre. Ce serait chose faite et nous pourrions le renvoyer. C’est ce qu’indique le Règlement et c’est ce qui explique la présence de l’article.

L’honorable Michael Duffy : Chers collègues, je prends la parole pour rappeler que les sénateurs ont la responsabilité de représenter leur région. Dans son discours, le sénateur Tkachuk a fermement défendu les intérêts des producteurs de grain de l’Ouest du Canada. Comme je siège au Sénat depuis un bon bout de temps, je me souviens des débats sur le tarif du Nid-de-Corbeau et sur l’abolition de la Commission canadienne du blé. Ces questions sont cruciales pour les gens de l’Ouest du Canada, qui ont des opinions fermement arrêtées sur les chemins de fer.

Je sympathise avec les gens de l’Ouest, mais on ne peut oublier que d’autres régions du Canada ont, elles aussi, des préoccupations au sujet du transport et de la viabilité et de la compétitivité de leurs industries.

D’aussi loin que je me souvienne, le Canada atlantique réclame un traitement égal. Quand j’étais enfant, je me rappelle que le gouvernement fédéral a bâti la Voie maritime du Saint-Laurent et que les voisins se plaignaient parce que le gouvernement dépensait des millions de dollars pour les opérations de déglaçage sur le fleuve Saint-Laurent, ce qui permettait aux navires de se rendre à Montréal pendant presque toute l’année. Ces activités de déglaçage ont substantiellement réduit le trafic hivernal dans les ports des Maritimes, notamment Sydney, Halifax et Saint John, ― pourtant libres de glaces ― et l’ont fait augmenter à Montréal.

Plus tôt aujourd’hui, le sénateur Downe a fait une intervention judicieuse, comme à l’habitude. Dernièrement, toutefois, il s’est concentré sur le pont entre l’Île-du-Prince-Édouard et le Nouveau-Brunswick et sur les péages. À l’époque, ce pont avait coûté environ 1 milliard de dollars à construire et un système de péages avait été mis en place pour en couvrir le coût. Aujourd’hui, on est en train de construire un deuxième pont de plusieurs milliards de dollars entre Montréal et la rive sud du fleuve Saint-Laurent. Les automobilistes devront-ils payer pour emprunter ce pont? Non.

Voilà encore un exemple qui montre pourquoi les gens des Maritimes se sentent désavantagés à bien des égards. Je ne parlerai même pas du pipeline Énergie Est.

Une voix : Poursuivez.

Le sénateur Duffy : Comme nous l’avons entendu, la modification proposée dans la Loi sur les transports concernant l’interconnexion de longue distance mettrait le Canada atlantique sur un pied d’égalité avec les expéditeurs de l’Ontario, du Québec et du Nord de la Colombie-Britannique. Comme la sénatrice Griffin l’a suggéré aujourd’hui dans sa question, c’est une question d’égalité entre les régions.

Les techniciens de Transports Canada, les lobbyistes et les défenseurs des droits peuvent parler de détails mais, pour les gens de l’Est du Canada, le grand enjeu, c’est de ne pas être laissés pour compte. Le Parlement ne modifie pas la Loi sur les transports au Canada aux deux ans. Il faut une décennie pour faire inscrire cette question à l’ordre du jour national. Nous ne voulons pas être laissés pour compte encore une fois.

Les sociétés ferroviaires souhaitent maintenir le statu quo, et nous avons entendu, au fil des ans, toutes sortes de commentaires injurieux au sujet du transport du grain et des tarifs du transport des marchandises. La concurrence a toutefois du bon. Pensons par exemple au téléphone. Je me souviens de l’époque où il y avait un seul fournisseur de service téléphonique, donc un monopole. Tout le monde surveillait ses appels avec un chronomètre pour ne pas dépasser trois minutes. Aux dires de l’entreprise qui avait le monopole, tout changement de situation nuirait aux consommateurs. « Nous fermerons boutique. La qualité du service diminuera. » Les plaintes formaient une litanie interminable.

À un certain moment, la Cour suprême est intervenue et a dit à cette entreprise qu’elle devait ouvrir l’accès à son réseau. Quel a été l’effet de ce changement? Comme le marché de la téléphonie est désormais soumis à la concurrence, les prix ont baissé et les consommateurs reçoivent un meilleur service. Personne ne voudrait revenir à l’époque du monopole.

Au Canada atlantique, nous avons des sentiments très forts au sujet de notre place au sein de la Confédération. C’est un point plus sensible que la plupart des gens pourraient l’imaginer, et cela m’inquiète, puisque nous formons une grande nation. Un merveilleux esprit anime ce pays. Le Canada atlantique tient à participer aux efforts du Canada et à la croissance économique future.

(1520)

Ce n’est pas une question de négativité, mais d’inclusion. J’encourage tous nos collègues à songer à l’inclusion pendant que nous étudions les amendements dont nous sommes saisis aujourd’hui.

Je suis quelque peu inquiet et déçu que les deux amendements soient rattachés ensemble. Je ne crois pas que le gouvernement devrait se servir du processus de réglementation pour s’ingérer dans l’établissement des frais de transport de marchandises, pas plus qu’il ne devrait s’occuper de la gestion d’un supermarché local. L’idée de s’ingérer davantage dans le milieu commercial ne me plaît guère. Je peux cependant appuyer l’idée concernant l’interconnexion de longue distance et l’inclusion de notre région dans le réseau, de manière à lui permettre de faire concurrence à tous les autres intervenants.

Je crois que nous devrions nous pencher sur certains aspects du projet de loi dont nous sommes saisis aujourd’hui. Merci, honorables sénateurs.

L’honorable Donald Neil Plett : J’ai une question à poser au sénateur Duffy.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Sénateur Duffy, accepteriez-vous de répondre à une question?

Le sénateur Duffy : J’en serais ravi.

Le sénateur Plett : Merci beaucoup de votre discours, sénateur Duffy. Je suis tout à fait d’accord et je conviens, comme ceux d’entre nous qui craignent que les agriculteurs ne perdent une année de récolte, que nous ne sommes pas du tout obligés d’attendre davantage. De toute évidence, l’amendement est très précis.

Vous êtes préoccupé par deux aspects de cet amendement. Je vais présenter la chose sous forme de question, même si je ne voudrais pas laisser entendre que vous ne savez pas de quoi vous parlez.

Voici ma question. Vous êtes conscient que, lors de l’étude à l’autre endroit, on pourrait diviser cet amendement et décider d’en accepter une partie, mais de rejeter l’autre, n’est-ce pas?

Le sénateur Duffy : Merci, cher collègue. Ce ne serait pas la première fois que vous me diriez que je ne sais pas de quoi je parle.

Oui, je sais que le gouvernement peut procéder ainsi, et vous essayez indirectement de me dire qu’il pourrait être plus acceptable, certainement pour moi, que l’amendement soit scindé en deux à l’autre endroit. Je pense que nous devrions actuellement nous intéresser aux grands principes et que le sénateur Tkachuk possède l’expertise nécessaire pour s’occuper des détails techniques.

L’honorable Pierrette Ringuette : Honorables sénateurs, premièrement, le projet de loi ne me satisfait pas de manière générale à cause du problème de respect de la vie privée si des caméras vidéo sont employées dans les locomotives. De plus, je ne suis pas convaincue de l’effet qu’aura la déclaration des droits des passagers de l’air.

Cela dit, nos mandats de sénateur ne se terminent pas avant que nous ayons atteint l’âge de 75 ans, ce qui est un bel avantage de cette institution. Nous ne cessons pas de siéger lorsqu’il y a un changement de gouvernement à l’autre endroit. Par conséquent, puisque ces deux dossiers me préoccupent, je surveillerai constamment ce qui s’y passe et j’espère que je ne serai pas la seule à le faire au Sénat.

Je suis un peu surprise de voir l’amendement qui nous est soumis, parce que, au cours de mes 15 années au Sénat, j’ai toujours vu le sénateur Tkachuk se porter à la défense du libre marché. Il milite pour alléger la réglementation. Or, l’amendement qui nous est soumis accroît la réglementation par le gouvernement et restreint la liberté du marché. Je suis donc surprise de voir le sénateur Tkachuk nous présenter un tel amendement.

Dans les Maritimes ou dans les provinces de l’Atlantique, d’où je viens, nous avons, au cours de l’histoire, perdu le service ferroviaire à Terre-Neuve parce que le trafic n’était pas suffisant. Nous avons perdu le service ferroviaire à l’Île-du-Prince-Édouard parce que le trafic n’était pas suffisant. Cela s’est produit à l’époque du gouvernement Mulroney. Le service ferroviaire a été remplacé par un programme de subvention au transport maritime. On s’en souvient.

En 1995, à l’autre endroit, une étude a été réalisée sur le maintien du service du CN dans les provinces de l’Atlantique. L’étude portait sur le service en Nouvelle-Écosse, sur le chemin de fer du Nord au Nouveau-Brunswick et sur les chemins de fer du centre et du nord-ouest reliant cette province à Montréal. Le service sur ces lignes ferroviaires générait de si piètres recettes que le CN envisageait sérieusement de cesser de desservir la région. Pour pouvoir assurer la compétitivité du transport ferroviaire et pour que cette option continue d’être offerte aux expéditeurs de notre région, il a fallu éliminer le programme de subvention du transport dans la région de l’Atlantique, car il était destiné uniquement aux semi-remorques.

Voilà où nous en sommes aujourd’hui. Je veux être certaine que le Nouveau-Brunswick conserve une voie ferroviaire du Nord pour desservir la population du Nord du Nouveau-Brunswick. Le port de Belledune est extrêmement important pour nous, tout comme l’est la ligne centrale et nord-ouest qui permet le transport des cargaisons entre Montréal et Halifax.

Je suis également très fière de dire que, dans l’axe de la vallée du fleuve Saint-Jean, nous avons le plus haut taux d’entreprises de camionnage par habitant au Canada, ce qui est possible grâce à la concurrence. Ces entreprises offrent de bons emplois et un mode de transport stable, tout en faisant continuellement concurrence au CN.

Honorables sénateurs, je comprends que certains d’entre nous pourraient être portés à croire que, pour amender la motion dont nous sommes saisis, il faut obtenir le soutien des Canadiens de l’Atlantique. Je dirai ceci à mes collègues du Canada atlantique : soyez vigilants. Nous devrions connaître l’histoire du système de transport dans notre coin de pays ainsi que toutes les mesures qui pourraient nuire à son avenir. Mon Dieu, le temps est peut-être venu pour nous, les Canadiens de l’Atlantique, d’unir nos forces — au-delà des allégeances politiques — et de parler de notre région, de ce que nous pouvons faire pour stimuler la croissance des ports à Halifax, à Belledune et à Saint John.

Je regrette, mais l’amendement proposé ne fait pas partie de mes priorités dans la défense de ma région. Merci beaucoup.

La sénatrice Griffin : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour défendre l’idée que le Sénat insiste sur l’adoption de l’amendement 7c), qui donnerait aux expéditeurs captifs dans les provinces des Maritimes l’accès à l’interconnexion longue distance et qui offrirait un recours par rapport au monopole que le CN détient sur les lignes de chemin de fer de catégorie 1 dans les Maritimes. Je vous demande votre appui afin que les provinces des Maritimes soient traitées comme un partenaire à part entière de la Confédération.

(1530)

En tant qu’environnementaliste, je tiens à préciser à ceux qui ne le savent pas encore que le chemin de fer est beaucoup plus écologique, et, à une époque où nous essayons de réduire les émissions de gaz à effet de serre, je pense qu’encourager le transport routier n’était pas une bonne politique pour notre pays.

Chers collègues, le gouvernement ne veut pas accepter cet amendement essentiellement parce qu’il s’inquiète pour la rentabilité économique du CN, c’est-à-dire pour ses profits, en particulier sur sa ligne ferroviaire secondaire, la subdivision de Newcastle, dans le Nord du Nouveau-Brunswick. C’est ce que je crois comprendre. La crainte, c’est que le CN ferme cette ligne si l’interconnexion pour le transport longue distance se fait. Quelle ironie, honorables sénateurs, étant donné que la subdivision de Newcastle faisait partie de l’accord qui a mené à la création du Canada il y a 150 ans! On ne peut minimiser son importance puisqu’elle se trouve à l’article 145 de la Loi constitutionnelle de 1867. La Grand Trunk Railway a ouvert en 1872, sous l’impulsion décisive du gouvernement fédéral, qui était décidé à favoriser le transport ferroviaire dans les Maritimes.

Honorables sénateurs, je demande au gouvernement fédéral de faire montre de la même détermination afin que cette voie ferrée reste en fonction encore 150 ans. On peut à la fois craindre la fermeture de lignes de chemin de fer et la mise en œuvre de l’interconnexion de longue distance. De surcroît, la congestion ferroviaire accrue à Montréal n’a pas empêché le gouvernement de donner le feu vert à l’interconnexion de longue distance dans le Nord du Québec. Le gouvernement devrait travailler avec le CN afin de créer un point d’interconnexion dans une zone propice à la réduction de cette congestion ou bien proposer d’autres mesures économiques pour répondre aux doutes du CN. Si vous siégez aux mêmes comités que moi, vous savez que je dis souvent ceci : le gouvernement peut emprunter deux voies, soit la voie économique et la voie financière. Il peut emprunter encore une fois ces deux voies.

Dans le fond, le gouvernement considère que la ligne du CN dans les Maritimes est une infrastructure de transport importante. Ainsi, il devrait prendre des mesures pour éviter que les intérêts d’une entreprise précise ne l’emportent sur les craintes régionales.

Au Sénat, nous entendons souvent parler de l’importance du second examen objectif et de la déférence que nous devons à la Chambre des communes, la Chambre élue. Toutefois, les Pères de la Confédération qui venaient des Maritimes étaient d’avis que le fait d’effectuer un second examen objectif passe par le respect du principe de la représentation régionale au moment de voter.

Sur ce point, je cite les propos du sénateur Harder dans le document d’orientation qu’il a publié récemment. Selon lui, le Sénat est :

[...] une voix pour les intérêts des plus petites régions et des minorités afin qu’elles ne soient pas couvertes par des voix plus fortes et plus nombreuses. C’est pour cette raison que les membres du Sénat sont choisis par région et que la garantie de représentation régionale égale fait partie de notre Constitution. Il faut savoir que la notion d’équité régionale fut nécessaire pour conclure le compromis qui a créé la Confédération canadienne. Sans elle, le Canada n’existerait pas.

En passant, le sénateur a des talents d’écrivain.

Mesdames et messieurs les sénateurs, je vous demande de réfléchir à ceci : nous ne sommes pas élus, mais nous avons un rôle légitime à jouer dans l’étude et la détermination des politiques. Il ne s’agit pas d’un enjeu électoral. Ainsi, la controversée Convention de Salisbury ne s’applique pas ici. Le gouvernement lui-même a amendé le projet de loi C-49 à l’autre endroit pour répondre aux préoccupations des expéditeurs captifs du Nord de la Colombie-Britannique et du Nord du Québec. Le défi actuel est simplement de veiller à ce que le gouvernement prenne des décisions politiques respectueuses de toutes les régions. Toutes les régions doivent avoir la possibilité de réussir. Pourquoi les expéditeurs, les ports, et, au bout du compte, les habitants des Maritimes doivent-ils payer plus cher pour expédier ou recevoir des biens par rail que le reste du Canada?

D’ailleurs, au sujet des ports, les autorités portuaires d’Halifax, de Saint John et de Belledune n’avaient pas été consultées avant que du personnel de mon bureau et de celui du sénateur Cormier ne communique avec elles. D’autres régions peuvent compter sur la concurrence ou sur l’interconnexion de longue distance pour maintenir des tarifs justes. Notre rôle, en tant que sénateurs des Maritimes, consiste à défendre les intérêts des provinces de la région afin d’empêcher que des mesures prises au niveau national ne viennent nuire aux Maritimes.

C’est essentiellement une question de respect. Pourquoi est-ce seulement dans les Maritimes que les intérêts économiques d’une entreprise privée passent avant les préoccupations des gouvernements et des intervenants des provinces? Les entreprises des Maritimes sont inquiètes des pratiques monopolistiques du CN, mais elles n’auront pas les mêmes outils dont disposent d’autres régions au Canada où il y a des monopoles ferroviaires. Honorables sénateurs, c’est injuste et c’est un manque de respect. Les Maritimes ne constituent pas un petit partenaire négligeable de la Confédération; elles forment une partie intégrante de la Confédération.

Il faut appuyer cette motion et renvoyer le projet de loi à l’autre endroit pour faire comprendre au gouvernement qu’il doit traiter les Maritimes avec respect. Le Québec et la Colombie-Britannique, des provinces plus populeuses où on peut obtenir beaucoup de votes, n’auraient jamais accepté que leurs expéditeurs captifs n’aient pas le choix entre plusieurs fournisseurs. C’est ce qui a poussé le gouvernement à faire des amendements lorsqu’on a découvert que ces régions verraient des impacts négatifs. Pourquoi serait-il acceptable que les Maritimes soient traitées avec moins d’égards?

Honorables sénateurs, nous avions proposé 18 amendements à la Chambres des communes. Tout ce que la motion à l’étude ferait serait d’en renvoyer deux aux députés afin de mettre ces préoccupations en évidence. Lorsque la Chambre des communes a débattu de nos amendements, il n’a pas été question de l’interconnexion de longue distance dans les Maritimes, hormis les brefs commentaires du ministre. Faisons en sorte que l’autre endroit puisse débattre du traitement inéquitable des Maritimes et de l’arbitrage sur l’offre finale. Une fois que la Chambre des communes aura tenu ce débat, si elle choisit de rejeter l’un ou l’autre des amendements, ou les deux, alors, j’en conviens, nous devrons céder.

Honorables sénateurs, les producteurs de grain des Prairies ont demandé que le projet de loi soit adopté avant juillet. Ils font leurs semailles maintenant, comme l’a souligné le sénateur Tkachuk. Nous respecterons cette échéance. Les producteurs doivent nettoyer leurs cellules à grain avant l’arrivée de la nouvelle récolte à l’automne. Nous ne devons donc pas agir à la hâte et oublier les préoccupations des habitants d’une région du pays. Je dois concéder que l’Ontario est situé dans l’Est du Canada. Or, dans les régions les plus à l’est, nous ne pouvons pas oublier les préoccupations des intervenants, et je vous demande de vous joindre à moi dans cette entreprise. Merci.

Des voix : Bravo!

Son Honneur le Président : Avez-vous une question, sénateur Downe?

L’honorable Percy E. Downe : Je vous remercie de votre défense vigoureuse du Canada atlantique. Comme vous l’avez indiqué plus tôt, vous n’agissez pas par intérêt personnel, puisque l’Île-du-Prince-Édouard n’a pas de chemin de fer. Il est important d’expliquer pourquoi. C’est à cause d’une réduction délibérée de la demande de service. Le CN a décidé de ne tout simplement pas investir dans le réseau ferroviaire de l’Île-du-Prince-Édouard pendant plusieurs années, ce qui a mené à une détérioration des voies et, par extension, à une détérioration du service. À ce moment-là, la plupart des membres de l’industrie agricole, de l’industrie de la pêche et d’autres industries ont délaissé les trains pour se tourner vers les camions. En constatant cela, le CN a affirmé qu’il n’y avait plus de trafic ferroviaire dans la province et a déclaré qu’il allait abandonner le chemin de fer.

(1540)

Étant donné le bilan du CN dans la région, la situation n’est, hélas, pas propre à l’Île-du-Prince-Édouard, sauf qu’elle accentue le recul des priorités et des préoccupations de l’Atlantique parmi les orientations nationales. Le sénateur Duffy et vous, sénatrice Griffin, avez parlé du pont de la Confédération par le passé, ce qui est la plus récente illustration d’une politique à deux vitesses au pays.

Je ne veux pas prononcer un discours, alors je ferais mieux de poser ma question, car si je commence à parler du pont de la Confédération, je ne m’arrêterai pas.

Sénatrice Griffin, vous avez indiqué qu’à votre avis cet amendement devrait être renvoyé à la Chambre des communes. Que souhaiteriez-vous que l’on revoie à l’autre endroit, surtout de la part des députés de l’Atlantique?

La sénatrice Griffin : Je dois admettre que nos députés des provinces de l’Atlantique se sont faits plutôt discrets. Nous ne les avons pas vus beaucoup dans les médias. Ce serait bien de pouvoir leur parler en personne.

Vous avez tout à fait raison en ce qui concerne le chemin de fer à l’Île-du-Prince-Édouard : le service s’est détérioré, les gens ont cessé de l’utiliser, les choses ont empiré davantage, et c’est un cercle vicieux qui a causé la fin de ce service.

C’est formidable d’avoir le pont de la Confédération, mais effectivement, je dois payer 47 $ chaque fois que je le traverse. On peut se rendre à l’Île-du-Prince-Édouard gratuitement, mais on doit débourser 47 $ au retour.

Au final, tout ce que je demande ici, c’est de la considération et du respect.

Vous avez donné de très bons exemples, sénateur Downe, de ce qui s’est produit par le passé, particulièrement en ce qui concerne les transports. À l’instar des agriculteurs des Prairies, les agriculteurs de l’Île-du-Prince-Édouard ont besoin de bons services de transport. J’aimerais qu’on trouve une solution qui soit moins nuisible à l’environnement que tous ces camions qui circulent pour assurer le transport des céréales, et j’aimerais aussi que le prix soit équitable.

Rien ne justifie que nous soyons traités comme l’enfant le plus petit qui se fait intimider au terrain de jeu, simplement parce que nous habitons dans la petite province qui se trouve au bout du pays.

Le sénateur Downe : Vous avez tout à fait raison. Il est absolument scandaleux d’avoir à payer 47 $ pour traverser le pont de la Confédération, alors que ce pont était l’une des conditions de l’adhésion de l’Île-du-Prince-Édouard à la Confédération. Lorsque l’Île-du-Prince-Édouard s’est jointe au Canada, le Canada lui a promis qu’elle serait toujours reliée au continent. Les tribunaux ont, par la suite, jugé que ce lien pouvait prendre plusieurs formes : des brise-glaces, un traversier, puis le pont permanent actuel, dont la construction a coûté un peu plus de 1 milliard de dollars et a été rendue possible par l’évolution technologique.

Puis, la veille des élections fédérales, le chef de l’ancien troisième parti a annoncé qu’il n’y aurait pas de péage sur le nouveau pont Champlain, à Montréal, dont les coûts pourraient atteindre 5 milliards de dollars. Il a simplement adopté la politique du chef du NPD de l’époque, Thomas Mulcair. Nous nous retrouvons maintenant dans une situation où les contribuables canadiens doivent financer deux ponts. Pour l’un deux, il faut verser un péage de 47 $, alors que, pour l’autre, il n’y a aucun péage.

Est-ce que la sénatrice Griffin est au courant des subventions versées actuellement par le CN pour les passagers de VIA Rail, pour chaque billet, dans la région du Centre du Canada?

La sénatrice Griffin : Je n’étais pas au courant. C’est très intéressant. Je sais que les parlementaires ont des billets gratuits. C’est tout ce que je savais. Non, je n’étais pas au courant des subventions pour les passagers dans le Centre du Canada.

L'honorable Carolyn Stewart Olsen : Sénatrice Griffin, accepteriez-vous de répondre à une question?

La sénatrice Griffin : Oui.

La sénatrice Stewart Olsen : J’aimerais savoir si vous avez vu l’état des routes au Nouveau-Brunswick, et j’irais même jusqu’à dire dans l’ensemble des provinces maritimes. Elles sont effroyables. Il faut les reconstruire chaque année, et cela coûte des millions et des milliards de dollars. Un réseau ferroviaire ne coûtera pas plus que cela, d’autant plus qu’il est vraiment important de fournir de bons services de transport.

Je sais, sénatrice Ringuette, qu’il faut penser aux camionneurs et à la concurrence, mais on ne peut pas réaménager continuellement les routes simplement parce qu’ils les utilisent. Il faut trouver un équilibre. Nous avons besoin d’un réseau ferroviaire.

Son Honneur le Président : Sénatrice Griffin, votre temps de parole est écoulé. Demandez-vous plus de temps pour répondre à la question?

La sénatrice Griffin : Oui, je vous prie.

Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

La sénatrice Griffin : Oui, j’ai vu les routes du Nouveau-Brunswick. Avez-vous vu celles de l’Île-du-Prince-Édouard? En effet, nous y avons le grès doux de l’île. Il est d’un beau rouge, mais très tendre, et la circulation constante de camions ravage les routes.

Lorsque le chemin de fer a été abandonné, je travaillais avec l’Island Nature Trust, un groupe de conservation de l’Île-du-Prince-Édouard, et j’ai signalé à l’époque que les routes allaient s’endommager et que nous devions trouver une façon de faire les choses plus respectueuse de l’environnement. Que puis-je dire maintenant, sinon que je l’avais prédit?

L’honorable Michael L. MacDonald : Je n’avais pas l’intention de prendre la parole aujourd’hui, mais comme il s’agit d’un dossier qui m’a toujours intéressé, j’aimerais donner mon avis.

La sénatrice Ringuette a mentionné la fermeture de chemins de fer à l’Île-du-Prince-Édouard et à Terre-Neuve dans les années 1990, et le sénateur Downe a déjà parlé élégamment et raisonnablement de ce qui s’est produit à l’Île-du-Prince-Édouard.

Bien entendu, la situation à Terre-Neuve était encore plus inusitée. Le chemin de fer était à voie étroite, et donc extrêmement peu rentable à exploiter. Évidemment, Terre-Neuve et l’Île-du-Prince-Édouard sont toutes deux des îles. Terre-Neuve est une énorme île, et l’exploitation du chemin de fer est devenue intenable sur le plan économique, en particulier après l’achèvement de la route Transcanadienne.

Toutefois, la Nouvelle-Écosse n’est pas une île. Depuis l’achèvement de la chaussée de Canso, en 1955, quelques semaines après ma naissance, la province entière est connectée au reste du pays. Même avant cela, le chemin de fer se rendait assez loin dans la région du Cap-Breton, même lorsqu’elle était desservie par le traversier.

Autrefois, le Cap-Breton industriel était de loin le cœur industriel de la région : on y trouvait 22 000 mineurs, 20 000 métallurgistes et d’énormes infrastructures. Nous contribuions tous pleinement à la vie économique du pays.

Le sénateur Duffy a mentionné — à juste titre d’ailleurs — la création de la Voie maritime du Saint-Laurent qui a été, je crois, un grand projet d’ingénierie et un projet autour duquel s’est bâtie la nation. Ce projet extrêmement coûteux a été inauguré par la reine, M. Eisenhower et John Diefenbaker en 1959, je crois. En général, il a bien servi le pays. Il a créé de la richesse et a permis à l’Ouest d’acheminer ses produits vers l’Est. Il a développé la tête des Grands Lacs et Toronto, et s’est avéré extrêmement utile pour la ville de Montréal.

Toutefois, il ne fait aucun doute qu’il a marginalisé les capacités de transport du Canada atlantique. Certes, lorsque l’on construit un pays, il faut peser les pour et les contre, et voir ce qui l’emporte et ce qui est bon pour le pays à long terme.

Qu’est-il donc arrivé dans le Canada atlantique, et particulièrement en Nouvelle-Écosse et au Nouveau-Brunswick, qui ont raison de se plaindre? Le Nouveau-Brunswick a un réseau ferré beaucoup plus étendu que celui de la Nouvelle-Écosse, où il a pratiquement disparu d’ailleurs.

Comme le dit la sénatrice Ringuette, nous sommes bien au courant de la situation du camionnage, car, à son arrivée à Moncton, le fret ferroviaire est chargé sur des camions qui, dans leur trajet vers Terre-Neuve, démolissent le réseau routier de la Nouvelle-Écosse. Il n’y a plus aucun emploi, plus de valeur ajoutée, et le réseau ferroviaire qui va de Truro à North Sydney ne sert plus à rien, car il a été abandonné par le CN et VIA Rail. Les entreprises ferroviaires ont abandonné les deux tiers de la province et l’ont marginalisée sur le plan économique.

Dans cette motion, le sénateur Harder mentionne l’avantage des ports. Il ne s’agit pas d’avoir un port à Saint John, à Halifax dans le détroit de Canso ou à Sydney. Il s’agit, pour les agriculteurs de l’Ouest, de faire parvenir leur grain jusqu’au port. Or, à ce que je sache, aucun navire ne part de Regina. Le seul moyen de transport est le chemin de fer.

Ce sont les producteurs de potasse qui ont porté la situation à notre attention. Ils veulent acheminer leur produit vers l’est. À l’heure actuelle, ils ne peuvent l’acheminer que vers l’ouest à un prix abordable, mais s’ils veulent le faire transporter vers l’est, ils devraient avoir droit à un taux fixe. Or, à partir de Montréal, le CN est libre d’exiger n’importe quel taux et les producteurs n’ont d’autre choix que de le payer. Il ne devrait pas en être ainsi. On nous marginalise.

Le gouvernement aurait dû accepter cet amendement initial. C’est pourquoi, en tant que Canadiens qui adhèrent à l’idée que tout le pays doit être traité de la même façon, nous devrions tenir bon et le dire au CN — qui est une excellente compagnie. Je veux qu’elle soit une excellente compagnie. Elle est l’une des grandes compagnies ferroviaires du monde et une des plus grandes du continent. Elle est toutefois extrêmement rentable et, quand elle a mis la hache dans les services ferroviaires, elle a pris soin d’en conserver une toute petite partie à Halifax afin de continuer à garnir ses coffres. Elle ne fait toutefois rien pour la province. Pour le Néo-Écossais que je suis, c’est inacceptable, et j’espère que ce le sera aussi pour les Canadiens que vous êtes.

(1550)

Il s’agit d’un amendement tout simple. Le ministre peut le faire, le CN peut en défrayer les coûts et nous pouvons ainsi rendre service aux agriculteurs et aux producteurs de potasse de l’Ouest. Qui sait, nous pourrions peut-être même acheminer une partie de notre pétrole jusque dans l’est et contribuer à l’essor du pays. J’appuie cet amendement et j’invite tous les honorables sénateurs à l’appuyer eux aussi.

L’honorable Elaine McCoy : Je suis arrivée aujourd’hui en me disant que le Sénat s’en tiendrait à la tradition de longue date qui veut que nous nous en remettions à la volonté de l’autre endroit après avoir amendé — une seule fois, et pas plus — les projets de loi qui viennent de cette Chambre, mais j’ai appris au contraire que, avec le débat de cet après-midi, nous sortirons du cadre habituel pour adopter une position discriminatoire envers certaines régions.

Avant d’aller plus loin, je tiens à féliciter le gouvernement de s’être montré aussi ouvert aux amendements du Sénat. Rarement, si on regarde derrière nous, un gouvernement aura été aussi ouvert aux suggestions des sénateurs que l’actuel gouvernement libéral, et je l’en félicite.

J’ajouterais également qu’à mes yeux, c’est la volonté du peuple qui doit l'emporter sur tout le reste. En fait, c’est la solution que le Canada a trouvée dans l’éventualité où la Chambre basse et la Chambre haute seraient dans une sorte d’impasse. Pour tout dire, en ce qui me concerne, ce ne sont pas les dernières élections qui comptent, mais celles qui s’en viennent. Alors, si nous proposons un amendement à la Chambre des communes et qu’elle le rejette, nous ne pouvons répondre qu’une chose : « Ainsi soit-il. Que la population décide et nous verrons aux prochaines élections si elle penche de notre côté ou du vôtre. » Bref, ce qui compte, ce n’est pas que les gens qui votent aujourd’hui aux Communes soient élus, c’est de savoir s’ils seront toujours là après les prochaines élections.

Cela dit, je suis également d’avis que nous ne devrions insister sur nos amendements que dans des situations graves et pour des questions de principe. Après les avoir présentés une fois, nous devrions nous incliner et nous n’insisterions une deuxième ou même une troisième fois. . . Un sénateur du Manitoba — il avait été premier ministre de cette province pendant de nombreuses années, — Duff Roblin, a dit que nous ne devrions jamais renvoyer un projet de loi à trois reprises en insistant sur nos amendements. Certains imposent une limite à ce chiffre arbitraire.

Je pense que vient un moment où nous devrions nous incliner, mais que, s’il s’agit d’un point important et d’une question de principe — pas seulement une question de préférence d’une politique par rapport à une autre —, alors, par principe, nous devrions dire : « En passant, avez-vous envisagé ceci? » D’après ce que j’ai entendu, plus particulièrement dans ce débat en ce qui concerne l’interconnexion de longue distance, je ne suis pas certaine que nos collègues de l’autre endroit aient entendu parler de ce point comme tel. Il semblerait qu’il n’y ait pas eu de débat à la Chambre des communes, du moins. Le ministre a abordé le sujet brièvement, mais les députés ne semblent pas l’avoir fait. C’est une question de principe, car cette solution a été offerte à d’autres régions, mais elle n’est pas offerte aux Maritimes. Donc, compte tenu de notre responsabilité, qui a été énoncée à plusieurs reprises déjà aujourd’hui, à savoir que l’un de nos principaux rôles est de dire : « Nous sommes ici pour défendre les régions et rappeler aux gens qu’elles devraient être traitées de manière équitable et égale », je suis prête à appuyer cet amendement et à le renvoyer à la Chambre des communes en espérant qu’il y sera débattu cette fois-ci.

Le sénateur Downe : J’aimerais dire quelques mots. Je n’en avais pas l’intention, mais, dès qu’on parle du péage du pont de la Confédération, c’est plus fort que moi, le sujet me passionne. Un peu plus tôt, j’ai mentionné le péage du CN. Bien entendu, je voulais dire VIA. VIA offre le service de transport de passagers

J’aimerais parler de cela pendant un instant. J’avais commencé à en parler. Des collègues connaissent déjà mon point de vue là-dessus. Évidemment, ce n’est pas le cas des nouveaux sénateurs, et c’est pourquoi j’aimerais vous offrir quelques brèves explications. L’Île-du-Prince-Édouard a adhéré à la Confédération en exigeant la construction d’un pont, qui est devenu le pont de la Confédération. Nous nous sommes retrouvés avec une subvention annuelle au traversier pendant 35 ans, en plus du péage, qui est versé à la société qui a construit le pont de la Confédération. Ce péage s’établit actuellement à 47 $. Personne ne s’est jamais vraiment plaint du péage, car tout le monde est très heureux d’avoir le pont de la Confédération à l’Île-du-Prince-Édouard. Il s’agit d’un ajout extraordinaire, par comparaison au service de traversier, qui ne fonctionnait pas toujours. Un traversier tombe parfois en panne. Il reste parfois emprisonné dans les glaces. Rien de cela ne se produit maintenant. Nous sommes très heureux de pouvoir utiliser le pont de la Confédération.

Rappelons-nous maintenant que, en 2015, le premier ministre d’alors a promis qu’il n’y aurait pas de péage sur le nouveau pont Champlain, à Montréal. Puis, le gouvernement a annoncé qu’il construirait un nouveau pont entre Detroit et Windsor, qui coûterait aussi cher, voire plus cher encore, que le pont Champlain. Toutefois, les usagers de ce pont devront acquitter un péage. En résumé, nous sommes en présence de trois ponts, qui appartiennent tous au gouvernement du Canada. Un contrat de 35 ans a été signé avec la société privée qui exploite le pont de la Confédération, mais celui-ci appartient au gouvernement du Canada. Le pont Champlain appartient aussi au gouvernement du Canada. Ce sera la même chose dans le cas du pont de Windsor. Deux de ces ponts ont un péage, mais pas le troisième. Je reviens à ce qu’ont dit la sénatrice Griffin et les sénateurs Duffy et MacDonald, ainsi que d’autres, qui ont parlé des torts que cette injustice fait subir aux Canadiens de l’Atlantique. Parlons maintenant du service de VIA Rail. On a dit plus tôt qu’il n’y a pas de service ferroviaire à Terre-Neuve-et-Labrador. Comme vous être originaire de cette province, vous êtes bien au courant de cela, Votre Honneur. L’Île-du-Prince-Édouard a perdu son service ferroviaire parce qu’on a cessé d’en faire la publicité, ce qui a mené à sa déchéance. Les gens ont dit qu’il s’agissait d’un service épouvantable, et le CN a déclaré qu’il l’éliminerait.

Puis, dans son rapport annuel de 2017 sur le service voyageurs, VIA Rail fait état de subventions de 36,97 $ et de 32,73 $ par passager pour les lignes entre Montréal, Ottawa et Toronto et entre Québec, Montréal et Ottawa respectivement. De bonnes raisons justifient ces subventions : il est judicieux de réduire le nombre de véhicules sur les routes et d’inciter les gens à prendre le train pour protéger l’environnement. Mais pourquoi nous, des Maritimes, devons-nous payer 47 $ pour traverser un satané pont alors que d’autres Canadiens bénéficient de subventions du gouvernement du Canada pour prendre le train alors que nous n’avons même pas cette possibilité? C’est une injustice flagrante.

Qui plus est, il y a une subvention de 128,42 $ par passager pour la ligne Toronto-Niagara de VIA Rail. Honorables sénateurs, si vous habitez dans cette région, vous avez vraiment gagné le gros lot. Cette subvention ne se justifie pas sur le plan économique, mais le gouvernement estime qu’il s’agit d’une bonne politique publique. J’en conviens, mais en quoi le fait de payer 47 $ pour traverser le pont de la Confédération sert-il l’intérêt public? À l’Île-du-Prince-Édouard, par exemple, il n’y a pas de bureau des passeports. C’est la seule province au Canada où on n’offre pas ce service. Il y a quelques années, je suis allé à l’épicerie. Le commis m’a demandé : « Voudriez-vous signer mon formulaire de demande? » Il retournait au Liban pour l’été. J’ai signé sa demande. Il s’est rapidement rendu à Halifax. Quelqu’un était malade. Il devait rentrer. Quand il est revenu à l’Île-du-Prince-Édouard, il a reçu un appel pour se faire dire qu’il y avait une erreur dans sa demande de passeport. Il est retourné à Halifax. Il a dû payer encore 47 $ de péage, sans compter l’essence, l’usure de sa voiture et tout le reste. Voilà un traitement carrément inéquitable.

Je dois avouer que j’ai changé d’avis aujourd’hui à cause du débat et de l’information fournie par d’autres sénateurs. Ce projet de loi illustre le fait qu’il y a au Canada deux poids, deux mesures. C’est inacceptable. Le péage sur le pont de la Confédération est inacceptable. Tant mieux si les gens du Centre du Canada bénéficient des subventions consenties au service ferroviaire pour les voyageurs, mais ce qui est bon pour eux devrait aussi être bon pour nous.

(1600)

Si le gouvernement du Canada choisit de ne pas imposer un péage sur le pont Champlain, il ne devrait pas non plus imposer de péage sur le pont vers l’île du Prince-Édouard. En revanche, s’il impose un péage sur le pont Champlain, nous nous tairons.

On ne dit pas qu’il ne doit pas y avoir de péage. Les droits de péage sur le pont de Montréal devraient être moins élevés, puisqu’il y a plus de circulation sur ce pont. J’en suis tout à fait conscient. Imposez un péage, et nous accepterons de payer les 47 $. Ce traitement inéquitable, toutefois, est inacceptable. C’est la raison pour laquelle j’ai changé d’avis au sujet du projet de loi, et j’appuierai l’amendement.

Des voix : Bravo!

L’honorable Marc Gold : Ce doit être contagieux. Je ne m’attendais pas à prendre la parole.

Je respecte tout ce qui a été dit. Je respecte la passion avec laquelle les sénateurs font valoir leurs arguments et défendent leur région. Il est tout à fait vrai que le Sénat est un endroit où l’on doit veiller à ce que les mesures prises soient équitables à l’égard de toutes les régions, y compris les régions d’où nous venons. Nous sommes ici en tant que parlementaires et nous avons une responsabilité envers tous les Canadiens.

J’aimerais revenir sur la motion dont nous débattons et sur la proposition qui veut que nous insistions sur les deux amendements et que nous communiquions le message à la Chambre des communes.

La sénatrice McCoy a tout à fait raison en ce qui concerne les questions de principe. C’est lorsqu’un principe est en jeu que nous devons, en tant que parlementaires non élus, faire un pas de plus et renvoyer un message à la Chambre des communes. Selon moi, honorables sénateurs, de nombreux amendements que nous avons proposés initialement et avons renvoyés à l’autre endroit soulevaient d’autres questions de principe. Nous avons beaucoup parlé des intérêts régionaux. Nous avons beaucoup entendu parler de l’injustice à l’égard du Canada atlantique, tout particulièrement des Maritimes. Un sénateur de Montréal s’en est pris à la région du Centre du Canada. Je m’en suis pris moi-même à l’Ontario. J’ai vécu en Colombie-Britannique et ma mère vient du sud, alors je sais ce que c’est que d’être, en quelque sorte, en périphérie.

Il n’en reste pas moins qu’un amendement important sur le droit des travailleurs à la vie privée que nous avons renvoyé à la Chambre a soulevé des principes fondamentaux relatifs aux droits de la personne, à la dignité humaine et aux droits des travailleurs. Il s’agit d’un principe qui nous tient tous à cœur. Je ne dis pas qu’il est plus important que l’équité entre les régions, mais il touche certainement à l’essence même de notre travail, en tant que sénateurs, et du rôle constitutionnel du Sénat relativement à la Chambre des communes, dont les membres sont élus.

Nous avons fait de notre mieux. La Chambre des communes n’a pas vu les choses du même œil. Je pense aux sénatrices Gagné et Lankin, qui ont parlé passionnément de leur déception, mais qui ont néanmoins conclu, pour des raisons qui transcendent leur intérêt particulier pour ces amendements et après avoir fait de leur mieux à titre de membres non élus d’un organisme législatif complémentaire, qu’il convient malheureusement d’accepter le message et de trouver d’autres moyens de demander des comptes au gouvernement et de suivre méthodiquement et diligemment l’évolution des dossiers.

Les langues officielles représentent un autre sujet de préoccupation. Qu’est-ce qui pourrait être plus essentiel à notre compréhension de nombreux aspects de la vie au Canada?

Je pourrais continuer, mais je vais arrêter.

Aussi valables les préoccupations soient-elles, je n’appuierai pas l’amendement.

Des voix : Oh, oh!

Le sénateur Gold : Je ne me donnerai pas la peine de réagir à des sons qui ne seront peut-être pas consignés dans le compte rendu.

Je pense que nous nous sommes acquittés de notre devoir constitutionnel. Je vous exhorte à voter contre l’amendement.

L’honorable André Pratte : Je n’appuierai pas l’amendement. J’étais fortement en faveur de l’amendement qui portait sur le droit des travailleurs à la vie privée. J’ai eu énormément de difficulté à accepter la décision du gouvernement de le rejeter. J’ai réfléchi longuement à l’idée d’insister sur cet amendement et sur quelques autres.

J’ai choisi de ne pas insister pour la même raison que je n’ai pas insisté sur le plus récent amendement, même si je comprends nombre des excellents arguments présentés aujourd’hui. La sénatrice Griffin a mentionné que, si nous insistons sur cet amendement et qu’il était rejeté par l’autre endroit, en définitive, nous finirions par céder après avoir insisté. Selon moi, ce n’est pas à ce moment-là que le Sénat doit insister. Je crois que, si le Sénat insiste, c’est que les circonstances sont très graves et qu’il doit aller jusqu’au bout. Si le Sénat insiste, c’est que les enjeux qui se posent sont assez graves pour qu’il intervienne, même si cela crée une crise constitutionnelle.

Voilà pourquoi il faut que la situation soit exceptionnelle, parce que des droits fondamentaux et régionaux sont en jeu. Il ne faut pas être prêts à insister uniquement pour qu’on en parle dans les médias. Il faut être prêts à insister dans la mesure où cela créera une impasse, une crise constitutionnelle, et parce que des principes fondamentaux sont en jeu. Voilà pourquoi nous insistons.

Si nous insistons uniquement pour créer une impasse ou une prétendue impasse qui durera quelques jours pour ensuite céder, pourquoi insisterions-nous? Est-ce simplement pour mettre le gouvernement dans l’embarras pendant quelques jours? Ce n’est pas ma conception de l’insistance. Ce n’est pas ce en quoi je crois. En définitive, si nous avons décidé de céder de toute façon, je ne crois que le jeu en vaille la chandelle.

À mon avis, si nous avons décidé de céder au bout du compte, nous devrions le faire tout de suite. Si nous sommes prêts à nous battre, très bien. Si vous êtes prêts à défendre cette position, battons-nous jusqu’à ce qu’il y ait une crise constitutionnelle.

Des voix : Bravo!

Des voix : Oh, oh!

Le sénateur Pratte : En ce qui me concerne, le droit à la protection des renseignements personnels, même si je crois qu’il devrait être défendu dans ce cas-ci, et les droits régionaux, aussi importants soient-ils, ne méritent pas que nous provoquions une crise constitutionnelle.

Donc, je ne voterai pas en faveur de cet amendement.

La sénatrice McCoy : Le sénateur Pratte accepterait-il de répondre à une question?

Je crois que vous avez parlé des droits des cheminots à la protection de leurs renseignements personnels, si je ne m’abuse. Pourriez-vous répondre à la question suivante : ce règlement s’appliquera-t-il différemment à un cheminot en Alberta qu’à un cheminot au Québec ou au Nunavut, ou est-ce qu’il s’appliquera de la même façon à tous les cheminots, partout au Canada?

Le sénateur Pratte : Autant que je sache, il s’appliquera à tous les cheminots, partout au Canada.

Son Honneur le Président : Les sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président : En amendement, l’honorable sénateur Tkachuk propose, avec l’appui de l’honorable sénatrice Raine :

Que la motion ne soit pas maintenant adoptée, mais qu’elle soit modifiée…

Puis-je me dispenser de lire le discours?

Des voix : Oui

Son Honneur le Président : Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix : Oui.

Son Honneur le Président : Que les sénateurs qui sont contre la motion veuillent bien dire non.

Des voix : Non.

Son Honneur le Président : À mon avis, les oui l’emportent.

Et deux honorables sénateurs s’étant levés :

Son Honneur le Président : Y a-t-il entente au sujet de la sonnerie? La sonnerie retentira pendant une heure. Le vote aura lieu à 17 h 9.

Convoquez les sénateurs.

(1710)

La motion d’amendement de l’honorable sénateur Tkachuk, mise aux voix, est adoptée :

POUR
Les honorables sénateurs

Andreychuk McInnis
Ataullahjan McIntyre
Batters Mockler
Beyak Neufeld
Black (Ontario) Ngo
Boisvenu Oh
Carignan Patterson
Dagenais Plett
Downe Poirier
Doyle Raine
Duffy Richards
Eaton Seidman
Frum Smith
Galvez Stewart Olsen
Griffin Tannas
Housakos Tkachuk
Lovelace Nicholas Unger
MacDonald Verner
Maltais Wallin
Marshall Wells
Martin White—43
McCoy

CONTRE
Les honorables sénateurs

Bellemare Hartling
Bernard Jaffer
Boniface Joyal
Bovey Lankin
Boyer Massicotte
Christmas McCallum
Cools Mégie
Cordy Mercer
Coyle Mitchell
Dawson Moncion
Day Munson
Deacon Omidvar
Dupuis Pate
Dyck Petitclerc
Eggleton Pratte
Furey Ringuette
Gagné Saint-Germain
Gold Sinclair
Greene Wetston—39
Harder

ABSTENTIONS
Les honorables sénateurs

Brazeau Cormier—2

[Français]

Projet de loi sur le moratoire relatif aux pétroliers

Première lecture

Son Honneur le Président annonce qu’il a reçu de la Chambre des communes le projet de loi C-48, Loi concernant la réglementation des bâtiments transportant du pétrole brut ou des hydrocarbures persistants à destination ou en provenance des ports ou des installations maritimes situés le long de la côte nord de la Colombie-Britannique, accompagné d’un message.

(Le projet de loi est lu pour la première fois.)

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la deuxième fois?

(Sur la motion du sénateur Harder, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l’ordre du jour de la séance d’après-demain.)

[Traduction]

Les travaux du Sénat

Son Honneur le Président : Comme il est 17 h 15, je dois interrompre les délibérations avant la sonnerie annonçant le vote reporté sur la troisième lecture du projet de loi S-219, qui aura lieu à 17 h 30.

Convoquez les sénateurs.

(1730)

Projet de loi sur les sanctions non liées au nucléaire contre l’Iran

Rejet du projet de loi à l’étape de la troisième lecture

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Tkachuk, appuyée par l’honorable sénateur Carignan, C.P., tendant à la troisième lecture du projet de loi S-219, Loi visant à dissuader l’Iran de parrainer des actes constituant du terrorisme, de l’incitation à la haine et des violations des droits de la personne.

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, le vote porte sur la motion suivante : L’honorable sénateur Tkachuk propose, avec l’appui de l’honorable sénateur Carignan :

Que le projet de loi S-219, Loi visant à dissuader l’Iran de parrainer des actes constituant du terrorisme, de l’incitation à la haine et des violations des droits de la personne, soit lu pour la troisième fois.

La motion, mise aux voix, est rejetée :

POUR
Les honorables sénateurs

Andreychuk Mockler
Ataullahjan Neufeld
Batters Ngo
Beyak Oh
Boisvenu Patterson
Carignan Plett
Dagenais Poirier
Doyle Raine
Eaton Seidman
Frum Smith
Housakos Stewart Olsen
MacDonald Tannas
Maltais Tkachuk
Marshall Unger
Martin Wells
McInnis White—33
McIntyre

CONTRE
Les honorables sénateurs

Bellemare Greene
Black (Ontario) Griffin
Boniface Harder
Bovey Jaffer
Boyer Joyal
Brazeau Lankin
Christmas Lovelace Nicholas
Cools Massicotte
Cordy McCallum
Cormier McCoy
Coyle Mégie
Dawson Mercer
Day Mitchell
Deacon Moncion
Downe Munson
Duffy Omidvar
Dupuis Pate
Dyck Petitclerc
Eggleton Pratte
Gagné Ringuette
Galvez Sinclair
Gold Wallin—44

ABSTENTIONS
Les honorables sénateurs

Bernard Saint-Germain
Hartling Wetston—5
Richards

(1740)

Le projet de loi sur la modernisation des transports

Projet de loi modificatif—Message des Communes—Adoption de la motion d’adoption des amendements des Communes et de renonciation aux amendements du Sénat, sous sa forme modifiée—Autorisation au Comité des transports et des communications de faire rapport sur l’insistance sur certains amendements du Sénat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion, tel que modifiée, de l’honorable sénateur Harder, C.P., appuyée par l’honorable sénatrice Bellemare,

Que le Sénat agrée l’amendement 4 de la Chambre des communes ainsi que les amendements 1, 2 et 3 que la Chambre des communes a apportés à ses amendements 6, 7b) et 9 au projet de loi C-49, Loi apportant des modifications à la Loi sur les transports au Canada et à d’autres lois concernant les transports ainsi que des modifications connexes et corrélatives à d’autres lois;

Que le Sénat n’insiste pas sur ses amendements 1a)(i), 1a)(ii), 1b), 3, 4, 5a)(i), 5a)(ii), 5a)(iii), 5b) et 10a), auxquels les Communes n’ont pas acquiescé;

Que le Sénat insiste sur ses amendements 7c) et 8, auxquels les Communes n’ont pas acquiescé;

Que, conformément à l’article 16-3 du Règlement, le Comité sénatorial permanent des transports et des communications soit chargé de rédiger les motifs de l’insistance du Sénat sur ses amendements et présente son rapport exposant les motifs de cette insistance au plus tard le 10 mai 2018 ou, s’il est postérieur, le deuxième jour que le Sénat siège après l’adoption du présent ordre;

Que, après que le Sénat a agréé les motifs de son insistance, un message soit transmis à la Chambre des communes pour l’en informer.

Son Honneur le Président : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

Des voix : Avec dissidence.

(La motion modifiée est adoptée avec dissidence.)

[Français]

Projet de loi sur la radiation de condamnations constituant des injustices historiques

Projet de loi modificatif—Troisième lecture—Ajournement du débat

L’honorable René Cormier propose que le projet de loi C-66, Loi établissant une procédure de radiation de certaines condamnations constituant des injustices historiques et apportant des modifications connexes à d’autres lois, soit lu pour la troisième fois.

— Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui en tant que parrain du projet de loi C-66, Loi établissant une procédure de radiation de certaines condamnations constituant des injustices historiques et apportant des modifications connexes à d’autres lois.

Je sollicite votre bienveillance, chers collègues, pour le temps que je prendrai à livrer mon allocution, car j’entends mettre en pratique dès aujourd’hui les bonnes suggestions faites par les interprètes lors de la consultation sur l’évaluation des services de traduction, selon lesquelles nous devrons parler moins rapidement lorsque nous livrerons nos allocutions. Sur une note plus personnelle, je vous avouerai que cette suggestion est tout à fait en phase avec les précieux conseils de ma mère, qui a 95 ans, et qui, un jour, m’a dit ceci :

À la vitesse où t’es arrivé quand t’es né, on a eu l’impression que tu pensais que tu étais en retard sur la vie. Relaxe.

D’entrée de jeu, je tiens à préciser que l’objectif de mon allocution est de témoigner des consultations et des travaux importants qui ont eu lieu depuis l’arrivée de ce projet de loi au Sénat, mais surtout de mettre en relief les considérations qui ont été prises en compte tout au long de son examen. Celles-ci permettent de mettre en lumière les raisons pour lesquelles le comité soutient l’adoption de ce projet de loi sans y proposer d’amendements, mais en émettant une série d’observations très importantes afin que le gouvernement entreprenne dans les plus brefs délais des démarches pour contrer les embûches qui empêchent d’inclure dans le projet de loi C-66 certaines injustices historiques qui n’y sont pas pour le moment.

Permettez-moi de remercier la présidente du Comité sénatorial permanent des droits de la personne, l’honorable Wanda Elaine Thomas Bernard, et les membres de ce comité, qui ont démontré une grande sensibilité et beaucoup de rigueur dans l’étude de ce projet de loi. Je tiens à reconnaître tout particulièrement la contribution exceptionnelle de l’honorable Raynell Andreychuk, critique du projet de loi, dont l’expérience, l’ouverture d’esprit et le professionnalisme ont été essentiels tout au long de nos travaux. L’étude du projet de loi C-66 et les observations fort pertinentes qui y sont rattachées ne seraient certainement pas du même calibre, n’eût été sa contribution. Enfin, je tiens à remercier le personnel d’avoir contribué aussi au bon fonctionnement des travaux du comité.

Comme son titre l’indique, le projet de loi C-66 vise à corriger une injustice historique de criminalisation d’une activité sexuelle entre adultes consentants de même sexe. Il reconnaît que la criminalisation d’une activité peut notamment constituer une injustice historique en raison du fait que, si elle avait lieu aujourd’hui, cette criminalisation serait incompatible avec la Charte canadienne des droits et libertés.

De plus, l’exercice de l’activité ne doit plus constituer une infraction à une loi fédérale actuelle. Pour radier ces condamnations injustes, ce projet de loi mettra en place une nouvelle procédure permettant la destruction permanente des dossiers de condamnation pour des infractions relatives à une activité sexuelle consensuelle entre partenaires de même sexe qui serait légale aujourd’hui. Selon cette procédure, la Commission des libérations conditionnelles du Canada aura le pouvoir d’exiger la radiation de ces condamnations par la destruction ou l’élimination permanente des dossiers de condamnations historiquement injustes dans les dépôts du gouvernement, c’est-à-dire dans toutes les bases de données fédérales.

Ainsi, une personne injustement condamnée pour une infraction sera réputée n’avoir jamais été condamnée pour cette infraction. Dans le cadre des critères établis par le projet de loi, les Canadiennes et Canadiens visés par cette procédure sont les membres de la communauté LGBTQ2 qui ont été injustement condamnés en vertu des articles du Code criminel ou de la Loi sur la défense nationale touchant les actes de grossière indécence, de sodomie ou de relations sexuelles anales.

[Traduction]

Honorables sénateurs, même si je félicite le gouvernement d’avoir présenté ce projet de loi, qui est certainement un premier pas dans la bonne direction, je comprends et je partage la déception ressentie par un grand nombre de témoins et de collègues à l’égard de la portée limitée du projet de loi et du fait qu’il n’aborde pas, pour l’instant, d’autres mesures législatives et d’autres dispositions importantes du Code criminel qui ont été utilisées de façon discriminatoire à l’endroit des membres de la communauté LGBTQ2.

Le comité partageait les préoccupations de la communauté et il a demandé que le gouvernement se penche sur la contradiction qui existe entre les excuses présentées par le premier ministre aux Canadiens LGBTQ2 et les infractions figurant à l’annexe du projet de loi C-66, d’où sont notamment exclues les dispositions du Code criminel qui interdisent les maisons de débauche.

Cette contradiction était au cœur de la levée de boucliers des groupes LGBTQ2, des universitaires et des alliés à l’endroit du projet de loi. Je crois sincèrement qu’il y aurait eu moins de résistance si on avait tenu davantage de consultations auprès des personnes concernées avant de rédiger le projet de loi.

En fait, lors des audiences du comité et des entretiens que j’ai eus avec divers intervenants, ils nous ont dit qu’à aucun moment du processus d’élaboration ils n’avaient été consultés ou informés relativement au projet de loi à venir. La plupart des consultations ont eu lieu en prévision des excuses du premier ministre, et non en vue de rédiger le projet de loi.

Afin de remédier à cette absence de consultations, le comité, dans ses observations, a demandé très fermement que le ministère de la Sécurité publique et de la Protection civile lance, dès que le projet de loi C-66 aura reçu la sanction royale, des consultations auprès des intervenants et des experts en la matière afin de se pencher sur d’autres dispositions du Code criminel qui ont été appliquées de façon discriminatoire contre la communauté LGBTQ2, notamment celles portant sur les actes indécents, les représentations théâtrales immorales, l’obscénité, le fait de tenir une maison de débauche ou de s’y trouver, la nudité, le vagabondage et la non-divulgation criminelle de l’infection au VIH.

[Français]

Les embûches légales qui empêchent l’inclusion dans le présent projet de loi de ces sections du Code criminel qui ont été utilisées de manière discriminatoire contre la communauté LGBTQ2 doivent être éliminées le plus rapidement possible.

Au cours des dernières semaines, le Comité sénatorial permanent des droits de la personne a accueilli des témoins clés qui ont fait valoir un nombre important de préoccupations, dont certaines font écho aux enjeux soulevés en cette Chambre par nos collègues lors des discours qu’ils ont prononcés à l’étape de la deuxième lecture. Professeurs, avocats, historiens, archivistes, victimes de la purge LGBTQ2, représentants du réseau canadien du VIH/sida, tous les témoins ont salué l’arrivée de ce projet de loi, mais ont fait part de leur désir que celui-ci soit élargi afin d’inclure un plus grand nombre de victimes. Les témoignages des organismes LGBTQ2 et des individus que j’ai eu l’occasion de rencontrer à mon bureau, en tant que parrain, sont allés dans le même sens.

Afin d’être objectifs, nous devons cependant reconnaître que la majorité des témoins que nous avons rencontrés et des groupes entendus proviennent principalement des régions de Toronto et de Montréal. Peu d’organisations situées ailleurs au Canada ont fait part de leurs inquiétudes quant au libellé actuel du projet de loi.

[Traduction]

Rappelons quelques-unes des inquiétudes et des demandes dont les organismes de la société civile ont fait part au comité et que certains de nos collègues ont exposées à l’étape de la deuxième lecture.

Divers organismes de la communauté LGBTQ2 et leurs alliés s’inquiètent d’abord et avant tout de l’exclusion des dispositions relatives aux maisons de débauche de l’annexe du projet de loi.

Certains jugent que l’exclusion de l’article 210 du Code criminel du projet de loi C-66 perpétue les lois et les pratiques discriminatoires à l’égard des membres de la communauté LGBTQ2.

(1750)

Le Comité des droits de la personne a, en outre, convenu dans ses observations que l’écart que l’on constate entre les excuses faites par le premier ministre aux Canadiens LBGTQ2 le 28 novembre 2017 et les infractions qui figurent dans l’annexe du projet de loi C-66 est inquiétant. On nous a d’ailleurs demandé d’intervenir pour combler cet écart.

Dans son témoignage, le professeur Tom Hooper a dit ce qui suit :

Honorables sénateurs, vous avez le devoir de demander au gouvernement pourquoi il a inclus les maisons de débauche dans les excuses, mais pas dans ce projet de loi. Vous devez lui demander ce qu’est une maison de débauche en 2018. Pourquoi cette loi est-elle toujours en vigueur?

[Français]

Bien évidemment, cette affirmation m’a interpellé et m’a personnellement poussé à approfondir l’idée de proposer un possible amendement au projet de loi visant les articles du Code criminel sur les maisons de débauche. Or, nos démarches auprès du Bureau de la légiste et conseillère parlementaire du Sénat, ainsi que les avis des avocats-conseils du ministère de la Justice, nous ont permis de constater la complexité de cette option et de mesurer l’impact réel qu’aurait un tel amendement sur la loi et sur sa mise en application à court terme.

Tout d’abord, rappelons que l’intention première du projet de loi est d’examiner les infractions qui ne sont plus opérantes en vertu du Code criminel aujourd’hui. À l’inverse des trois articles du Code criminel et de la Loi sur la défense nationale, qui se trouvent à l’annexe du projet de loi C-66, les articles du Code criminel sur les maisons de débauche, le vagabondage, les actes immoraux, l’obscénité, la nudité, ainsi que la non-divulgation criminelle du VIH/sida sont encore tous en vigueur aujourd’hui.

Dans le cas des maisons de débauche, les décisions de la Cour suprême du Canada dans les cas Labaye, en 2005, et Bedford, en 2013, ne rendent pas anticonstitutionnelle l’intégralité de l’article 210 du Code criminel. Les décisions de la Cour suprême ont pour effet, cependant, de resserrer la portée ou l’application de l’article 210. Dans l’arrêt Labaye, la cour apporte une clarification des critères de ce qui constitue une infraction d’indécence, à savoir un préjudice physique ou psychologique causé aux participants de l’activité reprochée ou, encore, une conduite qui perpétue des images négatives ou dégradantes de l’humanité. Dans l’arrêt Bedford, la cour a invalidé l’article 210 en ce qui a trait à la prostitution, en faisant valoir que cette disposition a un effet préjudiciable sur la sécurité de la personne qui se prostitue et porte donc atteinte au droit à la sécurité de la personne, garanti à l’article 7 de la Charte.

[Traduction]

Avant d’envisager de modifier le projet de loi afin d’ajouter les dispositions relatives aux maisons de débauche ou celles qui concernent le vagabondage, les actes indécents, les représentations théâtrales immorales, l’obscénité, la nudité et la non-divulgation criminelle du VIH, nous devons considérer le problème qui pourrait découler de leur ajout à l’annexe du projet de loi C-66, à savoir que ces lois ne sont pas inconstitutionnelles par nature. Comme je l’ai dit, ces lois sont toujours en vigueur.

Si nous les ajoutions à l’annexe, nous ne ferions qu’alourdir le fardeau de la Commission des libérations conditionnelles du Canada en exigeant qu’elle analyse la situation et détermine, des décennies après les faits, si chaque condamnation rendue en vertu de ces articles était légitime ou abusive.

[Français]

Selon Shawn Scromeda, avocat-conseil du ministère de la Justice, la Commission des libérations conditionnelles se retrouverait dans une situation particulière à devoir lire dans les pensées du policier ou du procureur de façon rétrospective afin de savoir si, dans un cas particulier, les accusations n’auraient pas été portées si le contrevenant n’était pas gai.

Voilà pourquoi un amendement aurait pour effet non seulement de ralentir, voire de rendre plutôt improbable l’adoption de ce projet dans un avenir rapproché, mais aussi d’alourdir et de ralentir le procédé de radiation, une fois que la loi sera entrée en vigueur.

Aussi, afin de considérer les enjeux liés aux autres infractions délaissées de l’annexe du projet de loi, il serait plus approprié et urgent que la ministre de la Justice s’engage à revoir et à « nettoyer » le Code criminel, afin de clarifier les éléments ou critères rendus inopérants par une cour supérieure. Ceci permettrait, par la suite, au ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile de proposer des articles précis qui pourraient être ajoutés à l’annexe du projet de loi, tel que l’article 23 du projet de loi C-66 le permet.

Vous comprendrez que les milliers de Canadiennes et Canadiens LGBTQ2 victimes des descentes policières dans les maisons de débauche méritent tout autant le droit à la radiation que ceux qui sont visés dans le présent projet de loi.

[Traduction]

Des témoins et des groupes de la société civile se sont dits préoccupés par la destruction des casiers judiciaires effacés, et se demandaient si cela aurait pour conséquence d’éliminer des preuves historiques de discrimination ou de précieux documents d’archives. Si je partage cette préoccupation, je crois que nous devons conserver la mémoire de ces périodes sombres afin de ne pas répéter ces mêmes injustices. Il ne faut pas oublier que seuls ceux qui le demandent verront leur casier judiciaire détruit et que le choix de préserver ou de détruire ces documents ne revient qu’à eux ou à leurs descendants. Les références aux arrestations et aux condamnations que l’on retrouve dans d’autres documents, tels que les transcriptions de la cour ou les documents d’enquête, seront conservées.

[Français]

Aussi, afin de répondre aux préoccupations de témoins concernant la destruction de dossiers et d’archives potentiellement pertinentes sur le plan historique, le comité demande à la Commission des libérations conditionnelles du Canada, dans ses observations, de préciser aux demandeurs quels documents ou dossiers seront détruits directement ou indirectement à l’issue du processus et lesquels demeureront intacts. Les demandeurs devraient également être informés, avant de présenter une demande de radiation, de leur droit d’avoir accès à des copies de leur dossier et à d’autres documents, conformément à la Loi sur la protection des renseignements personnels.

L’âge de consentement a aussi été soulevé comme une préoccupation. Lors de son témoignage en comité, l’une des représentantes de la Criminal Lawyers’ Association, Angela Chaisson, a fait part de ses préoccupations en ce qui concerne l’âge de consentement évoqué à l’alinéa 25c) du projet de loi. Mme Chaisson s’inquiète du fait que le projet de loi viole un principe fondamental du droit canadien en rétablissant l’âge de consentement et en l’appliquant aux actes commis par le passé.

Le projet de loi permet la radiation d’un dossier uniquement dans les cas où le partenaire sexuel du défendeur était âgé de 16 ans ou plus au moment de l’acte. Cet âge est l’âge actuel du consentement, et non pas l’âge du consentement qui s’appliquait au moment où l’infraction a été commise. De plus, l’âge de 16 ans ne correspond pas à l’âge du consentement qui était exigé historiquement pour les activités hétérosexuelles analogues.

Le gouvernement a pris la décision d’établir un équilibre entre ses intentions de réparer des injustices historiques et sa responsabilité à l’égard de la protection des mineurs contre l’exploitation sexuelle. Lors de son intervention dans le cadre du comité, le ministre a clairement indiqué que sa décision de ne pas baisser l’âge de consentement à 14 ans provient de son désir de maintenir un procédé d’ordonnance de radiation qui, conformément au préambule, ainsi qu’aux articles 12 et 23 du projet de loi C-66, s’adresse uniquement à des activités qui ne sont pas interdites en vertu du Code criminel, au moment de l’examen du dossier.

[Traduction]

À la lumière de ces considérations sur la complexité qui résulte de la nécessité de trouver le juste milieu entre éviter d’aggraver les injustices auxquelles le projet de loi tend à remédier en gardant l’âge du consentement à 16 ans et tenter de respecter le cadre juridique actuel qui vise à protéger les mineurs de l’exploitation sexuelle, le comité propose que le ministère de la Sécurité publique et de la Protection civile consulte la communauté LBGTQ2 et le ministère de la Justice afin de clarifier les critères de la radiation, de manière à prendre aussi en considération le droit du consentement et l’âge du consentement au moment de la condamnation.

Cela doit être fait pour que le projet de loi soit plus conforme aux paragraphes 11g) et 11i) de la Charte.

[Français]

L’enjeu entourant l’âge du consentement doit être résolu à la suite d’une consultation sérieuse des ministères de la Sécurité publique et de la Justice avec des spécialistes de la communauté LGBTQ2.

Honorables sénateurs, bien qu’il soit de notre droit et de notre devoir, en tant que sénateurs, de veiller à ce que ces considérations constitutionnelles soient prises en compte dans la législation, je suis d’avis que nous devons inciter le gouvernement à travailler davantage avec la communauté LGBTQ2 afin que, conjointement, ils puissent combler les attentes liées au pardon et aux lacunes du projet de loi.

(1800)

Chers collègues, d’autres observations importantes ont été émises par le comité à la suite de son étude du projet de loi C-66. Tout d’abord, le comité a jugé nécessaire, à la suite des interventions des professeurs Hooper et Kinsman, que le gouvernement du Canada lance des consultations visant à préciser la définition et les critères de ce qui constitue une injustice historique et qu’il précise cette définition et ces critères en conséquence.

[Traduction]

Il faut que le ministre ainsi que les ministères et les organismes fédéraux concernés clarifient la définition et les critères employés pour déterminer ce qui constitue une « injustice historique » afin de savoir s’ils correspondent aux condamnations pour des infractions relatives à l’indécence au sens établi avant la décision rendue par la Cour suprême du Canada dans l’affaire R. c. Labaye ou aux condamnations pour des infractions liées à la prostitution qui ont été jugées inconstitutionnelles par la Cour suprême du Canada dans l’affaire Canada (Procureur général) c. Bedford.

En ce qui concerne le processus de radiation prévu dans le projet de loi, le comité a également indiqué que des sénateurs et des témoins ont dit craindre « que le processus de radiation maintienne le fardeau de la preuve — pour prouver l’admissibilité à la radiation — sur les victimes, plutôt que sur la Couronne. »

[Français]

Je tiens notamment à saluer la contribution et l’expertise de ma collègue, la sénatrice Kim Pate, qui a apporté une observation importante afin d’exhorter le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile à revoir l’obligation pour une personne de présenter une demande de radiation de son casier judiciaire. L’observation de la sénatrice Pate cherche à encourager le ministre à adopter un système de radiation automatique qui reproduirait légèrement les procédés établis en Allemagne ou le modèle de radiation posthume qui est en vigueur au Royaume-Uni.

Enfin, pour des raisons évidentes, chers collègues, le comité souhaite attirer l’attention du ministère de la Sécurité publique et de la Protection civile, de la Gendarmerie royale du Canada et de la Commission des libérations conditionnelles du Canada sur la nécessité de communiquer clairement, d’une manière qui soit accessible à tous les Canadiennes et Canadiens, et plus particulièrement aux membres de la communauté LGBTQ2, le processus permettant le dépôt d’une demande et les critères d’admissibilité.

En conclusion, honorables collègues, je dois admettre bien humblement que ce projet de loi, qui me semblait simple au départ, m’est apparu beaucoup plus complexe que je ne le croyais. Voilà pourquoi, tout au long de mon parrainage, mon personnel et moi avons écouté et étudié avec attention les différentes requêtes des groupes et individus que nous avons rencontrés. Tout avis provenant du ministère, du cabinet du ministre et des témoins a été analysé avec grande diligence par mon équipe.

Grâce aux témoignages entendus, à l’expertise de nos collègues et aux précieux conseils du Bureau de la légiste et conseillère parlementaire du Sénat, nous avons été capables de déterminer ce qui nous semble être la meilleure avenue possible pour assurer la mise en œuvre de ce projet de loi et sa bonification dans les meilleurs délais.

Permettez-moi ici de remercier mon conseiller parlementaire, Alexandre Catta, qui a fait un travail remarquable et qui s’est engagé avec conviction et rigueur dans l’approfondissement de ce projet de loi.

Comme on le dit souvent à propos des projets de loi, le projet de loi C-66 n’est pas parfait. En outre, comme l’a si bien dit mon honorable collègue, le sénateur Gold, lors de son discours à l’étape de la deuxième lecture, et je cite :

[Traduction]

[…] le projet de loi C-66 est une première étape pour réparer les injustices causées par l’application des lois pénales aux membres de la communauté LGBTQ2, mais ce n’est pas nécessairement la dernière et ce n’est pas non plus une mesure à minimiser. Le projet de loi C-66 prévoit la radiation des casiers judiciaires de centaines, voire de milliers de Canadiens qui, dans notre regard actuel, ont été condamnés à tort. Voilà qui est juste et bon. N’oublions pas que le mieux est l’ennemi du bien.

[Français]

Assurément, le projet de loi C-66 est une œuvre inachevée qui mérite qu’on s’engage à poursuivre le travail afin que ses imperfections soient réparées dans un avenir rapproché. Vous comprendrez donc pourquoi, chers collègues, étant moi-même membre de la communauté LGBTQ2, je m’engage à veiller au grain et à faire tout en mon pouvoir pour poursuivre ce travail, qui vise à réparer les injustices historiques dont ont été victimes les membres de cette communauté.

S’il est vrai que le projet de loi est une œuvre inachevée, il est aussi vrai, un peu comme la Symphonie inachevée de Franz Schubert ou les œuvres inachevées de Léonard de Vinci, qu’il a le grand mérite de mettre un baume sur une partie de la souffrance humaine qui a affligé certains de nos concitoyens. N’est-ce pas là, honorables sénateurs, l’une de nos plus nobles tâches en tant que membres de cette Chambre haute? Je vous remercie.

[Traduction]

L’honorable A. Raynell Andreychuk : Honorables sénateurs, après ce discours fort détaillé de mon collègue, le sénateur Cormier, j’aimerais m’assurer que mes observations tiennent compte de ses propos. J’aimerais y réfléchir et prendre la parole au sujet du projet de loi demain. Je propose donc l’ajournement du débat.

(Sur la motion de la sénatrice Andreychuk, le débat est ajourné.)

Le Code criminel
La Loi sur le ministère de la Justice

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Sinclair, appuyée par l’honorable sénateur Mitchell, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-51, Loi modifiant le Code criminel et la Loi sur le ministère de la Justice et apportant des modifications corrélatives à une autre loi.

L’honorable Mobina S. B. Jaffer : Honorables sénateurs, je prends la parole au sujet du projet de loi C-51, Loi modifiant le Code criminel et la Loi sur le ministère de la Justice.

Je remercie le sénateur Sinclair, le parrain du projet de loi C-51, d’avoir clairement exposé les principaux éléments du projet de loi.

Je remercie la sénatrice Dyck, qui a parlé de l’élimination des récusations péremptoires, dont on s’est servi pour faire de la discrimination à l’endroit des jurés autochtones.

Je remercie la sénatrice Pate, qui a abordé plusieurs sujets, notamment les peines obligatoires.

Enfin, je remercie le sénateur McIntyre, le porte-parole pour le projet de loi C-51, qui a soulevé plusieurs préoccupations qui seront étudiées à l’étape du comité.

Le projet de loi C-51 touche un aspect fondamental du droit pénal au Canada, c’est-à-dire le droit au silence. Il s’agit d’un droit fondamental pour tous les Canadiens. Cette conviction m’a été transmise par l’honorable Thomas Dohm, c.r., mon chef, mon mentor et, plus tard, mon associé.

M. Dohm m’a appris qu’il existe toujours un rapport d’inégalité lorsqu’une personne est accusée d’une infraction criminelle. En effet, la Couronne a le pouvoir de l’État pour s’en prendre à l’accusé. Par comparaison, l’individu qui fait l’objet des accusations ne détient que très peu de pouvoir.

Heureusement, le système de justice canadien prévoit des mécanismes à l’intention de ceux qui sont confrontés à l’immense pouvoir de la Couronne ou de l’État. Ainsi, en justice pénale, l’accusé a des droits, particulièrement le droit de garder le silence. M. Dohm me répétait toujours qu’il faut absolument protéger les droits de l’accusé. Il me répétait que le droit au silence est sacro-saint en droit pénal.

Le droit au silence jouit d’un statut particulier au Canada, puisqu’il n’est pas protégé par un, mais par deux articles de la Charte canadienne des droits et libertés, les articles 7 et 11.

La combinaison de ces droits conférés par la Charte signifie qu’un accusé ne peut pas être contraint de témoigner contre lui-même. Pour bâtir sa preuve, la Couronne peut seulement se servir de déclarations que l’accusé a faites volontairement à la police. De plus, ces déclarations ne seront admissibles que si l’accusé avait été informé de son droit aux services d’un avocat.

Le droit au silence sert de contrepoids au pouvoir que détient la Couronne à l’égard de l’accusé. Quand la police arrête une personne accusée d’un crime, celle-ci est seule contre une force policière bien entraînée qui aide le procureur à monter son dossier de preuve à son endroit. Quand l’affaire est entendue par la cour, tous les renseignements communiqués au procureur peuvent aussi aider le gouvernement à établir sa preuve.

Pour paraphraser ce que dit le ministère de la Justice dans le sommaire que nous avons reçu au sujet du droit au silence, l’accusé a le droit « de rester assis, bien muré dans son silence, et de laisser la Couronne se débrouiller pour établir la preuve ». Autrement dit, il revient à la Couronne de prouver la culpabilité de l’accusé. L’accusé ne devrait jamais être forcé de contribuer à la preuve qui pèsera contre lui.

(1810)

Honorables sénateurs, je sais que vous serez d’accord avec moi pour dire que le droit au silence est sacré. Or, compte tenu de l’importance de ce droit, il me semble fort inquiétant qu’il puisse être violé par l’article 25 du projet de loi C-51.

L’article 25 du projet de loi C-51 vise à modifier l’article 278.92 du Code criminel. Je cite le passage en question, qui vise à empêcher l’utilisation de certaines preuves :

[…] un dossier se rapportant à un plaignant qui est en possession de l’accusé ou sous son contrôle et que ce dernier se dispose à présenter en preuve […]

Pour qu’un accusé puisse utiliser un document lors d’un procès, il serait tenu d’en faire la demande au tribunal 60 jours avant le procès. Autrement dit, le projet de loi C-51 créerait une obligation de divulgation de la preuve de la défense.

Honorables sénateurs, qu’est-ce que j’entends par une « obligation de divulgation de la preuve »? Cela signifie que l’accusé serait obligé de montrer à la poursuite tous les documents qu’il pourrait vouloir utiliser au cours du procès, y compris les documents auxquels il serait susceptible d’avoir recours dans le contre-interrogatoire des témoins de la poursuite.

Honorables sénateurs, il se peut que cet article ait été inclus dans le projet de loi en raison de la controverse suscitée par l’affaire Jian Ghomeshi, qui s’est terminée l’année dernière. Dans cette affaire, la défense avait en main plusieurs courriels, textos et autres documents électroniques qui contredisaient la version de la plaignante. En fin de compte, ces documents ont joué un rôle important dans l’acquittement de M. Ghomeshi, car le témoignage de la plaignante a été jugé non crédible.

Un peu partout au pays, cet acquittement a indigné des gens, qui ont, à juste titre, réclamé des changements qui empêcheraient que ce genre de choses se reproduise.

Je n’ai pas une connaissance intime de l’affaire Ghomeshi. Je ne connais ni l’une ni l’autre des parties impliquées. Néanmoins, dans le monde juridique, certains sont d’avis que la police ou le procureur auraient dû consacrer plus de temps à questionner les plaignantes, ce qui leur aurait permis de découvrir les courriels et d’éviter peut-être qu’il y ait acquittement. J’ignore personnellement combien de temps ils ont passé avec les plaignantes.

Si plus de temps et de ressources sont consacrés à la préparation des causes, nous n’avons pas à amoindrir le droit au silence. Honorables sénateurs, je suis convaincue qu’il y a des façons d’aider le plaignant et d’étoffer une cause, et cela passe par l’octroi de ressources supplémentaires. Le procès doit disposer des ressources requises, et le plaignant doit être bien préparé. Il n’est pas nécessaire de s’attaquer au droit au silence.

Selon le projet de loi, le plaignant aura son propre avocat, ce qui lui offre un soutien supplémentaire. C’est une mesure positive du projet de loi. Je me réjouis qu’à l’avenir le plaignant ait son propre avocat pour bien se préparer.

Honorables sénateurs, l’objectif du gouvernement est admirable. J’appuie le reste du projet de loi et l’esprit de ce que le gouvernement tente de faire. L’agression sexuelle est l’une des formes de violence les plus horribles qu’une personne peut subir. Les victimes ont des droits qui doivent être respectés.

On a tiré de nombreuses leçons de l’affaire Ghomeshi, et je ne doute pas que la police et la Couronne ont fait les changements nécessaires. Nous n’avons donc pas à adopter des lois qui minent le droit au silence.

L’article 25 du projet de loi C-51 désavantage manifestement et injustement la personne accusée d’agression sexuelle. Dans les mots de Megan Savard, de la Criminal Lawyers’ Association, qui a témoigné devant le Comité des droits de la personne de l’autre endroit :

[…] si le projet de loi est adopté, ce sera la première fois dans le droit canadien qu’un accusé au criminel, avant le procès, sera tenu de révéler sa stratégie de défense, les fruits de son enquête et les questions qu’il veut poser au procureur et aux principaux témoins de celui-ci.

Plusieurs avocats de partout au pays ont décrié cette érosion du droit de garder le silence parce qu’elle sape ni plus ni moins les bases du système accusatoire. Au lieu de contribuer à prouver l’innocence des inculpés, on les obligerait au contraire à aider la poursuite à les incriminer. Voici, par exemple, ce qu’a dit la Criminal Lawyers’ Association au sujet du projet de loi C-51 :

Le droit de garder le silence a été décrit par la Cour suprême comme « étroitement lié à notre système contradictoire de justice criminelle et à la présomption d’innocence ». Selon elle, « [l]e principe directeur qui est sans doute le plus important en droit criminel est le droit de l’accusé de ne pas être contraint de prêter son concours aux poursuites intentées contre lui ».

C’est pour cette raison que la Cour suprême a déterminé que seule la poursuite doit divulguer d’avance la preuve qu’elle entend faire valoir et que la défense n’est visée par aucune obligation générale du genre. L’accusé — et je cite les propres mots de la Cour suprême — « n’est nullement ten[u] d’aider la poursuite et il lui est loisible de jouer purement et simplement un rôle d’adversaire à l’égard de cette dernière ». L’obligation qui figure dans le projet de loi C-51 va donc à l’encontre de ce droit.

À l’heure actuelle, l’accusé a l’obligation de divulguer la preuve à la Couronne dans les circonstances qui suivent : si elle entend présenter des rapports d’expertise ou des relevés d’affaires ou si l’accusé entend invoquer la défense de l’alibi. Il n’existe que certaines situations bien précises où l’accusé doit remettre d’avance ses documents à la Couronne, et les tribunaux ont toujours maintenu ce principe parce qu’ils doivent respecter les droits de l’accusé.

Voyons les choses sous un autre angle, honorables sénateurs, et comparons la tenue d’un procès avec la construction d’une maison. Avant un procès, la Couronne informe la défense des faits allégués contre l’inculpé, ce qui correspond aux plans de notre maison. Une fois que c’est fait, la défense peut utiliser l’information en question pour déduire ce que le plaignant et la poursuite vont faire valoir pendant le procès et pour monter son propre argumentaire. Or, de la même façon qu’on ne voit que les grandes lignes de la future maison sur un plan, et non les détails, les procès ne sont jamais la réflexion parfaite des renseignements divulgués au départ.

Durant le procès, on donne à la défense la chance de contre-interroger le plaignant et les témoins, et de mettre à l’épreuve les arguments du plaignant. Cela permet de vérifier la crédibilité du témoignage du plaignant et des témoins ainsi que de la preuve qui a été présentée pendant le procès par le plaignant.

Le processus de contre-interrogatoire permet au juge ou au jury d’effectuer un examen critique des témoignages et de la preuve qui lui ont été présentés et de prendre une décision éclairée sur la crédibilité du plaignant. Il s’agit là d’une étape particulièrement importante pour l’accusé, car c’est le contre-interrogatoire qui permettra au juge ou au jury de déterminer s’il est coupable ou non.

Dans la plupart des cas, les avocats de la défense ne savent pas exactement quelle preuve sera présentée durant le contre-interrogatoire. Tout comme les constructeurs ne peuvent pas savoir les touches finales qui doivent être apportées à une maison seulement en regardant les plans, les avocats détermineront pendant le procès la preuve qu’ils devront produire lors du contre-interrogatoire pour prouver l’innocence de l’accusé.

La preuve produite par les avocats sera déterminée en fonction de ce que le plaignant et d’autres témoins ont dit lors du procès et de la façon dont ils l’ont fait. Les avocats de la défense peuvent se servir de tous les documents en leur possession ou de seulement certains d’entre eux. Tout dépend de ce que le défendeur décide d’utiliser dans les témoignages pour la Couronne.

Si nous n’amendons pas le projet de loi C-51, l’accusé devra communiquer les documents dont il veut se servir à son procès avant même d’avoir une idée de la façon dont le procès se déroulera. Le contre-interrogatoire perdra aussi un peu de son sens, puisqu’il ne permettra plus de mettre à l’épreuve les allégations du plaignant. Au lieu de cela, le plaignant sera informé de la défense de l’accusé.

Honorables sénateurs, c’est indéniablement inacceptable. Le système judiciaire en entier est fondé sur la protection du droit de garder le silence. Le contre-interrogatoire résiste à l’épreuve du temps et il a évité que de nombreuses personnes innocentes soient déclarées coupables à tort. Si le projet de loi C-51 est adopté sans amendement, ce ne sera plus le cas.

Encore une fois, je comprends la motivation qui sous-tend le projet de loi C-51. Les victimes de violence effrayante telle qu’une agression sexuelle doivent être protégées, dans le respect de leurs propres droits et de leur vie privée. Toutefois comme l’a si bien dit l’ancienne juge en chef, Beverley McLachlin, l’an dernier, « personne n’a droit à un verdict donné ».

Même s’il est indéniable que les droits des victimes sont importants, ils ne peuvent éclipser ceux des personnes accusées. Je ne puis simplement pas approuver une partie du projet de loi qui retirera leurs droits aux personnes accusées.

(1820)

La sénatrice Pate nous rappelle presque quotidiennement à quel point les gens vulnérables et marginalisés sont parfois mal compris dans le système judiciaire et finissent en prison, et le sénateur Sinclair nous a décrit hier la terrible situation des femmes incarcérées, particulièrement des Autochtones. Honorables sénateurs, il faut donc être vigilants quant à la protection du droit au silence.

Les études menées par le Comité sénatorial permanent des droits de la personne ne font que confirmer à quel point il est important de protéger ces droits. Au cours de la dernière année, le comité, présidé par les sénatrices Bernard, Ataullahjan et Cordy a entendu parler d’innombrables cas où le système judiciaire a maltraité des personnes marginalisées en quête de justice pour les victimes d’actes criminels. De nombreuses personnes qui sont présentement emprisonnées n’ont pas bénéficié d’une représentation adéquate et leurs droits ont été violés.

Adopter le projet de loi C-51 dans sa forme actuelle ne ferait que rendre ces gens plus vulnérables. Cela viendrait également compromettre l’étude que nous menons minutieusement. Quel est l’intérêt de faire une étude sur les droits des prisonniers si, de l’autre côté, on vient miner les droits des accusés?

Au bout du compte, le droit pénal vise l’atteinte d’un équilibre au nom de la justice pour tous, tant les accusés que les victimes. Notre foi dans la quête de justice a mené à la création de la Charte, qui protège le droit au silence. Renoncer à cet équilibre équivaut à renoncer à notre quête de justice.

Je suis heureuse d’affirmer que la ministre de la Justice comprend l’importance du droit au silence, car elle a accepté un amendement à l’autre endroit qui fait qu’un accusé ne sera plus forcé de divulguer des documents qui ne sont pas liés à la plainte.

Malheureusement, le projet de loi C-51 enfreint toujours le droit au silence des Canadiens et donnerait aux accusés un avantage injuste dans les dossiers qui se rendent au procès. C’est pour cette raison que j’invite tous les sénateurs à examiner attentivement le projet de loi C-51 lors de l’étude en comité et à l’étape de la troisième lecture et à se pencher sur la façon dont la divulgation forcée enfreint le droit au silence.

Je suis sûre que le Comité sénatorial des affaires juridiques et constitutionnelles, sous la direction du sénateur Joyal, étudiera adéquatement le projet de loi C-51 avant de toucher à l’un de nos droits sacro-saints : le droit au silence de toute personne accusée d’un crime.

Merci.

(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)

Les travaux du Sénat

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, comme il est plus de 16 heures et que la période prévue pour les affaires du gouvernement est terminée, je déclare que, conformément aux ordres adoptés le 4 février 2016 et le 8 mai 2018, la séance est levée.

(À 18 h 24, conformément aux ordres adoptés par le Sénat le 4 février 2016, et le 8 mai 2018, le Sénat s’ajourne jusqu’à 13 h 30 demain.)

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