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Débats du Sénat (Hansard)

1re Session, 42e Législature
Volume 150, Numéro 289

Le mercredi 15 mai 2019
L’honorable George J. Furey, Président


LE SÉNAT

Le mercredi 15 mai 2019

La séance est ouverte à 14 heures, le Président étant au fauteuil.

Prière.


[Traduction]

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

La Semaine de la santé mentale

L’honorable Stan Kutcher : Honorables sénateurs, j’interviens aujourd’hui pour parler de la Semaine de la santé mentale, qui a eu lieu du 6 au 12 mai.

Au cours de cette semaine, un certain nombre d’entre nous se sont réunis avec des élèves de l’école secondaire St. Paul pour en apprendre davantage sur la santé mentale. Cette activité était animée par Andrew Baxter, des Services de santé de l’Alberta, avec le soutien de l’équipe des communications du Sénat et de Jeunesse Ottawa.

Nous avons participé à des activités et à des discussions sur la littératie en santé mentale, ce qui comprend la sensibilisation aux façons d’assurer une bonne santé mentale et de la maintenir, ainsi qu’aux problèmes de santé mentale et aux façons de les traiter, la diminution des préjugés et l’amélioration de l’efficacité à trouver de l’aide.

Cet événement a été conçu pour outiller et pour informer les jeunes, pour aller au-delà de la sensibilisation et pour prendre des mesures concrètes en s’appuyant sur les fondements de la littératie en santé mentale.

Au Canada, nous travaillons depuis 20 ans pour mieux faire connaître les enjeux liés à la santé mentale. Ces efforts donnent de bons résultats. Toutefois, le grand défi auquel nous devions faire face à l’époque est toujours présent aujourd’hui. Il nous reste encore beaucoup de travail à faire pour accélérer l’accès à des soins efficaces en matière de santé mentale.

Les taux de maladie mentale sont demeurés relativement inchangés. Nous ne savons toujours pas comment prévenir les maladies mentales. Toutefois, lorsque des traitements efficaces sont prodigués de façon précoce, il est maintenant possible d’améliorer la santé de bien des gens.

Plusieurs millions de dollars ont été recueillis pour la sensibilisation aux maladies mentales et ont été dépensés dans de nombreuses initiatives menées partout au pays. Les résultats ne sont pas assez solides, et on n’a pas suffisamment amélioré l’accès aux soins.

Notre compréhension des causes des troubles mentaux n’a pas suffisamment progressé. L’amélioration marquée de l’efficacité des traitements pour les maladies mentales se fait toujours attendre.

Que peut-on faire? J’ai deux suggestions qui pourraient être utiles.

D’abord, nous devons investir dans la recherche et le développement de traitements novateurs et efficaces qui mèneront à de meilleurs résultats en matière de santé mentale. Ensuite, nous devons améliorer les connaissances sur la santé mentale de l’ensemble des Canadiens. Grâce à des connaissances approfondies, nous acquérons le savoir et les compétences nécessaires pour bâtir une vie meilleure, pour reconnaître les moments où il faut aller chercher de l’aide et pour venir en aide à ceux qui nous entourent.

Honorables sénateurs, je demande que nous fassions front commun pour aller au-delà de la sensibilisation à la santé mentale et passer à la prise de mesures concrètes. Visons à accroître l’accès rapide aux soins de santé mentale pour tous les Canadiens. Merci.

Visiteur à la tribune

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de Son Excellence Vikas Swarup, haut-commissaire de l’Inde au Canada. Il est l’invité de l’honorable sénatrice Omidvar.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

La cabane de Terre-Neuve

L’honorable Fabian Manning : Aujourd’hui, j’ai le plaisir de présenter le chapitre 56 de « Notre histoire ».

À St. Bride, le petit village de pêcheurs de la côte Sud de Terre-Neuve où j’ai grandi, il y avait plusieurs petits bâtiments sur le bord de l’eau, près du quai où les pêcheurs vaquaient à leurs occupations quotidiennes. Dans notre région de la province, on appelait ces petits bâtiments des « chafauds ». Dans d’autres régions, on appelait ces bâtiments des « remises à filets », des « magasins » ou des « chambres », selon leur fonction. La remise à filets était l’endroit où le pêcheur rangeait et réparait ses filets. En fait, ce qu’on appelait un chafaud, une chambre ou un magasin était une cabane construite à proximité de l’endroit où on déchargeait le poisson et dans laquelle les pêcheurs rangeaient et réparaient leurs engins de pêche. Parfois, les pêcheurs s’y rassemblaient et jasaient de leurs expériences de vie en mer.

Pour éviter toute confusion, j’aimerais simplement préciser que, à Terre-Neuve, l’endroit où on achète quelque chose ne s’appelle pas un magasin, mais une boutique.

Le 2 juillet 1992, le gouvernement du Canada a déclaré un moratoire sur la pêche de la morue du Nord qui a essentiellement fait disparaître 30 000 emplois du jour au lendemain. Ses répercussions ont transformé à tout jamais les régions rurales de Terre-Neuve. Malgré tous ces changements, la cabane continue de jouer un rôle central dans la vie de nombreux Terre-Neuviens. C’est un endroit où les gens se retrouvent pour discuter des nouvelles de la journée, préparer un repas, boire un verre ou deux, faire de la musique et passer de bons moments. Alors que les cabanes étaient traditionnellement situées près du port dans les communautés de pêcheurs, on en trouve maintenant dans la cour arrière de nombreuses maisons. Elles se sont aussi déplacées vers les villes et les banlieues, comme leurs propriétaires. On peut trouver, de Ferryland à Fort McMurray, des cabanes qui abritent des divans confortables, des tables, des chaises, des réfrigérateurs, souvent un poêle à bois et, sur la porte, un panneau de bienvenue.

Je suis allé dans beaucoup de cabanes de Terre-Neuve, et j’ai vécu chaque fois une expérience unique en son genre. Que ce soit pour célébrer un anniversaire, faire une collecte de fonds pour un membre de la communauté dans le besoin, célébrer la vie d’une personne ou simplement discuter des dernières nouvelles et de ce qui se passe dans la région, rien ne se compare aux rassemblements dans les cabanes.

Dans la ville historique de Heart’s Content, par exemple, une ancienne cabane que William Piercey avait construite en 1956 pour entreposer ses engins de pêche a été reconstruite en 2009 et est devenue un important lieu de rencontre pour les gens de l’endroit. Elle est aussi, à présent, une attraction touristique importante. Cette cabane de pêcheur a été rebaptisée « House of Commons », la Chambre des communes. Au début du mois, Bailey White, de la station de radio locale de CBC, y a fait un saut pour bavarder avec certains des membres locaux de cette Chambre des communes.

Je ne sais pas trop qui de Kyle, Doug ou Frank Piercey, John Warren ou Ed Arnott était le Président de la Chambre. Peu importe, cela a donné un reportage très agréable et intéressant.

Comme vous le savez probablement tous, des élections provinciales se tiendront à Terre-Neuve-et-Labrador demain. On m’a dit la semaine dernière qu’on allait tenir un petit scrutin privé avant les élections, dans une des cabanes de la côte Sud. Le bulletin de vote sera toutefois un peu différent du bulletin habituel. Y seront inscrits les candidats du Parti progressiste-conservateur, du Parti libéral, du Nouveau Parti démocratique et de l’Alliance de Terre-Neuve-et-Labrador plus une cinquième option, soit aucun de ces candidats. On me dit que les résultats seront connus demain, à la fermeture des bureaux de scrutin.

(1410)

Un des plus importants groupes de musique de la province, Buddy Wasisname and the Other Fellers, a écrit, composé et réalisé la chanson The Shed Song. Il faut absolument l’écouter. Puis, il y a « Big Tom », animateur à la station K-Rock 97.5 de St. John’s, dont les cotes d’écoute étaient phénoménales lors de son émission de fin de semaine Saturday in Big Tom’s Shed. Hélas, Tom Fitzgerald, alias Big Tom, nous a quittés en 2012 alors qu’il n’avait que 38 ans.

La cabane occupe une place importante dans l’histoire et dans la culture de notre province. Si vous avez l’occasion de vous y rendre bientôt, je vous invite à trouver une cabane et à vous y arrêter pour discuter avec les gens. Encore mieux, il est possible de réserver pour une nuit une cabane de pêcheur dans le majestueux secteur de Rocky Harbour, à Gros Morne. D’une façon ou d’une autre, vous ne serez pas déçus.

Visiteurs à la tribune

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune du comédien Mark Critch, de l’émission This Hour Has 22 Minutes. Il est accompagné de sa fiancée, Melissa Royle, avocate de St. John’s, à Terre-Neuve-et-Labrador.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

La Semaine des soins palliatifs

L’honorable Jane Cordy : Honorables sénateurs, j’interviens aujourd’hui pour attirer votre attention sur la Semaine nationale des soins palliatifs. Du 5 au 9 mai, le Canada souligne la Semaine des soins palliatifs dont c’est la 19e édition. Il importe de prendre le temps de reconnaître à leur juste valeur les soins palliatifs, car la fin de vie, la mort, la perte et le deuil nous concernent tous. Nous devons faire tomber les mythes qui entourent le sujet et tâcher de nous sensibiliser mutuellement à la poursuite de l’excellence en matière de soins palliatifs au Canada.

Honorables sénateurs, j’aimerais aborder certains de ces mythes dont parle l’Association canadienne des soins palliatifs.

Premier mythe : les soins palliatifs ne visent que le soulagement de la douleur. Nous savons que les soins palliatifs comprennent aussi le soutien psychologique, social, affectif et spirituel, ainsi que du soutien aux proches aidants et du soutien pratique.

Deuxième mythe : les gens pensent qu’ils ne sont pas prêts à recevoir des soins palliatifs, alors qu’au moins 89 p. 100 des personnes atteintes d’une maladie potentiellement mortelle peuvent bénéficier de soins palliatifs.

Troisième mythe : recevoir des soins palliatifs, c’est admettre la défaite et parler de la mort avec mes proches leur cause du stress. Honorables sénateurs, les soins palliatifs visent à améliorer la qualité de vie des patients et des familles. Plus on parle de la mort et de la fin de vie, plus on facilite l’acceptation, et plus on comprend ce que sont les soins palliatifs et ce qu’ils peuvent nous apporter.

Honorables sénateurs, les soins palliatifs peuvent être offerts autant aux nouveaux-nés qu’aux adultes. Ils peuvent être prodigués à la maison, dans un établissement de soins de longue durée, dans une maison spécialisée ou à l’hôpital. Les patients, pour ne pas dire l’ensemble des Canadiens, ont tout à gagner en parlant des soins qu’ils veulent recevoir à la fin de leur vie. Nous devons encourager les gens à en discuter avec leur médecin, mais aussi avec leurs proches. C’est le seul moyen de faire respecter leurs dernières volontés. Pour rependre les mots de George Bernard Shaw :

Le plus grand problème en communication, c’est l’illusion qu’elle a eu lieu.

Ne considérons pas d’emblée que nos proches savent les soins que nous voulons recevoir à la fin de notre vie. Mieux vaut en parler le plus tôt possible parce que les soins palliatifs peuvent venir en aide aux patients et à leur famille dès que le diagnostic est posé; ils ne sont pas exclusivement réservés à ceux dont la mort est imminente.

Selon Statistique Canada, le nombre annuel de décès au Canada aura augmenté de 33 p. 100 d’ici 2020. Quant au nombre de Canadiens qui ont besoin de soins de fin de vie, il grimpe en flèche.

Honorables sénateurs, je vous invite à discuter publiquement de ce sujet. Nous devons réclamer que les soins palliatifs offerts dans une maison spécialisée soient de qualité si nous voulons que tous les Canadiens y aient accès. Je vous rappelle en terminant, honorables sénateurs, que la question n’est pas de savoir si nous mourrons, mais quand.

Visiteurs à la tribune

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de Suzan et de Daniel Benaroche. Ils sont les invités de l’honorable sénateur Gold.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

Les relations économiques entre le Canada et l’Inde

L’honorable Ratna Omidvar : Honorables sénateurs, on ne saurait trop insister sur l’importance du vaste potentiel économique, social et culturel que représente l’Inde pour le Canada. L’économie de l’Inde est l’une de celles qui croît le plus rapidement au monde. Elle affiche un taux de croissance constant, qui est passé de 4,4 p. 100 au cours des années 1970 à un impressionnant 7,1 p. 100 au cours de la présente décennie. La croissance touche les services, l’industrie, la technologie et l’agriculture. L’Inde attire davantage d’investissements étrangers directs que la Chine, et cette activité favorise la prospérité du secteur privé. De jeunes entreprises indiennes ont été évaluées à plusieurs milliards de dollars et bon nombre d’entre elles sont membres du recherché Unicorn Club.

Cependant, c’est la population qui constitue l’aspect le plus frappant de l’Inde, aujourd’hui comme dans le passé, et je crois qu’il en sera de même dans l’avenir. Au fur et à mesure de sa croissance économique, l’Inde a vu sa classe moyenne se développer. On prévoit que la main-d’œuvre indienne augmentera de 250 millions de personnes d’ici 2030 et que la consommation devrait croître de 4 000 milliards de dollars. La main-d’œuvre sera principalement composée de jeunes puisque, au cours des prochaines années, à tous les mois — j’ai bien dit à tous les mois — 1 million de jeunes Indiens instruits auront 18 ans.

J’estime que l’Inde offre d’innombrables possibilités pour le Canada. Les universités canadiennes ont été bien accueillies en Inde et comptent des milliers d’étudiants indiens avides de savoir et de biens et services.

Les échanges ne sont pas à sens unique. Les multinationales indiennes trouvent des occasions d’affaires alléchantes au Canada dans diverses industries, notamment l’intelligence artificielle et la technologie de la chaîne de blocs à Toronto et les usines de pâtes et papier à Thunder Bay. Pas plus tard que l’an dernier, des sociétés canadiennes et indiennes ont signé des contrats pour une valeur de 1 milliard de dollars, qui créeront 5 800 emplois ici même au Canada.

Honorables sénateurs, j’admets que faire des affaires en Inde n’est pas chose simple, mais nous avons un avantage indéniable. En fait, nous avons 1,2 million d’avantages : c’est le nombre d’Indo-Canadiens au pays.

Nous avons aussi la chance d’avoir comme interlocuteur Son Excellence Vikas Swarup, le haut-commissaire de l’Inde au Canada. Il se décrit comme un diplomate à plein temps et un écrivain à temps partiel. Le roman intitulé Les fabuleuses aventures d’un Indien malchanceux qui devint milliardaire de ce modeste auteur à temps partiel a été traduit dans 43 langues et a été adapté au cinéma. Vous avez peut-être entendu parler de ce petit film qui a remporté un immense succès et qui a reçu un Oscar, Le Pouilleux millionnaire.

Bien sûr, en tant que Canadienne, j’espère que l’histoire de son prochain roman se passera au Canada et mettra en vedette nos héros du basketball, ce qui créerait une relation encore plus étroite et multiplierait les échanges commerciaux entre les deux pays, en plus d’y favoriser la prospérité.

Visiteur à la tribune

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de Rory MacDonald. Il est l’invité de l’honorable sénateur Marwah.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!


AFFAIRES COURANTES

Projet de loi de 2017 sur la sécurité nationale

Présentation du vingt-deuxième rapport du Comité de la sécurité nationale et de la défense

L’honorable Gwen Boniface : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de présenter, dans les deux langues officielles, le vingt-deuxième rapport du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense, qui porte sur le projet de loi C-59, Loi concernant des questions de sécurité nationale.

(Le texte du rapport figure aux Journaux du Sénat d’aujourd’hui, p. 4753.)

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand étudierons-nous le rapport?

(Sur la motion de la sénatrice Boniface, l’étude du rapport est inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance.)

[Français]

L’ajournement

Préavis de motion

L’honorable Diane Bellemare (coordonnatrice législative du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que, lorsque le Sénat s’ajournera après l’adoption de cette motion, il demeure ajourné jusqu’au lundi 27 mai 2019, à 18 heures;

Que les comités sénatoriaux devant se réunir ce jour-là soient autorisés à le faire afin d’étudier des affaires du gouvernement, même si le Sénat siège, et que l’application de l’article 12-18(1) du Règlement soit suspendue à cet égard;

Que, nonobstant toute autre disposition du Règlement, si un vote est reporté à ce jour-là, la sonnerie d’appel pour le vote retentisse au début de l’ordre du jour, pour 15 minutes, le vote ayant lieu par la suite;

Que l’application de l’article 3-3(1) du Règlement soit suspendue ce jour-là;

Que le Sénat s’ajourne à la fin des Affaires du gouvernement ce jour-là.


(1420)

[Traduction]

PÉRIODE DES QUESTIONS

L’environnement et le changement climatique

La participation étrangère au secteur de l’énergie

L’honorable Larry W. Smith (leader de l’opposition) : Ma question s’adresse au leader du gouvernement au Sénat.

Hier, on annonçait que la nouvelle directrice des politiques du premier ministre était une ancienne vice-présidente principale de Tides Canada, un groupe anti-pipeline et anti-pétrole dont le financement provient en grande partie des États-Unis. Depuis 2009, la fondation Tides et la fondation Tides Canada auraient versé plus de 25 millions de dollars pour soutenir des campagnes d’opposition aux pipelines.

Cette nomination est un exemple de plus du peu de sérieux qu’accorde le gouvernement à cette menace pour le secteur de l’énergie au Canada. Le gouvernement, ici même à Ottawa, a versé des dizaines de milliers de dollars des contribuables à Tides Canada. Par exemple, le leader du gouvernement se souviendra peut-être que, en novembre dernier, je l’avais questionné au sujet des 35 000 $ que la ministre McKenna avait accordés à la fondation Tides.

Sénateur Harder, pourquoi le gouvernement maintient-il une position aussi faible face aux groupes tels que la fondation Tides Canada, qui s’évertuent à nuire au secteur canadien de l’énergie?

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie l’honorable sénateur de sa question. Le bilan du gouvernement dans le secteur de l’énergie est bien connu, et nous pouvons en être fiers. Le gouvernement du Canada a présenté un projet de loi qui vise non seulement à promouvoir nos intérêts en matière énergétique, mais aussi à le faire conformément à nos obligations à l’égard des peuples autochtones et de l’environnement. Cet équilibre est dans l’intérêt à long terme du Canada et nous en débattons actuellement au Sénat.

En ce qui concerne les autres aspects de la question, permettez-moi simplement de dire que le gouvernement cherche à s’adjoindre les services des meilleurs candidats disponibles et que les personnes talentueuses qu’il a réussi à recruter devraient être admirées et non ridiculisées.

Le sénateur Smith : Merci beaucoup de votre réponse.

À mon avis, il ne s’agissait pas de ridiculiser qui que ce soit, mais de montrer qu’il n’était pas dans l’intérêt des fondations financées à l’étranger d’essayer de stopper l’exploitation du pétrole et des énergies naturelles chez nous.

À l’occasion de l’examen des projets de loi C-69 et C-48, deux comités sénatoriaux, celui de l’énergie et celui des transports, ont entendu des témoins parler du grave problème que représente l’ingérence étrangère dans le secteur des ressources. La semaine dernière, par exemple, le Comité des transports a entendu la chercheure Vivian Krause parler en détail des immenses sommes d’argent versées au Canada par ces fondations étrangères dans le cadre d’une campagne internationale menée pour saboter l’industrie canadienne du pétrole et du gaz en empêchant le Canada d’accéder aux marchés mondiaux. Nous savons tous que les auteurs et les adeptes des premières mesures prises en 2006 et en 2007 étaient les fondations Rockfeller, Hewlett, et Gordon et Betty Moore.

Sénateur Harder, ce sont les contribuables canadiens qui sont les propriétaires de l’oléoduc Trans Mountain. J’espère vraiment que le gouvernement approuvera définitivement l’expansion de l’oléoduc le mois prochain. Comment le gouvernement peut-il dire, par la bouche du ministre Morneau, que Trans Mountain est d’une importance vitale pour le Canada, d’une part, et fermer les yeux sur cette campagne menée contre notre secteur énergétique, d’autre part?

Le sénateur Harder : Il est important de faire la distinction entre le financement des campagnes et partis politiques, et celui des campagnes de sensibilisation et des réseaux qui appuient diverses causes. Nous vivons dans une société libre et démocratique, et les Canadiens ont des opinions relativement à certaines politiques publiques mondiales. Nous accueillons des opinions diverses pourvu qu’elles soient conformes à nos lois et à nos obligations. La place publique ne devrait pas être limitée aux seuls organismes canadiens, tant que ceux-ci respectent les lois et les pratiques canadiennes.

Les finances

La taxe sur le carbone

L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) : Ma question s’adresse aussi au leader du gouvernement au Sénat. Elle concerne la hausse du prix de l’essence, qui devrait demeurer à des sommets presque sans précédent partout Canada cet été. En fait, à Vancouver, dans ma province située sur la côte Ouest, le prix de l’essence a récemment atteint presque 1,80 $ le litre — le prix le plus élevé jamais enregistré dans une grande ville nord-américaine. Il ne s’agit que du prix de l’essence ordinaire : le prix des autres sortes d’essence est encore plus élevé.

La hausse vertigineuse du prix de l’essence se produit à un moment où de nombreuses familles tirent le diable par la queue. Le mois dernier, on a appris que 48 p. 100 des Canadiens — près de la moitié de la population — sont à 200 $ ou moins de ne plus pouvoir payer leurs factures à la fin de chaque mois. De plus, dans ma province, la Colombie-Britannique, 19 p. 100 des habitants ont affirmé qu’ils ne gagnent déjà pas assez d’argent chaque mois pour payer leurs factures et rembourser leurs dettes.

Sénateur Harder, je me demande, à l’instar de plus en plus de Canadiens, comment on peut faire confiance au gouvernement pour gérer l’économie et le secteur de l’énergie, alors que la taxe sur le carbone et la capacité insuffisante des pipelines ont directement fait augmenter le coût de la vie.

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie la sénatrice de sa question. En ce qui concerne la performance de l’économie canadienne, je tiens à souligner qu’au cours des trois dernières années, plus d’un million d’emplois ont été créés par des Canadiens pour les Canadiens dans le cadre de cette même économie. Une famille moyenne de quatre personnes dispose, chaque année, de 2 000 $ de plus qu’il y a seulement quatre ans. Le ratio de la dette fédérale par rapport au PIB est nettement sur une trajectoire descendante. La situation financière du Canada est la meilleure parmi tous les pays du G7. L’économie se porte vraiment bien, même si elle suscite encore quelques inquiétudes, que le dernier budget vise à apaiser.

Quant à la question précise du prix de l’essence, je crois qu’on cherche à sous-entendre que mettre un prix sur la pollution va à l’encontre des intérêts des Canadiens. En fait, il est absolument essentiel, pour le bien des Canadiens, de mettre en œuvre le programme libéral de lutte contre les changements climatiques et de remplir nos obligations collectives.

L’oléoduc Trans Mountain

L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) : Monsieur le sénateur, je ne suis pas d’accord. Le déficit budgétaire a atteint des sommets records au cours des dernières années, sous la gouverne des libéraux; nous empruntons l’argent des générations futures. Nous pourrions en parler pendant des heures. Toutefois, il y a à peine plus d’un an, lorsque le prix du carburant n’était que de 1,69 $ le litre à Vancouver, le premier ministre a affirmé que l’augmentation du coût de l’essence causée par la taxe sur le carbone était « exactement ce que nous voulons ».

C’est peut-être exactement ce que le premier ministre veut, mais il n’a jamais eu à se soucier de boucler les fins de mois comme, c’est le cas pour de nombreuses familles canadiennes. Puisque j’ai l’impression qu’il n’a absolument aucune idée de la réalité d’un nombre croissant de contribuables canadiens, qui sont contraints de payer toujours plus cher à la pompe et de réduire leurs dépenses relatives à l’épicerie et à d’autres besoins fondamentaux, je me demande si c’est exactement ce que le premier ministre veut.

Hier, nous avons demandé au ministre Morneau quand la construction de l’oléoduc Trans Mountain serait confirmée. Je vous pose la question, sénateur : quand le gouvernement confirmera-t-il la construction de l’oléoduc Trans Mountain?

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie la sénatrice de ses observations et questions variées. Je me permets de renvoyer la sénatrice à la page 20 de l’énoncé budgétaire. Elle pourra y constater que, sous le gouvernement Harper, les déficits ont contribué à l’augmentation du ratio dette-PIB et que, à cette époque, le Canada a malheureusement enregistré de très lourds déficits qui ont forcément eu des répercussions sur ce ratio. Or, ce n’est pas ce qui se produit depuis trois ans, et il y a lieu de s’en réjouir plutôt que de critiquer ou d’essayer de présenter la situation sous un faux jour.

Pour ce qui est du projet TMX, je ne peux que répéter ce que le ministre a dit hier, soit que le gouvernement a l’intention d’aller de l’avant et de prendre une décision en juin, lorsqu’il aura reçu un avis. Comme le ministre l’a indiqué, le gouvernement souhaite profiter de la saison estivale pour entamer les travaux.

(1430)

[Français]

L’élimination des iniquités fondées sur le sexe dans la Loi sur les Indiens

L’honorable Marilou McPhedran : Ma question s’adresse au leader du gouvernement au Sénat. Comme je n’ai pas eu l’occasion de poser ma question au ministre Morneau, hier, j’aimerais vous la poser aujourd’hui afin d’obtenir une réponse du gouvernement.

[Traduction]

En octobre 2017, j’ai demandé au Bureau du directeur parlementaire du budget d’évaluer le coût de mise en œuvre intégrale des modifications proposées dans le projet de loi S-3. Je précise que ces modifications visaient l’égalité des femmes autochtones et que cette mesure, qui a modifié la Loi sur les Indiens, est maintenant une loi du Canada. Ma question porte sur le budget de 2019 et sur le rapport de décembre 2017 du directeur parlementaire du budget, intitulé Projet de loi S-3 : Élimination des iniquités fondées sur le sexe en matière d’inscription. Lorsqu’il a calculé le coût de l’élimination complète des iniquités fondées sur le sexe attribuables à la Loi sur les Indiens, le directeur parlementaire du budget a conclu qu’il serait nettement moins élevé que la prévision faramineuse que le ministère avait avancée.

Sénateur Harder, sous la direction efficace des sénateurs autochtones, le Sénat a étroitement surveillé le respect des promesses contenues dans le projet de loi S-3.

Auriez-vous l’obligeance de préciser si le budget de 2019 tient compte de l’évaluation du directeur parlementaire du budget, qui chiffre à 71 millions de dollars les coûts administratifs ponctuels et à 407 millions de dollars par année les coûts permanents pour assurer la mise en œuvre complète des promesses que l’actuel gouvernement a faites dans le projet de loi S-3?

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie la sénatrice de sa question et de la vigilance dont elle et d’autres sénateurs font preuve dans ce dossier. Bien entendu, la sénatrice sait que le Bureau du directeur parlementaire du budget est un organisme parlementaire indépendant qui fournit des avis indépendants du ministère des Finances. Je vais m’informer pour déterminer si les chiffres publiés par le directeur parlementaire du budget sont conformes à ceux dans le budget du gouvernement alors que celui-ci s’apprête à mettre entièrement en œuvre le projet de loi S-3.

La sécurité publique et la protection civile

La sécurité nationale—Le terrorisme

L’honorable Linda Frum : Ma question s’adresse au leader du gouvernement. Vendredi dernier, à Richmond Hill, la police régionale de York a arrêté deux hommes, un père et son fils, pour possession d’explosifs, de matières dangereuses et d’un dispositif explosif. Les arrestations ont été effectuées après réception de renseignements provenant des agences de protection des frontières canadienne et américaine. Le ministre Goodale a rapidement déclaré que ni l’une ni l’autre de ces personnes ne fait l’objet d’une enquête de la part de ces agences et qu’il n’existe aucun lien avec la sécurité nationale. Sénateur Harder, comment le ministre peut-il être aussi certain que ces personnes ne constituent pas une menace pour la sécurité nationale?

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie la sénatrice de sa question. Comme elle le sait, en plus d’être le ministre responsable, notamment, des agences qui assurent la sécurité des Canadiens, des forces de l’ordre et des services du renseignement, le ministre de la Sécurité publique a le devoir de veiller à ce que les Canadiens soient informés adéquatement lorsque des incidents comme celui-ci surviennent. Le ministre est informé par les autorités responsables et fait des déclarations dans le but d’informer le public en toute transparence.

La sénatrice Frum : Sénateur Harder, vous parlez de transparence. Cependant, vous vous souviendrez que le ministre Goodale s’est aussi empressé de dire que la personne qui avait commis l’épouvantable fusillade sur l'avenue Danforth en juillet 2018 n’avait aucun lien avec le terrorisme, même si le groupe État islamique en a revendiqué la responsabilité. Depuis, nous avons appris que tout n’était pas si simple. En fait, la personne avait résidé en Afghanistan et au Pakistan, et elle s’était livrée à des activités suspectes en ligne. Comment pouvons-nous être sûrs que le ministre Goodale n’essaie pas, encore une fois, de cacher les véritables motifs des personnes impliquées?

Le sénateur Harder : Je remercie l’honorable sénatrice de sa question. Le ministre Goodale est un ministre de premier plan chevronné qui prend son rôle très au sérieux et qui accomplit son travail de façon admirable. Je crois que le ministre se comporte de manière appropriée, de façon à informer et à sensibiliser le public. Il veille aussi à la sécurité et à la surveillance de certains groupes en assurant le contrôle et la protection qui s’imposent lors de ces activités. Voilà le rôle du ministre, qu’il remplit en toute bonne foi.

Le cabinet du premier ministre

Les déplacements du premier ministre

L’honorable David Tkachuk : Monsieur le sénateur Harder, la fin de semaine de Pâques, le mois dernier, le premier ministre s’est rendu en avion à Tofino pour faire du surf, contribuant ainsi à la pollution atmosphérique. Sur le chemin du retour, il s’est arrêté à Saskatoon, toujours en avion et contribuant à la pollution, pour assister à ce qu’on a appelé une réunion privée. Aucun détail n’a été fourni. Étant donné que ce sont les contribuables canadiens qui paient pour les déplacements du premier ministre, la population devrait pouvoir savoir qui était présent à la réunion, sans nécessairement savoir de quoi il s’agissait. Une réunion privée n’est pas synonyme de secret. Monsieur le sénateur Harder, pouvez-vous nous donner des détails sur la réunion privée qui a eu lieu à Saskatoon cette fin de semaine-là, son objectif, les personnes que le premier ministre a rencontrées et les coûts du voyage payés par les contribuables?

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie l’honorable sénateur de sa question. Je vais la prendre en délibéré.

Le sénateur Tkachuk : Samedi soir dernier, le 11 mai, ou peut-être le 12, le premier ministre s’est envolé pour Chicago, contribuant à la pollution atmosphérique. Selon les médias, il s’y rendait pour assister au spectacle solo de sa mère, au Second City. Fait intéressant, il logeait au Soho, un hôtel exclusivement réservé aux membres — des gens issus du monde des médias ou de la culture. Pour y loger, vous devez présenter une demande d’adhésion. Cette façon de procéder permet aux clients de cet hôtel d’éviter de côtoyer des gens de la classe moyenne, qu’il s’agisse d’Américains ou de Canadiens. Les non-membres peuvent quant à eux louer une chambre ordinaire pour un prix minimum de 650 dollars américains la nuit, sans compter toutes les chambres qu’il faut louer pour des motifs de sécurité. On parle de dollars américains. Le gouvernement du Canada ou le premier ministre sont-ils membres du club des hôtels Soho, ou est-ce les contribuables qui doivent payer pour sa suite et pour les chambres consacrées à la sécurité? Le leader du gouvernement peut-il nous fournir le coût du voyage du premier ministre à Chicago? Quel est le prix de sa chambre d’hôtel et des chambres utilisées pour la sécurité, ainsi que le prix de la chambre de sa mère et des chambres des autres membres de son entourage, le cas échéant?

Le sénateur Harder : Je vais ajouter ces éléments à ma demande de renseignements. Je suis ravi de constater que le sénateur se porte bien et qu’il a repris du poil de la bête.

Les affaires étrangères et le commerce international

La Chine—Les exportations de canola—La représentation canadienne

L’honorable Victor Oh : Monsieur Harder, en mars 2016, lors de la visite annuelle de l’Association législative Canada-Chine en Chine, nous avons soulevé la question du canola et négocié le report de l’application de nouvelles règles concernant les impuretés dans le canola. Plus tard, lors de la visite officielle de Justin Trudeau en Chine, il a prôné avec insistance une entente sur la réglementation des matières étrangères valide jusqu’à 2019, ce qui donnait trois ans pour trouver une solution scientifique au problème des impuretés.

Qu’a fait le gouvernement au cours des trois dernières années pour régler cette question? Qu’a révélé l’étude? L’inaction du gouvernement dans ce dossier laisse peu de temps pour trouver une solution. Pendant que le premier ministre Trudeau se traîne les pieds, nos agriculteurs et notre économie sont durement touchés.

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie l’honorable sénateur de sa question. Vous avez été nombreux à poser des questions là-dessus, que ce soit à moi ou aux ministres qui sont venus nous rencontrer.

Je répète que le gouvernement du Canada prend très au sérieux les difficultés qui frappent actuellement le marché du canola ainsi que les producteurs et les exportateurs d’ici. Voilà pourquoi il continue de faire des pressions au plus haut niveau pour trouver une solution scientifique à la situation. En plus de collaborer de très près avec les exportateurs du pays, il a aussi créé divers mécanismes pour venir en aide aux agriculteurs.

Ce dossier n’est pas passé sous le radar. Je suis convaincu que le sénateur sera le premier à admettre que les relations bilatérales entre nos deux pays traversent une période de turbulence. Voilà pourquoi le gouvernement tient à demeurer vigilant et prendra au sérieux tout nouveau pépin qui pourrait survenir.

Le sénateur Oh : Puis-je vous demander de vous renseigner afin que l’on sache ce qui s’est passé depuis trois ans? Il y a maintenant près de quatre mois que M. McCallum a été évincé. Le gouvernement va-t-il enfin nommer un nouvel ambassadeur en Chine?

(1440)

Le sénateur Harder : Encore une fois, je remercie l’honorable sénateur de sa question. Je tiens à l’assurer, comme je l’ai fait chaque fois qu’une question semblable a été posée, de l’appui sans réserve du gouvernement pour le chargé d’affaires intérimaire. Il possède non seulement une solide expérience et de bonnes compétences diplomatiques, mais il est bien placé pour promouvoir les intérêts du Canada en Chine.

En ce qui concerne une nomination permanente, le gouvernement étudie le dossier et fera une annonce en temps et lieu.

En ce qui a trait au préambule de la question, je répète que, depuis son arrivée au pouvoir, le gouvernement a constamment cherché à renforcer la relation économique bilatérale entre nos deux pays. Nous nous sommes heurtés à des obstacles, dont le problème du canola, auquel nous avons réagi au plus haut niveau en offrant une aide directe au secteur et aux agriculteurs. Il s’agit d’une situation difficile que toutes les parties ont intérêt à régler afin de ne pas nuire aux autres aspects de la relation bilatérale qui ont été mis à l’épreuve.

[Français]

Les institutions démocratiques

Le remboursement de dons électoraux illégaux

L’honorable Jean-Guy Dagenais : En 2005, le premier ministre libéral de l’époque, Paul Martin, avait ordonné le remboursement d’un montant de 1,14 million de dollars qui avait été perçu illégalement par les libéraux dans le cadre du scandale des commandites. Malgré ce fait, la corruption semble encore bien présente dans les mœurs du Parti libéral du Canada.

Je n’ai toujours pas reçu de réponse au sujet de l’activité de financement organisée par le député Raj Grewal, qui a recueilli une somme de 600 000 $ en avril 2018 dans son comté de Brampton-Est. En outre, j’attends toujours une réponse au sujet du remboursement de ses dettes de jeu.

On apprend maintenant que le parti de M. Trudeau a reçu une somme de 118 000 $ en dons illégaux de la part de SNC-Lavalin, la firme qu’il a tenté désespérément d’aider en s’ingérant dans le processus judiciaire. Le premier ministre nous dit que les libéraux auraient remboursé ces 118 000 $ reçus illégalement.

Pouvez-vous nous dire si le premier ministre a maintenant l’intention de demander l’expulsion du parti de tous ces donateurs libéraux, comme le Parti libéral du Canada l’avait fait avec Marc-Yvan Côté à la suite des révélations de la Commission Gomery?

[Traduction]

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie l’honorable sénateur de sa question. Celle-ci ne porte pas sur les affaires du gouvernement, mais je la porterai certainement à l’attention du premier ministre.

[Français]

Les finances

L’imposition des entreprises numériques étrangères

L’honorable Claude Carignan : Ma question s’adresse au leader du gouvernement au Sénat. Lors des trois premiers mois de 2019, le Québec a encaissé environ 15 millions de dollars provenant de la taxe de vente imposée aux entreprises numériques étrangères, comme Netflix, Spotify, Apple, Amazon, Facebook et Google, tout simplement en percevant la taxe de vente québécoise. Ce montant est beaucoup plus élevé que celui qui était prévu au départ.

Selon le vérificateur général du Canada, l’imposition de la TPS à ces entreprises étrangères, comme dans le cas de toute entreprise canadienne concurrente, rapporterait une somme de 169 millions de dollars.

Hier, à une question que lui a posée notre collègue, le sénateur Joyal, le ministre Morneau a répondu qu’il continuait à réfléchir sur la façon de percevoir ces taxes. Pourtant, la réponse semble assez simple : il ne s’agit que de l’imposer.

Pouvez-vous nous dire pourquoi le gouvernement s’entête à refuser de taxer ces entreprises numériques étrangères alors qu’il le fait avec d’autres entreprises canadiennes dans le même domaine, des entreprises qui, elles, perçoivent et paient leurs taxes?

[Traduction]

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie encore une fois le sénateur pour sa question. Permettez-moi de faire référence, comme lui-même l’a fait, à l’explication présentée hier par le ministre des Finances au sujet du travail en collaboration mené par le gouvernent du Canada et les pays de l’OCDE aux vues similaires afin d’éviter que les entreprises travaillant dans ce secteur trouvent un moyen d’éviter de payer des impôts. Le ministre a bien précisé que le gouvernement du Canada participe activement à cet examen et qu’il prendrait une décision en temps voulu.

[Français]

Le sénateur Carignan : Est-ce que le gouvernement s’est rendu compte du fait que, en raison du laxisme dont il fait preuve dans ce dossier, il risque de perdre même le vote du sénateur Joyal?

[Traduction]

Le sénateur Harder : C’est une idée intéressante. Tout comme le sénateur, j’ai pris plaisir à entendre la question et la réponse hier, et je n’ai rien à ajouter.

Les affaires étrangères et le commerce international

Les relations sino-canadiennes

L’honorable Leo Housakos : Ma question s’adresse au leader du gouvernement au Sénat. En 2016, le premier ministre Justin Trudeau a défendu sa décision de négocier un traité d’extradition avec la Chine, alléguant qu’un accord resserrerait les liens du Canada avec Pékin. Le premier ministre a dit, à l’époque, que la bonne relation qu’il était en train de créer avec les Chinois nous permettait de marquer des points au chapitre des droits de la personne et des dossiers consulaires. Il a critiqué le gouvernement Harper, disant que la relation avec la Chine sous le gouvernement précédent était très incohérente. Le premier ministre Trudeau a alors dit que nous devions établir une relation solide et positive.

Je pose donc la question suivante au leader du gouvernement : Pouvez-vous nous dire comment vous décrivez la relation entre le Canada et la Chine en ce moment? Est-elle solide? Est-elle positive? Est-elle forte?

Je veux juste rappeler au leader du gouvernement que Stephen Harper a quitté le cabinet du premier ministre il y a près de quatre ans. Alors, à qui le gouvernement va-t-il faire porter la responsabilité du gâchis actuel dans les relations entre le Canada et la Chine?

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie l’honorable sénateur de sa question. Il sait que des gouvernements canadiens successifs ont cherché à établir un dialogue approprié avec la Chine et que ce dialogue a des racines économiques au Canada. Pensons à M. Diefenbaker et à la vente de blé. La Chine y voit encore aujourd’hui une mesure phare qui allait dans le sens des intérêts économiques du pays tout en officialisant les relations diplomatiques bilatérales, qui ont évolué sous le signe de l’investissement et du rapprochement culturel et politique.

Nous avons assuré un suivi assidu de ce dossier. J’ai eu l’occasion d’y travailler avec quatre premiers ministres, y compris le premier ministre Harper. Je peux donc dire que le gouvernement du Canada reconnaît l’importance des relations bilatérales, à une époque où l’Asie et la Chine, au sein de l’Asie, prennent de l’importance dans l’économie mondiale en pleine expansion. Elles vont dans le sens de nos intérêts politiques et économiques ainsi que de nos intérêts en matière de sécurité. Il faudra beaucoup de diplomatie pour surmonter les difficultés que présente ce dossier. Ce ne sera pas simple.

L’honorable sénateur a débuté par le traité d’extradition. Il est clair que si nous avions un traité d’extradition avec la Chine, nous serions mieux placés pour gérer certains dossiers consulaires. Cependant, le fait est que les négociations visant l’extradition n’ont pas encore abouti, ce qui a des conséquences concrètes pour les Canadiens qui sont en Chine et qui craignent, comme nous tous, pour leur bien-être.

Si nous voulons renforcer cette relation bilatérale, je pense qu’il est important que nous ne critiquions pas la Chine de manière excessive et démesurée ou que nous ne mettions pas trop l’accent sur un enjeu donné. Nous devrions aussi chercher à résoudre les problèmes en utilisant les voies diplomatiques appropriées. Ce ne sont pas seulement des dossiers consulaires impliquant des Canadiens qui sont en cause, mais également une relation économique importante qui est bénéfique tant pour les Canadiens que pour les Chinois.

Le sénateur Housakos : Monsieur le leader du gouvernement, je suis heureux que vous ayez souligné que le Canada et la Chine ont entretenu des relations fructueuses et ininterrompues pendant cinq ou six décennies. C’est parce que les premiers ministres précédents se sont appuyés sur les assises établies par les anciens gouvernements et qu’ils ont continué à les renforcer. Par contre, le premier ministre actuel a gâché les relations entre le Canada et la Chine et il continue d’essayer de détourner l’attention du gâchis qu’il a créé.

Il y a cinq mois, Michael Spavor, un entrepreneur, et Michael Kovrig, un ancien diplomate canadien, ont été arrêtés par les services de sécurité de la Chine et incarcérés sous des prétextes douteux. Or, nous savons tous que la Chine a agi ainsi en guise de représailles pour l’arrestation de la directrice financière de la société Huawei.

(1450)

Bien que le premier ministre ait qualifié ces deux personnes d’otages, le gouvernement Trudeau semble avoir abandonné l’idée d’exiger leur libération.

Monsieur le sénateur Harder, pourquoi le gouvernement Trudeau a-t-il abandonné ces deux Canadiens? Qui négocie leur libération, et pouvez-vous nous donner le nom du négociateur en chef, du responsable de ce dossier précis entre le Canada et la Chine?

Le sénateur Harder : Monsieur le sénateur, je vous incite à un peu plus de retenue. Des Canadiens sont en prison. Ils sont dans une situation très difficile. Je ne pense pas que c’est en poussant les hauts cris que vous les aiderez ou que vous leur apporterez un quelconque réconfort.

Je peux confirmer que des visites consulaires ont eu lieu ces derniers jours. Je peux confirmer que le gouvernement du Canada, de concert avec des pays aux vues similaires — ce qui est une mesure sans précédent de leur part —, déploie des efforts en vue de faire avancer ce dossier consulaire.

Il faudrait également résister à la tentation de mettre toute la faute sur le premier ministre, comme l’honorable sénateur tient tant à le faire. En l’occurrence, il s’agit de décisions prises par le gouvernement chinois. La décision concernant l’extradition ou l’extradition potentielle de Mme Meng, quant à elle, relève strictement du système judiciaire canadien.

Il est important que nous ne cherchions pas à obtenir un avantage partisan dans une situation où des vies canadiennes sont en jeu.

[Français]

Réponse différée à une question orale

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer la réponse à la question orale posée le 21 mars 2019, par l’honorable sénatrice Dupuis, concernant les œuvres protégées par le droit d’auteur.

Le patrimoine canadien

Les œuvres protégées par droit d’auteur

(Réponse à la question posée le 21 mars 2019 par l’honorable Renée Dupuis)

Notre gouvernement est soucieux de veiller à ce que le cadre législatif de la Loi sur le droit d’auteur puisse permettre aux Canadiens d’avoir accès à du contenu de qualité, tout en s’assurant du respect des droits d’auteurs et de la vitalité des industries créatives, incluant celle de l’édition du livre.

À cette fin, le ministre de l’Innovation, des Sciences et du Développement économique et le ministre du Patrimoine canadien et du Multiculturalisme ont écrit au Comité permanent de l’industrie, des sciences et de la technologie et au Comité permanent du patrimoine canadien dans le cadre de leurs examens respectifs de la Loi sur le droit d’auteur pour leur faire part des préoccupations qui ont été partagées avec eux au sujet de l’état du marché canadien de l’édition.

Les comités parlementaires déposeront leurs rapports dans les semaines à venir et nous attendons avec intérêt leurs recommandations.

Dépôt de réponses à des questions inscrites au Feuilleton

Les finances—Le Programme d’incitation pour congrès étrangers et voyages organisés

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) dépose la réponse à la question no 89, en date du 10 mai 2018, inscrite au Feuilleton et Feuilleton des préavis au nom de l’ancienne sénatrice l’honorable Nancy Greene Raine, concernant le Programme d’incitation pour congrès étrangers et voyages organisés – Finance Canada.

Le tourisme, les langues officielles et la francophonie—Le Programme d’incitation pour congrès étrangers et voyages organisés

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) dépose la réponse à la question no 89, en date du 10 mai 2018, inscrite au Feuilleton et Feuilleton des préavis au nom de l’ancienne sénatrice l’honorable Nancy Greene Raine, concernant le Programme d’incitation pour congrès étrangers et voyages organisés – Tourisme, Langues officielles et la Francophonie.

Le revenu national—Le Programme d’incitation pour congrès étrangers et voyages organisés

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) dépose la réponse à la question no 89, en date du 10 mai 2018, inscrite au Feuilleton et Feuilleton des préavis au nom de l’ancienne sénatrice l’honorable Nancy Greene Raine, concernant le Programme d’incitation pour congrès étrangers et voyages organisés – Agence du revenu du Canada.

La sécurité publique et la protection civile—Le nombre de points de vente illégaux de cannabis que la GRC a fermés

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) dépose la réponse à la question no 120, en date du 18 mars 2019, inscrite au Feuilleton et Feuilleton des préavis au nom de l’honorable sénateur Boisvenu, concernant le nombre de points de vente de cannabis que la GRC a fermés.

La justice et le procureur général du Canada—Les plaintes se rapportant à la Déclaration des droits des victimes

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) dépose la réponse à la question no 123, en date du 18 mars 2019, inscrite au Feuilleton et Feuilleton des préavis au nom de l’honorable sénateur Boisvenu, concernant les plaintes se rapportant à la Déclaration des droits des victimes.

Le revenu national—Les montants dépensés par l’Agence du revenu du Canada—L’évasion fiscale

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) dépose la réponse à la question no 125, en date du 21 mars 2019, inscrite au Feuilleton et Feuilleton des préavis au nom de l’honorable sénateur Downe, concernant les dépenses de l’Agence du revenu du Canada – l’évasion fiscale.

La sécurité publique et la protection civile—La division C de la GRC—Les postes désignés selon la langue

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) dépose la réponse à la question no 127, en date du 3 avril 2019, inscrite au Feuilleton et Feuilleton des préavis au nom de l’honorable sénateur Boisvenu, concernant la Division C de la GRC – postes par langue.

Les ressources naturelles—Les exportations de pétrole brut

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) dépose la réponse à la question no 128, en date du 3 avril 2019, inscrite au Feuilleton et Feuilleton des préavis au nom de l’honorable sénateur Boisvenu, concernant les exportations de pétrole brut.


[Traduction]

ORDRE DU JOUR

La Loi sur les océans
La Loi fédérale sur les hydrocarbures

Projet de loi modificatif—Message des Communes—Motion d’adoption de l’amendement des Communes—Ajournement du débat

Le Sénat passe à l’étude du message de la Chambre des communes concernant le projet de loi C-55, Loi modifiant la Loi sur les océans et la Loi fédérale sur les hydrocarbures :

Le lundi 13 mai 2019

Il est ordonné,—Qu’un message soit envoyé au Sénat pour informer leurs Honneurs que, en ce qui concerne le projet de loi C-55, Loi modifiant la Loi sur les océans et la Loi fédérale sur les hydrocarbures, la Chambre propose que l’amendement 1 soit modifié en remplaçant le texte de l’amendement par le texte suivant :

« (4) S’il prend un arrêté au titre du paragraphe (2), le ministre publie, de toute façon qu’il estime indiquée, un rapport :

a) précisant l’espace maritime désigné par l’arrêté;

b) résumant les consultations menées avant la prise de l’arrêté;

c) résumant les renseignements, qui peuvent notamment être de nature environnementale, sociale, culturelle ou économique, dont il a tenu compte pour la prise de l’arrêté. ».

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) propose :

Que le Sénat agrée l’amendement que la Chambre des communes a apporté à l’amendement 1 du Sénat au projet de loi C-55, Loi modifiant la Loi sur les océans et la Loi fédérale sur les hydrocarbures;

Qu’un message soit transmis à la Chambre des communes pour l’en informer.

 — Honorables collègues, j’interviens aujourd’hui au sujet du message reçu de l’autre endroit concernant les modifications que le Sénat a apportées au projet de loi C-55, Loi modifiant la Loi sur les océans et la Loi fédérale sur les hydrocarbures.

Avant de commencer, j’aimerais remercier les membres du Comité des pêches, qui ont accompli un travail remarquable sur le projet de loi, ainsi que tous les sénateurs qui ont participé aux débats dans cette enceinte. Je remercie tout particulièrement la sénatrice Bovey pour l’excellent travail qu’elle a fait à titre de marraine du projet de loi. C’est grâce à son dévouement pour la protection et la conservation des océans que nous avons pu faire progresser le projet de loi jusqu’à ce point et que nous pouvons espérer en être rendus à une décision définitive à son sujet.

Le message dont nous sommes saisis rejette deux amendements proposés par le Comité sénatorial des pêches. Toutefois, l’autre endroit a accepté l’intention de l’un des amendements en proposant un nouvel amendement qui porte sur les changements souhaités par le sénateur McInnis. L’amendement proposé garantit que le gouvernement procédera aux consultations déjà prévues dans la Loi sur les océans en exigeant qu’elles soient publiées lors de la prise d’un arrêté visant à assurer une protection provisoire. De plus, l’amendement prévoirait que l’emplacement géographique qu’on envisage de protéger provisoirement ainsi que d’autres renseignements pertinents soient dévoilés au moment de la prise de l’arrêté.

Vous vous rappellerez d’ailleurs qu’au stade de la troisième lecture, certains sénateurs se sont demandé si les amendements proposés par le Comité des pêches ne faisaient pas double emploi. Je pense néanmoins que nous conviendrons tous qu’ils ont été proposés dans une bonne intention et en pensant à l’intérêt des Canadiens. Pendant l’examen du projet de loi au comité, des représentants du ministère ont indiqué que les directives du Cabinet et les lois en vigueur exigent déjà les mesures visées par les amendements des sénateurs McInnis et Patterson. Autrement dit, tous les mécanismes juridiques nécessaires sont déjà en place pour respecter le but des amendements.

L’amendement du sénateur McInnis aurait exigé la publication de l’emplacement géographique approximatif de la zone de protection marine proposée et d’une évaluation préliminaire des habitats et des espèces dans cette zone ayant besoin de protection. Or, cette information est déjà exigée par la Directive du Cabinet sur la réglementation, qui prévoit que les processus doivent être ouverts et transparents.

La sénatrice Bovey en a donné un très bon exemple pratique dans son discours à l’étape de la troisième lecture. Elle a indiqué qu’il était déjà possible de voir sur Internet tout site d’intérêt avant la désignation officielle de zone de protection marine, ainsi que toute l’information pertinente.

Au comité, le sénateur McInnis a fait une observation qui a été mentionnée par le sénateur Christmas à la troisième lecture :

Les ouï-dire et les déclarations non fondées peuvent bouleverser la vie des intervenants. […] Nous ne pouvons pas continuer à créer un voile d’incertitude quant au sort que la [zone de protection marine] ou la [zone de protection marine] provisoire réserve aux collectivités de ces régions. [...] Les rumeurs qui courent sur les régions géographiques qui seront couvertes causent des problèmes.

Je tiens à ajouter que ce type de déclarations sur la nécessité d’assurer la disponibilité de l’information sèment l’émoi et la méfiance au sein de la population. Il existe déjà de l’information sur les sites d’intérêt. Alors, pourquoi le Sénat met-il en doute l’existence de ces renseignements?

Je tiens à confirmer aujourd’hui qu’il existe des renseignements sur les zones de protection marine proposées. De plus, des renseignements sur l’emplacement géographique des sites d’intérêt sont actuellement disponibles en ligne.

En ce qui concerne l’amendement proposé par le sénateur Patterson, on nous a dit à maintes reprises que les articles 29 à 33 de la Loi sur les océans, qui décrivent explicitement les exigences de consultation à respecter lors de l’adoption de toute mesure relative à la désignation d’une zone de protection marine ou à la mise en place de protections provisoires, répondent déjà au besoin qui y est énoncé. Le but de cet amendement est aussi couvert par la Directive du Cabinet sur la réglementation, qui exige que le gouvernement fasse preuve d’ouverture et de transparence.

Dans son discours à l’étape de la troisième lecture, le sénateur Patterson a affirmé que l’arrêté de protection provisoire n’aurait pas à franchir l’étape de la publication dans la Gazette. C’est inexact. Aux termes de la Loi sur les textes réglementaires, tous les règlements proposés doivent être publiés dans la Gazette. On suivra le même processus pour que l’arrêté de protection provisoire soit assorti de mesures réglementaires applicables aux activités permises dans le cadre du concept de gel de l’empreinte. Un tel arrêté sera aussi assorti d’autres mesures réglementaires concernant le secteur géographique et les objectifs en matière de conservation. Il faudra donc que l’arrêté de protection provisoire soit assujetti au processus de la Gazette.

Le message de l’autre endroit ne fait pas qu’affirmer que les amendements sont redondants. Il fait aussi ressortir l’objet du projet de loi C-55, qui est de protéger plus rapidement les aires marines.

Il faut évidemment souligner que les océans connaissent un grave déclin. La catastrophe environnementale en cours dans le monde constitue une menace urgente et croissante pour de nombreuses économies et cultures régionales du Canada, ainsi que pour les espèces marines que nous avons l’obligation de protéger.

J’aimerais aussi parler des consultations, un sujet important. Beaucoup de choses ont été dites sur la nécessité de tenir de vastes consultations, qui respectent les droits des partenaires autochtones. Soyons clairs : la norme devrait toujours être de mener des consultations sérieuses, et les sénateurs ont raison d’insister sur ce principe. Toutefois, je crois que la lettre de l’Association inuite du Qikiqtani portant sur les consultations prévues dans le projet de loi C-55 dit tout :

(1500)

Pour l’Association, il ne s’agit pas d’une question théorique. Depuis trois ans, nous travaillons en collaboration — main dans la main — avec le gouvernement fédéral pour négocier les modalités finales relatives à la création d’aires marines de conservation [...] L’Association est également résolue à examiner la protection d’une zone [...] que les Inuits appellent « Tuvaijiuttuq » [...]

Par ailleurs, le gouvernement du Canada, l’Association inuite du Qikiqtani et le gouvernement du Nunavut ont signé un protocole d’entente pour collaborer afin de trouver une façon de créer une aire marine protégée dans Tuvaijiuttuq, aussi appelé le bassin de l’Extrême-Arctique.

À mon avis, il s’agit d’un excellent exemple du type de véritable partenariat que l’on établit de plus en plus sur le terrain pour protéger les aires marines et côtières et pour collaborer avec des partenaires autochtones dans le but de protéger les océans.

Pour ma part, c’est ce que m’ont dit les dirigeants des Premières Nations côtières du Nord-Ouest du Pacifique au sujet d’une autre question dont le Sénat est saisi.

Nous savons également que le bassin de l’Extrême-Arctique figure au budget de 2019 et que des fonds sont consacrés à son éventuelle désignation. Je dis éventuelle, car même si l’on concluait un accord en vertu du protocole d’entente demain, il ne pourrait pas être désigné avant la fin de l’année, voire l’an prochain, conformément à la Loi sur les océans.

Cependant, en adoptant le message à l’étude et le projet de loi C-55, nous pouvons accélérer ce processus et veiller à ce que cette aire jouisse de la protection provisoire voulue pendant que les consultations se poursuivent en vue d’éclairer la décision, qui sera prise d’ici cinq ans.

J’ajouterais également que la proposition initiale de l’Association inuite du Qikiqtani prévoit l’investissement de 260 millions de dollars répartis sur sept ans pour les infrastructures marines et communautaires, les initiatives d’intendance, le développement communautaire et la gouvernance relativement à l’aire désignée du bassin de l’Extrême-Arctique.

Honorables sénateurs, les océans du monde, leur température, leur composition chimique, leurs courants et la vie qu’ils abritent façonnent les systèmes mondiaux qui rendent la planète habitable pour l’être humain. La pluie, l’eau potable, le temps qu’il fait, le climat, les littoraux, une bonne partie de notre nourriture et même l’oxygène dans l’air que nous respirons nous les devons, en fin de compte, à la mer.

Une gestion minutieuse de cet habitat planétaire fragile est un aspect clé d’un avenir durable. Toutefois, le temps presse, et vu l’extinction massive des espèces qui est en cours, il faut agir rapidement.

J’espère que nous appuierons tous le message de sorte que les aires marines et côtières du Canada, telles que le bassin de l’Extrême-Arctique, jouissent de la protection dont elles ont besoin et qu’elles méritent. Merci.

L’honorable Patricia Bovey : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui au sujet du message que nous avons reçu de l’autre endroit relativement aux amendements du Sénat au projet de loi C-55, Loi modifiant la Loi sur les océans et la Loi fédérale sur les hydrocarbures.

Si je peux me le permettre, j’aimerais offrir mes meilleurs souhaits au ministre des Affaires intergouvernementales et du Nord et du Commerce intérieur pour un prompt et complet rétablissement. J’espère qu’il retrouvera la santé bientôt. Nous sommes de tout cœur avec lui.

Je tiens aussi à remercier le ministre actuel des Pêches, des Océans et de la Garde côtière canadienne et les membres de son personnel pour tout leur soutien.

Comme vous le savez tous, selon moi, les deux amendements que nous avons envoyés à l’autre endroit étaient redondants, mais j’étais favorable au projet de loi modifié. Cela dit, en tant que marraine du projet de loi, je suis heureuse de voir que le gouvernement fait preuve d’ouverture à l’égard des sénateurs et qu’il a tenu compte des préoccupations concernant le projet de loi C-55 qui ont été soulevées dans cette enceinte. Le message qui est à l’étude aujourd’hui vise à accroître le niveau de transparence du processus de désignation d’une zone de protection marine provisoire proposé dans le projet de loi C-55.

Selon la proposition à l’étude, le ministre publiera un rapport contenant des renseignements sur la zone géographique, un résumé des consultations préalables et un résumé des renseignements dont le ministre a tenu compte pour prendre l’arrêté. Je crois, comme le sénateur Harder, que cela irait dans le même sens que l’amendement proposé par le sénateur McInnis, puisque le gouvernement serait tenu de mener les consultations que prévoit déjà la Loi sur les océans. Il serait tenu, en effet, de communiquer le résumé de ces consultations de même que la description de la zone géographique avant la prise de l’arrêté de protection provisoire.

Je tiens à répéter que j’ai des réticences au sujet de l’amendement proposé par le sénateur Patterson, qui n’a pas été accepté à la lumière de l’analyse juridique proposée par M. Bankes, professeur à l’Université de Calgary :

Comme l’amendement proposé ne s’appliquerait qu’à la création d’aires marines protégées par arrêté ministériel et non à la création d’aires marines protégées par décret et prise de règlement, il devrait être plus difficile de recourir au processus de l’arrêté ministériel que de prendre un règlement.

Dans le contexte actuel, nous ne pouvons pas nous permettre de ralentir les efforts qui visent à protéger les océans. Par ailleurs, je suis consciente des attentes des intéressés comme l’Association inuite du Qikiqtani, qui ont négocié nos ententes et attendent l’adoption du projet de loi C-55 pour faire avancer le processus en se fondant sur un arrêté de protection provisoire qui mènera à la détermination d’une aire protégée d’ici cinq ans.

Chers collègues, ce projet de loi vise à donner une option pour protéger provisoirement des zones marines jugées écosensibles. Le projet de loi C-55 permettrait au ministre de geler l’empreinte d’activités en cours après des consultations initiales. Ce gel serait en place pendant une période de cinq ans, pendant laquelle les consultations et les études scientifiques se poursuivraient. À la fin de la période de cinq ans, le ministre soit désignerait la zone comme zone de protection marine permanente, en se basant sur les résultats des consultations et des études, soit abrogerait l’arrêté provisoire.

Il a été démontré que, dans le régime actuel, le processus prend de 7 à 10 ans, ce qui est beaucoup trop long lorsqu’une zone écosensible est en jeu. De plus, aucune protection provisoire ne pourrait être donnée pour ces zones au cours du processus de désignation d’une zone de protection marine. Le projet de loi C-55 met en place un processus plus rapide et des mesures de protection provisoires tout en maintenant les consultations et les études scientifiques sur lesquelles se fonde la désignation des zones de protection marine.

Un rapport de 2012 du commissaire à l’environnement et au développement durable arrivait à la conclusion suivante :

Au cours des 20 années ayant suivi la ratification de la Convention des Nations Unies sur la diversité biologique par le Canada, 10 [aires marines protégées] fédérales ont été créées par Pêches et Océans Canada et par Parcs Canada, dans le cadre de leurs programmes relatifs aux [aires marines protégées]. Les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux, ainsi que les organisations non gouvernementales, protègent collectivement à ce jour environ 1 p. 100 des océans et des Grands Lacs du Canada grâce aux [aires marines protégées]. Au rythme actuel, il faudra plusieurs décennies pour que le Canada établisse un réseau d’aires marines protégées entièrement fonctionnel et atteigne l’objectif de conservation de 10 p. 100 des zones marines, fixé en 2010 aux termes de la Convention des Nations Unies sur la diversité biologique.

En outre, le commissaire indique qu’il a fallu plus de 20 ans à Parcs Canada pour mettre en place la réserve de parc national, la réserve d’aire marine nationale de conservation et le site du patrimoine haïda Gwaii Haanas, et plus de 10 ans à Pêches et Océans Canada pour établir l’aire marine protégée de Tarium Niryutait. Selon moi, c’est beaucoup trop long, étant donné la menace qui plane sur les océans à l’heure actuelle.

Incidemment, les Nations Unies ont publié la semaine dernière le rapport d’évaluation mondiale sur la biodiversité et les services écosystémiques, qui traite des changements qui se sont produits sur la planète au cours des cinq dernières décennies. Le rapport, auquel ont contribué quelque 450 experts de 50 pays, augure très mal de notre avenir si nous ne nous attaquons pas aux enjeux qui se posent maintenant.

Selon les auteurs :

La santé des écosystèmes dont nous dépendons, ainsi que toutes les autres espèces, se dégrade plus vite que jamais. Nous sommes en train d’éroder les fondements mêmes de nos économies, nos moyens de subsistance, la sécurité alimentaire, la santé et la qualité de vie dans le monde entier.

En ce qui concerne les océans, le rapport révèle notamment que le tiers des mammifères marins sont menacés, que 66 p. 100 des milieux marins ont été modifiés par l’activité humaine, que 33 p. 100 des stocks de poisson d’eau salée ont été exploités à des niveaux non durables et que la pollution par les plastiques a été multipliée par 10 depuis 1992.

Sénateurs, nous devons agir plus rapidement tout en adoptant des solutions responsables et transparentes pour protéger les écosystèmes marins vulnérables. Le projet de loi à l’étude propose une solution au problème constaté il y a sept ans.

C’est pour cette raison que j’exhorte les sénateurs à approuver ce message afin que nous puissions nous mettre à l’œuvre pour protéger les océans, qui ont plus que jamais besoin de notre protection. Merci.

(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)

(1510)

Projet de loi sur les langues autochtones

Deuxième lecture—Report du débat

À l’appel des affaires du gouvernement, projets de loi, deuxième lecture, article no 3, par l’honorable Murray Sinclair :

Deuxième lecture du projet de loi C-91, Loi concernant les langues autochtones.

L’honorable Murray Sinclair : Honorables sénateurs, j’avais l’intention de prononcer mon discours aujourd’hui, mais je vais plutôt demander que cet article soit reporté à demain. C’est que je dois participer à l’étude article par article du projet de loi C-75 que mènera le Comité des affaires juridiques. Je demande que cet article soit reporté à demain.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Honorables sénateurs, êtes-vous d’accord pour que cet article soit reporté à demain?

Des voix : D’accord.

(Le débat est reporté.)

[Français]

Le Sénat

Motion tendant à constituer un Comité spécial sur l’indépendance des poursuites judiciaires—Motion d’amendement—Recours au Règlement—Report de la décision de la présidence

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Pratte, appuyée par l’honorable sénateur Marwah,

Qu’un Comité spécial sur l’indépendance des poursuites judiciaires soit formé pour examiner et faire rapport sur l’indépendance du Service des poursuites pénales du Canada et du procureur général du Canada;

Que le comité soit composé de six sénateurs du Groupe des sénateurs indépendants, de trois sénateurs conservateurs et d’un sénateur indépendant libéral, désignés par le Comité de sélection, et que le quorum soit constitué de quatre membres;

Que le comité examine et fasse rapport sur la séparation des fonctions du ministre de la Justice et de celles du procureur général du Canada, et sur d’autres initiatives visant à promouvoir l’intégrité de l’administration de la justice;

Que, de plus, le comité examine et fasse rapport sur les accords de réparation, tel que le prévoit la PARTIE XXII.1 du Code criminel, en particulier, l’interprétation appropriée des considérations d’intérêt économique national mentionnées au paragraphe 715.32(3) du Code criminel;

Que le comité soit habilité à convoquer des personnes, à obtenir des documents et des dossiers, à interroger des témoins et à faire publier au jour le jour les documents et témoignages dont il peut ordonner la publication;

Que, nonobstant l’article 12-18(1) du Règlement, le comité soit autorisé à se réunir même si le Sénat siège à ce moment-là;

Que, nonobstant l’article 12-18(2)b)(i) du Règlement, le comité soit habilité à se réunir du lundi au vendredi, même si le Sénat est alors ajourné pour une période de plus d’une semaine;

Que le comité soit habilité à faire rapport de temps à autre et présente son rapport final au plus tard le 1er juin 2019, et qu’il conserve tous les pouvoirs nécessaires pour diffuser ses conclusions dans les 30 jours suivant le dépôt du rapport final.

Et sur la motion d’amendement de l’honorable sénateur Plett, appuyée par l’honorable sénateur Wells,

Que la motion ne soit pas maintenant adoptée, mais qu’elle soit modifiée par :

1.Substitution des mots « Qu’un Comité spécial sur l’indépendance des poursuites judiciaires soit formé pour examiner et » par les mots « Que le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles soit autorisé à examiner pour en »;

2.Suppression du paragraphe qui commence avec les mots « Que le comité soit composé de six sénateurs »;

3.Suppression du paragraphe qui commence avec les mots « Que le comité soit habilité à convoquer des personnes »;

4.Suppression des mots « soit habilité à faire rapport de temps à autre et ».

L’honorable Pierrette Ringuette : Honorables sénateurs, je veux soulever un rappel au Règlement au sujet de l’amendement proposé par le sénateur Plett à la motion no 474.

En bref, j’affirme que l’amendement du sénateur Plett est irrecevable.

[Traduction]

D’entrée de jeu, je veux qu’il soit clair que j’invoque le Règlement dans le seul but d’assurer l’intégrité de la procédure. Je crois qu’il serait malheureux de créer un précédent permettant aux sénateurs de se servir de tactiques liées à la procédure pour faire dérailler des motions dont l’objectif est de créer un comité spécial pour étudier une question d’intérêt public importante pour les Canadiens.

On trouve à la page 90 de La procédure du Sénat six facteurs qui déterminent la recevabilité d’un amendement à une motion. Selon un de ces facteurs, l’amendement ne peut pas rejeter la substance même de la motion principale. Comme l’a affirmé la présidence dans la décision qu’elle a rendue au sujet de la motion no 435, motion qui a depuis été retirée, « dans la mesure où [un] amendement [...] vise le rejet de la motion [...] il est justifié de s’en préoccuper ».

La motion principale, présentée par le sénateur Pratte, propose la constitution d’un comité spécial sur l’indépendance des poursuites judiciaires. L’objectif même de la motion principale est de constituer ce comité spécial. C’est prévu dans toute première ligne de la motion. Les discours prononcés au cours du débat par les sénateurs Pratte, Miville-Dechêne et Batters sont axés sur la création du comité spécial.

(1520)

Un examen du hansard montre que la motion no 474 est désignée comme suit : « Motion tendant à constituer un Comité spécial sur l’indépendance des poursuites judiciaires ».

Bref, l’amendement du sénateur Plett élimine le pilier de la motion no 474, car l’essence et le fond de l’amendement visent à modifier la motion de sorte que le Sénat ne forme pas un Comité spécial sur l’indépendance des poursuites judiciaires. L’amendement du sénateur Plett équivaut à un rejet de la caractéristique fondamentale de la proposition du sénateur Pratte. « [...] Beauchesne et La procédure et les usages de la Chambre des communes prévoient qu’une proposition qui est contraire à l’objet d’une motion principale ou qui constitue une nouvelle proposition ne devrait pas faire l’objet d’un amendement déposé devant le Sénat. Elle nécessite un préavis distinct. »

Honorables sénateurs, même si on suppose que l’amendement n’est pas perçu comme une modification négative élargie ou comme un rejet catégorique de la motion no 474, il est toujours irrecevable parce qu’il mine le principe de la motion no 474 et en dépasse la portée.

Sur ce point, Son Honneur a récemment noté ce qui suit dans sa décision du 4 avril 2018 :

La question de la recevabilité des amendements est souvent soulevée en ce qui concerne des changements proposés aux projets de loi. Dans ces cas, des questions de principe, de pertinence et de portée ont été examinées régulièrement. Comme il est indiqué dans une décision du 9 décembre 2009 :

En général, on considère que le principe d’un projet de loi est l’idée qui le sous-tend. La portée du projet de loi correspond aux paramètres fixés par le projet de loi pour atteindre les buts ou objectifs visés, ou aux mécanismes généraux envisagés pour parvenir aux fins voulues [...]

Même si on conclut que l’amendement n’est pas un amendement équivalent à un rejet général, dans d’autres précédents du Sénat il a été décidé que les amendements qui visent à ajouter d’importants nouveaux éléments à une motion étaient irrecevables. J’aimerais porter à l’attention des honorables collègues la décision du 9 septembre 1999 qui concerne un amendement qui visait à ajouter la Croatie dans le cadre d’une enquête sur les actions des Forces canadiennes en Somalie, ainsi que la décision du 19 septembre 2000 qui traitait d’un amendement qui aurait ajouté à une proposition visant à établir de nouveaux comités des éléments liés à la taille de tous les comités et au processus de sélection des membres.

La motion no 474 vise à ce que le Sénat forme un comité spécial sur l’indépendance des poursuites judiciaires pour examiner certains points qui y sont précisés. De plus, elle prévoit des paramètres ou des mécanismes généraux afin d’atteindre ses objectifs, et ceux-ci exigent clairement la formation d’un comité spécial. En supprimant la formation du comité spécial sur l’indépendance des poursuites judiciaires de la motion no 474 et en transformant la motion en ordre de renvoi au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, l’amendement du sénateur Plett mine le principe de la motion no 474 et ne respecte pas les paramètres établis en vue d’atteindre les objectifs de cette dernière. Par conséquent, l’amendement devrait être jugé irrecevable.

Je vais donner des exemples plus récents pour illustrer mon point. Dans les débuts de la présente législature, l’ancien sénateur Watt avait proposé la formation d’un comité spécial sur l’Arctique. Sa motion indiquait ceci :

Qu’un Comité spécial sur l’Arctique soit formé pour examiner les changements importants et rapides qui se produisent dans l’Arctique et les effets de ces changements sur les premiers habitants;

Aurait-on jugé recevable de retirer le fond de la motion du sénateur Watt en supprimant le passage sur la formation d’un comité spécial sur l’Arctique et en transformant la motion en ordre de renvoi au Comité sénatorial permanent des peuples autochtones? Je ne crois pas. Un tel amendement aurait été jugé irrecevable et allant à l’encontre du principe même de la motion du sénateur Watt.

Plus tôt dans la législature, notre estimé collègue le sénateur Mercer a proposé que l’on mette sur pied un comité spécial sur le secteur de la bienfaisance. Sa motion se lisait ainsi :

Qu’un Comité spécial sur le secteur de la bienfaisance soit formé pour examiner l’impact des lois et politiques fédérales et provinciales gouvernant les organismes de bienfaisance, les organismes à but non lucratif, les fondations et autres groupes similaires, et pour examiner l’impact du secteur volontaire au Canada;

Aurait-on jugé recevable un amendement visant à enlever de la motion la proposition de créer un comité spécial sur le secteur de la bienfaisance et à transformer cette motion en ordre de renvoi au Comité sénatorial permanent des finances nationales? Encore une fois, je crois qu’une telle manœuvre aurait été jugée irrecevable.

[Français]

Je crois fortement que l’amendement du sénateur Plett à la motion no 474 élimine de la proposition initiale ce qui a trait à la création d’un comité spécial sur l’indépendance des poursuites judiciaires pour transformer la motion en un ordre de renvoi au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles.

Je suis donc convaincue que l’amendement du sénateur Plett est tout à fait irrecevable. Je vous remercie.

[Traduction]

L’honorable Donald Neil Plett : Je suis surpris qu’on puisse applaudir cela, mais c’est pourtant ce qui s’est produit.

Le sénateur dont on a jugé l’amendement irrecevable parce qu’il vidait complètement la motion de sa substance — car l’amendement changeait tout dans ma motion à l’exception d’un seul mot — offre son appui dans ce cas-ci. C’est incroyable.

Chers collègues, je suis pratiquement sans voix, et je sais que nombre d’entre vous en sont étonnés. Comme je l’ai dit l’autre jour, l’amendement que j’ai présenté ne change rien du tout à l’objet de la motion. Il ne fait que renvoyer la question à un autre comité, ce que nous demandons depuis le début. C’est ce que nous avons demandé à l’égard de la motion du sénateur Smith, que le sénateur Harder a décidé de vider de sa substance parce qu’il craignait de la voir mise aux voix au Sénat.

(1530)

Puis, nous présentons une autre motion, et la sénatrice qui soutient maintenant que mon amendement est irrecevable propose un amendement à une motion qui vise à discuter l’ingérence dans les poursuites contre SNC-Lavalin, un cas bien précis, et à mener une enquête sur cette question. Or, la sénatrice veut mêler à cette affaire Nigel Wright; Benjamin Perrin, un ancien conseiller spécial; Ray Novak; l’honorable sénateur David Tkachuk; l’honorable Marjory LeBreton; l’honorable Irving Gerstein; et le très honorable Stephen Harper. Ces gens n’ont rien à voir avec ma motion. Apparemment, cette manœuvre a été orchestrée par le leader du gouvernement, qui a donné le texte de l’amendement à la sénatrice...

Des voix : Oh, oh!

Le sénateur Plett : Savez-vous d’où vient cet amendement? Non, vous ne le savez pas. Vous ne savez pas qui est la source.

La sénatrice présente cette motion, une motion frivole, qui tourne en dérision le Sénat, qui en fait une véritable farce. De mon côté, j’ai voulu, de bonne foi, respecter l’objet de la motion initiale. Dès le début, c’était mon intention que le Comité des affaires juridiques et constitutionnelles, qui a été dûment constitué, se penche sur l’affaire de corruption qui a éclaté. La sénatrice ne veut pas que cette histoire fasse l’objet d’une enquête. Elle présente donc des motions frivoles, comme elle l’a fait ici. J’ai présenté une motion qui n’est pas frivole, qui, en fait, porte exactement sur l’intention de ma motion, la motion du sénateur Smith et la motion du sénateur Pratte. L’intention de ma motion, de mon amendement, ne va absolument pas à l’encontre de l’intention de la motion du sénateur Pratte. Elle respecte en tout point la motion du sénateur Pratte.

Je n’ai pas invoqué le Règlement afin que ces foutaises soient retirées de l’amendement, parce qu’elles sont de toute façon irrecevables. C’est contraire au Règlement. Cela n’a rien à voir avec la motion.

Cela dit, je peux m’en accommoder. L’amendement peut rester tel quel. Nous savons qu’il s’agit en fait d’une tactique d’obstruction fondée sur la peur. Tous les sénateurs qui votent pour cette motion et qui pensent qu’elle est pertinente ont peur de la tenue d’un vote sur le sujet. Vous faites donc tout ce que vous pouvez pour éviter un vote.

Le représentant du gouvernement au Sénat vous donne un coup de main. Je n’en reviens pas. Votons. Advienne que pourra. Vous ne voulez pas d’enquête. Vous avez le droit de voter contre la tenue d’une enquête, il n’y a pas de problème.

Je vote selon ma conscience. Je n’ai pas peur d’afficher ma position. Voilà.

Votre Honneur, ce recours au Règlement est tellement frivole et, encore une fois, a tellement simplement pour but de faire de l’obstruction, que je suis certain que vous saurez voir ce que la sénatrice Ringuette essaie de faire. J’espère, Votre Honneur, que vous aurez vite fait de déclarer ce recours au Règlement ridicule irrecevable. Il est temps d’aller de l’avant et de voter sur les motions.

Merci beaucoup.

Des voix : Bravo!

Son Honneur le Président : Avant de vous donner la parole, sénateur Housakos, j’ai une observation à faire : honorables sénateurs, comme je l’ai dit à bien des reprises, dans les débats, nous laissons une grande latitude pour discuter de sujets, d’idées, de mesures législatives et d’observations. Je demande toutefois aux sénateurs de ne pas prêter d’intentions à leurs collègues. Tenons-nous-en au sujet et abordons la question de savoir si ce recours au règlement est valide ou non.

L’honorable Leo Housakos : C’est exactement ce que je vais tenter de faire, Votre Honneur.

Les procédures et les règles parlementaires ont été conçues pour permettre aux caucus et aux sénateurs de mener leurs travaux, de tenter de fixer des objectifs dans le cadre du discours politique et d’obtenir certains résultats. En effet, on utilise parfois les procédures pour contrecarrer des tentatives de passer au vote, comme le sénateur Plett l’a souligné.

Toutefois, nous devons être prudents, car, sénatrice Ringuette, vous avez invoqué le Règlement pour expliquer que, selon vous, l’amendement du sénateur Plett est inadmissible. En réalité, c’est vous qui avez proposé un amendement à la motion du sénateur Plett qui dépasse totalement la portée de cette motion, ainsi que de celle proposée par le sénateur Pratte.

Votre Honneur, pour que ce recours au Règlement puisse faire l’objet d’un examen complet, je propose que nous jetions un coup d’œil sur le discours qu’a prononcé le sénateur Pratte au moment de présenter sa motion initiale. Je mets au défi les sénateurs de me dire ce qui, dans la motion du sénateur Pratte, ressemble le moindrement au contenu de l’amendement proposé par la sénatrice Ringuette à la motion du sénateur Plett. L’amendement du sénateur Plett vise simplement à renforcer la motion du sénateur Pratte.

Dans son allocution, le sénateur Pratte a clairement fait connaître ses intentions — non, il s’agit bien du sénateur Pratte; je suis revenu à la motion initiale. La motion du sénateur Pratte demandait la tenue d’une enquête sur l’affaire SNC-Lavalin. Le sénateur voulait que cette enquête ratisse large, qu’elle soit détaillée. Il voulait qu’elle porte sur les accords de suspension des poursuites et sur la manière dont le ministère de la Justice en fait l’examen. Il voulait qu’on crée un comité indépendant. C’est, en gros, ce qui ressort de la motion du sénateur Pratte. Il en a parlé ici et il en a aussi parlé dans les médias, et son discours a toujours été le même.

La motion d’amendement du sénateur Plett va un cran plus loin et rend l’enquête encore plus valable en la confiant à un comité sénatorial permanent. En effet, l’enquête en question aurait beaucoup plus de mordant et de crédibilité si c’était le Comité de la justice qui la menait, et non un comité spécial. Il s’agit d’une évidence, et cela ne change absolument rien aux objectifs que le sénateur Pratte souhaitait atteindre.

Nous voulions aussi analyser plus en profondeur le scandale SNC-Lavalin. Selon ce que le sénateur Pratte nous a dit, c’était l’intention qu’il poursuivait avec son amendement.

Votre Honneur, avant de donner raison aux sénateurs qui accusent d’autres sénateurs de vider la motion initiale de sa substance, je vous demande de relire la motion initialement présentée par le sénateur Pratte ainsi que la retranscription de son discours et du discours du sénateur Plett. Selon moi, vous constaterez que l’amendement du sénateur Plett permettrait en fait de renforcer la motion du sénateur Pratte et d’atteindre plus rapidement et avec davantage de légitimité l’objectif que le sénateur Pratte disait lui-même vouloir atteindre avec sa motion.

C’est tout ce que je souhaitais dire là-dessus.

L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) : Votre Honneur, je suis d’accord avec le sénateur Housakos. Je ne crois pas du tout que l’amendement du sénateur Plett soit irrecevable, puisque le Comité des affaires juridiques et constitutionnelles siège depuis très longtemps et que ses membres sont compétents en matière d’indépendance de la magistrature et d’autres sujets connexes. Je pense que c’est le lieu opportun où de tels sujets peuvent être examinés soigneusement par l’un de nos comités permanents et qu’il est donc inutile de créer un nouveau comité spécial qu’il faudrait doter de personnel alors que nous avons déjà du mal à trouver des salles de réunion tant sont nombreuses les mesures législatives ministérielles et autres priorités. Il me semble que l’amendement est logique.

Certes, la sénatrice Ringuette a fait allusion à deux autres comités spéciaux que nous avons créés, l’un sur l’Arctique, l’autre sur le secteur de la bienfaisance, mais je fais une distinction entre ces comités et celui que le sénateur Pratte propose dans sa motion, qui a vraiment surpris le Sénat — on ne l’attendait pas étant donné qu’on était en train d’examiner les deux motions liées à SNC-Lavalin. C’était pour nous un sujet prioritaire et le débat est devenu houleux.

La différence entre le comité spécial que propose le sénateur Pratte dans sa motion et les deux autres que nous avons créés, c’est que nous avons présenté les propositions pour ces comités à chacun des caucus et des groupes. Nous en avons longuement discuté et nous en avons parlé lors des réunions préparatoires. Nous avons tous pris une décision et nous étions nombreux à la table de notre caucus à nous interroger sur la pertinence de créer un nouveau comité ou un comité spécial. Ces comités ont leurs propres travaux et nous sommes déjà à court de temps. Nous avons examiné chaque proposition soigneusement avant d’en débattre ici et de tenir un vote.

La motion du sénateur Pratte proposant un comité spécial ne découle pas de discussions que nous aurions eues dans nos groupes et nos caucus. C’était une proposition spontanée. Je ne pense pas qu’il soit raisonnable de comparer cette proposition avec le Comité spécial sur l’Arctique et le Comité spécial sur le secteur de la bienfaisance. Je siège au second comité. Quoi qu’il en soit, j’affirme que ces deux comités font du très bon travail. Néanmoins, j’estime que l’amendement qui vise à renvoyer cette question à un comité permanent est tout à fait recevable.

(1540)

L’honorable Ratna Omidvar : La sénatrice Ringuette a invoqué le Règlement au sujet de la motion no 474 et, en particulier, de l’amendement que propose le sénateur Plett à l’égard de la motion du sénateur Pratte.

Par ailleurs, les sénateurs Plett, Housakos et Martin ont présenté leur point de vue et fait des comparaisons avec la motion no 470. Cette motion n’a fait l’objet d’aucun recours au Règlement. À titre de membre de cette assemblée, je soutiens que nous devrions nous occuper de la motion no 474. Cependant, l’opposition a la prérogative d’invoquer le Règlement au sujet de la motion no 470 en ce qui concerne l’amendement de la sénatrice Ringuette.

[Français]

L’honorable Pierrette Ringuette : Monsieur le Président, honorables sénateurs, je siège au Sénat depuis près de 16 ans et demi et, par respect pour le Règlement du Sénat, que ce soit pour attirer l’attention de la Chambre sur un sujet ou pour soulever un rappel au Règlement, je n’ai à aucun moment prononcé de remarques non respectueuses envers un membre de cette institution. J’aurais espéré qu’on en fasse de même à mon égard.

Je rêve peut-être en couleurs, mais je tiens à vous dire que le Règlement du Sénat et les précédents qui figurent dans nos différents documents de référence... Je vous renvoie à la page 90 de l’ouvrage intitulé La Procédure du Sénat en pratique, qui traite des différentes pratiques ayant trait à la recevabilité des amendements.

De plus, je dois signaler que l’amendement du sénateur Plett est arrivé hier soir, et, peut-être en raison du fait que le document n’a été présenté qu’en anglais, nous n’avons pas reçu de copie de cet amendement. Ce n’est que ce matin, à mon bureau, en relisant les Débats du Sénat d’hier, que j’ai pu prendre connaissance de manière tout à fait relative de l’amendement qui était proposé.

Je vous le répète, je suis persuadée, et peut-être, monsieur le Président, êtes-vous convaincu du contraire, que cette motion est tout à fait irrecevable en ce qui a trait à la procédure. Elle n’est pas recevable parce qu’elle élimine l’élément qui est à la base de la motion, soit la constitution d’un comité spécial.

Sur ce, monsieur le Président, je remets mon rappel au Règlement entre vos mains. Je vous remercie.

[Traduction]

La sénatrice Martin : J’aimerais ajouter un élément étant donné que la sénatrice Ringuette a mentionné que cette motion vise essentiellement à mettre sur pied un comité spécial. Est-ce vraiment l’objet de cette motion? Viserait-elle plutôt à examiner l’indépendance des poursuites judiciaires? Un comité spécial ou le Comité des affaires juridiques pourrait effectuer un tel examen.

Je soutiens que l’amendement proposé par le sénateur Plett ne modifie pas l’essence de la motion, qui est d’examiner un enjeu très important et certaines questions qui y sont liées.

Si l’amendement demandait la création d’un comité spécial pour étudier une question complètement différente, cela changerait l’essence de la motion. Or, j’estime que ce n’est pas le cas. Le Comité des affaires juridiques examinerait quand même cet enjeu et les questions qui y sont liées.

Son Honneur le Président : Je remercie tous les honorables sénateurs de leur contribution au débat. Je vais prendre la question en délibéré.

La réticence face aux vaccins

Interpellation—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur l’interpellation de l’honorable sénatrice Moodie, attirant l’attention du Sénat sur la réticence face aux vaccins et aux menaces correspondantes pour la santé publique au Canada.

L’honorable Rosemary Moodie : Honorables sénateurs, les vaccins sont l’une des interventions en santé publique les plus efficaces. Grâce aux campagnes de vaccinations massives, nous avons éliminé de nombreuses maladies qui étaient autrefois courantes au Canada. Jusqu’à récemment, nous aurions pu affirmer avec certitude que la menace des maladies infectieuses est désormais minime pour les enfants canadiens. Malheureusement, il est possible qu’on ne puisse plus donner de telles assurances.

En 2003, les sous-ministres des ministères de la Santé fédéral, provinciaux et territoriaux ont lancé une stratégie nationale d’immunisation à cinq volets, qui sont les suivants : buts nationaux en matière de vaccination, planification des programmes, innocuité des vaccins, achat des vaccins et réseau de registres d’immunisation. Honorables sénateurs, plus de 15 ans se sont écoulés et les progrès sont insuffisants.

Aucun des buts nationaux n’a été atteint. Nous n’avons pas réussi à créer et à mettre en œuvre un calendrier national uniforme pour les vaccins. Nous n’avons pas été capables de surmonter les questions de chevauchement de compétences et d’établir un réseau national de registres d’immunisation.

Nous avons réussi à rendre les vaccins sûrs et accessibles, mais beaucoup de Canadiens ne sont pas convaincus de leurs bienfaits. De nos jours, les parents hésitent et craignent les risques liés aux vaccins donnés aux enfants, même si les vaccins sont sûrs et faciles d’accès.

Honorables sénateurs, j’aimerais parler de la réticence face aux vaccins. Cette réticence est davantage causée par une vague de désinformation que par un manque de connaissances, ce qui complique la tâche des Canadiens qui souhaitent obtenir des réponses sur l’immunisation qui sont fondées sur des faits.

Il n’y a pas de solution simple au problème de la réticence face aux vaccins. Nombreux sont ceux qui dénigrent les parents hésitant à faire vacciner leurs enfants en disant qu’ils sont illogiques, ignorants ou mal informés, mais ce n’est pas si simple. Il ne faut pas oublier les effets néfastes de la désinformation qui découle de notre propre communauté médicale.

L’article qu’a écrit Andrew Wakefield, qui établit un lien entre l’autisme et le vaccin combiné rougeole-oreillons-rubéole, a été publié dans The Lancet en 1998. Même si la revue s’est rétractée concernant cette étude, on ne peut pas sous-estimer l’effet durable d’une conclusion aussi largement diffusée sur l’opinion publique.

Aujourd’hui, les arguments contre la vaccination ont de multiples facettes. Souvent, ils sont conçus pour que la démarcation entre la vérité et la fiction soit très mince, et ils emploient une terminologie qui entretient la peur qu’éprouvent les parents, tout en créant des obstacles à l’argumentation logique des médecins.

Parmi les arguments que l’on entend souvent, il y a celui selon lequel les vaccins contiendraient des produits chimiques dangereux ou toxiques qui, selon des données probantes, sont liés à des problèmes de santé chroniques. Ou bien on entend que les maladies infectieuses disparaissent toutes seules grâce à l’amélioration des mesures hygiéniques et sanitaires.

Ces arguments contiennent des brins de vérité qui donnent l’impression qu’ils sont légitimes. Effectivement, les vaccins contiennent des produits chimiques en petite quantité sans danger, comme l’aluminium. Ces produits chimiques stimulent la réponse immunitaire pour que le corps produise plus d’anticorps. Certains soutiennent qu’une bonne hygiène a des effets préventifs. Mais même si nous sommes tous conscients du rôle crucial que joue l’hygiène dans la santé publique et même si nous faisons les efforts les plus minutieux qui soient pour toujours avoir les mains propres, le vaccin de la rougeole est un adversaire redoutable, car il peut survivre dans l’air pendant deux heures.

(1550)

Sénateurs, ces arguments n’ont absolument rien de simple et ils ne sont pas inoffensifs. Il n’est décidément pas facile pour les parents canadiens de les rejeter, surtout quand ils sont présentés dans un site Web moderne et accrocheur, comme c’est souvent le cas.

De nombreuses solutions ont été proposées. Des défenseurs des droits des patients et des associations de médecins demandent au gouvernement de mieux soutenir les médecins et les autres cliniciens. Certains experts réclament même que la vaccination soit confiée au secteur de la santé publique plutôt qu’aux cabinets de médecins, comme c’est le cas actuellement. Les arguments proposés laissent entendre que parents et cliniciens doivent avoir plus de temps pour dialoguer, ce qui permettra de corriger les faux renseignements et d’amener les gens à changer d’avis.

Nous savons que lorsqu’on améliore la formation et les outils, les interventions et les résultats s’améliorent aussi. Dans ce contexte, il est essentiel que les professionnels de la santé obtiennent un meilleur soutien public, mais il faudra du temps pour venir à bout de la désinformation qui sous-tend la réticence à la vaccination. Dans l’intervalle, je crois que le gouvernement fédéral pourrait poser des gestes significatifs pour atténuer la réticence à la vaccination et les craintes pour la santé sur lesquelles elle repose. Il pourrait notamment réformer la multitude de calendriers de vaccination disparates, ce méli-mélo n’étant qu’une « parodie de politique publique » selon André Picard, journaliste réputé spécialisé en santé.

Contrairement à d’autres pays développés, tels que l’Australie, où un unique calendrier d’immunisation harmonisé s’applique à tout le pays, chaque province et chaque territoire au Canada définit son propre calendrier de vaccination, ce qui fait que les Canadiens sont vaccinés à différents moments de leur vie selon l’endroit où ils habitent.

Prenons l’exemple du vaccin contre la diphtérie, le tétanos et la coqueluche acellulaire. Au Nunavut, on le reçoit en 6e année. Au Nouveau-Brunswick, en Nouvelle-Écosse et dans les Territoires du Nord-Ouest, c’est en 7e année. En Saskatchewan, c’est en 8e année. La Colombie-Britannique, l’Alberta, le Québec, l’Île-du-Prince-Édouard, Terre-Neuve-et-Labrador et le Yukon, dans toute leur sagesse, l’administrent en 9e année. Au Manitoba les jeunes le reçoivent probablement entre 13 et 15 ans. En Ontario, on le reçoit entre 14 et 16 ans.

C’est un problème.

En 2015-2016, 277 000 Canadiens ont migré d’une province à une autre. Lorsque chaque province adopte une approche distincte à l’égard de la vaccination, un enfant qui déménage risque, selon son âge, de passer entre les mailles du filet ou de recevoir le même vaccin deux fois.

En 2011, la Société canadienne de pédiatrie a réclamé la création d’un calendrier harmonisé afin d’améliorer la santé et la sécurité des enfants et des adolescents canadiens. Elle a déclaré :

La poursuite de voies discordantes ne fait qu’accroître les coûts et fait courir un risque inutile à de nombreux enfants et adolescents.

Comme si ce n’était pas suffisant, certaines provinces ont même des positions contradictoires à l’égard de la vaccination.

En effet, jusqu’à tout récemment, en Ontario, seules les femmes recevaient le vaccin contre le papillomavirus alors que, dans d’autres provinces, on administrait ce vaccin tant aux hommes qu’aux femmes. De telles différences ont amené certains à s’interroger sur les fondements scientifiques des politiques de vaccination. Elles donnent prise aux arguments des personnes qui soutiennent que ces politiques sont élaborées de manière arbitraire.

Vous pouvez sûrement imaginer les questions que les gens se posent. Pourquoi est-ce différent là-bas? Est-ce dangereux pour mon enfant? Quelle province a adopté la bonne approche? Ils se demandent s’ils ne devraient pas attendre que les données scientifiques soient plus claires. C’est cela, la réticence face aux vaccins. En l’occurrence, elle découle d’une décision politique. Pour contrer cette réticence, nous devons élaborer des politiques de vaccination qui inspirent la confiance.

Si nous pouvions suivre les conseils de M. Picard et simplement enfermer dans une pièce tous les ministres de la Santé en refusant de les laisser sortir tant qu’ils n’auraient pas mis en place un unique calendrier de vaccination, nous résoudrions ce problème, pour le plus grand bien de la santé publique au Canada.

Même si je ne recommande pas cette approche, je prône l’établissement d’un dialogue qui pourrait nous aider à trouver une solution préférable.

Un autre grand problème qui se pose, c’est que les provinces et les territoires peuvent tous avoir leur propre système de surveillance de la couverture vaccinale. Par conséquent, les données, les méthodes et même les renseignements jugés pertinents varient en fonction des provinces et des territoires.

Bien que beaucoup de provinces et de territoires aient adopté les registres électroniques, certains utilisent encore des registres sur papier et d’autres une combinaison des deux. En théorie, les bases de données électroniques devraient offrir une couverture pancanadienne. Cependant, en raison du manque de collaboration entre les compétences, l’information recueillie dans chaque province n’est pas vraiment accessible à l’extérieur de la province d’origine. Chers collègues, il s’agit, pour les autorités sanitaires, d’un problème important qui les empêche de dresser un tableau national.

Par conséquent, notre information sur les taux de vaccination est tirée, croyez-le ou non, d’une enquête nationale. En l’absence de données à jour et fiables, les organismes de santé publique — sur lesquels nous comptons tous pour protéger notre santé et celle de nos familles et de nos amis — sont laissés essentiellement dans l’ignorance.

Son Honneur le Président : Je suis désolé, sénatrice Moodie, mais votre temps de parole est écoulé. Demandez-vous cinq minutes de plus?

La sénatrice Moodie : Oui.

Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé?

Des voix : D’accord.

La sénatrice Moodie : Nous savons maintenant que de plus en plus de Canadiens hésitent à avoir recours aux vaccins. Alors qu’il est difficile de changer la culture entourant la vaccination, il est beaucoup plus facile de modifier nos pratiques pour mieux nous protéger. Si les organismes de santé provinciaux et fédéraux avaient accès à des données sur les taux de vaccination, ils seraient mieux outillés pour déterminer les endroits problématiques, cibler le soutien et la formation, informer les travailleurs de la santé et les préparer en vue d’une possible épidémie.

Sans registre national, il est difficile de savoir quelle ville du Canada risque de vivre une situation semblable à celle du comté de Rockland, dans l’État de New York — un endroit au faible taux de vaccination, propice à l’éclosion d’une épidémie.

Les recherches se poursuivent actuellement dans d’autres régions comme le Nunavik. Nous avons déjà une bonne idée des lacunes là-bas. Nous savons que les nourrissons vivant dans l’Arctique canadien présentent le taux le plus élevé d’infection au virus respiratoire syncytial, qui est potentiellement mortel. Ce problème est aggravé par la présence d’obstacles géographiques, systémiques et culturels.

Si ces données sont accessibles, nous pouvons améliorer les résultats en matière de santé, la mobilisation, les campagnes d’information et les taux d’inoculation préventive.

Un registre national des vaccins, avec le soutien et la participation de toutes les provinces, permettrait d’identifier les populations à risque et de prendre les mesures appropriées. Il faut du temps pour informer et convaincre les gens qui ne doutent pas de leurs croyances. Cependant, nous devons nous efforcer de supprimer les sources de désinformation qui sèment la confusion chez les Canadiens et qui mènent les parents à craindre les vaccins plus que les maladies.

Les Canadiens et nos organismes de santé bénéficieraient grandement d’une amélioration dans deux domaines clés : un calendrier de vaccination uniforme dans toutes les provinces et une base de données nationale qui permettrait de recueillir, d’enregistrer et de surveiller les taux de vaccination.

Nous savons qu’il faudra du temps pour vaincre la réticence face aux vaccins; il faudra tenter de trouver des solutions à cet enjeu complexe. Mais les préparatifs en vue de la prochaine épidémie devraient commencer dès aujourd’hui. Je vous remercie de votre attention.

Des voix : Bravo!

(Sur la motion de la sénatrice Omidvar, au nom du sénateur Ravalia, le débat est ajourné.)

Les travaux du Sénat

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, comme il est 16 heures et que la période prévue pour les affaires du gouvernement est terminée, je déclare que, conformément aux ordres adoptés le 4 février 2016 et le 9 mai 2019, la séance est suspendue. La sonnerie convoquant les sénateurs retentira à 17 h 15 pour le vote qui aura lieu à 17 h 30.

(La séance du Sénat est suspendue.)

(1730)

(Le Sénat reprend sa séance.)

Projet de loi modifiant certaines lois et un règlement relatifs aux armes à feu

Troisième lecture—Rejet de la motion d’amendement

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Pratte, appuyée par l’honorable sénateur Wetston, tendant à la troisième lecture du projet de loi C-71, Loi modifiant certaines lois et un règlement relatifs aux armes à feu.

Et sur la motion d’amendement de l’honorable sénateur Richards, appuyée par l’honorable sénatrice Seidman :

Que le projet de loi C-71 ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu’il soit modifié, à l’article 4, à la page 7, par adjonction, après la ligne 30, de ce qui suit :

« (2.4) Le particulier titulaire d’un permis de possession d’armes à feu à autorisation restreinte ou d’armes de poing visées au paragraphe 12(6.1) doit, si son permis est renouvelé, être autorisé, dans sa province de résidence, à les transporter :

a) vers tout lieu où se trouve un agent de la paix, un préposé aux armes à feu ou un contrôleur des armes à feu pour enregistrement, vérification ou disposition en conformité avec la présente loi ou la partie III du Code criminel, et à partir de celui-ci;

b) vers une entreprise titulaire d’un permis l’autorisant à réparer et à évaluer les armes à feu prohibées ou les armes à feu à autorisation restreinte, et à partir de celle-ci;

c) vers une exposition d’armes à feu, et à partir de celle-ci;

d) vers un port de sortie afin de les emporter à l’extérieur du Canada, et à partir d’un port d’entrée. ».

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, le vote porte sur la motion suivante : L’honorable sénateur Richards propose, avec l’appui de l’honorable sénatrice Seidman :

Que le projet de loi C-71 ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu’il soit modifié, à l’article 4, à la page 7, par adjonction, après la ligne 30, de ce qui suit...

Puis-je me dispenser de lire la motion, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

La motion d’amendement de l’honorable sénateur Richards, mise aux voix, est rejetée :

POUR
Les honorables sénateurs

Andreychuk McIntyre
Ataullahjan Mockler
Batters Ngo
Black (Alberta) Oh
Boisvenu Patterson
Carignan Plett
Dagenais Poirier
Duffy Richards
Eaton Seidman
Frum Smith
Greene Stewart Olsen
Griffin Tannas
Housakos Tkachuk
MacDonald Verner
Manning Wallin
Marshall Wells
Martin White—35
McInnis

CONTRE
Les honorables sénateurs

Bellemare Harder
Bernard Joyal
Black (Ontario) Klyne
Boehm Kutcher
Boniface LaBoucane-Benson
Bovey Lovelace Nicholas
Busson Marwah
Campbell Massicotte
Christmas McCallum
Cordy McPhedran
Cormier Mégie
Coyle Mitchell
Dalphond Miville-Dechêne
Dasko Moncion
Dawson Moodie
Day Munson
Deacon (Nouvelle-Écosse) Omidvar
Downe Pate
Duncan Petitclerc
Dupuis Pratte
Dyck Ravalia
Forest Ringuette
Forest-Niesing Saint-Germain
Francis Simons
Gagné Sinclair
Galvez Wetston
Gold Woo—54

ABSTENTIONS
Les honorables sénateurs
Aucun

Troisième lecture—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Pratte, appuyée par l’honorable sénateur Wetston, tendant à la troisième lecture du projet de loi C-71, Loi modifiant certaines lois et un règlement relatifs aux armes à feu.

L’honorable Bev Busson : Honorables sénateurs, c’est un privilège pour moi de m’adresser à vous aujourd’hui pour donner mon appui au projet de loi C-71, Loi modifiant certaines lois et un règlement relatifs aux armes à feu. Selon moi, il s’agit d’un projet de loi important qui tombe à point nommé, car dans le monde où nous vivons, la sécurité n’a jamais eu autant de valeur. C’est d’autant plus vrai qu’à bien des endroits, elle est aussi précaire.

À lui seul, ce projet de loi ne résoudra pas le problème de la violence liée aux armes à feu et ne mettra pas le crime organisé hors jeu. Il n’empêchera probablement même pas les armes à feu de proliférer, mais à mon humble avis, il s’agit à n’en pas douter d’un pas dans la bonne direction. Il constitue également un moyen respectueux et sensé de nous rapprocher de l’équilibre entre les droits et responsabilités des propriétaires d’armes à feu et la nécessité de réglementer la possession d’armes à feu de la manière la moins intrusive possible.

À bien des égards, la culture canadienne est intrinsèquement liée à celle de nos voisins du Sud : nous regardons les mêmes films, nous écoutons la même musique, et cætera. Cela dit, s’il y a un dossier où notre attitude tranche avec celle des Américains, c’est celui des armes à feu. La façon de voir unique du Canada est directement liée à son histoire et à sa Constitution. La Cour suprême du Canada a en effet conclu que la possession d’armes à feu est un privilège et non un droit et que le second amendement de la Constitution des États-Unis, qui porte sur le droit de s’armer, n’a pas sa place dans le paysage constitutionnel canadien.

J’ose espérer que, grâce à ce projet de loi, les Canadiens laisseront quelque chose de mieux aux générations suivantes et qu’ils prendront conscience des conséquences indésirables qui peuvent survenir quand les armes à feu prennent trop de place dans la culture d’un pays.

J’ai grandi avec des armes à feu et mes parents chassaient ensemble, bien que la question de savoir qui était le meilleur tireur constituait toujours une pomme de discorde. J’aime aussi le tir à la cible et la joie que me procure un score parfait — d’accord, cela s’est peut-être produit une seule fois — et je respecte les gens qui aiment cette activité.

À titre d’ancienne agente de la paix, de mère d’un policier, de grand-mère et de citoyenne engagée, j’appuie le projet de loi parce que je crois qu’il est sensé. Toute mesure législative qui a pour effet d’accroître l’efficacité des policiers et, par association, la sécurité des citoyens du Canada, mérite d’être examinée. C’est ce que fait le projet de loi. Il réglemente plus strictement le transport des armes à autorisation restreinte d’un endroit à un autre. Il exige ainsi des propriétaires d’armes à feu qu’ils agissent responsablement en rendant des comptes et en faisant preuve de prudence. Bien sûr, c’est déjà ce que font la majorité des propriétaires légitimes d’armes à feu.

(1740)

Tout permis, y compris le permis de conduire, est soumis à des règlements et assorti de responsabilités.

Ajoutons un peu de contexte. Avant 2015, sauf pour aller au champ de tir, une personne devait obtenir une autorisation de transport pour aller où que ce soit avec son arme. Ce n’était pas automatique. Les armes à feu doivent être traitées avec attention et respect, et les personnes qui en sont propriétaires sont tenues responsables de leur utilisation, de leur transport ou de leur entreposage dans un lieu sûr.

Entre autres problèmes, des règles moins strictes en matière de transport permettraient à des personnes qui détiennent un permis de possession et d’acquisition valide de servir plus facilement d’intermédiaire, c’est-à-dire d’acheter une arme à feu, de la transporter et puis de la vendre légalement à quelqu’un qui utiliserait cette arme à des fins ignobles. En Colombie-Britannique, un seul trafiquant aurait réussi à empocher environ 100 000 $ en utilisant un permis de possession et d’acquisition valide pour acheter des armes à feu et les revendre à des membres de gangs. Le cran de sûreté était enclenché, l’arme n’était pas chargée et elle était même emballée pour la livraison, comme l’exige la loi. Il reste que ces armes posaient un danger pour la population.

Ne vous méprenez pas : le projet de loi ne vise pas les propriétaires légitimes d’armes à feu. Vous ne serez probablement pas étonnés d’apprendre que les nombreuses vérifications effectuées par la police ne sont pas aléatoires ni accidentelles. Les décisions à cet égard sont fondées sur les preuves et les renseignements recueillis dans le cadre d’enquêtes sur des crimes graves, ainsi qu’auprès d’informateurs et d’autres sources. La police a besoin d’outils que la loi l’autorise à utiliser pour saisir des armes trouvées au cours de ces enquêtes.

Dans son témoignage devant le comité, le représentant de l’Association canadienne des chefs de police a ajouté que la loi actuelle contient des zones grises, qui permettent à des gens de transporter dans leur véhicule une arme à autorisation restreinte ou prohibée en toute légalité et pendant de longues périodes. Sur les plans personnel et professionnel, je trouve que c’est inacceptable.

Divers témoins ayant différents points de vue ont aussi parlé des articles 16 et 18, qui visent à remettre entre les mains des experts de la GRC la responsabilité de classifier les armes à feu ou de les faire passer de la catégorie des armes à autorisation restreinte et à celle des armes prohibées. Compte tenu de son mandat, qui consiste à assurer la sécurité des Canadiens, la GRC est chargée de protéger les Canadiens, et je pense qu’il est tout à fait approprié qu’elle recouvre cette responsabilité aux termes du projet de loi C-71. Je crois que le maintien de cette fonction de reclassification entre les mains du gouverneur en conseil reviendrait à confier la prise de décisions aux politiciens plutôt qu’aux experts, qui ont reçu la formation professionnelle nécessaire à cet égard.

Je vous ai dit ce que j’en pensais d’un point de vue policier, mais il y en a d’autres. Je m’inquiète en effet énormément des effets physiques et psychologiques de la violence armée à la fois sur les victimes, les premiers répondants et le personnel soignant qui arrivent sur la scène de l’incident. Une vérification plus rigoureuse des antécédents permettrait de prévenir bien des tragédies. Je ne vous choquerai pas davantage en vous décrivant certaines scènes horribles d’homicide et de suicide que j’ai vues dans ma carrière et où des armes à feu avaient été utilisées. Vous pouvez vous-même imaginer le carnage.

Le problème des maladies mentales s’aggrave dans notre pays. Selon les statistiques, le fait qu’une personne souffrant de maladie mentale puisse avoir accès à une arme à feu augmente le risque d’utilisation de cette dernière dans un acte de violence susceptible de mettre en danger non seulement la personne elle-même, mais aussi son entourage.

Les opposants au projet de loi affirment qu’une arme à feu n’est qu’une arme parmi d’autres et que si on ne peut pas s’en procurer, on utilisera un couteau, un bâton de baseball ou tout autre objet. C’est peut-être vrai, mais l’une des personnes qui ont témoigné au comité sénatorial à l’occasion de l’examen du projet de loi a expliqué que dans un tel scénario, aucun enfant n’a jamais été tué dans une cour de récréation avec un bâton de baseball ou un couteau. De par leur puissance et leur portée, les armes à feu sont tout simplement beaucoup plus dangereuses et mortelles que n’importe quelle autre arme.

Un autre article visant à accroître la sécurité publique porte sur l’élargissement de la portée de la vérification des antécédents : on peut actuellement remonter à un maximum de cinq ans, mais on pourra désormais remonter plus loin. Le monde a changé. N’est-ce pas suffisant d’apprendre qu’il existe un plan d’action et d’évacuation en cas de fusillade dans la plupart des écoles au Canada? Il n’y a tout simplement pas de mots pour exprimer la terreur que suscite ne serait-ce que l’idée d’une telle éventualité. Par conséquent, nous devons changer notre mode de pensée à l’égard des lois sur les armes à feu.

Approfondir la vérification des antécédents fera ressortir davantage de renseignements, ce qui donnera de meilleures chances d’intervenir et, ce faisant, de réduire le nombre de tragédies causées par un tireur actif, et écartera le terrible spectre du suicide et de la violence familiale impliquant des armes à feu.

Selon Statistique Canada, le suicide était la neuvième cause de mortalité au Canada en importance en 2016 : 3 978 personnes en tout se sont suicidées cette année-là.

En 2016, 723 personnes sont mortes au Canada des suites de blessures causées par une arme à feu. Parmi ces décès, 75 p. 100 étaient des suicides, 19 p. 100 étaient des homicides et 2 p. 100 ont été qualifiés d’accidentels.

Selon une source, la présence d’une arme à feu à la maison multiplie par cinq le risque de suicide et elle augmente le risque d’homicide en milieu familial et d’accidents. De plus, ce mémoire indique que, dans une grande partie des suicides par arme à feu, celle-ci n’appartenait pas à la victime. Par conséquent, les mesures de contrôle de l’accès aux armes à feu protègent non seulement les propriétaires d’armes à feu, mais aussi leur entourage.

Au sujet de la violence familiale, une lettre adressée au Comité permanent de la sécurité publique et nationale de la Chambre des communes dit ceci :

Lorsqu’on détermine le risque de violence familiale et domestique, les armes à feu restent le facteur unique de létalité le plus important [...]

Le contexte de menace continue d’évoluer, comme le montre en particulier le nombre de fusillades de masse survenues dans le monde. Tout comme les Néo-Zélandais encore récemment, nous pensions que notre culture, la culture canadienne, nous immunisait contre ce genre de tragédie. Malheureusement, celles de l’École polytechnique, de Mayerthorpe, de Moncton et de Danforth, pour n’en nommer que quelques-unes, nous rappellent que nous devons être plus résolus à éviter d’autres tragédies et repérer plus tôt toute menace émergente ou imminente de violence avec des armes à feu.

Le projet de loi exige également des fournisseurs de consigner le nom et l’adresse de tout acheteur d’arme. La plupart des détaillants le font déjà. Je vous rappelle que la police aurait besoin d’un mandat pour obtenir ces renseignements dans le cadre d’une enquête. Je donne mon nom, mon adresse et bien d’autres renseignements lorsque j’achète une voiture ou même un réfrigérateur. J’estime donc que cette partie du projet de loi n’est pas exagérément intrusive.

L’article 7 exige que soient recueillis et conservés certains renseignements personnels qui permettraient à la police, avec une autorisation judiciaire, de retracer des armes à feu utilisées lors de crimes. Devant le Comité permanent de la sécurité publique et nationale de la Chambre des communes, un représentant de l’Association canadienne des chefs de police a déclaré :

Relativement à la tenue des dossiers par les vendeurs, je dirai que la majorité des entreprises de bonne réputation ont déjà mis cette pratique en place pour satisfaire à leurs propres besoins. Depuis l’abolition du registre des armes d’épaule, la police a été, pour ainsi dire, aveugle au nombre de transactions en matière d’armes à feu sans restriction effectuées par tout particulier titulaire d’un permis. L’absence de tels dossiers élimine pratiquement la capacité de la police de repérer le dernier propriétaire d’une arme à feu sans restriction utilisée pour commettre un délit.

Il ne s’agit pas d’un registre des armes à feu, mais d’une pratique commerciale normale, comme la tenue de tout autre dossier professionnel. Par ailleurs, seuls des policiers ayant des mandats de perquisition autorisés par les tribunaux y auraient accès.

En terminant, la Cour suprême du Canada a confirmé que la possession et l’utilisation d’armes à feu ne constituent pas un droit que garantit la Charte des droits et libertés, mais un privilège.

Honorables sénateurs, je vous exhorte à appuyer ce projet de loi et j’espère que vous tiendrez compte de mes commentaires et de ceux de mes collègues qui ont parlé avant moi en faveur du projet de loi C-71. Ce projet de loi nous permettra de répondre aux inquiétudes ressenties partout au Canada et d’éviter de suivre une voie différente et plus permissive, une voie qui comporte de nombreuses complications tragiques et qui, à mon avis, ne sert pas l’intérêt public.

Nous devons nous efforcer de trouver un équilibre entre le droit indisputable à la sécurité de sa personne et le privilège de posséder une arme. Je soutiens humblement que le projet de loi C-71 permet d’avancer vers cet équilibre. Donc, honorables sénateurs, prenant en considération à la fois mon expérience de policière et ma préoccupation à l’égard des générations futures, je vous encourage à appuyer le projet de loi C-71.

L’honorable Stan Kutcher : Honorables sénateurs, je prends la parole au sujet du projet de loi C-71, Loi modifiant certaines lois et un règlement relatifs aux armes à feu.

Je vais m’exprimer en faveur du projet de loi C-71, non parce que je crois que c’est la meilleure mesure législative pour régler efficacement les questions de santé publique liées aux morts causées par des armes à feu, mais parce qu’il représente un petit pas — et, à mon avis, un pas plutôt hésitant — vers l’amélioration de la sécurité des Canadiens.

Mon intervention reposera à la fois sur mon expérience professionnelle et sur mon expérience personnelle. Je me concentrerai sur le lien entre les armes à feu et le suicide. Il s’agit d’une préoccupation importante qui, selon moi, aurait dû faire l’objet d’un examen plus approfondi pendant l’étude du projet de loi au comité. C’est un lien que beaucoup de Canadiens ne comprennent pas bien.

(1750)

Je suppose que tous les sénateurs ont été touchés, d’une façon ou d’une autre, par le suicide. Je suis conscient que mon intervention pourrait raviver de douloureux souvenirs. J’aimerais qu’il en soit autrement.

J’ai consacré ma vie professionnelle à la promotion de la santé mentale et au traitement de la maladie mentale. Cette vocation m’a fait on ne peut mieux comprendre les conséquences tragiques du suicide. C’est un événement tragique pour les parents, les familles et les collectivités.

Cependant, mon expérience professionnelle par rapport au suicide n’était rien en comparaison de mon vécu personnel. En effet, mon très cher oncle, qui était un banquier compétent et très prospère, qui était père de deux enfants extraordinaires, dont le mariage était rempli d’amour et qui avait survécu au chaos de la Seconde Guerre mondiale dans son adolescence, s’est enlevé la vie.

Tous ceux qui le connaissaient n’auraient jamais pu s’attendre à ce qu’il meure de cette façon. Si une diseuse de bonne aventure lui avait dit qu’il allait se suicider, je suis convaincu qu’il n’en aurait pas cru un mot, comme tous ceux qui le connaissaient. Comme d’autres familles, la nôtre s’est demandé ce qui expliquait ce geste, mais sans obtenir de réponse claire ou satisfaisante.

À titre de psychiatre, j’ai décidé que l’étude de la prévention du suicide et l’application de ces connaissances seraient une composante essentielle de mes recherches et de mon travail clinique. Je vous parlerai aujourd’hui des incidences que le projet de loi C-71 pourrait avoir sur les décès par suicide causés par une arme à feu, en me fondant à la fois sur mon expertise professionnelle et mon expérience personnelle.

Au Canada, 75 p. 100 des décès par arme à feu sont des suicides. De 2000 à 2016, parmi les 12 692 décès causés par une arme à feu au pays, près de 10 000 étaient des suicides. C’est donc dire qu’au chapitre des décès par arme à feu, ce sont les suicides, et non les homicides, qui représentent notre principal défi.

Une personne qui tente de se suicider choisit de poser ce geste parce qu’il causera sa mort. Beaucoup de Canadiens ne savent toutefois pas que la plupart des tentatives de suicide ne se soldent pas par un décès. Dans les faits, environ 90 p. 100 des personnes qui tentent de se suicider n’en meurent pas, une proportion à la fois étonnante et d’une immense importance, qui soulève une question cruciale : parmi les gens qui tentent de se suicider, quelle est la différence entre ceux qui meurent et ceux qui ne meurent pas?

La différence tient principalement à la létalité de la méthode choisie. Plus la méthode est létale, plus la mort est probable.

Les armes à feu sont des machines à tuer très efficaces. Alors qu’elles sont utilisées dans moins de 5 p. 100 des tentatives de suicide, elles causent 30 p. 100 des décès par suicide. Si une personne qui tente de se suicider utilise une arme à feu, il est probable qu’elle mourra.

En outre, il est important de comprendre qu’une tentative de suicide est souvent un acte impulsif. Le contrôle qu’exerce le cerveau humain sur le comportement est un mécanisme complexe, mais, en gros, il fait appel à deux systèmes de prise de décision. L’un réagit rapidement à une pensée ou à un événement, et l’autre réagit plus lentement. Le premier génère des gestes impulsifs, et l’autre, des gestes réfléchis.

En général, la composante réfléchie l’emporte sur la composante impulsive. Parfois — habituellement dans un contexte de stress émotionnel extrême, comme dans le cas d’une dépression ou d’un épisode psychotique où les capacités cognitives sont diminuées, ou sous l’influence de substances comme l’alcool ou des drogues —, cette modulation ne se produit pas.

Résultat : on pose des gestes impulsifs comme une tentative de suicide. C’est ce qu’on appelle une crise suicidaire. Les données montrent que, en moyenne, environ la moitié des tentatives de suicide sont des actes impulsifs. Environ 25 p. 100 d’entre elles surviennent dans les cinq minutes suivant la pensée initiale. Environ 70 p. 100 surviennent dans l’heure qui suit la pensée initiale. L’apparition d’une crise suicidaire est souvent immédiatement suivie d’une tentative de suicide.

Voilà pourquoi il faut tenir compte de la létalité.

Si une arme à feu est disponible durant une crise suicidaire, le geste impulsif ne laisse pas de temps pour la réflexion. L’arme à feu est utilisée, et la mort est probable. Si aucune arme à feu n’est disponible et qu’une autre méthode est choisie — l’ingestion de pilules, par exemple —, la mort n’est pas probable.

Environ 5 p. 100 des suicides commis au moyen d’une arme à feu ont lieu dans des foyers où il n’y a aucune arme. En comparaison, près de 80 p. 100 des suicides commis au moyen d’une arme à feu ont lieu dans des foyers où une arme est présente. C’est le fait de vivre dans une maison où se trouve une arme qui est problématique, et non le fait d’en posséder une. Dans certains cas, la personne qui se suicide est un membre de la famille du propriétaire de l’arme, parfois même son enfant. D’ailleurs, comme je vous l’ai montré en vous racontant l’histoire de mon oncle, il est extrêmement difficile, voire impossible, de prédire quel membre de notre famille risque de s’enlever la vie et à quel moment cela se produira.

Dans ma vie professionnelle, chaque fois que je menais une évaluation des risques de suicide, je demandais toujours si des armes à feu se trouvaient dans la maison. Souvent, cette question a soulevé une préoccupation que les parents n’avaient pas envisagée. Des parents aimants et attentionnés — des gens qui voulaient que leurs enfants vivent et s’épanouissent — n’étaient pas conscients que la présence d’une arme à feu chez eux rendait leur enfant plus susceptible de mourir. Cette idée ne leur avait jamais traversé l’esprit. Ils n’étaient pas conscients du lien qui existait entre les armes à feu et le suicide.

À l’échelle mondiale, le poids des meilleures données scientifiques disponibles confirme que des mesures comme l’amélioration de la surveillance et de la réglementation des armes à feu sauvent des vies.

Des études de nombreux pays différents utilisant différentes méthodes de recherche parviennent sans cesse aux mêmes conclusions. Les interventions qui contrôlent l’accès aux armes à feu, y compris une vérification des antécédents comme celle prévue dans le projet de loi C-71, ainsi que des règlements plus stricts régissant l’utilisation des armes à feu, sont associés à des taux de suicide inférieurs.

Il est également évident que la substitution de méthode ne mène pas à des taux de décès semblables. Si l’on rend plus difficile l’accès aux moyens de suicide les plus mortels, cela sauve des vies.

Il est évident que le poids considérable des meilleures preuves disponibles montre qu’il existe un lien entre les armes à feu et le suicide et qu’une meilleure surveillance des armes à feu entraîne des taux de suicide par arme à feu considérablement inférieurs, de même qu’une proportion inférieure des suicides exécutés au moyen d’une arme à feu.

Par conséquent, il est raisonnable que nous considérions le projet de loi C-71 comme un pas en avant, si modeste soit-il, pour améliorer la sécurité des Canadiens dans l’optique du lien entre les armes à feu et le suicide.

Il existe de nombreuses façons d’améliorer notre surveillance des armes pour aider à réduire les taux de suicide par arme à feu et, ce faisant, à réduire les taux globaux de suicide. L’une de ces façons consiste à prendre des règlements réfléchis.

À ce moment-ci, j’aimerais, en particulier, faire deux suggestions qui, je crois, pourraient améliorer la situation à l’avenir. Elles sont fondées sur mon expérience professionnelle ainsi que sur mon étude des armes à feu et du suicide.

En plus d’un meilleur contrôle des armes à feu, la communication aux propriétaires d’armes à feu de meilleurs renseignements sur la façon de réduire les risques de suicide pourrait contribuer à la prévention des suicides commis au moyen d’armes à feu. Selon moi, il est impératif que des informations sur les risques de suicide et les armes à feu soient offertes à tous les propriétaires d’armes à feu.

Ma première suggestion concerne le permis de possession et d’acquisition et le processus pour l’obtenir. Présentement, le futur propriétaire d’une arme à feu doit acquérir différentes connaissances relatives entre autres à l’utilisation d’une arme à feu, aux composantes d’une arme à feu et aux responsabilités d’un propriétaire d’arme à feu.

Il n’y a absolument rien sur la prévention des suicides liés aux armes à feu. Je crois que nous aurions l’occasion d’ajouter un chapitre qui pourrait sauver des vies.

C’est pourquoi je propose que le cours d’éducation et de formation pour l’obtention du permis de possession et d’acquisition soit modifié de façon à inclure des renseignements sur les liens entre les armes à feu et le suicide et sur la façon de reconnaître une personne en détresse et de l’aider.

Ensuite, je propose que, dès qu’il y a cession de la possession d’une arme à feu, le cessionnaire soit tenu de communiquer des renseignements précis concernant le risque accru de suicide qu’amène la possession d’une arme à feu.

(1800)

Son Honneur le Président : Je suis désolé de vous interrompre. Comme il est maintenant 18 heures, conformément à l’article 3-3(1) du Règlement, je dois quitter le fauteuil, à moins qu’il soit entendu que nous ne tiendrons pas compte de l’heure.

Est-ce d’accord, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

Le sénateur Kutcher : Ces deux suggestions pourraient réduire le nombre de suicides commis avec une arme à feu.

À ma grande surprise, une fois que j’ai proposé cette idée, mon personnel a découvert qu’elle n’était pas nouvelle. De telles initiatives existent déjà et reçoivent un certain appui par l’entremise de mouvements populaires aux États-Unis. Au Colorado, le CO Gun Shop Project collabore avec les détaillants, les propriétaires de champ de tir et les instructeurs de cours sur la sécurité pour introduire de l’information sur la prévention du suicide. Le New Hampshire a un projet semblable qui distribue de la documentation, mise au point par et pour les détaillants d’armes à feu et les propriétaires de champ de tir, sur les façons de prévenir les suicides commis avec une arme à feu.

Réduire le risque de préjudice au moyen de formations et de mesures législatives est une méthode éprouvée pour accroître la sécurité des citoyens.

Honorables sénateurs, peu importe notre rapport aux armes à feu, nous devons utiliser nos connaissances sur le lien entre les armes à feu et le suicide pour guider nos délibérations. Nous devons faire preuve de compassion et de mesure pour remplir ce devoir le mieux possible.

Nous devons aussi réfléchir à notre expérience personnelle de la tragédie qu’est le suicide, et l’utiliser pour orienter nos prises de décision.

Le suicide est un important problème de santé publique. Il frappe toutes les collectivités et touche la vie de beaucoup de gens. Nous devons contribuer à réduire les taux de suicide, notamment en encadrant mieux les armes à feu. À mon avis, le projet de loi C-71 peut faire partie de la discussion plus large qui doit avoir lieu au pays. Ce n’est qu’un élément de ce qui doit être fait, mais c’est un aspect essentiel.

C’est une façon de faire du Canada un pays plus sécuritaire. D’ailleurs, honorables sénateurs, nous avons, en tant que législateurs, le devoir d’assurer la sécurité de nos concitoyens.

Je vous invite à vous joindre à moi pour appuyer le projet de loi C-71. Merci.

[Français]

L’honorable Jean-Guy Dagenais : Honorables sénatrices et sénateurs, je prends la parole aujourd’hui au sujet du projet de loi C-71, Loi modifiant certaines lois et un règlement relatifs aux armes à feu au Canada. Je tiens à préciser d’emblée que le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense a examiné à fond presque tous les aspects de ce projet de loi et a fait un travail sérieux qui mérite d’être souligné. Les sénateurs qui siègent au comité ont entendu de nombreux témoins qui ont abordé tous les éléments du texte et livré des témoignages passionnés grâce auxquels il nous est permis d’affirmer que le gouvernement se doit de participer à la réduction de la violence par les armes à feu. Toutefois, la plupart des témoins ont aussi parlé de l’efficacité des mesures que le gouvernement applique en matière d’armes à feu. Je crois que la plupart d’entre eux — et la plupart des Canadiennes et des Canadiens — sont d’avis que le gouvernement doit être responsable de ses actes. C’est de ce volet du projet de loi, qui concerne la responsabilité du gouvernement, que je veux vous parler aujourd’hui.

Honorables sénateurs, nous vivons dans un pays où les politiciens que nous élisons sont et doivent être responsables de leurs décisions devant l’électorat, surtout quand ils nous présentent des projets de loi en disant qu’ils sont le résultat d’une promesse électorale. Il est clair que ne nous ne voulons pas vivre dans un pays où la police a l’autorité ultime et le pouvoir d’interdire arbitrairement des biens sans être redevable de sa décision, ou si peu redevable devant le public. Pourtant, lorsqu’il s’agit d’armes à feu, le gouvernement actuel, et certains sénateurs d’en face, affirment qu’on devrait justement investir nos services de police de cette autorité. En particulier, ils insistent pour que la police, ainsi que les civils qui travaillent au Centre des armes à feu, soient habilités à prendre des décisions de classification ayant pour effet d’imposer soudainement et arbitrairement des restrictions accrues aux propriétaires d’armes à feu. Ces mêmes gens, et les sénateurs qui les appuient, croient en outre que des représentants non élus doivent être en mesure d’interdire certaines armes à feu, et ce, sans surveillance adéquate et sans verser d’indemnisation aux personnes qui se sont procuré ces armes légalement et en toute bonne foi en vertu des lois existantes dans notre pays.

En vertu de la loi actuelle, le Centre des armes à feu jouit de cette autorité, mais une mesure de protection importante est prévue. Le gouverneur en conseil est habilité, lui aussi, à prendre des règlements qui relèvent de la Loi sur les armes à feu. En fait, le gouverneur en conseil peut examiner les décisions prises par les fonctionnaires et prendre des règlements alternatifs s’il le juge souhaitable. Il faut comprendre que le gouverneur en conseil ne procède ainsi que dans des circonstances exceptionnelles. Un de ces rares cas est survenu en 2015, lorsqu’il a annulé une décision du Centre des armes à feu qui visait à interdire sans préavis deux armes à feu précises, soit les armes SAM Swiss Arms et les fusils CZ.

L’arme à feu Swiss Arms a été utilisée pendant 12 ans par les tireurs canadiens comme arme à feu sans restriction. Les propriétaires d’armes à feu avaient acheté cette arme en sachant qu’elle était sans restriction. Cependant, en raison de constatations du Centre des armes à feu en 2014, on a jugé que ces armes avaient été classées de manière inappropriée pendant plus de 10 ans. En conséquence, elles ont été, soudainement et sans préavis, reclassifiées comme des armes à feu prohibées. Cela a eu pour résultat que presque tous les fusils CZ 858 importés après 2007 ont été reclassifiés, eux aussi, comme des armes à feu prohibées. Cette décision a eu une incidence sur plus de 10 000 Canadiens propriétaires d’armes à feu qui avaient acheté cette arme en toute bonne foi, croyant, avec raison, qu’il s’agissait d’une arme à feu sans restriction. En raison de la décision relative à la reclassification, ces armes à feu ont été soudainement interdites, ce qui a eu des conséquences importantes et négatives sur leur valeur, et ce, sans qu’aucune indemnisation ne soit accordée aux propriétaires.

Gerry Gamble, des Sporting Clubs of Niagara, a dit au comité que l’impact de cette décision était de 1 500 $ à 4 000 $ pour chaque arme à feu. Cela représente un impact financier important.

Lorsque la décision a été prise, le gouvernement pouvait encore l’infirmer par l’entremise d’un décret. Ainsi, en 2015, ces deux armes à feu ont été de nouveau classées comme des armes à feu sans restriction, conformément à la pratique en place pendant plus d’une décennie.

Avec le projet de loi C-71, le gouvernement actuel a recours au processus législatif pour annuler cette décision. Les sénateurs croient que cela est injuste, mais le gouvernement, au moins, agit avec transparence au moyen d’une loi présentée au Parlement. Cependant, le projet de loi C-71 propose également que, à l’avenir, des armes à feu, et même d’autres types de dispositifs, pourront être reclassifiées par le Centre des armes à feu sans que le gouverneur en conseil puisse remettre en question la décision ni l’infirmer s’il le juge pertinent.

Bien que le gouvernement insiste pour dire qu’il fait confiance au Centre des armes à feu pour prendre ce type de décision sans surveillance, sa confiance a des limites, puisqu’il l’autorise seulement à restreindre davantage une arme à feu, tout en éliminant l’option de prendre la décision contraire, soit de reconduire le statut sans restriction pour certaines armes à feu. En réalité, le gouvernement fait confiance à la police et à ses représentants pour imposer des restrictions, mais pas pour en supprimer. Il y a là une incohérence assez évidente.

Le gouvernement a affirmé que les armes à feu reclassifiées feraient l’objet d’une protection des droits acquis. Toutefois, le fait de prévoir des droits acquis ne protège pas la valeur d’une arme à feu. Lorsqu’une arme à feu est prohibée, elle perd toute sa valeur pécuniaire. Pourtant, le gouvernement ne prévoit pas verser d’indemnisation aux propriétaires. Je vous rappelle que, dans d’autres pays, comme en Australie, l’interdiction d’une arme à feu est accompagnée d’une indemnisation. Au Canada, le gouvernement actuel propose de mettre entre les mains de fonctionnaires le pouvoir illimité de prohiber les armes à feu, sans prévoir verser une indemnisation à la suite de ces décisions. Selon moi, cette façon d’agir derrière des portes closes fait de cette disposition une mesure injuste et sans appel. Cette mesure pourrait même donner lieu à des abus qui auront de graves conséquences financières. Cette mesure manque de respect envers bon nombre d’honnêtes Canadiens propriétaires d’armes à feu.

Le Comité de la sécurité nationale et de la défense a entendu de nombreux témoins, qui ont parlé des décisions arbitraires qui sont souvent prises par le Centre des armes à feu en vue de modifier des classifications en vigueur depuis des années, voire des décennies. Aujourd’hui, le gouvernement actuel nous dit qu’à l’avenir, en vertu du projet de loi C-71, il sera même impossible de remettre ces décisions en question. Selon moi, cette disposition n’est ni justifiée ni équitable. J’irais jusqu’à dire qu’elle est contraire aux valeurs canadiennes.

(1810)

Dans presque tous les autres domaines de la politique publique, ceux et celles que nous élisons ont le droit de remettre en question des décisions prises par leurs représentants. À titre d’exemple, en ce qui concerne la mise en valeur des ressources naturelles dans le projet de loi C-69, le gouvernement appuie son raisonnement en grande partie sur le fait que les décisions ultimes doivent toujours revenir aux ministres. Dans le projet de loi C-69, le gouvernement s’est donné des douzaines de possibilités d’intervenir dans le processus et d’imposer des solutions ou des résultats politiques. Les organisations du milieu des affaires nous ont dit que, dans ce cas-ci, ces interventions se feront au détriment des entreprises canadiennes.

Toutefois, dans le projet de loi C-71, ce même gouvernement préconise le contraire. Le pouvoir qui est prévu s’exercera par des représentants sans que ces derniers fassent l’objet d’une surveillance, et ce, au détriment des entreprises qui disposent de stocks importants, ce qui risque d’imposer des interdictions arbitraires aux dépens des personnes.

Dans le cas du projet de loi C-71, c’est l’absence de toute surveillance à l’égard des fonctionnaires du gouvernement qui pose problème. Voilà l’incohérence que nous devons corriger avant de renvoyer ce projet de loi à l’autre endroit. Aucun processus bureaucratique n’est parfait, et c’est pourquoi il faut prévoir un mécanisme d’appel. Il faut qu’il y ait suffisamment de flexibilité pour corriger les erreurs et pour que les représentants sachent que quelqu’un les surveille.

Je vous remercie.

Motion d’amendement

L’honorable Jean-Guy Dagenais : Par conséquent, honorables sénateurs, je propose l’amendement suivant :

Que le projet de loi C-71 ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu’il soit modifié :

a)à la page 1, à l’article 1, par substitution, aux lignes 4 à 9, de ce qui suit :

« 1 L’article 2 de la Loi sur les armes à feu est modifié par ad- »;

b)à la page 11, par suppression de l’article 16;

c)à la page 12 :

(i)par suppression des articles 18 à 21,

(ii)à l’article 22, par substitution, aux lignes 19 et 20, de ce qui suit:

« 22 (1) Les paragraphes 3(2) et 4(2) entrent en vigueur à la ».

[Traduction]

Son Honneur le Président : Le sénateur Plett a la parole pour participer au débat sur l’amendement.

L’honorable Donald Neil Plett : Honorables sénateurs, mon intervention sera brève. Je tiens à remercier le sénateur Dagenais d’avoir proposé cet amendement. C’est à mon avis un amendement judicieux pour toutes les raisons qu’il a mentionnées. J’aimerais ajouter quelques points.

Pendant l’étude menée par le comité, plusieurs témoins ont soulevé des problèmes et des inquiétudes relativement au système actuel de classification des armes à feu. Quand on examine la chose de près, on constate que les problèmes se résument à ceci : le système de classification des armes à feu actuel est un instrument général qui entraîne souvent des décisions arbitraires.

Je vais citer un extrait d’un texte publié par un des groupes qui a témoigné devant le comité :

Le problème avec le système actuel est que les critères ne reflètent pas de manière systématique ni cohérente les risques pour la sécurité publique associés aux différentes catégories d’armes. En effet [...] en se basant sur certaines caractéristiques physiques, comme la longueur de l’arme ou du canon, la classification s’avère souvent arbitraire.

Sénateurs, cette citation est tirée d’un document publié en 2017 par PolySeSouvient, un groupe d’étudiants et de diplômés de l’École Polytechnique qui militent pour un contrôle plus serré des armes à feu.

La nature arbitraire du système de classification entraîne des irritants pour tout le monde — et les propriétaires d’armes à feu et les partisans du contrôle des armes à feu. Ce système doit être revu.

Dans leur plateforme électorale de 2015, les libéraux ont déclaré qu’ils souhaitaient « [remettre] le pouvoir de décision en matière d’armes entre les mains de la police, et non des politiciens ». Cette idée semble bonne et elle est répétée très souvent dans cette Chambre qui se fait l’écho du gouvernement libéral, mais elle est fondamentalement insensée. Vous n’êtes pas obligés de me croire sur parole. Permettez-moi de citer de nouveau le groupe PolySeSouvient :

[...] [la GRC] ne « décide pas » de la classification d’une arme à feu : les services policiers doivent composer avec les définitions établies dans le Code criminel. En d’autres mots, leur rôle se limite à l’interprétation de la loi.

Chers collègues, la décision de confier à la GRC la responsabilité d’interpréter la loi tout en retirant au Parlement sa fonction de surveillance représente une très mauvaise politique publique.

Un des principes fondamentaux en matière de gestion consiste à assortir une responsabilité de l’obligation de rendre compte. Il ne faudrait jamais séparer les deux. Pourtant, dans le cas de la classification des armes à feu, c’est exactement ce que le gouvernement libéral propose de faire.

La GRC s’est vu confier la responsabilité de classifier les armes à feu en interprétant la loi, mais le gouvernement veut retirer la fonction de surveillance de ce processus aux parlementaires qui ont créé la loi en éliminant la capacité du gouverneur en conseil d’intervenir dans les décisions en matière de reclassification.

Le gouvernement souhaite que la GRC assume cette responsabilité sans toutefois être assujettie à l’obligation de rendre compte correspondante. Ce n’est jamais une bonne idée, mais c’est encore pire dans le cadre d’un système que l’on sait être arbitraire.

Chers collègues, le caractère arbitraire de la reclassification a des répercussions non seulement sur les propriétaires d’armes à feu, mais aussi les entreprises liées aux armes à feu. Alison de Groot, directrice de l’Association de l’industrie canadienne des munitions et armes de sport, a déclaré ceci au comité :

Nous suggérons […] qu’il y ait un cadre structuré pour ce processus de classification […] Je vais utiliser les chargeurs d’armes à feu de type 10/22 comme exemple. Sans discuter du bien-fondé du changement de classification, aucun avis n’a été donné à l’industrie au sujet de ce changement. Nous en avons pris connaissance, à titre de propriétaires d’entreprises, quand l’[Agence des services frontaliers du Canada] a saisi un chargement à la frontière. Lorsque l’[Agence] saisit un produit, on doit payer des frais d’entreposage sécurisé exorbitants, ce que notre importateur a dû faire. Nous nous sommes retrouvés au Canada avec des dizaines de milliers de dollars de stocks non vendus par des petits détaillants. Ces produits sont maintenant des stocks invendables que nous ne sommes pas autorisés à renvoyer au fabricant […] nous demandons au gouvernement d’exiger [que la GRC] élabore un cadre structuré pour ce processus, tant pour les nouveaux produits que pour les produits actuellement sur le marché [et de laisser à] l’industrie [...] la possibilité de s’occuper de sa chaîne d’approvisionnement quant aux produits reclassés ou qui font l’objet de changements de classification.

De son côté, Robert Henderson, propriétaire de l’entreprise Access Heritage, a aussi parlé au comité du caractère dysfonctionnel de la reclassification par la GRC. Voici ce qu’il dit à ce sujet :

Depuis 18 ans, j’importe des armes à silex neutralisées de l’Inde. Grâce au retrait d’un petit évent de connexion dans la conception, la technologie était considérée comme désactivée, et les armes à silex étaient acceptées aux douanes [...] En décembre dernier, au sommet de la saison de vente au détail, un chargement important a été retenu par l’[Agence des services frontaliers du Canada]. À ce moment-là, on a pris la décision arbitraire d’arrêter d’accepter les armes à silex désactivées sans m’avoir donné de préavis et sans avoir apporté de modification pertinente aux lois. On a demandé aux intervenants du Programme canadien des armes à feu d’enquêter. Il a été déterminé que les produits n’étaient pas suffisamment neutralisés et que les armes à silex à canon court étaient des appareils à autorisation restreinte.

(1820)

Les propriétaires d’armes à feu et les gens d’affaires comme Robert Henderson et Alison de Groot ne demandent rien de déraisonnable, pas plus que le sénateur Dagenais dans son amendement. En acceptant cet amendement, nous garantirons une surveillance parlementaire adéquate des classifications d’armes à feu, de manière à assurer la reddition de comptes et la transparence. Merci.

[Français]

L’honorable André Pratte : Honorables sénateurs, le choix que nous avons à faire, en votant sur le projet de loi C-71, est celui de déterminer qui prendra la décision technique de classer une arme comme étant prohibée, avec toutes les restrictions que cela entraîne, parce que ce sont les armes les plus dangereuses. Qui prendra cette décision? Est-ce que ce sera les experts de la GRC ou les politiciens, qui en connaissent très peu sur les armes à feu, qui ne sont pas des experts et qui sont soumis au puissant lobby des armes à feu?

[Traduction]

Faisons un peu d’histoire. Depuis que la classification des armes à feu est inscrite dans le Code criminel, c’est toujours la GRC qui a eu la responsabilité de déterminer si telle ou telle arme est sans restriction, à autorisation restreinte ou prohibée. Du moins jusqu’en 2015, année où la loi a été modifiée. Je vous rappelle brièvement ce qui s’est passé. Le projet de loi C-42, qui a été adopté en 2015, confie au gouverneur en conseil le pouvoir de classifier certaines armes à feu tout en faisant fi des définitions que donne le Code criminel des différentes catégories. C’est grave, si vous voulez mon avis. Les définitions de ce qui constitue une arme prohibée, une arme à autorisation restreinte et une arme sans restriction se trouvent dans le Code criminel. Le même qui a été adopté par le Parlement. Quand une arme à feu doit être classifiée, les spécialistes de la GRC, dont les laboratoires sont situés ici, à Ottawa — parce que les choses peuvent prendre une tournure assez technique, parfois —, se fient au Code criminel et à leur expertise pour déterminer si l’arme en question sera sans restriction, à autorisation restreinte ou prohibée.

En 2015, le gouvernement précédent a décidé non seulement de faire fi de l’opinion des spécialistes de la GRC sur toute une série d’armes à feu, mais d’ignorer aussi les définitions du Code criminel. C’est ce que dit la Loi sur les armes à feu depuis qu’elle a été modifiée en 2015.

Beaucoup ont dénoncé l’arbitraire de ces décisions. Eh bien, je regrette, mais ce n’est pas parce que certains sont mécontents d’une décision qu’elle est arbitraire. Je me suis rendu dans les laboratoires de la GRC. Les gens qui y travaillent font de l’excellent boulot. Personnellement, je choisis de faire confiance aux agents de la GRC. Ce sont eux, les experts. Ils savent de quoi ils parlent.

[Français]

Il y a eu aussi plusieurs mentions sur le fait que les propriétaires d’armes à feu qui sont touchés par la prohibition soudaine d’une arme à feu ne sont pas indemnisés. Je voudrais souligner deux choses à ce sujet. Premièrement, aucun propriétaire d’armes à feu prohibées au Canada, que ce soit en vertu du projet de loi C-71 ou d’autres projets de loi précédents sous les gouvernements libéraux ou conservateurs, n’a eu droit à une compensation. Toutefois, ils ont obtenu des droits acquis, c’est-à-dire le droit de continuer d’être propriétaires de leurs armes et celui de les utiliser dans des champs de tir autorisés. Il n’y a pas eu d’indemnisation, mais ces gens sont protégés parce qu’ils ont continué d’avoir le droit d’être propriétaires de leurs armes à feu devenues prohibées et de les utiliser dans des champs de tir autorisés.

[Traduction]

Les gouvernements de tous les horizons politiques ont utilisé des méthodes identiques pour préserver les droits acquis des propriétaires d’armes dont les armes devenaient prohibées.

Des sénateurs se sont prononcés, pendant leur discours, en faveur de l’adoption, par la GRC, d’une méthode de classification des armes plus transparente, et de la mise en place d’un mécanisme d’appel à ce sujet. Comme je l’ai indiqué pendant mon discours à l’étape de la troisième lecture, je crois que ces idées ont du mérite. Il est vrai que, par le passé, les décisions de la GRC n’étaient pas communiquées ouvertement. Il n’était pas facile de découvrir si une arme particulière était prohibée, à autorisation restreinte ou sans restriction. La GRC a toutefois annoncé qu’elle commencerait, dans quelques mois, à publier toutes ses décisions au sujet des armes sur le Web, dans le Tableau de référence des armes à feu. Ce tableau de référence sera mis à jour régulièrement. Vous pourrez donc voir dans quelle catégorie se classe une arme que vous avez déjà ou que vous souhaitez acheter, et les raisons pour lesquelles c’est, selon le cas, une arme prohibée, à autorisation restreinte ou sans restriction. La question de la transparence est donc réglée, selon moi.

Il reste donc à régler la question du mécanisme d’appel. C’est une question valide. Le gouvernement pourrait, selon moi, voir s’il serait possible d’offrir un mécanisme qui permettrait de faire appel des décisions prises par les experts de la GRC.

Pour le moment, ce n’est pas ce que propose cet amendement. Tout ce qu’il fait, c’est nous ramener à la loi de 2015, qui accorde au gouverneur en conseil le pouvoir de faire fi des classifications des armes à feu précisées dans le Code criminel afin de répondre au lobby des armes à feu — quel qu’il soit — s’il est en désaccord avec la décision d’un expert de la GRC.

Honorables sénateurs, j’ignore ce que vous en pensez, mais je choisis de faire confiance aux experts de la GRC en matière de classification des armes à feu. Si le Parlement veut changer les critères de classification des armes à feu, alors il doit modifier le Code criminel au lieu de donner au gouverneur en conseil le pouvoir d’en faire abstraction.

Je choisis de faire confiance aux experts de la GRC. Je choisis de faire confiance aux gens qui connaissent le mieux les armes à feu, au lieu d’accorder ce pouvoir-là à des politiciens élus qui, malgré tous leurs mérites, ne sont pas spécialistes en armes à feu. Comme nous le savons tous, comme sénateurs, comme nous l’avons vu avec le projet de loi C-71, les politiciens sont constamment soumis aux pressions intenses exercées par les associations de propriétaires d’armes à feu, qui prétendent parler au nom de tous les propriétaires d’armes à feu au Canada. Merci.

L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) : J’ai une question pour le sénateur Pratte.

Sénateur Pratte, je ne suis pas spécialiste de ces questions. Je voulais intervenir dans le débat, mais j’ai hésité. J’ai une question à poser. J’ai eu l’occasion de rencontrer des propriétaires de petite entreprise qui m’ont dit que, lors de la reclassification de certains produits, ils ont reçu la directive de ranger et d’entreposer ces produits de façon sécuritaire et de ne pas les vendre. Ces produits qu’ils ont achetés font partie de leurs actifs, mais ces actifs ne sont d’aucune utilité à leur famille et ne peuvent pas être transférés aux membres de leur famille. Selon ces propriétaires, deux ans après avoir fait ce qu’on leur a dit, à la suite de ce que j’appellerais une reclassification arbitraire, ils n’ont plus de nouvelles et ne font qu’attendre. Il y a un risque même si on entrepose ces armes de façon sécuritaire. Je me demande si vous avez eu la chance de parler avec ces propriétaires d’entreprise au sujet de cette situation difficile.

Le sénateur Pratte : Je vous remercie de votre question. Oui, j’ai rencontré des petits marchands d’armes à feu à maintes reprises. Je comprends les difficultés auxquelles ils font face. Je crois qu’il faut aussi comprendre pourquoi les experts de la GRC ont recommandé l’interdiction de ces armes, lesquelles ont été importées au Canada sous de fausses représentations. Ces armes sont dérivées d’armes à feu entièrement automatiques. Or, le Code criminel interdit les armes à feu entièrement automatiques converties. Il ne s’agit pas d’une décision arbitraire. C’est une décision fondée sur la définition d’une arme à feu prohibée. Les armes à feu entièrement automatiques et les armes à feu entièrement automatiques converties sont prohibées en vertu du Code criminel.

Cela dit, il s’agit de savoir si les individus ou les entreprises qui possèdent ces armes à feu devraient être dédommagés. L’actuel gouvernement a décidé — comme tous les gouvernements précédents, peu importe leur affiliation politique — qu’il ne devrait pas y avoir de dédommagement. Les propriétaires bénéficieront de droits acquis. Ils pourront non seulement conserver leurs armes, mais aussi acheter les armes à feu en question d’autres propriétaires bénéficiant de droits acquis. C’est la décision qu’a prise l’actuel gouvernement, à l’instar des gouvernements précédents, qui n’ont pas dédommagé les individus ou les petites entreprises propriétaires de ces armes à feu.

(1830)

[Français]

Son Honneur le Président : Sénateur Dagenais, voulez-vous poser une question au sénateur Pratte?

Le sénateur Dagenais : Oui. Le sénateur Pratte accepterait-il de répondre à une question?

Le sénateur Pratte : Oui.

Le sénateur Dagenais : Dans un premier temps, sénateur Pratte, je vous dirais que je suis un peu surpris de vous entendre. Nous sommes membres du même comité et nous parlions hier des listes d’interdictions de vol; on dit aux gens qui se retrouvent sur des listes d’interdiction de vol qu’ils ont le droit de contester la décision du gouvernement, et nous sommes même prêts à dire que les avocats qu’ils devront embaucher devraient être payés par le gouvernement.

Le projet de loi C-71 stipule que les gens ne pourront pas contester la décision parce qu’on donne tous les pouvoirs à la police. Ne croyez-vous pas que nous nous retrouvons alors dans un État policier ou totalitaire, au sein duquel les gens ne pourront pas contester une telle décision?

J’aimerais vous entendre à ce sujet.

Le sénateur Pratte : D’abord, je voudrais souligner que, si nous nous trouvons dans un État totalitaire en raison du fait que ce sont les experts de la GRC qui prennent les décisions relativement à la classification des armes à feu, nous vivons dans un État totalitaire depuis très longtemps au Canada si nous suivons votre raisonnement. En effet, c’est seulement depuis 2015 que le gouverneur en conseil a le pouvoir d’ignorer le Code criminel.

Deuxièmement, j’aimerais rappeler que ce qui m’inquiète beaucoup plus que de voir des experts en armes à feu de la GRC prendre des décisions, c’est le fait que le gouverneur en conseil peut ignorer le Code criminel soit inscrit dans le projet de loi. Honnêtement, je trouve cela beaucoup plus risqué.

Quand vous parlez d’un mécanisme d’appel, comme je l’ai dit plus tôt, il s’agit peut-être là d’une idée qui devrait être examinée pour que les citoyens puissent en appeler d’une décision de la GRC. Il faudrait y réfléchir pour voir comment ce mécanisme pourrait fonctionner.

Cependant, ce n’est pas ce que je vois dans votre amendement. Votre amendement propose simplement que le gouverneur en conseil puisse ignorer les classifications du Code criminel, et je pense que c’est là une très mauvaise idée.

[Traduction]

Son Honneur le Président : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président : L’honorable sénateur Dagenais, avec l’appui de l’honorable sénateur Plett, propose en amendement :

Que le projet de loi C-71 ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu’il soit modifié...

Puis-je me dispenser de lire l’amendement?

Des voix : Oui.

Son Honneur le Président : Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix : Oui.

Son Honneur le Président : Que les sénateurs qui sont contre la motion veuillent bien dire non.

Son Honneur le Président : À mon avis, les non l’emportent.

Et deux honorables sénateurs s’étant levés :

Son Honneur le Président : Y a-t-il entente au sujet de la sonnerie?

Le sénateur Plett : Nous reporterons le vote à demain.

Son Honneur le Président : Conformément à l’article 9-10 du Règlement, le vote sera reporté à la prochaine séance du Sénat, à 17 h 30, et la sonnerie convoquant les sénateurs retentira à compter de 17 h 15.

(À 18 h 32, conformément aux ordres adoptés par le Sénat le 4 février 2016 et le 9 mai 2019, le Sénat s’ajourne jusqu’à 13 h 30 demain.)

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