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Le Code criminel

Projet de loi modificatif—Étude sur la teneur du projet de loi en comité plénier

1 juin 2016


L’honorable Sénatrice Denise Batters :

Madame la ministre, vous avez comparu devant le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles au début du mois de mai, lorsque nous avons entrepris l'étude préliminaire du projet de loi C-14. Le gouvernement souhaitait que le Comité sénatorial des affaires juridiques effectue cette étude préliminaire pour que nous puissions respecter la date fixée par la Cour suprême du Canada. Le comité a consacré 20 heures à cette étude préliminaire et il a entendu 66 témoins. Il a fait 10 propositions d'amendement au projet de loi C- 14, dont 5 qui ont été adoptées à l'unanimité par les membres de notre comité, qui est composé de sénateurs conservateurs et libéraux et d'un sénateur indépendant.

Soit dit en passant, madame la ministre, les directives préalables ne faisaient certainement pas partie des recommandations adoptées à l'unanimité. Vous devriez peut-être jeter un autre coup d'œil à ce rapport.

Nous vous avons remis notre étude il y a 15 jours. Durant ces 15 jours, votre gouvernement n'a rien fait de ces recommandations. Vous n'en avez intégré aucune, même pas parmi celles qui ont été adoptées à l'unanimité, dans le projet de loi que vous nous avez renvoyé hier soir. Vous avez eu le temps d'apporter ces modifications et de nous renvoyer un meilleur projet de loi après le cafouillage à la Chambre des communes il y a deux semaines, cafouillage qui a retardé ce projet de loi.

Madame la ministre, voici ce que votre collègue Dominic LeBlanc, leader du gouvernement aux Communes, a dit lorsqu'il a comparu devant le Comité sénatorial du Règlement en février dernier :

Je tiens aussi à dire ceci aux collègues et aux sénateurs : nos collègues du cabinet ont reçu comme consigne de voir d'un bon œil les amendements que vos comités apporteront à des projets de loi émanant du gouvernement lorsque vous les examinerez dans l'intérêt de les renforcer ou de les améliorer. Nous ne voyons pas comme une défaite, un problème ou une crise les modifications que le Sénat apporte à un projet de loi émanant du gouvernement pour l'améliorer, le corriger ou le renforcer, mais plutôt comme la preuve que l'institution remplit son rôle important. À titre de ministres, nous nous réjouissons à la perspective de collaborer avec vos comités à des projets de loi lorsqu'ils vous seront renvoyés.

Madame la ministre, pourquoi votre gouvernement a-t-il écarté chacune des recommandations formulées par notre Comité sénatorial des affaires juridiques au lieu de nous permettre de nous acquitter de notre important rôle de renforcement de cette mesure législative critique?

Mme Wilson-Raybould : Merci, sénatrice Batters, de votre question et des réflexions concernant les propos du leader du gouvernement à la Chambre des communes. Je dirai tout d'abord que les contraintes de temps que nous connaissons ont créé des conditions qui sont loin d'être idéales. Nous reconnaissons que vous recevez très tard le projet de loi C-14.

Je dirai aussi que nous avons examiné l'étude préliminaire et les recommandations. Nous sommes conscients du fait que le Sénat pourrait recommander des amendements dans le cadre du processus que vous avez entrepris.

Nous avons examiné beaucoup des mesures de protection supplémentaires recommandées dans l'étude préliminaire ainsi que d'autres questions qui, comme vous l'avez dit à juste titre, n'ont pas fait l'objet de recommandations unanimes au cours de l'étude. Beaucoup de réflexions qui ont été faites ont été analysées à l'autre endroit à titre d'amendements possibles.

Encore une fois, nous sommes ouverts aux amendements et nous estimons que le projet de loi proposé constitue, en fonction de ses objectifs, une approche équilibrée des mesures de protection nécessaires ayant fait l'objet de nombreuses recommandations ainsi que de la protection de l'autonomie individuelle. Nous voulons être sûrs de maintenir cet équilibre.

La sénatrice Batters : Madame la ministre, l'objet d'une étude préliminaire est d'essayer de gagner du temps dans le processus législatif. C'est la raison pour laquelle notre comité vous a présenté ces 10 propositions d'amendement, pour que vous puissiez modifier le projet de loi C-14 de façon à le renforcer avant même qu'il ne sorte de la Chambre des communes.

Le Comité sénatorial des affaires juridiques n'entreprend pas souvent des études préliminaires de projets de loi. Dans un cas récent, le gouvernement conservateur lui avait demandé de faire une étude préalable de la Loi sur l'intégrité des élections à cause des délais très courts dont il disposait.

Le comité a fait cette étude préliminaire et a formulé plusieurs recommandations. Le gouvernement conservateur en avait adopté un grand nombre et les avait intégrées dans le projet de loi qui était encore à l'étude à la Chambre des communes. Ensuite, il a renvoyé un projet de loi amélioré au Sénat.

Pourquoi, madame la ministre, n'avez-vous pas suivi l'exemple du gouvernement conservateur en utilisant les résultats de l'étude préliminaire d'un comité sénatorial pour renforcer la mesure législative à l'étude?

Mme Wilson-Raybould : Je comprends vos observations, madame la sénatrice. Je reconnais sans hésiter l'important travail que font les comités, y compris celui que vous mentionnez. Nous avons soigneusement analysé les recommandations de l'étude préliminaire, tout comme nous analyserons soigneusement toute recommandation qui découlera du processus que vous avez maintenant entrepris.

J'ai participé aux discussions du comité de l'autre endroit. J'ai pu me rendre compte hier, lors des votes sur le projet de loi C-14, que les points de vue exprimés par les députés des différents partis en faveur du projet de loi C-14 ainsi qu'au sujet de différents amendements proposés n'étaient pas nécessairement très cohérents. D'une certaine façon, cela reflétait toute la gamme des opinions qui existent, qu'il s'agisse des mesures de protection ou de l'élargissement du régime. Encore une fois, nous essayons de réaliser l'équilibre et de proposer le régime le plus approprié pour l'aide médicale à mourir.

La sénatrice Batters : Madame la ministre, lorsque vous avez comparu devant notre comité sénatorial à l'occasion de l'étude préliminaire du projet de loi C-14, je vous ai demandé pourquoi le gouvernement libéral avait choisi de ne pas exiger une maladie terminale ou la fin de la vie comme condition d'accès au suicide assisté.

Madame la ministre, les sondages effectués par des sociétés nationales ainsi que par le comité externe montrent que les Canadiens s'attendent à ce que l'accès au suicide assisté soit réservé aux personnes atteintes d'une maladie terminale ou qui en sont à la fin de leur vie. Comme vous l'avez vous-même mentionné, il n'y a dans le monde entier que neuf administrations qui permettent le suicide assisté, et six d'entre elles imposent la maladie terminale ou la fin de la vie. Parmi ces six, il y a le Québec et quelques États des États-Unis.

Lorsque vous avez répondu à ma question au début mai, vous ne m'avez pas dit qu'une exigence liée à une maladie terminale ou à la fin de la vie serait contraire à l'arrêt Carter ou à la Charte canadienne des droits et libertés. J'ai appris plus tard pourquoi vous ne l'avez pas dit : c'est parce qu'au même moment, vos avocats de la Justice soutenaient devant la Cour d'appel de l'Alberta qu'une maladie terminale était exigée dans l'arrêt Carter.

Madame la ministre, pourquoi ne consentez-vous pas à modifier le projet de loi C-14 afin d'inclure la maladie terminale et la fin de vie comme critère d'admissibilité, comme le recommande le Comité sénatorial des affaires juridiques? C'est ce à quoi les Canadiens s'attendent.

Mme Wilson-Raybould : Je rejette l'affirmation selon laquelle le projet de loi C-14 n'est pas conforme à l'arrêt Carter et à la Charte. Je suis d'avis qu'il est conforme au deux. Avec le projet de loi C-14, nous visons à offrir une aide médicale à mourir et une mort paisible aux personnes en fin de vie, aux termes de l'arrêt Carter rendu par la Cour suprême. Le régime que nous proposons avec le projet de loi C-14 protège l'autonomie en ce qui concerne la prise de décisions de cette nature, tout en veillant sur les personnes vulnérables et en valorisant la vie. La prévention du suicide demeure aussi l'un de nos objectifs.

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