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Projet de loi sur la responsabilité judiciaire par la formation en matière de droit relatif aux agressions sexuelles

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Ajournement du débat

6 juin 2017


L’honorable Sénatrice Mobina S. B. Jaffer :

Sénatrice Andreychuk, premièrement, je tiens à vous remercier de votre discours à l'étape de la deuxième lecture. Vous cumulez deux fonctions : vous étiez juge, et maintenant vous êtes sénatrice, donc décideuse politique. Lorsque vous étiez juge, vous et moi avons voyagé aux quatre coins du Canada pour former des juges sur ces questions, et nous connaissons les défis que nous avons dû relever. Comme vous l'avez dit dans votre discours, la formation n'était pas obligatoire.

J'ai un certain nombre de questions à vous poser, parce que j'estime que vous êtes la personne qui connaît le mieux la question au Sénat. J'appuie le projet de loi, mais l'un des points qui me préoccupent, c'est que le projet de loi propose de former les juges avant qu'ils soient nommés. L'une des inquiétudes qui ont été soulevées au sein de la profession, c'est que, même si une personne suit la formation et que tout le monde sait qu'elle l'a suivie, elle pourrait bien ne pas être nommée. Qu'en pensez-vous?

La sénatrice Andreychuk : Je vous remercie de votre question. Il s'agit d'ailleurs d'une des questions que j'ai posées à l'auteur du projet de loi.

Je crois que nous devrions commencer par offrir le perfectionnement juridique dans les universités d'abord. Ensuite, nous devrions former les avocats. La formation est hautement spécialisée maintenant, mais je crois qu'il est important que les avocats possèdent une certaine connaissance générale des principes fondamentaux et de la philosophie du droit. Ce que j'envisage, et ce que le projet de loi prévoit, c'est une conversation entre les juges et les départements de formation continue des barreaux afin d'élaborer les cours et de les offrir aux gens.

J'espère que le fait de suivre un cours sur les affaires d'agression sexuelle ne sera pas vu comme quelque chose de négatif. Suivre le cours devrait être un devoir, puisqu'il contient des renseignements cruciaux pour tous les avocats. Ceux-ci seraient ensuite en mesure de dire : « Je veux devenir membre de la magistrature et j'arrive en sachant ce qui se passe autour de moi. » D'après moi, c'est de cela qu'il s'agit.

Après avoir entendu le témoignage de victimes, de membres de la collectivité et même de juges, nous avons rédigé le projet de loi de façon à encadrer les politiques que nous souhaitons avoir. Tout cela ne tombe pas du ciel.

J'espère que nous avons laissé le maximum de discrétion à la magistrature et aux avocats pour qu'ils déterminent la meilleure façon de donner la formation. Comme je l'ai mentionné, le projet de loi met l'accent sur la formation en tant qu'outil de prévention afin de mettre fin à la multiplication de ce genre d'affaires.

Dans un cas où un juge rend une décision et dit qu'il « donnera des motifs », mais qu'il ne les donne pas à l'oral ni à l'écrit, et que des allégations d'inconduite sont déposées contre lui un an plus tard parce qu'il a omis de le faire, est-ce que c'est ce qu'on appelle la justice? Je pense que certains des juges qui ont été aux prises avec ce genre de cas n'avaient pas l'intention de formuler des déclarations contre les victimes. Ils ne possédaient pas les outils nécessaires, alors on doit rapidement veiller à ce qu'ils soient équipés. C'est la raison pour laquelle je suis d'accord avec ce projet de loi, parce qu'il n'impose pas une méthodologie et un style d'éducation à la magistrature. Voilà pourquoi il est approprié. Il est cependant grand temps que tout cela soit fait de façon plus systématique.

La sénatrice Jaffer : Merci, sénatrice Andreychuk. Vous avez étudié ce projet de loi bien plus en détail que moi. Selon mon interprétation, avant qu'une personne soit nommée, elle doit préalablement avoir suivi la formation. Je suis certaine que nous aurons une autre occasion d'aborder cette question.

Ce que je peux conclure à la suite de mes entretiens avec des professionnels du domaine juridique, c'est que tout le monde doit suivre la formation, qu'ils fassent partie de la Cour canadienne de l'impôt, de la Cour fédérale ou du tribunal de l'immigration. Toute personne ayant postulé pour devenir juge doit suivre la formation sur les agressions sexuelles. Voici deux points. Le premier, c'est que, si un juge est envoyé à la Cour canadienne de l'impôt, il doit quand même suivre cette formation avant d'être nommé. Le deuxième point m'amène à poser la question suivante : pourquoi s'arrêter à la formation sur les agressions sexuelles? Pourquoi ne pas également offrir de la formation sur le racisme? Sur les personnes transgenres? Où tout cela s'arrêtera-t-il? Voilà mes deux questions pour vous.

La sénatrice Andreychuk : Ma réponse courte à la question de la sénatrice est que la formation continue ne s'arrête jamais. L'une des difficultés — et je le sais en raison de mon expérience dans le droit de la famille — est que nous instituons un tribunal hautement spécialisé, mais n'importe quel avocat peut postuler pour y travailler et une multitude de juges se déplacent d'une cour à une autre. Je crois qu'il s'agit maintenant d'un enjeu d'une importance capitale, et nous croyons que si une personne veut être juge, elle doit suivre la formation. Cette dernière sera utile même à la Cour canadienne de l'impôt.

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