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Le Code canadien du travail, La Loi sur les relations de travail au Parlement, La Loi no1 d’exécution du budget de 2017

Projet de loi modificatif - Deuxième lecture - Suite du débat

5 juin 2018


L’honorable Sénatrice Raymonde Saint-Germain :

Honorables sénateurs, à titre de présidente du Sous-comité sur les ressources humaines du Comité sénatorial permanent de la régie interne, des budgets et de l’administration, je consacrerai mon temps de parole à faire le pont entre le projet de loi C-65 et la révision de la politique du Sénat sur le harcèlement.

En octobre dernier, le monde a connu un mouvement sans précédent qui a mis un frein à la tolérance envers toutes les formes de harcèlement. Étant connecté avec la société qu’il a pour mission de servir, le Sénat s’inscrit lui aussi dans cette mouvance. Le contexte de la dernière année, profondément marqué par le #MoiAussi, solidifie notre détermination à faire en sorte que l’institution améliore ses modes de prévention et de règlement du harcèlement. Pour apprécier le chemin parcouru jusqu’ici sans occulter celui qui est devant nous, j’aborderai d’emblée la perspective historique du traitement du harcèlement par la Chambre haute.

[Traduction]

En 1993, le Sénat a adopté sa première politique sur le harcèlement en milieu de travail. Cette politique s’appliquait à toutes les personnes dans le milieu de travail et comportait une procédure de règlement dans laquelle le plaignant devait informer le sénateur concerné et en discuter avec lui. Soit dit en passant, cette politique donnait la possibilité de porter plainte auprès de la Commission canadienne des droits de la personne.

En 2009, alors que le Président actuel du Sénat occupait la fonction de président du Comité permanent de la régie interne, une modification importante de la politique de 1993 a mené à l’adoption de l’actuelle « Politique du Sénat sur la prévention et le règlement du harcèlement en milieu de travail ».

J’en profite pour souligner l’excellence du travail accompli à l’époque. Cela dit, je demeure convaincue qu’il est non seulement possible, mais nécessaire de moderniser cette politique dont l’adoption remonte à près d’une décennie.

En 2014, le Sénat a commencé à moderniser la politique sur le harcèlement sous la direction de feu l’honorable Pierre Claude Nolin, 43e Président du Sénat. Celui-ci a commenté en public le processus de traitement des plaintes à la suite d’une enquête interne à l’issue de laquelle un ancien sénateur avait été disculpé.

Il est de notoriété publique que certains des témoins qui désiraient participer à cette enquête n’ont pas été interrogés, ce qui a jeté le doute sur l’intégrité du processus. Soulignons que, pour que les victimes cessent de craindre les représailles et accordent leur confiance au processus interne, les plaignants doivent être sincèrement convaincus que l’employeur tient réellement à tirer la situation au clair.

Bien que la politique du Sénat sur le harcèlement en milieu de travail soit exhaustive, il est évident qu’elle n’inspire pas confiance à un certain nombre d’employés. Dans un discours prononcé le 29 janvier, la ministre de l’Emploi, du Développement de la main-d’œuvre et du Travail a déclaré ceci :

Sur la Colline du Parlement, il existe des déséquilibres de pouvoir évidents. Cette situation fait perdurer une culture dans laquelle des gens qui disposent de beaucoup de pouvoir et de prestige peuvent utiliser ces avantages pour s'en prendre à des personnes qui travaillent très fort pour leurs concitoyens. Dans cette culture, les victimes de harcèlement ou de violence sexuelle ne se sentent pas suffisamment protégées pour porter plainte contre leur agresseur.

Dans le but de modifier cette culture néfaste, le gouvernement a présenté le projet de loi C-45, que la Chambre des communes a adopté à l’unanimité le 7 mai, à l’étape de la troisième lecture. Il s’agit du premier cadre législatif complet et cohérent qui vise à prévenir et à traiter les cas de harcèlement et de violence sexuelle dans les milieux de travail sous juridiction fédérale. Il clarifie le cadre normatif complexe qui régit actuellement ces questions, lequel regroupe des lois, des politiques et des décisions judiciaires.

[Français]

Le projet de loi C-65 vise notamment à élargir le champ d’application des protections législatives en matière de santé et de sécurité au travail offertes par le Code canadien du travail. À l'heure actuelle, les employés du Sénat et les autres employés de la Cité parlementaire ne sont pas protégés par la partie II du Code canadien du travail, contrairement aux fonctionnaires et aux autres travailleurs d’entreprises fédérales. L’une des innovations les plus significatives de ce projet de loi est de modifier le code de façon à considérer juridiquement le harcèlement et la violence au travail sous l’angle de la santé et de la sécurité au travail. Il nous reste cependant du pain sur la planche pour concilier le travail accompli par l’autre endroit.

En effet, plusieurs amendements ont été apportés avant que le projet de loi C-65 ne parvienne au Sénat. Par exemple, une définition de la notion de harcèlement et de violence y a été ajoutée. On y a incorporé également l'obligation pour le ministre de publier un rapport annuel, et de déposer un rapport au Parlement, tous les cinq ans, qui traite des dispositions sur le harcèlement et la violence. Un employeur visé devra également veiller à ce que l’ensemble de ses employés, y compris les cadres, reçoivent de la formation sur le lieu de travail en matière de prévention du harcèlement, et devra les informer de leurs droits et obligations en cette matière.

Finalement, un employé ne sera plus tenu d’adresser sa plainte directement à son supérieur hiérarchique avant de pouvoir exercer ses recours. Le plaignant aurait le choix de déposer sa plainte auprès d’une personne désignée dans la politique de l’employeur, ce qui est conforme à la mesure intermédiaire mise en place par le Sous-comité sénatorial sur les ressources humaines d’ici à ce que des amendements à notre politique interne aient été adoptés.

(2130)

J'aimerais attirer votre attention sur le courriel transmis le 24 mai dernier à l’ensemble du personnel et des sénateurs au nom du comité directeur du sous-comité pour expliquer la procédure transitoire. La conseillère en relations de travail au sein de la Direction des ressources humaines y est clairement identifiée pour recevoir les plaintes. Malgré ces améliorations, le comité sénatorial qui étudiera le projet de loi devrait envisager des pistes de solution additionnelles afin de l’améliorer. Je pense, entre autres, à l’article 5, qui empêcherait le renvoi d’une plainte relative à un incident de harcèlement ou de violence à un comité local de santé et de sécurité.

Jusqu’à nouvel ordre, un comité local peut recevoir, de la part de l’une ou l’autre des parties, tout type de plainte non résolue par l’employeur. Un des avantages du comité local est qu’il est formé d’au moins deux membres, dont la moitié n’exerce aucune fonction de direction, qui sont choisis par les employés.

Permettre qu’une enquête y soit transférée pourrait indubitablement favoriser le niveau de confiance des employés envers le processus de plainte. Si la version actuelle du projet de loi C-65 était adoptée, elle priverait un employé de ce recours au nom de la protection des renseignements personnels. J’ai bon espoir que le Sénat saura trouver une façon d’assurer la confidentialité du processus, sans pour autant compromettre la capacité des employés de se prévaloir d’une alternative susceptible de faire débloquer une enquête stagnante.

Tel que l’ont abordé les sénatrices McPhedran et Dupuis dans leur allocution sur le projet de loi C-65, le comité sénatorial devra clarifier le droit des employés du Parlement de déposer une plainte auprès de la Commission canadienne des droits de la personne. Depuis 2005, l’interprétation restrictive de la Cour suprême dans l’affaire Canada (Chambre des communes) c. Vaid prévient un employé du Parlement de se prévaloir du mécanisme de résolution des différends de la commission en matière de discrimination et de harcèlement. Cette décision prive l’employé d’un recours auprès d’une institution bien adaptée au traitement des cas de harcèlement. Je souscris aux propos que la présidente de la Commission des droits de la personne a livrés devant le Comité des ressources humaines de la Chambre des communes, le 28 février dernier :

[…] les victimes devraient avoir le choix de demander réparation immédiatement auprès de la Commission canadienne des droits de la personne avant ou à tout moment pendant le processus interne relatif aux plaintes au sein de leurs organisations respectives.

Le fardeau qui pèse sur la victime devrait être minimisé le plus possible. Par exemple, si une plainte parallèle relative aux droits de la personne est déposée, la personne chargée du dossier devrait transmettre son rapport à la Commission canadienne des droits de la personne pour que la victime n’ait pas à tout reprendre du début et à raconter son histoire à répétition.

[Traduction]

Parallèlement au processus législatif, le Sous-comité des ressources humaines a entrepris un examen des politiques du Sénat en matière de harcèlement. De vastes consultations ont commencé et se poursuivront jusqu’à l’ajournement d’été. Les consultations sont basées sur les principes d’impartialité et d’équité envers toutes les parties, tant les plaignants que les intimés. Des sénateurs, des représentants syndicaux et des experts indépendants prendront part aux consultations. Les témoignages des représentants du personnel des sénateurs sont importants et je ne saurais trop insister là-dessus. Le fait qu’ils souscrivent au processus d’examen de la politique et aux modifications qui en résulteront est une condition essentielle au succès et à la pertinence de cette réforme tant attendue.

Je vous assure, cependant, que notre zèle ne compromettra nullement la conformité de la nouvelle politique du Sénat avec le projet de loi C-65. Par souci d’efficacité, toutes les exigences du projet de loi seront respectées, car le rapport ne sera pas publié avant l’adoption du projet de loi. Nous espérons avoir terminé d’ici le début de l’automne ou même avant, si possible.

En conclusion, il est essentiel que le mouvement actuel produise un changement de culture permanent au Parlement et modifie pour de bon les attitudes et les modes de relations interpersonnelles dans notre milieu.

 

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