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Projet de loi portant sur un conseil national de réconciliation

Motion d'amendement--Report du vote

6 avril 2025


L’honorable Mary Jane McCallum

Par conséquent, honorables sénateurs, je propose l’amendement suivant :

Que le projet de loi C-29, tel que modifié, ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu’il soit modifié à nouveau au préambule, à la page 1, par substitution, aux lignes 2 et 3, de ce qui suit :

« que, depuis des temps immémoriaux, les Premières Nations et les Inuits se sont épanouis sur leur territoire et en ont as- ».

Merci.

L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) [ + ]

Honorables sénateurs, je tiens d’abord à souligner que nous nous trouvons sur un territoire non cédé du peuple algonquin anishinabe.

Je remercie la sénatrice McCallum de son discours et de sa proposition. En tant qu’organe législatif, nous profitons de l’expérience personnelle que notre honorable collègue apporte pour éclairer l’étude des projets de loi visant à faire progresser la réconciliation, comme dans le cas présent.

La « réconciliation » n’est pas un simple mot à la mode dans l’appareil gouvernemental. Il s’agit de guérir les véritables traumatismes vécus — et infligés — par des personnes en chair et en os. Nous sommes nombreux à connaître des survivants qui nous ont raconté leur histoire et qui nous ont aidés à comprendre les promesses et les défis associés à la réconciliation. Nous sommes tous chanceux d’avoir une collègue qui peut nous parler de ces sujets avec la conviction et le point de vue qui viennent d’une expérience personnelle. Je remercie encore une fois la sénatrice de le faire.

Cela dit, j’ai des préoccupations au sujet des détails de l’amendement. Comme nous l’avons entendu, il propose de reformuler le premier paragraphe du préambule. En ce moment, le préambule commence comme suit : « que, depuis des temps immémoriaux, les Autochtones se sont épanouis sur leur territoire et en ont assuré la gestion et la gouvernance [...] » L’amendement remplacerait « les Autochtones » par « les Premières Nations et les Inuits ».

Je comprends la distinction que l’amendement apporterait entre les Premières Nations et les Inuits, qui étaient ici bien avant l’arrivée des Européens, et la nation métisse, qui s’est développée après l’arrivée des Européens.

Les différents peuples autochtones du Canada sont distincts à bien des égards, notamment en ce qui concerne notre histoire et nos origines. Je conviens tout à fait que nous devrions accepter ces distinctions et que nous devrions être unis et solidaires non pas en les occultant, mais en les célébrant.

Toutefois, en tant que Métisse, je suis troublée par l’idée que ce projet de loi commence par une phrase qui exclut expressément la nation métisse. Le libellé actuel est juste — les Autochtones sont ici depuis des temps immémoriaux — et je ne vois pas la nécessité de le changer.

Le projet de loi C-29 est historique. Il s’agit d’une étape importante sur la voie de la réconciliation. Il créera un conseil national de réconciliation qui, pendant des années, surveillera et évaluera l’état de la réconciliation au Canada en plus de sensibiliser les Canadiens à ce sujet et de produire des rapports. Il s’agit d’un travail essentiel, chers collègues.

Compte tenu de l’importance du travail qu’accomplira ce conseil, il n’est pas étonnant qu’une grande partie des discussions à son sujet se soit concentrée sur l’inclusion. Naturellement, comme le Canada compte des centaines de nations autochtones, le préambule ne peut pas les nommer toutes, et il est malheureusement impossible que le conseil ait un représentant de chaque nation au sein de son conseil d’administration.

Toutefois, chers collègues, nous pouvons certainement, à tout le moins, éviter de nommer explicitement deux des trois groupes autochtones distincts reconnus par notre Constitution tout en excluant le troisième. Je suis certaine que cet amendement ne vise pas à insinuer que les Métis forment une catégorie inférieure, mais je crains qu’on le perçoive ainsi, quelle qu’en soit le but.

Les Métis se sont battus avec acharnement pour être reconnus et inclus. Il serait dommage de nous exclure dans la première phrase de ce projet de loi crucial. Par conséquent, je m’opposerai à cet amendement.

Toutefois, je remercie sincèrement la sénatrice McCallum de sa contribution au débat et de son travail au sein du Comité. Son apport a été précieux, et je profite de l’occasion pour remercier tous ceux qui ont participé à l’étude du projet de loi au Sénat. Je pense que nous l’avons renforcé et qu’il est plus probable ainsi que le conseil national soit un organe efficace.

J’ai hâte que le conseil soit constitué et qu’il commence à faire son travail de manière à promouvoir la réconciliation entre les Autochtones et les non-Autochtones du Canada et à prôner l’amour. Je pense que nous avons besoin de plus d’amour au Canada et que le conseil peut contribuer à atteindre cet objectif. Je tiens à vous remercier de votre temps, chers collègues. Hiy hiy, merci.

La sénatrice McCallum

J’ai parlé à des Métis et j’ai rencontré des représentants de la Fédération des Métis du Manitoba ce matin. Je leur ai parlé de cet amendement; ils étaient d’accord avec moi. Je leur ai dit : « Les femmes des Premières Nations sont les matriarches de la nation métisse parce que sans elles et sans les gens qui sont venus ici — les Français et les Britanniques —, il n’y aurait pas eu de nation métisse. »

Comment pouvez-vous dire, sénatrice LaBoucane-Benson, qu’il y avait trois groupes ici, avant l’arrivée des Européens, alors qu’il n’y avait que les Premières Nations? Les Premières Nations englobent toutes les tribus qui étaient représentées ici. Ce sont les premiers peuples. Le problème, c’est que nous ne pouvons pas nous entendre sur un seul terme. En cri, nous nous appelons nêhiyawak, mais ils n’en ont pas tenu compte — c’est la nature humaine.

C’est pourquoi cette question est très importante. C’est la vérité et la réconciliation. La vérité, c’est qu’il n’y avait que les peuples des Premières Nations et les Inuits lorsque les Européens sont arrivés ici. Pouvez-vous nous dire ce que vous en pensez?

La sénatrice LaBoucane-Benson [ + ]

Je ne suis pas en désaccord avec votre interprétation de l’histoire, sénatrice. Je m’oppose au fait qu’il soit écrit « Autochtones » dans le préambule. Il n’y est pas écrit « Métis ».

Toutes les lois du Canada sont rédigées dans la langue du colonisateur. Le mot « Autochtone » n’est pas un mot cri. Les Cris ne se qualifient pas de « Cris » lorsqu’ils parlent d’eux. Les Métis ne se qualifient pas nécessairement de « Cris » lorsqu’ils parlent en michif, mais nous voici pourtant à rédiger, dans la langue du colonisateur, un projet de loi sur la réconciliation.

Je crois que le mot « Autochtone » satisfait la norme et qu’il est suffisant au début de ce projet de loi parce qu’il est inclusif. Il n’exclut pas des gens involontairement, mais je ne suis pas en désaccord avec votre interprétation de l’histoire.

La sénatrice McCallum

Nous ne laissons tomber personne involontairement. C’est la réalité.

Je m’oppose au terme « Autochtone ». C’est le terme qu’il est de bon ton d’utiliser au Canada désormais, et il inclut tous les groupes.

Quand je pense à la façon dont, historiquement, les peuples des Premières Nations ont été ciblés — tout comme les Inuits —, je me dis qu’il ne faut pas oublier que les lois visaient expressément et systématiquement à les écraser. L’enjeu a toujours été de prendre possession des territoires. Le pays doit le reconnaître. Quand on prononce le terme « temps immémoriaux », moi y compris, cela fait référence à la définition selon la langue crie. Il y a un mot cri pour « temps immémoriaux ». Quelles sont vos observations à ce sujet?

La sénatrice LaBoucane-Benson [ + ]

Je vous remercie de votre intervention. Si ce projet de loi était parfait, il énoncerait les nations qui étaient ici, mais ce n’est pas le cas. L’usage d’un langage inclusif aiderait les Métis à comprendre que nous reconnaissons l’existence de leurs traumatismes, qu’ils ont souffert eux aussi, qu’ils ont été envoyés dans les externats et certains pensionnats, qu’ils ont subi le racisme systémique et qu’ils vivent dans un pays qui les a traités comme des moins que rien. Pour toutes ces raisons, je préconise l’emploi d’un langage inclusif.

L’honorable Renée Dupuis [ + ]

Ma question s’adresse à la sénatrice LaBoucane-Benson. Dans le projet de loi C-29, on utilise en français le terme « les Autochtones », étant donné « [...] que, depuis des temps immémoriaux, les Autochtones se sont épanouis sur leur territoire [...] ».

Quand on parle des Autochtones, on fait référence aux peuples autochtones tels qu’ils sont décrits dans l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982. Donc, depuis 1982, on reconnaît que les peuples autochtones sont « [...] des Indiens, des Inuit et des Métis [...] ».

Dans la version anglaise du projet C-29, il est écrit :

Attendu que, depuis des temps immémoriaux, les Autochtones se sont [...]

Est-ce que je comprends bien que, dans la définition de l’expression time immemorial, ou temps immémoriaux, quand on examine le sens de ces termes, autant en anglais qu’en français, on fait référence à quelque chose — et je cite le dictionnaire — « qui remonte à une époque si ancienne qu’elle est sortie de la mémoire »?

En anglais, la définition est : « qui tire son origine dans un passé lointain; très ancien ».

Il n’y a pas de référence à une époque précise dans l’histoire humaine.

Êtes-vous d’avis que, en définissant « temps immémorial », en français ou en anglais, au moyen de termes généraux, on ne détermine pas l’arrivée d’un peuple précis à une époque en particulier, avant ou après un autre?

La sénatrice LaBoucane-Benson [ + ]

Merci, sénatrice. Je ne suis pas la mieux placée pour comparer l’anglais et le français. Je suis sûre que mes collègues en conviendront.

Mais je vois ce que vous voulez dire. Si je comprends bien, vous dites que l’idée de « temps immémoriaux » est exprimée différemment en anglais et en français, n’est-ce pas?

La sénatrice Dupuis [ + ]

Est-ce que je peux préciser ma question? De toute évidence, on n’a pas compris ma question telle que je l’ai énoncée.

Son Honneur la Présidente [ + ]

Oui, certainement.

La sénatrice Dupuis [ + ]

Autant en anglais qu’en français, la référence au terme « immémorial » renvoie à une époque distante dans l’histoire de l’humanité, sans nécessairement donner une date précise pour l’arrivée des Inuits, l’arrivée des Indiens, l’arrivée des Métis, selon les termes utilisés dans l’article 35 de la Loi constitutionnelle. Ce ne sont pas mes termes préférés, mais j’utilise ceux que nous avons. Est-ce votre compréhension de la chose?

La sénatrice LaBoucane-Benson [ + ]

Je suis d’accord avec vous. C’est ce que je comprends.

L’honorable Rebecca Patterson [ + ]

Sénatrice, accepteriez-vous de répondre à une question?

La sénatrice LaBoucane-Benson [ + ]

Bien sûr.

La sénatrice R. Patterson [ + ]

Merci. Je ne suis pas une Autochtone. Je ne suis pas membre de la nation métisse, d’une Première Nation ou de la nation inuite. J’apprécie vraiment tout ce qui a été dit afin que nous puissions comprendre l’histoire et ce que signifie réellement le terme « temps immémoriaux ».

Ma question porte sur l’identité métisse. « Temps immémoriaux », selon l’explication de la sénatrice McCallum, signifie « depuis le début jusque dans l’avenir ». C’est un continuum, une ligne ininterrompue. Une personne métisse est issue en partie d’une culture colonisatrice et en partie d’une culture autochtone.

Puisque vous êtes une Métisse, ma question pour vous est la suivante : si le libellé n’est pas inclusif, les Métis vont-ils sentir qu’une partie d’eux-mêmes est exclue?

La sénatrice LaBoucane-Benson [ + ]

Je vous remercie de votre question. Je ne parle pas au nom de tous les Métis. Je crois que mon honorable collègue a dit que ce ne serait pas le cas; elle dit aussi avoir eu des conversations à ce sujet, et je n’y ai pas participé.

En tant que Métisse, je souhaite aussi dire qu’une certaine vision des Métis me met un peu mal à l’aise, plus précisément celle qui consiste à voir les Métis comme des personnes de sang mêlé. Les Métis sont la création culturelle d’un groupe de personnes qui ont créé leur propre culture, tout d’abord dans la vallée de la rivière Rouge. Il s’agit d’une culture bien définie. Elle a été formée à partir d’une combinaison d’éléments, certes, mais elle a évolué pour devenir une culture à part entière.

En tant que Métisse, je dirais qu’il est important d’être inclusifs et de reconnaître que l’histoire des Métis a été marquée par des traumatismes; je crois aussi qu’il serait utile d’employer des formulations inclusives.

L’honorable Marty Klyne [ + ]

Je veux dire que je comprends ce que dit la sénatrice McCallum, mais que je prends note de l’aspect métis de la question. Je pense que la sénatrice LaBoucane-Benson et la sénatrice Dupuis ont couvert certains des points que je voulais soulever, mais je tiens à dire que ce ne sont pas tous les peuples autochtones qui sont ici depuis des temps immémoriaux. Les Métis sont une nation autochtone née après l’arrivée des Européens, qui remonte à près de 400 ans ou plus. Ils sont issus de l’union des commerçants de fourrures européens et des femmes des Premières Nations au XVIIe siècle.

Comme nous le savons et comme on l’a mentionné, la définition constitutionnelle de « peuples autochtones » — ou de « peuples indigènes », si vous préférez — fait référence aux Premières Nations, aux Métis et aux Inuits.

Merci.

Son Honneur la Présidente [ + ]

Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Son Honneur la Présidente [ + ]

Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Son Honneur la Présidente [ + ]

Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Son Honneur la Présidente [ + ]

Que les sénateurs qui sont contre la motion veuillent bien dire non.

Son Honneur la Présidente [ + ]

À mon avis, les non l’emportent.

Et deux honorables sénateurs s’étant levés :

Son Honneur la Présidente [ + ]

Je vois deux sénateurs se lever. Y a-t-il entente au sujet de la sonnerie?

Le vote est reporté à demain, à 17 h 30.

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