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Le Canada doit miser davantage sur la justice réparatrice : sénatrice Saint-Germain, ancien sénateur Eggleton

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Un sondage mené par le ministère de la Justice plus tôt cette année révèle que plus de la moitié des Canadiens (52 %) connaissent peu le concept de la « justice réparatrice » malgré le fait qu’elle soit utilisée dans notre système de justice pénale depuis plus de 40 ans.

En quoi consiste la justice réparatrice ? Peut-elle offrir une meilleure justice aux victimes, aux délinquants et à l’ensemble de la société ?

Selon la recherche, oui.

La justice réparatrice met davantage l’accent sur la réhabilitation des délinquants et sur la réconciliation avec les victimes que sur les sanctions. Le but est de réparer le tort causé, de favoriser la guérison des victimes, d’obliger les délinquants à assumer la responsabilité de leurs actes et de prévenir les récidives.

Il s’agit d’un processus volontaire tant pour la victime que pour le délinquant. Habituellement, ce dernier doit reconnaître ou accepter la responsabilité de ses actes pour avoir accès au programme.

La justice réparatrice peut prendre diverses formes et varie beaucoup d’une communauté à l’autre. Elle peut inclure des programmes de médiation et des ententes de règlement, y compris des travaux communautaires, une compensation financière et des services offerts à la victime.

La recherche montre que la justice réparatrice est plus efficace et rentable que le système de justice traditionnel, en plus de réduire les récidives.

Il existe actuellement près de 500 programmes en vigueur partout au Canada, principalement pour les jeunes délinquants.

Nous avons récemment tenu un caucus ouvert du Sénat sur la question. Des experts de partout au pays ont insisté sur la nécessité de recourir davantage à la justice réparatrice au Canada.

« C’est beaucoup plus qu’un autre moyen de rendre justice; c’est une autre façon de comprendre ce qui est nécessaire pour rendre justice, » a indiqué Jennifer Llewellyn, professeure à la Schulich School of Law de l’Université Dalhousie, lors du Forum

Chantell Barker, la coordonnatrice au développement de la justice de l’Organisation des chefs du Sud du Manitoba, qui représente 34 communautés autochtones, a dit au Forum que la justice réparatrice est plus conforme aux modèles de justice autochtone traditionnels, qui mettent l’accent sur la guérison des causes fondamentales et sur le rétablissement de l’harmonie, permettant ainsi au délinquant d’apprendre de ses erreurs et de faire amende honorable pour son comportement.

Lorsque Ryan Beardy a pris la parole, tout le monde l’a écouté attentivement. Il y a 18 mois, M. Beardy a obtenu une libération conditionnelle. Il avait été incarcéré à maintes reprises au cours des deux dernières décennies, et avait passé plusieurs années en prison. Il en est maintenant à sa deuxième année d’études universitaires en sciences politiques et en résolution de conflits. Il siège aussi à de nombreux conseils d’administration d’organismes sans but lucratif, encadre des étudiants et est père.

Il affirme que la justice réparatrice lui a permis de reprendre sa vie en main. « Les pratiques de justice réparatrice ont changé ma vie », a-t-il affirmé. « Je ne voulais pas continuer de retourner en prison et je ne voulais plus faire de victimes. Je voulais changer. »

Il a donc demandé de participer à un programme thérapeutique, d’apprendre de ses aînés et de se recentrer sur sa culture. Il a ainsi appris à rejeter ses anciennes croyances et valeurs négatives et a amorcé un parcours de guérison de sa santé mentale, physique, émotionnelle et spirituelle.

« Imaginez à quoi ressemblerait une société avec plus d’individus habilités et rétablis, qui redonnent aux autres comme je le fais et qui changent comme je l’ai fait », a ajouté M. Beardy.

Le forum a aussi appris que les victimes peuvent exprimer leurs souffrances directement aux délinquants (souvent par vidéo). Elles se sentent ainsi écoutées et sont plus aptes à surmonter leurs peurs et à reprendre le contrôle de leurs vies.

Que devons-nous faire pour rendre les approches en matière de justice réparatrice plus efficaces au Canada ? Nous devons créer un cadre national de justice réparatrice en partenariat avec les provinces.

Nous devons promouvoir les programmes de justice réparatrice dans l’ensemble du système, et nous avons besoin, comme l’a mentionné Mme Llewellyn, « de changements législatifs qui favorisent un recours et un accès accrus » et d’un financement adéquat pour permettre aux gouvernements et aux communautés de collaborer.

Nous devons aussi éduquer les Canadiens au sujet de la justice réparatrice, particulièrement les intervenants du système judiciaire et des organismes communautaires.

Il est aussi grand temps, comme l’a affirmé Johanne Vallée, ambassadrice du Centre de services de justice réparatrice, de ramener un peu d’humanité dans notre système de justice pénale.

La justice réparatrice est la voie positive de l’avenir.


La sénatrice Raymonde Saint-Germain est facilitatrice adjointe du Groupe des sénateurs indépendants. Elle a été nommée au Sénat en 2016, après deux mandats en tant que protectrice du citoyen du Québec et une carrière distinguée dans l'administration publique. Elle représente la division de la Vallière au Québec.

L'honorable Art Eggleton a pris sa retraite du Sénat en septembre 2018. Il a été président du Comité des affaires sociales, sciences et technologie et il a coprésidé les discussions sur la justice réparatrice au Caucus ouvert. Avis aux lecteurs : L’honorable Art Eggleton, C.P., est retraité du Sénat du Canada depuis septembre 2018. Apprenez-en davantage sur son travail au Parlement.

 

Cet article a été publié le 29 octobre 2018 dans le journal La Presse.

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Un sondage mené par le ministère de la Justice plus tôt cette année révèle que plus de la moitié des Canadiens (52 %) connaissent peu le concept de la « justice réparatrice » malgré le fait qu’elle soit utilisée dans notre système de justice pénale depuis plus de 40 ans.

En quoi consiste la justice réparatrice ? Peut-elle offrir une meilleure justice aux victimes, aux délinquants et à l’ensemble de la société ?

Selon la recherche, oui.

La justice réparatrice met davantage l’accent sur la réhabilitation des délinquants et sur la réconciliation avec les victimes que sur les sanctions. Le but est de réparer le tort causé, de favoriser la guérison des victimes, d’obliger les délinquants à assumer la responsabilité de leurs actes et de prévenir les récidives.

Il s’agit d’un processus volontaire tant pour la victime que pour le délinquant. Habituellement, ce dernier doit reconnaître ou accepter la responsabilité de ses actes pour avoir accès au programme.

La justice réparatrice peut prendre diverses formes et varie beaucoup d’une communauté à l’autre. Elle peut inclure des programmes de médiation et des ententes de règlement, y compris des travaux communautaires, une compensation financière et des services offerts à la victime.

La recherche montre que la justice réparatrice est plus efficace et rentable que le système de justice traditionnel, en plus de réduire les récidives.

Il existe actuellement près de 500 programmes en vigueur partout au Canada, principalement pour les jeunes délinquants.

Nous avons récemment tenu un caucus ouvert du Sénat sur la question. Des experts de partout au pays ont insisté sur la nécessité de recourir davantage à la justice réparatrice au Canada.

« C’est beaucoup plus qu’un autre moyen de rendre justice; c’est une autre façon de comprendre ce qui est nécessaire pour rendre justice, » a indiqué Jennifer Llewellyn, professeure à la Schulich School of Law de l’Université Dalhousie, lors du Forum

Chantell Barker, la coordonnatrice au développement de la justice de l’Organisation des chefs du Sud du Manitoba, qui représente 34 communautés autochtones, a dit au Forum que la justice réparatrice est plus conforme aux modèles de justice autochtone traditionnels, qui mettent l’accent sur la guérison des causes fondamentales et sur le rétablissement de l’harmonie, permettant ainsi au délinquant d’apprendre de ses erreurs et de faire amende honorable pour son comportement.

Lorsque Ryan Beardy a pris la parole, tout le monde l’a écouté attentivement. Il y a 18 mois, M. Beardy a obtenu une libération conditionnelle. Il avait été incarcéré à maintes reprises au cours des deux dernières décennies, et avait passé plusieurs années en prison. Il en est maintenant à sa deuxième année d’études universitaires en sciences politiques et en résolution de conflits. Il siège aussi à de nombreux conseils d’administration d’organismes sans but lucratif, encadre des étudiants et est père.

Il affirme que la justice réparatrice lui a permis de reprendre sa vie en main. « Les pratiques de justice réparatrice ont changé ma vie », a-t-il affirmé. « Je ne voulais pas continuer de retourner en prison et je ne voulais plus faire de victimes. Je voulais changer. »

Il a donc demandé de participer à un programme thérapeutique, d’apprendre de ses aînés et de se recentrer sur sa culture. Il a ainsi appris à rejeter ses anciennes croyances et valeurs négatives et a amorcé un parcours de guérison de sa santé mentale, physique, émotionnelle et spirituelle.

« Imaginez à quoi ressemblerait une société avec plus d’individus habilités et rétablis, qui redonnent aux autres comme je le fais et qui changent comme je l’ai fait », a ajouté M. Beardy.

Le forum a aussi appris que les victimes peuvent exprimer leurs souffrances directement aux délinquants (souvent par vidéo). Elles se sentent ainsi écoutées et sont plus aptes à surmonter leurs peurs et à reprendre le contrôle de leurs vies.

Que devons-nous faire pour rendre les approches en matière de justice réparatrice plus efficaces au Canada ? Nous devons créer un cadre national de justice réparatrice en partenariat avec les provinces.

Nous devons promouvoir les programmes de justice réparatrice dans l’ensemble du système, et nous avons besoin, comme l’a mentionné Mme Llewellyn, « de changements législatifs qui favorisent un recours et un accès accrus » et d’un financement adéquat pour permettre aux gouvernements et aux communautés de collaborer.

Nous devons aussi éduquer les Canadiens au sujet de la justice réparatrice, particulièrement les intervenants du système judiciaire et des organismes communautaires.

Il est aussi grand temps, comme l’a affirmé Johanne Vallée, ambassadrice du Centre de services de justice réparatrice, de ramener un peu d’humanité dans notre système de justice pénale.

La justice réparatrice est la voie positive de l’avenir.


La sénatrice Raymonde Saint-Germain est facilitatrice adjointe du Groupe des sénateurs indépendants. Elle a été nommée au Sénat en 2016, après deux mandats en tant que protectrice du citoyen du Québec et une carrière distinguée dans l'administration publique. Elle représente la division de la Vallière au Québec.

L'honorable Art Eggleton a pris sa retraite du Sénat en septembre 2018. Il a été président du Comité des affaires sociales, sciences et technologie et il a coprésidé les discussions sur la justice réparatrice au Caucus ouvert. Avis aux lecteurs : L’honorable Art Eggleton, C.P., est retraité du Sénat du Canada depuis septembre 2018. Apprenez-en davantage sur son travail au Parlement.

 

Cet article a été publié le 29 octobre 2018 dans le journal La Presse.

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