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Projet de loi sur le moratoire relatif aux pétroliers

Message des Communes--Adoption de la motion d’adoption des amendements des Communes

20 juin 2019


L’honorable Pat Duncan [ + ]

Honorables sénateurs, je prends la parole à propos du projet de loi C-48.

On a mentionné à plusieurs reprises aujourd’hui que le Sénat représente toutes les régions. Le point de vue de ma région, le Yukon, n’a pas été présenté dans ce débat. J’aimerais attirer l’attention de mes collègues sur plusieurs points qui, à ma connaissance, n’ont été soulevés ni dans cette enceinte ni au comité.

Le projet de loi C-48 porte sur la côte nord de la Colombie-Britannique, la protection de cette partie en particulier des côtes canadiennes. Je pense que ce choix est celui de la Colombie-Britannique, un facteur très important quand on parle de la Confédération et de nos places individuelles au sein de celle-ci. Quand je dis « ce choix est celui de la Colombie-Britannique », je fais allusion aux Premières Nations et au gouvernement de la province.

Honorables sénateurs, l’idée de protéger l’environnement dans cette région n’est pas une nouveauté. J’attire votre attention sur l’article 3 du protocole d’entente et de collaboration entre l’État de l’Alaska et la province de la Colombie-Britannique qui a été signé en 2015 :

L’Alaska et la Colombie-Britannique collaboreront pour favoriser la fiabilité et la sécurité du transport maritime. Cette collaboration englobe, entre autres choses, les mesures pour prévenir les accidents et les déversements et pour atténuer les conséquences des accidents et des déversements.

Dans la Déclaration de coopération pour la protection des eaux transfrontalières, l’annexe « Définition des termes » précise que les « eaux transfrontalières [...] comprennent toutes les eaux marines qui se trouvent dans les limites du territoire de l’Alaska, au sud du 60e parallèle, ou dans les limites du territoire de la Colombie-Britannique. »

Tout récemment, en 2018, l’Alaska a exhorté le Canada et la Colombie-Britannique à s’occuper de la protection environnementale et des bassins hydrographiques. Les zones qui nous intéressent ici sont situées sur le territoire canadien.

Nous savons depuis des milliers d’années que le refuge faunique de l’Arctique, situé sur la côte la plus septentrionale de l’Alaska, est une aire de reproduction sacrée pour la harde de caribous de la Porcupine. D’aussi loin que je me rappelle, et même avant, le Yukon a fait du lobbying auprès de l’Alaska pour assurer la protection du refuge faunique de l’Arctique. Nous avons demandé aux Alaskiens de renoncer au forage pétrolier dans les aires de reproduction sacrée pour les caribous de la Porcupine. Ce sont des terres sacrées pour les Vuntut Gwitchin qui vivent dans le Nord du Yukon. Leur lobbying très efficace auprès de Washington a reçu l’appui du Yukon et des gouvernements canadiens de toutes les allégeances politiques. Je pense que plusieurs sénateurs sont au fait de leurs efforts.

Comment pouvons-nous exercer des pressions pour protéger les côtes de l’Alaska, en sachant à quel point elles sont importantes pour les peuples autochtones et les Yukonais, si nous ne sommes même pas disposés à protéger nos propres côtes canadiennes, qui sont tout aussi importantes pour les peuples autochtones?

Au cas où quelqu’un laisserait entendre que je ne suis pas au courant des difficultés que posent les ressources enclavées, je rappelle aux sénateurs que les ressources de la mine Faro ont été acheminées vers les marchés par le port de Skagway, dans le Sud-Est de l’Alaska. De plus, ce n’est pas la première fois que des problèmes se posent avec des pipelines. Le Canada et les États-Unis avaient signé un traité visant à transporter du gaz de l’Alaska au moyen du pipeline Alyeska. Il aurait traversé le Yukon et aurait peut-être été raffiné en Alberta. Pendant longtemps, j’ai exercé de fortes pressions pour que le projet se concrétise. Le pipeline aurait longé un corridor de transport qui a été construit et qui est toujours partiellement financé par les États-Unis. En fin de compte, l’industrie a pris une autre décision. Je vous fais part de cette information parce qu’il ne faut pas sous-estimer le rôle que joue l’industrie dans le processus décisionnel.

Chers collègues, le Yukon partage une frontière avec l’Alaska et il y a une grande circulation à destination du Sud-Est de l’Alaska. Même si, techniquement, la frontière se trouve en Colombie-Britannique et que les postes frontaliers indiquent que c’est la Colombie-Britannique, ce sont les Yukonnais qui utilisent les postes frontaliers, et ce, souvent plus d’une fois par jour.

Les habitants du Sud-Est de l’Alaska, du Far West des États-Unis, sont nos voisins, nos amis et, dans bien des cas, des membres de la famille. Chez nous, il arrive que les grands-parents se trouvent d’un côté de la frontière, tandis que les parents sont de l’autre.

Je vous parle des répercussions globales, des répercussions américano-canadiennes parce que le comité n’en a pas discuté. Je crois qu’il aurait probablement dû le faire, mais en rétrospective, c’est facile à dire.

Selon moi, les Yukonnais appuient la protection de cette région, et les renseignements que je vous ai fournis aujourd’hui semblent aussi aller en ce sens.

Même si je respecte pleinement les vives instances que nous avons entendues aujourd’hui ainsi que les renseignements fournis par la sénatrice McCoy, je pense que le projet de loi C-48 est une mesure qui respecte la compétence de chacun au Canada. C’est une demande des Britanno-Colombiens, et nous devrions adopter le projet de loi. En ce qui concerne les questions liées aux ressources, à mon avis, il y a d’autres facteurs en jeu, et l’industrie prendra des décisions à cet égard.

Pour ces raisons, honorables sénateurs, j’appuie le projet de loi C-48. Je pense que c’est la chose à faire. C’est une demande de la Colombie-Britannique, de la Confédération, et je crois que nous devrions les écouter et donner suite à leur demande. Je vous remercie.

L’honorable Donna Dasko [ + ]

Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui au sujet du message de la Chambre des communes à propos du projet de loi C-48, dont le titre abrégé est Loi sur le moratoire relatif aux pétroliers.

Comme membre du Comité sénatorial permanent des transports et des communications, j’ai eu la possibilité de participer aux délibérations sur ce projet de loi. Pour cette longue étude, nous nous sommes réunis 22 fois, nous avons entendu 139 témoins et nous nous sommes rendus dans quatre communautés. Je suis reconnaissante d’avoir des collègues aussi merveilleux au comité; nous avons noué des liens indestructibles. Étrangement, le projet de loi C-48 me manquera lorsque nous en aurons terminé l’étude ici.

Le message que nous avons reçu de la Chambre des communes nous renvoie presque à la version initiale du projet de loi. Dès le tout début de l’étude de ce projet de loi, j’ai pensé qu’il présentait en gros une bonne idée. Au fil des délibérations et de l’étude, j’ai trouvé que c’était un assez bon projet de loi. Maintenant que j’entends autant de critiques, je me sens obligée de prendre la parole aujourd’hui à son sujet.

Je vais être brève, mais je tiens à dire que j’estime que nous devrions accepter le message.

Je vais vous faire part de mes réflexions générales concernant le projet de loi C-48. Pour moi, cette mesure législative contient tous les éléments de ce qui fait un projet de loi réussi et largement accepté. Premièrement, il est fondé sur une politique bien établie. Le moratoire sur les pétroliers est une politique bien étayée qui existe depuis plusieurs décennies.

Comme on le sait, un système a été établi en 1977 pour que les pétroliers américains transportant du brut depuis l’Alaska jusqu’au continent américain évitent la côte Ouest de la Colombie-Britannique. Cette pratique a été officialisée dans l’entente conclue en 1985 entre les gardes côtières du Canada et des États-Unis afin de créer une zone d’exclusion volontaire des pétroliers. D’après ce que je comprends, tous les gouvernements fédéraux et tous les gouvernements de la Colombie-Britannique ont appuyé cet arrangement volontaire pendant de nombreuses décennies.

Le projet de loi C-48 vient officialiser davantage cet arrangement, qui s’appliquerait désormais aux pétroliers canadiens. Combien de politiques notre pays a-t-il eu l’occasion de mettre à l’essai pendant presque 40 ans avant de les inscrire dans la loi? Combien de fois cela s’est-il produit? Presque jamais.

À mes yeux, il s’agit d’une politique modérée et éprouvée. Aucun pétrolier n’a circulé dans cette région par le passé et aucun ne le fera dans l’avenir. Voilà le premier point que je voulais souligner.

Le deuxième élément qui contribue à en faire une bonne mesure législative est la raison d’être de l’interdiction des pétroliers, c’est-à-dire protéger d’un éventuel déversement de pétrole la côte nord de la Colombie-Britannique, qui est relativement vierge, la célèbre forêt pluviale de Great Bear et d’autres zones sensibles dans la région.

La semaine dernière, la sénatrice Jaffer, par l’intermédiaire du sénateur Woo, nous a parlé en détail de cet habitat unique à la végétation luxuriante. Nul besoin de répéter sa merveilleuse description.

Contrairement à ce qu’on voit sur la côte Est, aucun pétrolier n’a jamais circulé au large de la côte visée par le projet de loi. Le volet environnemental rend ce projet de loi particulièrement pertinent, de nos jours, étant donné que les Canadiens sont généralement plus sensibles à des questions comme les changements climatiques, la protection de l’environnement et l’ensemble des questions environnementales. Les Canadiens sont maintenant plus disposés que jamais à accepter des politiques environnementales plus rigoureuses.

En troisième lieu, c’est un bon projet de loi parce qu’il a l’appui d’un très grand nombre de personnes et de collectivités. Notre voyage à Prince Rupert et à Terrace a grandement contribué à nous faire voir à quel point les résidants de la région veulent que le projet de loi C-48 soit adopté.

Soulignons surtout que la majorité des Premières Nations de la côte, soit 9 sur 11, comptent sur le projet de loi C-48 pour protéger leur communauté ainsi que leur gagne-pain actuel et futur — c’est-à-dire les pêches — contre les effets catastrophiques d’un déversement d’hydrocarbures.

La sénatrice McCallum a déjà parlé des points de vue et des désirs exprimés par les collectivités côtières, et je n’ai donc pas besoin de répéter ce qu’elle a expliqué avec beaucoup d’éloquence la semaine dernière.

Cela dit, le projet de loi C-48 a aussi l’appui de bien d’autres personnes, y compris des dirigeants municipaux, des environnementalistes, des résidants de la région, le maire de Prince Rupert, le maire de Kitimat, le député fédéral qui représente la région concernée et qui, à notre demande, est venu ici, au Sénat, la députée provinciale qui représente cette région côtière et, surtout, le gouvernement provincial de la Colombie-Britannique.

Nous devons aussi tenir compte, dans nos délibérations, du soutien considérable que ce projet de loi reçoit de la part d’un vaste éventail d’intervenants. Beaucoup de gens nous supplient de l’adopter.

Ma quatrième raison, un point auquel nous devrions attacher beaucoup d’importance, c’est que les libéraux de M. Trudeau avaient promis ce changement en 2015. Cette promesse a peut-être été faite en Colombie-Britannique, mais elle n’en demeure pas moins valide.

On dit parfois, à juste titre, que les gouvernements ne respectent pas toujours leurs promesses. Ainsi, la réforme électorale promise ne s’est jamais concrétisée. Mais quand un gouvernement décide de donner suite à l’une de ses promesses, nous devons y attacher beaucoup d’importance pendant nos délibérations. De toute évidence, le gouvernement a reçu le mandat de mener ce dossier à bien, surtout de la part des Britanno-Colombiens.

Voilà les quatre raisons qui m’apparaissent cruciales.

On peut ensuite se demander ceci : puisque le projet de loi C-48 est clairement une bonne mesure législative, selon moi, pourquoi se bute-t-il à autant de difficultés?

Chers collègues, une seule raison explique ces difficultés. Elle trouve sa source dans la situation déplorable de l’industrie pétrolière albertaine, la dégringolade du prix des ressources naturelles ces dernières années, les pertes d’emplois, les avenirs brisés et les espoirs envolés. Le désespoir a affecté l’humeur du public, le dialogue public et même l’unité nationale.

L’an dernier, mes anciens collègues d’Environics ont fait équipe avec la Canada West Foundation, le Mowat Centre et l’IRPP pour entreprendre un vaste sondage d’opinion auprès de la population canadienne sur diverses questions liées à l’unité nationale. En décembre et janvier derniers, ils ont mené une vaste enquête auprès des Canadiens dans 13 provinces et territoires, ainsi qu’auprès de collectivités autochtones.

Une série de constatations cruciales concerne la province de l’Alberta et la façon dont elle vit ce que nous pourrions appeler un éloignement extrême du reste du Canada. En effet, 71 p. 100 des Albertains disent que la province n’obtient pas le respect qu’elle mérite dans le reste du Canada, ce qui représente une hausse par rapport à 49 p. 100 en 2010. Au total, 67 p. 100 des Albertains disent qu’ils n’ont pas leur juste part d’influence sur les décisions nationales, comparativement à 46 p. 100 de tous les Canadiens qui disent la même chose. Par ailleurs, 56 p. 100 des Albertains disent qu’ils tirent si peu d’avantages de leur adhésion au Canada qu’ils pourraient aussi bien se débrouiller seuls, et ce chiffre est en hausse puisque seulement 28 p. 100 d’entre eux pensaient ainsi en 2010.

La campagne électorale albertaine subséquente, avec ses discours passionnés, a rendu ce genre de points de vue encore plus évidents. Le premier ministre Kennedy a tenu des propos sur ces mêmes thèmes lorsqu’il a comparu devant le comité, le 30 avril, pour dire que l’Alberta est la province qui contribue le plus, financièrement, au reste du pays, qu’il y a une crise de confiance en Alberta concernant le fédéralisme et qu’il y a aussi une crise d’unité nationale. Il a également parlé de désirs de séparation.

Nous devons conclure que ces attitudes et ces perceptions sont bien réelles, tout comme la situation économique et les pertes de revenus, d’emplois et de possibilités au sein du secteur des ressources.

Je pense, et même je sais, que bon nombre de Canadiens compatissent en pensant à cette situation, et je sais que la situation est différente aujourd’hui, du moins en ce qui concerne le reste des Canadiens, par rapport aux mauvais jours de l’époque du Programme énergétique national. Je crois sincèrement que les Canadiens du reste du pays comprennent et compatissent aux difficultés de l’Alberta. Je le crois fermement. Je le sais, sénatrice Simons, et je vous l’ai déjà dit. J’en ai la certitude.

Maintenant, beaucoup d’Albertains s’en sont pris au projet de loi relatif aux pétroliers. Les Albertains ont le droit d’être fâchés, mais ce projet de loi ne mérite pas tant de colère. Pas du tout. Nous recevons des courriels de gens en Alberta qui parlent de tous les emplois qu’ils auront quand le projet de loi C-48 sera rejeté. Ils s’attendent à avoir une abondance d’emplois aussitôt que le projet de loi sera rejeté.

Je dois cependant dire, malgré tout le respect que je leur dois, que certains Albertains entretiennent à tort cet espoir lié au rejet du projet de loi.

Le rejet du projet de loi C-48 ne créerait pas d’emplois en Alberta. Malheureusement, aucun oléoduc ne sera aménagé dans un avenir prévisible. Il n’y a pas de Trans Mountain ni de Keystone à l’horizon pour le Nord. Je dis cela avec regret.

De plus, nos déplacements dans la région ont confirmé, pour moi, l’énorme opposition qui existe à l’égard de l’aménagement de pipelines dans la région. Nous en avons appris davantage au sujet du projet Northern Gateway et des raisons pour lesquelles il a échoué. Un plébiscite a eu lieu à Kitimat et les citoyens ont rejeté le projet Northern Gateway. Ils ne l’aimaient pas. Pourtant, on parle d’une ville qui dépend de l’exploitation des ressources naturelles. Selon Anne Hill, de la North West Watch Society, l’opposition à ce projet fusait de toutes parts au sein de la collectivité. Elle a dit :

Chaque conseil municipal de la région a adopté des résolutions pour rejeter le projet.

Nous devons comprendre que c’est également un facteur. L’aménagement de pipelines dans la région fait l’objet d’une énorme opposition.

Je tenais à le signaler. Cela dit, je reviens, en conclusion, au sujet à l’étude. Malgré cela, nous savons que la frustration et la déception subsistent en Alberta.

Compte tenu de cette situation, je pense que l’amendement élaboré par les sénateurs Sinclair et Pratte à propos de l’évaluation régionale approfondie et accepté par le Sénat la semaine dernière représentait une tentative sincère et de bonne foi de permettre à l’Alberta de garder espoir et de lui signaler que nous nous soucions d’elle.

Le gouvernement a rejeté cet amendement et nous nous retrouvons essentiellement avec une version pratiquement inchangée du projet de loi C-48. Ce dernier contient un amendement qui propose un examen après cinq ans de la mesure législative, une démarche intermédiaire qui contribuera à mon avis à notre compréhension de la situation et à tenir compte des préoccupations de l’Alberta.

Honorables sénateurs, je pense que le moment est enfin venu d’accepter le message et de reconnaître que nous avons fait tout ce que nous avons pu. J’encourage le Sénat à accepter le message de la Chambre des communes.

Merci.

Honorables sénateurs, je n’avais pas l’intention d’intervenir au sujet de ce projet de loi, car j’ai la voix un peu enrouée. Je me sens toutefois tenue de le faire après avoir écouté mes collègues en parler avec autant de passion.

Ce projet de loi me tient beaucoup à cœur, bien entendu, parce que je viens de la Colombie-Britannique. Il aura des conséquences pour l’environnement de la Colombie-Britannique, les secteurs énergétiques de l’Alberta et de la Saskatchewan et notre économie. Plus important encore, il aura des effets sur le tissu même de notre pays.

Depuis que ce projet de loi a été inscrit au Feuilleton, des groupes, pour ou contre le projet de loi, se sont manifestés successivement, que ce soit au moyen de témoignages, par courriel ou dans les médias sociaux, pour plaider et défendre leur cause avec passion.

Ceux en faveur du projet de loi C-48 affirment que la seule façon de protéger la côte de la Colombie-Britannique est de mettre l’interdiction volontaire des pétroliers sur la côte Ouest dans une mesure législative fédérale contraignante de manière à empêcher une fois pour toutes les pétroliers de transporter du pétrole de l’Alberta et de la Saskatchewan en passant par les ports du Nord de la Colombie-Britannique, rendant ainsi l’accès aux marchés asiatiques plus difficile.

Je sais que la grande majorité des partisans de ce projet de loi sont motivés par leur amour de la Colombie-Britannique et leurs inquiétudes pour l’environnement. Ils ne souhaitent pas seulement protéger le vaste littoral et les plages immaculées, mais aussi les montagnes et les forêts pluviales vierges. La Colombie-Britannique et ses eaux sont habitées par les espèces les plus rares de la planète. Les gens qui vivent le long de la côte, qui sont majoritairement autochtones, y perpétuent un mode de vie ancestral aux racines millénaires.

Beaucoup exigent que nous protégions l’environnement pour les générations futures. Pour certains, cette préoccupation légitime ne peut que se traduire par une interdiction totale des pétroliers. Inversement, d’autres personnes nous rappellent que ce grand pays a été bâti grâce à l’exploration, à l’extraction et au transport des ressources naturelles vers les marchés du monde entier.

L’industrie pétrolière est l’un des principaux moteurs de l’économie de tout le Canada, et non uniquement de l’Alberta et de la Saskatchewan. Faut-il faire primer un intérêt au détriment d’un autre, renvoyer des régions dos à dos et dresser les Premières Nations les unes contre les autres?

Je reviendrai à cette question plus tard.

Je vis en Colombie-Britannique depuis plus de 40 ans. J’ai vécu sur la côte et à l’intérieur des terres, et j’ai aussi passé beaucoup de temps dans le Nord de la province. J’ai pêché dans le fleuve Skeena et ses affluents. Je suis allée à Haida Gwaii. J’ai même vu un ours Kermode, ou « ours esprit », en liberté — c’est vraiment vrai. Et j’ai vu de nombreux grizzlis, quoique d’un peu trop près à mon goût.

Je ne me vante pas sans cesse d’être une experte de l’écosystème britanno-colombien, mais toutes ces expériences ont façonné mon point de vue. Le moins que je puisse dire, c’est que la Colombie-Britannique est pour moi un endroit très spécial.

Il peut être intéressant de noter que j’ai grandi à Dartmouth, en Nouvelle-Écosse. Adolescente, je passais les vacances estivales dans des endroits comme la plage de Lawrencetown et celle de Clam Harbour. J’ai parcouru la piste Cabot sur la côte du Cap-Breton, d’abord avec mes parents, puis avec ma propre famille et mes amis. J’ai passé du temps à l’Île-du-Prince-Édouard et à Terre-Neuve-et-Labrador. J’ai découvert la majesté de la côte Est, qui est tout aussi belle et précieuse que la côte Ouest.

Je me pose donc la question suivante : pourquoi concentrons-nous tous nos efforts sur la côte Ouest? Si la circulation des pétroliers ne présente pas de danger pour la côte Est et le Saint-Laurent, pourquoi l’interdire sur la côte Ouest? Je ne comprends pas trop.

Il y a un autre aspect problématique qui n’est pas souvent mentionné dans le débat sur les pipelines et les pétroliers : le transport ferroviaire du pétrole. Plus nous évitons d’utiliser les ports et plus nous tardons à construire des pipelines pour le transport du pétrole, plus il y aura de pétrole transporté par voie ferroviaire. Or, les recherches montrent que c’est, de loin, le mode de transport du pétrole le plus dangereux. Nous n’oublierons jamais le cauchemar qu’a été la catastrophe de Lac-Mégantic. Un déraillement dans l’un des cours d’eau qui sont le moteur de l’Ouest aurait aussi des conséquences tragiques et indescriptibles pour l’environnement. À mon avis, un tel événement aurait des effets au moins aussi dévastateurs qu’un déversement en mer non contrôlé.

C’est justement ce qui est arrivé l’an dernier dans le col Rogers : 40 wagons ont quitté la voie ferrée. Imaginez les dégâts s’ils avaient contenu du pétrole au lieu de céréales. Là où je vis, en Colombie-Britannique, la quantité de pétrole qui emprunte le réseau continental du Canadien Pacifique vers l’ouest, c’est-à-dire à travers les Rocheuses et jusqu’à la côte, a carrément doublé. Ces trains circulent à flanc de montagne et longent la rive de la rivière Thompson et du magnifique fleuve Fraser jusqu’aux majestueux cours d’eau où vivent ou fraient de nombreuses espèces de saumon — dont le fameux saumon rouge — et d’esturgeon, ainsi que d’autres espèces de poisson.

Au comité, j’ai demandé à un des témoins ce qui arrive quand un déversement se produit dans l’océan. Je lui ai notamment demandé ce qui est prévu dans l’éventualité où un pétrolier se retrouverait dans un cours d’eau aussi agité que le fleuve Fraser. Il m’a répondu que rien de précis n’était prévu et qu’il n’y avait aucun moyen de limiter les dégâts en cas de déversement majeur en eau vive. En plus de détruire l’habitat du poisson et les frayères, le pétrole se retrouverait alors directement dans l’océan que nous essayons tous très fort de protéger. Peut-être devrions-nous nous intéresser davantage à la sécurité des pipelines eux-mêmes au lieu de penser seulement à acheminer le pétrole vers l’étranger.

Il ne s’agit pas simplement d’un débat sur les oléoducs et les pétroliers sur la côte Ouest. Il s’agit d’un débat sur notre capacité de travailler ensemble pour le bien commun et de trouver le lien qui nous unit et qui fait de nous tous des Canadiens, plutôt que de créer un fossé qui nous sépare en fonction de nos intérêts régionaux.

Les Canadiens jouissent d’une qualité de vie incomparable dans le monde. Ils profitent d’avantages dignes des pays industrialisés, comme des soins de santé universels, des infrastructures modernes et bien d’autres choses encore. Ces avantages sont possibles grâce au prélèvement de recettes fiscales, dont une grande partie provient du secteur des ressources.

Comme on l’a déjà dit, le secteur énergétique représente environ 10 p. 100 de l’économie canadienne et procure des centaines de milliers d’emplois directs et indirects à des Canadiens. Même si nous cherchons tous à réduire notre empreinte carbone, l’industrie pétrolière fait actuellement partie intégrante de notre vie et ne disparaîtra pas de sitôt.

J’ai eu la chance de faire partie de l’équipe du Sénat qui s’est rendue dans l’Ouest pour entendre des témoins au sujet du projet de loi C-48. Chacun d’entre eux s’est livré à un plaidoyer enflammé pour défendre sa position sur la question, et les deux parties ont souhaité évidemment faire pencher la balance en leur faveur.

Comme vous le savez, les témoins nous ont présenté des arguments valables et convaincants. Malheureusement, le gouvernement a rejeté l’amendement que nous lui avions proposé. Il ne s’agit pas d’un moratoire. Il s’agit de l’interdiction des pétroliers. Et ce que l’on interdit ici, ce ne sont pas seulement les pétroliers, mais aussi la prospérité du peuple de la nation nisga’a et d’autres peuples qui prient pour avoir le genre de possibilités dont profite le reste du pays.

J’aimerais vous rappeler que nous avons déjà un moratoire sur les pétroliers sur la côte Ouest et, espérons-le, un projet de loi C-69 pour nous protéger des risques d’un déversement d’hydrocarbures. Je voterai non à ce message. Merci.

Son Honneur le Président [ + ]

Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Son Honneur le Président [ + ]

L’honorable sénateur Harder, avec l’appui de l’honorable sénatrice Bellemare, propose que, en ce qui concerne le projet de loi C-48… puis-je me dispenser de lire la motion?

Son Honneur le Président [ + ]

Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Son Honneur le Président [ + ]

Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Son Honneur le Président [ + ]

Que les sénateurs qui sont contre la motion veuillent bien dire non.

Son Honneur le Président [ + ]

À mon avis, les oui l’emportent.

Son Honneur le Président [ + ]

Deux sénateurs se sont levés. Y a-t-il une entente au sujet de la sonnerie?

Son Honneur le Président [ + ]

Une heure. Le vote aura lieu à 18 h 24.

Convoquez les sénateurs.

L’honorable Marty Klyne [ + ]

Honorables sénateurs, je veux parler de mon abstention concernant le projet de loi C-48. Je comprends l’objectif du projet de loi et je comprends que la santé des milieux marins est essentielle au bien-être économique, culturel et environnemental du littoral vierge du Nord de la Colombie-Britannique et des communautés côtières. Je ne connais personne qui souhaite que cet environnement soit endommagé.

Je crois également que les groupes autochtones ont le droit de concevoir eux-mêmes leurs programmes socioéconomiques et qu’on ne devrait pas leur retirer des occasions d’autodétermination menant à la création de richesse et à l’autosuffisance.

Son Honneur le Président [ + ]

Je suis désolé, sénateur Klyne, mais lorsqu’un sénateur prend la parole pour expliquer son abstention, ce n’est pas le temps d’entrer dans un débat. Il s’agit généralement d’une brève intervention expliquant pourquoi le sénateur a choisi de s’abstenir. Ce n’est pas un droit. C’est simplement une pratique obscure que nous avons laissée se poursuivre au fil du temps et non la norme. Ce n’est vraiment pas une occasion de débattre à nouveau des questions dont le Sénat a déjà débattu. C’est simplement une brève explication de l’abstention.

Le sénateur Klyne [ + ]

C’est une question très importante. Je comprends.

Ce que je dois dire, c’est que j’appuyais le projet de loi lorsqu’il comprenait une évaluation régionale. Or, cela a été supprimé. Alors, pour moi, c’est devenu plus qu’une simple interdiction des pétroliers. Bref, c’est devenu une interdiction visant les ressources de l’Ouest canadien. J’espère que l’examen après cinq ans prouvera que j’ai tort.

Son Honneur le Président [ + ]

Le sénateur Klyne a la parole.

Le sénateur Klyne [ + ]

Quoi qu’il en soit, c’est trop loin dans le temps, ce qui me fait beaucoup hésiter. Voilà mes réflexions. C’est l’une des nombreuses raisons de mon abstention.

Son Honneur le Président [ + ]

Honorables sénateurs, comme il est plus de 18 heures, conformément à l’article 3-3(1) du Règlement, je dois quitter le fauteuil jusqu’à 20 heures, à moins que nous consentions à ne pas tenir compte de l’heure.

Vous plaît-il, honorables sénateurs, de faire abstraction de l’heure?

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