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La Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition

Projet de loi modificatif--Trente-cinquième rapport du Comité des affaires sociales, des sciences et de la technologie--Ajournement du débat

3 juin 2019


Propose que le rapport soit adopté.

— Honorables sénateurs, je prends aujourd’hui la parole pour vous recommander l’adoption du trente-cinquième rapport du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie. Ce rapport porte sur le projet de loi C-83, Loi modifiant la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition et une autre loi.

Le projet de loi C-83 vise à réformer le système correctionnel fédéral de diverses façons. L’un des objectifs du projet de loi est de réagir à certaines décisions récentes rendues par des tribunaux concernant l’isolement préventif : la décision de la Cour supérieure de justice de l’Ontario rendue en 2017 dans l’affaire Corporation of the Canadian Civil Liberties Association c. Her Majesty the Queen et la décision de la Cour suprême de la Colombie-Britannique rendue en 2018 dans l’affaire British Columbia Civil Liberties Association c. Canada (Attorney General).

Selon ces deux décisions, certaines pratiques liées à l’isolement préventif des détenus sous responsabilité fédérale violent des articles de la Charte canadienne des droits et libertés.

Le comité s’est efforcé d’examiner le projet de loi C-83 du mieux qu’il le pouvait, en travaillant avec diligence et dans des délais serrés.

Au cours des réunions qu’il a tenues, le comité a entendu 17 témoins, soit à titre individuel ou à titre de représentants de 8 organisations. Nous avons également reçu plus d’une douzaine de lettres et de mémoires d’experts et d’organisations.

Au nom du comité, je remercie toutes les personnes et toutes les organisations qui nous ont fourni leur expertise.

À la lumière des témoignages que nous avons entendus, le comité a apporté plusieurs amendements au projet de loi C-83 dans le but de l’améliorer.

Une définition d’« évaluation de la santé mentale » est ajoutée au début du projet de loi, à l’article 1. Le comité veut préciser que les personnes incarcérées ont le droit de pouvoir consulter des professionnels de la santé qualifiés qui ont les compétences nécessaires pour fournir des soins appropriés et efficaces.

Une déclaration est ajoutée à l’article 2 du projet de loi pour affirmer que le Service correctionnel du Canada « privilégie des mesures de rechange à l’isolement carcéral », principalement en faisant une interprétation large des articles 29, 81 et 84, qui prévoient des transfèrements dans les établissements de santé ou dans la communauté pour les délinquants admissibles. Le but de cet amendement est d’amener le Service correctionnel du Canada à recourir à des formes moins restrictives d’incarcération et d’encourager le recours à des approches de l’incarcération dans la collectivité, dans la mesure du possible.

L’article 2 est modifié pour indiquer que le Service correctionnel du Canada doit assurer la prestation efficace de programmes de réadaptation des personnes incarcérées, notamment des programmes d’éducation, de formation professionnelle et de bénévolat. Le Service correctionnel doit également considérer et privilégier des mesures de rechange à l’isolement carcéral. Le comité souhaite, par le biais de cet amendement, réaffirmer l’importance cruciale, pour les personnes incarcérées, de participer à des programmes de réadaptation et de réinsertion sociale.

Le projet de loi est également modifié à l’article 3 pour stipuler que les délinquants devraient subir une évaluation de leur santé mentale dès que possible dans les trente jours suivant l’arrivée du délinquant au pénitencier.

Des témoins ont mentionné au comité qu’une grande majorité des délinquants souffrent d’une maladie mentale diagnostiquée et qu’une évaluation opportune de leur santé mentale est essentielle. Un réaménagement des dispositions de l’article 7 a été effectué dans le but de souligner l’importance de transférer un délinquant dans un hôpital ou un établissement de santé mentale lorsque cela est possible.

On a dit au comité que les pénitenciers fédéraux ne convenaient guère pour traiter les gens atteints de maladies mentales. Cet amendement vise à garantir que les délinquants souffrant de maladie mentale reçoivent les soins et le traitement dont ils ont besoin dans un hôpital ou un établissement psychiatrique.

Le projet de loi est modifié à l’article 7 pour indiquer qu’un détenu transféré dans une unité d’intervention structurée doit faire l’objet d’une évaluation de la santé mentale dans les 24 heures suivant le transfèrement. De plus, toute personne souffrant d’un « trouble incapacitant de la santé mentale » doit être transférée dans un hôpital psychiatrique conformément à l’article 29.

L’objet de cet amendement est de réduire les préjudices que peuvent subir les délinquants atteints de maladie mentale qui sont placés dans des situations semblables à l’isolement dans une unité d’intervention structurée.

L’article 10 du projet de loi est amendé pour préciser que l’incarcération dans une unité d’intervention structurée prend fin « le plus tôt possible » et ne peut durer plus de « 48 heures sans autorisation de la cour supérieure ».

Les membres du comité croient fermement que la surveillance judiciaire du recours aux unités d’intervention structurée est nécessaire pour protéger les droits des délinquants.

L’article 14 du projet de loi est modifié de façon à obliger les agents du service correctionnel à présenter des « motifs raisonnables précis » de procéder à la fouille à nu d’une personne incarcérée.

Les témoins ont signalé l’effet négatif des fouilles à nu sur le bien-être mental des délinquants, particulièrement celui des femmes qui ont été victimes d’abus sexuels.

L’objectif est de faire en sorte que les fouilles à nu ne soient pas une procédure de routine, mais qu’elles soient fondées sur des soupçons précis à l’égard du délinquant en question.

L’amendement est conforme à l’Ensemble de règles minima des Nations Unies pour le traitement des détenus — les Règles Nelson Mandela — qui précisent que les fouilles à nu ne doivent être effectuées « que si elles sont absolument nécessaires » et qu’elles ne doivent pas être utilisées de manière systématique.

Le projet de loi est modifié à l’article 23 pour indiquer que le personnel du Service correctionnel du Canada doit également tenir compte du passé familial et de l’historique d’adoption lorsqu’il prend des décisions, en vertu de la loi, qui touchent un délinquant autochtone. Le but de cet amendement est de faire en sorte que, lorsqu’il prend des décisions qui touchent un délinquant autochtone, le personnel du Service correctionnel du Canada tienne compte de tous les facteurs sociohistoriques uniques qui affectent les peuples autochtones, y compris les traumatismes intergénérationnels causés par le système des pensionnats.

Les articles 24 et 25 du projet de loi sont modifiés afin d’affirmer que le Service correctionnel du Canada peut conclure un accord prévoyant la prestation de services correctionnels avec un organisme autochtone, un corps dirigeant autochtone ou un groupe communautaire axé sur les besoins d’un groupe défavorisé ou minoritaire.

En outre, si un délinquant demande le soutien, à sa libération, de l’une des entités mentionnées, le Service correctionnel du Canada offre à l’entité l’occasion de proposer un plan pour la libération du délinquant et son intégration au sein d’une collectivité.

L’objectif du comité consiste à encourager le Service correctionnel du Canada à travailler avec des communautés autochtones, ainsi qu’avec des groupes représentant d’autres populations défavorisées ou en situation minoritaire, de même qu’à promouvoir des solutions de rechange communautaires à l’incarcération de ces populations.

Un nouvel article 35.1 est ajouté au projet de loi pour permettre à une personne incarcérée de demander au tribunal qui a imposé la peine qui est purgée une ordonnance de réduction de la période d’incarcération ou de la période d’inadmissibilité à la libération conditionnelle si, de l’avis du tribunal, il y a eu injustice dans l’administration de la peine. « Injustice dans l’administration de la peine » s’entend des décisions, recommandations, actes ou omissions par le Service correctionnel du Canada qui ont eu une incidence sur la personne incarcérée et qui sont, selon le cas, contraires à la loi ou à une ligne de conduite établie, déraisonnables, injustes, oppressants ou abusivement discriminatoires, fondés en tout ou en partie sur une erreur de droit ou de fait, ou représentent une utilisation abusive d’un pouvoir discrétionnaire.

Le but de cet amendement est de fournir aux délinquants des voies de recours pour contrer de possibles abus de pouvoir de la part du Service correctionnel du Canada, comme le recours injuste à l’isolement pendant une période prolongée.

Enfin, l’article 40 est amendé pour prévoir que, à la deuxième et cinquième années suivant la date d’entrée en vigueur de la loi, un examen approfondi des dispositions édictées par la loi doit être fait par un comité du Sénat et un comité de la Chambre des communes.

Le but de cet amendement est d’assurer une reddition de comptes en garantissant que les changements mis en œuvre par la loi font l’objet d’un suivi par le Sénat et la Chambre des communes.

Voilà ce qu’il en est des 16 amendements adoptés par notre comité. Durant son étude, le comité a tenu compte des préoccupations d’ordre constitutionnel qui ont été soulevées dans cette Chambre à l’étape de la deuxième lecture. Certains de nos amendements sont présentés dans le but de répondre à ces préoccupations.

Dans une de ses trois observations, le comité demande à son tour à cette assemblée d’examiner ces questions plus en détail au cours du débat à l’étape de la troisième lecture. Les deux autres observations concernent l’évaluation psychiatrique des personnes incarcérées. Le comité s’inquiète du fait que le projet de loi C-83 n’impose pas au personnel du Service correctionnel du Canada d’être formé ou d’avoir des compétences en matière de santé mentale pour mieux dépister et soutenir les personnes incarcérées souffrant d’une maladie mentale.

Le comité s’inquiète également du fait que le projet de loi ne donne pas de détails sur la nature des programmes de thérapie et de réadaptation offerts aux personnes incarcérées dans une unité d’intervention structurée, ni sur les critères de sélection des participants ou sur l’évaluation des programmes. Nous avons jugé que cet élément était réellement important, afin de mieux comprendre et d’améliorer la santé mentale des personnes incarcérées dans une unité d’intervention structurée.

Sur ce, je vous recommande d’adopter ce rapport de manière à poursuivre dans cette Chambre l’étude du projet de loi C-83 à l’étape de la troisième lecture. Merci.

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