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La Loi sur le ministère des Femmes et de l’Égalité des genres

Projet de loi modificatif--Deuxième lecture--Suite du débat

27 février 2020


Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour appuyer le projet de loi S-209. Tout d’abord, je voudrais remercier la sénatrice McCallum d’avoir parrainé ce projet de loi.

En particulier, je tiens à souligner que la sénatrice McCallum a entrepris des démarches en vue d’amener le gouvernement à appliquer l’analyse comparative entre les sexes plus, ou ACS+, dans l’élaboration de ses projets de loi, politiques et programmes.

L’ACS+ est un outil d’analyse qui tient compte de multiples facteurs liés à l’identité, au genre et à l’expérience individuelle. Étant donné que le genre est intersectionnel, l’ACS+ contribue à ce que les politiques, les programmes et les projets de loi tiennent compte des diverses réalités et expériences vécues. En retour, cela nous aide à créer des programmes et des politiques plus inclusifs, plus accessibles et plus efficaces.

Dans son discours, la sénatrice McCallum a parlé de son expérience à titre de femme membre des Premières Nations. Elle a fourni des exemples précis de l’incidence disproportionnée que peuvent avoir les politiques du gouvernement sur les femmes autochtones.

La sénatrice a également parlé de la nécessité d’inscrire dans la loi l’obligation de tenir compte, dans les futurs projets de loi, des conséquences potentielles sur les femmes autochtones. Compte tenu de la nature paternaliste et souvent hostile de la relation entre le droit canadien et les femmes autochtones, le projet de loi S-209 est pertinent dans notre travail de législateurs au sein d’une institution destinée à représenter les voix des minorités.

Vu l’importance de l’ACS+, le gouvernement doit rendre obligatoire, par la voie législative, l’adoption d’une politique de mise en œuvre de l’ACS+ dans tous les ministères. Sans l’ACS+, les femmes et les filles sont fortement touchées par les politiques. On parle de conséquences imprévues qui souvent, n’auraient pas pu être anticipées par le gouvernement. Il y a des conséquences imprévues quand on élabore des lois.

Par ailleurs, comme l’ACS+ n’est pas obligatoire selon la loi, les futurs gouvernements sont libres de s’en débarrasser complètement. Actuellement, sa mise en œuvre dans les différents ministères est partielle et inégale. Ces derniers ne sont pas tenus de prendre en compte les répercussions sexospécifiques des lois ou des politiques.

En 2015, le gouvernement a renouvelé son engagement envers l’ACS+, notamment en demandant à la ministre de la Condition féminine de l’époque de s’assurer que les politiques, les lois et les règlements du gouvernement tiennent compte des différentes répercussions possibles des décisions sur les personnes de toutes les identités et les expressions sexuelles.

Malgré cela, l’ACS+ n’est toujours pas mise en œuvre de façon uniforme dans tous les ordres de gouvernement. En 2009 et en 2015, le vérificateur général a souligné que l’ACS+ n’avait pas été systématiquement mise en œuvre. Là encore, malgré l’engagement du gouvernement envers l’ACS+, il n’existe toujours pas de politique gouvernementale obligeant les ministères et les organismes de la mettre en œuvre. En 2016, un rapport du Comité permanent de la condition féminine a confirmé que, malgré l’engagement du gouvernement fédéral à mettre en œuvre l’ACS+, ce n’était pas encore chose faite.

Une enquête interne menée en 2018 par Condition féminine Canada a mesuré la mise en œuvre de l’ACS+. Les résultats ont révélé que moins de la moitié des ministères et organismes disposaient d’un plan de mise œuvre de l’ACS+. La plupart ont déclaré qu’ils ne disposaient pas des mécanismes internes nécessaires pour en créer un et le mettre en œuvre.

Bien que certains ministères, comme le ministère de la Justice du Canada et le ministère des Affaires mondiales du Canada, aient mis en œuvre des éléments clés de l’ACS+, d’autres n’ont aucun cadre d’ACS+. En ce qui concerne les ministères qui ont mis en œuvre certains éléments de l’ACS+, les analyses ne sont pas toujours complètes et leur qualité n’est pas uniforme.

De plus, en centralisant la responsabilité de l’ACS+ au sein de Femmes et Égalité des genres Canada par l’intermédiaire du projet de loi S-209, nous uniformiserions le processus d’ACS+ et créerions un mécanisme de surveillance pour évaluer l’exécution et la non-exécution de l’ACS+. À titre d’exemple, les ministères sont censés effectuer des analyses comparatives entre les sexes lorsqu’ils soumettent des mémoires au Cabinet ou au Conseil du Trésor. Cependant, la surveillance et le suivi des responsabilités des ministères en matière d’ACS+ font défaut. De plus, même dans ces contextes, les ministères sont seulement tenus de mener une ACS+ s’ils déterminent au préalable qu’il existe des facteurs liés à l’ACS+. Bref, si vous n’en voyez pas et si vous n’êtes pas en mesure de les cerner, vous n’y prêtez pas attention.

Bien que les ministères soient tenus de fournir des données probantes à l’appui de leurs conclusions qu’il n’y a pas de facteur lié à l’ACS+, il n’existe actuellement aucun mécanisme pour rendre cette justification accessible au public. Le projet de loi empêcherait les considérations liées à l’ACS+ d’être rejetées avant qu’une analyse soit effectuée et exigerait que les résultats des analyses soient mis à la disposition du public canadien.

Sur le plan législatif, seuls les projets de loi du gouvernement doivent actuellement comporter une analyse comparative entre les sexes plus. Toutefois, ce n’est pas encore fait de manière systématique, faute d’un processus uniforme et d’une loi. Si des enjeux liés à l’analyse comparative entre les sexes plus sont soulevés relativement avec une mesure législative, le gouvernement est libre de les ignorer et de faire adopter le projet de loi sans que les parlementaires non ministériels ou le public soient informés des enjeux en question ou des raisons invoquées pour les ignorer.

Le projet de loi S-209 instaure une transparence indispensable dans le processus en exigeant que toutes les analyses soient rendues publiques. Comme nous le savons, la transparence des processus gouvernementaux est essentielle pour maintenir la confiance dans le système et garantir aux Canadiens que le gouvernement s’engage à comprendre l’impact différentiel d’une mesure législative sur les particuliers et les groupes de particuliers.

Le projet de loi S-209 rendrait l’analyse comparative entre les sexes plus obligatoire pour tous les projets de loi à venir, y compris les projets de loi d’initiative parlementaire. Dans le cas de la modification d’une loi, le projet de loi S-209 exigerait des analyses supplémentaires pour confirmer qu’elle reste conforme à l’analyse comparative entre les sexes plus. Honorables sénateurs, le projet de loi S-209 créerait un critère permettant d’évaluer plus précisément et plus efficacement les effets concrets d’une loi sur les femmes et les personnes de sexe différent. Les considérations qui se dégagent des analyses comparatives entre les sexes plus seraient consignées, ce qui sera utile aux futurs gouvernements qui chercheront à tirer les leçons du passé pour élaborer de meilleures lois et de meilleures politiques.

Nous savons que le gouvernement actuel a placé l’égalité des sexes au premier plan de son mandat. Toutefois, il est clair qu’à défaut de légiférer la réalisation d’analyses comparatives entre les sexes plus, les femmes, les filles et les individus non binaires du Canada continueront à subir des inégalités du fait de leur genre. Le projet de loi S-209 crée un outil permettant à tous les Canadiens d’exiger des comptes des décideurs relativement à la promesse constitutionnelle d’une égalité des sexes, et c’est pour moi un honneur de prendre la parole pour appuyer ce projet de loi. Merci. Meegwetch.

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