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Projet de loi modifiant certaines lois et d'autres textes en conséquence (armes à feu)

Deuxième lecture--Suite du débat

20 juin 2023


Honorables sénateurs, je prends la parole au sujet du projet de loi C-21. Cependant, avant d’entrer dans le vif du sujet, je tiens à ce que vous sachiez que j’ai six policiers, un juge et deux avocats dans ma famille élargie. Je respecte donc la primauté du droit. À l’exception d’avoir volé un lait au chocolat de la crèmerie lorsque j’étais enfant, j’ai été un honnête citoyen, mais j’ai des problèmes avec le projet de loi. À mon avis, il cible les Canadiens des régions rurales.

Le sénateur D. Patterson [ + ]

Bravo!

C’est l’œuvre de Canadiens urbains qui ne comprennent pas ce que font les Canadiens ruraux ni qui ils sont.

Jadis, j’utilisais mes carabines pour la chasse. Bien que je ne chasse plus, ce sont mes souvenirs d’une époque révolue. Or, elles sont ciblées par un nouveau règlement sérieux. Ce règlement a été pris dans l’espoir de réduire la criminalité, mais dans bien des cas on refuse d’en concentrer l’application sur les auteurs d’actes criminels.

J’ose croire que le projet de loi C-21 part d’une bonne intention. Cependant, il repose sur des suppositions arrogantes et a été concocté par des gens dont la plupart n’ont jamais possédé ou utilisé d’arme, n’ont jamais tenté de repérer un orignal ou un chevreuil, n’ont jamais installé une cache de chasse à l’orignal dans la pluie, et n’ont jamais attendu un signe de rut jusqu’à la tombée de la nuit. Ce sont là des aptitudes extrêmement importantes et des connaissances utiles pour tout Canadien rural, qu’il soit blanc, membre des Premières Nations, francophone ou anglophone.

Pour m’écarter un instant de mon discours, si vous êtes un Canadien des régions rurales qui vit dans les Maritimes, ou n’importe où au Canada, vous savez probablement ce que signifie descendre une rivière en canoë au début du printemps pour y chercher des crosses de fougères. Ensuite, vous descendez la rivière avec votre canne à pêche et vous pêchez la truite. Vous attendez l’arrivée des saumons en juin, puis les madeleineaux suivent les saumons. Ensuite, vous pêchez les grosses truites plus tard dans l’été. À ce moment-là, vous êtes en train de repérer les orignaux et d’installer votre poste de chasse à l’orignal. Enfin, en novembre, lorsque le temps devient frais, vous chassez le cerf. Cette tradition existe depuis que je suis au monde et remonte à plusieurs siècles. C’est une tradition que les Canadiens urbains ne comprennent pas quand il est question de la réglementation des armes à feu.

Je refuse de dire que leurs intentions sont malveillantes, mais elles sont peut-être malavisées. Bon nombre de ceux qui seront affectés par ce projet de loi — ceux qui seront scrutés à la loupe — n’ont rien fait pour mériter une telle surveillance. Je vous dirais que ce serait bien si cela contribuait à mettre fin à la grande majorité des crimes et des meurtres, mais je ne suis pas convaincu que ce sera le cas. Tout ce que ce projet de loi offre, c’est une réglementation encore plus serrée — et je serais porté à croire que c’est l’unique but souhaité. Cela correspond au modèle canadien de surveillance qui est souvent à la fois rigide et inefficace. La réglementation accrue, c’est le nouvel et précieux opioïde de la masse.

Pourquoi mes concitoyens m’écrivent-ils à propos de ces mesures législatives? Pourquoi sont-ils tellement en colère au sujet de ce projet de loi? C’est parce qu’ils se font sermonner, encore une fois, par un gouvernement qui présume et prétend avoir une moralité supérieure à celle de certains de ses citoyens. Il prend de haut et traite avec condescendance de nombreuses personnes qui n’ont rien fait de mal. Le gouvernement les soupçonne — sans preuve — de crimes qu’elles ne feraient jamais, tout en étant incapable d’arrêter ceux qui continueront de mal agir, malgré les règlements qu’il propose continuellement et inlassablement.

Avec ce projet de loi, le gouvernement s’en prend uniquement aux Canadiens qu’il se sent à l’aise de cibler.

Le sénateur D. Patterson [ + ]

Bravo!

Cela fait longtemps que le gouvernement n’a pas témoigné de sa reconnaissance envers les camionneurs et les gens ordinaires, ni envers les Canadiens ordinaires qui sont des êtres humains dignes et extraordinairement généreux. Cela fait très longtemps. En fait, on nous dit que nous n’avons pas le droit de nous considérer comme étant dignes à moins que nous acceptions les propositions des nombreux projets de loi dont nous sommes saisis. Nous devons nous corriger afin de remplir un mandat présenté par les gens du gouvernement qui sont souvent beaucoup plus crédules que nous concernant le caractère véritable des Canadiens.

Le projet de loi manque de courage par rapport à qui il pointe du doigt et sur qui il jette le blâme, mais il ne réussit toujours pas à régler le problème de la violence. Même si je le souhaitais, le projet de loi ne mettra pas fin à la violence perpétrée par les gangs. En fait, à sa manière aveugle, il propose en fait de les recruter.

Cette nouvelle mesure législative sollicite les autres et promeut l’idée d’un programme de dénonciation en cas de signal d’alarme. On veut créer une communauté de petits dénonciateurs. La mesure ratissera tellement large que parmi les coupables, bien trop de personnes innocentes seront prises.

Tôt ou tard, personne ne sera à l’abri. Nous serons tous suspects si nous avons l’heur de déplaire à la mauvaise personne. C’est là que le nouveau projet de loi fusionne l’angoisse et la propagande pour rendre les propriétaires d’armes à feu coupables sans procès, ce sera fait en secret, par des accusateurs inconnus. Il faut avoir appartenu au cercle restreint d’une chorale au secondaire pour penser que c’était une bonne idée.

Les armes de la bonne personne peuvent être confisquées. Mais avec le temps, beaucoup d’innocents seront identifiés. Or, rien de tout cela n’empêchera le commerce illégal des armes de poing, la contrebande dans certaines réserves et à l’extérieur de celles-ci, l’importation clandestine d’armes par des bandes de motards et d’autres groupes. C’est là que sont acquises la plupart des armes à feu illégales utilisées pour commettre des crimes.

Est-ce que le fait d’accorder des droits acquis pour une carabine que j’ai achetée quand j’avais 18 ans, parce que je peux porter huit balles dans mon chargeur, empêchera quelqu’un d’acheter illégalement une arme de poing semi-automatique un soir de désespoir à Scarborough, en Ontario?

Le projet de loi rend des milliers de personnes coupables par association d’une nouvelle illégalité générale. Le gouvernement s’offusque quand les gens dénoncent le projet de loi, mais les gens ont tout à fait le droit de voir son cadre réglementaire comme une absurdité flagrante qu’aucun contrôle ne corrigera.

Je ne suis pas en train de dire qu’il ne devrait y avoir aucune loi en la matière. Ce n’est absolument pas ce que je veux dire. Cependant, je fais valoir que ces dispositions sont, pour la plupart, inefficaces. J’aimerais bien que ce ne soit pas le cas, mais ce l’est. Elles indiquent comment le gouvernement perçoit des Canadiens qu’il reconnaît coupables sans procès. Ne vous y trompez pas : l’approche ici s’apparente à de l’intimidation.

Les deux actes les plus violents ayant été commis au pays ces trois dernières années l’ont été par un sordide psychopathe obsédé par les véhicules de police, qui avait peu à voir avec la chasse, et un autre homme violent et malade armé d’un couteau ensanglanté dans une réserve de la Saskatchewan.

Le gouvernement a utilisé les horribles meurtres en Nouvelle-Écosse et à Uvalde, au Texas, comme un outil pour soutenir sa position. Dans les deux cas, de malheureuses erreurs de la part des forces de l’ordre chargées de nous protéger ont également contribué à la situation.

Honorables sénateurs, le Canada est très différent des États-Unis.

Une agente de la GRC a courageusement donné sa vie lorsqu’elle est tombée dans une embuscade parce que personne ne lui avait donné l’information dont elle avait besoin. Elle a réussi à dégainer son arme et à riposter. Elle a fait la seule chose qu’elle pouvait faire.

Je crois aussi qu’une personne a le droit de posséder une arme à feu pour se protéger au même titre que n’importe qui d’autre. Dans le cas d’une personne qui habite à une heure de route du détachement de la GRC le plus près, il est préférable qu’elle ait une arme à feu sous la main plutôt qu’un policier au bout du fil lorsque quelqu’un veut s’en prendre à elle ou à sa famille. Le droit d’une personne de se protéger a été affaibli par des mesures législatives mises en place par des gens qui ont des gardes de sécurité et des boutons de panique à leur disposition.

Je ne cherche pas à minimiser la violence au Canada; j’y ai été exposé dans ma jeunesse. Je sais que des hommes violents peuvent causer bien des torts. Cependant, bon nombre de mesures dans ce projet de loi ne sont que de simples mesures administratives qui ne nous aideront pas à contrer la colère et la haine.

Je crois que Platon avait raison de dire que les bonnes personnes n’ont pas besoin de lois et que les mauvaises personnes n’en tiendront jamais compte.

Je terminerai par ceci : j’ai vu un moment des événements à Uvalde — je ne voulais pas le voir, mais je suis tombée sur ce moment-là en allumant la télévision. J’ai vu une petite fille assise à son pupitre — un pupitre d’écolière — avec son crayon placé dans la rainure, les mains bien croisées et du sang sur sa robe. Elle essayait d’expliquer à l’homme qui s’apprêtait à la tuer que c’était mal, qu’elle voulait voir sa mère et que ce qu’il faisait n’était pas bien. L’âme de cette fillette était généreuse et vivante, mais celle du tireur, son âme maudite, était morte. Je n’oublierai jamais, au grand jamais, cette fillette assise à son pupitre d’écolière avec le sang d’un de ses camarades de classe sur sa robe. Les policiers étaient dans le couloir avec leurs armes, totalement impuissants et figés.

Je crois que parmi tous les hommes et toutes les femmes que je connais, avec qui j’ai chassé et pêché, il n’y en a pas un qui n’aurait pas donné sa vie pour protéger cette petite fille. Je suis sûr qu’il en va de même pour tous les hommes et toutes les femmes du Sénat, qu’ils soutiennent ce projet de loi ou non. Il est vrai qu’ils l’auraient abattu parce qu’ils auraient été obligés de le faire. Ils n’auraient pas eu d’autre choix. Ainsi, quand cette agente de la GRC a sorti son arme en Nouvelle-Écosse, il n’y avait pas d’autre solution.

C’est la différence entre le bien et le mal en ce qui concerne les armes à feu et, malheureusement, en ce qui concerne la mauvaise orientation du projet de loi C-21. Pour ces raisons, je voterai contre le projet de loi.

Merci beaucoup.

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